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N° 972

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ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

QUATORZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l'Assemblée nationale le 17 avril 2013.

RAPPORT

FAIT

AU NOM DE LA COMMISSION DES AFFAIRES SOCIALES SUR LA PROPOSITION DE LOI relative à l’égalité des droits et à l’intégration des personnes en situation de handicap,

PAR M. Damien ABAD,

Député.

——

Voir le numéro :

Assemblée nationale : 516.

I.- L’INTÉGRATION DES PERSONNES HANDICAPÉES DANS LA VIE DE LA CITÉ, UN OBJECTIF PARTAGÉ 8

A. L’ÉGALITÉ DES DROITS DES PERSONNES HANDICAPÉES : UN PRINCIPE RECONNU AUX NIVEAUX EUROPÉEN ET INTERNATIONAL 8

1. La convention des Nations-Unies relative aux droits des personnes handicapées 8

2. La politique européenne en faveur des personnes handicapées 9

B. L’INSERTION SOCIALE DES PERSONNES HANDICAPÉES : UNE OBLIGATION NATIONALE 11

1. Les lois de 1975 et 2005 sur le handicap 11

2. Vers une société inclusive ? 14

II.- LA PRISE EN COMPTE DE LA NOTION DE HANDICAP DANS LES POLITIQUES PUBLIQUES, UN IMPÉRATIF 16

A. COMMENT GARANTIR AUX PERSONNES HANDICAPÉES L’EXERCICE EFFECTIF DE LEURS DROITS ? 16

1. L’intégration du handicap dans les politiques publiques à l’étranger 16

2. Le comité interministériel du handicap, un premier pas en faveur d’une politique transversale 17

B. UN CHANGEMENT DE MÉTHODE DANS L’ÉLABORATION DES NORMES S’IMPOSE 19

1. L’engagement présidentiel en faveur d’un « volet handicap » dans chaque loi 19

2. Une proposition de loi visant à développer un « réflexe handicap » dans l’élaboration des normes 22

a) Le dispositif 22

b) Une première étape ? 25

TRAVAUX DE LA COMMISSION 29

I. DISCUSSION GÉNÉRALE 29

II. EXAMEN DE L’ARTICLE UNIQUE 37

Article unique : Prise en compte de la problématique du handicap dans toutes les lois 37

TABLEAU COMPARATIF 43

AMENDEMENTS EXAMINÉS PAR LA COMMISSION 45

ANNEXES 47

ANNEXE 1 : LISTE DES PERSONNES AUDITIONNÉES 47

ANNEXE 2 : CIRCULAIRE DU 4 SEPTEMBRE 2012 48

Mesdames, messieurs,

Le handicap, qu’il soit léger ou lourd, touche une personne sur six dans l’Union européenne, soit 80 millions de personnes qui n’ont pas la possibilité de participer pleinement à la vie de la cité en raison d’obstacles d’ordre social, environnemental ou comportemental (1). En France, l’INSEE estime que ce sont 9,6 millions de personnes qui seraient touchées par le handicap (2). L’accès à l’éducation, aux loisirs, au monde du travail et, plus généralement, l’intégration à la société, reste encore très difficile pour ces personnes, qui se retrouvent bien souvent en situation de précarité. Ainsi, d’après la Commission européenne, le taux de pauvreté des personnes handicapées est de 70 % supérieur à la moyenne.

Aujourd’hui, plus d’un tiers des personnes âgées de plus de 75 ans souffrent de handicaps partiels et plus de 20 % sont atteintes de handicaps lourds (3). Ces chiffres, appelés à augmenter avec le vieillissement démographique, démontrent que nous sommes tous potentiellement concernés, directement ou indirectement, par le handicap et qu’il est dans notre intérêt d’agir collectivement en faveur d’une meilleure prise en compte de la problématique du handicap dans les politiques publiques.

Cet objectif consensuel requiert toutefois un changement radical de méthode dans le traitement de la question du handicap : agir ponctuellement sur des thématiques liées au handicap (mobilité, accessibilité, emploi protégé, éducation spécialisée…) ne suffit plus. Si des mesures spécifiques restent bien évidemment nécessaires à la prise en compte des situations de handicap, l’apparente technicité de ces sujets ne doit pas nous empêcher de mettre en œuvre une approche globale qui irrigue tous les domaines de l’action publique. Pour cela, nous devons adopter un « réflexe handicap » qui permette de prendre en considération la problématique du handicap dans chaque décision publique. Seul ce changement d’optique nous permettra d’opter résolument pour une approche inclusive des personnes handicapées dans la société.

La France est en effet loin d’être en avance sur cette question. Certes, l’intégration des personnes handicapées est considérée comme une obligation nationale depuis la loi d’orientation du 30 juin 1975. Quant à la loi du 11 février 2005 pour l’égalité des droits et des chances, la participation et la citoyenneté des personnes handicapées, elle a permis de fixer des objectifs ambitieux comme l’accessibilité totale de la société à tous les handicaps et l’instauration d’un droit à compensation. Un simple coup d’œil autour de nous suffit cependant à démontrer que cette ambition s’est peu à peu essoufflée et qu’elle a échoué à pénétrer profondément tous les compartiments de la société et à faire du handicap un axe incontournable des politiques publiques.

La question de l’insertion professionnelle des personnes handicapées, dont le taux de chômage est deux fois supérieur au taux de chômage de la population active, reste ainsi un sujet majeur de préoccupation. De même, si la scolarisation des enfants handicapés en milieu ordinaire a fortement progressé depuis 2005, avec une augmentation de 33 % du nombre d’enfants handicapés scolarisés, de très nombreux jeunes restent aujourd’hui sans solution de scolarisation, sans compter tous ceux qui, accueillis à temps partiel, ne bénéficient pas d’une scolarité satisfaisante.

Cette situation n’est pas une fatalité mais son évolution nécessite de mettre en œuvre une approche résolument volontariste « en vue de construire une société ouverte à tous, dans laquelle chaque citoyen puisse jouir pleinement de ses droits et mener une vie décente » (4). Les engagements que la France a pris aux niveaux international et européen nous poussent à aller dans ce sens : il est temps que la loi française reflète cet objectif et garantisse aux personnes souffrant de handicap d’être traitées comme des citoyens à part entière.

Rappelons en effet que la Convention des Nations Unies relative aux droits des personnes handicapées adoptée en 2006 impose aux États parties de protéger et de garantir la jouissance de tous les droits de l’homme et de toutes les libertés fondamentales aux personnes handicapées. Quant à la Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne, son article 26 indique que « l’Union reconnaît et respecte le droit des personnes handicapées à bénéficier de mesures visant à assurer leur autonomie, leur intégration sociale et professionnelle et leur participation à la vie de la communauté » et son article 21 interdit toute discrimination.

Enfin, un regard sur les pratiques d’intégration des personnes handicapées à l’étranger suffit également à démontrer le décalage avec nos voisins. Ainsi, au Danemark, la politique du handicap, basée sur les principes de solidarité, de normalisation et d’intégration, rend la société responsable de l’adaptation des services qu’elle propose aux besoins des personnes handicapées. Aucune législation spécifique aux personnes handicapées n’existe, sauf lorsque la législation générale est insuffisante. L’intégration des personnes handicapées constitue en outre un objectif général imposé aux administrations locales et régionales.

Il est de notre responsabilité d’élus et d’acteurs de terrain de contribuer à faire advenir dans notre pays une telle société, une société inclusive, c’est-à-dire « une société ouverte à tous qui doit être conçue pour toutes les personnes, quelles que soient leur situation et leurs particularités. Cette société se fonde sur le respect des libertés et des droits fondamentaux et sur des principes de non-discrimination et de solidarité. Une société inclusive garantit à chacun une réelle participation sociale, économique, culturelle et civique, en respectant sa dignité, ses capacités et ses différences » (5).

Aujourd’hui, les modalités d’action et de réglementation, de même que les procédures d’élaboration des normes, doivent évoluer pour contribuer à l’avènement de cette société inclusive. Elles doivent être adaptées aux besoins des personnes handicapées et garantir que ces besoins sont pris en compte, quels que soient les domaines. Tel est l’objectif de la présente proposition de loi.

I.- L’INTÉGRATION DES PERSONNES HANDICAPÉES DANS LA VIE DE LA CITÉ, UN OBJECTIF PARTAGÉ

A. L’ÉGALITÉ DES DROITS DES PERSONNES HANDICAPÉES : UN PRINCIPE RECONNU AUX NIVEAUX EUROPÉEN ET INTERNATIONAL

1. La convention des Nations-Unies relative aux droits des personnes handicapées

« Ensemble, nous devons nous efforcer d’atteindre les objectifs énoncés dans la Convention relative aux droits des personnes handicapées, à savoir éliminer la discrimination et l’exclusion et bâtir des sociétés qui valorisent la diversité et l’intégration ». S’exprimant à l’occasion de la Journée internationale des personnes handicapées le 3 décembre dernier, le Secrétaire général des Nations Unies Ban Ki-moon s’est appuyé sur le succès des Jeux paralympiques de 2012 pour réaffirmer sa détermination à agir afin de « garantir aux personnes handicapées la pleine jouissance de leurs droits et la possibilité de réaliser leur considérable potentiel ». Rappelant que nous vivons désormais dans un monde qui compte plus d’un milliard de personnes handicapées, il a estimé plus important que jamais de supprimer concrètement les obstacles qui empêchent les personnes handicapées de prendre part à la société et de lui apporter leur contribution.

Ces obstacles sont en effet au cœur de la définition que donnent les Nations-Unies du handicap. Aux termes de l’article 1er de la convention relative aux droits des personnes handicapées (6), sont considérées comme des personnes handicapées « des personnes qui présentent des incapacités physiques, mentales, intellectuelles ou sensorielles durables dont l’interaction avec diverses barrières peut faire obstacle à leur pleine et effective participation à la société sur la base de l’égalité avec les autres ».

Dans une telle conception, le handicap n’est pas ce qui définit une personne ayant une déficience fonctionnelle mais ce qui caractérise sa relation à son environnement : le handicap naît ainsi de l’inadaptation de l’environnement physique et de l’inadéquation des services offerts par la société à la réalité des besoins de la personne déficiente, et n’est plus inhérent à la personne. Si le handicap est ce qui empêche un individu de participer pleinement à la vie de la cité et de jouir de ses droits fondamentaux, le corollaire logique de cette définition est l’élimination de ce qui fait obstacle à l’insertion dans la société des personnes handicapées. En clôture de la décennie pour les personnes handicapées, l’Assemblée générale des Nations-Unies avait déjà adopté, en décembre 1993, vingt-deux règles communes pour l’égalisation des chances des personnes handicapées reposant sur une telle approche, « une approche nouvelle du handicap selon laquelle la faculté d’une personne à avoir une fonction sociale dépend autant de la volonté de la société de s’adapter aux individus et à leurs différences que des limitations fonctionnelles spécifiques qui définissent cette personne comme handicapée » (7).

Soulignons que parmi les vingt-deux règles alors édictées figurait déjà la nécessité de garantir aux personnes handicapées les mêmes conditions de participation à la vie en société qu’aux personnes valides et de considérer la question du handicap comme partie intégrante de chaque politique publique, y compris au niveau budgétaire (règles 15 et 16). L’expertise des organisations représentatives des personnes handicapées, appelées à jouer un rôle de conseil dans la planification, la mise en œuvre et l’évaluation des mesures mises en place concernant la vie quotidienne des personnes handicapées, devait également être valorisée (règle 18).

La Convention de 2006 reprend en grande partie ces règles et si elle ne crée pas de droits nouveaux pour les personnes handicapées, elle n’en rappelle pas moins avec force que la question du handicap doit être traitée comme un enjeu fondamental des droits de l’Homme. Les États parties, dont la France depuis 2010, réaffirment ainsi « le caractère universel, indivisible, interdépendant et indissociable de tous les droits de l’homme et de toutes les libertés fondamentales et la nécessité d’en garantir la pleine jouissance aux personnes handicapées sans discrimination ».

Les États parties s’engagent en outre à prendre les mesures appropriées pour mettre en œuvre les droits reconnus par la convention, et en particulier :

– le respect de la dignité, de l’autonomie individuelle, notamment la liberté de faire ses propres choix, et de l’indépendance des personnes handicapées ;

– la non-discrimination ;

– la participation et l’intégration pleines et effectives à la société ;

– l’égalité des chances ;

– l’accessibilité.

