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N
° 831

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ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

QUATORZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l'Assemblée nationale le 20 mars 2013.

RAPPORT

FAIT

AU NOM DE LA COMMISSION DES AFFAIRES ÉTRANGÈRES SUR LE PROJET DE LOI n° 72, autorisant l’approbation de l’accord entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la Principauté de Monaco relatif à la prise en charge sur le territoire français de déchets radioactifs monégasques,

PAR M. Philippe BAUMEL

Député

——

ET

ANNEXE : TEXTE DE LA COMMISSION DES AFFAIRES ÉTRANGÈRES

INTRODUCTION 5

I. UNE SOLUTION PRAGMATIQUE ET RESPONSABLE, DE FAIBLE INCIDENCE EN FRANCE ET CONFORME AUX RELATIONS ÉTROITES ET PRIVILÉGIÉES AVEC MONACO 7

1. Permettre le stockage des déchets radioactifs monégasques dans des conditions de sécurité et de sûreté pleinement satisfaisantes 7

2. Une incidence minime en France 8

3. Une nouvelle manifestation des relations étroites et privilégiées entre la France et Monaco 9

II. UN DISPOSITIF ASSORTI DE TOUTES LES GARANTIES NÉCESSAIRES 11

1. La prise en charge des déchets monégasques par l’Andra : une procédure rigoureusement encadrée 11

2. Un impact financier nul pour la France 12

3. Un encadrement précis des entités et des déchets concernés 13

CONCLUSION 15

EXAMEN EN COMMISSION 17

_____

ANNEXE – TEXTE DE LA COMMISSION DES AFFAIRES ÉTRANGÈRES 19

INTRODUCTION

Mesdames, Messieurs,

Le stockage à titre définitif sur le territoire français de déchets radioactifs en provenance de l’étranger est prohibé depuis l’adoption de l’article 8 de la loi n° 2006-739 du 28 juin 2006, codifié à l’article L. 542-2 du code de l’environnement.

Le présent accord tend à introduire une exception à ce principe afin de permettre la prise en charge de déchets radioactifs issus de la Principauté de Monaco. Cette exception, qui ne concerne qu’un volume très limité de déchets produits dans le cadre d’activités médicales ou de recherche, est justifiée par deux raisons principales :

- l’impossibilité de stocker de tels déchets dans des conditions de sécurité et de sûreté satisfaisantes à Monaco en raison des spécificités de son territoire ;

- les relations étroites et privilégiées entre la France et Monaco, qui se traduisent déjà par des coopérations dans de multiples domaines.

Comme le rappelle l’étude d’impact, l’article L. 542-2 du code de l’environnement devrait être modifié en conséquence, dans un souci de transparence.

L’accord est en revanche conforme au droit européen en vigueur. La directive 2006/117/EURATOM du 20 novembre 2006 rend ainsi possible et organise les transferts de déchets radioactifs, non seulement entre Etats membres de la Communauté européenne de l’énergie atomique, mais aussi avec des Etats non membres.

Du reste, le stockage de déchets radioactifs étrangers est déjà autorisé dans plusieurs autres pays européens :

- au Royaume-Uni, l’importation de déchets radioactifs étrangers est interdite, sauf ceux en provenance de pays membres de l’Union européenne qui en produiraient de trop faibles quantités pour qu’il soit raisonnable de mettre en place des installations adaptées de stockage sur leur territoire et ceux qui proviendraient de pays en développement dont il ne serait pas non plus raisonnable d’attendre qu’ils disposent de telles installations (1) ;

- en Belgique, les déchets radioactifs d’origine étrangère sont explicitement exclus du système de gestion de l’Organisme national des déchets radioactifs et des matières fissiles enrichies (ONDRAF), à moins d’un accord de sa tutelle – le gouvernement belge a ainsi accepté d’accueillir les très faibles quantités de déchets radioactifs produites sur le territoire du Grand-Duché de Luxembourg (2).

Dans le même esprit, le présent accord propose une solution pragmatique et responsable pour la prise en charge des déchets radioactifs monégasques. Votre Rapporteur exposera les nombreuses garanties dont l’accord est assorti en matière procédurale, au plan financier et quant à son champ d’application.

