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N° 1614

______

ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

QUATORZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l'Assemblée nationale le 4 décembre 2012.

AVIS

PRÉSENTÉ

AU NOM DE LA COMMISSION DES AFFAIRES CULTURELLES ET DE L’ÉDUCATION SUR LE PROJET DE LOI d’avenir pour l’agriculture, l’alimentation et la forêt,

PAR M. Jean-Pierre LE ROCH,

Député.

——

Voir le numéro :

Assemblée nationale : 1548.

SOMMAIRE

___

Pages

INTRODUCTION 5

I. FAIRE DE L’APPAREIL DE FORMATION ET DE RECHERCHE LE MOTEUR DE LA TRANSITION AGRO-ÉCOLOGIQUE 6

A. UN CADRE LÉGISLATIF À ENRICHIR 6

1. Un système de formation et de recherche de qualité 6

2. Des missions actuellement en décalage par rapport au paradigme du « produire autrement » déjà mis en œuvre par certains établissements 12

B. REPENSER LES MISSIONS DE L’ENSEIGNEMENT AGRICOLE 14

1. Une nouvelle perspective 14

2. Des exploitations rattachées aux établissements d’enseignement davantage sécurisées sur le plan financier 17

C. RÉFORMER POUR DÉVELOPPER L’ATTRACTIVITÉ DE FILIÈRES MÉCONNUES 19

1. Des voies d’excellence qui doivent être confortées 19

2. Une rénovation d’ensemble du système éducatif à assurer 22

II. RENFORCER LA VOCATION SOCIALE DE CET ENSEIGNEMENT 25

A. FACILITER LA RÉUSSITE SCOLAIRE ET LA PROMOTION DE PUBLICS DIVERSIFIÉS 25

B. CONSACRER AU PLAN LÉGISLATIF LE RÔLE DU MÉDIATEUR DE L’ENSEIGNEMENT AGRICOLE 27

III. RÉPONDRE À L’ENJEU DE VISIBILITÉ DE L’EXCELLENCE AGRONOMIQUE ET VÉTÉRINAIRE FRANÇAISE 29

A. UNE OFFRE DISPERSÉE ET PRÉJUDICIABLE 29

1. Les conclusions des rapports de MM. Chevassus-Au-Louis et Martinot 29

2. La nécessité de faire du « commun » 32

B. STRUCTURER LA COOPÉRATION ENTRE LES ACTEURS TOUT EN RESPECTANT LEUR IDENTITÉ 34

1. L’option des communautés d’universités 34

2. La solution proposée 35

TRAVAUX DE LA COMMISSION 37

I. DISCUSSION GÉNÉRALE 37

II. EXAMEN DES ARTICLES 54

TITRE IV DISPOSITIONS RELATIVES À L’ENSEIGNEMENT AGRICOLE 54

Article 26 (art. L. 800-1, L. 810-2, L. 811-2, L. 811-6, L. 811-8, L. 813-2 et L. 361-7 du code rural et de la pêche maritime) : Nouvelles dimensions de l’enseignement agricole 54

Après l’article 26 71

Article 27 (art. L. 812-1, 812-6, 812-7 à 812-10 [nouveaux] et 813-10 du code rural et de la pêche maritime) : Missions de l’enseignement supérieur agricole et création d’un Institut agronomique et vétérinaire de France 73

ANNEXE : LISTE DES PERSONNES AUDITIONNÉES 93

INTRODUCTION

La Commission des affaires culturelles et de l’éducation a décidé de se saisir pour avis des articles 26 et 27 du projet de loi d’avenir pour l’agriculture, l’alimentation et la forêt, relatifs à l’enseignement technique et supérieur agricole et à la recherche en matière agronomique, forestière et vétérinaire.

Les dispositions proposées répondent à trois impératifs. Tout d’abord, face aux défis démographiques, économiques et environnementaux que devra relever l’agriculture, le présent projet de loi fait de notre appareil de formation et de recherche le moteur de la transition agro-écologique de l’agriculture française vers une double performance, économique et écologique. En effet, dès lors que l’on admet que demain, il faudra produire autant, voire plus, mais autrement, il faut faire de l’enseignement agricole la clef de voûte des politiques publiques destinées à favoriser l’agro-écologie. À cet égard, le rapporteur pour avis se réjouit que l’enseignement agricole n’ait pas fait l’objet d’un texte spécifique mais fasse partie du projet de loi qui répond à l’exigence du monde agricole d’intégrer les préoccupations sociétales et environnementales.

En outre, le projet de loi réaffirme l’ambition d’un enseignement agricole comme outil innovant de promotion sociale, d’insertion professionnelle et de développement des territoires. En confortant la place essentielle de l’exploitation agricole au sein du système éducatif, il consacre une pédagogie des situations liant théorie et pratique dans l’intérêt des élèves. L’acquisition progressive des diplômes illustre également cette volonté de ne laisser personne de côté, de comprendre les différentes trajectoires personnelles en laissant ouverte la possibilité d’une deuxième chance.

Enfin, ce projet de loi apporte une réponse à l’enjeu de visibilité au niveau mondial de l’excellence agronomique et vétérinaire française. En proposant la création de l’Institut agronomique et vétérinaire de France (IAVF), il apporte une solution de gouvernance pragmatique et ambitieuse permettant de structurer la coopération entre les acteurs tout en respectant leur identité.

Ces choix confirment la cohérence de l’action réformatrice du gouvernement et de la majorité, qui ambitionnent de redresser notre pays en investissant dans l’intelligence : une même ligne de conduite inspire la loi du 8 juillet 2013 d’orientation et de programmation pour la refondation de l’école de la République, la loi du 22 juillet 2013 relative à l’enseignement supérieur et à la recherche et, maintenant, le volet « enseignement » du présent projet de loi.

I. FAIRE DE L’APPAREIL DE FORMATION ET DE RECHERCHE LE MOTEUR DE LA TRANSITION AGRO-ÉCOLOGIQUE

L’enseignement agricole, aussi bien technique que supérieur, constitue une grande réussite éducative. Cependant, ses missions ne sont plus en adéquation avec les défis que doivent impérativement relever la France et ses territoires. Celles-ci doivent donc être actualisées, afin que l’appareil de formation et de recherche puisse assurer la transition de l’agriculture vers l’efficacité économique et écologique.

A. UN CADRE LÉGISLATIF À ENRICHIR

Les missions des établissements ont été définies il y a trente ans par deux grandes lois, la loi du 9 juillet 1984 portant rénovation de l’enseignement agricole public et la loi du 31 décembre 1984 portant réforme des relations entre l’État et les établissements d’enseignement agricole privé. Ces textes constituent, encore aujourd’hui, un socle législatif solide, car ils ont, selon l’étude d’impact jointe au présent projet de loi, « jeté les bases d’une harmonisation, aujourd’hui réalisée entre l’enseignement agricole public et l’enseignement agricole privé ainsi qu’entre l’enseignement agricole et l’éducation nationale ». En revanche, ils n’ont pas assigné de missions à l’enseignement agricole pris dans son ensemble et ne font pas référence à l’objectif de la « double performance ». Il y a là un vide juridique qu’il convient de combler.

1. Un système de formation et de recherche de qualité

L’historien René Rémond affirmait, avec justesse, que l’existence de cet enseignement « est une chance pour la société française tout entière » (1). Cela tient à la grande cohérence d’une formation qui, comme l’a souligné l’Observatoire national de l’enseignement agricole (ONEA), a été pensée et voulue « non comme un secteur de formation professionnelle mais comme un système éducatif à part entière, apportant des réponses globales à des besoins de formation intégrés dans des territoires » (2).

En outre, ce bel outil obtient, malgré les effets de la crise, des résultats très positifs. En effet, comme l’a rappelé le Conseil économique, social et environnemental dans l’avis qu’il a rendu sur le présent projet de loi, « l’appareil d’enseignement agricole français est reconnu comme étant de grande qualité, ce qui se traduit par des taux de réussite aux examens puis d’insertion professionnelle très élevés » (3).

● L’enseignement technique

L’enseignement technique agricole est le deuxième réseau éducatif du pays. On rappellera que ses établissements dispensent des formations allant de la classe de quatrième aux classes préparatoires aux grandes écoles ou au brevet de technicien supérieur (BTS) dans les champs de compétences du ministère de l’agriculture, de l’agroalimentaire et de la forêt et qu’ils se répartissent entre établissements publics locaux d’enseignement et de formation professionnelle agricoles (EPLEFPA) et établissements privés sous contrat avec l’État. Dans ce dernier cas de figure, cette association peut concerner deux types de formation : à « temps plein » ou conjuguant, selon un « rythme approprié », des enseignements en établissement et d’autres dans le milieu agricole et rural.

Ces établissements, au nombre de 815 l’année dernière, ont scolarisé environ 170 000 élèves en 2012-2013, qui se répartissaient ainsi : 36 % dans l’enseignement public et 32 % dans l’enseignement privé du « temps plein » comme dans l’enseignement privé du « rythme approprié » (4).

Ils se caractérisent par leur petite taille en formation initiale scolaire (286 élèves en moyenne pour les lycées de l’enseignement public, 252 élèves pour les lycées de l’enseignement privé du « temps plein » et 141 élèves pour les établissements du « rythme approprié ») et présentent également la particularité de posséder quasiment tous un internat (près de 60 % des élèves du secondaire sont internes). Loin d’être une faiblesse, la taille modeste des établissements est, ainsi que l’a souligné l’ONEA, « un facteur d’expérimentation et d’innovation […] qui doit amener à souligner l’apport spécifique de cet enseignement au système éducatif global » (5).

En outre, ce système de formation met en œuvre une pédagogie inductive, qui constitue l’une des clefs de la réussite de l’enseignement technique agricole. Celui-ci repose en effet sur deux piliers, à savoir une approche globale des savoirs, tant scolaires que professionnels, et le recours à l’alternance sous statut scolaire, rendue possible grâce aux exploitations rattachées aux lycées agricoles, raison pour laquelle ses élèves, ses étudiants ou ses apprentis « comprennent pourquoi ils apprennent » (2).

Bref, pour résumer ce qui fait la force de l’enseignement agricole, on dira, aux côtés du président de l’ONEA, M. Henri Nallet, que « c’est son humanité ». L’adoption du présent projet de loi devrait donc être l’occasion de conforter ses atouts, notamment pédagogiques, en révisant à cet effet le décret du 27 janvier 2001 relatif à l’organisation des EPLEFPA.

Par ailleurs, le fonctionnement de ces établissements fait, semble-t-il, l’unanimité, y compris au-delà du monde de l’enseignement agricole. Citons, à titre d’illustration, le Livre vert sur l’évolution du métier d’enseignant de 2008, qui a mis en avant le fait que ces structures « disposent d’un degré d’autonomie important sur plusieurs points, qui permet l’exercice d’une dynamique collective et conduit à un effet "établissement" manifeste », notamment grâce à l’existence de curricula spécifiques (stages, enseignement qui s’appuie sur les spécificités territoriales, enseignement qui vise à développer les partenariats avec les acteurs locaux) et d’infrastructures adaptées et ouvertes sur l’environnement local (maillage territorial, internats, existence d’une exploitation agricole au sein de l’établissement). En outre, la proximité avec le milieu professionnel est « étroite et se traduit notamment par l’importance donnée aux stages et le fait que la présidence du conseil d’administration des établissements est souvent assurée par des professionnels issus de l’agriculture » (6).

La gouvernance des établissements pourrait être toutefois améliorée sur un point, ainsi que l’a suggéré M. Henri Nallet. En effet, il convient de valoriser le rôle du chef de l’exploitation, lequel représente la fonction et la personne qui incarnent les volets « alternance et expérimentation » de l’enseignement agricole.

Enfin, les indicateurs de performance de cet enseignement sont plutôt satisfaisants :

– En ce qui concerne le taux de réussite global aux examens, après une hausse sensible et constante depuis 2007, de 79 % à 84,9 % en 2011, celui-ci a régressé en 2012, en s’établissant à 82,8 % mais reste néanmoins supérieur aux prévisions du projet annuel de performances annexé au projet de loi de finances pour 2012.

Pour l’année 2013, ce taux est en hausse par rapport à la session 2012 et atteint 84,2 %. Comme le montre le tableau ci-après, il a notamment progressé dans les filières du certificat d’aptitude professionnelle agricole (CAPA) (+ 1,3 %), du brevet d’aptitude professionnelle agricole (BEPA) (+ 4,5 %) et du baccalauréat technologique (+ 2 %).

RÉSULTAT DES SESSIONS 2013 DES EXAMENS DE L’ENSEIGNEMENT AGRICOLE

 

Nombre d’inscrits

Nombre de présents

Nombre d’admis

Taux de réussite

(%)

Bac professionnel

23 678

22 792

18 659

82

Bac technologique

5 879

5 770

4 528

78

BEPA

26 920

25 556

23 432

92

BTA

29

29

27

93

BTSA

13 501

12 922

9 584

74

CAPA

8 983

8 380

7 296

87

Total

78 990

75 449

63 526

84.2

Source : ministère de l’agriculture, de l’agroalimentaire et de la forêt, juillet 2013.

Nota : BTA = brevet de technicien agricole, BTSA = brevet de technicien supérieur agricole.

– En ce qui concerne le taux d’insertion professionnelle, celui à sept mois du brevet de technicien supérieur agricole (BTSA) s’est établi, en 2012, à 80,8 % et celui du Bac Pro-BTA à 75,9 %.

D’une manière générale, pour la plupart des diplômes, les réalisations et les cibles à sept mois présentées par le ministère de l’agriculture, reprises dans le tableau ci-après, traduisent un contexte de tension sur le marché de l’emploi, qui est notamment lié à la réforme récente de la voie professionnelle et à la sortie simultanée du système scolaire d’une double génération de bacheliers professionnels, aussi bien en juin 2012 pour les secteurs de la production, de la transformation, du commerce et de l’aménagement qu’en juin 2014 pour les secteurs des services et de l’activité hippique.

Cependant, malgré cet environnement difficile, le ministère chargé de l’agriculture a indiqué, à l’occasion de la rentrée 2013, que le taux net d’emploi, qui mesure la part des individus qui occupent un emploi parmi ceux qui sont entrés dans la vie active, était de 85,6 % pour l’enseignement technique agricole, dont 86,4 % pour les bacheliers professionnels et 93,4 % pour les titulaires d’un brevet de technicien supérieur agricole.

Lorsque l’on examine, au niveau d’une région, les résultats obtenus par les établissements de l’un des réseaux de l’enseignement technique, ceux-ci attestent une réussite remarquable. Ainsi, la dernière enquête des maisons familiales rurales (MFR) de Bretagne sur l’insertion professionnelle de leurs diplômés trois ans après leur sortie de formation indique que 7 % seulement des répondants sont en situation de demandeur d’emploi, 86 % des emplois occupés le sont à temps complet et 63 % des emplois sont des contrats à durée indéterminée (7).

TAUX D’INSERTION PROFESSIONNELLE DES DIPLÔMÉS DE L’ENSEIGNEMENT TECHNIQUE AGRICOLE

(en %)

 

2011

Réalisation

2012

Réalisation

2013

Prévision

2014

Prévision

2015

Cible

Insertion à 7 mois BTSA

78,3

80,8

75

75

75

Insertion à 7 mois Bac Pro – BTA

70,8

75,9

68

70

71

Insertion à 7 mois CAPA

51,4

38,5 (**)

40

40

40

Insertion à 33 mois - BTSA

-

 

96

(*)

96

Insertion à 33 mois Bac Pro – BTA

-

86,8

(*)

(*)

93

Insertion à 33 mois CAPA

68,7

(*)

(*)

70

70

(*) Un seul diplôme est interrogé chaque année, ceci pour réduire le nombre de personnes à interroger et ainsi améliorer les relances et les taux de réponse. Ainsi, dans le tableau de présentation des indicateurs pour une année donnée le taux d’insertion n’est renseigné que pour le diplôme enquêté cette année-là.

En 2011, compte tenu de la rénovation de la voie professionnelle, avec la disparition du BEPA traditionnel, seuls les diplômés du CAPA ont été enquêtés ; en 2012, les Bac Professionnels et BTA ; en 2013, les BTSA.

(**)  À partir de 2012, les diplômés BEPA ne sont plus interrogés dans le cadre des enquêtes insertion, ce qui explique le décalage entre les années 2011 et 2012. Pour le niveau V de la nomenclature des niveaux de formation, seuls les certificats d’aptitude professionnelle agricole (CAPA) seront désormais interrogés.

Source : projet annuel de performances de la mission « Enseignement scolaire » pour le projet de loi de finances pour 2014

● L’enseignement supérieur long

La structuration de l’enseignement supérieur agronomique, vétérinaire et du paysage a évolué en raison des opérations de fusion qui ont permis de passer de 18 établissements publics en 2005 à 12 en 2010. Parmi ceux-ci, on compte les quatre écoles vétérinaires, qui sont, au sens propre terme, des grandes écoles, la plus ancienne ayant été fondée à Lyon en 1761.

En comptant les 7 établissements privés sous contrat avec l’État, ce réseau comprend, au total, 19 établissements et accueille, dans les cursus de référence des formations d’ingénieurs, de vétérinaires et des paysages, plus de 13 000 étudiants (8 000 dans le public et 5 000 dans le privé) en cursus de référence (ingénieurs, vétérinaires et paysagistes), étant précisé qu’il forme également les cadres supérieurs techniques du ministère de l’agriculture ainsi que les professeurs de l’enseignement technique agricole public. Les fonctionnaires représentent environ 1,5 % du public accueilli et les apprentis environ 4 %.

Les écoles d’enseignement supérieur agricole et vétérinaire

Les douze écoles placées sous la tutelle du ministère chargé de l’agriculture sont des établissements d’enseignement supérieur au sens des articles L. 123-1 et suivants du code de l’éducation. Elles exercent des missions d’enseignement et de recherche dans les domaines de la formation, d’une part, d’ingénieurs en sciences et techniques agronomiques, environnementales, agroalimentaires, horticoles et forestières et, d’autre part, de cadres spécialisés, d’enseignants, de vétérinaires et de paysagistes diplômés par le gouvernement.

Les six établissements publics issus de regroupements d’écoles ont pris la forme d’établissements publics à caractère scientifique, culturel et professionnel (EPSCP), qui constituent une catégorie particulière d’EPA. Constitués sous la forme de « grand établissement », au sens de l’article L. 717-1 du code de l’éducation, dont les règles d’organisation et de fonctionnement sont fixées par un décret en Conseil d’État, ces établissements sont : l’Institut des sciences et industries du vivant et de l’environnement (Agro Paris Tech) ; le Centre international d’études supérieures en sciences agronomiques (Montpellier Sup Agro) ; l’Institut supérieur des sciences agronomiques, agroalimentaires, horticoles et du paysage (Agro Campus Ouest) ; l’Institut national supérieur des sciences agronomiques, de l’alimentation et de l’environnement (Agrosup Dijon) ; l’Institut d’enseignement supérieur et de recherche en alimentation, santé animale, sciences agronomiques et de l’environnement (Vet Agro Sup) ; l’École nationale vétérinaire, agroalimentaire et de l’alimentation Nantes-Atlantique (ONIRIS).

Six autres écoles revêtent la forme d’un établissement public à caractère administratif (EPA) régi par les articles R. 812-3 à R. 812-24 du code rural et de la pêche maritime : l’École nationale vétérinaire d’Alfort (ENVA) ; l’École nationale vétérinaire de Toulouse (ENVT) ; l’École nationale supérieure de paysage de Versailles (ENSP) ; l’École nationale de formation agronomique de Toulouse-Auzeville (ENFAT) ; l’École nationale supérieure des sciences agronomiques de Bordeaux Aquitaine (Bordeaux Sciences Agro) ; l’École nationale du génie de l’eau et de l’environnement de Strasbourg (ENGEES).

L’efficacité socio-économique de cet enseignement est confirmée par le taux d’insertion professionnelle de ses diplômés, évalué au début de chaque année auprès des étudiants des deux dernières promotions. Le dernier projet annuel de performances de la mission « Recherche et enseignement supérieur » note à cet égard, qu’« après avoir bien résisté aux difficultés constatées sur le marché de l’emploi en 2009, 2010 puis en 2011, le taux d’insertion professionnelle à 6 mois après l’obtention du diplôme a diminué pour 2012 et atteint son niveau le plus bas depuis 2009 ». Toutefois, les résultats obtenus l’année dernière demeurent élevés et s’établissent à 72,4 %, comme l’indique le tableau ci-dessous. En outre, les caractéristiques des emplois occupés s’améliorent (progression des contrats à durée indéterminée, augmentation du niveau de rémunération), tandis que le taux d’insertion professionnelle à 18 mois, qui était stable durant trois ans, a augmenté en 2012 pour atteindre 90,5 %. Quant au taux net d’emploi 18 mois après la sortie, le ministère de l’agriculture a indiqué, à l’occasion de la rentrée 2013, que celui-ci était de 88,7 % pour les diplômés de 2011.

TAUX D’INSERTION DES DIPLÔMÉS DE L’ENSEIGNEMENT SUPÉRIEUR
AGRICOLE ET VÉTÉRINAIRE

(en %)

 

2011

Réalisation

2012

Réalisation

2013

Prévision

2014

Prévision

2015

Cible

Taux d’insertion des diplômés dans les 18 mois suivant l’obtention du diplôme

89,6(*)

90,5

90,5

90,5

91

Taux d’insertion des diplômés dans les 6 mois suivant l’obtention du diplôme

75,6

72,4(**)

73

74,3

75,6

(*) Les vétérinaires sortis en 2009 n’ont pas été interrogés.

(**) Les vétérinaires ayant obtenu leur thèse en 2011 n’ont pas été interrogés.

Source : projet annuel de performances de la mission « Recherche et enseignement supérieur » annexé au projet de loi de finances pour 2014.

Enfin, les coopérations de ces établissements avec les organismes de recherche agricole ont été renforcées, notamment par la création, en 2004, de pôles de compétences régionaux. Au nombre de sept (8), ceux-ci ont pour ambition de mettre en synergie les politiques des établissements d’enseignement supérieur agricole publics et privés, des centres locaux des organismes de recherche (INRA, Institut de recherche en sciences et technologies pour l’environnement et l’agriculture, Institut français de recherche pour l’exploitation de la mer, CNRS, Centre de coopération internationale en recherche agronomique pour le développement, etc.), des universités et des écoles agronomiques sous tutelle du ministère de l’enseignement supérieur et de la recherche et, enfin, des pôles de compétitivité.

2. Des missions actuellement en décalage par rapport au paradigme du « produire autrement » déjà mis en œuvre par certains établissements

Les défis que doit relever l’agriculture sont considérables.

En premier lieu, comme l’a indiqué au rapporteur pour avis le président de l’Observatoire national de l’enseignement agricole (ONEA), M. Henri Nallet, celle-ci devra être « très productive » pour des raisons simples : l’augmentation de la population mondiale, d’une part, et la contrainte qui continuera de peser sur les dépenses d’alimentation, d’autre part.

En deuxième lieu, cette exigence devra être conciliée avec de nouvelles demandes sociétales, axées sur la promotion de la santé individuelle et publique et le respect de l’environnement. Ces revendications ne sont pas portées par des effets de mode passagers, mais par un public de plus en plus large, y compris au sein de la classe moyenne des pays émergents. Pour illustrer ce dernier point, qui aurait parié, il y a dix ans, que des investisseurs chinois seraient intéressés par l’achat en Occident de grandes unités de production de lait infantile ?

Pour répondre à ces attentes, l’efficacité devra se conjuguer avec la diversité des modes de production, y compris au sein d’une même exploitation, tout en respectant les écosystèmes locaux. C’est pourquoi, selon M. Henri Nallet, l’agronomie « devra retrouver les postes de commande », l’agriculture de demain exigeant la présence de professionnels maîtrisant les processus de production.

À cet effet, il faudra retisser les liens entre la recherche, l’enseignement supérieur et l’enseignement professionnel, qui se sont distendus après la grande phase de modernisation de l’agriculture des années 1960, afin que celle-ci puisse, selon M. Nallet, reposer sur « encore plus de science qu’aujourd’hui ». Ce dernier a cité, pour illustrer son raisonnement, les propos du président du Centre national des jeunes agriculteurs (CNJA), M. François Thabuis, qui considère que la France devra disposer de « paysans chercheurs ».

Chaque agriculteur devra donc penser son modèle de production et combiner les outils dont il dispose avec les ressources naturelles dont il bénéficie. De fait, pour reprendre l’analyse de l’ONEA, ce dernier devra « se positionner dans le domaine de la création et non plus de l’exécution », puisqu’il exerce un métier « à haute responsabilité sociétale » (9).

Extrait du discours prononcé par le Président de la République le 11 septembre 2012 pour l’inauguration du Salon international de l’élevage (SPACE) à Rennes

« Produire mieux ne peut être synonyme de produire moins ; cela ne veut pas dire non plus produire comme avant. Je pense qu’il faut produire mieux pour produire plus. Voilà tout l’enjeu. C’est une forme de révolution « doublement verte » que nous devons faire. Puisqu’il nous faut, à la fois, produire davantage mais produire différemment. »

De même, sur un plan plus général, ainsi que l’a indiqué au rapporteur pour avis Mme Marion Guillou, la présidente d’Agreenium, le Consortium national pour l’agriculture, l’alimentation, la santé animale et l’environnement, alors que notre culture économique reste focalisée sur les problématiques liées à la productivité du capital et du travail, elle devra désormais se pencher sur la « productivité des ressources naturelles » tout en garantissant leur disponibilité future.

Or, puisqu’il faudra produire autrement, il faudra aussi, selon l’ONEA, « éduquer et former » (1).

C’est la raison pour laquelle l’enseignement agricole doit repenser ses missions. En effet, son « logiciel » date, car il ne fait pas référence aux enjeux de performance économique, sociale, écologique et sanitaire des activités liées à l’agriculture, à l’agroalimentaire, à la cohésion territoriale et à la sylviculture.

Ce décalage est d’autant moins compréhensible que les établissements d’enseignement technique et leurs exploitations sont nombreux à avoir déjà développé des pratiques durables – le rapporteur pour avis peut ainsi citer l’exemple d’un lycée agricole qui a réussi à diviser par vingt son utilisation d’engrais en dix ans. Dans un rapport récent, l’inspection de l’enseignement agricole a estimé, à cet égard, que la mise en œuvre locale des plans centrés sur la réduction de l’usage des pesticides, l’agriculture biologique ou la performance énergétique s’est traduite par « des réalisations effectives, le plus souvent remarquables », mais que les compétences et les connaissances ainsi acquises sont « rarement valorisées » (10).

En outre, la mission d’appui des opérateurs de l’enseignement supérieur agronomique et vétérinaire à l’enseignement technique agricole, indispensable à la réorientation de l’agriculture, n’est pas mentionnée par le code rural et de la pêche maritime, un oubli qu’il convient de réparer.

B. REPENSER LES MISSIONS DE L’ENSEIGNEMENT AGRICOLE

L’enseignement agricole doit être un vecteur d’anticipation de l’évolution des connaissances et des modes de raisonnement. Le présent projet de loi tend à conforter ce rôle, en consacrant la contribution de l’outil de formation et de recherche au renforcement de la compétitivité des filières agricoles, agroalimentaires et sylvicoles et à la transition vers ce que le dernier rapport de l’ONEA a appelé un « nouveau paradigme de développement porté par l’agro-écologie » (11).

1. Une nouvelle perspective

● Une vision globale de notre dispositif de formation et de recherche et une approche renouvelée de ses missions

En mentionnant, au tout début des dispositions relatives à l’enseignement, les établissements ou organismes d’enseignement, de formation professionnelle, de développement agricole et de recherche agronomique et vétérinaire, le présent projet de loi permettra de défendre le principe selon lequel ces différentes composantes doivent constituer un ensemble coordonné, au service des agriculteurs et de la société (article 26).