2. La politique européenne en faveur des personnes handicapées

2003, année européenne des personnes handicapées, a marqué le début d’une politique ciblée de la Commission européenne en faveur du handicap. Suite à un premier plan d’action sur l’égalité des chances pour les personnes handicapées pour la période 2003-2010, la Commission européenne a présenté le 15 novembre 2010 une nouvelle stratégie pour les personnes handicapées afin d’améliorer leur inclusion sociale, leur bien-être et le plein exercice de leurs droits (8). Cette stratégie se fonde sur la mise en application effective de la convention des Nations Unies relative aux droits des personnes handicapées, que l’Union européenne a d’ailleurs ratifié le 5 janvier 2011 (9) ainsi que sur les dispositions de la Charte européenne des droits fondamentaux et du Traité sur le fonctionnement de l’Union européenne (TFUE).

Adoptée le 7 décembre 2000, la Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne interdit toute discrimination fondée sur le handicap (article 21) et reconnaît le droit des personnes handicapées à l’autonomie, à l’intégration sociale et professionnelle et à la participation à la vie de la communauté (article 26). La politique européenne en faveur des personnes handicapées repose ainsi sur un double pilier : d’une part, la reconnaissance et la protection des droits des personnes handicapées et, d’autre part, le refus de toute discrimination.

Le Traité sur le fonctionnement de l’Union européenne (TFUE) exige en conséquence de l’Union qu’elle combatte toute discrimination fondée sur un handicap dans la définition comme dans la mise en œuvre de ses politiques et de ses actions (article 10) et lui confère le pouvoir de légiférer en vue de lutter contre toute discrimination (article 19). La directive 2000/78/CE du 27 novembre 2000 relative à l’égalité de traitement en matière d’emploi et de travail vise ainsi à aider les personnes handicapées à s’intégrer et à s’épanouir sur le marché du travail. Le texte rappelle l’interdiction des discriminations basées sur le handicap et introduit le concept d’« aménagement raisonnable » pour les personnes handicapées, imposant aux employeurs d’adapter le plus possible les lieux de travail aux personnes handicapées, sous peine de sanction.

Dans le cadre de la Stratégie en faveur des personnes handicapées 2010-2020, la Commission européenne a identifié huit domaines d’action conjointe entre l’Union européenne et les États membres sur lesquels développer à la fois des actions de sensibilisation de la société aux problématiques liées au handicap et de promotion des droits des personnes handicapées. La commission prévoit également d’accroître les possibilités de financement européen, d’améliorer la collecte et le traitement des données statistiques et de renforcer le suivi de la mise en application de la convention des Nations-Unies. Parmi les huit domaines concernés, figurent notamment :

– l’accessibilité (accès aux biens, aux services et aux dispositifs d’assistance et accès aux transports, aux installations, aux technologies d’information et de communication au même titre que les personnes valides) ;

– la participation (suppression des entraves à la mobilité des personnes handicapées, en tant qu’individus, consommateurs, étudiants, acteurs économiques et politiques) ;

– l’égalité (mise en place de politiques actives de promotion de l’égalité et contrôle de l’application de la législation européenne en matière de lutte contre les discriminations fondées sur le handicap).

Enfin, soulignons que le Forum européen des personnes handicapées (FEPH) (10) a demandé le 24 octobre 2011 aux chefs d’État et de gouvernement européens de veiller à ce que les besoins des personnes handicapées et de leurs familles soient pris en compte tout au long de l’élaboration des politiques en matière sociale, politique et économique, en particulier à un moment où la crise économique en Europe pourraient contribuer à placer l’objectif d’insertion des personnes handicapées au second plan. Plus généralement, l’association invite sur son site internet les autorités publiques, mais aussi chaque personne, à adopter la « handicap attitude » dans l’ensemble des décisions qu’elles sont amenées à prendre et à impliquer les personnes handicapées dans les processus de consultation préalable à ces décisions (11).

B. L’INSERTION SOCIALE DES PERSONNES HANDICAPÉES : UNE OBLIGATION NATIONALE

1. Les lois de 1975 et 2005 sur le handicap

La loi du 30 juin 1975 a élevé l’intégration sociale des personnes handicapées au rang d’« obligation nationale », imposant ainsi la mise en œuvre de mesures visant à assurer l’effectivité de ces droits. Ainsi que le soulignent Laurent Cytermann et Thomas Wanecq, « la notion d’obligation nationale apporte une réponse au problème de l’effectivité des droits : pour surmonter les obstacles créés par le handicap, il est nécessaire de mettre en place des actions particulières. En d’autres termes, le handicap oblige » (12). La loi de 1975, en désignant la Nation tout entière comme débitrice a créé de nouvelles obligations, tant à la charge des pouvoirs publics (création de l’allocation adulte handicapé), que des personnes privées (obligation d’emploi). Cette conception a débouché sur la création de droits spécifiques pour les personnes handicapées ou de garanties spécifiques aux personnes handicapées en matière d’application de droits généraux. Les auteurs précités donnent ainsi l’exemple du droit à l’emploi, qui existe pour tous, mais qui se traduit par un pourcentage d’emplois réservés uniquement pour les personnes handicapées.

Ces dispositions ont été renforcées par la création de deux nouveaux droits spécifiques aux personnes handicapées par la loi du 11 février 2005 : le droit à la compensation des conséquences du handicap et le droit à l’accessibilité. Ces droits se situent dans la continuité d’une conception reposant sur le postulat selon lequel pour que les personnes handicapées aient réellement les mêmes droits que les autres hommes, des droits spécifiques doivent leur être reconnus (13). La loi du 11 février 2005 réaffirme ainsi le devoir de solidarité de la collectivité nationale envers les personnes handicapées, déjà postulé dans la loi fondatrice de 1975 : « Toute personne handicapée a droit à la solidarité de l’ensemble de la collectivité nationale, qui lui garantit, en vertu de cette obligation, l’accès aux droits fondamentaux reconnus à tous les citoyens ainsi que le plein exercice de sa citoyenneté » (article L. 114-1 du code de l’action sociale et des familles).

Les lois de 1975 et 2005 ont grandement contribué à une meilleure prise en compte de la situation des personnes handicapées, d’une part, et à la mise en place de dispositifs visant à une meilleure intégration de ces personnes dans la société, d’autre part.

L’objectif n’est pas de dresser ici un bilan exhaustif des dispositifs mis en œuvre depuis quarante ans ; il convient toutefois de souligner l’importance de la reconnaissance d’un droit aux ressources (création d’une allocation adulte handicapé – AAH, bien avant la création du revenu minimum d’insertion – RMI), complété ensuite par un droit à la compensation du handicap défini non pas abstraitement mais sur la base des besoins exprimés par chaque personne handicapée et matérialisé sous la forme d’une prestation de compensation du handicap (PCH). La consécration d’un droit à vivre en milieu ordinaire s’est elle-aussi traduite par des mesures volontaristes de développement de l’accès des personnes handicapées à l’école (orientation préférentielle vers le milieu scolaire ordinaire et responsabilité du service public de l’éducation dans l’accueil des enfants handicapés) et au travail (quota d’emplois réservés). Enfin, la loi de 2005 a dégagé un principe d’accessibilité universelle dépassant le seul cadre du handicap moteur et des barrières physiques à la mobilité pour s’étendre à tous les aspects de la vie sociale (cadre bâti, transports, biens et services culturels, etc.) en vue d’assurer la pleine participation des personnes handicapées à la vie en société. Cette ambition globale se double en outre d’un objectif précis d’accessibilité du cadre bâti dix ans après la publication de la loi s’imposant aux locaux d’habitation, aux établissements recevant du public, aux installations ouvertes au public et aux lieux de travail.

En dépit des nombreuses avancées à la fois conceptuelles et concrètes représentées par l’adoption de ces deux lois, leur bilan reste toutefois nuancé. Comme le notent Mmes Claire-Lise Campion et Isabelle Debré, rapporteures au nom de la commission sénatoriale pour le contrôle de l’application des lois, en introduction de leur rapport sur l’application de la loi de 2005 (14), plus de sept ans après son adoption, la dernière loi sur le handicap reste « en-deçà des espoirs initialement soulevés » : elle n’est toujours pas pleinement applicable et nombre des réalisations attendues accusent un retard important. Pour reprendre l’exemple de l’accessibilité, d’après le baromètre de l’Association des paralysés de France (APF), seuls 15 % des établissements recevant du public seraient actuellement accessibles : nous sommes donc encore très loin de l’objectifs affiché pour 2015 !

La mise en œuvre des principes arrêtés par le législateur connaît en outre de fortes disparités territoriales : qu’il s’agisse des maisons départementales des personnes handicapées (MDPH), de la prestation de compensation du handicap (PCH) ou même de la scolarisation en milieu ordinaire, l’attention accordée aux personnes handicapées, à leurs besoins, les délais d’attente, les solutions proposées continuent de varier très fortement d’un département à un autre. Par exemple, si les progrès sont indéniables en matière d’ « accueil » des enfants handicapés à l’école, « la loi de 2005 [ayant] permis un réel mouvement d’ouverture de l’école de la République sur le monde du handicap » (15) avec l’augmentation d’un tiers du nombre d’enfants handicapés scolarisés en milieu ordinaire depuis 2006 (soit 55 000 enfants supplémentaires accueillis), on estime encore à 20 000 le nombre d’enfants handicapés sans solution de scolarisation. En outre, sur le terrain, les familles rencontrent de très nombreuses difficultés à faire respecter le droit à la scolarisation de leurs enfants et les établissements scolaires à mettre en œuvre leur obligation d’accueil en l’absence de personnels d’accompagnement recrutés de manière pérenne et suffisamment bien formés. Les situations varient ainsi du tout au tout d’un territoire à l’autre, voire d’un établissement scolaire à un autre ! Les fréquentes ruptures de parcours et le niveau de qualification au final très faible des personnes handicapées (16) témoignent de l’insuffisance du dispositif mis en place, ce qui explique aussi en partie les faibles résultats obtenus en matière d’insertion professionnelle des personnes handicapées. Le taux d’emploi des personnes handicapées demeure en effet en deçà de l’objectif des 6 % des effectifs salariés : il ne s’établit qu’à 2,7 % dans le privé et 4,2 % dans le public (17). Le taux d’emploi global des personnes handicapées est nettement inférieur à celui de l’ensemble de la population active (35 % contre 65 %), et le taux de chômage deux fois plus important (20 % contre 10 %).

Enfin, force est également de constater que l’attitude de la société vis-à-vis des personnes handicapées n’a pas radicalement évolué en dépit des progrès accomplis sur le terrain depuis quarante ans. Si des évènements, comme le succès du film Intouchables en 2011 ou le retentissement des Jeux paralympiques de Londres en 2012, contribuent ponctuellement à changer le regard de la société, nous nous situons encore largement dans une démarche d’exception et non de normalisation.

À cet égard, si la loi de 2005 pose une définition du handicap qui se rapproche des conceptions environnementales développées aux niveaux international et européen, elle ne va pas au bout de la logique. Elle dispose en effet que « constitue un handicap (…) toute limitation d’activité ou restriction de participation à la vie en société subie dans son environnement par une personne en raison d’une altération substantielle, durable ou définitive d’une ou plusieurs fonctions physiques, sensorielles, mentales, cognitives ou psychiques, d’un polyhandicap ou d’un trouble de santé invalidant » (article L. 114 du code de l’action sociale et des familles). Cette définition permet certes d’appréhender le handicap dans sa dimension sociale en l’analysant au travers du prisme des relations d’un individu à la société, elle désigne cependant encore le handicap lui-même comme cause des difficultés rencontrées par cet individu pour s’insérer dans la société. La question de l’inadaptation de l’environnement aux besoins spécifiques des personnes handicapées n’est pas clairement posée : or, c’est à cette question que nous devons impérativement apporter une réponse, la seule qui nous permette enfin de passer d’une société dans laquelle les personnes handicapées doivent s’intégrer à une société qui fait la démarche de les inclure réellement en son sein.

2. Vers une société inclusive ?

Comme l’explicite l’anthropologue Charles Gardou (18), « intégrer consiste à faire entrer un élément extérieur dans un ensemble, à l’incorporer. Cet élément extérieur est appelé à s’ajuster au système préexistant. Ainsi, dans l’intégration, ce qui prime est l’adaptation de la personne : si elle espère s’intégrer, elle doit, d’une manière souvent proche de l’assimilation, se transformer, se normaliser, s’adapter ou se réadapter. Par contraste, une organisation sociale est inclusive lorsqu’elle module son fonctionnement, se flexibilise, pour offrir, au sein de l’ensemble commun, un “chez-soi pour tous”, sans toutefois neutraliser les besoins, désirs ou destins singuliers » (19).