I. UNE SOLUTION PRAGMATIQUE ET RESPONSABLE, DE FAIBLE INCIDENCE EN FRANCE ET CONFORME AUX RELATIONS ÉTROITES ET PRIVILÉGIÉES AVEC MONACO

1. Permettre le stockage des déchets radioactifs monégasques dans des conditions de sécurité et de sûreté pleinement satisfaisantes

Afin d’assurer la protection des populations et de l’environnement contre les effets dommageables des rayonnements ionisants, l’implantation d’un centre de stockage définitif des déchets radioactifs doit obéir à des normes de sûreté et de sécurité qui s’appuient notamment sur les standards définis par l’Agence internationale de l’énergie atomique (AIEA).

Or, tant la topographie de la principauté de Monaco, essentiellement composée de terrains vallonnés et rocheux, situés sur la partie inférieure d’un massif montagneux, que sa superficie limitée – deux km2 –, la géologie de son territoire, exposé à des risques sismiques, la densité de sa population (16 000 habitants par km2) et l’importance des flux de travailleurs avec la France et l’Italie – plus de 36 000 personnes issues des communes avoisinantes –, ont conduit à la conclusion que le territoire monégasque ne se prêtait pas à l’implantation d’un centre de stockage pour les déchets radioactifs.

Quant à l’immersion des déchets, qui a été pratiquée par de nombreux pays pendant une trentaine d’années à partir de la fin des années 1940, d’abord à faible profondeur, puis à grande profondeur dans les eaux internationales, elle n’est plus considérée aujourd’hui comme un mode de gestion responsable. En France, cette pratique a ainsi été abandonnée en 1982. Celle du stockage in situ n’est réellement optimale que pour les déchets contenant des radionucléides à vie très courte, essentiellement utilisés à des fins de diagnostic ou thérapeutique. Ces déchets peuvent être gérés sur leur site de production en « décroissance », le temps que leur radioactivité disparaisse, avant d’être évacués dans les filières classiques de gestion des déchets.

En l’absence de possibilités de stockage à Monaco dans des installations adaptées, la France ferait donc preuve de responsabilité et de solidarité en acceptant de prendre en charge (3) les déchets radioactifs monégasques dans les meilleures conditions de sûreté, de sécurité et de radioprotection des populations. Comme l’indique l’étude d’impact accompagnant le projet de loi, « les conditions actuelles de conservation de ces déchets sont peu satisfaisantes » en l’état à Monaco, tant au plan environnemental qu’au plan sanitaire.

2. Une incidence minime en France

La quantité très limitée des déchets radioactifs potentiellement concernés plaide aussi pour la solution proposée par le présent accord.

La Principauté de Monaco, dépourvue d’industrie électronucléaire et de force de dissuasion, produit en effet peu de déchets radioactifs (4) en valeur absolue et par rapport au nombre de personnes résidant sur son territoire. Comme votre Rapporteur l’a déjà indiqué, ces déchets proviennent aujourd’hui du secteur médical et du secteur de la recherche – en l’occurrence, ils sont produits par des laboratoires du Centre scientifique de Monaco et de l’Agence internationale de l’énergie atomique (AIEA).

Répartition du volume total de déchets radioactifs
par secteurs économiques en France à la fin de l’année 2010

(Source : Inventaire national des matières et déchets radioactifs, 2012)

Selon l’étude d’impact, la production de ces déchets radioactifs est évaluée en moyenne à 165 kg par an, sur la base d’un retour d’expérience de dix ans. Ce chiffre doit être mis en rapport avec la collecte des déchets radioactifs des petits producteurs français, qui s’élève à environ 100 000 kg par an. La part des déchets monégasques ne représenterait qu’environ 0,16 % de ces déchets. Leur volume est si faible que leur prise en charge sur le territoire français ne devrait même pas donner lieu à la création d’activités ou d’emplois supplémentaires.

Le volume des déchets radioactifs produits chaque année sur le territoire monégasque doit également être mis en rapport avec les capacités de prise en charge disponibles au sein des centres français de stockage qui sont aujourd’hui exploités par l’Agence nationale pour la gestion des déchets radioactifs (Andra), établissement public industriel et commercial chargé de la gestion à long terme des déchets radioactifs en France.

Il s’agit tout d’abord du Centre de stockage de l’Aube (CSA), en exploitation depuis le 13 janvier 1992 pour les déchets de faible et moyenne activité à vie courte. A la fin de l’année 2011, le volume des déchets radioactifs stockés s’élevait à 255 143 m3, soit environ 25 % de la capacité de stockage autorisée sur ce site.