Ces opérateurs auront pour mission principale d’assurer « l’acquisition et la diffusion des connaissances utiles à la compréhension des enjeux de la performance » des activités de production, de transformation et de service liées à l’agriculture, à l’alimentation, aux territoires ruraux ou à la sylviculture. La performance étant à juste titre entendue ici au sens le plus large (« économique, sociale, écologique et sanitaire »), notre appareil de formation et de recherche sera en mesure d’accompagner, voire de prendre en charge la réorientation de la production agricole vers la double performance économique et écologique.

Quant à l’accent mis sur les connaissances, il permettra de repenser la « dynamique de l’innovation » qui, selon un rapport de l’inspecteur général de l’agriculture, M. Bernard Chevassus-Au-Louis, devra apporter « des réponses pertinentes à des systèmes agricoles et alimentaires qui, d’une part, se diversifient rapidement pour s’adapter à des contextes locaux eux-mêmes divers et qui, d’autre part, sont susceptibles de variations rapides et imprévisibles dans le temps » (12).

Cette mission constituera la traduction parfaite, au niveau du « système » de formation agricole et de recherche agronomique et vétérinaire, des finalités que le présent projet de loi entend attribuer à la politique agricole et alimentaire :

Les finalités de la politique en faveur de l’agriculture et de l’alimentation
selon l’article 1er du présent projet de loi

1° assurer à la population, dans des conditions économiquement acceptables par tous et en quantité suffisante, l’accès à une alimentation sûre, diversifiée et de bonne qualité, produite dans des conditions favorisant la protection de l’environnement et des paysages et contribuant à la lutte contre le changement climatique ;

2° renforcer la compétitivité des différentes filières de production, de transformation et de commercialisation, en vue de soutenir le revenu et l’emploi des agriculteurs et des salariés ;

3° veiller au bien-être et à la santé des animaux, à la santé des végétaux et à la prévention des zoonoses ;

4° participer au développement des territoires de façon équilibrée, diversifiée et durable, en métropole comme dans les outre-mer.

En outre, la place essentielle du système de formation et de recherche au sein des politiques publiques sera affirmée, ce qui constituera une première. En effet, le présent projet de loi prévoit expressément que celui-ci participera, au total, à huit grandes politiques : l’éducation, la recherche, le développement scientifique, technologique et l’innovation, la sécurité alimentaire, la sécurité sanitaire et la santé publique, le développement durable et la cohésion des territoires.

Enfin, pour formaliser ces deux grandes missions – l’acquisition et la diffusion de connaissances et la contribution de l’outil de formation et de recherche aux politiques publiques –, l’ensemble des établissements et organismes relevant de ce dispositif devront élaborer et mettre en œuvre « des projets communs » dans les domaines concernés (article 26).

Ce cadre d’action devrait être complété, comme le préconise le rapport de l’ONEA, par l’élaboration d’un « projet stratégique national de l’enseignement agricole », pour en faire un « outil central de pilotage chargé d’élaborer, d’accompagner, de réguler et d’évaluer le projet fédérateur de l’enseignement agricole » (13). Le Conseil économique, social et environnemental, dans l’avis qu’il a rendu sur le présent projet de loi, a lui aussi recommandé la publication d’un tel projet stratégique, afin de « garantir la cohérence nationale de l’enseignement agricole » (14). Aux yeux du rapporteur pour avis, cette « règle commune » devrait être concertée avec toutes les familles de l’enseignement agricole (l’enseignement technique public, privé et associatif et les écoles d’ingénieurs et vétérinaires), l’ensemble des collectivités territoriales et les organisations professionnelles afin d’atteindre deux objectifs : la maîtrise de l’offre de formation, en lien avec le schéma prévisionnel national des formations de l’enseignement agricole prévu à l’article L. 814-1 du code rural et de la pêche maritime, et la défense de ses spécificités.

● Des projets d’établissements ouverts sur l’international et en phase avec les politiques publiques agricoles

Comme les collèges et lycées publics de l’enseignement scolaire, les EPLEFPA disposent d’un outil pour définir, dans leurs territoires, leur politique de formation, à savoir les projets d’établissement.

Aujourd’hui, ces instruments ignorent la dimension internationale de l’enseignement technique agricole, alors même que ses activités de coopération se sont multipliées et que celles-ci confortent l’attractivité et le rayonnement de nos formations et d’un modèle agricole qui ne sacrifie pas les exploitations familiales. Par conséquent, elles doivent être pleinement reconnues par le législateur, ce que permettra l’article 26 du présent projet de loi. Tant l’enseignement secondaire que supérieur agricole doivent être en effet mobilisés pour conforter l’excellence de la « marque » France, à l’heure où les politiques publiques doivent relever le défi de la sécurité alimentaire mondiale et valoriser les agricultures vivrières.

Par ailleurs, les projets d’établissement devront être élaborés en cohérence avec les orientations des politiques publiques pour l’agriculture. De cette manière, ils pourront appuyer localement les plans d’action du ministère de l’agriculture qui visent à faire évoluer les pratiques professionnelles, en particulier le programme national Ambition Bio 2017. Le ministère de l’agriculture envisage d’ailleurs de publier, dans les prochaines semaines, un plan d’action afin que les lycées agricoles puisent prendre en compte, dans leurs projets d’établissements, l’objectif du « produire autrement ».

● Des objectifs redéfinis pour l’enseignement supérieur et la recherche

La rédaction en vigueur des missions de l’enseignement supérieur agricole date de la loi n° 99-574 du 9 juillet 1999 d’orientation agricole.

Elle doit évoluer pour redéfinir les objectifs de ces formations autour de la mixité sociale, de l’ambition européenne, du développement durable et du lien entre les deux niveaux d’enseignement. Ainsi, elle pourra accompagner et promouvoir des systèmes de production garantissant une double performance économique et écologique.

C’est pourquoi l’article 27 du présent projet de loi prévoit de confier de nouvelles missions à cet enseignement, en mentionnant notamment :

– sa contribution à l’éducation au développement durable et à la mise en œuvre de ses principes ;

– sa contribution à la construction de l’espace européen de l’enseignement supérieur et de la recherche et à l’attractivité du territoire national ;

– la promotion de la diversité des recrutements et l’insertion sociale et professionnelle des étudiants ;

– l’appui que les écoles vétérinaires et agronomiques doivent assurer à l’enseignement technique, notamment par le transfert des résultats de la recherche et par la formation de ses personnels.

2. Des exploitations rattachées aux établissements d’enseignement davantage sécurisées sur le plan financier

La pédagogie inductive et la politique de professionnalisation mises en œuvre au sein de l’enseignement technique agricole ne seraient guère possibles sans les unités de production qui leur sont rattachées.

En effet, celles-ci se réfèrent aux usages et pratiques des professions auxquelles les EPLEFPA préparent leurs élèves, apprentis ou étudiants, et sont utilisées comme des outils de formation, d’expérimentation et de démonstration.

Les exploitations des établissements d’enseignement agricole

En vertu de l’article L. 811-8 du code rural et de la pêche maritime, chaque EPLEFPA doit disposer d’une exploitation agricole ou d’un atelier technologique.

L’enseignement technique agricole bénéficie donc du support de près de 280 exploitations agricoles et ateliers technologiques. La place de l’enseignement public y est prépondérante avec 190 exploitations agricoles et 33 ateliers technologiques, dont 16 dédiés à la transformation agroalimentaire.

Par ailleurs, les établissements publics exploitent 17 200 hectares de surface agricole utile (SAU). Près de 65 % de ces hectares sont couverts par une certification à dominante environnementale et plus de 13 % sont conduits en agriculture biologique, ce qui montre pleinement le « rôle pionnier et d’innovation » de ces exploitations (15).

Or les exploitations agricoles des EPLEFPA sont actuellement pénalisées sur le plan économique, puisqu’elles ne peuvent prétendre aux indemnisations versées par le Fonds national de gestion des risques en agriculture (FNGRA) lors de dommages présentant le caractère de calamités agricoles. Pourtant, ces mêmes exploitations sont assujetties à la contribution additionnelle aux primes ou cotisations afférentes aux conventions d’assurance qui alimente ce fonds.

Pour corriger cette situation aussi pénalisante qu’inéquitable, l’article 26 du présent projet de loi prévoit de modifier le code rural et de la pêche maritime pour inclure ces exploitations dans les bénéficiaires potentiels d’indemnisation en cas de calamités agricoles.

Le rapporteur pour avis se félicite de cette avancée, mais il tient à insister sur le fait que l’équilibre économique de ces exploitations, auxquelles on demande de s’autofinancer par la commercialisation de leurs productions, impliquera la mobilisation de moyens supplémentaires, qui permettent de concilier les exigences de l’outil de production et celles de l’outil pédagogique.

Dans ce but, faut-il, comme l’ont proposé certains de ses interlocuteurs, « flécher » des crédits de la mission budgétaire « enseignement technique agricole » pour financer l’innovation et l’expérimentation pédagogiques ?

Cette solution ne paraît pas « soutenable » au regard des contraintes qui pèsent sur nos finances publiques. En revanche, comme l’a préconisé le Conseil économique, social et environnemental dans l’avis qu’il a rendu sur le présent projet de loi, il faudrait défendre le principe selon lequel les exploitations pourraient bénéficier « de moyens spécifiques, notamment pour la formation du personnel destiné à accueillir le public » (16).

Au-delà, les exploitations pourraient être confortées par l’adoption d’autres mesures :

– les EPLEFPA devraient pouvoir disposer d’un pourcentage significatif (10 % par exemple) de la dotation globale horaire qui leur est attribuée par les directions régionales de l’agriculture, de l’alimentation et de la forêt (DRAAF) afin de pouvoir financer les pratiques innovantes. Chaque établissement devrait par ailleurs bénéficier, dans le cadre d’un contrat signé avec « sa » DRAAF, d’une visibilité sur l’évolution du nombre de ses structures pédagogiques, celles-ci devant être stabilisées pendant trois ans ;

– l’activité pédagogique des exploitations devrait être « rémunérée » plus justement, par le biais d’une augmentation des dotations que leur accordent les régions et le recours à l’autofinancement. Les exploitations devraient conserver la maîtrise de ce dernier outil, car il arrive que les fonds de roulement des lycées agricoles suscitent la convoitise des régions.

Si l’on veut, demain, « produire autrement », il faut pouvoir le montrer au public et aux professionnels. Et pour cela, quelle meilleure vitrine de cette politique pourrait-il y avoir, dans nos territoires, que les exploitations des établissements d’enseignement ? Pour ne prendre qu’un exemple, on pourrait imaginer que des exploitations de lycées agricoles « pilotes » au niveau d’un territoire pertinent soient dotées d’unités de méthanisation afin qu’elles puissent servir de modèles pour les structures professionnelles. M. Henri Nallet, président de l’ONEA, a même proposé que les exploitations des établissements deviennent, avec l’aide des écoles d’ingénieurs et des organismes de recherche, des « maisons du savoir », une évolution qui implique de les sécuriser sur le plan financier.

L’utilisation du potentiel pédagogique des exploitations implique enfin de régler la question des conditions de délivrance des dérogations à l’utilisation de machines dangereuses. Les autorisations ne sont accordées que par l’inspection du travail, dont les ressources sont fortement contraintes, après avis du médecin scolaire, également débordé, alors qu’il pourrait être plus judicieux de solliciter le médecin de famille, au fait des antécédents de ses patients. Par ailleurs, selon les responsables d’EPLEFPA entendus par le rapporteur pour avis à Pontivy, une application trop pointilliste du principe de précaution peut empêcher d’éduquer les élèves aux risques professionnels. Peut-être faudrait-il revoir la réglementation en vigueur, afin de prévoir des protections qui soient plus adaptées à l’âge des élèves en alternance sous statut scolaire.

C. RÉFORMER POUR DÉVELOPPER L’ATTRACTIVITÉ DE FILIÈRES MÉCONNUES

1. Des voies d’excellence qui doivent être confortées

L’image et l’attractivité de l’agriculture sont faibles dans notre pays, voire « négatives ». Ce constat partagé par la grande majorité des personnes auditionnées ne manque pas d’avoir des répercussions négatives sur les métiers liés à cette activité.

La dernière enquête dite BMO (besoin en main-d’œuvre) de Pôle emploi le confirme : parmi les « vingt métiers rassemblant le plus grand nombre de projets de recrutement jugés difficiles », figurent ceux des agriculteurs salariés et des ouvriers agricoles. Pourtant, ces métiers se caractérisent également par un réel dynamisme des intentions d’embauches. Ainsi, dans ce secteur, on compte 61 883 projets de recrutement, dont 21 350 jugés difficiles, soit un « taux de difficulté » de 34,5 %, qui reste malgré tout inférieur à celui constaté pour les aides à domicile (64,9 %) ou les ingénieurs et cadres d’études en informatique (62,7 %) (17).

Le présent projet de loi devrait donc être l’occasion de montrer que l’agriculture constitue un secteur d’avenir, adossé de surcroît sur des filières de formation d’excellence et diversifiées, qui ne se cantonnent pas aux activités de production. Pour ne citer que quelques exemples, ce réseau éducatif forme aussi des techniciens de pointe de l’agroalimentaire et de la forêt et comprend un grand nombre de formations liées aux services à la personne (crèches, maisons de retraites, etc.). D’ailleurs, dans certaines filières des établissements privés, 60 % des élèves sont issus du milieu urbain.

Une campagne nationale de communication sur les formations et les métiers de l’agriculture devrait donc être lancée, ce qui suppose, au préalable, d’attaquer ce préjugé à la « racine », puisque l’enseignement agricole est le parent pauvre du système d’orientation scolaire. Chacun peut le constater en feuilletant certaines brochures de l’Office national d’information sur les enseignements et les professions (ONISEP), qui font souvent apparaître les lycées agricoles dans les toutes dernières pages…

Ce phénomène s’explique certes par la trop grande diversité des dispositifs d’information existants – centres d’information et d’orientation (CIO), permanences d’accueil, d’information et d’orientation (PAIO), services communs universitaires d’information et d’orientation (SCUIO), missions locales, réseau du Centre d’information Jeunesse (CIDJ) –, mais résulte surtout du fait que ces structures, comme l’a mis en évidence notre collègue Mme Carole Delga, « connaissent mal l’enseignement agricole et ne le voient souvent que comme un enseignement professionnel lié uniquement au monde de la production agricole (méconnaissance de la réalité des secteurs de la transformation, des services et de l’aménagement) d’une part et comme un enseignement de remédiation d’autre part ». Cette représentation négative, qui conduit souvent à ce que les cas où ces organismes orientent « positivement » les jeunes vers l’enseignement agricole sont rares, est « le reflet d’un double handicap : handicap de l’enseignement professionnel mal reconnu en France mais aussi handicap lié à la référence à l’agriculture » (18).

Les responsables des cinq établissements d’enseignement ou de formation entendus par le rapporteur pour avis à Pontivy ont ainsi observé que l’accès aux collèges des représentants de cette filière est difficile. De fait, il dépend de la bonne volonté des principaux, ce qui a fait dire à l’un des participants à cette table ronde : « on va dans les collèges là où on nous accepte » (19).

Cette situation est d’autant plus regrettable qu’il est fréquent que des enfants rebutés par l’enseignement « abstrait », hypothético-déductif, du collège se révèlent dans les classes de quatrième et de troisième de l’enseignement technique agricole.

Il faut mettre un terme à cette culture de « relégation » de l’enseignement technique agricole en lui donnant, comme le préconise Mme Carole Delga, toute sa place dans le futur service public d’orientation. Dans le même esprit, ses exploitations, qui sont des lieux de savoir, devraient être largement ouvertes au grand public, celui du bassin d’emploi ou de la région, pour mettre en valeur les atouts de cette voie de formation.

Parallèlement, comme l’a suggéré le président de l’ONEA, M. Henri Nallet, la procédure d’orientation scolaire devrait être réformée pour que celle-ci ne reste pas l’apanage exclusif de l’éducation nationale. Peut-être faudrait-il placer, comme l’a proposé M. Nallet lors de son audition, le système d’orientation sous l’autorité directe du premier ministre, car l’on voit bien que la tutelle d’un ministre « technique », fut-il celui chargé de l’éducation nationale, ne contribue pas à la visibilité de l’enseignement agricole (20).

C’est ainsi que le gâchis que constituent les places non remplies, faute d’élèves en nombre suffisant, dans les filières du brevet de technicien supérieur agricole (BTSA) pourra cesser. En 2013, selon le ministère de l’agriculture, le taux de remplissage des places disponibles dans cette voie de formation, secteurs public et privé confondus, n’était que de 77,28 %.

Il est vrai aussi que cet état de fait s’explique en partie par les suppressions de classes intervenues en amont, dans les établissements d’enseignement technique. Ainsi, comme le montre le tableau ci-dessous, le nombre des classes de quatrième est passé de 692 en 2000 à 567 en 2012 et celui des classes de troisième de 716 à 674, 70 % des suppressions ayant été opérées dans l’enseignement public et 30 % dans le privé.

LA FERMETURE DES CLASSES DE 4ÈME ET 3ÈME ( 2002-2012)

 

2000

2001

2002

2003

2004

2005

2006

2007

2008

2009

2010

2011

2012

4ème

692

694

683

674

643

632

619

625

617

602

597

576

567

3ème

716

721

728

734

731

701

690

704

700

690

691

679

674

Source : ministère de l’agriculture

Pour conclure ce sujet, il devrait être clair pour tous qu’en l’évoquant, le rapporteur pour avis n’entend pas contester le principe du collège unique qui doit être défendu. Mais entre celui-ci et des élèves parfois « allergiques » au face-à-face purement scolaire, il peut y avoir une place pour les classes de quatrième et de troisième de l’enseignement agricole, ce qui suppose de rééquilibrer, dans cette filière, la part du public et du privé par des créations de postes dans les EPLEFPA.

C’est ce qu’a commencé à faire le gouvernement en attribuant au profit de l’enseignement agricole public 140 postes en 2013 et 105 postes en 2014 (contre respectivement 60 et 45 pour l’enseignement agricole privé). Cet effort devrait être amplifié pour permettre l’ouverture de classes de quatrième et de troisième et de classes préparant le certificat d’aptitude professionnelle agricole (CAPA) – le niveau V de formation ayant été délaissé par cet enseignement pour accroître le nombre de BTSA. Ainsi, cette voie de formation serait dotée des moyens qui lui permettraient, grâce à la taille humaine de ses établissements et sa pédagogie inductive, de continuer à assumer sa mission de remédiation.

2. Une rénovation d’ensemble du système éducatif à assurer

Les trois réformes de notre système éducatif portées par le présent projet de loi, la loi du 8 juillet 2013 d’orientation et de programmation pour la refondation de l’école de la République et la loi du 22 juillet 2013 relative à l’enseignement supérieur et à la recherche devront s’adosser les unes aux autres.

Il s’agit là d’un enjeu essentiel pour nos futures politiques d’enseignement et de recherche, tous niveaux et secteurs confondus, qui devrait conduire les responsables politiques à mettre en avant les thématiques communes qui irriguent ces trois textes :

– l’égalité des chances et la promotion sociale : la loi du 8 juillet 2013 souligne que le service public de l’éducation doit « garantir la réussite de tous » quand le présent projet de loi tend à promouvoir la « diversité des recrutements et la mixité » dans l’enseignement supérieur agricole. D’autre part, la loi du 22 juillet 2013 prévoit que les meilleurs élèves par filière de chaque lycée bénéficient d’un droit d’accès dans les formations de l’enseignement supérieur public où une sélection est opérée, tandis que le présent projet de loi propose d’instituer une voie d’accès spécifique aux écoles d’ingénieur au profit des bacheliers professionnels de l’enseignement agricole ;

– l’attention qui doit être portée aux territoires : à titre d’exemple, la loi du 8 juillet 2013 précise que l’éducation nationale contribue à lutter contre les « inégalités territoriales en matière de réussite scolaire », la loi du 22 juillet 2013 inclut, dans les missions de l’enseignement supérieur public, le rayonnement des territoires aux « niveaux local, régional et national » et le présent projet de loi met en avant la participation des opérateurs de l’enseignement et de la recherche agricole à la « cohésion des territoires » ;

– la réforme des modalités d’évaluation des élèves qui, dans l’enseignement scolaire comme, demain, dans l’enseignement agricole, devront valoriser l’acquisition progressive des compétences.

Cependant, pour que cette construction soit aussi complète, cohérente et efficace que possible, il faudra s’atteler à la réforme de l’apprentissage et de la formation continue. À cet égard, la formation tout au long de la vie, qui est le corollaire indispensable de tout système éducatif en ordre de marche, revêt, aux yeux du rapporteur pour avis, une importance toute particulière dans le domaine agricole, car produire autrement impliquera de former, massivement et dans les meilleurs délais, les agriculteurs, les personnels de cette filière éducative et les vétérinaires en activité.

En ce qui concerne la formation des personnels de l’enseignement agricole, le rapporteur pour avis tient à insister sur le fait que celle-ci doit demeurer une voie spécifique. Elle doit évidemment s’inspirer du fonctionnement des écoles supérieures du professorat et de l’éducation (ESPE), et en particulier du principe, d’ores et déjà appliqué, d’un pré-recrutement en première année de master, tout en conservant ses spécificités, liées notamment à la présence de matières très techniques et de l’éducation socio-culturelle (21). Ses partenariats avec les ESPE et les universités devraient être néanmoins renforcés avant d’envisager, cette évolution devant faire l’objet d’une expertise et d’une concertation préalables, un regroupement des deux écoles en pointe dans ce domaine (Agrosup Dijon, plutôt spécialisée dans la formation continue, et l’ENFAT de Toulouse, plutôt spécialisée dans la formation initiale).

II. RENFORCER LA VOCATION SOCIALE DE CET ENSEIGNEMENT

Si l’enseignement agricole obtient des résultats plutôt satisfaisants en termes de réussite au diplôme et d’insertion professionnelle, il existe encore des marges de progrès dans ces domaines. D’une manière générale, son rôle d’ascenseur social – on rappellera, à cet égard, que 34,6 % des élèves de l’enseignement technique ont bénéficié de bourses sur critères sociaux, tandis que les formations supérieures agricoles comportent 39 % de boursiers, une proportion supérieure à celle constatée dans les universités (22) – doit être conforté par le recours à des modalités d’évaluation des acquis innovantes et une diversification des voies d’accès aux écoles d’agronomie, qui sont, rappelons-le, des grandes écoles. Parallèlement, les relations « sociales » au sein de ce secteur de formation doivent être améliorées par la consécration légale du rôle du médiateur de l’enseignement agricole.

A. FACILITER LA RÉUSSITE SCOLAIRE ET LA PROMOTION DE PUBLICS DIVERSIFIÉS

Le présent projet de loi vise à réaffirmer la vocation de vecteur de promotion sociale et de réussite scolaire de l’enseignement agricole grâce à trois mesures :

– La première tend à permettre l’acquisition progressive des diplômes, y compris en cas d’échec aux examens, afin de sécuriser les parcours des élèves, étudiants, apprentis et stagiaires. Dans ce but, l’article 26 propose d’introduire dans le code rural et de la pêche maritime une disposition symétrique à celle de l’article L. 335-11 du code de l’éducation, jamais mise en œuvre au niveau de l’enseignement scolaire, et prévoyant la possibilité d’utiliser une attestation validant les compétences acquises, dont les modalités seront définies par décret. Ainsi, la réussite sera valorisée, et non l’échec sanctionné. Le rapporteur pour avis se félicite de l’introduction prochaine de ces diplômes « modulaires », dont les modalités d’obtention ne devront pas remettre en cause le caractère national et la qualité des titres concernés mais permettre une vraie capitalisation des acquis des apprentissages dans le cadre de la formation tout au long de la vie (23).

– La deuxième mesure tend à créer une voie d’accès spécifique aux écoles d’ingénieurs pour les bacheliers professionnels ayant suivi une classe préparatoire professionnelle au sein des établissements publics locaux d’enseignement et de formation professionnelle agricoles (EPLEFPA) (article 27). Elle permettra ainsi de compléter l’offre actuelle de parcours de formation post-baccalauréat avant l’entrée dans les écoles d’ingénieurs, qui est inadaptée aux besoins et compétences spécifiques de ces bacheliers, et d’inscrire dans la loi la reconnaissance des classes « passerelles » mises en place par les lycées agricoles (24).

Ce dispositif témoigne d’un certain volontarisme puisque le nombre de jeunes issus de l’enseignement technique qui poursuivent leurs études dans les établissements de l’enseignement supérieur agricole public est faible. Ainsi, en 2011, la proportion des étudiants provenant de cette filière et entrant dans les écoles concernées était, tous concours confondus, de 8,9 % (11,2 % dans les écoles privées) (25).

Cependant, pour être efficace, le dispositif proposé devra reposer sur un accompagnement individualisé des élèves issus des baccalauréats professionnels, car, comme l’ont souligné plusieurs interlocuteurs du rapporteur pour avis, « la marche à gravir est haute ». En outre, il devra s’adosser sur un bac professionnel « consolidé » dans la mesure où la réforme qui a conduit à raccourcir la durée de cette voie de formation de quatre à trois ans semble avoir eu pour effet de fragiliser ce diplôme. En effet, d’après plusieurs témoignages, celui-ci serait devenu plus « techno » que « pro », ce qui mettrait un plus grand nombre d’élèves en difficulté. De plus, certaines équipes enseignantes peuvent être parfois tentées de faire acquérir en trois ans des compétences et des connaissances acquises auparavant en quatre ans, ce qui n’aide pas leurs élèves à « s’approprier » ce diplôme. Ses référentiels gagneraient donc à être retravaillés.

Enfin, la mesure proposée pourrait être complétée, comme l’a suggéré le Conseil économique, social et environnemental, par une autre qui permettrait aux bacheliers professionnels ayant échoué aux concours des écoles d’acquérir une « qualification de niveau intermédiaire » – par exemple un brevet de technicien supérieur agricole (BTSA) (26). Ce mécanisme de rattrapage, qui impliquerait de mettre en place un système d’équivalences totales ou partielles au regard des résultats obtenus en formation (27), serait de nature à conforter le principal outil de démocratisation de l’enseignement supérieur, qui est le concours « C » des écoles, réservé aux titulaires d’un BTS ou d’un diplôme universitaire de technologie.

– Motivée par un souci d’égalité et de cohérence globale de notre enseignement supérieur, la troisième mesure tend à supprimer le principe de la fixation par le ministre chargé de l’agriculture du niveau des bourses, afin de les aligner sur les bourses sur critères sociaux de « droit commun ». En revanche, une base légale sera donnée aux conditions d’attribution des aides à la mobilité internationale du ministère de l’agriculture, car celles-ci doivent conserver leur spécificité (article 26).

B. CONSACRER AU PLAN LÉGISLATIF LE RÔLE DU MÉDIATEUR DE L’ENSEIGNEMENT AGRICOLE

Les réformes proposées par le présent projet de loi ne pourront aboutir que si les acteurs et les usagers de l’enseignement agricole entretiennent, à tous les niveaux, des relations de qualité. Pour atteindre cet objectif, il est impératif qu’une place plus grande soit faite à la concertation entre l’ensemble des partenaires, ce qui permettra de réduire la distance entre le public et le dispositif de formation.

Il s’agit là d’une exigence forte de service public qui justifie, à l’instar de ce qui existe dans l’enseignement général, l’institution d’un médiateur de l’enseignement agricole. Certes, cette fonction n’est pas ignorée par le ministère de l’agriculture, mais elle ne s’appuie, aujourd’hui, que sur une simple note de service du 25 octobre 2000, adressée aux directeurs régionaux de l’agriculture et de la forêt après l’adoption de la loi du 9 juillet 1999 d’orientation agricole. De fait, elle est dépourvue de base juridique, à la différence du médiateur mis en place par l’Éducation nationale.