L’intérêt du concept d’ « inclusion » réside ainsi dans son opposition au champ lexical de l’exclusion, que le concept d’intégration a échoué à dépasser. C’est la raison pour laquelle l’usage du mot « inclusif », d’origine anglo-saxonne, a commencé à se développer vers la fin de la décennie 2000, en particulier dans le vocabulaire des politiques du handicap. Charles Gardou cite l’exemple des classes d’intégration scolaire (Clis) renommées « classes pour l’inclusion scolaire » par le ministère de l’Éducation nationale en 2009 ou des unités pédagogiques d’intégration (Upi) devenues, en 2010, des « unités localisées pour l’inclusion scolaire » (Ulis).

La création d’une « société inclusive » supplante donc désormais l’objectif d’intégration dans la société des personnes handicapées, dont on constate aujourd’hui que les voies qu’il a emprunté n’ont pas permis d’éradiquer les poches d’exclusion qui minent notre société et continuent de laisser majoritairement les personnes handicapées à ses franges. A contrario, la société inclusive doit, pour Charles Gardou, permettre de « tourner le dos à toute forme de captation qui accroît le nombre de personnes empêchées de bénéficier des moyens d’apprendre, de communiquer, de se cultiver, de travailler, de créer… Nul ne peut avoir l’exclusivité du patrimoine humain et social, légué par tous nos devanciers et consolidé par nos contemporains : il doit être accessible à tous ».

Pour développer cette théorie, l’anthropologue se fonde sur une définition de l’être humain placée sous le sceau de la vulnérabilité : tout en étant des êtres singuliers, les hommes ont tous en commun une même vulnérabilité, susceptible « à chaque instant, d’exploser en nous ». Ce postulat permet de penser les personnes en situation de handicap non pas comme relevant d’un type humain à part mais comme des « variations sur le thème du fragile et du singulier ». En conséquence, « l’idée de société inclusive implique une intelligence collective de la vulnérabilité, conçue comme un défi humain et social à relever solidairement ».

Le concept de société inclusive est donc aujourd’hui logiquement repris et popularisé par les associations œuvrant en faveur des personnes handicapées qui s’y appuient afin de prôner un changement radical dans le traitement de la question du handicap.

De même qu’on ne considère plus désormais que l’égalité consiste à traiter tout le monde de la même manière mais bien à traiter différemment les personnes placées dans des situations différentes, la participation des personnes handicapées à la vie de la cité doit désormais passer d’un stade formel reposant sur une affirmation de leurs droits à un stade réel où l’effectivité de ces droits est garantie dans tous les domaines de la vie sociale. Pour cela, un changement de méthode dans notre conception des politiques du handicap est impératif. Le handicap ne doit plus être considéré comme un sujet spécifique, examiné à part, dans des textes ad-hoc. La réflexion sur la prise en compte du handicap doit irriguer l’ensemble des initiatives prises dans la sphère publique, mais également privée, au niveau national comme au niveau local, individuel et collectif. La société inclusive appelle à une révolution conceptuelle.

L’avènement d’une telle société, c’est-à-dire d’une société qui s’adapte aux besoins de chacun et donne à tous les mêmes chances de réussite dans la vie, « exige donc, pour s’appliquer entièrement, la mobilisation et la volonté collectives des corps social, politique et économique afin de repenser leurs modes de réflexion et d’organisation pour l’intégration des personnes les plus fragiles » (20) .

II.- LA PRISE EN COMPTE DE LA NOTION DE HANDICAP DANS LES POLITIQUES PUBLIQUES, UN IMPÉRATIF

A. COMMENT GARANTIR AUX PERSONNES HANDICAPÉES L’EXERCICE EFFECTIF DE LEURS DROITS ?

1. L’intégration du handicap dans les politiques publiques à l’étranger

Dans plusieurs pays européens, les politiques du handicap sont guidées par une approche inclusive : votre rapporteur souhaite en citer quelques exemples qu’il juge à même d’inspirer une réforme des modalités de prise en compte de la situation des personnes handicapées dans l’élaboration des normes et la mise en œuvre des politiques publiques en France.

En Suède et au Danemark, il n’existe aucune définition législative du handicap, mais les politiques mises en œuvre en faveur des personnes handicapées reposent implicitement sur une conception dans laquelle le handicap n’est pas considéré « comme inhérent à la personne, mais plutôt comme un effet des obstacles qu’elle rencontre par suite des difficultés d’accès dans son environnement » (21). Cette conception a logiquement pour effet de déplacer la responsabilité du handicap de la personne vers son environnement : c’est l’inadéquation de l’environnement qui crée le handicap.

Au Danemark, aucune législation n’est prévue spécifiquement pour les personnes handicapées, sauf quand la législation générale est insuffisante à répondre à leurs besoins. La loi d’assistance sociale de 1994 impose en effet un devoir général d’assistance à toute personne nécessitant un soutien économique ou pratique ou des soins spéciaux. C’est le besoin particulier de l’individu, et non le handicap, qui détermine l’obligation d’assistance.

En Suède, l’État mise également sur des solutions générales pour aboutir à une société qui soit accessible sous tous les aspects possibles au plus grand nombre de citoyens (22). L’action en faveur des personnes handicapées vise essentiellement à :

– identifier et éliminer les obstacles à l’égalité des chances et à la participation,

– prévenir et combattre la discrimination,

– créer les conditions voulues pour assurer l’égalité des chances entre garçons et filles, femmes et hommes handicapés.

La Suède n’a pas de loi établissant les droits des personnes handicapées dans leur ensemble ; en revanche, des articles concernant spécifiquement les personnes handicapées figurent dans certaines lois ordinaires, comme par exemple la loi sur le service social et la loi sur l’aménagement du territoire et la construction. Plus globalement, la prise en compte de la situation des personnes handicapées doit faire partie intégrante de toutes les politiques et de toutes les activités publiques. Elle s’est notamment traduite par des efforts très importants en termes d’accessibilité des lieux, des activités et des informations publics et par une sensibilisation de tous les agents de l’administration à l’accès aux droits des personnes handicapées.

Pour ne citer qu’un exemple, celui de l’accès à l’éducation, on notera qu’en Suède, la plupart des enfants et adolescents fréquentent des écoles « ordinaires ». La loi scolaire pose en effet le principe selon lequel les enfants qui en ont besoin doivent bénéficier d’un soutien particulier à l’école. L’enseignement doit être équivalent pour tous les élèves, qu’ils soient handicapés ou non et indépendamment de leur domicile. Statistiquement, le pourcentage de Suédois qui ont une formation secondaire est aujourd’hui légèrement plus élevé parmi les personnes handicapées que parmi les personnes non handicapées.

Enfin, signalons que depuis 1994, un ombudsman (médiateur) des personnes handicapées veille au respect des droits et intérêts des personnes handicapées, notamment en luttant contre les discriminations dont ils pourraient être victimes. Ce dispositif a été complété par la création, en 2006, de l’Handisam, service public entièrement destiné à coordonner la politique du handicap, dont le rôle consiste notamment à piloter et faire avancer l’ensemble des chantiers d’accessibilité.

De ces exemples étrangers, deux aspects nous semblent devoir être plus particulièrement médités :

– d’une part, en termes de méthode, la volonté de prendre en compte le handicap non pas via des textes ou des mesures spécifiques mais dans chaque décision et action publiques ;

– d’autre part, en termes de gouvernance, une gestion transversale de la problématique du handicap.

2. Le comité interministériel du handicap, un premier pas en faveur d’une politique transversale

En novembre 2009, était créé le comité interministériel du handicap (CIH) dans le but explicite de renforcer la cohérence interministérielle de la politique du handicap et la transversalité de la politique du handicap.

Placé auprès du Premier ministre et disposant d’un secrétariat général (23), ce comité est composé de l’ensemble des ministres concernés par les politiques menées en faveur des personnes handicapées, et, potentiellement, de tous les membres du Gouvernement (24). Sa mission est de définir, coordonner et évaluer les politiques conduites par l’État en direction des personnes handicapées. Il doit ainsi en principe veiller au respect de l’égalité de traitement des personnes handicapées sur l’ensemble du territoire, s’assurer du respect des objectifs pluriannuels des politiques menées en leur faveur et organiser les conférences nationales sur le handicap qui ont lieu tous les trois ans.

D’après les informations dont dispose votre rapporteur, le Gouvernement prépare actuellement une réunion du comité interministériel du handicap prévue pour juin 2013 avec pour objectif d’élaborer et de mettre en œuvre une nouvelle stratégie gouvernementale de prise en compte du handicap (25). La volonté affichée est d’insuffler un nouvel élan à la politique du handicap et de favoriser l’émergence d’une société plus inclusive, aussi bien dans le monde du travail que dans la vie de la cité en général. La stratégie gouvernementale devrait reposer sur trois principes :

– privilégier l’accès au droit commun ;

– inclure les personnes dans la vie de la cité dans toutes ses composantes ;

– garantir une égalité de traitement quels que soient le type de handicap, la condition sociale ou le lieu de résidence.

Pour mettre en œuvre ces principes, le Gouvernement entend s’appuyer sur deux moyens complémentaires et indissociables : la recherche d’une accessibilité universelle et la prise en compte des spécificités du parcours de vie d’une personne en situation de handicap. Le premier bilan du Comité interministériel devrait être établi en février 2014 dans le cadre de la préparation de la prochaine Conférence nationale sur le handicap.

Votre rapporteur se félicite des principes ainsi dégagés dans le cadre du Comité interministériel et approuve l’orientation qui est donnée à l’action du Gouvernement en matière de handicap. Toutefois, si le comité interministériel incarne la volonté de faire du handicap une donnée transversale des politiques publiques, dont il soit tenu compte lors de chaque prise de décision et dans chaque action mise en œuvre, on peut néanmoins douter que la seule existence de cette structure informelle suffise à garantir la réalisation de cet objectif.

B. UN CHANGEMENT DE MÉTHODE DANS L’ÉLABORATION DES NORMES S’IMPOSE

1. L’engagement présidentiel en faveur d’un « volet handicap » dans chaque loi

Le constat est largement partagé : les modalités d’action et de réglementation, de même que les procédures d’élaboration des normes, doivent désormais évoluer pour contribuer à l’avènement d’une société inclusive. « Une société inclusive est une société ouverte à tous qui doit être conçue pour toutes les personnes, quelles que soient leur situation et leurs particularités » (26). Une telle conception repose sur une approche environnementale du handicap où celui-ci n’est plus défini comme inhérent à une personne mais comme ce qui caractérise la relation d’une personne à son environnement. Cette conception débouche naturellement sur un impératif d’adaptation de l’environnement à la personne handicapée, et non l’inverse, impératif qui concerne potentiellement tous les domaines (social, sanitaire, professionnel, culturel, etc.) et va beaucoup plus loin que la mise en œuvre de mesures palliatives, au coup par coup. Cette conception exige en effet d’adapter nos modes de pensée et d’action afin d’intégrer le handicap dans la réflexion préalable à toute décision des pouvoirs publics et, en particulier, dans l’élaboration des lois et règlements.

 L’engagement 32 pris par François Hollande lors de la campagne présidentielle (27) ne visait pas autre chose en prévoyant l’insertion d’un « volet handicap » dans chaque loi. En application de cet engagement, chaque projet de loi devrait désormais prévoir un tel volet, élaboré en concertation avec le ministère chargé des personnes handicapées et de la lutte contre l’exclusion (28).

Sur un strict plan juridique, cet engagement n’a toutefois trouvé qu’une traduction limitée via une circulaire du Premier ministre adressée le 4 septembre dernier à l’ensemble des ministres (29) et détaillant la procédure à mettre en œuvre pour appliquer ces nouvelles dispositions (voir texte en annexe du présent rapport).

Cette circulaire, après avoir rappelé le caractère interministériel de la politique du handicap (30) et l’objectif d’inclusion des personnes en situation de handicap dans la vie de la cité, souligne que « des dispositions spécifiques aux personnes en situation de handicap ont en principe vocation à figurer dans chaque projet de loi (…) en cohérence avec la stratégie d’ensemble concernant ces personnes ».