Le Centre industriel de regroupement, d’entreposage et de stockage (CIRES), quant à lui, est autorisé à stocker des déchets de très faible activité, à regrouper des déchets radioactifs non électronucléaires provenant des hôpitaux, de la recherche, des laboratoires pharmaceutiques ou d’autres filières industrielles, ainsi qu’à entreposer certains de ces déchets qui n’ont pas encore de solution définitive de gestion (5). A la fin de l’année 2011, seuls 31 % du volume total de stockage autorisé du CIRES, soit 650 000 m3, étaient utilisés.

Classification des déchets radioactifs et mode de gestion

(Source : Inventaire national des matières et déchets radioactifs, 2012).

3. Une nouvelle manifestation des relations étroites et privilégiées entre la France et Monaco

Outre les considérations liées aux spécificités du territoire monégasque et à l’incidence minime de la prise en charge de déchets radioactifs en provenance de Monaco sur les capacités de stockage françaises, le présent accord se justifie aussi par les liens étroits et privilégiés entre la France et Monaco.

Les relations franco-monégasques sont désormais régies par le traité du 24 octobre 2002, qui établit une « communauté de destin » particulièrement étroite entre les deux pays. On relèvera en particulier les points suivants :

- « La République française assure à la Principauté de Monaco la défense de son indépendance et de sa souveraineté et garantit l'intégrité du territoire monégasque dans les mêmes conditions que le sien » (article 1er) ;

- La Principauté s'engage à ce que les actions qu'elle conduit dans l'exercice de sa souveraineté s'accordent avec les intérêts fondamentaux de la République française dans les domaines politique, économique, de sécurité et de défense » (même article) ;

- La Principauté de Monaco « s'assure par une concertation appropriée et régulière que ses relations internationales sont conduites sur les questions fondamentales en convergence avec celles de la République française » (article 2).

Ces relations étroites et privilégiée se traduisent notamment par la réunion annuelle d’une commission de coopération, tantôt à Monaco, tantôt en France, qui sert de cadre aux consultations entre les deux pays sur les thèmes d’intérêt commun. Selon les réponses fournies à votre Rapporteur, la relation franco-monégasque serait déjà forte de plus de 140 accords bilatéraux dans de nombreux domaines. On peut citer en particulier la convention destinée à adapter et à approfondir la coopération administrative du 8 novembre 2005, l’union douanière formée en 1963 et les nombreux accords de coopération de voisinage qui ont été signés pour améliorer les relations transfrontalières au quotidien.

Ces relations conduisent la France à aider la Principauté dans des domaines cruciaux pour elle, outre la défense de son indépendance et de sa souveraineté. En matière d’énergie, par exemple, la convention du 25 juin 2009 relative à l’approvisionnement de la Principauté de Monaco en électricité permet aux consommateurs finals monégasques de bénéficier des mêmes tarifs réglementés qu’en France. Là encore, l’exiguïté et l’enclavement du territoire de la Principauté ne lui permettaient pas de disposer d’installations adaptées pour la production d’énergie électrique.

Le présent accord, qui permettra de prendre en charge des déchets radioactifs monégasques à titre exceptionnel, donnera une nouvelle traduction concrète à la « communauté de destin » entre les deux Etats.

II. UN DISPOSITIF ASSORTI DE TOUTES LES GARANTIES NÉCESSAIRES

1. La prise en charge des déchets monégasques par l’Andra : une procédure rigoureusement encadrée

La conclusion d’un accord de prise en charge entre l’Andra et les entités monégasques productrices sera soumise à une autorisation préalable du ministre français en charge de l’énergie, après avis de l’Andra et de l’Autorité de sûreté nucléaire (ASN).

En vertu de l’article 3, cette autorisation est soumise au respect de deux conditions : d’une part, la disponibilité des exutoires français ; d’autre part, le « respect des conditions techniques d’acceptabilité » applicables, c’est-à-dire les spécifications liées aux modes de traitement et de stockage des déchets radioactifs, telles qu’elles sont précisées dans le guide d’enlèvement des déchets radioactifs publié par l’Andra. (6).

En outre, même si les deux conditions précitées sont satisfaites, il résulte de la rédaction de l’article 3 que le Gouvernement français conservera la faculté de ne pas autoriser la prise en charge de déchets radioactifs monégasques. L’approbation du présent accord ne conduira donc pas à une prise en charge automatique.