Le présent projet de loi propose donc d’inscrire l’action du médiateur de l’enseignement agricole dans la loi, qui pourra donc être saisi, dans le cadre de litiges, aussi bien par les élèves, les étudiants, les stagiaires, les apprentis et les parents d’élèves que par les agents – enseignants et non-enseignants – de l’enseignement agricole (article 26).

L’assise juridique et le prestige de cette fonction pourront ainsi être renforcés, ce qui confortera le rôle « d’écouteur » et de « passeur » du médiateur, désormais indispensable pour régler certaines situations de tensions sur le terrain.

III. RÉPONDRE À L’ENJEU DE VISIBILITÉ DE L’EXCELLENCE AGRONOMIQUE ET VÉTÉRINAIRE FRANÇAISE

La loi du 22 juillet relative 2013 relative à l’enseignement supérieur et à la recherche a accéléré, au niveau des territoires, la reconfiguration des universités, des écoles et des organismes de recherche, en créant des outils structurants afin de remédier à la fragmentation excessive de notre paysage universitaire. Pour gagner en efficacité et en lisibilité et défendre ainsi ses priorités et ses ressources, l’enseignement supérieur agronomique et vétérinaire doit rapidement s’associer à cette dynamique, tout en conservant ses spécificités et en recourant à un cadre juridique adapté.

Il faut donc aller au-delà des actuels « pôles de compétences régionaux » mis en place par le ministère de l’agriculture, dès lors que ceux-ci, selon le jugement de l’inspecteur général de l’agriculture M. Bernard Chevassus-Au-Louis, « ne constituent plus aujourd’hui des dispositifs suffisamment forts et cohérents pour peser dans ces réorganisations de grande ampleur » (28), mais sans « copier » pour autant le modèle des communautés d’universités et établissements.

En effet, la nécessité d’agir ensemble ne doit pas conduire à créer un collectif tout à la fois centralisé et territorialement trop étendu. L’objectif doit être plutôt de faire travailler ensemble, sur des projets communs, des établissements, afin qu’à l’instar des établissements de coopération intercommunale, ils se connaissent, se respectent et s’aident.

A. UNE OFFRE DISPERSÉE ET PRÉJUDICIABLE

La concurrence internationale des systèmes de production et de formation et le défi collectif que constitue la transition vers une agriculture compétitive et durable doivent nous conduire à regrouper les forces, aujourd’hui dispersées, des opérateurs de l’enseignement supérieur et de la recherche.

1. Les conclusions des rapports de MM. Chevassus-Au-Louis et Martinot

Le rapport remis le 2 juillet 2013 au ministre de l’agriculture par M. Bernard Chevassus-Au-Louis a confirmé la nécessité d’un meilleur pilotage de l’enseignement supérieur, en identifiant une série de six missions pour lesquelles « la dimension nationale est clairement prépondérante » et nécessite un niveau de mise en commun (coordination ou mutualisation) important. Il s’agit des fonctions de prospective et analyse stratégique, d’expertise collective, d’éthique et de déontologie, d’évaluation, de mise en œuvre de grands programmes de recherche et de gestion prévisionnelle des compétences. À ce premier groupe, il convient d’en ajouter un deuxième, qui comprend neuf fonctions pour lesquelles « les dimensions locales et nationales semblent toutes deux à prendre également en considération », à savoir la coordination des offres de formation au niveau des masters, des doctorats et post-doctorats, de la formation à distance et de la gestion des métiers et de la mobilité, de la formation permanente, des recrutements des personnels, de la documentation, du développement agricole et du développement international (29) .

Ce rapport souligne également la nécessité d’attirer des étudiants de qualité soit pour des cursus complets, soit dans le cadre d’échanges permettant de fournir une expérience internationale aux étudiants des établissements de l’enseignement supérieur agricole. Il note à cet égard qu’« alors que des séjours à l’étranger sont aujourd’hui quasi-systématiques dans les cursus de ces derniers et concerne principalement des pays de l’OCDE, le flux des étudiants entrants issus de ces pays est relativement faible » – ainsi en 2009, si 82 % des 50 000 étudiants français en mobilité partaient vers six pays de l’OCDE (Royaume-Uni, États-Unis, Allemagne, Belgique, Suisse et Canada), les étudiants venant de ces pays en France n’étaient qu’environ 17 000, soit trois fois moins que le flux sortant. Dans le même esprit, la mondialisation de l’offre de formation amène nos étudiants à rechercher des formations supérieures agronomiques ou vétérinaires dans des pays voisins (Belgique ou Pays-Bas), voire lointains (États-Unis ou Canada), une ouverture « qui oblige les écoles à se positionner et à se faire reconnaître au niveau mondial, même pour rester attractives vis-à-vis des étudiants nationaux ».

Pour toutes ces raisons, M. Bernard Chevassus-Au-Louis a estimé que la création d’un grand pôle agronomique national, qui viserait à « fédérer » les écoles actuelles, pourrait « permettre de répondre à de nombreux enjeux majeurs que les établissements ne sont pas en mesure d’affronter seuls » (1).

Par ailleurs, en ce qui concerne les écoles vétérinaires, le seul dispositif de coordination de ces établissements est le conseil des directeurs des écoles nationales vétérinaires, mentionné à l’article R.814-31 du code rural et de la pêche maritime. Or, outre le fait que ce conseil n’a qu’une existence réglementaire, celui-ci n’a qu’une compétence très réduite, limitée à quelques aspects du fonctionnement des formations, et ne se réunit qu’au moins deux fois par an, à l’initiative et sous la présidence du directeur général chargé de l’enseignement et de la recherche au ministère de l’agriculture. Pour reprendre le constat de l’étude d’impact, cet organe ne saurait jouer un « rôle pivot » pour « assurer tant l’augmentation du nombre d’étudiants formés que la qualité, l’attractivité et l’adaptation de la formation aux besoins des futurs diplômés ou de leurs employeurs et pour restaurer la capacité de notre dispositif à satisfaire aux exigences des référentiels internationaux d’accréditation ».

De son côté, le directeur général de VetAgro Sup, M. Stéphane Martinot, dans un rapport remis au ministre de l’agriculture, de l’agroalimentaire et de la forêt le 2 juillet 2013, a également souligné la nécessité, pour les quatre écoles vétérinaires, de mettre en place des partenariats forts à l’international et de développer l’attractivité auprès des étudiants étrangers « afin de conforter la reconnaissance internationale de l’excellence de la formation vétérinaire française » (30).

Par ailleurs, au plan national, selon cet expert, l’accroissement du nombre d’étudiants ainsi que le renforcement de la qualité et de l’adaptabilité des cursus et de la recherche impliquent de créer un institut vétérinaire de France qui permettrait de :

– mutualiser les méthodes et les contenus pédagogiques ;

– présenter une organisation nationale des formations de cinquième année couvrant l’ensemble des filières et débouchés professionnels ;

– développer une certification comparable des compétences acquises par les étudiants quel que soit leur lieu d’études ;

– mettre en place un fonctionnement coordonné des programmes de formation continue des vétérinaires ;

– créer un guichet unique pour les discussions stratégiques avec les partenaires institutionnels (INRA, CNRS, etc.) ;

– proposer un cahier des charges de structuration de la recherche clinique qui soit proposé aux conseils scientifiques des établissements.

Ces deux dernières orientations sont motivées par un triple constat : la faiblesse des ressources humaines dédiées à la recherche (ingénieurs de recherche et ingénieurs d’études) mises à la disposition des écoles, l’absence de structuration de la recherche clinique, qui souffre d’un manque de cohérence dans l’utilisation des outils et du matériel, et « l’invisibilité » relative des travaux publiés, autant d’éléments qui fragilisent les activités scientifiques de nos écoles vétérinaires (1).

Cette situation de relative fragilité n’est pas étrangère au fait que deux écoles vétérinaires sur quatre – seulement – ont été accréditées à l’international (soit celles de Lyon et Nantes). De surcroît, le caractère non « ordonné » de l’offre de formation et de recherche pourrait être, à terme, difficilement soutenable sur le plan budgétaire, malgré la hausse des crédits consacrés à l’enseignement supérieur et à la recherche agricole.

2. La nécessité de faire du « commun »

Le rapporteur pour avis est convaincu du fait que nous n’avons pas d’autre choix que de faire du « commun ». En effet, alors que le système universitaire et de recherche est marqué par des enjeux disciplinaires traités localement par les établissements, dans le domaine agricole et agronomique, ceux-ci sont, de toute évidence, thématiques et non disciplinaires.

Cette dimension est encore plus prégnante à l’international, en particulier dans le domaine de la sécurité alimentaire, où la position française sur ce sujet perd des points en raison de la relative petitesse des structures susceptibles de la défendre. Mis en place à la suite de la prise de conscience mondiale qui a suivi les émeutes de la faim de 2008, le Consortium national pour l’agriculture, l’alimentation, la santé animale et l’environnement Agreenium ne dispose pas des outils nécessaires pour inverser cette tendance. Créé par décret du 7 mai 2009, cet établissement public de coopération scientifique rassemble deux organismes de recherche (l’INRA et le Centre de coopération international en recherche agronomique pour le développement) et six établissements d’enseignement supérieur (AgroCampus Ouest, AgroParisTech, Montpellier SupAgro, AgroSup Dijon, Institut national polytechnique de Toulouse et Bordeaux Sciences Agro), mais selon sa présidente, Mme Marion Guillou, s’il a permis de réaliser des actions qui n’auraient pu l’être individuellement par ses membres, son bilan reste « modeste ».

Il est donc impératif que la France puisse être en mesure de présenter une offre intégrée, surtout au regard de la taille de ses principaux partenaires et concurrents. À titre d’illustration, selon les précisions apportées par le ministère de l’agriculture, Wageningen U.R, qui est à la fois une université et un centre de recherche néerlandais spécialisés en sciences de la vie, compte 10 000 étudiants provenant de plus de 100 pays différents et 6 500 membres du personnel. Par ailleurs, la Chinese Academy of Agricultural Sciences regroupe 39 centres de recherche et 6 000 ingénieurs et scientifiques, tandis qu’avec 37 centres de recherche à travers le Brésil, l’entreprise EMBRAPA coordonne, de fait, le système de recherche et de connaissance agricole brésilien (31).

Enfin, les établissements d’enseignement supérieur agricole ont également vocation à participer aux dynamiques des politiques de site, une contribution qui ne pourrait qu’être confortée par la création d’un pôle agronomique et vétérinaire. Comme le montre l’encadré ci-dessous, ils s’y impliquent d’ores et déjà au travers des pôles de recherche et d’enseignement supérieur, qui deviendront, avec la loi n° 2013-660 du 22 juillet 2013, des communautés d’universités et établissements, une fois les statuts de ces nouveaux établissements adoptés.

LES ÉCOLES AGRONOMIQUES ET VÉTÉRINAIRES ET LES PÔLES UNIVERSITAIRES

Établissements de l’enseignement supérieur agronomique et vétérinaire

Pôle de recherche d’enseignement supérieur (PRES) ou communauté d’universités et établissements (CUE)

Membre fondateur

Membre associé

Agrocampus Ouest

Université Européenne de Bretagne

 
 

Université Nantes Angers Le Mans (UNAM)

AgroParisTech

ParisTech fait partie des établissements membres du cercle université de Paris-Saclay

UniverSud

Agrosup Dijon

PRES Bourgogne Franche Comté

 

El Purpan (privé)

 

Université de Toulouse

École nationale vétérinaire de Toulouse

 

Université de Toulouse

École nationale du génie de l’eau et de l’environnement de Strasbourg

École associée à l’université de Strasbourg

 

Bordeaux Sciences Agro

Université de Bordeaux

 

École nationale supérieure d’agronomie et des industries alimentaires*

Université de Lorraine

 

École nationale supérieure de paysage de Versailles

 

UniverSud

École nationale vétérinaire d’Alfort

 

Université Paris Est

École supérieure d’agriculture d’Angers (privée)

Université Nantes Angers Le Mans (UNAM)

 

École supérieure du bois (privée)

 

Université Nantes Angers Le Mans (UNAM)

ESITPA (privée)

 

Projet d’adhésion au futur PRES Université de Normandie

Institut agronomique méditerranéen de Montpellier

   

Institut national polytechnique – École nationale supérieure agronomique de Toulouse*

Université de Toulouse

 

Institut supérieur d’agriculture et d’agroalimentaire Rhône-Alpes (privée)

 

Université de Lyon

École nationale vétérinaire, agroalimentaire et de l’alimentation de Nantes

Université Nantes Angers Le Mans (UNAM)

 

Montpellier SupAgro

 

Université Montpellier Sud de France

VetAgro Sup

Clermont Université

 
 

Université de Lyon

Source : ministère de l’agriculture. * École relevant du ministère de l’enseignement supérieur et de la recherche.

B. STRUCTURER LA COOPÉRATION ENTRE LES ACTEURS TOUT EN RESPECTANT LEUR IDENTITÉ

1. L’option des communautés d’universités

Pour être efficace, la définition d’une offre de formation et de recherche coordonnée doit être assurée par un établissement. Faut-il pour autant recourir à la formule de la communauté d’universités et établissements (CUE) telle qu’elle a été définie par la loi du 22 juillet 2013 relative à l’enseignement supérieur et à la recherche ?

On rappellera que celle-ci a classé cette nouvelle structure juridique dans la catégorie des établissements publics à caractère scientifique, culturel et professionnel (EPSCP), en les dotant d’organes de gouvernance qui complètent ceux des universités et établissements membres de la communauté « intégratrice ».

La mise en place de ces « universités fédérales » d’un type nouveau vise notamment à simplifier le processus de contractualisation du ministère de l’enseignement supérieur et de la recherche avec les opérateurs sous sa tutelle, en passant d’un dialogue individuel conduit avec chaque université, institut ou école à la signature d’une trentaine de contrats de site, associant les établissements d’un même territoire.

Or, de toute évidence, l’application d’un tel dispositif aux établissements publics d’enseignement supérieur agronomique et vétérinaire et à leurs partenaires de la recherche semble complexe au vu de la dispersion régionale des structures concernées. En effet, tandis que la communauté « fédère » les établissements d’un même territoire ou d’une même région, les écoles vétérinaires et agronomiques souhaitent développer, à partir de leur site, des politiques mutualisées ou coordonnées au niveau national.

En outre, le modèle « EPSCP » des communautés ne paraît pas adapté à la gouvernance d’écoles qui souhaitent préserver leur autonomie de gestion et leurs implantations territoriales.

Enfin, d’un point de vue administratif, comme l’a souligné M. Bernard Chevassus-Au-Louis, un tel ensemble « serait doté d’une gouvernance semblable à celle des universités, plus lourde et plus complexe que celle des établissements regroupés, gouvernance qui viendrait en outre se surajouter à celle de ces établissements » (32). Cette formule soulèverait, de surcroît, d’autres difficultés pratiques, analysées par M. Stéphane Martinot, le directeur général de VetAgro Sup :

– la loi du 22 juillet 2013 relative à l’enseignement supérieur et à la recherche exclut les ministères du conseil d’administration des communautés, tout en prévoyant la représentation des collectivités territoriales. Or ce modèle, d’une part, ne correspond pas à « la nécessité d’une interaction stratégique forte avec la tutelle », indispensable à la prise en compte, par les opérateurs de la formation et de la recherche, des priorités de la politique agricole, alimentaire et vétérinaire et, d’autre part, ne favorise pas le développement d’un positionnement national des écoles ;

– le nombre des instances exigées par le modèle des communautés (conseil d’administration, conseil académique et conseil des membres) induit un coût de fonctionnement important et des risques « de confusion des circuits de décision voire de redondance » entre les instances des établissements et les instances de la structure de coopération (33).

2. La solution proposée

Ces observations conduisent à opter pour une gouvernance conciliant les politiques de site soutenues par chaque école et la mise en œuvre d’orientations stratégiques nationales, tout en garantissant une représentation « collective » des membres auprès des partenaires et à l’international. Cette solution, ainsi que l’a souligné M. Martinot, « présente certes l’inconvénient de créer un établissement supplémentaire mais autorise un effet de levier positif de par ses capacités à stimuler et soutenir la mutualisation, sans impacter les dynamiques propres de chaque établissement » (2).

Cependant, plutôt que de créer deux établissements distincts, comme le préconisent les rapports respectifs de M. Bernard Chevassus-Au-Louis et de M. Stéphane Martinot, l’article 27 du présent projet de loi propose la création d’un Institut agronomique et vétérinaire de France, qui rassemblera tous les établissements d’enseignement supérieur agronomiques et vétérinaires publics, tout en permettant à d’autres établissements d’enseignement ou de recherche d’y adhérer à raison de leur vocation et compétence.

Il aura pour mission d’élaborer et de mettre en œuvre des stratégies de recherche et de formation communes à ces établissements aux niveaux national, européen et international, mais aussi d’apporter au ministère chargé de l’agriculture une expertise en matière de formation, de recherche et de développement.

Sa création mettra fin à l’existence du Consortium national pour l’agriculture, l’alimentation, la santé animale et l’environnement Agreenium, établissement public de coopération scientifique dont l’article 117 de la loi du 22 juillet 2013 relative à l’enseignement supérieur et à la recherche a fixé l’échéance du statut à 2018.

Aux yeux du rapporteur pour avis, cette structure devrait être, au niveau mondial, le « bras armé » de notre vision de l’agriculture et de notre modèle sanitaire. Elle pourrait être aussi la vitrine de l’école française de formation vétérinaire et agronomique, qui pourrait apporter des réponses aux enjeux alimentaires qui pèsent notamment sur l’Afrique et qui constituent un défi pour la sécurité mondiale.

En outre, l’article 27 du présent projet de loi permettra aux ministres chargés de l’agriculture et de l’enseignement supérieur d’accréditer l’Institut pour délivrer des diplômes nationaux. Il s’agit d’une évolution extrêmement importante au regard de la vocation internationale du nouvel établissement, car de nouvelles formations, construites par l’ensemble des établissements et susceptibles d’être ainsi diffusées auprès de nos partenaires, par exemple en Afrique francophone, pourraient bénéficier de cette disposition. À titre d’exemple, la présidente d’Agreenium, Mme Marion Guillou, a indiqué au rapporteur pour avis que cette offre pourrait être notamment proposée par le biais d’une « université virtuelle » en agro-sciences.

Le volet international de notre politique agricole et alimentaire sera par ailleurs conforté par une autre disposition de l’article 27 qui permettra à l’Institut agronomique méditerranéen de Montpellier de délivrer des diplômes nationaux. Les formations dispensées par cet organisme doivent être en effet pleinement reconnues, car elles accueillent, depuis un traité signé à Paris en mai 1962, les cadres de l’agriculture, de l’alimentation et du développement rural durable des pays du pourtour méditerranéen.

TRAVAUX DE LA COMMISSION

I. DISCUSSION GÉNÉRALE

La Commission, saisie pour avis, examine, sur le rapport de M. Jean-Pierre Le Roch, les articles 26 et 27 du projet de loi d’avenir pour l’agriculture, l’alimentation et la forêt (n° 1548).

M. le président Patrick Bloche. Conformément au souhait de son bureau, notre Commission s’est saisie pour avis des articles 26 et 27 du projet de loi d’avenir pour l’agriculture, l’alimentation et la forêt, constituant le titre IV relatif à des « dispositions relatives à l’enseignement agricole ». La Commission des affaires économiques saisie au fond examinera la semaine prochaine l’ensemble du texte.

M. Jean-Pierre Le Roch, rapporteur pour avis. Le titre IV du projet de loi d'avenir pour l'agriculture, l'alimentation et la forêt est consacré à l'enseignement technique agricole, deuxième réseau éducatif du pays qui compte 170 000 élèves, à l'enseignement supérieur agricole, qui comprend certaines de nos plus grandes écoles, et à la recherche agricole dont l'excellence est d'ores et déjà reconnue. Il réaffirme l'ambition de disposer d'un appareil de formation et de recherche innovant tourné vers l'avenir, et vise à donner au secteur concerné les outils permettant de répondre aux défis agricoles et alimentaires d’aujourd'hui et de demain.

Trois enjeux sont au cœur de ces mesures.

Le premier recouvre une réalité simple aux ressorts complexes : il faut nourrir les habitants de notre planète, ceux d’aujourd’hui comme ceux de demain. Une fois présentée cette nécessité se posent les questions auxquelles notre génération et les suivantes doivent apporter des réponses. Notre réflexion doit ainsi prendre en compte plusieurs données : le facteur démographique, dans la mesure où notre planète devrait compter neuf milliards d'habitants en 2050 contre sept actuellement ; la diminution des terres disponibles, liée notamment à l’urbanisation et au changement climatique ; et les disparités dans les dépenses d'alimentation. Alors que pour beaucoup de ménages ces dernières demeurent contraintes, une transition alimentaire est à l'œuvre à l'échelle mondiale, en particulier dans les pays émergents où les nouveaux urbains consomment, par exemple, plus de lait ou de viande.

En 2011, l'Organisation des Nations unies pour l'alimentation et l'agriculture prévoyait que la production agricole devrait s'accroître de plus des deux tiers d'ici à 2050 pour répondre à ces défis. C'est pourquoi il est impératif d'engager la transition de l'agriculture française vers une double performance, économique et écologique, et de préparer les générations futures à ce nouveau modèle agro-écologique.

Ainsi, dès lors que l'on admet que, demain, il faudra produire autant, voire plus, mais autrement, il est indispensable de faire de l'enseignement agricole la clef de voûte des politiques publiques destinées à favoriser l'agroécologie. Il est à cet égard positif que cet enseignement soit intégré dans ce projet de loi d’avenir pour l’agriculture et qu’il ne soit pas abordé dans un texte distinct.

Le second enjeu consiste à matérialiser l'ambition d'un enseignement agricole comme levier de promotion sociale, d'insertion professionnelle et de développement des territoires. Pour cela, il convient de s'appuyer sur les atouts de cet enseignement, et ils sont nombreux : petite taille des établissements ; internats très présents ; grande place accordée à la pédagogie de situation, à l'expérimentation grâce aux exploitations rattachées aux lycées agricoles, à l'apprentissage et à l'alternance ; ouverture des instances de gouvernance aux élus et aux professionnels de l'agriculture. Bref, pour reprendre les propos du président de l’Observatoire national de l'enseignement agricole (ONEA), M. Henri Nallet, nous pouvons dire que ce qui fait la force de l’enseignement agricole, « c’est son humanité ».

Dans cette dynamique propre à cet enseignement, les articles 26 et 27 comprennent un ensemble de mesures en faveur de la réussite scolaire et de la promotion sociale.

Il convient d’évoquer tout d'abord le dispositif d'acquisition progressive des diplômes de l'enseignement agricole, qui reposera sur une attestation et devrait fonctionner comme un « mécanisme d'assurance », valorisant la réussite partielle et les acquis d'un élève ayant échoué aux examens. Il donnera ainsi une deuxième chance, illustrant notre volonté de ne laisser personne de côté et de lutter contre le décrochage scolaire.

Il faut ensuite citer la possibilité donnée au ministre de l'agriculture de créer une voie d'accès spécifique aux écoles d'ingénieurs aux bacheliers professionnels ayant suivi une classe préparatoire. Cette disposition fait suite aux propositions émises par notre collègue Carole Delga, qui a préconisé d'engager des actions pour offrir aux élèves de l'enseignement technique des parcours attractifs vers les écoles supérieures, alors qu’ils ne sont aujourd’hui que 10 % à intégrer des établissements d’enseignement supérieur agricole.

Enfin, le texte consacre légalement le médiateur de l'enseignement agricole dont l'existence repose actuellement sur une simple note de service d'octobre 2000, ce qui facilitera le développement de relations de qualité entre ce service public, ses agents et usagers, un climat plus serein étant nécessaire pour faire aboutir les réformes proposées.

Le troisième et dernier enjeu est relatif au pilotage de l'enseignement supérieur et de la recherche agricole français, à sa lisibilité sur le plan national et à son attractivité internationale.

Les auditions m'ont convaincu que, dans ce domaine, nous n'avons pas d'autre choix que de faire du « commun », sur des projets nationaux comme internationaux. En effet, alors que le système universitaire et de recherche est marqué par des enjeux disciplinaires traités localement par les établissements, dans les secteurs agricole et agronomique, ceux-ci sont, de toute évidence, thématiques.

Les rapports de MM. Bernard Chevassus-au-Louis et Stéphane Martinot nous enseignent qu'un certain nombre de missions à vocation nationale ou internationale nécessitent un niveau de mise en commun important, que ce soit sous forme de coordination ou de mutualisation.

Selon M. Chevassus-Au-Louis, la création d'un grand pôle agronomique national, qui viserait à « fédérer » les écoles actuelles, pourrait « permettre de répondre à de nombreux enjeux majeurs que les établissements ne sont pas en mesure d'affronter seuls ». Cette remarque est encore plus prégnante lorsque l'on constate, en particulier dans le domaine de la sécurité alimentaire, que la France perd des points et qu’elle n’est pas en mesure de défendre ses positions en raison de la relative petitesse des structures nationales. Je rappelle que, dans notre pays, l'établissement moyen compte 600 étudiants et 75 enseignants-chercheurs ou scientifiques alors qu’aux Pays-Bas, l'université de Wageningen rassemble, par exemple, 10 000 étudiants et 6 000 membres du personnel.

Dès lors, atteindre une « taille critique » est la condition sine qua non pour que nous puissions nous positionner sur des appels à projets jusqu'à présent inaccessibles. Elle doit permettre d'accroître la reconnaissance internationale de l'excellence de la « marque France » en matière de formation et de recherche agricole.

Engagée dans une certaine mesure par le consortium Agreenium, cette démarche se matérialise dans le projet d'un Institut agronomique et vétérinaire de France (IAVF). Ce nouvel institut propose une gouvernance souple permettant de structurer la coopération entre les acteurs tout en respectant leur identité. En d'autres termes, il concilie les politiques de site soutenues par chaque école et la mise en œuvre d'orientations stratégiques nationales. Il se présente comme la vitrine, au niveau international, de l'excellence de l'école française de formation vétérinaire et agronomique et il a vocation à devenir le « bras armé » de notre vision de l'agriculture.

Parce qu'ils répondent concrètement à ces trois enjeux et qu'ils relèvent ces trois défis, les articles 26 et 27 du projet de loi portent une ambition renouvelée pour la formation et la recherche agricole.

L'article 26 fixe à l'ensemble des opérateurs de la formation et de la recherche agricole un but premier : l'acquisition et la diffusion de connaissances permettant de répondre aux enjeux de la performance des activités liées à l'agriculture, à l'alimentation et aux territoires. La performance est évidemment comprise dans toutes ses dimensions : elle est économique, écologique, sociale et sanitaire.

D'autres dispositions de l'article 26 confortent cette mise en cohérence. Il est, en particulier, prévu que les projets des établissements d'enseignement devront être élaborés en respectant les orientations des politiques publiques pour l'agriculture. Autrement dit, ces projets devront appuyer localement la mise en œuvre des plans d'actions qui visent à modifier les pratiques professionnelles.

L’article 27 du projet de loi traite de l'enseignement supérieur. Il propose, en premier lieu, d’en réactualiser les missions. Les objectifs des formations seront redéfinis autour de la mixité sociale, de l'ambition européenne, du développement durable et du lien à construire entre les deux niveaux de formation, l'enseignement supérieur devant appuyer l'enseignement technique.