Un bémol est logiquement apporté à ce principe dans la mesure où « dans certains cas (…), compte tenu notamment de la nature et de la portée du texte, l’insertion de dispositions spécifiques relatives aux personnes handicapées ne se justifiera pas ». Des « explications et justifications nécessaires » doivent néanmoins être fournies au cabinet du Premier ministre et au Secrétariat général du Gouvernement en l’absence de dispositions spécifiques.

Concrètement, la principale obligation résultant de cette circulaire consiste en l’inclusion systématique dans les travaux préparatoires d’un projet de loi d’une réflexion sur l’insertion dans le texte de dispositions spécifiques aux personnes handicapées. Cette réflexion doit être retracée dans une fiche « diagnostic-handicap ».

Comme on peut le voir en annexe du présent rapport, cette fiche de diagnostic est assez sommaire. En dépit de son intitulé, elle ne prévoit pas d’établir de constat sur la situation des personnes handicapées dans le domaine concerné avant d’indiquer si des mesures spécifiques sont ou non envisagées. Sa portée est donc uniquement prospective : « y a-t-il des mesures spécifiques dans le texte ? oui ou non ? pourquoi ? ». En l’absence d’éléments obligatoires de diagnostic, il est à craindre que la justification de l’absence de dispositions en faveur des personnes handicapées soit relativement aisée et que la tentation soit grande d’avoir une lecture purement formelle du dispositif prévu par la circulaire.

Notons par ailleurs que la fiche « diagnostic-handicap » a vocation à « nourrir l’étude d’impact du projet de loi ». La circulaire précise à cet égard que les études d’impact devront désormais retracer cette réflexion préalable, que le texte comporte ou non des dispositions spécifiques. Ce faisant, la circulaire du 4 septembre 2012 a en quelque sorte pour effet de modifier, indirectement, l’article 8 de la loi organique n° 2009-403 du 15 avril 2009 relative à l’application des articles 34-1, 39 et 44 de la Constitution qui définit le contenu des études d’impact annexées aux projets de loi, ce qui constitue un procédé quelque peu étonnant.

Enfin, la circulaire indique succinctement que les ministres doivent également être « attentifs à l’objectif de prise en compte de la situation des personnes handicapées lors de la préparation des autres projets de textes » mais ne fixe ni procédure d’examen et ni modalité de justification du contenu des textes de niveau réglementaire, ce qui ne permet pas de garantir que cette disposition sera effectivement appliquée.

 La publication d’une simple circulaire afin de mettre en œuvre l’engagement pris par François Hollande pendant la campagne présidentielle de mener à bien une rénovation complète de notre conception de la politique du handicap ne semble pas témoigner d’une volonté très marquée de la part du Gouvernement. Ce texte aurait cependant pu être l’occasion de donner une impulsion et d’orienter résolument l’action des ministres : force est de constater que, plus de six mois après la publication de la circulaire, l’objectif n’est clairement pas atteint.

Votre rapporteur a procédé à un recensement des textes déposés et examinés par le Parlement après le 4 septembre 2012 et a étudié le contenu de leurs études d’impact afin de vérifier la mise en œuvre de la procédure arrêtée par le Premier ministre. Le résultat est extrêmement décevant.

Le premier texte dont l’étude d’impact aborde la question de ses implications sur la situation des personnes handicapées est le projet de loi relatif à la création d’une banque publique d’investissement déposé le 17 octobre 2012. L’étude d’impact annexée se borne à constater que « la loi n’aura pas d’impact sur la situation des personnes en situation de handicap ». Mais, qu’il s’agisse du projet de loi relatif à la mobilisation du foncier public en faveur du logement et au renforcement des obligations de production de logement social (31), du projet de loi relatif à la régulation économique outre-mer et portant diverses dispositions relatives à l’outre-mer ou du projet de loi relatif à la mise en œuvre du principe de participation du public défini à l’article 7 de la Charte de l’environnement, tous déposés avant le projet de loi relatif à la création d’une banque publique d’investissement, aucun ne s’accompagne d’une étude d’impact mentionnant leurs éventuelles implications pour les personnes handicapées, alors même que les sujets dont ils traitent l’auraient amplement justifié. C’est le cas également des nombreux autres textes déposés par la suite. Seule exception notable : le projet de loi portant création du contrat de génération comprend une analyse détaillée de la problématique particulière de l’insertion et du maintien dans l’emploi des personnes en situation de handicap à l’appui des adaptations spécifiques prévues par le texte.

Outre l’absence pure et simple dans la plupart des études d’impact d’une quelconque mention portant sur l’existence d’un examen préalable des implications du texte pour les personnes handicapées, le caractère insuffisamment précis et argumenté des données fournies par ces études d’impact, lorsqu’il y en a, a été souligné par l’ensemble des représentants associatifs auditionnés par votre rapporteur. L’étude d’impact afférente au projet de loi d’orientation et de programmation pour la refondation de l’école de la République a été ainsi unanimement considérée comme insuffisante par nos interlocuteurs. Alors même que la scolarisation des enfants en situation de handicap reste une gageure – nombre d’entre eux n’ayant pas accès à un enseignement régulier et de qualité, et que le projet de loi se veut porteur d’une vaste ambition –, le document fourni par le Gouvernement se contente d’indiquer que « les dispositifs prévus à l’égard des élèves et des étudiants en situation de handicap ne requièrent pas de modifications substantielles ». La justification apportée est limpide, à défaut d’être convaincante : la jurisprudence imposant à l’État l’obligation de mettre en œuvre les moyens nécessaires pour que le droit à l’éducation et l’obligation scolaire des enfants handicapés aient un caractère effectif, l’étude d’impact présuppose que ces moyens sont nécessairement mis en œuvre et suffisants pour que l’école de la République remplisse ses devoirs vis-à-vis des enfants handicapés ! Comment prétendre qu’il s’agit là d’une justification sérieuse de l’absence de mesures spécifiques dans le projet de loi ?

Cet exemple démontre le peu de cas qui est fait de la procédure fixée par la circulaire du 4 septembre 2012 , voire de l’objectif même qu’elle sous-tend, et en dit long sur le chemin qu’il reste à parcourir pour faire du handicap une donnée incontournable des politiques publiques.

C’est la raison pour laquelle votre rapporteur estime qu’il convient désormais d’inscrire dans la loi l’engagement du Gouvernement à prendre en compte la situation des personnes handicapées dans l’élaboration des projets de textes législatifs et réglementaires.

2. Une proposition de loi visant à développer un « réflexe handicap » dans l’élaboration des normes

a) Le dispositif

Afin de mettre en œuvre une approche globale, transversale et continue du handicap, il est proposé d’insérer dans chaque loi un article prévoyant une adaptation des dispositions du texte à la situation des personnes handicapées.

La rédaction actuelle de la proposition de loi n’est toutefois pas opérante sur un plan juridique, dans la mesure où elle se limite à prévoir que les lois « doivent s’adapter à la situation des personnes handicapées ». C’est la raison pour laquelle votre rapporteur a souhaité retravailler en profondeur le texte, jugeant préférable de fixer une méthode de travail au Gouvernement pour aboutir à cet objectif plutôt que d’en rester à la formulation d’un principe abstrait.

La nouvelle rédaction à laquelle il a abouti vise ainsi à faire en sorte que tout projet de réforme envisagé par le Gouvernement fasse l’objet d’une réflexion préalable en vue de son adaptation à la situation des personnes handicapées et prévoie, autant que de besoin, les dispositions législatives ou réglementaires nécessaires à cette adaptation. Cette disposition reprend en quelque sorte la « feuille de route » fixée par le Premier ministre dans la circulaire du 4 septembre 2012 tout en élargissant considérablement son champ et sa portée.

Votre rapporteur souhaite en effet que l’obligation de réflexion sur la prise en compte des personnes handicapées préalable à toute réforme s’applique non seulement aux textes de nature législative mais également aux textes de nature réglementaire.

Ensuite, le dispositif proposé contribuera à renforcer l’information du Parlement, dans la mesure où il prévoit également que « lorsqu’un projet de loi est déposé sur le bureau des assemblées, le Gouvernement communique au Parlement un document d’orientation faisant état de [la] réflexion [préalable qu’il a menée sur le handicap] et présentant les éléments de diagnostic, les objectifs poursuivis et, le cas échéant, les dispositions législatives ou réglementaires prévues (…) ». Rappelons en revanche qu’aujourd’hui, les fiches « diagnostic handicap » ne sont pas communiquées aux parlementaires. L’inscription de cette méthode de travail dans la loi autorisera en outre explicitement députés et sénateurs à en contrôler l’application.

Enfin, nul ne saurait contester la valeur juridique et symbolique supérieure d’une loi sur une circulaire !

Votre rapporteur tient à cet égard à souligner qu’il s’est inspiré pour la mise au point de cette nouvelle rédaction des dispositions de la loi n° 2007-130 du 31 janvier 2007 de modernisation du dialogue social (dite « loi Larcher »). La loi du 31 janvier 2007 est à l’origine des articles L. 1 à L. 3 du code du travail qui prescrivent au Gouvernement de consulter les partenaires sociaux avant tout projet de réforme portant sur les relations individuelles et collectives du travail, l’emploi et la formation professionnelle et qui relève du champ de la négociation nationale et interprofessionnelle (32).

Certes, une loi ne respectant pas ces prescriptions ne saurait être considérée comme illégale, une loi pouvant défaire ce qu’une autre loi a fait. Mais, outre le fait que le Conseil d’État veille au respect de ces dispositions (33), force est de constater que leur adoption a réellement permis de mettre en œuvre de nouvelles modalités d’action, mais également de présentation et d’examen des projets de loi en matière de droit du travail. Depuis cinq ans, peu d’entorses ont ainsi été constatées au principe posé à l’article L. 1, dont la mise en œuvre est suivie avec vigilance non seulement par les partenaires sociaux mais également par les parlementaires (34).

La place des partenaires sociaux dans l’élaboration des réformes

Extraits de l’intervention de Jean-Marc Sauvé dans le cadre des entretiens du Conseil d’État en droit social le vendredi 5 février 2010

« La loi du 31 janvier 2007 a profondément renouvelé le cadre juridique du dialogue social et elle a, ce faisant, ouvert une dynamique favorable à la démocratie sociale.

Outre l’apport symbolique de cette loi, illustré par la codification de ses dispositions à l’article L. 1 du code du travail, dans un titre préliminaire créé pour l’occasion et consacré au dialogue social, la contribution de cette loi à l’évolution du droit de la négociation collective tient à la fois au caractère « pré-constitutionnel » du mécanisme juridique qu’elle a créé et à la formalisation d’une véritable méthode de la négociation collective préalable à la loi.

« Pré-constitutionnel », le terme est sans doute impropre, mais il exprime à la fois l’originalité du mécanisme institué par cette loi et les interrogations que sa nature particulière a pu susciter. Le fait pour une loi de prévoir une procédure préalable à l’adoption de lois à venir n’allait pas sans poser question. S’agissait-il d’un dispositif contraignant ? Auquel cas il était alors de nature constitutionnelle et pouvait difficilement figurer dans des dispositions de nature législative ordinaire. Était-ce un dispositif purement incitatif  ou indicatif ? Alors il s’agissait de dispositions sans portée normative qui n’avaient pas leur place dans une loi, comme le Conseil constitutionnel l’a rappelé par sa décision n° 2005-512 DC du 21 avril 2005. (…) La réalité est que le dispositif ainsi créé a permis d’instaurer une véritable méthode pratique de la négociation collective préalable à l’adoption de lois futures.

(…) Trois ans après l’entrée en vigueur de cette loi, la méthode qu’elle a créée semble avoir insufflé une dynamique favorable au dialogue social ».

Dans le cas qui nous intéresse, le Gouvernement a déjà fait montre de son intention d’œuvrer dans le sens d’une meilleure prise en compte de la situation des personnes handicapées au travers de la circulaire du 4 septembre 2012. La mise en œuvre de cette circulaire reste toutefois, on l’a vu, très aléatoire. La définition d’un principe d’action du Gouvernement dans la loi renforcerait donc la portée de ces dispositions et en garantirait une meilleure application.

En effet, il ne fait pas de doute que non seulement les parlementaires, mais également les associations œuvrant en faveur des personnes handicapées, auront dès lors une latitude plus importante pour s’assurer du respect de ces obligations. C’est également la raison pour laquelle votre rapporteur plaide en faveur d’un renforcement des missions du Conseil national consultatif des personnes handicapées (CNCPH) : celui-ci devrait en effet intervenir systématiquement au stade de la préparation des textes afin de contribuer à la réflexion préalable sur la prise en compte du handicap.