Votre Rapporteur tient aussi à insister sur les garanties prévues pour assurer la bonne information des autorités françaises. Afin que leur décision soit parfaitement éclairée, les autorités monégasques seront tenues de fournir un descriptif détaillé des déchets, notamment leur poids, leur volume, la nature des radionucléides, ainsi que tout élément concernant l’activité et la composition des déchets, en vertu du 3e paragraphe de l’article 3.

Par ailleurs, conformément à la directive précitée 2006/117/EURATOM, le transfert devra faire l’objet d’une demande d’autorisation. Il faudra alors produire le « document uniforme pour la surveillance et le contrôle des transferts de déchets radioactifs et de combustible nucléaire usé » exigé par l’article 17 de la directive. Le lieu de détention des déchets radioactifs avant leur transfert devra notamment être indiqué, et des précisions devront être apportées sur leur nature, sur le type d’activité ayant conduit à leur production et sur leur transport.

L’information des autorités françaises sera également assurée a posteriori grâce à la remise annuelle d’un rapport de l’Andra à la Commission de coopération franco-monégasque instituée par le traité précité du 24 octobre 2002. Ce rapport portera notamment sur la nature, le volume et l’origine des déchets radioactifs monégasques stockés ou entreposés en France, ainsi que sur les types d’exutoires utilisés à cette fin, conformément à l’article 7.

Afin d’éviter la lourdeur administrative qui pourrait résulter de la procédure de demande d’autorisation préalable des autorités monégasques auprès des autorités françaises pour la prise en charge régulière de colis de déchets ayant les mêmes caractéristiques physiques, chimiques et radiologiques, l’accord prévoit qu’une demande puisse couvrir des « cas génériques » pour une durée maximale de cinq ans (4e paragraphe de l’article 3).

Sur ce point, votre Rapporteur tient à rappeler qu’il existe aussi en France la possibilité de conclure avec l’Andra des accords-cadres pour la prise en charge régulière de déchets présentant les mêmes spécificités. La prise en charge des déchets monégasques sera donc comparable à la gestion par l’Andra des demandes effectuées en France – elles peuvent être ponctuelles ou bien couvrir des cas « génériques ».

Par ailleurs, quand bien même des déchets radioactifs monégasques auraient fait l’objet d’une demande « générique », leur prise en charge sera traitée individuellement par l’Andra, colis par colis. Il a été précisé en réponse à une question écrite de votre Rapporteur que ces déchets ne seront acceptés que dans la mesure où chacun d’entre eux satisfera aux exigences figurant au 1er paragraphe de l’article 3, à savoir le respect des conditions techniques d’acceptabilité et la disponibilité des exutoires correspondants.

2. Un impact financier nul pour la France

En vertu de l’article 5, la prise en charge des déchets radioactifs monégasques est subordonnée à l’acceptation des conditions tarifaires fixées en accord avec l’Andra. Conformément à l’article 6, la Principauté de Monaco est solidairement responsable des obligations financières des entités bénéficiant de l’application de l’accord.

Le même article précise clairement les coûts supportés par les entités monégasques :

- les coûts des éventuelles études préalables à la prise en charge, y compris celles réalisées antérieurement à l’autorisation des autorités françaises ;

- les coûts de transport (7) ;

- les coûts de la prise en charge, qui comprennent, conformément à l’article 1er, l’entreposage éventuel des déchets dans l’attente de la mise en service des centres de stockage et le stockage définitif dans les centres exploités par l’Andra.

Il a été indiqué à votre Rapporteur que les conditions tarifaires de l’Agence pourront comprendre, le cas échéant, des opérations de traitement des déchets, telles que leur incinération.

Au regard de la rédaction de l’article 6, les coûts supportés par les entités monégasques devraient être limités aux précédentes hypothèses. Les montants versés à l’Andra au titre de la prise en charge de déchets radioactifs issus de Monaco n’iront donc pas au-delà d’une simple compensation. En d’autres termes, la France ne tirera pas d’avantage financier de l’accueil de déchets radioactifs monégasques sur son territoire.

Votre Rapporteur y voit la garantie que l’application du présent accord ne se fera que dans un esprit de responsabilité et de solidarité avec Monaco, en vue d’assurer la gestion de ses déchets radioactifs dans les meilleures conditions de sûreté, de sécurité et de radioprotection des populations.