En second lieu, l'article 27 prévoit de créer l’IAVF, évoqué précédemment, qui rassemblera les douze écoles sous tutelle du ministre de l'agriculture et, sur la base du volontariat, d'autres établissements d'enseignement et de recherche. Outre les missions déjà mentionnées, et en résonance avec l'importance accordée à la formation des enseignants dans la loi de refondation de l’école de la République, cet institut aura vocation à coordonner la formation des personnels de l'enseignement agricole au niveau national.

Je salue le travail de concertation engagé dès sa prise de fonction par le ministre de l'agriculture, M. Stéphane Le Foll, qui nous conduit à discuter aujourd'hui de ce projet de loi.

En définitive, une même ligne de conduite inspire la loi du 8 juillet 2013 d’orientation et de programmation pour la refondation de l'école de la République, la loi du 22 juillet 2013 relative à l'enseignement supérieur et à la recherche et le volet « enseignement » du présent projet de loi. Ces trois textes font en effet le pari que le redressement de notre pays ne pourra se faire qu'en investissant dans l'intelligence. Tel est le but du titre IV du projet de loi qui, tout en renforçant le rôle d'ascenseur social de l'enseignement agricole, le définit comme le moteur des politiques publiques destinées à promouvoir l'agroécologie en France et dans le monde afin de répondre aux défis agricoles et alimentaires de demain. Après avoir présenté quelques amendements, je proposerai en conséquence à la Commission d’émettre un avis favorable à l’adoption des articles 26 et 27.

Mme Brigitte Bourguignon. L’enseignement agricole constitue un marqueur fort de ce projet de loi dont l’objectif est de préparer les mutations et la transition de notre agriculture vers l'agroécologie. Le défi auquel elle devra faire face dans les vingt prochaines années est clair : il lui faudra produire plus tout en étant plus responsable et plus respectueuse de l'environnement. En la matière, l’attente de nos concitoyens et de la société est très forte.

Pour construire ce changement des pratiques et des systèmes agricoles, il est nécessaire de réaffirmer l'importance de l'enseignement agricole car l’avenir se construit sur la formation et l’innovation. Or le secteur a largement souffert, entre 2007 et 2012, de la casse des effectifs imposée à l’éducation nationale.

Mme Annie Genevard. On ne se lasse pas de cet argument !

Mme Brigitte Bourguignon. Aussi, après la création de plus de deux cents postes dans le budget pour 2014, nous nous réjouissons que le Gouvernement montre, au travers de ce projet de loi, sa volonté de favoriser la mission de promotion sociale et d'insertion professionnelle de l'enseignement technique agricole. À l’heure où l’apprentissage doit retrouver ses lettres de noblesse, il convient en particulier de saluer la place essentielle occupée par l’exploitation agricole au sein de ce système éducatif.

Si nous voulons enclencher une dynamique qui donne envie aux jeunes de devenir paysans, dans un contexte marqué par leur désaffection à l’égard des métiers agricoles, il nous faut casser le moule dans lequel sont formés les agriculteurs depuis de nombreuses années.

Certes, pour produire autrement, il faut d'abord former différemment, mais nous devons être conscients que cela ne va pas aller de soi. Il va falloir repenser totalement nos pratiques agricoles, et, dans le contexte actuel, allier des exigences de performances écologiques, économiques et sociales à des niveaux élevés n'a rien d'évident.

Les incidences en termes de formation sont importantes. L’enseignement agricole est interrogé dans ses contenus disciplinaires mais surtout dans ses modes d'acquisition et de certification des savoirs. Car si les préoccupations concernant l'écologie, l'environnement, le développement durable ou la diversité des systèmes de production ont déjà été intégrées dans les référentiels de l'enseignement agricole, un effort d'adaptation de notre appareil de formation et de recherche agricole sera nécessaire.

La concertation sur l'avenir de l'enseignement agricole lancée par M. Stéphane Le Foll en mars dernier a été très instructive. Promotion sociale et réussite scolaire, capacité à enseigner et à produire autrement, rayonnement international de l'enseignement supérieur et de la recherche agronomique et vétérinaire et mobilité des jeunes, et, enfin, priorité donnée à la formation des professionnels et des enseignants : les thématiques dégagées au cours des débats se retrouvent parfaitement dans les objectifs du projet de loi.

Nous nous satisfaisons grandement, au groupe SRC, des dispositions des articles 26 et 27, et nous considérons que les choix proposés permettront à notre enseignement agricole de demeurer cet outil innovant et ambitieux capable de répondre à la nouvelle donne de l'agriculture de demain.

Mme Annie Genevard. L’enseignement agricole français se porte bien. Deuxième réseau éducatif de notre pays, il compte un petit millier d’établissements – 64 % relevant du secteur privé et 36 % du public –, généralement de petite taille, avec en moyenne 300 élèves, et 280 exploitations. Ces établissements scolarisent 170 000 jeunes, dont 60 % d’internes, et enregistrent un taux de réussite satisfaisant de près de 85 %. Le taux net d’emploi pour les actifs ayant suivi cette filière est supérieur à 80 %.

Notre rapporteur reconnaît que la réussite du réseau de l’enseignement technique agricole est remarquable. Il est vrai que le panorama que je viens de dresser peut faire des envieux dans un contexte économique et éducatif bien morose, marqué par la récente publication par l’OCDE du cinquième rapport du programme international pour le suivi des acquis des élèves, dit « enquête PISA ». Si l’on ajoute à la performance strictement éducative, l’excellence des indicateurs sociaux, comme de ceux relatifs à la mixité sociale – les boursiers représentent 39 % des effectifs –, et la solidité des liens tissés entre les établissements scolaires agricoles et leur environnement, on en vient à rêver que l’éducation nationale connaisse la même stabilité et la même réussite. Celle se mesure notamment au faible taux de « décrocheurs », qui sont d’ailleurs souvent des « décrocheuses ». Je formule l’hypothèse que le fait que nous ayons majoritairement affaire à des établissements privés n’est pas pour rien dans ces succès.

Mme Brigitte Bourguignon. On ne s’en lasse pas, disiez-vous !

Mme Annie Genevard. En effet, les caractéristiques propres à l’enseignement privé, qui semblent ne pas pouvoir s’appliquer à l’éducation nationale dans son ensemble, jouent à mon sens un rôle majeur. Je pense en particulier à l’autonomie des établissements.

On comprend mal que le projet de loi traite avec tant d’insistance du médiateur alors qu’il n’a même pas été évoqué dans la discussion du projet de loi de refondation de l’école. Les problèmes dans l’éducation nationale sont si nombreux qu’il y aurait pourtant eu toute sa place. Si toute organisation sociale est amenée à évoluer, j’estime qu’il ne faut toucher qu’avec prudence à ce qui fonctionne bien. Plutôt que réformer l’enseignement agricole, il serait préférable de s’inspirer de ses pratiques pour « modéliser » ailleurs ce qui marche.

Ainsi, paradoxalement, alors que vous mettez en valeur l’autonomie dans l’enseignement agricole, elle vous fait peur dès que l’on veut l’appliquer à l’éducation nationale. Un bon degré d’autonomie permet pourtant d’installer une dynamique collective. Vous pourriez aussi prendre exemple sur la pédagogie inductive qui fait appel à la fois à l’approche globale des savoirs et à l’alternance. Je note enfin que les conseils d’administration des établissements agricoles sont très souvent pilotés par des professionnels, ce qui devrait vous inspirer.

Tout n’est pas négatif dans les dispositions que nous examinons. Nous sommes favorables, au groupe UMP, à l’accompagnement individualisé que vous avez supprimé dans l’éducation nationale. Or je constate avec plaisir que vous partagez notre position dès qu’il s’agit d’enseignement agricole : l’accompagnement individualisé des élèves titulaires d’un baccalauréat professionnel agricole qui empruntent la voie d’accès spécifique vers les écoles d’ingénieurs nous semble constituer une bonne mesure. Il en est de même de l’acquisition progressive des diplômes et de la sécurisation des parcours des étudiants, des élèves, des apprentis et des stagiaires. Par ailleurs, l’obtention de diplôme par capitalisation constitue l’une des solutions permettant de remédier au décrochage scolaire ; nous y sommes favorables. Enfin, l’inscription d’un projet international dans le projet de l’établissement est d’autant plus intéressante que le secteur agricole est exportateur. Un certain nombre de points nous paraissent toutefois insuffisamment développés, comme la référence à la formation des enseignants, pourtant considérée par le ministre de l’éducation nationale et celui de l’agriculture comme fondamentale

Mais je veux surtout m’arrêter sur deux points préoccupants.

Monsieur le rapporteur, vous annoncez un rééquilibrage au profit de l’enseignement public. N’aura-t-il pas lieu au détriment de l’enseignement privé ? Ce dernier est majoritaire dans la filière agricole, et, aux dernières nouvelles, ce n’est pas négatif. J’ai pourtant lu dans votre projet de rapport que pour rééquilibrer la part du privé et du public, le Gouvernement avait attribué au profit de ce dernier 140 postes en 2013 et 105 en 2014, contre respectivement 60 et 45 pour l’enseignement agricole privé. Vous insistez aussi sur le fait que le médiateur œuvre au fonctionnement du service public de l’enseignement agricole ; cette préférence permanente pour le secteur public m’interpelle.

Le plus grand danger me semble toutefois résider dans votre choix de reconfigurer l’outil de formation en fonction du projet politique d’agroécologie. L’environnement est certes une préoccupation majeure, mais il faut d’abord veiller à la viabilité économique des exploitations. En matière d’écologie, il ne faut pas trop charger la barque ; nous ne pouvons tout de même pas aller plus loin que les préconisations européennes !

Pour conclure, trouvez-vous normal, mes chers collègues, qu’avant même que le projet de loi n’ait été examiné une circulaire du 30 octobre 2013 organise déjà la prochaine rentrée scolaire, rendant d’application immédiate des mesures que nous n’avons pas encore adoptées ?

M. Marcel Rogemont. Autant de réactivité : c’est une première !

Mme Annie Genevard. Nous avons affaire à un projet plus politique, voire idéologique, que pédagogique ; je le regrette.

Mme Barbara Pompili. La réorientation de notre politique agricole est une nécessité qui fait l'unanimité. Aujourd’hui, l'incitation à la production ou à la surproduction à des fins d'exportation est d’autant moins admissible que les effets de ce modèle agricole sont connus. Ils concernent l'environnement, la santé des agriculteurs et des consommateurs, mais aussi l’international, car les spécialisations régionales se font au détriment des productions vivrières locales. L’accaparement des terres pour l'exportation est inacceptable.

La notion de souveraineté alimentaire doit être imposée. En France comme ailleurs, les agriculteurs doivent pouvoir vivre dignement de leur travail et proposer aux consommateurs des produits de qualité qui n'ont pas fait le tour du monde avant d'arriver dans leur assiette.

Comment réorienter notre politique agricole ? En la matière, j’ai bien peur que les divergences d'analyses soient importantes.

Quand je vois qu’un projet « d'usine à vaches » prospère en Picardie, mon inquiétude est grande. Une ferme sera créée uniquement pour récupérer les déchets organiques de mille vaches qui ne verront jamais ni le jour ni un bout d'herbe, dans le seul but de faire fonctionner un méthaniseur industriel. Nous voilà bien loin de l'agriculture paysanne, respectueuse de l'environnement et des animaux. L'impact sur les éleveurs locaux, qui connaissent déjà des conditions de vie et de travail difficiles risque d'être particulièrement néfaste, et je suis également inquiète des risques sanitaires tant pour les bêtes que pour les personnes qui vivront à proximité de cette ferme surdimensionnée et hors-sol.

Ce projet de loi devra être l'occasion d'encadrer tout cela pour interdire ces débordements et promouvoir une agriculture durable. Cependant, pour que cette réforme soit bien réelle, il faudra de l'ambition et du courage, notamment pour affronter les nombreux lobbies aujourd'hui satisfaits financièrement de cette organisation et de cette répartition des rôles. La question de la gouvernance est donc essentielle. Les écologistes prônent l'ouverture des structures au pluralisme syndical, aux consommateurs et aux associations environnementales. Vous vous en doutez, nous serons une force de proposition pour donner à cette réforme toute l'envergure qu'elle mérite.

La recherche constante de la double performance économique et environnementale peut par exemple faire craindre le pire. Le volet environnemental ne saurait être un simple slogan ; il faut au contraire concourir au développement d'une économie agricole relocalisée, respectueuse des agriculteurs, des consommateurs, de l'environnement et des bêtes.

La recherche et la formation continue ou initiale jouent un rôle central dans la mise en place de ce nouveau modèle agricole. La recherche permettra d'aller plus loin dans ces nouvelles voies, en s'intéressant aux modes alternatifs. Elle sera d'autant plus efficace qu’elle deviendra plus participative et qu’elle s'ouvrira au monde agricole et aux citoyens. La formation permettra d'armer les générations à venir confrontées à ce changement, ainsi que celles et ceux qui souhaitant se reconvertir. Il s'agit de les préparer à une agriculture durable.

Nous avons en conséquence, au groupe écologiste, déposé plusieurs amendements qui visent à promouvoir l'agroécologie ainsi que l'agriculture biologique aussi bien en termes de formation que de recherche. Dans le même état d'esprit, nous souhaitons que cette loi soit l'occasion de promouvoir l'éducation à l'environnement et au développement durable, et qu'elle s'intéresse aux questions du bien-être animal.

Pour que les pratiques changent, il faut aussi s'intéresser aux formateurs et leur donner les outils pour porter ce changement devant leurs élèves. La formation des enseignants est un point essentiel qui a été soulevé lors des débats sur la refondation de l'école avec la création des écoles supérieures du professorat et de l’éducation (ESPE). Une solution de même nature doit être trouvée en matière de formation agricole. Pourquoi ne pas, par exemple, prévoir la création d'une école supérieure de l'enseignement agricole chargée de former les futurs enseignants sur les questions agricoles ? Elle comprendrait évidemment des formations en agroécologie.

Monsieur le rapporteur, disposez-vous d’informations concernant la formation des conseillers en développement des chambres d'agriculture ? Ces derniers sont des interlocuteurs privilégiés des agriculteurs ; il est indispensable de les former à l'agroécologie et aux nouvelles pratiques.

Afin que les pratiques changent, il faut aussi encourager les expérimentations pédagogiques. Nous avons déposé un amendement en ce sens, qui vise également à soutenir l'immersion des élèves dans des exploitations mettant en œuvre les méthodes nouvelles d'agriculture biologique et d'agroécologie.

Dans un autre registre, nous avons également présenté des amendements rappelant ceux que nous avions défendus lors du débat sur le projet de loi de refondation de l'école. L’un tend par exemple à ce que les apprentissages ne se limitent pas à une série de connaissances à acquérir mais qu'ils concernent aussi des compétences à maîtriser. Un autre concerne les parcours d'éducation artistique et culturelle et d'éducation à l'environnement.

Monsieur le rapporteur, pouvez-vous nous donner quelques précisions concernant l’Institut agronomique et vétérinaire de France ? Sa création suscite en effet de nombreuses interrogations, et de vives critiques ont été émises par différentes instances comme le Conseil économique, social et environnemental (CESE), ainsi que par des instituts de recherche de l’Institut national de la recherche agronomique (INRA). Pourquoi créer ce nouvel organisme ? Quelle différence entre le consortium actuellement en place, l’Agreenium, et l’IAVF ? Quels problèmes se posent ? Quelles craintes devons-nous avoir ?

M. Rudy Salles. Je regrette tout d’abord, au nom du groupe UDI, qu’un projet de loi sur l’avenir de l'agriculture ne consacre que deux articles à l'enseignement agricole. Je déplore ensuite le manque d'ambition des dispositions qu'ils contiennent.

L'enseignement agricole est la passerelle qui conduit nos jeunes vers les métiers de l'agriculture. De son attractivité et de celle de ces métiers dépend l’avenir de nos exploitations et de leur renouvellement. Mais le sujet n’est même pas abordé dans le texte qui nous est soumis, alors qu’il est indispensable de promouvoir des filières trop souvent décriées qui ne sont pourtant pas touchées par le chômage.

L'article 26 n'en contient pas moins des dispositions intéressantes. Il est en effet essentiel de sécuriser davantage les parcours afin qu'aucun jeune ne sorte du système scolaire sans qualification. L'acquisition de diplômes venant sanctionner des acquis et des compétences de façon progressive nous semble une bonne mesure qui permettra de limiter l'échec scolaire.

De même, il est essentiel d'ouvrir les portes et les fenêtres de l'enseignement agricole. En ce sens, l'élargissement des voies d'accès aux écoles d'agronomie constitue une disposition de bon sens.

Par ailleurs, le développement des parcours promotionnels devrait faciliter l'accès à l'enseignement supérieur, notamment pour les élèves titulaires d’un baccalauréat professionnel. En cas d'échec, il serait souhaitable de donner la possibilité d'acquérir un diplôme intermédiaire par un système d'équivalences totales ou partielles. Le Gouvernement travaille-t-il en ce sens ?

S'agissant de missions dévolues à l'enseignement agricole, il est essentiel qu'elles soient davantage orientées vers une connaissance accrue des enjeux économiques européens et internationaux, à travers l'approfondissement des échanges. Mais cela passe également par l'approfondissement des liens avec le monde professionnel, notamment dans le processus d'orientation des élèves. Ce texte reste malheureusement muet sur ce point.

Nous sommes tous favorables à l’objectif de promotion de l’agroécologie, placée au cœur des missions de l'enseignement agricole. L’agriculture de demain devra concilier performance économique et performance écologique, qui se sont trop souvent opposées. Cela passe notamment par la formation et l'innovation.

S'il est nécessaire de territorialiser les formations agricoles, il est tout aussi important de conserver une cohérence d'ensemble du système et de garantir l'équité d'accès à l'offre de formation, et ce, afin d'éviter l'émergence d'inégalités territoriales. La Fédération nationale des syndicats d'exploitants agricoles (FNSEA) propose que l'actuel schéma prévisionnel national des formations soit remplacé par un projet stratégique national pour l’enseignement agricole.

Enfin, la création de l'Institut agronomique et vétérinaire de France (IAVF) soulève quelques interrogations. En effet, un certain flou entoure le statut de l'établissement, ses missions, et surtout ses moyens. Les représentants syndicaux des personnels et des étudiants considèrent que la constitution de ce pôle ne pourrait que remettre en cause l'organisation comme les prérogatives de l'INRA, du Centre de coopération internationale en recherche agronomique pour le développement (CIRAD), et celles des établissements d'enseignement supérieur agronomique public. Pouvez-vous nous en dire plus sur les intentions du Gouvernement ? Ce projet répond-il à une volonté légitime de rationaliser les dépenses publiques à travers une plus grande mutualisation ? Dans ce cas, quelles en seraient les conséquences en termes de suppressions de postes, notamment parmi les personnels de l'INRA ? Par ailleurs, nous déplorons que les professionnels ne soient pas représentés au conseil d'administration de l'IAVF.

En conclusion, mes chers collègues, le titre IV est à l'image de ce projet de loi : il contient quelques dispositions bienvenues mais pèche véritablement par son manque d'ambition.

Mme Colette Langlade. Comme le disait le ministre de l’agriculture en assistant à la rentrée scolaire d’un lycée agricole public en septembre dernier : « L’enseignement agricole est innovant par son ancrage dans les territoires. C’est aussi ce qui explique son grand succès sur les plans scolaire, professionnel et humain. »

Monsieur le rapporteur, les maisons familiales rurales (MFR), composantes actives et originales de l’enseignement agricole, qui dispensent des formations à rythmes appropriés sous contrat d’apprentissage ou de professionnalisation, regrettent de ne pas être mentionnées dans le projet de loi. Tous les acteurs impliqués n’auraient-ils pas dû être cités ?

Mme Sophie Dion. Les ambitions affichées par le projet de loi en matière d’enseignement agricole font l’unanimité. Malheureusement, elles ne trouvent pas leur traduction dans le détail des mesures qui nous sont proposées.

Le texte ne comporte par ailleurs aucune disposition en matière de formation continue alors que les besoins des exploitants agricoles et de leurs salariés sont croissants. Les chambres d’agriculture sont d’ores et déjà très impliquées mais il faudrait aller plus loin. M. Henri Nallet, président de la mission de concertation sur l’avenir de l’enseignement agricole, a mis en avant la formation tout au long de la vie pour les enseignants comme pour les producteurs. Monsieur le rapporteur, quelles mesures proposerez-vous en la matière ?

Dans le cadre des débats sur le collège unique, il est regrettable que les classes de troisième et de quatrième de l’enseignement agricole n’aient pas été intégrées à la réforme de la procédure d’orientation scolaire. Il me semble que nous sommes passés à côté du problème ; nous aurions dû être ambitieux et réformer une loi qui remonte à 1984.

M. Jean-Pierre Allossery. Monsieur le rapporteur, les nombreuses auditions que vous avez initiées auprès des syndicats agricoles, des enseignants et des chercheurs illustrent parfaitement l'ambition qui vous a animée : celle de contribuer le plus justement au second souffle de l'enseignement agricole.

Dans ma circonscription, qui comme la vôtre est très rurale, j'ai eu l'occasion d'échanger avec des représentants du monde agricole sur ce texte. Les retours sont sans équivoque : il faut absolument valoriser et contribuer à changer l'image de la filière agricole. Nombre de jeunes, m'a-t-on dit, atterrissent dans ce secteur non du fait d’un premier choix, mais après un reclassement, et, pour un certain nombre d'entre eux, on a même évoqué un parcours quasiment subi, pratiquement celui de la dernière chance.

Pourtant, dans ce secteur, les taux de réussite aux examens et en matière d’insertion professionnelle sont très élevés. Ces parcours de formation aboutissent majoritairement à des succès et ils donnent aussi accès à des voies d’excellence. En termes d’information, d’orientation et de valorisation, les enjeux sont donc considérables. À ce sujet, je partage totalement l’avis de notre collègue Carole Delga, dont vous avez rappelé les propositions : il faut mettre un terme à cette culture de la « relégation » dans l'enseignement agricole et donner à ce dernier toute sa place dans le futur service public de l'orientation.

Vous montrez l'enjeu essentiel de promotion scolaire et sociale de cet enseignement. Les représentants du monde agricole m'ont rappelé qu'ils étaient en attente d'un nouveau cadre législatif qui valoriserait leur métier. Aussi je soutiens la réforme des modes d'acquisition des diplômes et de formation, la création de l'IAVF et les mesures relatives à la formation des professionnels et des enseignants. Ces propositions permettront de promouvoir ce secteur aux yeux des jeunes et de valoriser les métiers de la filière.

Vous insistez également sur la nécessaire mise en adéquation des missions de l’enseignement agricole avec les défis que doivent relever la France et ses territoires. Les indicateurs nationaux sont sans appel : le nombre d'actifs agricoles a été divisé par deux entre 1970 et 2000, et le nombre d'exploitations agricoles diminue de près de 3 % par an depuis vingt ans.

Nombre d'emplois sont proposés dans la filière agricole mais cette dernière souffre de difficultés à embaucher. Redonner un souffle à l’enseignement agricole doit contribuer à attirer plus de jeunes vers l'ensemble des filières dédiées pour lesquelles des carrières et des emplois sont proposés. L'enseignement agricole peut jouer le rôle d’un véritable levier car, en matière de promotion sociale, ses résultats sont excellents avec 80 % de réussite aux examens, 88 % d'insertion professionnelle, dont 94 % pour le seul bac professionnel.

Le véritable enjeu de la consolidation de l'enseignement agricole, c’est celui de la réussite des jeunes, celui de la promotion sociale et de l'insertion. Cette filière constitue un véritable tremplin, notamment pour les jeunes qui sont les plus éloignés de l'éducation.

M. Patrick Hetzel. Je remercie le rapporteur pour avis de son travail aussi stimulant qu’intéressant.

La richesse de l’enseignement agricole tient en partie au lien étroit qu’il a développé de longue date avec le monde professionnel. L’innovation y est de mise depuis fort longtemps. En outre, le conseil d’administration des établissements d’enseignement agricole n’est pas présidé par le chef d’établissement, pratique d’ouverture dont pourraient s’inspirer d’autres institutions.

L’attractivité de cet enseignement doit être favorisée. Or les deux articles que nous examinons passent sous silence la manière dont les filières agricoles seront valorisées au sein de l’enseignement secondaire ou supérieur, dans les stratégies d’information ou d’orientation des élèves. Si la continuité est assurée entre l’enseignement agricole secondaire et supérieur, il faut faire un effort pour décloisonner les filières de l’éducation nationale et de l’enseignement agricole.

Les deux articles ne comportent aucune référence à l’enseignement privé, ni pour le secondaire ni pour le supérieur, alors que des établissements privés supérieurs – comme ceux de Purpan à Toulouse ou de LaSalle à Beauvais – dispensent un enseignement de grande qualité. Leur rôle est décisif. Nous veillerons à ce qu’ils ne soient pas oubliés en termes financiers.

Enfin, comme l’a indiqué Mme Pompili, il faut réfléchir à l’articulation entre les dispositifs actuels, comme le consortium Agreenium, et l’IAVF. L’exposé des motifs est muet sur ce point. De même, l’article 27 ne dit rien de la place des professionnels au sein de cet institut, auquel il conviendra d’adjoindre, par voie d’amendement, un collège professionnel.

M. Stéphane Travert. Je salue, outre la pertinence du propos de notre rapporteur pour avis, son ambition de créer une plus forte cohésion entre l’enseignement agricole et l’avenir de l’agriculture française. Placer la recherche au cœur d’une réflexion mutualisée est à mon sens la clé de voûte d’une agriculture innovante et durable.

Ce texte bénéficiera autant aux élèves qu’aux enseignants, aux équipes pédagogiques et aux consommateurs. Il tend à élever l’agriculture française vers l’excellence, puisqu’il vise à augmenter son rayonnement international tout en garantissant la sécurité et la préservation de l’environnement. L’avenir de notre agriculture réside dans la jeunesse. Je me réjouis que le Gouvernement mette en avant les forces vives du pays.

Je souligne la volonté de rendre plus cohérentes les composantes du maillage de l’enseignement agricole et le désir de renforcer le lien entre l’enseignement secondaire et supérieur – ce qui, je l’espère, diminuera les difficultés d’orientation que rencontrent tant de jeunes adultes. La réussite éducative et professionnelle des élèves est au cœur du projet. À ce titre, je salue le dispositif d’acquisition progressive des diplômes, qui sanctionne moins l’échec qu’il ne valorise la réussite. Je suis convaincu qu’il portera ses fruits et ouvrira la voie à de nouvelles conceptions éducatives, qui profiteront à la communauté tout entière.

Enfin, je salue la création d’un Institut agronomique et vétérinaire de France. Il est du ressort de l’État de protéger les citoyens de crises alimentaires comme celles que nous avons connues. Cet organisme jouera un rôle de veille scientifique et de mutualisation du savoir et de la recherche. D’où l’importance d’un médiateur de l’enseignement agricole. En tant que président du conseil d’administration d’un important lycée agricole de la Manche, j’aimerais savoir si son rôle sera décliné dans les régions.

M. Michel Piron. Je suis sensible à l’équilibre dont fait preuve le rapporteur pour avis, même si je m’étonne de l’entendre appeler de ses vœux un changement complet. De grâce, ne modifions pas de fond en comble un modèle qui a fait ses preuves : il n’y a pas lieu d’invoquer le Grand Soir tous les matins.

Un des atouts de l’enseignement agricole est le lien entre la formation et le territoire, qui explique le taux d’emploi enviable des jeunes au sortir des établissements. Un autre est l’alternance entre formation et entreprises, voire l’implication de la première dans les secondes. Ce modèle mériterait davantage de considération de la part de l’éducation nationale.

Le contenu des formations doit certes évoluer, pour prendre en compte la préoccupation économique à travers la viabilité des activités futures. On pense mieux le ventre plein !