Ainsi, votre rapporteur vous soumettra une nouvelle rédaction du présent article prévoyant :

– d’une part, que tout projet de réforme envisagé par le Gouvernement fait l’objet d’une réflexion préalable en vue de son adaptation à la situation des personnes handicapées et prévoit, autant que de besoin, les dispositions législatives ou réglementaires nécessaires à cette adaptation ;

– d’autre part, que chaque projet de loi déposé sur le bureau des assemblées est accompagné d’un « document d’orientation » faisant état de cette réflexion et présentant les éléments de diagnostic, les objectifs poursuivis et, le cas échéant, les dispositions législatives ou réglementaires prévues pour tenir compte de la situation des personnes handicapées. Ce document pourrait bien évidemment figurer dans l’étude d’impact annexée au projet de loi.

Enfin, votre rapporteur entend également vous soumettre un amendement modifiant l’article L. 146-1 du code de l’action sociale et des familles qui définit le rôle du Conseil national consultatif des personnes handicapées afin que celui-ci soit effectivement consulté par les ministres compétents sur tout projet, programme ou étude intéressant les personnes handicapées, alors que cela n’est aujourd’hui qu’une faculté.

b) Une première étape ?

Dans le cadre de sa réflexion sur le texte, votre rapporteur a bien évidemment envisagé plusieurs options. Celle qu’il vous soumet aujourd’hui a le mérite de la simplicité et de la cohérence avec l’action du Gouvernement ; elle ne change en outre pas la nature du texte. Votre rapporteur n’en considère pas moins que l’adoption de dispositions de nature organique ou constitutionnelle pourrait parfaitement se justifier, tant sur la forme que sur le fond.

Rappelons tout d’abord que la présentation des projets de loi et le contenu des études d’impact font l’objet, en vertu de l’article 39 de la Constitution, de dispositions organiques. La loi organique du 15 avril 2009 fixe ainsi dans son article 8 la liste des éléments devant impérativement figurer dans les « documents rendant compte de l’étude d’impact » menée par le Gouvernement. Comme indiqué précédemment, les nouvelles obligations prévues par la circulaire du 4 septembre 2012 au titre des études d’impact auraient donc naturellement vocation à figurer au sein de cet article. Pourrait notamment être envisagé l’insertion d’un nouvel alinéa (nouveau tiret) afférent au « contenu et [à la] justification des mesures spécifiques prévues par le projet de loi pour l’adaptation de tout ou partie des dispositions envisagées aux personnes en situation handicap, et, en l’absence de telles mesures, les raisons ayant motivé ce choix ».

Article 8 de la loi organique du 15 avril 2009

(modifié par l’article 3 de la loi organique du 28 juin 2010)

Les projets de loi font l’objet d’une étude d’impact. Les documents rendant compte de cette étude d’impact sont joints aux projets de loi dès leur transmission au Conseil d’État. Ils sont déposés sur le bureau de la première assemblée saisie en même temps que les projets de loi auxquels ils se rapportent.

Ces documents définissent les objectifs poursuivis par le projet de loi, recensent les options possibles en dehors de l'intervention de règles de droit nouvelles et exposent les motifs du recours à une nouvelle législation.

Ils exposent avec précision :

– l’articulation du projet de loi avec le droit européen en vigueur ou en cours d'élaboration, et son impact sur l'ordre juridique interne ;

– l’état d'application du droit sur le territoire national dans le ou les domaines visés par le projet de loi ;

– les modalités d’application dans le temps des dispositions envisagées, les textes législatifs et réglementaires à abroger et les mesures transitoires proposées ;

– les conditions d’application des dispositions envisagées dans les collectivités régies par les articles 73 et 74 de la Constitution, en Nouvelle-Calédonie et dans les Terres australes et antarctiques françaises, en justifiant, le cas échéant, les adaptations proposées et l’absence d’application des dispositions à certaines de ces collectivités ;

– l’évaluation des conséquences économiques, financières, sociales et environnementales, ainsi que des coûts et bénéfices financiers attendus des dispositions envisagées pour chaque catégorie d'administrations publiques et de personnes physiques et morales intéressées, en indiquant la méthode de calcul retenue ;

– l’évaluation des conséquences des dispositions envisagées sur l’emploi public ;

– les consultations qui ont été menées avant la saisine du Conseil d'État ;

– s’il y a lieu, les suites données par le Gouvernement à l’avis du Conseil économique, social et environnemental ;

– la liste prévisionnelle des textes d’application nécessaires.

Enfin, la France est loin de se situer à l’avant-garde des pays développés pour la reconnaissance des droits des personnes handicapées. Sur un plan juridique, plusieurs pays européens ont fait de l’égalité des droits des personnes en situation de handicap un principe de rang constitutionnel. Par exemple, la Constitution espagnole fait référence de manière explicite à l’insertion dans la société des personnes handicapées et au rôle du Gouvernement dans la poursuite de cet objectif ; son article 49 précise ainsi que « les pouvoirs publics poursuivront une politique de prévision, de traitement, de réhabilitation et d’intégration des handicapés physiques, sensoriels et psychiques à qui ils assureront les soins spécialisés dont ils auront besoin et ils leur accorderont une protection particulière pour qu’ils jouissent des droits que le présent titre [Titre Ier Des droits et des devoirs fondamentaux] octroie à tous les citoyens » (35).

Votre rapporteur considère que l’insertion de dispositions similaires dans la Constitution française pourrait parfaitement se justifier, ne serait-ce que pour reprendre le principe dégagé dans la présente proposition de loi selon lequel « les lois prévoient les mesures d’adaptation de leurs dispositions nécessaires à la prise en compte de la situation des personnes handicapées ». En outre, à l’heure où le Gouvernement envisage de modifier la Constitution afin d’y consacrer la primauté du dialogue social dans les matières relevant du champ de la négociation collective (36) et, alors même que votre rapporteur vous propose de vous inspirer des dispositions de l’article L.1 du code du travail pour modifier la présente proposition de loi, il estime qu’il serait, à termes, logique d’inscrire dans la Constitution les principes qu’il souhaite aujourd’hui voir reconnus dans la loi.

TRAVAUX DE LA COMMISSION

I. DISCUSSION GÉNÉRALE

M. Damien Abad, rapporteur. Madame la présidente, chers collègues, la France accuse un retard certain en matière d’insertion sociale des personnes handicapées. Si la loi du 11 février 2005 a fixé comme objectif l’accessibilité de tous les domaines de la vie sociale aux personnes handicapées et l’instauration d’un droit à compensation, elle n’a pas réussi à changer fondamentalement la vision que nous avons du handicap. Notre approche demeure compartimentée et segmentée ; on pense aux personnes handicapées uniquement lorsqu’on prépare une loi sur le handicap. La présente proposition de loi vise à changer de logique et à promouvoir une approche globale, transversale et continue du handicap ; elle a pour objet de décloisonner la politique du handicap et d’instaurer un « réflexe handicap » pour chaque loi.

Cela est d’autant plus important qu’avec le vieillissement de la population, la question est de plus en plus prégnante ; la probabilité pour chacun d’entre nous d’être confronté au handicap augmente inexorablement. Le handicap n’est pas que l’affaire des personnes handicapées : il nous concerne tous, au nom du principe de solidarité, du principe d’égalité et du principe de réalité. Il ne s’agit pas du combat des personnes handicapées contre tous, mais du combat de tous pour les personnes handicapées.

Aujourd’hui, un changement complet de nos modes de pensée et de notre conception de l’action publique s’impose si nous voulons que notre société soit réellement inclusive, c’est-à-dire qu’elle soit ouverte à tous nos concitoyens, quelles que soient leur situation et leurs particularités. Il convient notamment d’adopter une approche environnementale du handicap, où celui-ci n’est plus défini comme inhérent à une personne, mais comme ce qui caractérise la relation d’un individu à son environnement ; cela implique l’adaptation de l’environnement à la personne handicapée, et non l’inverse.

Cette conception de la société, de nombreux pays européens l’ont déjà adoptée. Au Danemark, par exemple, la politique du handicap, basée sur les principes de solidarité, de normalisation et d’intégration, rend la société responsable de l’adaptation des services qu’elle propose aux besoins spécifiques des personnes handicapées ; il n’existe aucune législation spécifique, sauf quand la législation générale est insuffisante. L’intégration des personnes handicapées est un objectif général imposé aux administrations locales et régionales.

La Convention des Nations unies relative aux droits des personnes handicapées, adoptée en décembre 2006 et qui a force contraignante pour les États parties – dont nous sommes –, impose de « protéger et assurer la pleine et égale jouissance de tous les droits de l’homme et de toutes les libertés fondamentales par les personnes handicapées ».

Dans cette perspective, la proposition de loi tend à faire en sorte que, dans chaque texte de loi, des dispositions prévoient d’en adapter le contenu à la situation des personnes handicapées. Elle a donc le même objectif qu’un des engagements de campagne de l’actuel Président de la République, qui consistait à insérer un « volet handicap » dans chaque projet de loi.

Pour l’heure, cet engagement ne s’est traduit que par la publication le 4 septembre dernier d’une circulaire du Premier ministre prescrivant aux ministres d’engager, avant toute réforme, une réflexion sur la prise en compte du handicap et de retracer cette réflexion dans une fiche « diagnostic-handicap » dont le contenu aura vocation à figurer dans l’étude d’impact du projet de loi correspondant, que celui-ci contienne ou non des dispositions spécifiques pour les personnes handicapées.

Force est de constater que, jusqu’à présent, ces dispositions ont été peu appliquées : moins de la moitié des études d’impact annexées aux projets de loi examinés par l’Assemblée nationale font mention des personnes handicapées et, quand cette mention existe, elle conclut en général fort sommairement à l’inutilité de mesures spécifiques ; il n’est en outre prévu aucune procédure pour les textes réglementaires. La circulaire, même si elle est un progrès, ne répond que partiellement à l’ambition d’une société inclusive.

Face à ce constat, il importe d’imposer un « réflexe handicap » pour chaque loi. Toutefois, en l’état, la proposition de loi n’est pas opérationnelle ; c’est pourquoi je présenterai un amendement proposant une nouvelle rédaction de son article unique. Le nouveau dispositif serait double : il permettrait, d’une part, que tout projet de réforme envisagé par le Gouvernement fasse l’objet d’une réflexion préalable en vue de son adaptation à la situation des personnes handicapées et prévoie, autant que de besoin, les dispositions législatives ou réglementaires nécessaires à cette adaptation, d’autre part, que chaque projet de loi déposé sur le bureau des assemblées soit accompagné d’un « document d’orientation » faisant état de cette réflexion et présentant les éléments de diagnostic, les objectifs poursuivis et, le cas échéant, les dispositions législatives ou réglementaires prévues pour tenir compte de la situation des personnes handicapées.

Il serait ainsi établi un principe d’action du Gouvernement en matière de handicap. Le dispositif s’inspire des articles L. 1 et L. 3 du code du travail, issus de la « loi Larcher » de janvier 2007, qui imposent au Gouvernement de consulter les partenaires sociaux avant tout projet de réforme portant sur des matières entrant dans le champ de la négociation nationale interprofessionnelle. Dans le bilan qu’il a dressé de la mise en œuvre de la « loi Larcher » trois ans après son adoption, le vice-président du Conseil d’État en a certes souligné le statut hybride – qu’il a qualifié de « pré-constitutionnel » –, mais il a surtout salué l’avancée que cette loi représentait pour le dialogue social, du fait de sa force symbolique et de la définition d’une méthode de travail préalable à l’élaboration de la loi.

Tout en étant conscient des limites juridiques d’un tel dispositif, puisqu’une loi ordinaire ne peut s’imposer à une autre loi, je pense qu’il est à même d’enclencher une dynamique favorable. C’est dans cet esprit que nous avons retravaillé la proposition de loi ; nous estimons que si le Gouvernement et le législateur montrent autant de volonté à appliquer les dispositions de ce texte qu’à respecter la procédure de consultation des partenaires sociaux prévue à l’article L. 1 du code du travail, la politique du handicap aura franchi une étape décisive.

Je proposerai deux autres amendements de moindre portée. Le premier tend à modifier l’article L. 146-1 du code de l’action sociale et des familles afin que le Conseil national consultatif des personnes handicapées (CNCPH) soit systématiquement consulté sur les projets de réforme intéressant les personnes handicapées ; le second modifie l’intitulé de la proposition de loi afin de faire référence à « l’inclusion » des personnes handicapées dans la société.