3. Un encadrement précis des entités et des déchets concernés

Dès l’article 1er, le champ d’application de l’accord est doublement limité, afin d’éviter tout risque de détournement par des comportements opportunistes :

- les entités susceptibles de bénéficier de l’accord sont énumérées dans une liste exhaustive figurant dans une annexe qui fait partie intégrante du présent accord ; elle ne peut être modifiée que d’un commun accord écrit entre les parties par voie diplomatique ;

- la définition des déchets radioactifs dont la prise en charge peut être autorisée en vertu du présent accord limite ces déchets à ceux « dont les propriétés radioactives ont été acquises ou utilisées sur le territoire monégasque », ce qui permet d’exclure la prise en charge de tout stock de déchets radioactifs détenus par ces entités sans lien avec le territoire monégasque.

En vertu du dernier alinéa de l’article 3, les autorités monégasques compétentes certifient pour chaque demande de prise en charge que les déchets concernés satisfont à ces deux conditions. En cas de doute, les autorités françaises se réservent naturellement la possibilité de demander des informations complémentaires et de ne pas autoriser la prise en charge des déchets radioactifs.

Par ailleurs, comme votre Rapporteur l’a indiqué précédemment, l’Andra sera chargée de remettre chaque année un rapport portant en particulier sur la nature, le volume et l’origine des déchets monégasque stockés ou entreposés sur le territoire français.

Votre Rapporteur a jugé nécessaire d’interroger le ministère des Affaires étrangères sur les activités des entités concernées par l’accord, ainsi que sur les stocks actuels de déchets radioactifs entrant dans son champ d’application. Les réponses à ses questions sont présentées ci-après de manière synthétique.

- Le Laboratoire de biologie marine du Musée océanographique (Centre scientifique de Monaco) produit des déchets radioactifs variables en fonction de ses programmes de recherche. Le stock des déchets est aujourd’hui conditionné dans des fûts ne représentant pas plus de 60 kg et contenant notamment des déchets de flacons à scintillation utilisés pour le comptage de la radioactivité.

- Les laboratoires environnementaux de l’AIEA à Monaco participent à des travaux de l’Agence qui visent notamment à développer et à renforcer les capacités de mesure, de suivi et d’évaluation de la radioactivité environnementale, ainsi qu’à favoriser l’application des techniques d’analyse nucléaire et de radio-traceurs. De même que le Centre scientifique de Monaco, ces laboratoires effectuent des analyses d’échantillons environnementaux et réalisent des expériences radio-écologiques dans le cadre de leurs travaux. Le stock de déchets radioactifs qui en résulte aujourd’hui serait constitué de 4 fûts, de 120 litres au total, contenant des déchets de flacons à scintillation, et de trois fûts, de 120 litres aussi, de déchets solides incinérables (consommables de plastique ou de verre).

- La société Exsymol, spécialisée dans l’extraction ou la synthèse d’actifs utilisés par l’industrie pharmaceutique, ne conduit pas d’activité produisant ou utilisant des déchets radioactifs. La prise en charge sera limitée à trois flacons trouvés par hasard dans une livraison de matériel.

- La Société monégasque d’assainissement, concessionnaire des services publics de nettoiement des voiries, de collecte des ordures ménagères et de traitement par incinération des résidus urbains, est susceptible de détenir des déchets radioactifs dont le type et le volume sont variables en fonction des déchets traités. Elle détient actuellement 1,6 tonne de cendres de fumées d’incinération faiblement radioactives.

- Le Centre hospitalier Princesse Grace, le Centre cardio-thoracique de Monaco et l’Institut monégasque de médecine et de chirurgie sportive ne produisent pas actuellement de déchets radioactifs entrant dans le champ d’application de l’accord. Les sources scellées qui y sont utilisées pour des activités de diagnostic et de soins sont reprises à la fin de leur utilisation par les fournisseurs ; quant aux sources non scellées, sous forme liquide, qui sont employées au Centre hospitalier Princesse Grace, elles sont gérées en décroissance dans le service de médecine nucléaire. Ces trois institutions médicales ne sont visées qu’à titre de précaution, afin d’anticiper d’éventuels besoins de modification de l’annexe. En raison de leurs activités, elles pourraient être un jour à l’origine de la production de déchets radioactifs.