Il doit également intégrer la préoccupation écologique. Évitons toutefois de plaider pour l’agriculture vivrière ou de nous interdire toute exportation ou échange. Ce serait oublier un peu vite la diversité des territoires, des climats et des cultures. L’autarcie n’est pas une piste d’avenir en matière agricole.

Par ailleurs, la diversité des formations peut être affirmée en fonction de l’implantation des établissements sur les territoires. Par ailleurs, je suis sensible aux propos qui viennent d’être tenus sur le besoin de formation continue. Il n’y a d’innovation que si l’on maintient une permanence du questionnement.

M. Marcel Rogemont. J’apprécie que le texte favorise l’accès des titulaires d’un bac professionnel aux écoles d’ingénieurs.

Je remercie le rapporteur pour avis du regard qu’il porte sur l’enseignement. Il a raison de noter que les élèves de quatrième et de troisième peuvent être « allergiques au face-à-face purement scolaire » et qu’il leur faut une pédagogie adaptée. La création de 350 postes publics et privés sur deux ans y concourra, en favorisant la préparation du certificat d’aptitude professionnelle agricole (CAPA).

La formation en alternance a-t-elle été évaluée ? Comment se développe-t-elle dans les établissements privés comme dans les maisons familiales rurales ? Il semble qu’elle aide grandement les élèves qui éprouvent des difficultés dans le face-à-face purement scolaire.

Mme Martine Faure. Je remercie le rapporteur pour avis de la qualité de son travail. Mme Genevard a regretté que les fonctions du médiateur se limitent à l’enseignement agricole public. Je lui rappelle que, quand nous préparions le projet de loi pour la refondation de l’école de la République, nous avons auditionné la médiatrice de l’éducation nationale.

J’aimerais savoir si la transparence sera la même dans l’enseignement agricole public et dans les établissements d’enseignement agricole privés, où la Cour des comptes nous a indiqué qu’il était très difficile de pénétrer.

En 2012, 261 appartenaient à l’enseignement public et 564 à l’enseignement privé. Il y a trente ans, la proportion était inverse. L’enseignement agricole public remportant d’excellents résultats, autant que le privé, il me semblerait normal qu’on lui rende ses lettres de noblesse, en lui offrant le moyen de bien fonctionner.

M. le rapporteur pour avis. Je remercie à mon tour les intervenants pour la qualité, la richesse et la diversité de leurs propos.

Je partage la préoccupation de Mme Bourguignon sur l’obligation de produire plus et de façon plus responsable. L’agriculture a la mission noble de nourrir le monde, dans de bonnes conditions de sécurité sanitaire et alimentaire. Si des erreurs ont été commises par le passé, les agriculteurs en ont pris conscience, grâce à leurs organisations et à l’enseignement dispensé tant sous l’égide du Conseil national de l’enseignement agricole privé (CNEAP), que dans les MFR, dans le cadre de l’Union nationale rurale d’éducation et de promotion (UNREP), qui dépend en grande partie des chambres d’agriculture, ou dans l’enseignement agricole public. Dans son discours de septembre 2012 au Space – salon des productions animales carrefour européen – de Rennes, le Président de la République a présenté l’aptitude à produire plus ou autrement comme un des grands enjeux des prochaines décennies.

L’enseignement agricole joue un rôle exemplaire en matière de promotion sociale et d’insertion professionnelle. Toutefois, pour avoir présidé pendant quinze ans le conseil d’administration d’un établissement public d’enseignement agricole, je sais à quel point cet enseignement a souffert des suppressions de postes, notamment pendant la dernière décennie. Il faut féliciter les équipes pédagogiques d’avoir maintenu malgré tout un taux élevé de réussite aux examens et d’entrée des élèves dans la vie active.

Il est temps de compenser ces suppressions massives de postes, notamment pour les classes de quatrième et de troisième, dans les établissements publics et privés. Les premiers ayant plus souffert que les seconds, le Gouvernement adoptera, dans un souci de rééquilibrage, un ratio de 70 % de création des postes dans le public contre 30 % dans le privé.

Madame Genevard, Mme Faure vous a en partie répondu sur le rôle du médiateur. Il existe 22 médiateurs dans l’éducation nationale, soit un par académie, alors que l’enseignement agricole, qui ne connaît pas d’académie, dispose d’un médiateur national, au service de l’enseignement agricole public et privé.

Certains d’entre vous regrettent que le texte fasse trop peu référence à la formation des enseignants. Un amendement vous sera présenté à ce sujet, qui est essentiel pour accompagner la transition vers l’agroécologie. Former les enseignants de demain et accompagner ceux d’aujourd’hui figurent parmi les missions de l’IAVF, qui créera à cette fin un réseau de formation.

Mme Genevard a rappelé l’autonomie des établissements agricoles. Depuis 1985, même si leur marge de liberté est contrainte, les lycées agricoles publics bénéficient d’une autonomie administrative et pédagogique qui leur a permis d’être innovants, en développant un enseignement théorique et pratique.

L’IAVF a notamment pour mission de lutter contre la dispersion de l’enseignement supérieur dans notre pays, qui possède une vingtaine d’établissements publics et privés pour 13 000 étudiants. Il tiendra compte des spécificités de certains, qui sont très anciens et qu’on considère généralement comme de grandes écoles. Si les établissements supérieurs d’enseignement agricole publics lui seront automatiquement rattachés, les établissements de recherche comme l’INRA, le CIRAD ou les établissements de recherche n’y adhéreront que sur la base du volontariat. Certains organismes ou écoles ont déjà anticipé leur adhésion.

Au terme d’une enquête effectuée dans les établissements, le rapport de M. Chevassus-au-Louis définit les missions prépondérantes de l’IAVF : la prospective, l’analyse stratégique, l’expertise collective permettant d’accompagner les politiques publiques, l’éthique, la déontologie, les grands programmes de recherche et les appels à projets internationaux, auxquels les écoles de petite taille ne peuvent pas toujours répondre.

Au cours des auditions, l’acquisition progressive des diplômes a été unanimement présentée comme une bonne mesure. Certains craignent qu’elle ne dévalorise les diplômes, mais on peut faire confiance à l’enseignement agricole, compte tenu de ses capacités d’innovation. Des amendements préciseront la manière dont connaissances et compétences seront capitalisées, afin que ceux qui n’auront pas obtenu leur diplôme mais fait valider certains acquis puissent reprendre des études sans repartir de zéro. La promotion sociale est également valorisée à travers l’ouverture des écoles d’ingénieurs aux bacheliers professionnels, grâce à un parcours adapté, dont les modalités seront définies.

Madame Bourguignon, afin de favoriser la mobilité des jeunes, les projets internationaux seront intégrés aux projets des établissements, ce qui revient à institutionnaliser une pratique courante.

Dans le cadre de la transition à l’agroécologie, la formation continue jouera un rôle important. Madame Pompili, les chambres d’agriculture seront concernées, mais les formations sont régies par le code du travail. Les centres de formation professionnelle et de promotion agricole (CFPPA) et les centres de formation des apprentis (CFA) y seront naturellement associés.

M. Rogemont a évoqué les formations en alternance. Beaucoup d’entre vous regrettent que les maisons familiales et rurales ne soient pas citées dans les articles 26 et 27. Elles figurent pourtant, de manière implicite, dans l’alinéa 3 de l’article 26, qui mentionne l’enseignement agricole sans en citer tous les acteurs. Les MFR accueillent 32 % des élèves de l’enseignement agricole.

Cela étant, pour la formation en alternance, nous ne disposons pour l’heure d’aucune évaluation.

L’enseignement agricole souffre d’un déficit d’image, en partie dû au mode d’orientation des élèves, pour lesquels il représente un dernier recours. M. Allossery l’a souligné. Dans les documents de l’Office national d’information sur les enseignements et les professions (ONISEP), les formations agricoles apparaissent en bout de ligne et ne sont aucunement mises en valeur. Des chefs d’établissement m’ont indiqué qu’ils n’étaient pas admis dans tous les collèges pour promouvoir l’enseignement agricole. Je vous proposerai par amendement d’inclure les parcours d’orientation dans les projets d’établissement des établissements agricoles.

Cet enseignement est trop peu mis en avant, alors que nous saluons unanimement son rôle en matière de promotion sociale et d’insertion professionnelle. Les maisons familiales et rurales de Bretagne obtiennent un taux d’insertion professionnelle impressionnant. Leurs anciens élèves signent des contrats à durée indéterminée dans 65 % des cas. Et beaucoup d’offres d’emplois ne sont pas pourvues dans le secteur de l’agriculture.

M. Hetzel a établi le lien entre cet enseignement et le monde professionnel, en rappelant que les conseils d’administration des établissements d’enseignement agricole ne sont pas présidés par des chefs d’établissement. Pour en avoir présidé certains, je peux témoigner que j’ai eu plaisir à y rencontrer une réelle diversité d’opinions et d’approches des pratiques agricoles, au service de l’enseignement et des jeunes.

II. EXAMEN DES ARTICLES

TITRE IV
DISPOSITIONS RELATIVES À L’ENSEIGNEMENT AGRICOLE

Article 26
(art. L. 800-1, L. 810-2, L. 811-2, L. 811-6, L. 811-8, L. 813-2 et L. 361-7 du code rural et de la pêche maritime)

Nouvelles dimensions de l’enseignement agricole

Cet article poursuit cinq grands objectifs : actualiser les missions des opérateurs de l’enseignement et de la recherche agricole ; donner une base légale au médiateur de l’enseignement agricole ; faciliter la réussite et la promotion de publics d’élèves ou d’étudiants diversifiés ; enrichir le contenu des projets des établissements publics locaux d’enseignement et de formation professionnelle agricoles (EPLEFPA) ; enfin, permettre aux exploitations agricoles des EPLEFPA d’être indemnisées en cas de calamités agricoles.

1. Les missions des opérateurs de l’appareil de formation et de recherche agricole

a) Une approche « intégrée » de l’appareil de formation et de recherche agricole et de ses missions

Le I du présent article modifie le livre VIII du code rural et de la pêche maritime consacré à l’enseignement et à la recherche (alinéa 1).

Ÿ Le 1° du I tend à réécrire l’article L. 800-1 dudit code, qui définit le cadre des projets communs des établissements et organismes de formation et de recherche agricole, sans pour autant donner de finalités à ces opérateurs (alinéa 2).

Dans ce but, le 1° commence par citer, tout comme la rédaction en vigueur de l’article L. 800-1, les différentes structures du dispositif d’enseignement, de formation professionnelle, de développement agricole et de recherche agronomique et vétérinaire (alinéa 3). Il s’agit :

– des EPLEFPA (mentionnés à l’article L. 811-8 du code) ;

– des établissements d’enseignement supérieur agronomique et vétérinaire public (mentionnés à article L. 812-3) ;

– des établissements de l’enseignement technique et supérieur agricole privé sous contrat d’association avec l’État (mentionnés respectivement aux articles L. 813-1 et L. 813-10). Les établissements d’enseignement supérieur concernés sont l’École d’ingénieur de Purpan à Toulouse, l’École supérieure d’agriculture d’Angers, l’École supérieure d’ingénieurs et de techniciens pour l’agriculture de Rouen, l’Institut supérieur d’agriculture de Lille, l’Institut supérieur d’agriculture et d’agroalimentaire Rhône-Alpes à Lyon (ISARA Lyon), l’Institut polytechnique LaSalle-Beauvais et l’École supérieure du bois de Nantes ;

– des organismes publics ou privés réalisant des actions de développement agricole, en particulier les chambres d’agriculture et les groupements professionnels à caractère technique, économique ou social (mentionnés à article L. 820-2). En conséquence, les actions de développement des chambres d’agriculture seront concernées par les dispositions proposées par le présent article, ainsi que l’ÉSITPA, une école consulaire d’ingénieurs en agriculture, dépendante de l’Assemblée permanente des chambres d’agriculture, et les instituts techniques agricoles et agro-industriels. Il en ira de même pour les acteurs du monde socio-économique qui contribuent au développement agricole, comme les organismes de lutte contre les nuisibles (groupements professionnels à caractère technique), les entreprises de production et de transformation ou les consultants spécialisés (groupements à caractère économique) et le mouvement associatif (groupements à caractère social). Cette dernière catégorie des « groupements à caractère technique, économique et social » aura d’ailleurs vocation à permettre aux « groupes d’intérêt économique et environnemental » (GIEE), institués par l’article 3 du présent projet de loi, de contribuer au développement agricole. En revanche, les formations d’adultes qui dépendent des chambres d’agriculture, lesquelles sont régies par le code du travail, sont « hors champ » du présent article ;

– des organismes publics conduisant la recherche agronomique et vétérinaire (mentionnés à article L. 830-1), soit essentiellement l’Institut national de recherche agronomique (INRA) et l’Institut de recherche en sciences et technologies pour l’environnement et l’agriculture (IRSTEA) ;

– de l’Office national des forêts (ONF) (mentionné à article L. 152-1 du code forestier).

Ÿ Quant aux missions que le présent article prévoit d’assigner à ces opérateurs, elles seront de deux ordres :

– assurer « l’acquisition et la diffusion de connaissances » permettant de répondre aux enjeux de performance économique, sociale, écologique et sanitaire des activités de production, de transformation et de services liées à l’agriculture, à l’alimentation, aux territoires ruraux ou à la sylviculture (alinéa 3). Les connaissances seront donc placées au cœur du dispositif de formation et de recherche, car celui-ci aura pour but principal d’inventer de nouvelles formes de production, efficaces à tous les points de vue ;

– participer aux « politiques d’éducation, de recherche, de développement scientifique, technologique et d’innovation, de sécurité alimentaire, de sécurité sanitaire et de santé publique, de développement durable et de cohésion des territoires » (alinéa 4). Autrement dit, l’appareil de formation et de recherche agricole ne doit pas fonctionner en « circuit fermé », mais appuyer l’ensemble des politiques publiques, huit au total, qui visent à améliorer les services rendus aux producteurs et aux consommateurs.

Grâce à ces ajouts, l’inscription de l’agriculture et de l’agroalimentaire dans le défi mondial d’un accès à une alimentation de qualité et sécurisée pour tous, tout comme la prise en compte du développement durable, pourront trouver une traduction dans les missions et l’organisation de l’enseignement agricole.

b) La possibilité d’élaborer des projets communs

Le présent article propose en outre de préciser que les établissements ou organismes précédemment mentionnés élaborent et mettent en œuvre, dans des conditions fixées par décret, des « projets communs » dans les domaines de l’acquisition et de la diffusion des connaissances et de la participation aux politiques publiques visées à l’alinéa 4 (alinéa 5).

Déjà prévus à l’article L. 800-1 du code rural et de la pêche maritime, ces projets communs concernent actuellement un ensemble disparate d’activités, puisqu’ils touchent à la production de biens alimentaires et non alimentaires et aux questions relatives à la protection de l’environnement et à l’aménagement du territoire liées à l’activité agricole et agro-industrielle.

La rédaction proposée aura donc pour effet de faire de ces projets les maîtres d’œuvre d’une politique agricole et alimentaire axée sur l’accroissement des connaissances et sa mise en synergie avec les grandes priorités publiques.

On observera par ailleurs qu’aujourd’hui, ces projets communs reposent, de manière concrète, sur les unités mixtes technologiques et les réseaux mixtes technologiques (RMT) réglementés par les articles D. 800-1 et suivants du code. On rappellera que ces réseaux et ces unités ont été créés pour favoriser le rapprochement entre les acteurs de la recherche, de la formation et du développement et qu’un RMT comprend, en vertu d’un décret du 15 septembre 2006, cinq organismes de recherche-formation-développement, soit trois instituts techniques qualifiés ou chambres d’agriculture auxquels s’associent, au minimum, un établissement d’enseignement technique agricole et un établissement d’enseignement supérieur ou un organisme de recherche publique.

L’attention du rapporteur pour avis a été attirée sur le fait que le bilan des RMT était relativement insatisfaisant, car les enseignants de lycées agricoles ne bénéficient pas de temps dédiés pour se consacrer au tissage de liens avec les établissements d’enseignement supérieur. Aussi, pour que de vrais partenariats puissent se nouer dans ce domaine, conviendrait-il de lever cet obstacle.

2. La consécration légale du médiateur de l’enseignement agricole

Le 2° du I prévoit de rétablir dans le code rural et de la pêche maritime un article L. 810-2 afin d’inscrire, dans la loi, l’existence du médiateur de l’enseignement agricole technique et supérieur (alinéa 6). Ce dernier aura pour mission de recevoir « les réclamations concernant le fonctionnement du service public de l’enseignement agricole dans ses relations avec les usagers et ses agents » (alinéa 7).

Si l’enseignement agricole n’ignore pas cette fonction, exercée à ce jour par deux fonctionnaires qui relèvent de la direction générale de l’enseignement et de la recherche du ministère de l’agriculture et qui se « partagent » vingt-huit régions métropolitaines ou territoires d’outre-mer, son cadre d’action n’est défini que par un texte réglementaire, à savoir une note de service en date du 25 octobre 2000. En outre, la « médiature » fait face à un nombre de réclamations en progression constante depuis ces dernières années, notamment de la part des élèves ayant échoué aux examens et d’agents qui estiment leurs conditions de travail dégradées.

En donnant ainsi une existence législative au médiateur de l’enseignement agricole, le présent article ne pourra que conforter le rôle éminent qui doit être le sien.

En outre, dans sa formulation, la mission du médiateur de l’enseignement agricole sera calquée sur celle du médiateur de l’éducation nationale et de l’enseignement supérieur. On rappellera qu’au départ celui-ci n’avait, lui aussi, qu’une existence réglementaire, puisqu’il a été créé par le décret n° 98-1082 du 1er décembre 1998 et bornait son champ d’action à l’éducation nationale. C’est la loi n° 2007-1199 du 10 août 2007 relative aux libertés et responsabilités des universités qui a donné un statut législatif au médiateur de l’éducation et aux médiateurs académiques et étendu leurs missions à l’enseignement supérieur. Par la suite, ceux-ci sont devenus un élément clef de notre système éducatif : à titre d’illustration, l’année dernière, ils ont reçu 10 237 réclamations, contre 5 000 nouvelles réclamations par an environ au début des années 2000, et sur les 7 061 dossiers pour lesquels ils sont intervenus, le résultat de cette intervention s’est avéré positif dans 83 % des cas (34).

Le médiateur de l’enseignement agricole technique et supérieur pourra donc être saisi par un usager – c’est-à-dire par des parents d’élèves ou d’apprentis mineurs, des élèves, des étudiants, des apprentis ou leurs associations, des adultes en formation ou leurs associations – ou par un agent de l’enseignement agricole, personnel enseignant ou non. De cette manière, son champ d’action couvrira les établissements d’enseignement agricole, que ceux-ci relèvent de l’enseignement technique (EPLEFPA ou établissements privés sous contrat d’association) ou supérieur (établissements publics ou privés sous contrat).

À l’écoute des uns et des autres, le médiateur devra analyser la situation en liaison avec le plaignant et les services concernés et proposer, éventuellement, une solution, sans exercer un pouvoir d’exécution ou de sanction. Pour mener à bien sa mission, il ou elle devra avoir une connaissance étendue de l’administration et du système éducatif agricole, ainsi qu’une grande force de conviction.

Par ailleurs, le médiateur pourra, cette possibilité n’étant pas prévue pour son homologue de l’éducation nationale et de l’enseignement supérieur, se voir confier par l’administration une mission de médiation « à titre préventif ou lors de situations conflictuelles ». Il s’agit ainsi de lui permettre de pouvoir désamorcer par le dialogue des situations devenues conflictuelles et dont les conséquences affectent le fonctionnement normal de l’établissement considéré (alinéa 7).

3. La réussite des élèves et des étudiants

a) L’acquisition progressive des diplômes et la sécurisation des parcours de formation

● Le 3° du I prévoit de compléter l’article L. 811-2 du code rural et de la pêche maritime afin de permettre l’acquisition progressive des diplômes sanctionnant les formations dispensées par l’enseignement général, technologique et professionnel et la formation professionnelle publics aux métiers de l’agriculture, de la forêt, de la nature et des territoires (alinéa 8).

Plus précisément, « l’organisation » de ces diplômes devra permettre leur « acquisition progressive » et, à cet effet, « la délivrance d’une attestation validant les compétences acquises par ceux qui auront suivi la formation qui y prépare ». Les modalités d’utilisation de cette attestation en vue d’une obtention ultérieure du diplôme seront précisées par décret (alinéa 9).

Il convient de souligner qu’une disposition symétrique existe dans l’enseignement technologique ou professionnel. En effet, aux termes de l’article L. 335-11 du code de l’éducation, « l’organisation des diplômes sanctionnant une formation technologique ou professionnelle prévoit la délivrance d’une attestation validant les acquis de ceux qui ont suivi la formation sans obtenir le diplôme la sanctionnant, afin de leur permettre de la reprendre ou de la continuer ». Cet article précise en outre que l’attestation « détermine le niveau des connaissances et des compétences acquises et peut prendre la forme d’unités capitalisables ».

On observera toutefois que cet article n’a jamais été mis en application par l’éducation nationale. Ce sera donc l’enseignement agricole qui se montrera, une fois encore, un précurseur dans la mise en place de nouvelles pratiques, évaluatives ou pédagogiques, une preuve supplémentaire du fait que les filières considérées – à tort – comme étant à la « périphérie » de notre système éducatif peuvent être les plus innovantes.

Selon les précisions apportées par le ministère de l’agriculture, le dispositif proposé s’appliquera à l’ensemble des diplômes professionnels de l’enseignement agricole public, c’est-à-dire au certificat d’aptitude professionnelle agricole (CAPA), au baccalauréat professionnel, au brevet de technicien supérieur agricole (BTSA), au brevet professionnel agricole (BPA) et au brevet professionnel (BP).

De plus, en réponse aux questions du rapporteur pour avis, ce ministère a indiqué que, compte tenu du fait que les diplômes sont centrés sur un « référentiel de certification » qui définit les compétences et connaissances à atteindre, l’attestation de capacité prévue par le présent article identifiera les compétences validées par ceux qui n’obtiennent pas d’emblée le diplôme après s’être présentés à l’examen ou acquises dans le cadre d’autres dispositifs existants (unités capitalisables ou validation des acquis de l’expérience par exemple). Les compétences acquises pourront être complétées par la suite en utilisant l’une ou l’autre des modalités d’obtention du diplôme.

Le dispositif proposé s’apparentera donc à un système de « crédits » et les compétences ainsi certifiées pourront concerner des disciplines « générales » et des disciplines professionnelles. En outre, chacune des compétences comprises dans le référentiel de certification pourra être visée dans l’attestation de capacité et fera l’objet du mécanisme d’acquisition progressive. Quant à la forme de l’attestation, elle reste à définir : elle pourrait correspondre, selon les cas, à une attestation unique répertoriant toutes les compétences acquises dans le cadre d’un examen ou à un « portfolio » d’acquisition par capitalisation.

Au total, le dispositif prévu par le présent article devrait fonctionner comme un « mécanisme d’assurance », valorisant la réussite partielle et les acquis d’un élève ayant échoué aux examens. De cette manière, l’échec ne pourra plus être considéré comme une sanction définitive, qui écarte toute possibilité de deuxième chance, comme cela arrive encore trop souvent dans notre système éducatif. Selon l’étude d’impact jointe au présent projet de loi, l’objectif recherché est en effet d’encourager « les jeunes et les adultes à poursuivre leurs études, avec l’idée que toute capacité acquise fera l’objet d’une attestation, même si le processus de certification ne va pas à son terme ou ne conduit pas à la délivrance du diplôme ».

La mesure proposée par le présent article est d’autant plus opportune que l’analyse du suivi des cohortes d’élèves de l’enseignement agricole fait apparaître une très grande diversité des parcours d’études. Ainsi, à titre d’exemple, l’étude d’impact indique que parmi les 5 250 élèves entrés en première année du certificat d’aptitude professionnelle agricole (CAPA) en 2009, 1 770 n’ont pas obtenu le diplôme après deux ou trois ans de formation, 1 120 se sont réorientés ou ont abandonné leur formation entre les deux années du cycle et, enfin, 450 n’ont pas obtenu le diplôme à la fin du cycle.

Tout laisse à penser que cette mesure permettra de sécuriser les parcours de formation au sein de l’enseignement agricole et de favoriser ainsi la promotion sociale et la formation tout au long de la vie. Elle amènera aussi l’enseignement agricole à prendre toute sa part dans la lutte contre le décrochage scolaire, un fléau qui, comme le montre l’encadré ci-après, affecte aussi cette voie de formation.

Les décrocheurs dans l’enseignement agricole

Les décrocheurs suivis dans l’enseignement agricole sont, par définition, des élèves qui ont entre 16 et 18 ans au moment du repérage, qui étaient scolarisés l’année N-1, qui n’ont pas obtenu de diplôme terminal et qui, en année N, ne relèvent d’aucun dispositif de formation initiale, d’insertion ou d’accompagnement en France (éducation nationale, enseignement agricole, apprentissage).

Les résultats de la campagne de repérage de mars 2012 montrent que les sortants sans diplômes de 16 – 18 ans en année N sont retrouvés, en année N+1, à 24 % dans l’éducation nationale et à 25 % dans les centres de formation d’apprenti (CFA). Dans ce cadre, et hors brevet de technicien supérieur agricole, cette campagne fait état d’environ 3 700 jeunes présents l’année N-1, sortis sans diplôme mais non retrouvés l’année N, soit environ 2,5 % des effectifs considérés (152 000 jeunes).

Par ailleurs, dans cette étude, les « décrocheuses » se révèlent plus nombreuses que les garçons (environ 79 % contre 21 %), tandis que la répartition des décrocheurs indique qu’ils sont à 41 % des 4ème et des 3ème et qu’ils se situent à 19,6 % dans le champ des services à la personne, à 9 % dans celui de la transformation et à 8 % dans celui des productions animales (35).

Ÿ Enfin, il y a lieu de noter que le 6° du I prévoit de modifier l’article L. 813-2 du code rural et de la pêche maritime afin d’appliquer ce dispositif aux diplômes d’État ou équivalents sanctionnant les formations dispensées par l’enseignement général, technologique et professionnel et la formation professionnelle privés aux métiers de l’agriculture, de la forêt, de la nature et des territoires (alinéa 19).

b) Les conditions d’attribution des bourses : un alignement sur le « droit commun »

Dans sa rédaction actuelle, l’article L. 811-6 du code rural et de la pêche maritime dispose que des arrêtés ministériels précisent pour chaque établissement d’enseignement agricole et vétérinaire ou, en cas de pluralité d’établissements d’une même catégorie, pour chaque catégorie d’établissements, l’organisation intérieure, le programme des études, les conditions d’admission et le montant des droits de scolarité, les conditions d’attribution des bourses et les modalités de fixation des prix de pension.

Ÿ Le présent projet de loi propose de modifier ces dispositions sur plusieurs points, principalement afin de supprimer celle qui prévoit un arrêté spécifique du ministre chargé de l’agriculture pour les conditions d’attribution des bourses pour l’enseignement agricole (alinéa 11).

Selon l’étude d’impact, cette dernière mesure est motivée par le fait que « dans un souci d’égalité et de cohérence globale de l’enseignement », le ministère de l’agriculture « ne souhaite pas de conditions particulières pour les étudiants de l’enseignement agricole ».

De fait, cette suppression revêtira un caractère purement formel et ne lèsera en rien les étudiants concernés. En effet, les bourses sur critères sociaux dans l’enseignement supérieur agricole sont attribuées selon les mêmes critères et suivant les mêmes taux que ceux en vigueur dans l’enseignement supérieur « général » (36). Ainsi, les mesures annoncées le 16 juillet 2013 par la ministre de l’enseignement supérieur et de la recherche, qui visent à créer deux nouveaux échelons de bourses – 0 bis et 7 –, et qui sont appliquées depuis la dernière rentrée universitaire, le sont également dans l’enseignement supérieur agricole.