La proposition de loi ainsi rectifiée a le mérite de la simplicité, de la clarté et de la cohérence ; elle s’appuie sur un dispositif juridique qui a fait ses preuves. Elle traduit une volonté politique forte qui dépassera, je l’espère, les clivages partisans – elle a d’ailleurs déjà reçu le soutien des représentants associatifs que nous avons auditionnés. Bref, je la crois capable de nous rassembler pour faire évoluer notre société et instaurer un « réflexe handicap » pour chaque loi.

Mme Bernadette Laclais. Pour ce qui est de son objectif, le texte qui nous est proposé ne peut que recevoir l’assentiment des parlementaires et des associations. Le problème, c’est la méthode qui a été retenue : cette proposition de loi étant de portée très générale, elle sera difficile à appliquer.

Vous avez raison de souligner qu’on ne peut pas se contenter de parler du handicap uniquement lorsqu’une loi est présentée sur le sujet, et que la question de l’intégration des personnes handicapées doit être abordée dans chaque texte de loi. Mais le Gouvernement n’a pas attendu pour mettre en œuvre l’engagement n° 32 du Président de la République – à savoir garantir l’existence d’un volet handicap dans chaque loi : dès le 4 septembre 2012, le Premier ministre faisait publier au Journal officiel une circulaire en ce sens. L’action du Gouvernement s’appuie sur une prise en compte transversale du handicap, conformément à vos souhaits.

Cela a d’ailleurs été vérifié lors de l’examen de plusieurs textes : ainsi, les lois portant création du contrat de génération et des emplois d’avenir ont pris en considération la situation particulière des personnes handicapées ; quant au projet de loi de finances pour 2013, il a traduit l’engagement du Gouvernement en la matière puisque, dans un contexte particulièrement contraint, les crédits en faveur des personnes handicapées ont été accrus de 6,3 % par rapport à 2012.

Même si les amendements que vous avez déposés sont adoptés, le texte restera beaucoup trop vague. Il ne nous semble donc pas nécessaire. Nous avons pris bonne note que vous vous inscrivez dans une démarche consensuelle, mais nous considérons qu’en imposant une réflexion sur le handicap et en prévoyant la rédaction de fiches « diagnostic handicap » préalablement au dépôt de tout projet de loi, la circulaire du 4 septembre 2012 répond déjà à vos attentes – peut-être plus précisément d’ailleurs que cette proposition de loi même amendée.

M. Bernard Perrut. Trop souvent en effet, nous avons tendance à traiter la question du handicap par une loi spécifique, et il convient d’inverser cette logique. Tel est l’objet de cette proposition de loi, qui prévoit l’insertion d’une clause relative aux personnes handicapées dans chaque loi de portée générale.

Ce texte me semble bon précisément parce qu’il promeut une approche générale de la question. Vous avez évoqué avec objectivité, monsieur le rapporteur, l’engagement pris par le Président de la République et la circulaire du Premier ministre – dont vous soulignez l’application restreinte, si ce n’est dans la loi portant création du contrat de génération. Vous proposez d’amender la proposition de loi en posant trois principes : que tout projet de réforme envisagé par le Gouvernement fera l’objet d’une réflexion préalable en vue de son adaptation à la situation des personnes handicapées ; qu’un document d’orientation faisant état de cette réflexion et présentant les éléments de diagnostic et les objectifs poursuivis sera rédigé ; enfin, que le Conseil national consultatif des personnes handicapées (CNCPH) sera consulté sur le projet.

Dans le domaine du handicap, la précédente majorité a fait ce qu’elle devait faire ; la loi du 11 février 2005, notamment, a permis un grand nombre d’avancées. Il a ainsi été créé un droit à compensation, permettant la prise en charge par la collectivité des dépenses liées au handicap ; entre 2005 et 2010, le montant moyen de la prestation de compensation du handicap, la PCH, a été multiplié par deux ; à la fin 2012, quelque 112 000 personnes en bénéficiaient. En outre, l’allocation aux adultes handicapés, l’AAH, a été revalorisée de 25 % en cinq ans – ce qui représente un effort financier de 2,3 milliards d’euros – et il a été accordé la possibilité de la cumuler avec d’autres aides.

Beaucoup de choses ont également été réalisées en matière d’intégration scolaire ; le principe de la scolarisation des enfants handicapés en milieu ordinaire a été adopté et, grâce au doublement des moyens financiers, ce sont plus de 200 000 enfants qui ont été scolarisés en 2012 – soit une hausse de 38 % par rapport à 2007. Le nombre d’enfants bénéficiant d’un accompagnement individuel a été accru, grâce au doublement du nombre des auxiliaires de vie scolaire entre 2007 et 2010.

En matière d’insertion professionnelle, il a été mis en place un système d’incitations et de sanctions alourdies afin de faire respecter les obligations légales d’emploi ; il convient de poursuivre cet effort, car si aujourd’hui près de la moitié des entreprises privées concernées – soit celles employant au moins 20 salariés depuis plus de trois ans – dépassent le quota de 6 % de travailleurs handicapés, dans le secteur public la proportion de ceux-ci reste inférieure à 5 %.

On pourrait encore évoquer le renforcement de l’accessibilité pour tous – même si, en dépit de tous nos efforts, nous rencontrons des difficultés dans les collectivités territoriales pour adapter les espaces publics, les systèmes de transport et le cadre bâti neuf à cette ambition. Là encore, des dispositifs d’incitations et de sanction ont été prévus ; nous devons accélérer le rythme car nous avons pris du retard.

Enfin, une simplification administrative a été engagée. La création des maisons départementales des personnes handicapées a permis de fusionner en un guichet unique les différentes commissions qui existaient auparavant.

Que l’on ne se méprenne pas : il s’agit pour moi, non d’opposer les uns et les autres, mais de montrer qu’une évolution significative est en cours, qui doit se poursuivre. Les personnes handicapées méritent une attention quotidienne. Il convient d’adopter une approche globale et transversale, qui tienne davantage compte de leurs besoins spécifiques. Tel est l’objet de cette proposition de loi, dans laquelle nous devrions nous retrouver, car s’il y a un sujet de consensus, c’est bien celui-ci !

M. Jean-Louis Roumegas. Il est évident qu’on ne peut que partager l’ambition de ce texte ; la difficulté est d’en déterminer le statut législatif, car il tend plutôt à énoncer un principe constitutionnel. Pourquoi avoir déposé une proposition de loi ordinaire ? Comment celle-ci pourra-t-elle s’appliquer, étant donné que son contenu est très vague et qu’elle ne fixe aucun objectif précis ?

Dans l’attente d’une réflexion plus poussée, le groupe écologiste réserve son opinion sur ce texte.

Mme Véronique Louwagie. La mise en œuvre de la proposition de loi de Damien Abad créerait des droits nouveaux allant dans le sens du respect du principe d’égalité. L’intégration des personnes handicapées en serait améliorée.

Si, depuis la loi de 2005, la situation a évolué dans le bon sens – augmentation de la prestation de compensation du handicap, mesures en faveur de l’intégration scolaire et professionnelle avec des mécanismes d’incitation et de sanction pour les entreprises, renforcement de l’accessibilité grâce à l’édiction de normes nouvelles, création des maisons départementales des personnes handicapées –, il reste encore beaucoup à faire. Il suffit pour s’en convaincre de considérer le faible nombre d’entreprises qui emploient des personnes handicapées et de se souvenir que le taux de chômage au sein de cette population s’élève à 22 %.

Cette proposition de loi permettra au législateur de changer de mode de pensée. Une nouvelle conception pourra alors se diffuser dans l’ensemble de la société et améliorer ainsi la situation des personnes handicapées sur le terrain.

M. le rapporteur. Madame Laclais, vous approuvez l’objectif de la proposition tout en contestant son dispositif et son applicabilité. Puisque l’amendement de rédaction globale que je vous propose d’adopter résout tous les problèmes que vous évoquez, vous n’avez qu’à le voter !

Vous n’avez pas attendu cette proposition de loi, dites-vous, pour mettre en œuvre l’engagement n° 32 du candidat François Hollande ; je le reconnais bien volontiers. Mais sur un tel sujet, arrêtons la politique politicienne ! La circulaire du 4 septembre 2012 constitue une avancée ; je ne le conteste pas. Je refuse en revanche d’admettre qu’elle rend la proposition de loi inutile. Tout d’abord, une loi reste supérieure à une circulaire – nous serions mal placés pour prétendre le contraire. Ensuite, et surtout, nous constatons des difficultés dans l’application de la circulaire. Pour illustrer son efficacité, vous avez cité le projet de loi créant le contrat de génération, mais il s’agit précisément du seul texte ayant fait l’objet d’un volet handicap – cela n’a pas été le cas, par exemple, des projets de loi sur le logement ou sur l’école. La circulaire prévoit qu’une fiche « diagnostic-handicap » sera rédigée pour chaque projet de loi à l’attention de l’exécutif ; si nous voulons que le Parlement en ait connaissance et exerce son contrôle, il faut que nous votions une loi. J’ajoute que le champ de la proposition de loi serait plus large que celui de la circulaire puisqu’elle concernerait aussi les actes réglementaires nombreux en matière de handicap.

Nous proposons de mettre en place un dispositif inspiré de la « loi Larcher » du 31 janvier 2007. Je veux bien admettre qu’il aurait des faiblesses juridiques mais, ce qui importe c’est son impact et ses effets. Or il est incontestable que la « loi Larcher » s’applique : il est rare désormais qu’un projet de loi portant sur les relations de travail ne donne pas lieu à une consultation préalable des partenaires sociaux. Les dispositions de la proposition de loi seraient applicables de la même façon. Elles apportent ainsi une réelle valeur ajoutée à la circulaire de septembre 2012. De plus, je propose d’adopter un amendement renforçant le rôle du Conseil national consultatif des personnes handicapées (CNCPH).

Jean-Louis Roumegas s’est interrogé sur le statut du dispositif proposé. Pour ma part, je serais heureux de considérer que le passage par la loi n’est qu’une première étape. Si, à l’instar de l’exemple espagnol, le Gouvernement souhaite en faire une règle constitutionnelle, je ne pourrais qu’être enthousiaste.

Vous ne pouvez pas refuser cette proposition de loi tout en prétendant que son objectif vous convient. Je préférerais vous entendre contester l’idée d’une « société inclusive » que vous voir défendre cette position. Selon vous, la pratique dictée par une circulaire l’emporterait vraiment sur l’objectif recherché par une loi ? Comment pouvez-vous être cohérents en repoussant un texte dont vous approuvez l’objectif ? Souhaitez-vous vraiment que le handicap soit prisonnier d’enjeux partisans ? Ce serait vraiment dommage !

Pour ma part, j’ai consulté sans a priori toutes les personnes concernées, et nous avons eu de très fructueux échanges avec le cabinet de Mme Marie-Arlette Carlotti, la ministre déléguée chargée des personnes handicapées et de la lutte contre l’exclusion. Je ne revendique aucune paternité concernant ce texte ; ce qui m’importe c’est qu’une approche inclusive du problème du handicap prenne en compte l’évolution actuelle de la société et des mœurs. Chacun votera en son âme et conscience !

J’entends que le comité interministériel du handicap sera prochainement réuni, que le Gouvernement fera des propositions, et que se tiendra ensuite une Conférence nationale sur le handicap. Il me semble que cette proposition de loi s’inscrit parfaitement dans cette démarche.

M. Michel Issindou. Il faut tout de même un peu de méthode !

M. le rapporteur. Nous proposons seulement d’appliquer la méthode mise en place par la « loi Larcher ». Prétendez-vous qu’elle est inefficace ? Il me semble au contraire qu’elle a eu des effets.

Je ne comprends pas pour quelles raisons vous pourriez émettre un vote défavorable, à moins que n’entrent en jeu des considérations qui dépassent le cadre de ce texte et de cette Commission.

II. EXAMEN DE L’ARTICLE UNIQUE

Article unique

Prise en compte de la problématique du handicap dans toutes les lois

Le présent article propose un dispositif simple visant à faire en sorte que les lois à venir, quels que soient leurs domaines d’intervention, tiennent compte de la problématique du handicap et comportent, lorsque cela est nécessaire, des dispositions d’adaptation à la situation des personnes handicapées.