CONCLUSION

Le présent accord, qui autorisera la prise en charge sur le territoire français de déchets radioactifs monégasques, témoigne de la spécificité des relations entre la France et la Principauté. Il met en œuvre, dans un domaine particulièrement sensible, la « communauté de destin » unissant les deux pays. La France fera ainsi preuve de solidarité avec Monaco, mais aussi d’un esprit de responsabilité, puisqu’elle permettra l’accueil sur son territoire de déchets radioactifs dans les meilleures conditions de sûreté et de sécurité. Cet accord permettra d’améliorer la protection de l’environnement et des populations tant à Monaco qu’en France, compte tenu de l’enclavement de la Principauté dans le département des Alpes-Maritimes.

Dans les faits, cet accord ne fera qu’étendre au territoire monégasque le champ d’intervention de l’Agence nationale pour la gestion des déchets radioactifs (Andra), sans véritable incidence pour elle : compte tenu du très faible volume des déchets concernés, produits dans le cadre d’activités médicales et de recherche, leur prise en charge n’engorgera nullement les installations françaises. En outre, l’ensemble des coûts induits restera à la charge des entités monégasques, dont la Principauté elle-même sera considérée comme solidairement responsable. L’application de l’accord n’aura donc pas d’impact financier pour la France.

Votre Rapporteur souhaite également insister sur les garanties dont l’application du présent texte est assortie. L’acceptation des déchets par la France est encadrée par une procédure rigoureuse, qui assure la bonne information des autorités françaises, qui conditionne toute prise en charge à une décision prise au niveau politique, et qui réserve à la France la possibilité de refuser des déchets pour des considérations d’opportunité. De plus, afin d’éviter tout risque de comportement opportuniste, il est clairement stipulé que seuls des déchets produits sur le territoire monégasque par des entités figurant sur une liste limitative pourront être pris en charge.

Pour toutes ces raisons, votre Rapporteur ne peut qu’être favorable à l’approbation du présent accord.

EXAMEN EN COMMISSION

La commission examine, sur le rapport de M. Philippe Baumel, le projet de loi autorisant l'approbation de l'accord entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la Principauté de Monaco relatif à la prise en charge sur le territoire français de déchets radioactifs monégasques (n° 72).

Après l’exposé du rapporteur, un débat a lieu.

Mme Danielle Auroi. Tout d’abord, je constate qu’il n’y a rien sur la sécurisation des transports de déchets entre Monaco et les zones de stockage. Par ailleurs, vu la situation financière de Monaco, ne pourrait-on pas faire en sorte que l’opération rapporte un peu à la France ?

M. Jean-Claude Guibal. Ma question concerne également le transport, et plus particulièrement la sécurité pendant la traversée des communes limitrophes ou voisines de Monaco.

M. Philippe Cochet. L’article 7 prévoit un rapport annuel. Mais le rapporteur sait-il si Monaco a consulté d’autres pays que la France ?

Mme Odile Saugues. Y a-t-il un risque que le volume des déchets à traiter augmente ? Par ailleurs, les collectivités territoriales qui accueilleront ces déchets ne pourraient-elles pas bénéficier d’une certaine compensation financière ?

M. Jean-Luc Reitzer. Connaît-on l’importance de ces déchets ?

M. Philippe Baumel, rapporteur. Monaco n’a traité qu’avec la France, dans le cadre des relations privilégiées que la Principauté souhaite entretenir avec notre pays.

Les déchets concernés représentent environ 165 kg par an, et le stock actuel aura tendance à se résorber. On peut donc s’attendre à une tendance à la baisse.

Sur le plan financier, il faut tout d'abord rappeler que Monaco s’engage à assumer la totalité des coûts et que ce sera donc une opération financièrement neutre pour la France. Mais rien n’interdit bien sûr d’aborder la question d’une éventuelle compensation pour les collectivités territoriales lors d’une négociation ultérieure.

La sécurisation des transports, préoccupation légitime, repose sur trois niveaux : des dispositifs de protection équipant les moyens de transports, des exigences techniques et organisationnelles dépendant de la nature des matières transportées et la présence d’une escorte pour le transport des matières les plus sensibles par la route. Les déchets relevant du guide d’enlèvement de l’Andra devraient être transportés par cette voie.

M. Philippe Cochet. Au cas où la France n’approuverait pas cet accord, d’autres pays s’étaient-ils portés volontaires ?

M. Philippe Baumel, rapporteur. Non, la négociation avec la France a visiblement été assez spontanée, dans le cadre des accords qui lient fortement l’avenir de Monaco à notre pays.