La fixation des frais de scolarité
des établissements d’enseignement supérieur agricole et vétérinaire

Chaque année, pour les écoles relevant du ministère chargé de l’agriculture, un arrêté du ministre chargé de l’agriculture et du ministre chargé du budget fixant « le taux des droits de scolarité dans les établissements d’enseignement supérieur agricole publics » est publié. Pour l’année universitaire 2013-2014, l’arrêté du 1er juillet 2013 prévoit un taux de :

– 1 500 euros pour les diplômes d’ingénieur et de paysagiste DPLG ;

– 2 150 euros pour le diplôme vétérinaire.

De plus, ces mêmes établissements forment et délivrent également des diplômes nationaux habilités par le ministère de l’enseignement supérieur et de la recherche. Dans ce cas, ils pratiquent les droits de scolarité fixés également annuellement par ce ministère.

Ÿ Par ailleurs, l’article L. 811-6 du code rural et de la pêche maritime sera également modifié afin de :

– supprimer la disposition qui précise que des arrêtés fixent l’organisation intérieure et les programmes des études des établissements d’enseignement agricole ou vétérinaire. Cette mesure équivaut, en réalité, à un « toilettage » de dispositions à caractère non législatif, dans la mesure où l’organisation intérieure des établissements est d’ores et déjà fixée : par les articles R. 811-4 et suivants du même code en ce qui concerne les EPLEFPA ; par les articles R. 812-2 et suivants en ce qui concerne les établissements supérieurs agricoles de type établissements publics à caractère administratif ; par des décrets en Conseil d’État particuliers en ce qui concerne les établissements de type établissement public à caractère scientifique, culturel et professionnel (EPSCP). Quant au programme des études, c’est-à-dire aux cursus de formation conduisant à la délivrance de diplômes propres à l’enseignement technique agricole, il est fixé par la partie réglementaire du livre VIII du code rural et de la pêche maritime. Les établissements d’enseignement supérieur disposant en outre de l’autonomie pédagogique en application du livre I du code de l’éducation, ils fixent librement leurs cursus de formations par délibération de leur conseil d’administration ;

– supprimer aussi la disposition en vertu de laquelle des arrêtés du ministère chargé de l’agriculture précisent les modalités de fixation des « prix de pension ». Il s’agit là encore d’un « toilettage » de dispositions non législatives, ces prix étant fixés dans les EPLEFPA par une délibération du conseil d’administration prise dans des conditions fixées par un arrêté du ministre chargé de l’agriculture, en application de l’article R. 811-86 du code rural et de la pêche maritime. De même, dans l’enseignement supérieur agricole, les établissements sont laissés libres de fixer leurs tarifs de restauration et d’hébergement par délibération de leur conseil d’administration ;

– ajouter une disposition indiquant que les arrêtés ministériels déterminent les conditions d’attribution des aides à la mobilité internationale accordées aux élèves, étudiants, apprentis et stagiaires de l’enseignement agricole.

Sur ce dernier point, il convient de noter qu’aujourd’hui les élèves préparant un baccalauréat technologique, un baccalauréat professionnel, un brevet de technicien agricole ou un brevet de technicien supérieur agricole désireux d’effectuer une mobilité internationale d’une durée de quatre semaines minimum consécutives peuvent bénéficier d’une bourse de la direction générale de l’enseignement supérieur d’un montant modulable par le directeur régional de l’alimentation, de l’agriculture et de la forêt. Ce dispositif a permis de financer, en 2012, plus de 1 700 mobilités individuelles pour un montant total de l’ordre de 647 000 euros.

Le présent article permettra donc de donner une base légale aux conditions d’attribution de cette aide, une nouveauté motivée par le fait que ce dispositif relevant du ministère de l’agriculture a une vocation plus professionnalisante et, de ce fait, distincte des bourses sur critères sociaux dont bénéficient les étudiants inscrits dans les établissements sous tutelle du seul ministère de l’enseignement supérieur. En outre, ce dispositif doit impérativement laisser une part de subsidiarité dans la détermination du montant individuel des aides concernées pour tenir compte de nombreux paramètres, comme le coût de cette mobilité (frais de transport et frais de vie) et les ressources qui peuvent être mobilisées par l’étudiant (ressources des familles, programmes européens de mobilité, appui des collectivités territoriales, financement par les structures d’accueil, etc.).

4. La prise en compte de l’évolution des missions par les EPLEFPA et les exploitations qui leur sont rattachées

Le 5° du I propose de modifier l’article L. 811-8 du code rural et de la pêche maritime dans un triple but (alinéa 12).

Ÿ La disposition selon laquelle tout établissement public local d’enseignement et de formation professionnelle agricoles (EPLEFPA) comporte un ou plusieurs ateliers technologiques ou exploitations agricoles qui assurent l’adaptation de la formation aux réalités pratiques, techniques et économiques et contribuent à la démonstration, à l’expérimentation et à la diffusion des techniques nouvelles est complétée pour préciser que ces missions sont accomplies « en cohérence avec les orientations des politiques publiques pour l’agriculture » (alinéa 13).

Cet ajout permettra de mobiliser les EPLEFPA et leurs exploitations autour d’un double objectif, celui de la cohérence de l’action de publique nationale et locale et celui de la transition vers la performance économique et environnementale.

Ÿ Chaque EPLEFPA devra établir un projet d’établissement, qui définira les modalités particulières de sa contribution à la mise en œuvre des missions de l’enseignement et de la formation professionnelle publics aux métiers de l’agriculture, de la forêt, de la nature et des territoires, cette exigence étant déjà posée par l’article L. 811-8 du code, et rendra obligatoire l’inscription des activités de coopération internationale des EPLEFPA dans leur projet d’établissement (alinéa 15).

Sur ce dernier point, de manière plus précise, le projet d’établissement devra décrire « sa politique en matière d’échanges internationaux et de participation à des activités de coopération internationale ». Cette disposition constitue un ajout bienvenu, qui permettra de valoriser les efforts accomplis – les actions dans ce domaine s’étant étoffées ces dernières années – et d’inciter les autres établissements à contribuer par ce biais au rayonnement international d’une agriculture soucieuse de l’aménagement durable des territoires et de la sécurité, tant alimentaire que sanitaire.

Ÿ Par ailleurs, le projet d’établissement devra être établi dans le respect « des orientations des politiques publiques pour l’agriculture » (alinéa 16).

Cette nouvelle rédaction de l’article L. 811-8 du code rural et de la pêche maritime constituera un progrès par rapport au droit existant. En effet, si la formulation actuelle fait d’ores et déjà référence à la contribution des EPLEFPA aux missions de l’enseignement agricole, elle ne précise pas que celles-ci doivent être effectuées en cohérence avec les principaux axes de la politique agricole et alimentaire, c’est-à-dire, comme le précise l’étude d’impact, avec l’agro-écologie, l’ambition « produisons autrement », les initiatives Ecophyto, Ecoantibio, etc.

Exemples de plans d’action de la politique agricole

Lancé en octobre 2012, le programme Ambition bio 2017 a défini un objectif général de doublement de la part des surfaces en bio d’ici fin 2017, l’année 2014 devant être l’année de déploiement de l’agro-écologie. À cet effet, l’agriculture biologique est en cours d’intégration dans les référentiels de diplôme dont la rénovation est en cours.

Par ailleurs, pour soutenir la mise en œuvre de nouvelles pratiques, deux autres plans ont été lancés :

– le plan Ecophyto pour la période 2008-2018, qui fixe des objectifs de diminution de l’utilisation des pesticides selon les filières et les territoires, en encourageant le développement des alternatives (bio-contrôle, lutte biologique, etc.) ;

– le plan Ecoantibio pour la période 2012-2017, qui vise à éviter le recours systématique aux antibiotiques chez l’homme et l’animal pour passer à un usage prudent et raisonné. Il se traduit par un objectif de réduction de 25 % en 5 ans de l’usage des antibiotiques en médecine vétérinaire, avec un effort particulier de réduction des antibiotiques d’importance critique.

En apportant cette précision, la rédaction proposée permettra de renforcer la vocation pédagogique, expérimentale et d’innovation des EPLEFPA à favoriser les changements de pratiques dans leur territoire.

Une disposition rigoureusement identique est prévue au 6° du I pour les établissements privés d’enseignement et de formation professionnelle aux métiers de l’agriculture, de la forêt, de la nature et des territoires (alinéa 21).

Ÿ Enfin, le présent projet de loi maintient les dispositions de l’article L. 811-8 du code rural et de la pêche maritime qui énumèrent les nombreux documents de planification auxquels doivent se conformer les projets d’établissement : le schéma prévisionnel national des formations de l’enseignement agricole mentionné à l’article L. 814-2 dudit code ; le schéma prévisionnel régional des formations mentionné à l’article L. 214-1 du code de l’éducation ; le contrat de plan régional de développement des formations professionnelles mentionné à l’article L. 214-13 du même code ; les programmes et référentiels nationaux encadrant les formations assurées par l’enseignement public agricole mentionnés à l’article L. 811-2 du code rural et de la pêche maritime ; le projet régional de l’enseignement agricole mentionné à l’article L. 814-5 du même code.

Sur ce sujet, il y a lieu de souligner que l’avis du Conseil économique, social et environnemental sur le projet de loi préconise de substituer à l’actuel schéma prévisionnel national des formations un « projet stratégique national pour l’enseignement agricole », afin de garantir la cohérence nationale de cette formation, une recommandation préalablement formulée. Cette recommandation avait préalablement été formulée par le dernier rapport de l’Observatoire national de l’enseignement agricole (37).

5. L’indemnisation des EPLEFPA en cas de calamités agricoles

Dans sa rédaction actuelle, l’article L. 361-7 du code rural et de la pêche ne permet pas aux exploitations agricoles des EPLEFPA de bénéficier des indemnisations versées par la troisième section du fonds national de gestion des risques en agriculture (FNGRA) lors de dommages présentant le caractère de calamités agricoles.

En effet, ces exploitations agricoles n’ont pas d’autonomie juridique qui les distinguerait des EPLEFPA dont elles sont de facto parties intégrantes. Or ces établissements sont juridiquement assimilés aux collectivités publiques qui sont exclues du bénéfice du FNGRA.

Pourtant, ces exploitations sont assujetties à la contribution additionnelle aux primes ou cotisations afférentes aux conventions d’assurance, mentionnée à l’article L. 361-2 du code rural et de la pêche maritime, qui alimente ce fonds. Le montant de cette redevance est donc calculé suivant le même taux que les exploitations relevant du droit commun.

En outre, alors qu’elles doivent être économiquement viables, notamment pour pouvoir rémunérer leurs personnels de droit privé, ces exploitations sont pénalisées sur le plan financier lorsqu’elles sont touchées par des calamités agricoles.

Cette discrimination paraît d’autant plus surprenante au vu du fait que les exploitations agricoles des EPLEFPA remplissent les conditions relatives à la caractérisation de l’activité agricole telle que définie à l’article L. 311-1 du même code pour être reconnues comme exploitations agricoles, pour leur affiliation aux régimes de protection sociale de leurs salariés agricoles ou pour l’accès aux aides de la politique agricole commune (PAC).

Enfin, cette situation semble particulièrement injuste au regard du rôle pédagogique et d’expérimentation qui est confié à ces structures et qui est appelé à se développer grâce au présent projet de loi.

Pour toutes ces raisons, le II du présent article modifie l’article L. 361-7 du code rural et de la pêche maritime pour inclure les établissements d’enseignement et de formation professionnelle agricole « à raison de l’activité de leurs exploitations agricoles à vocation pédagogique »  dans les bénéficiaires potentiels d’indemnisation en cas de calamités agricoles (alinéa 22).

Sur le plan budgétaire, cette extension ne devrait pas être excessivement coûteuse. En effet, selon le ministère de l’agriculture, les exploitations concernées représentent, en surface, 0,064 % de la surface des exploitations professionnelles agricoles. On peut donc estimer l’impact de leur éligibilité au FNGRA à 0,064 % des dépenses d’indemnisation. Sur cette base, l’impact global financier de cette éligibilité, estimé à environ 107 733 euros par an, serait plus que marginal au regard du montant des indemnités moyennes annuelles allouées aux exploitations professionnelles françaises.

*

La Commission examine les deux amendements identiques AC35 du rapporteur pour avis et AC7 de Mme Barbara Pompili.

M. le rapporteur pour avis. Mon amendement vise à harmoniser la rédaction actuelle avec la définition du socle commun mis en œuvre par l’éducation nationale.

Mme Barbara Pompili. Même objectif. Les apprentissages sont non seulement des connaissances à acquérir mais des compétences à maîtriser.

La Commission adopte les amendements AC35 et AC7.

Elle en vient à l’amendement AC21 du rapporteur pour avis.

M. le rapporteur pour avis. Il s’agit de supprimer le mot « ruraux », par trop réducteur, après le mot « territoires », afin d’acter le fait que les opérateurs d’enseignement et de recherche doivent répondre aux enjeux de la performance pour tous les territoires, ruraux ou non. L’enseignement agricole prépare à de nombreux métiers qui vont bien au-delà de la production agricole ou alimentaire. Certains réseaux de formation agricole accueillent majoritairement des élèves issus du milieu urbain, tandis que les établissements agricoles peuvent proposer des diplômes liés aux services à la personne ou à l’entretien des espaces verts ou de la forêt. Faut-il rappeler que l’on compte 100 000 arbres dans l’espace public parisien ?

Mme Annie Genevard. Certes, les territoires urbains sont verts et la question de l’agriculture en zone périurbaine est pertinente, mais je trouverais regrettable de taire le caractère rural de l’agriculture au motif qu’il est trop évident ou qu’il existe une dimension urbaine de l’agriculture. Pourquoi ne pas évoquer « les territoires ruraux ou non » ? Dans ce cas, la notion de ruralité serait tout de même présente. Si la ruralité devait disparaître de l’amendement, je ne le voterais pas.

M. le président Patrick Bloche. Je ne suis pas certain que la formulation que vous venez de proposer ait sa place dans un texte de loi.

La Commission adopte l’amendement AC21.

Elle étudie l’amendement AC9 de Mme Barbara Pompili. 

Mme Barbara Pompili. L’amendement vise à réaffirmer l’importance du bien-être animal, que mentionne à peine le projet de loi, alors que les pratiques d’élevage seront nécessairement abordées au cours de la formation initiale ou permanente. La performance économique de notre agriculture passe nécessairement par la mise en place de filières de qualité indissociables du bien-être animal. Le modèle d’élevage intensif, qui ne tient pas compte de la souffrance des animaux, n’est pas un gage de qualité. On peut craindre que des maladies ne se développent dans un établissement comme la ferme des mille vaches dans la Somme.

M. le rapporteur pour avis. L’amendement est satisfait par l’article 1er du projet de loi, qui rappelle de manière solennelle que la politique de l’agriculture, de l’alimentation et de la pêche maritime doit « veiller au bien-être et à la santé des animaux ». Ces termes, absents de la loi d’orientation agricole du 9 juillet 1999, figureront désormais dans le premier article du code rural, ce qui représente un progrès considérable.

Mme Barbara Pompili. Je retire l’amendement.

L’amendement AC9 est retiré.

La Commission aborde l’amendement AC22 du rapporteur pour avis.

M. le rapporteur pour avis. Cet amendement de précision vise à compléter le dispositif d’acquisition progressive des diplômes prévu par l’article 26. Il fixe en particulier le contenu de l’attestation délivrée aux élèves ayant échoué à des examens. Je me suis appuyé sur les dispositions de l’article L.335-11 du code de l’éducation, applicable à l’enseignement technique et professionnel, selon lequel une attestation déterminant les connaissances et les compétences acquises peut prendre la forme d’unités capitalisables.

La Commission adopte l’amendement.

Elle examine l’amendement AC14 de Mme Barbara Pompili.

Mme Barbara Pompili. Dans l’enseignement agricole comme dans l’enseignement général, les pratiques pédagogiques doivent être en constante évolution. Cet impératif, que rappelle la loi d’orientation et de programmation pour la refondation de l’école de la République, devrait être également mentionné dans le présent projet de loi.

Si, à travers des fermes pédagogiques, les établissements et les enseignants reconnaissent le principe de l’expérimentation pédagogique, celle-ci n’est pas généralisée. Or l’enseignement agricole ou général doit encourager l’immersion dans les exploitations, afin que chaque élève puisse tester sa formation ou son attrait pour le métier d’agriculteur. À ce titre, il peut être intéressant de s’appuyer sur le Réseau national des espaces tests agricoles (RENETA), qui a pour objet de promouvoir le test d’activité pour l’installation agricole, ou sur le réseau mondial WWOOF (« world-wide opportunities on organic farms » ou « opportunités planétaires pour les fermes biologiques »).

M. le rapporteur pour avis. L’enseignement agricole accorde une large place à la mise en situation et à l’expérimentation, grâce aux exploitations qui lui sont rattachées. L’amendement AC3 de Mme Tolmont, qui sera appelé dans un instant, vise à étendre le champ de l’expérimentation. Mais, bien que l’alternance soit au cœur de l’enseignement agricole, il ne faut pas que l’immersion aille trop loin, et fasse oublier les formations théoriques. Je suggère par conséquent le retrait de l’amendement. À défaut, j’émettrais un avis défavorable.

Mme Barbara Pompili. L’amendement est maintenu.

La Commission rejette l’amendement.

Elle étudie l’amendement AC34 du rapporteur pour avis.

M. le rapporteur pour avis. Actuellement, le code rural indique seulement que les projets d’établissement des établissements d’enseignement agricole doivent respecter les prescriptions nationales en matière de programme, de calendrier scolaire et d’orientation. Conformément à la proposition de notre collègue Mme Delga lors de la concertation sur l’enseignement agricole, je vous invite à préciser que l’orientation doit faire l’objet d’un plan d’action spécifique au sein des projets d’établissement.

La Commission adopte l’amendement.

Elle en vient à l’amendement AC12 de Mme Barbara Pompili.

Mme Barbara Pompili. L’article 10 de la loi d’orientation et de programmation pour la refondation de l’école de la République a instauré un parcours d’éducation artistique et culturel pour l’ensemble des élèves tout au long de leur scolarité. De même, son article 42 a créé une nouvelle section au code de l’éducation intitulée « L’éducation à l’environnement et au développement durable ». Celle-ci a pour objectif d’éveiller les enfants aux enjeux environnementaux sur l’ensemble du cursus scolaire.

L’amendement vise à harmoniser le code rural et de la pêche maritime avec cette réforme, pour que les élèves de l’enseignement agricole public puissent bénéficier de parcours équivalents.

M. le rapporteur pour avis. L’amendement vise à rendre obligatoire ces parcours d’éducation dans l’enseignement agricole, alors que celui-ci met en œuvre, depuis 1962, un dispositif original, l’éducation socioculturelle, qui comporte une dimension artistique et repose sur une pédagogie par projets. En outre, vous proposez d’intégrer dans les parcours l’éducation à l’environnement et au développement durable. Or, en juillet, en votant la loi sur la refondation de l’école de la République, nous avons choisi d’instituer un parcours d’éducation culturelle et artistique distinct de l’éducation à l’environnement. Pour ces raisons de fond autant que de forme, je suggère le retrait de l’amendement. À défaut, avis défavorable.

Mme Barbara Pompili. Je maintiens l’amendement.

La Commission rejette l’amendement.

Elle est saisie de l’amendement AC36 du rapporteur pour avis.

M. le rapporteur pour avis. Il s’agit de préciser que l’enseignement et la formation professionnelle agricoles préparent aussi non seulement aux métiers de l’agriculture, de la forêt, de la nature et des territoires, mais aussi à ceux de l’alimentation. Nous ne devons pas oublier cette mention, car il faudra faire évoluer toutes les familles de métiers et les formations qui y préparent pour que l’agroécologie devienne une réalité.

La Commission adopte l’amendement.

Elle aborde l’amendement AC3 de Mme Sylvie Tolmont.

Mme Sylvie Tolmont. Je propose de donner une existence légale aux équipes pédagogiques.

Cette notion renvoie au fonctionnement collectif de l’établissement et à l’existence de véritables équipes reposant sur des modes de travail et de collaboration renouvelés, seuls capables de faire progresser la rénovation pédagogique de l’enseignement technique agricole.

Au niveau local, la reconnaissance effective des équipes pédagogiques sur la base d’appels à projets assortis de moyens incitatifs constituerait un levier d’améliorations pédagogiques. Elle apporterait de meilleures conditions de travail dans les établissements, une mise à disposition d’équipements pédagogiques plus large et des moyens financiers permettant aux équipes de conduire leurs projets de façon responsable.

M. le rapporteur pour avis. Avis favorable. Il est excellent que l’expérimentation pédagogique, prévue par le code rural pour l’organisation des classes et des établissements, concerne aussi l’organisation des équipes. Cette extension du champ des possibles mérite d’être saluée. Elle prouve encore que l’enseignement agricole peut, sur certains points, aller plus loin que l’enseignement scolaire.

La Commission adopte l’amendement.

Puis elle examine l’amendement AC23 du rapporteur pour avis.

M. le rapporteur pour avis. L’amendement vise à compléter le cadre de référence des projets d’établissement des lycées agricoles, en les subordonnant à un « projet stratégique national pour l’enseignement agricole », dont le principe a été préconisé par les rapports du Conseil économique, social et environnemental (CESE) et de l’Observatoire national de l’enseignement agricole (ONEA), cités dans l’exposé des motifs du projet de loi.

Ce nouvel outil devra promouvoir une vision politique au sens noble du terme pour l’enseignement agricole.

Un autre amendement vise à préciser que ce projet stratégique devra être respecté par le schéma prévisionnel des formations, qui est plus technique et prend en considération les besoins exprimés par les régions.

La Commission adopte l’amendement.

Elle examine ensuite l’amendement AC26 du rapporteur pour avis.

M. le rapporteur pour avis. L’amendement vise à conforter, sur le plan législatif, le rôle pédagogique des directeurs des exploitations agricoles rattachées aux établissements d’enseignement agricole. Certes, un décret du 17 février 2011 prévoit d'ores et déjà leur participation au conseil de l’éducation et de la formation de l’établissement : toutefois, en attribuant au principe de cette participation une valeur législative, on donnera une assise plus solide à ces personnes dont la vocation devrait être de faire de l’outil de production un outil pédagogique.

La Commission adopte l’amendement.

Puis, suivant l’avis défavorable du rapporteur, elle rejette l’amendement AC38 de Mme Barbara Pompili.

Elle examine ensuite l’amendement AC33 du rapporteur pour avis.

M. le rapporteur pour avis. L’amendement vise à appliquer à l'enseignement agricole privé les précisions apportées par un précédent amendement, relatif au dispositif d'acquisition progressive des diplômes.

La Commission adopte l’amendement.

Elle en vient à l’amendement AC24 du rapporteur pour avis.

M. le rapporteur pour avis. L’amendement AC24 vise à préciser qu'à l'instar des établissements publics, les établissements privés devront élaborer des projets d'établissement conformes aux orientations des politiques publiques pour l'agriculture et du projet stratégique national pour l'enseignement agricole.

La Commission adopte l’amendement.

Elle examine ensuite l’amendement AC25 du rapporteur pour avis.

M. le rapporteur pour avis. Cet amendement vise à définir le cadre juridique du projet stratégique national pour l'enseignement agricole. Il serait arrêté pour une durée de cinq ans – la même que celle du schéma prévisionnel des formations – après une concertation avec l’ensemble des composantes de l’enseignement agricole, des collectivités territoriales et des organisations professionnelles agricoles.

Par ailleurs, le schéma prévisionnel des formations devrait être établi en respectant le projet stratégique national. Cette articulation me paraît logique car le premier document exprime une vision et une politique au sens noble du terme, tandis que le second est un outil opérationnel.

Enfin, cet amendement permettrait de rappeler le caractère national de l’enseignement agricole, ce qu’ont demandé la plupart des personnes auditionnées.

La Commission adopte l’amendement.

Puis elle examine l’amendement AC13 de Mme Barbara Pompili.

Mme Barbara Pompili. Il est essentiel que le projet de loi instaure dans le code rural et de la pêche maritime l’impératif de formation continue à l’agro-écologie et à la reconversion vers l’agriculture biologique, l’agro-écologie étant une technique inspirée des lois de la nature, pour laquelle la pratique agricole doit envisager l’ensemble du milieu dans lequel elle s’inscrit. L’agro-écologie intègre en effet la dimension de l’eau, du reboisement, de la lutte contre l’érosion, de la biodiversité, du réchauffement climatique, du système économique et social et de la relation de l’humain avec son environnement.

Il convient de mettre cette dimension en lien avec le programme Ambition bio 2017 du ministère de l’agriculture, qui vise à soutenir le développement de l’agriculture biologique et la diffusion des connaissances et méthodes acquises dans ce domaine.

Des amendements déposés en séance publique iront dans le même sens pour la formation initiale et continue.

M. le rapporteur pour avis. Les centres de formation professionnelle et de promotion agricole (CFPPA) publics et les centres privés sont visés par l’alinéa 3 de l’article 26, qui prévoit que ces opérateurs devront répondre aux enjeux de la performance écologique et contribuer à la politique de développement durable.

La précision que l’amendement apporte me semble utile et j’y suis favorable à la condition que vous supprimiez les mots : «, ainsi qu’à la reconversion vers l’agriculture biologique. ». Je considère en effet que l’agriculture biologique est une des composantes de l’agro-écologie.

Mme Barbara Pompili. La reconversion vers l’agriculture biologique n’est pas nécessairement incluse dans l’agro-écologie.

J’accepte toutefois la rectification proposée par le rapporteur pour avis, la reconversion vers l’agriculture biologique pouvant faire l’objet de réflexions complémentaires d’ici à la séance publique.

La Commission adopte l’amendement AC13 ainsi rectifié.

Puis elle émet un avis favorable à l’adoption de l’article 26 modifié.

Après l’article 26

La Commission est saisie de deux amendements portant article additionnel après l’article 26.

Elle examine tout d’abord l’amendement AC1 de M. Guénhaël Huet.

M. Guénhaël Huet. L’article 26, dont la formulation est très généraliste, ne mentionne pas les maisons familiales rurales dont chacun ici salue l’action. Aussi l’amendement a-t-il pour objectif de reconnaître explicitement celle-ci.

M. le rapporteur pour avis. Chacun ici salue les excellents résultats des MFR : j’ai d’ailleurs auditionné le président et le directeur de l’Union nationale des MFR.

Sur un plan juridique, le projet de loi traite des établissements d’enseignement et de formation privés, dont font partie les MFR, puisque son article 26 fait référence à l’article L. 813-1 du code rural qui encadre ces structures. Les MFR sont donc incluses dans les opérateurs de l’enseignement agricole, pour lesquels l’article 26 précise qu’ils assurent l’acquisition et la diffusion de connaissances permettant de répondre aux enjeux de la performance.

Votre amendement veut aller plus loin : toutefois, si la loi doit citer nommément toutes les structures et tous les réseaux de formation, pourquoi oublier des établissements relevant du CNEAP ou de l’UNREP ? Avis défavorable.

Mme Sophie Dion. C’est vrai que la loi est trop souvent bavarde. Il convient toutefois de citer nommément les maisons familiales rurales qui accueillent plus de 70 000 jeunes et adultes, leur action de premier plan faisant consensus.

M. le président Patrick Bloche. La loi risque d’oublier d’autres structures. Or ce que ne prévoit pas la loi ne saurait être concerné par elle. Tel est le risque juridique de cet amendement.