Le but poursuivi est de décloisonner la politique du handicap en ne la cantonnant plus à des thématiques et à des textes consacrés à cette question mais en faisant en sorte qu’elle irrigue tout le champ de l’action publique et qu’elle devienne une donnée incontournable de la décision politique.

Pour votre rapporteur, c’est à cette seule condition que les personnes handicapées cesseront d’être traitées comme des citoyens à part, ni totalement intégrés, ni totalement exclus de la société, pour devenir des citoyens à part entière. La société doit s’ouvrir aux personnes handicapées au lieu de les sommer de s’y intégrer : elle doit devenir inclusive et garantir à chacun d’y trouver sa place. Dans cette perspective, il apparaît impératif de repenser les modalités de l’action gouvernementale et de développer un « réflexe handicap » dans la mise en œuvre des politiques publiques, que ce soit au niveau législatif ou réglementaire, mais également dans les déclinaisons territoriales de ces politiques.

L’objectif est ambitieux, tant dans ses fondements, qui s’appuient sur une conception du handicap certes déjà développée aux niveaux international ou européen mais radicalement nouvelle dans notre pays, que dans ses implications concrètes. La traduction législative de cet objectif au travers du présent texte ne constitue à cet égard qu’une étape : sa portée restera limitée si elle ne fait pas l’objet d’une volonté politique forte et constante. Elle a néanmoins le mérite d’inscrire un principe dans la loi et d’ouvrir de nouvelles perspectives pour la reconnaissance des droits des personnes handicapées.

• Le dispositif

Ainsi que l’indique l’exposé des motifs de la présente proposition de loi, « l’objectif est d’avoir une approche globale, transversale et continue du handicap afin de mieux prendre en compte les besoins spécifiques des personnes handicapées ». Pour ce faire, il est proposé d’insérer dans chaque loi une disposition prévoyant une adaptation des dispositions du texte à la situation des personnes handicapées.

Dans sa rédaction actuelle, la proposition de loi se heurte néanmoins à plusieurs écueils.

Tout d’abord, le dispositif prévoit l’insertion dans toute loi de portée générale (c’est-à-dire ne portant pas spécifiquement sur le handicap) d’un « article additionnel ». Cela semble sous-entendre que la précision voulue serait apportée par voie d’amendement : cette solution soulève néanmoins de nombreuses difficultés et il paraîtrait plus rationnel que les modifications attendues figurent plutôt dans le projet de loi au moment où celui-ci est déposé sur le bureau des assemblées, conformément à l’engagement pris par François Hollande.

Ensuite, la proposition de loi se limite à prévoir l’insertion d’une phrase, qui serait identique quels que soient les textes, prévoyant que « les dispositions de la présente loi doivent s’adapter à la situation des personnes handicapées ». Ainsi rédigé, le dispositif court le risque d’être inopérant. En effet, le législateur pêcherait par incompétence négative en n’explicitant pas en quoi et comment lesdites dispositions sont censées s’adapter aux personnes handicapées. Il ne suffit pas d’indiquer que les dispositions d’une loi s’adaptent à telle ou telle situation, il faut soit le prévoir expressément soit renvoyer pour ce faire à un texte réglementaire.

Enfin, dernier obstacle dans la mise en œuvre du texte : le législateur d’aujourd’hui, en adoptant la présente proposition de loi, adresserait une injonction au législateur futur, cette loi contraignant le contenu des lois à venir alors même qu’elle ne présente ni un caractère organique ni un caractère constitutionnel.

• Les propositions d’amélioration

Face à ces difficultés, votre rapporteur s’est beaucoup interrogé sur l’orientation à donner au texte et ses évolutions souhaitables. S’inspirant des dispositions de la loi n° 2007-130 du 31 janvier 2007 de modernisation du dialogue social (dite « loi Larcher »), il souhaite vous soumettre une nouvelle rédaction, à la fois plus opérationnelle et plus conforme à l’esprit de l’engagement pris par François Hollande et à la procédure définie par la circulaire du 4 septembre 2012.

La loi du 31 janvier 2007 est à l’origine des articles L.1 à L.3 du code du travail qui prescrivent au Gouvernement de consulter les partenaires sociaux avant tout projet de réforme portant sur les relations individuelles et collectives du travail, l’emploi et la formation professionnelle et qui relève du champ de la négociation nationale et interprofessionnelle (37). La « loi Larcher » est une loi ordinaire : une loi ne respectant pas ses prescriptions ne pourrait être censurée pour autant, mais la valeur de ce texte réside plus dans son symbole et dans la volonté politique du Gouvernement de le mettre en œuvre que dans sa portée juridique. Il a permis d’établir une pratique qui aujourd’hui n’est plus contestée et que le Gouvernement souhaite d’ailleurs élever au rang constitutionnel.

Le Premier ministre ayant clairement exprimé son intention d’œuvrer dans le sens d’une meilleure prise en compte de la situation des personnes handicapées au travers de la circulaire du 4 septembre 2012, la traduction dans la loi de ce principe d’action renforcerait sa portée et en garantirait une meilleure application. En effet, il ne fait pas de doute que non seulement les parlementaires, mais également les associations œuvrant en faveur des personnes handicapées, auront dès lors une latitude plus importante pour s’assurer du respect de ces obligations. C’est la raison pour laquelle votre rapporteur souhaite également renforcer les missions du Conseil national consultatif des personnes handicapées (CNCPH).

Ainsi, votre rapporteur vous propose une nouvelle rédaction du présent article prévoyant :

– d’une part, que tout projet de réforme envisagé par le Gouvernement fait l’objet d’une réflexion préalable en vue de son adaptation à la situation des personnes handicapées et prévoit, autant que de besoin, les dispositions législatives ou réglementaires nécessaires à cette adaptation ;

– d’autre part, que chaque projet de loi déposé sur le bureau des assemblées est accompagné d’un « document d’orientation » faisant état de cette réflexion et présentant les éléments de diagnostic, les objectifs poursuivis et, le cas échéant, les dispositions législatives ou réglementaires prévues pour tenir compte de la situation des personnes handicapées. Ce document pourrait bien évidemment figurer dans l’étude d’impact annexée au projet de loi.

*

La Commission est saisie de l’amendement AS 1 du rapporteur.

M. le rapporteur. Cet amendement de rédaction globale dont je vous ai déjà exposé la teneur reprend la méthode de travail retenue dans la circulaire du 4 septembre 2012 en s’inspirant de la « loi Larcher » du 31 janvier 2007.

Mme Bernadette Laclais. Monsieur Abad, la proposition de loi telle qu’elle est inscrite à l’ordre du jour vous a semblé à ce point inapplicable que vous la réécrivez intégralement. Ce serait en conséquence nous faire un mauvais procès de nous en vouloir quand nous considérerons que ce texte, même amendé, n’apporte rien à la circulaire en vigueur.

Nous souhaitons que le problème du handicap soit traité globalement et que les textes adoptés en la matière soient appliqués contrairement à ce qui s’est déjà produit dans le passé avec des textes déclaratifs trop vagues et sans portée normative.

Nous ne sommes favorables à aucun des amendements présentés.

M. le rapporteur. Mon amendement ne constitue en aucun cas un texte déclaratif : c’est un décalque de la méthode de travail proposée par la « loi Larcher » ! Je veux bien admettre que la proposition de loi d’origine posait un problème, mais vous devez reconnaître que le texte de l’amendement est meilleur.

Mme Bernadette Laclais. Sans doute, mais il reste insuffisant !

M. le rapporteur. Nous avançons ! Sachez que je suis ouvert à toute proposition d’amélioration rédactionnelle. Puisque nous sommes d’accord sur l’objectif, proposons ensemble une amélioration rédactionnelle d’ici à la séance publique !

M. Bernard Perrut. L’amendement de Damien Abad permettrait de donner un nouveau souffle à la prise en considération des personnes handicapées par le législateur.

Je suggère d’ailleurs que les propositions de loi fassent elles aussi l’objet au moment de leur dépôt d’un « document d’orientation faisant état de la réflexion préalable » menée en vue de leur « adaptation à la situation des personnes handicapées ».

La démarche de notre rapporteur n’est pas partisane : il va même jusqu’à se réclamer de l’engagement n° 32 du candidat François Hollande dans l’exposé sommaire de son amendement ! Au-delà de tout clivage, quels que soient ceux qui porteront ce texte, il souhaite que les choses avancent.

M. Jean-Marc Germain. Monsieur Abad, le dispositif que vous proposez n’a pas de portée normative puisque le législateur pourra déroger quand il le souhaitera à la règle que vous prétendez lui imposer. Vous faites vous-même la comparaison avec la « loi Larcher » du 31 janvier 2007 : sachez que seul un projet de loi constitutionnelle, comme celui relatif à la démocratie sociale, pourra donner force obligatoire à son dispositif ! Après le 31 janvier 2007, Nicolas Sarkozy et son gouvernement ont d’ailleurs à de multiples reprises fait voter des projets de loi relevant de la négociation sociale sans avoir préalablement consulté les partenaires sociaux.

Quelle que soit la manière dont vous réécrirez votre proposition de loi, elle ne s’imposera pas au législateur. Dans ces conditions, pourquoi voter un texte qui n’apportera strictement rien ? Nous sommes en train de susciter un débat artificiel alors que nous sommes d’accord sur le principe. À la limite, on pourrait imaginer que la loi impose que les accords collectifs issus des négociations sociales contiennent un volet handicap – le dernier accord national interprofessionnel (ANI) n’en comportait pas, mais des amendements ont été adoptés en ce sens à l’Assemblée, notamment à l’initiative de députés communistes. Mais, tel que vous proposez de l’écrire, votre proposition n’aura aucune portée juridique.

M. le rapporteur. Les effets juridiques de l’adoption de la proposition de loi ne seraient pas nuls. D’une part, la loi permettrait que le Parlement contrôle le respect de la procédure aujourd’hui prévue par la circulaire, d’autre part, ce contrôle pourrait également être effectué par le Conseil d’État. Comme le précisait M. Jean-Marc Sauvé, vice-président de cette institution, un contrôle du respect des procédures prévues par la loi du 31 janvier 2007 est d’ores et déjà opéré lors de l’examen des avant-projets de loi.

Au-delà des questions juridiques, nous proposons un changement de logique et une nouvelle méthode de travail afin de permettre une approche globale inclusive. À chacun de s’en saisir ! Si l’on veut aller plus loin et élever cette méthode au niveau constitutionnel, je ne m’y opposerai pas. Mais comment pourrez-vous demander demain que l’on constitutionnalise ce que vous refusez aujourd’hui d’écrire dans la loi ?

J’ai tout fait pour éviter d’être enfermé dans les contingences politiques propres à cette assemblée. Non seulement ce texte est vraiment utile, selon l’analyse même des associations, mais il correspond aussi à l’un d’un des engagements du Président de la République. Alors, soit cet engagement du candidat Hollande ne peut pas être tenu, soit vous entendez le renier !

Mme la présidente Catherine Lemorton. Monsieur le rapporteur, vous ne pouvez pas dire que les engagements du Président de la République n’ont pas été traduits dans les faits ! La circulaire a été respectée tant pour la création des emplois d’avenir que pour celle des contrats de générations.

M. le rapporteur. Je n’ai jamais dit le contraire !

Mme la présidente Catherine Lemorton. Je n’ai pas beaucoup entendu l’opposition s’en féliciter !

M. le rapporteur. Je m’en suis félicité jusque dans mon rapport : la circulaire constitue un progrès. Et c’est bien parce que ma proposition de loi s’inscrit parfaitement dans cette démarche que votre opposition devient incompréhensible.

M. Jean-Marc Germain. Les engagements du Président de la République ont été tenus, ce n’est pas le sujet.

Soit nous souhaitons adopter une norme juridique efficace qui s’impose au Gouvernement et au Parlement, et elle devra alors être de nature constitutionnelle ; soit nous entendons voter une déclaration d’intention, et il nous appartient de travailler à la rédaction d’une résolution commune. Avec cette proposition de loi, vous apportez une mauvaise solution juridique à une vraie question, et vous créez un clivage entre nous alors que nous sommes d’accord.

M. le rapporteur. Parce que la majorité l’a souhaité, le projet de loi relatif à la sécurisation de l’emploi a donné lieu à une mise en œuvre de la méthode préconisée par la « loi Larcher ». Pourtant cette méthode n’est pas encore inscrite dans la Constitution ! De la même manière, si la proposition de loi dont nous débattons est votée, elle sera appliquée par ceux qui veulent s’en donner les moyens. La force d’une loi dépend de la façon dont elle est mise en pratique. Nous avons choisi une rédaction qui ne constitue pas une injonction à l’égard du gouvernement et qui est suffisamment contraignante juridiquement et, surtout, politiquement pour créer une réflexion systématique sur le handicap.