Mme Danielle Auroi. Pouvez-vous nous apporter des précisions complémentaires sur la protection contre les risques de dissémination en cours de transport ?

M. Philippe Baumel, rapporteur. C’est la réglementation française en matière de transports de matières dangereuses qui s’applique. Les camions doivent notamment être équipés de systèmes de sécurisation, et le transporteur doit disposer de consignes à appliquer en cas d’urgence.

M. Jean-Claude Guibal. Le tissu urbain concerné est particulièrement dense, avec des populations très sensibles à ces questions. Est-il envisageable que la commission de coopération transfrontalière, présidée par le ministre d’Etat monégasque et par le préfet des Alpes-Maritimes, qui a enfin commencé à se réunir, soit saisie de ces questions et puisse par exemple se prononcer sur le choix des itinéraires ?

M. Philippe Baumel, rapporteur. Une concertation me paraît opportune et tout à fait pertinente dans le cadre de l’application de l’accord. Cela étant, en matière de diffusion de l’information, il faut aussi prendre en compte des impératifs de sécurité pour ces opérations de transports sensibles.

Mme la présidente Elisabeth Guigou. Nous transmettrons au préfet des Alpes-Maritimes le compte rendu de nos débats.

M. Philippe Baumel, rapporteur. Par ailleurs, si le risque existe, les quantités transportées seront faibles et la réglementation en vigueur prévoit un cadre strict et gradué. Il y a chaque jour des opérations de transport bien plus importantes que celles-ci, et elles ne posent pas forcément de problème, grâce à l’encadrement en vigueur.

Mme la présidente Elisabeth Guigou. Je partage les interrogations de mes collègues sur ce sujet délicat, mais vous avez apporté les réponses nécessaires.

Suivant les conclusions du rapporteur, la commission adopte sans modification le projet de loi (n° 72).

ANNEXE

TEXTE DE LA COMMISSION DES AFFAIRES ÉTRANGÈRES

Article unique

(Non modifié)

Est autorisée l’approbation de l’accord entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la Principauté de Monaco relatif à la prise en charge sur le territoire français de déchets radioactifs monégasques (ensemble une annexe), signé à Paris, le 9 novembre 2010, et dont le texte est annexé à la présente loi.

NB : Le texte de l’accord figure en annexe au projet de loi (n° 72).

© Assemblée nationale

1 () The Transfrontier Shipment of Radioactive Waste and Spent Fuel Regulations 2008.

2 () ONDRAF/NIRAS, Plan Déchets pour la gestion à long terme des déchets radioactifs conditionnés de haute activité et/ou de longue durée de vie et aperçu de questions connexes, rapport NIROND 2011-02 F, 2011.

3 () Aux fins de cet accord, la « prise en charge » des déchets radioactifs est définie à l’article 1er comme leur stockage définitif ou leur entreposage dans l’attente de la mise en service industrielle des centres de stockage susceptibles de les accueillir.

4 () Au sens du présent accord et du droit français, un « déchet radioactif » se définit comme tout produit ou matière dont aucune utilisation ultérieure n’est prévue ou envisagée (article 1er de l’accord et article L542-1-1 du code de l’environnement).

5 () Comme l’indique l’étude d’impact, dans l’hypothèse où des déchets monégasques ne pourraient être stockés, ils seront entreposés dans l’attente de la mise en service industrielle des centres susceptibles de les accueillir.

6 () L’Andra est chargée de collecter, de trier, de conditionner et de stocker les déchets radioactifs produits par les laboratoires, les hôpitaux et les universités en France. Le guide d’enlèvement des déchets radioactifs s’apparente à un catalogue des déchets radioactifs pouvant faire l’objet d’une demande d’enlèvement et précise les conditions générales de leur prise en charge. Lorsque les déchets présentent des caractéristiques particulières qui ne permettent pas leur classement dans une catégorie tarifée du guide, la procédure d’enlèvement est précédée d’une demande d’accord préalable.

7 () Dans le cas de déchets classiques relevant du guide d’enlèvement de l’Andra, la collecte des déchets consiste en l’enlèvement de fûts ou de bonbonnes pris en charge par un transporteur missionné par l’Agence. Le transport s’effectue par route, conformément à la réglementation du transport des matières dangereuses. Les camions doivent ainsi être équipés de systèmes de sécurisation et le transporteur dispose de consignes à appliquer en cas d’urgence.