Mme Sophie Dion. Le mot « notamment » suffirait à écarter ce risque.

M. le président Patrick Bloche. Ce mot n’est peut-être pas le mieux choisi.

L’hommage de la Commission à l’égard des maisons familiales rurales étant unanime, peut-être avant la séance publique trouverez-vous un autre moyen de les valoriser.

La Commission rejette l’amendement.

Puis elle examine l’amendement AC6 de Mme Barbara Pompili.

Mme Barbara Pompili. Le projet de loi consacre l’agro-écologie et la réorientation de notre modèle agricole dans une voie plus respectueuse de l’environnement. Cela est une bonne chose, voire une nécessité. Pour que ces orientations se traduisent en actes, le rôle de la formation sera essentiel.

En effet, si l’on souhaite que les pratiques agricoles évoluent pour intégrer les enjeux liés aux défis environnementaux de la société, il est impératif d’apporter les formations, initiales ou continues, nécessaires aux professionnels du monde agricole. C’est le seul vecteur crédible des changements de pratiques.

Pour mettre en pratique la transition, il est proposé de poursuivre la réflexion initiée par le ministère quant à la création d’une école de formation pour les professionnels de l’enseignement agricole.

Je tiens également à préciser que les acteurs de l’enseignement agricole public attendent du Gouvernement le respect de ses engagements en matière de sanctuarisation des postes : les postes administratifs et ceux du secteur privé ne doivent pas être pourvus au détriment des postes publics d’enseignants qui assurent une formation conforme à l’intérêt général.

M. le rapporteur pour avis. Cet amendement n’est pas opportun : en effet, la création d’une telle école pourrait entraîner la disparition de l’École nationale de formation agronomique de Toulouse (ENFA), spécialisée dans la formation initiale, et des formations continues organisées par Agrosup Dijon. Or, sur le terrain, les esprits ne sont pas mûrs.

C’est pourquoi je vous demande de bien vouloir retirer votre amendement au profit de l’amendement AC32 à l’article 27, qui prévoit de créer au sein de l’Institut agronomique et vétérinaire de France un réseau interne dédié à la formation des personnels, ce qui constituerait une belle avancée.

Évitons également d’enclencher la mécanique des demandes de rapports.

Mme Barbara Pompili. Je comprends vos arguments, monsieur le rapporteur pour avis. Toutefois, l’amendement AC32, que je voterai, ne me paraît satisfaire le présent amendement, qui prévoit un rapport permettant de faire mûrir la réflexion sur la formation.

La Commission rejette l’amendement.

Article 27
(art. L. 812-1, 812-6, 812-7 à 812-10
[nouveaux] et 813-10 du code rural et de la pêche maritime)
Missions de l’enseignement supérieur agricole et création d’un Institut agronomique et vétérinaire de France

Cet article vise principalement à redéfinir les objectifs de l’enseignement supérieur et de la recherche agricole, à créer une voie d’accès spécifique aux écoles d’agronomie pour les bacheliers professionnels et à créer un Institut agronomique et vétérinaire de France, rassemblant les établissements publics d’enseignement supérieur agronomique et vétérinaire et, éventuellement, d’autres établissements ou organismes.

1. L’actualisation de la définition des missions de l’enseignement supérieur agricole public

L’actualisation des missions de l’enseignement agricole ne doit pas se limiter à son volet technique mais concerner aussi les formations supérieures dans les secteurs agronomique, vétérinaire et du paysage.

Ainsi que le souligne l’étude d’impact jointe au présent projet de loi, « il s’agit de mettre en évidence le rôle de notre appareil éducatif, terreau des acteurs de demain, dans la sensibilisation au développement durable et la mise en œuvre de ses principes ; de confirmer la place des exploitations, centres hospitaliers vétérinaires et installations techniques dans l’expérimentation permettant l’innovation technologique, le développement et la valorisation des résultats de la recherche ; de formaliser l’implication des écoles du supérieur dans la formation des personnels, enseignants et cadres de l’enseignement technique, fonctionnaires du ministère chargé de l’agriculture, ainsi que dans l’appui au dispositif éducatif ; et enfin de réaffirmer, en lien avec le code de l’éducation, la nécessité de promouvoir l’insertion sociale et professionnelle des étudiants, de contribuer à la construction de l’espace européen et de participer à l’attractivité du territoire national ».

Dans ce but, le I du présent article propose de modifier le chapitre II du titre premier du livre VIII du code rural et de la pêche maritime (alinéa 1).

À cet effet, il tend à créer une section 1 intitulée « Dispositions générales » dans le chapitre II du titre premier du livre VIII dudit code (alinéa 2) et à remplacer les 2° à 6° de l’article L. 812-1 par neuf alinéas numérotés 2° à 10° (alinéa 3).

Avant de présenter les modifications proposées, on rappellera au préalable que le 1° de l’article L. 812-1 précise que l’enseignement supérieur agricole public dispense des « formations en matière de production agricole, forestière, aquacole et des produits de la mer, de transformation et de commercialisation de ces productions, d’industrie agroalimentaire et d’alimentation, d’industries liées à l’agriculture, de santé et de protection animales et végétales, d’hygiène, de qualité et de sécurité de l’alimentation, d’aménagement, de développement, de gestion et de protection de l’espace rural, de la forêt, de l’eau, des milieux naturels et du paysage ».

Quant aux nouveaux alinéas proposés par le présent article, ils visent à substituer aux cinq missions actuellement assignées à cet enseignement une palette beaucoup plus complète. Dans le détail, il s’agit de prévoir que cet enseignement :

– contribue à l’éducation au développement durable et à la mise en œuvre de ses principes, cette mission constituant une nouveauté (alinéa 4) ;

– participe à la politique de développement scientifique par des activités de recherche fondamentale, appliquée et clinique, cette mission étant déjà consacrée par le code rural et de la pêche maritime (alinéa 5) ;

– conduit des actions de recherche, d’innovation et d’ingénierie dans les domaines de l’éducation et de la formation, cette mission étant déjà mentionnée par ce même code (alinéa 6) ;

– contribue, en collaboration avec les organismes compétents, à la veille scientifique et technique, à l’innovation technologique et au développement ainsi qu’à la « valorisation des résultats de la recherche ». La disposition concernant la valorisation des résultats de la recherche constitue une nouveauté, symétrique aux dispositions du code de l’éducation qui prévoient que le service public de l’enseignement supérieur inclut dans ses missions « la diffusion et la valorisation des résultats de la recherche scientifique et technologique » (article L. 123-5) (alinéa 7). Il y a lieu de noter que la disposition qui, dans l’avant-projet de loi, précisait que cette mission s’appuie « notamment » sur des expérimentations conduites dans les exploitations, centres hospitaliers vétérinaires et installations techniques de l’enseignement supérieur a été retirée, alors que ces structures sont une spécificité de cet enseignement. Quant aux « organismes compétents » mentionnés par le présent alinéa, il s’agit des organismes publics de recherche et d’évaluation du risque avec lesquels les établissements d’enseignement supérieur agronomique et vétérinaire partagent des unités mixtes de recherche (UMR) ou des coopérations scientifiques, soit essentiellement l’INRA, l’Institut national de recherche en sciences et technologies pour l’environnement et l’agriculture (IRSTEA), le Centre de coopération internationale en recherche agronomique pour le développement (CIRAD), l’Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail (ANSES) et, de manière plus secondaire, le CNRS et l’Institut de recherche pour le développement (IRD) ;

– participe à la diffusion de l’information scientifique et technique (alinéa 8) et concourt à la mise en œuvre de la coopération scientifique, technique et pédagogique internationale, ces deux missions étant déjà consacrées par le législateur (alinéa 9) ;

– contribue à la construction de l’espace européen de l’enseignement supérieur et de la recherche et à l’attractivité du territoire national. La reconnaissance de la dimension européenne du système d’enseignement supérieur agricole public constitue un apport essentiel, qui prolonge celle intervenue en 2007 pour le service public de l’enseignement supérieur (cf. l’article L. 123-2 du code de l’éducation modifié par la loi du 10 août 2007 relative aux libertés et responsabilités des universités) (alinéa 10) ;

– promeut la diversité des recrutements et la mixité, et contribue à l’insertion sociale et professionnelle des étudiants, ce nouvel objectif, à forte dimension sociale, devant être salué (alinéa 11). Comme on le verra plus loin, cette mission pourra notamment s’appuyer sur une voie spécifique d’accès des bacheliers professionnels aux écoles et la consécration des « classes préparatoires agricoles » ;

– assure un appui à l’enseignement technique agricole, notamment par le transfert des résultats de la recherche et par la formation de ses personnels. Cette disposition nouvelle permettra de souligner l’étroite collaboration qui doit se nouer entre les établissements des deux niveaux de l’enseignement agricole (alinéa 12).

Par ailleurs, le II du présent article procède à une coordination à l’article L. 813-10 du code rural et de la pêche, afin que celui-ci tienne compte de la nouvelle numérotation des missions de l’enseignement supérieur agricole public (alinéa 27).

2. La création d’une voie d’accès ad hoc aux écoles d’ingénieurs

Le 3° du I tend à insérer un article L. 812-6 nouveau dans le code rural et de la pêche maritime prévoyant que le ministre chargé de l’agriculture peut prévoir des « conditions particulières d’accès » aux formations d’ingénieurs au sein des établissements d’enseignement supérieur agricole publics pour des élèves titulaires d’un baccalauréat professionnel agricole ayant suivi une classe préparatoire professionnelle dans un EPLEFPA (alinéas 13 et 14).

L’étude d’impact précise, à ce sujet, qu’« au terme d’un programme innovant sur deux années, les étudiants pourront se présenter à une voie d’accès par concours dédiée à cette formation et à ces bacheliers ». Elle ajoute toutefois qu’une phase expérimentale semble nécessaire pour tester cette nouvelle possibilité, notamment pour en adapter, le cas échéant, les modalités d’application.

Le ministère de l’agriculture a en outre indiqué au rapporteur pour avis que ce mécanisme sera élaboré en s’appuyant sur l’expertise de l’inspection de l’enseignement agricole et en concertation avec les représentants des personnels, mais qu’en tout état de cause, les conditions d’entrée dans les écoles devront être sélectives, tout en privilégiant les capacités inductives des élèves issus de bacs professionnels agricoles.

La possibilité ainsi donnée au ministre de l’agriculture de créer un tel dispositif permettra d’atteindre deux objectifs :

– un objectif social, puisque cette voie d’accès à nos écoles d’agronomie permettra à des bacheliers professionnels, souvent issus de milieux modestes et titulaires d’une bourse, d’emprunter des filières d’excellence. Le ministère de l’agriculture pourra ainsi favoriser la promotion de publics diversifiés d’étudiants, en pleine conformité avec son rôle historique d’« ascenseur social ». Cette mesure doit être mise en lien avec la rénovation des concours d’accès aux écoles d’ingénieurs et vétérinaires, engagée en 2011 et qui privilégie une sélection sur des compétences transverses et expérimentales. Les arrêtés ayant été publiés en juillet 2013, cette réforme sera opérationnelle en 2014 pour le concours C (réservé aux titulaires d’un brevet de technicien supérieur ou diplôme universitaire de technologie), 2015 pour le concours A (réservé aux bacheliers) et 2016 pour le concours B (pour les titulaires d’une licence universitaire) ;

– un objectif de performance pour notre appareil éducatif. En effet, comme le souligne l’étude d’impact, le nombre de bacheliers professionnels accédant aux écoles d’ingénieur de l’enseignement supérieur agricole public est extrêmement réduit. De plus, l’offre actuelle de parcours de formation post-baccalauréat avant l’entrée dans ces écoles, rappelée dans le tableau ci-après, est peu attractive et inadaptée aux modes d’apprentissage et aux compétences des bacheliers professionnels. Or la conjonction d’une formation professionnelle à la formation d’ingénieur devrait faciliter la construction et la mise en valeur de profils intéressants pour les recruteurs, tout en permettant, selon l’étude d’impact, « au potentiel des meilleurs bacheliers professionnels de s’exprimer pleinement (…) et de contribuer ainsi à l’ambition nationale de redressement productif ».

LES PARCOURS DE FORMATION « POST-BAC » DANS L’ENSEIGNEMENT AGRICOLE

Baccalauréat

Parcours de formation post-bac

Concours d’accès aux écoles d’ingénieurs agronomiques et aux écoles vétérinaires

   

Durée

 

Bacheliers série générale « scientifique S »

Classes préparatoires aux grandes écoles (CPGE) en « Biologie, chimie, physique et sciences de la Terre (BCPST) »

72 classes BCPST, dont 4 en lycées agricoles. Pour ces 4 dernières, de l’ordre de 140 étudiants accueillis dans les 4 lycées agricoles. Les autres sont sous l’autorité de l’éducation nationale.

2 ans

Voie A du concours (réservée aux bacheliers)

Bacheliers technologiques, séries :

– sciences et technologie de laboratoire (STL) » ;

– « sciences et technologies de l’agronomie et du vivant (STAV) ».

Classes préparatoires aux grandes écoles (CPGE) « Technologie Biologie (TB) » :

9 classes TB, dont 2 en lycées agricoles.

Pour ces 2 derniers lycées, de l’ordre de 70 étudiants accueillis. Les autres sont sous l’autorité de l’éducation nationale

2 ans

Voie A en technologie et biologie (TB) du concours

Bacheliers série générale « scientifique S »

Licence générale ou licence professionnelle dans les domaines des sciences de la vie, de la Terre ou de la matière

2 ou 3 ans

Voie B du concours
(réservée aux titulaires d’un BTS ou d’un DUT)

Bacheliers série générale « scientifique S »

– Brevet de technicien supérieur agricole (BTSA)

– Brevet de technicien supérieur (BTS)

– Diplôme universitaire de technologie (DUT)

Classes préparatoires aux grandes écoles dites
« post BTSA-BTS-DUT (ATS bio) :

12 classes post BTSA-BTS-DUT (ATS Bio), dont 2 en lycées de l’éducation nationale

De l’ordre de 350 étudiants accueillis dans les 10 lycées agricoles

2 ans +
1 an

Voie C du concours
(réservée aux titulaires d’une licence)

Source : ministère de l’agriculture.

Ce volontarisme ambitieux et pragmatique doit être salué et complète, en l’adaptant au contexte de l’enseignement supérieur agricole, celui initié par la loi du 22 juillet 2013 relative à l’enseignement supérieur et à la recherche pour l’accès des bacheliers professionnels aux instituts universitaires de technologie. En effet, on rappellera qu’en vertu de l’article 33 de ce texte, le recteur d’académie prévoit, pour l’accès aux instituts universitaires de technologie (IUT), « un pourcentage minimal de bacheliers professionnels », ainsi que « des critères appropriés de vérification de leurs aptitudes » (article L. 612-3 du code de l’éducation).

Enfin, le présent article aura pour effet de reconnaître, au niveau législatif, le dispositif des « classes prépas » agricoles, d’ores et déjà mis en œuvre dans plusieurs établissements de l’enseignement technique.

Les classes préparatoires en lycée agricole

Il existe 16 « classes prépas » des différents concours dans les établissements de l’enseignement agricole. Les ministères chargés de l’éducation nationale et de l’enseignement supérieur et de la recherche proposent aussi de telles classes.

À raison de 30 à 35 étudiants en classes préparatoires, on peut considérer qu’annuellement chaque classe préparatoire accueille de l’ordre de :

– 140 étudiants en biologie, chimie, physique et sciences de la terre (BCPST) ;

– 70 étudiants en technologie-biologie (TB) ;

– 350 étudiants en post brevet de technicien supérieur agricole (BTSA) - brevet de technicien supérieur (BTS) - diplôme universitaire de technologie (DUT) « adaptation de technicien supérieur » (ATS) Bio.

On compte :

– pour la voie A du concours : 4 classes préparatoires BCPST dans les 4 établissements suivants : lycée d’enseignement général, technologique et agricole de Toulouse ; lycée d’enseignement général, technologique et agricole du Chesnoy ; lycée d’enseignement général, technologique et agricole d’Angers Le Fresne ; enfin, lycée d’enseignement général, technologique, professionnel et agricole de Clermont Ferrand Marmilhat ;

– pour la voie A filière technologie-biologie du concours : 2 classes préparatoires « technologie et biologie » dans deux établissements : le lycée d’enseignement général, technologique et agricole du Chesnoy et le lycée d’enseignement général, technologique et agricole de Rennes Le Rheu ;

– pour le concours C : 10 classes préparatoires post BTSA-BTS-DUT (ATS Bio), dans les 10 établissements suivants : lycée d’enseignement général, technologique et agricole d’Amiens le Paraclet ; lycée d’enseignement général, technologique, professionnel et agricole de Besançon ; lycée d’enseignement général, technologique, professionnel et agricole de Bordeaux-Blanquefort ; lycée d’enseignement général, technologique et agricole de Bourg-les-Valence, lycée d’enseignement général, technologique, professionnel et agricole de Clermont Ferrand Marmilhat ; lycée d’enseignement général, technologique, professionnel et agricole de Dijon Quétigny ; lycée d’enseignement général, technologique et agricole de l’Hérault (Montpellier) ; lycée d’enseignement général, technologique et agricole de Rennes Le Rheu ; lycée d’enseignement général, technologique et agricole de Rodez La Roque ; enfin, lycée d’enseignement général, technologique et agricole de Toulouse.

3. La création d’un Institut agronomique et vétérinaire de France

Le renforcement de la place, aux niveaux européen et international, de notre système de connaissance et d’innovation agronomique constitue un enjeu majeur. Pour être plus efficace et gagner encore en réputation, celui-ci doit s’organiser afin d’éviter de disperser ses forces entre les différents opérateurs de l’enseignement supérieur et de la recherche agricole.

En effet, l’efficacité, autant que la lisibilité, au niveau mondial, d’un établissement assurant un portage intégré de projets interdisciplinaires et associant recherche, enseignement supérieur et expertise dans les domaines agricoles et alimentaires est indispensable au regard de « l’internationalisation » croissante de l’enseignement supérieur. Le « modèle économique universitaire » est d’ailleurs de plus en plus dirigé par l’attractivité, la visibilité des établissements, ainsi que par la mobilité des étudiants, dans un contexte de marché global des compétences et des formations.

Cette considération, qui explique la volonté du gouvernement de structurer notre système d’enseignement supérieur autour des communautés d’universités et établissements créées par la loi du 22 juillet 2013 relative à l’enseignement supérieur et à la recherche, plaide pour la création d’un pôle d’enseignement et de recherche agronomique et vétérinaire.

Le 4° du I propose donc de définir, dans une nouvelle section 2 du chapitre II du titre Ier du livre VIII du code rural et de la pêche maritime, les missions, l’organisation et le fonctionnement de l’Institut agronomique et vétérinaire de France, cet établissement ayant vocation à succéder au Consortium national pour l’agriculture, l’alimentation, la santé animale et l’environnement Agreenium. Cette section sera insérée après l’article L. 812-6 dudit code (alinéas 15, 16 et 17).

● Le périmètre et les missions de l’Institut (article L. 812-7 nouveau)

L’objectif premier de l’Institut est de rassembler les établissements d’enseignement supérieur agricole public, l’adhésion d’autres établissements d’enseignement supérieur ou de recherche étant possible à raison de leur compétence et vocation (alinéa 18).

Ÿ Son périmètre inclura de plein droit l’ensemble des établissements d’enseignement supérieur agricole placés sous la tutelle et l’autorité du ministère chargé de l’agriculture et, depuis le vote de la loi du 22 juillet 2013 relative à l’enseignement supérieur et à la recherche, du ministère de l’enseignement supérieur et de la recherche, en cotutelle (38).

En revanche, l’adhésion d’autres établissements d’enseignement supérieur et de recherche devra résulter d’une délibération autonome de ces structures, ce qui devrait être le gage d’une coopération accrue entre tous les acteurs, celle-ci n’étant pas imposée mais se développant par l’exemple et pas à pas.

En outre, il n’existe pas le même lien d’autorité entre les organismes de recherche et le ministère de l’agriculture, car celui-ci n’en assume pas le financement au même degré que ses établissements d’enseignement : par exemple, l’INRA et l’Institut de recherche en sciences et technologies pour l’environnement et l’agriculture (IRSTEA) sont placés sous la tutelle conjointe des ministères de l’agriculture et de la recherche, tandis que le Centre de coopération internationale en recherche agronomique pour le développement relève de la cotutelle du ministère de la recherche et du ministère des affaires étrangères.

Cependant, a minima, le ministère de l’agriculture a indiqué au rapporteur pour avis que les organismes de recherche (INRA et CIRAD) membres actuels d’Agreenium seraient susceptibles d’adhérer au futur Institut. De plus, l’IRSTEA a donné son accord de principe pour une telle adhésion, qui devrait être inscrite dans le contrat d’objectifs 2014-2018 entre l’État et cet établissement en cours de finalisation.

Par ailleurs, en raison de la convergence entre biologie, écologie et santé, d’autres organismes de recherche pourraient avoir vocation à participer à l’Institut, comme l’Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail (ANSES), l’Institut national de la santé et de la recherche médicale (INSERM) ou le CNRS.

Enfin, les établissements d’enseignement supérieurs agricoles privés sous contrat pourraient également être intéressés à une adhésion sous des modalités qui resteront à fixer.

Ÿ Le nouvel institut aura pour mission (alinéa 19) :

– d’élaborer et de mettre en œuvre des stratégies de recherche et de formation communes aux établissements aux niveaux national, européen et international ;

– d’apporter au ministre chargé de l’agriculture, pour l’élaboration et la conduite des politiques publiques dont il a la charge, une expertise en matière de formation, de recherche et de développement ;

– d’assurer la mise en œuvre d’activités et de projets qui lui sont confiés par ses membres. Cette disposition aura pour effet de garantir aux futurs membres de l’Institut que le « mandat » de la nouvelle structure sera largement déterminé par eux.

Ÿ En outre, l’Institut pourra être accrédité par les ministres chargés de l’agriculture et de l’enseignement supérieur pour délivrer des diplômes nationaux dans les domaines correspondant aux compétences spécifiques de ses membres. Cette possibilité a été ouverte aux communautés d’universités et établissements par la loi du 22 juillet 2013 relative à l’enseignement supérieure et à la recherche et permet l’accréditation directe de l’établissement de regroupement, et non de ses universités membres, ce qui implique que les diplômes sont délivrés par lui et non par elles (alinéa 19).

Selon les précisions apportées au rapporteur pour avis par le ministère de l’agriculture, les diplômes d’ingénieurs agronomes, de vétérinaires et de paysagistes (DPLG), réglementés par les articles R. 812-25 et suivants du code rural et de la pêche maritime continueront à être délivrés par les établissements d’enseignement supérieur existants.

La « plus-value » de l’Institut sera donc surtout attendue dans la conception, en concertation avec ses membres, d’une carte de formation hors « cursus de référence », principalement au niveau des diplômes de master. Dans ce cadre, certains parcours, hautement spécialisés, qui ont du mal à atteindre une « masse critique », permettant un bon fonctionnement des cursus au niveau local, mais qui présentent l’intérêt de former des spécialistes, français ou étrangers, réclamés par le monde socio-économique ou la recherche, pourraient être pris en charge par le futur établissement.

Ÿ Enfin, il convient d’observer, comme le fait l’étude d’impact du présent projet de loi, que l’Institut constituera une nouvelle catégorie d’établissement public au sens de l’article 34 de la Constitution. En effet, il ne pourra être rattaché :

– à la catégorie des communautés d’universités, créée par la loi précitée du 22 juillet 2013, compte tenu « de son caractère national et du fait qu’il est unique ». En effet, au nombre d’une vingtaine, les communautés regroupent, en région ou au niveau interrégional, des établissements qui participent à des logiques de site. Les règles constitutives de l’Institut seront en outre différentes de celles des communautés qui sont classées dans la catégorie des établissements publics à caractère scientifique, culturel et professionnel (EPCSP) et dont les statuts sont adoptés par chacune des universités et écoles et chacun des organismes de recherche ayant décidé d’y participer ;

– à la catégorie des établissements publics de coopération scientifique (EPCS) qui a été supprimée par l’article 66 de la loi du 22 juillet 2013.

● La gouvernance et les ressources (article L. 812-8 nouveau)

L’organisation du nouvel établissement sera simple, puisqu’il sera administré par un conseil d’administration qui « détermine sa politique, approuve son budget et en contrôle l’exécution » et « dirigé » par un directeur nommé par décret (alinéa 20).

À titre de comparaison, la gouvernance des communautés d’universités et établissements, qui sont des structures beaucoup plus intégrées, repose sur un conseil d’administration, un conseil académique, qui assiste ce dernier organe, et un conseil des membres réunissant un représentant de chacun des membres de la communauté.

Le conseil d’administration de l’Institut comprendra plusieurs catégories de représentants (alinéa 21), c’est-à-dire :

– des représentants de l’État ;

– des représentants des organismes et établissements qui en sont membres ;

– des représentants des enseignants-chercheurs, enseignants, chercheurs et autres personnels exerçant leurs fonctions au sein des établissements membres et de l’établissement de coopération. On observera que la représentation des professeurs duniversité na pas été distinguée de la représentation de lensemble des personnels comme lexige, pour le conseil dadministration des universités, la jurisprudence constitutionnelle dans la mesure où lInstitut ne constitue pas un établissement denseignement supérieur (39) ;

– des représentants des étudiants qui suivent une formation dans l’un des établissements membres ;

– des personnalités qualifiées. Interrogé par le rapporteur pour avis sur l’identité des organes qui pourraient nommer ces membres, le ministère de l’agriculture a indiqué que les modalités de leur désignation n’ont pas été encore arrêtées – celles-ci seront fixées par le décret en Conseil d’État relatif au fonctionnement de l’Institut –, tout en rappelant que les personnalités extérieures des conseils d’administration des écoles membres de droit du nouvel établissement sont aujourd’hui désignées par l’État, dans ses différentes composantes : ministère chargé de l’agriculture, ministère chargé de l’enseignement supérieur et de la recherche et ministère chargé des affaires étrangères.

Le conseil d’administration de l’Institut sera présidé par un de ses membres, élu parmi ceux-ci.

La composition du Conseil d’administration d’Agreenium

La composition de ce conseil est la suivante :

– seize représentants des membres fondateurs ;

– un à trois représentants des membres associés ;

– trois personnalités qualifiées ;

– sept représentants élus des personnels des membres fondateurs et un représentant élu des doctorants.

À ceux-ci s’ajoutent des personnalités participant de droit aux réunions du conseil d’administration, dont des représentants des ministères de l’agriculture, de l’enseignement supérieur et des affaires étrangères et européennes.

Les membres, qui disposent d’un mandat de trois ans, élisent en leur sein leur président qui assure la direction de l’établissement.

Les écoles rassemblées au sein de l’Institut seront donc doublement représentées au sein de son conseil d’administration : par le biais des représentants élus des personnels et des étudiants, issus des établissements, et par le biais de représentants des membres eux-mêmes. Ainsi, leur identité ne sera aucunement lésée par la mise en place du nouvel établissement.

En outre, le présent article précise que les représentants des enseignants-chercheurs, enseignants, chercheurs et autres personnels exerçant leurs fonctions au sein des établissements membres et de l’établissement de coopération constituent « au moins » 20 % du total des membres siégeant au conseil d’administration.

La place des représentants des établissements membres sera, de ce fait, très importante.

Dans le même temps, le principe d’une gouvernance démocratique sera assuré par l’attribution d’une part substantielle des sièges du conseil d’administration aux membres élus.

En outre, dans ses réponses aux questions du rapporteur pour avis, le ministère de l’agriculture a précisé que le pourcentage de 20 % n’est qu’un « plancher » et sera, dans les faits, plus élevé. Ce pourcentage minimal de 20 % ne concernera, de surcroît, qu’une catégorie d’élus, ceux qui représenteront les personnels, et non les autres, qui représenteront les étudiants. Au final, la part des membres élus du conseil d’administration de l’Institut sera donc très significative.