En nous divisant sur un tel texte, nous donnerions un signal négatif et alarmant.

M. Fernand Siré. La loi est plus forte que la circulaire. Même si elle ne fait qu’énoncer des principes avant que nous puissions aller plus loin, elle peut permettre que la perception du handicap change progressivement dans notre pays.

La Commission rejette l’amendement AS 1.

Elle rejette ensuite l’article unique.

Après l’article unique

La Commission examine un amendement AS 2 du rapporteur.

M. le rapporteur. La saisine du Conseil national consultatif des personnes handicapées (CNCPH) doit être rendue obligatoire préalablement à toute réforme susceptible d’avoir des effets pour les personnes handicapées.

Je prends acte du vote de la Commission et de la logique politique dans laquelle elle est engagée. Sachez, mes chers collègues, que Barbara Pompili, présidente du groupe d’études sur l’intégration des personnes handicapées de notre assemblée, qui n’appartient pas à mon groupe politique, est favorable à la proposition de loi. Chacun assumera la responsabilité de ses choix !

La Commission rejette l’amendement AS 2.

En conséquence, l’amendement AS 3 du rapporteur portant sur le titre de la proposition de loi devient sans objet.

L’article unique et l’amendement portant article additionnel ayant été rejetés, il n’y a pas lieu pour la Commission de procéder à un vote sur l’ensemble de la proposition de loi.

*

En conséquence, aux termes de l’article 42 de la Constitution, la discussion en séance publique aura lieu sur la base du texte initial de la proposition de loi.

TABLEAU COMPARATIF

___

Dispositions en vigueur

___

Texte de la proposition de loi

___

Texte de la commission

___

 

Proposition de loi relative à l’égalité des droits et à l’intégration des personnes en situation de handicap

 
     
 

Article unique

Aucun texte adopté

 

Dans chaque loi de portée générale examinée par le Parlement, il est inséré un article additionnel ainsi rédigé :

 
     
 

« Les dispositions de la présente loi doivent s’adapter à la situation des personnes handicapées. »

 
     

AMENDEMENTS EXAMINÉS PAR LA COMMISSION

Amendement AS 1 présenté par M. Damien Abad, rapporteur

Article unique

Rédiger ainsi cet article :

« Tout projet de réforme envisagé par le Gouvernement fait l'objet d'une réflexion préalable en vue de son adaptation à la situation des personnes handicapées et prévoit, autant que de besoin, les dispositions législatives ou réglementaires nécessaires à cette adaptation.

« Lorsqu’un projet de loi est déposé sur le bureau des assemblées, le Gouvernement communique au Parlement un document d'orientation faisant état de cette réflexion et présentant les éléments de diagnostic, les objectifs poursuivis et, le cas échéant, les dispositions législatives ou réglementaires prévues pour tenir compte de la situation des personnes handicapées. »

Amendement AS 2 présenté par M. Damien Abad, rapporteur

Après l’article unique

Insérer l’article suivant :

Au deuxième alinéa de l’article L. 146-1 du code de l’action sociale et des familles, les mots : « peut être » sont remplacés par le mot : « est ».

Amendement AS 3 présenté par M. Damien Abad, rapporteur

Titre

Substituer au mot : « intégration », le mot : « inclusion ».

ANNEXES

ANNEXE 1 : LISTE DES PERSONNES AUDITIONNÉES

(par ordre chronologique)

Ø Association des paralysés de France (APF) – Mme Pascale Ribes, vice-présidente et M. Patrice Tripoteau, directeur général adjoint

Ø Fédération nationale des associations gestionnaires au service des personnes handicapées (FEGAPEI) – M. Thierry Mathieu, membre du Bureau et Mme Céline Poulet, directrice générale adjointe, chargée des priorités de santé

Ø Union nationale des associations de parents et amis de personnes handicapées mentales (UNAPEI) – M. Thierry Nouvel, directeur général, et Mme Isabelle Chandler, directrice du pôle Actions nationales et internationales

Ø Direction générale de la cohésion sociale (DGCS) – Mme Nathalie Cuvillier, sous-directrice de l’autonomie des personnes handicapées et âgées

ANNEXE 2 : CIRCULAIRE DU 4 SEPTEMBRE 2012

© Assemblée nationale

1 () Communication de la Commission européenne au Parlement européen, au Conseil, au Comité économique et social européen et au Comité des régions du 15 novembre 2010, « Stratégie européenne 2010-2020 en faveur des personnes handicapées: un engagement renouvelé pour une Europe sans entraves ».

2 () Ce chiffre recouvre à la fois les 1,8 million de personnes âgés de 15 à 64 ans, vivant à domicile, ayant une reconnaissance administrative du handicap et les personnes qui déclarent avoir un problème de santé depuis au moins six mois et rencontrer des difficultés importantes dans leur activité quotidienne ou avoir eu un accident du travail dans l’année.

3 () Communication de la Commission européenne précitée.

4 () Jean-Marie Barbier, président de l’Association des paralysés de France, « Bouger les lignes, pour une société inclusive », projet associatif 2012-2017.

5 () Projet associatif de l’Association des paralysés de France 2012-2017 précité.

6 () La convention relative aux droits des personnes handicapées a été adoptée le 13 décembre 2006 par l’Assemblée générale de l’Organisation des Nations-Unies (ONU). Elle est entrée en vigueur le 3 mai 2008, et est désormais ratifiée par 127 États.

7 () Analyse issue du rapport thématique de l’Inspection générale des affaires sociales (IGAS) sur la politique du handicap  n° 2003-119 « Étude d’administration comparée sur les dispositifs de compensation du handicap en Europe », septembre 2003.

8 () Communication de la commission au parlement européen, au conseil, au comité économique et social européen et au comité des régions du 15 novembre 2010 « Stratégie européenne 2010-2020 en faveur des personnes handicapées: un engagement renouvelé pour une Europe sans entraves », COM (2010) 636.

9 () En ratifiant ce texte, l’Union européenne s’est engagée à faire en sorte que l’ensemble de ses instruments législatifs, politiques et programmes respectent les dispositions de la convention consacrant les droits des personnes handicapées, dans les limites de ses compétences. Il s’agit du premier traité global sur les droits de l’homme à être ratifié par l’Union européenne dans son ensemble.

10 () Association internationale sans but lucratif créée en 1996 qui assure un étroit suivi des initiatives de l’Union européenne en matière de handicap et est à l’origine de plusieurs propositions visant à faire progresser les droits des personnes handicapées.

11 () http://www.edf-feph.org

12 () « Les politiques sociales », Presses universitaires de France, 2010.

13 () « Les politiques sociales », op. cité.

14 () Rapport n° 635, enregistré à la présidence du Sénat le 4 juillet 2012.

15 () Rapport sénatorial n° 635 précité.

16 () D’après le rapport de Mmes Campion et Debré, 83 % d’entre elles ont aujourd’hui une qualification égale ou inférieure au certificat d’aptitude professionnelle (CAP) ou au brevet d’études professionnelles (BEP).

17 () Rapport sénatorial n° 635 précité.

18 () Professeur à l'université Lumière Lyon 2, auteur de « La société inclusive, parlons-en. Il n’y a pas de vie minuscule », Erès, 2012.

19 () Extrait d’un entretien accordé au magazine Faire face, n° 716, février 2013.

20 () Guy Hagège, président de la Fédération nationale des associations gestionnaires au service des personnes handicapées (FEGAPEI), « Société inclusive : un projet politique ‘universel’ », Le Monde, 7 octobre 2011.

21 () « Étude comparative des politiques du handicap dans plusieurs pays européens », Majide Madouche, chargé de mission Handicap, ville de Besançon, octobre 2006.

22 () « La politique suédoise pour les handicapés », fiche d’information publiée par l’institut suédois, septembre 2007.

23 () Cette instance assure désormais également le secrétariat du Conseil national consultatif des personnes handicapées (CNCPH) et de l’Observatoire national sur la formation, la recherche et l’innovation sur le handicap (ONFRIH), de manière à pouvoir articuler les différentes actions mises en œuvre et optimiser le dialogue avec le monde associatif.

24 () L’article 1er du décret n° 2009-1367 du 6 novembre 2009 portant création du comité interministériel du handicap dresse la liste des portefeuilles ministériels concernés tout en précisant que « selon les affaires inscrites à l’ordre du jour, d’autres membres du Gouvernement peuvent être appelées à siéger au comité interministériel ».

25 () Quatre groupes thématiques travaillent actuellement sur l’accessibilité, la connaissance, l’accès aux soins et l’accompagnement médico-social, et les parcours de vie. Leurs conclusions devraient servir de base aux décisions qui seront prises dans le cadre du CIH.

26 () Jean-Marie Barbier, président de l’Association des paralysés de France, « Bouger les lignes, pour une société inclusive », projet associatif 2012-2017.

27 () « Je garantirai l’existence d’un volet handicap dans chaque loi. Et je renforcerai les sanctions en cas de non-respect des 6 % de travailleurs handicapés dans les entreprises, les services publics et les collectivités locales. »

28 () http://www.gouvernement.fr/gouvernement/la-notion-de-handicap-sera-prise-en-compte-dans-les-projets-de-loi

29 () Circulaire n° 5602/SG du 4 septembre 2012.

30 () Notons que cette conception fort louable est néanmoins quelque peu contradictoire avec le maintien d’un ministère dédié aux personnes handicapées.

31 () La première version de ce projet de loi a été déposée le 5 septembre 2012 : on peut donc comprendre que la procédure fixée par la circulaire du 4 septembre 2012 n’ait pas été respectée et que l’étude d’impact afférente ne mentionne pas la situation des personnes handicapées ; mais le dépôt d’un nouveau texte le 14 novembre 2012 suite à l’invalidation du premier par le Conseil constitutionnel ne s’est pas non plus accompagné d’une nouvelle version de l’étude d’impact.

32 () Rappelons que deux protocoles expérimentaux prévoient la mise en œuvre de procédures identiques par l’Assemblée nationale et le Sénat s’agissant des propositions de loi intervenant dans ces mêmes matières.

33 () Dans son allocution d’ouverture des entretiens du Conseil d’État en droit social (5 février 2010), le vice-président du Conseil d’État a souligné que celui-ci contrôlait dans le cadre de sa mission consultative « le respect des procédures prévues par la loi du 31 janvier 2007, lors de l’examen des textes qui [lui] sont soumis. Nous nous efforçons, ce faisant, de donner à ce dispositif une portée « conforme à l’intention du législateur ». (…) Nous ne manquerions pas de procéder à des disjonctions de tout article de loi qui méconnaîtrait les dispositions de l’article L. 1 du code du travail et le Conseil d’État, statuant au contentieux, pourrait être conduit à apprécier si une réforme faite par la voie réglementaire a été précédée de la procédure prévue par la loi ».

34 () Rappelons que les deux assemblées se sont elles-mêmes dotées de protocoles relatifs à la consultation des partenaires sociaux sur les propositions de loi à caractère social relevant du champ de la négociation nationale et interprofessionnelle, respectivement, le 16 décembre 2009 pour le Sénat et le 16 février 2010 pour l’Assemblée nationale.

35 () http://www.boe.es/legislacion/enlaces/documentos/ConstitucionFRANCES.pdf

36 () L’article 1er du projet de loi constitutionnelle relatif au dialogue social prévoit ainsi l’insertion dans la Constitution d’un nouveau titre V bis intitulé « Du dialogue social préalable à la loi » et comprenant un article 51-3 aux termes duquel « tout projet de loi ou d’ordonnance ou toute proposition de loi qui procède à une réforme en matière de relations individuelles et collectives du travail, d’emploi ou de formation professionnelle et qui relève du champ de la négociation nationale et interprofessionnelle ne peut, sauf en cas d’urgence, être délibéré en conseil des ministres ou inscrite à l’ordre du jour de l’Assemblée nationale ou du Sénat sans que les organisations syndicales de salariés et d’employeurs représentatives aient été mises en mesure de négocier, si elles le souhaitent, sur l’objet de cette réform».

37 () Rappelons que deux protocoles expérimentaux prévoient le mise en œuvre de procédures identiques par l’Assemblée nationale et le Sénat s’agissant des propositions de loi intervenant dans ces mêmes matières.