Dans le même temps, il est important de proposer un seuil qui ne soit pas trop élevé afin de permette une adaptation rapide des dispositions réglementaires précisant la composition opérationnelle du conseil d’administration à l’évolution du nombre et de la nature des membres de l’Institut. Le « dimensionnement » du conseil d’administration doit être en effet compatible avec le bon fonctionnement de cet établissement et des modalités de gouvernance permettant aux membres, qui seront sans doute plus de douze (soit les douze écoles publiques, plus un certain nombre d’autres écoles ou organismes), de participer effectivement à la direction de l’Institut et d’assurer ainsi leur implication dans la politique de mutualisation et de coordination de l’offre de formation et de coopération internationale.

Quant aux ressources de l’Institut, elles comprendront les contributions des organismes et établissements qui en sont membres et, d’une manière générale, toutes les recettes autorisées par les lois et règlements (alinéa 22).

Cette disposition signifie que les ressources du futur Institut seront, au départ, constituées de celles qui lui seront transférées par le consortium Agreenium. En effet, selon l’étude d’impact jointe au présent projet de loi, sa création ne devrait pas avoir de conséquence financière sur le programme 142 (Enseignement supérieur et recherche agricoles) de la mission « agriculture », car son budget « sera alimenté par les contributions financières de ses membres, comme c’est le cas, aujourd’hui, pour [celui du] du consortium Agreenium qui s’élève à 2,775 millions d’euros en fonctionnement pour 2012 ».

Les contributions des membres pourront en outre revêtir différentes formes : activités à temps partiel ou complet de personnels d’établissements membres dévolues à des missions portées par l’établissement, cotisations, mises à disposition d’équipements ou d’infrastructures, etc. Le budget de l’Institut évoluera donc progressivement au fil des années, au fur et à mesure du développement des activités communes qu’il portera.

● Le fonctionnement de l’Institut (article L. 812-9 nouveau)

Un décret en Conseil d’État déterminera les conditions d’organisation et de fonctionnement de l’établissement. En outre, cet acte réglementaire :

– précisera les compétences que celui-ci peut exercer par délégation de ses membres. Le ministère de l’agriculture a précisé, à ce sujet, que la formation agronomique et vétérinaire, la formation initiale et continue des agents et enseignants de l’enseignement agricole et la coopération internationale ont été identifiées comme des priorités de coopération ;

– pourra créer, au sein de l’établissement, des « structures internes » permettant des coopérations renforcées entre certains de ses membres. Trois domaines sont expressément mis en avant pour ces coopérations renforcées : la formation des personnels enseignants, d’éducation et d’encadrement de l’enseignement agricole ; l’établissement des cartes des formations agronomiques et vétérinaires ; enfin, les coopérations entre l’enseignement supérieur agricole et la recherche (alinéa 23). Selon les précisions apportées par le ministère de l’agriculture, la mise en œuvre de cette dernière faculté fera l’objet d’une concertation et d’un accord entre les parties prenantes au moment de la création de l’Institut.

● Le transfert des biens d’Agreenium à l’Institut

L’article 117 de la loi du 22 juillet 2013 relative à l’enseignement supérieur et à la recherche dispose que les établissements publics de coopération scientifique (EPCS) deviennent des communautés d’universités et établissements à la date de publication de ce texte, à l’exception de trois EPCS, dont Agreenium, qui bénéficieront, pendant encore cinq ans à compter de ce délai, de ce statut.

La disparition d’Agreenium est donc programmée et le III du présent article ne fait que l’accélérer en prévoyant que les biens, droits et obligations de ce consortium seront transférés à l’Institut agronomique et vétérinaire de France dès sa création (alinéa 28).

On rappellera qu’Agreenium a été créé sous la forme d’un EPCS par le décret n° 2009-522 du 10 mai 2009 et que cet établissement regroupe l’INRA, le Centre de coopération internationale en recherche agronomique pour le développement, et six écoles : AgroParisTech, Agrocampus Ouest, Montpellier SupAgro, l’Institut national polytechnique (INP) de Toulouse, AgroSup Dijon et Bordeaux Sciences Agro.

Le présent article précise que le transfert sera réalisé à titre gratuit et ne donnera lieu au paiement d’aucune indemnité, droit, taxe ou contribution prévue à l’article 879 du code général des impôts (alinéa 28). Quant aux droits et biens qui seront transférés, ils sont certes de nature très diverse (ressources financières notamment) mais restent modestes, Agreenium ne possédant pas de biens mobiliers, fonciers ou emprunts en propre.

4. L’accréditation d’établissements créés par un traité international

Le 4° du I du présent article tend à insérer un article L. 812-10 nouveau dans le code rural et de la pêche maritime afin de prévoir la possibilité d’accréditer, pour la délivrance de diplômes nationaux, les établissements d’enseignement supérieur, de recherche et de coopération créés par un traité intergouvernemental (alinéa 26).

Cette disposition permettra de doter l’Institut agronomique méditerranéen (IAM) de Montpellier des compétences de diplomation.

On rappellera que cet institut international de formation supérieure, de coopération et de recherche, dont les centres sont implantés dans plusieurs pays du pourtour méditerranéen, appartient au Centre international des hautes études agronomiques méditerranéennes (CIHEAM).

Cette organisation intergouvernementale a été créée par un traité signé le 21 mai 1962 à Paris et ratifié par les parlements des treize pays membres. En outre, par cet accord, notre pays s’est engagé à octroyer une dotation annuelle au secrétariat général du CIHEAM pour participer à son fonctionnement, tandis qu’il contribue au financement de l’IAM de Montpellier (40).

Cet acteur stratégique de notre système d’enseignement supérieur, qui forme les cadres de l’agriculture, de l’alimentation et du développement rural durable de la Méditerranée et contribue, de ce fait, au développement d’un grand nombre de nos partenaires, a accueilli plus de 4 000 étudiants et stagiaires depuis sa création.

Or, actuellement, cet institut n’est habilité à délivrer un diplôme national que conjointement avec des établissements français, à savoir les universités de Montpellier. Le fait qu’il ne puisse délivrer seul des diplômes français est source de difficultés, car certains États, dont les pays du Maghreb, ne reconnaissent pas, pour cette seule raison, la valeur de ces diplômes, ce dont les étudiants de l’IAM peuvent pâtir. En outre, ce dernier ne peut se positionner efficacement comme coordinateur dans des montages impliquant les programmes européens d’aide à la mobilité étudiante (Erasmus et Erasmus Mundus).

*

La Commission examine l’amendement AC18 de Mme Barbara Pompili.

Mme Michèle Bonneton. L’article 42 de la loi d’orientation et de programmation pour la refondation de l’école de la République ayant créé une nouvelle section au code de l’éducation intitulée : « L’éducation à l’environnement et au développement durable », l’amendement vise, de manière tout à fait cohérente, à ajouter à l’alinéa 4, après les mots : « à l’éducation », les mots : « à l’environnement et ».

M. le rapporteur pour avis. Cet amendement établissant une concordance entre l’article 27 du projet de loi et le rapport annexé à la loi de refondation de l’école, avis favorable.

La Commission adopte l’amendement.

Elle examine ensuite l’amendement AC27 du rapporteur pour avis.

M. le rapporteur pour avis. L’amendement vise à préciser que la veille scientifique, l'innovation et la valorisation des résultats de la recherche s'appuient notamment sur les exploitations agricoles, les halles technologiques ou les laboratoires, lesquels sont une spécificité de l'enseignement supérieur agricole. Les mentionner revient à les valoriser.

Mme Sophie Dion. Je suis satisfaite d’entendre le rapporteur pour avis me rejoindre en déclarant à son tour que le mot « notamment » permet de valoriser des structures en les mentionnant. Je voterai donc cet amendement.

Qu’on soit de droite ou de gauche, le raisonnement juridique est le même.

M. le président Patrick Bloche. Je le confirme, madame Dion.

La Commission adopte l’amendement à l’unanimité.

Puis elle examine l’amendement AC4 de Mme Sylvie Tolmont.

Mme Sylvie Tolmont. L’amendement vise à préciser ce qu’est la coopération internationale en termes d’enseignement agricole public. Il permet d’aligner les objectifs de la coopération internationale de l’enseignement agricole public sur ceux des établissements publics d'enseignement supérieur relevant du ministère de l'éducation nationale.

Il est important d’encourager les échanges internationaux qui enrichissent l’enseignement supérieur agricole français par la confrontation des pratiques et des idées.

Par ailleurs, ces échanges contribuent au rayonnement de l’enseignement supérieur agricole français.

M. le rapporteur pour avis. Les conventions d’échanges d’étudiants, d’enseignants et de chercheurs sont un outil précieux pour le rayonnement des écoles vétérinaires et agronomiques françaises. Il est donc opportun de les mentionner. Avis favorable.

Mme Sophie Dion. Je ne voterai pas cet amendement : la liste, ainsi réduite, omettra d’autres partenariats.

La Commission adopte l’amendement.

Elle examine ensuite l’amendement AC5 de Mme Martine Faure.

Mme Martine Faure. L’amendement vise à préciser ce qu’est la coopération internationale en termes d’enseignement agricole public.

M. le rapporteur pour avis. Il s’inscrit dans la même logique que le précédent. Avis favorable.

Mme Sophie Dion. Je respecte les positions du rapporteur pour avis sans les comprendre.

De toute façon, si j’ai juridiquement raison, j’ai politiquement tort, puisque je suis seule.

La Commission adopte l’amendement.

Puis elle examine l’amendement AC28 du rapporteur pour avis.

M. le rapporteur pour avis. L’alinéa 12 de l’article 27 tend à préciser que l’enseignement supérieur agricole appuie l’enseignement technique, notamment par le transfert des résultats de la recherche et la de formation de ses personnels.

Comme la formation des personnels est le premier gage d’efficacité d’un système éducatif, l’amendement vise à citer en premier cette mission et à préciser que la formation est « initiale et continue ».

La Commission adopte l’amendement.

Elle examine ensuite l’amendement AC19 de Mme Barbara Pompili.

Mme Michèle Bonneton. Le projet de loi faisant la promotion de l’agro-écologie, il est utile de rappeler ce domaine à l’alinéa 12.

M. le rapporteur pour avis. Il me paraît judicieux de prévoir une référence à l’agro-écologie à l’alinéa qui établit le lien entre l’enseignement supérieur et l’enseignement technique et agricole.

Avis favorable à la condition de remplacer le mot « particulièrement » par les mots « en particulier ».

Mme Michèle Bonneton. Je n’y vois aucun inconvénient.

La Commission adopte l’amendement AC19 ainsi rectifié.

Puis elle examine l’amendement AC15 de Mme Barbara Pompili.

Mme Michèle Bonneton. La formation est essentielle pour divulguer les connaissances et les expérimentations en agro-écologie, dont les pratiques commencent seulement à émerger.

Telle est la raison pour laquelle l’amendement prévoit la création d’un plan national de formation des intervenants en agro-écologie et en agriculture biologique, autant pour la formation initiale que pour la formation professionnelle, selon des modalités définies par décret.

M. le rapporteur pour avis. Je rappelle que les opérateurs de l’enseignement agricole, dont font partie les écoles supérieures relevant du ministre de l’agriculture et les CFPPA, devront participer à la mise en œuvre des politiques d’éducation, de recherche et d’innovation – je vous renvoie à l’alinéa 4 de l’article 26.

Ces structures devront intégrer dans leurs activités de formation les priorités définies au plan national, parmi lesquelles figure l’agro-écologie.

En revanche, préciser le contenu des plans de formation des écoles supérieures ne relève pas du domaine législatif. C’est pourquoi je vous demande de bien vouloir retirer l’amendement, faute de quoi j’y serais défavorable.

Mme Michèle Bonneton. Je retire l’amendement.

L’amendement AC15 est retiré.

La Commission examine ensuite l’amendement AC20 de Mme Barbara Pompili. 

Mme Michèle Bonneton. Il est indispensable de renforcer les liens entre les acteurs du monde agricole et les chercheurs de ces domaines. Pour cela, la recherche participative offre des atouts essentiels en favorisant la rencontre entre l’ensemble des acteurs et en créant des espaces de dialogue et d’intérêts communs.

M. le rapporteur pour avis. La loi du 22 juillet 2013, dite loi Fioraso, n’a pas consacré la notion de « recherche participative », qui vise à associer étroitement les représentants de la société civile tout en entraînant des délais de consultation considérables.

Je vous demande de bien vouloir retirer l’amendement, faute de quoi j’émettrais un avis défavorable.

Mme Michèle Bonneton. Je retire l’amendement.

L’amendement AC20 est retiré.

Puis la Commission examine l’amendement AC29 du rapporteur pour avis.

M. le rapporteur pour avis. Cet amendement vise à renommer l'Institut agronomique et vétérinaire de France (IAVF) en Institut agronomique, vétérinaire et forestier de France (IAV2F). En effet, des écoles d’ingénieurs, comme AgroParis Tech, proposent des diplômes d'ingénieur comportant une spécialité forestière.

La Commission adopte l’amendement.

Elle examine ensuite l’amendement AC30 du rapporteur pour avis.

M. le rapporteur pour avis. L'article 27 précise que le futur Institut agronomique et vétérinaire de France peut apporter au ministre de l'agriculture une expertise en matière de formation, de recherche et de développement.

Le présent amendement vise à ajouter aux trois domaines retenus par l'article le « transfert de technologie », qui constitue une part importante de l'activité des écoles relevant du ministère de l'agriculture, tout en précisant « lorsque celui-ci est possible », afin de se conformer à la rédaction de la loi Fioraso.

La Commission adopte l’amendement.

Puis la Commission examine l’amendement AC37 du rapporteur pour avis.

M. le rapporteur pour avis. Cet amendement vise à prévoir que l'Institut agronomique et vétérinaire de France participe à l'élaboration de la stratégie nationale de la recherche et de la stratégie nationale de l'enseignement supérieur, respectivement confortées et créées par la loi du 22 juillet 2013 relative à l'enseignement supérieur et à la recherche.

Il est en effet important de s’assurer que les enjeux et les priorités de l'enseignement supérieur et de la recherche agricole soient pris en compte par les deux stratégies nationales mises en œuvre par le ministère chargé de l'enseignement supérieur et de la recherche.

Mme Sophie Dion. C’est une bonne idée : je m’interroge toutefois sur la portée réductrice du mot « participe ». Ne conviendrait-il pas de prévoir explicitement un droit de vote ? En effet, la participation en tant que telle n’inclut pas la prise décision.

M. le rapporteur pour avis. Les acteurs principaux relèveront bien du monde universitaire.

Mme Sophie Dion. Dans le milieu universitaire, la participation a une signification bien plus faible que le droit de vote ou la prise de décision : elle restera donc lettre morte. Je me permets de le souligner pour conforter l’amendement.

M. le président Patrick Bloche. Le rapporteur pour avis a bien noté votre observation, madame Dion.

La Commission adopte l’amendement.

Elle examine ensuite l’amendement AC31 du rapporteur pour avis.

M. le rapporteur pour avis. L'article 27 tend à préciser les différentes catégories de membres, élus ou non, du conseil d'administration de l'Institut agronomique et vétérinaire de France, dont les modalités de désignation seront fixées par un décret en Conseil d'État.

Toutefois, comme ce conseil comprendra des personnalités qualifiées, le présent amendement vise à préciser que celles-ci doivent comprendre « autant de femmes que d'hommes » – un principe que le législateur a retenu pour les universités au moment du vote de la loi Fioraso.

La Commission adopte l’amendement.

Puis elle examine l’amendement AC32 du rapporteur pour avis.

M. le rapporteur pour avis. Dans sa rédaction actuelle, l’alinéa 23 me paraît comporter un risque en prévoyant que le décret en Conseil d’État relatif à l'Institut agronomique et vétérinaire de France peut créer des « structures internes ». Le mot « structures » peut en effet renvoyer à des composantes universitaires telles que les UFR, qui disposent de conseils élus et sont dirigées par un directeur.

Ces structures pourraient donc introduire entre les organes de direction de l’institut et ceux des écoles membres du nouvel établissement une couche intermédiaire de décision compliquant son fonctionnement.

En outre si, demain, les différentes écoles se regroupaient en fonction de leurs affinités, les écoles vétérinaires et les écoles agronomiques pourraient constituer des structures séparées, ce qui diminuerait considérablement la valeur ajoutée de l’institut.

C’est pourquoi je vous propose de supprimer la référence aux structures internes, de conserver l’outil, prévu dans l’alinéa 23, des coopérations renforcées pouvant être instituées entre certains membres – cette disposition me paraît utile pour appuyer la coordination et la mutualisation des politiques – et de prévoir la mise en place d’un réseau interne dédié à la formation – il s’agit de faire travailler en étroite coopération l’ENFA de Toulouse et Agrosup Dijon – afin que l’enseignement agricole mette en synergie l’ensemble de ses formateurs et noue des partenariats avec les ESPE de l’éducation nationale.

La Commission adopte l’amendement.

Puis elle émet un avis favorable à l’adoption de l’article 27 modifié.

*

En conséquence, et sous réserve des amendements qu’elle propose, la Commission des affaires culturelles et de l’éducation émet un avis favorable à l’adoption du titre IV du projet de loi d’avenir pour l’agriculture, l’alimentation et la forêt (n° 1548).

ANNEXE :
LISTE DES PERSONNES AUDITIONNÉES

(par ordre chronologique)

Ø Réunion de travail organisée à Pontivy le 8 novembre 2013 :

– Centre de formation d’apprentis des métiers de la production agricole de Kerel (Crédin) : M. James Gillon, chef du service Emploi Formation à la chambre d’agriculture du Morbihan

– Lycée d’enseignement agricole privé de Kerlebost (Pontivy) : Mme Brigitte Bolzec, directrice-adjointe, et M. Patrice Bihoës, responsable d’exploitation

– Lycée d’enseignement général et technologique agricole du Gros Chêne (Pontivy) : M. Franck Capdeville, proviseur

– Lycée professionnel agricole du Sullio (Saint-Jean-Brévelay) : Mme Élisabeth Rousseau, directrice

– Maison familiale rurale de Loudéac : M. Michel Uzenot, président du conseil d’administration

Ø Table ronde réunissant des représentants de syndicats d’enseignants :

– Syndicat national de l’enseignement technique agricole public-FSU (SNETAP-FSU) : M. Jean-Marie Le Boiteux, secrétaire général, et MM. Serge Pagnier et Frédéric Chassagnette, secrétaires généraux adjoints

– Syndicat général de l’éducation nationale-CFDT (SGEN-CFDT) : M. Didier Locicero, secrétaire fédéral chargé de l’enseignement agricole public, et M. Philippe Sabatier, professeur à Vetagro Sup Lyon

– Syndicat national de l’enseignement chrétien – CFTC (SNEC CFTC) : Mme Françoise Raisin, déléguée régionale agricole pour l’Île-de-France

Ø Union nationale des Maisons familiales rurales d’éducation et d’orientation – M. Xavier Michelin, président, et M. Serge Cheval, directeur

Ø M. Bernard Chevassus-Au-Louis, inspecteur général de l’agriculture

Ø VetAgro Sup Lyon : M. Stéphane Martinot, directeur

Ø AgroParisTech – M. Gilles Trystram, directeur général

Ø Agreenium (Consortium pour la recherche et l’enseignement en agriculture, alimentation, santé animale et environnement) – Mme Marion Guillou, présidente, et M. Frédéric Lapeyrie, directeur

Ø Observatoire national de l’enseignement agricole – M. Henri Nallet, président, ancien ministre

Ø Ministère de l’agriculture, de l’agroalimentaire et de la forêt – direction générale de l’enseignement et de la recherche – Mme Mireille Riou-Canals, directrice générale, M. Philippe Schnäbele, directeur général-adjoint, et M. Jérôme Coppalle, sous-directeur

Ø Conseil national de l’enseignement agricole privé – M. Philippe Poussin, secrétaire général

Ø Audition commune de représentants de syndicats agricoles :

– Confédération paysanne : Mme Marie-Noëlle Orain, secrétaire générale, M. Mikel Hirribarren, secrétaire général, et M. Jacques Bonati, juriste

– Coordination rurale : M. Laurent Devaux, secrétaire administratif de l’Union nationale des intérêts professionnels horticoles

Ø Fédération nationale des syndicats d’exploitants agricoles (FNSEA) : M. Philippe Moinard, président de la commission Enseignement Formation, et Mme Françoise Savy, chef du service Formation

Ø Table ronde réunissant des associations de parents d’élèves :

– Fédération des parents d’élèves de l’école publique : Mme Valérie Marty, présidente nationale, et M. Bruno Bes, vice-président

 Fédération des conseils de parents d’élèves des écoles publiques : Mme Nathalie Gaujac, vice-présidente, M. Michel Vincent, administrateur, et Mme Claire Herlic, administratrice nationale

Ø Union nationale rurale d’éducation et de promotion – M. Brice Pourchet, président, et M. Hervé Bizard, directeur

Ø Association des directeurs et directeurs adjoints d’EPLEFPA – M. Max Delpérié, vice-président

Par ailleurs, le rapporteur pour avis s’est entretenu avec Mme Carole Delga, Députée de Haute-Garonne, auteure du rapport sur la promotion sociale et la réussite scolaire établi à l’occasion de la concertation sur l’avenir de l’enseignement agricole.

© Assemblée nationale

1 () « L’enseignement agricole : 150 ans d’histoire », 1999.

2 () « L’enseignement agricole face aux défis de l’agriculture à l’horizon 2025 », rapport 2013 de l’Observatoire.

3 () Avis du 12 novembre 2013 présenté par Mme Jocelyne Hacquemand au nom de la section de l’agriculture, de la pêche et de l’alimentation.

4 () Les établissements privés relèvent quasiment tous de l’un des trois réseaux suivants : le Conseil national de l’enseignement agricole privé, l’Union nationale des maisons familiales rurales et d’éducation et l’Union nationale rurale d’éducation et de promotion.

5 () « L’enseignement agricole face aux défis de l’agriculture à l’horizon 2025 », rapport précité.

6 () Rapport au ministre de l’éducation nationale de la commission de la condition enseignante, présidée par M. Marcel Pochard, conseiller d’État, février 2008.

7 () Enquête annuelle 2013 sur l’insertion professionnelle à l’issue des formations suivies en MFR Bretagne, juin 2013. 947 hommes ou femmes y ont répondu.

8 () AGRALE, Agropolis International, ESTIVE, Fabelor, Pôle Ouest Alimentation et systèmes agricoles et agroalimentaires, STVE et Toulouse Agri Campus.

9 () « L’enseignement agricole face aux défis de l’agriculture à l’horizon 2025 », rapport précité.

10 () « Évaluation des stratégies et résultats de positionnement des EPLEFPA sur les principaux plans d’action publique (Écophyto 2018, Plan Agriculture Biologique horizon 2012, certification haute valeur environnementale, stratégie nationale pour la biodiversité, éducation au développement durable, programme national pour l’alimentation) », direction générale de l’enseignement et de la recherche et inspection de l’enseignement agricole, juin 2013.

11 () « L’enseignement agricole face aux défis de l’agriculture à l’horizon 2025 », rapport précité.

12 () Rapport final de la mission sur la création d’un pôle agronomique national, remis au ministre de l’agriculture, de l’agroalimentaire et de la forêt le 2 juillet 2013.

13 () « L’enseignement agricole face aux défis de l’agriculture à l’horizon 2025 », rapport précité.

14 () Avis précité du 12 novembre 2013.

15 () Projet annuel de performances de la mission « Enseignement scolaire » annexé au projet de loi de finances pour 2014.

16 () Avis précité du 12 novembre 2013.

17 () « Emplois durablement vacants et difficultés de recrutement », Conseil d’orientation pour l’emploi, 30 septembre 2013.

18 () Rapport du groupe « promotion sociale et réussite scolaire » de la concertation sur l’avenir de l’enseignement agricole, mai 2013.

19 () Cf. l’annexe comportant la liste des personnes entendues.

20 () On rappellera que le projet de loi de mobilisation des régions pour la croissance et l’emploi et la promotion de l’égalité des territoires, déposé au Sénat, prévoit que « la région organise le service public de l’orientation tout au long de la vie. Elle assure notamment à cet effet la mise en réseau de tous les services, structures et dispositifs qui concourent sur son territoire à la mise en œuvre du service public d’orientation tout au long de la vie » (article 15).

21 () Ce dernier enseignement regroupe l’éducation à la communication humaine, l’autonomie et la coopération, l’éducation à l’environnement socio-culturel et l’éducation artistique et accorde une large place à la pédagogie de projet.

22 () Selon le dernier L’état de l’enseignement supérieur et de la recherche (février 2013), en 2011-2012, 35 % des étudiants inscrits à l’université (hors IUFM) étaient boursiers.

23 () Ce mécanisme n’est pas inconnu dans la filière agricole, puisque les centres de formation professionnelle et de promotion agricole (CFPPA) peuvent recourir, dans le cadre de la formation continue, aux unités capitalisables.

24 () Le dispositif proposé ne concernera pas les bacheliers de la série « S » de ces établissements, car ils ont vocation à rejoindre les classes préparatoires aux grandes écoles.

25 () Selon le rapport précité de Mme Carole Delga.

26 () Avis précité du 12 novembre 2013.

27 () Comme l’ont suggéré lors de leur audition les représentants de la FNSEA.

28 () Rapport précité sur la création d’un pôle agronomique national.

29 () Rapport précité sur la création d’un pôle agronomique national.

30 () Rapport de mission sur la faisabilité de la création d’un « institut vétérinaire » réunissant les quatre écoles vétérinaires.

31 () Par comparaison, l’établissement d’enseignement supérieur agricole « moyen » compte, en France, seulement 600 étudiants et 75 enseignants-chercheurs et scientifiques.

32 () Rapport précité de la mission sur la création d’un pôle agronomique national.

33 () Rapport précité de la mission sur la faisabilité de la création d’un « institut vétérinaire ».

34 () Rapport du médiateur de l’éducation nationale et de l’enseignement supérieur pour l’année 2012, mars 2013.

35 () Rapport précité de Mme Carole Delga.

36 () Durant l’année universitaire 2012-2013, les bourses sur critères sociaux ont été attribuées à 4 258 étudiants de l’enseignement supérieur agricole, dont 1 745 ont bénéficié seulement de l’exonération des droits de sécurité sociale et de scolarité (échelon 0) et 2 513 ont bénéficié à la fois de l’exonération des droits de sécurité sociale et de scolarité et d’une aide financière complémentaire (échelons 1 à 6).

37 () Cf. l’avis du 12 novembre 2013 présenté par Mme Jocelyne Hacquemand et le rapport « L’enseignement agricole face aux défis de l’agriculture à l’horizon 2025 » déjà cités.

38 () Aux termes de l’article L. 123-1 du code de l’éducation, le ministre chargé de l’enseignement supérieur « assure, conjointement avec les autres ministres concernés, la tutelle des établissements d’enseignement supérieur relevant d’un autre département ministériel et participe à la définition de leur projet pédagogique ». À cette fin, il peut être représenté au sein de leur conseil d’administration.

39 () La désignation des membres des conseils d’administration par des collèges distincts constitue une garantie d’indépendance des professeurs d’université, laquelle revêt un caractère constitutionnel et résulte d’un principe fondamental reconnu par les lois de la République (décision du Conseil constitutionnel DC n° 83-165 du 20 janvier 1984).

40 () Pour 2014, la dotation se répartit entre 0,5 million d’euros pour le secrétariat du CIHEAM et 2,6 millions pour la subvention à l’IAM.