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N
° 1805

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ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

QUATORZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l'Assemblée nationale le 19 février 2014

RAPPORT

FAIT

AU NOM DE LA COMMISSION DES AFFAIRES ÉTRANGÈRES SUR LE PROJET DE LOI, ADOPTÉ PAR LE SÉNAT, autorisant l’approbation de l’accord de coopération administrative entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République de Bulgarie relatif à la lutte contre l’emploi non déclaré et au respect du droit social en cas de circulation transfrontalière de travailleurs et de services,

PAR Mme Chantal GUITTET

Députée

——

ET

ANNEXE : TEXTE DE LA COMMISSION DES AFFAIRES ÉTRANGÈRES

Voir les numéros :

Sénat : 465 (2010-2011) et 394 (2012-2013) T.A. 115

Assemblée nationale : 782.

SOMMAIRE

___

Pages

INTRODUCTION 5

I. LA BULGARIE EST UN PARTENAIRE STRATEGIQUE POUR LA FRANCE EN EUROPE DU SUD-EST 7

A. LA BULGARIE POURSUIT SA MUTATION 7

1. Une vie politique marquée par l’alternance et une défiance envers le personnel politique 7

2. Un État de droit fragile 8

3. Une résilience économique non exempte de la montée du chômage 9

4. Une politique étrangère bulgare dynamique 10

B. LA FRANCE ET LA BULGARIE : UNE AMITIÉ ANCIENNE, DES ÉCHANGES À APPROFONDIR 11

1. Un dialogue politique de qualité, à conforter 11

2. Une présence économique modeste mais en développement 12

3. Des coopérations variées, notamment dans le domaine du renforcement de l’État de droit 12

II. UN RÉGIME JURIDIQUE COMMUNAUTAIRE PERFECTIBLE EN MATIÈRE DE DÉTACHEMENT DES TRAVAILLEURS 13

A. LA RÉGLEMENTATION EN VIGUEUR 13

1. La réglementation en vigueur 14

2. Une directive qui permet des optimisations sociales et des « faux détachements » 15

B. LA PROPOSITION DE RÉVISION DE LA DIRECTIVE 16

1. La proposition de révision de la directive : un accord récemment obtenu pour lutter contre les fraudes et abus 16

2. La proposition de loi en cours d’examen 19

III. L’ACCORD FACILITE L’APPLICATION DU DROIT COMMUNAUTAIRE ET SON CONTROLE 21

A. L’ENJEU COMMUN DU DÉTACHEMENT DES TRAVAILLEURS 21

1. Les flux bilatéraux de travailleurs dans le cadre des détachements : un phénomène essentiellement d’origine bulgare 21

2. L’échange d’informations entre administrations française et bulgare est déjà pratiqué 22

3. La France a conclu des accords de coopération similaires avec plusieurs partenaires européens 22

B. UN ACCORD DE COOPÉRATION ADMINISTRATIVE ENCADRANT L’ÉCHANGE D’INFORMATIONS ET LA LUTTE CONTRE LES FRAUDES 24

1. La Bulgarie doit être soutenue dans sa lutte en faveur du respect du droit du travail et contre le secteur informel 24

2. L’historique des négociations et le contenu de l’accord 25

3. L’accord doit permettre de passer d’une logique de simple échange d’informations à des actions conjointes des services de contrôle 27

CONCLUSION 29

ANNEXE 1 31

EXAMEN EN COMMISSION 33

ANNEXE - TEXTE DE LA COMMISSION DES AFFAIRES ÉTRANGÈRES 35

INTRODUCTION

Dès 1994, notamment dans la perspective de la signature, par la Bulgarie, d’un accord d’association avec l’Union européenne, la France et la Bulgarie ont mis en place un programme de coopération dans le domaine du travail.

Le 30 mai 2008, un an après l’entrée de la Bulgarie dans l’Union européenne, un accord de coopération administrative relatif à la lutte contre l’emploi non déclaré et au respect du droit social en cas de circulation transfrontalière de travailleurs et de services, a été signé à Sofia entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République de Bulgarie.

Cet accord doit faciliter l’échange d’informations et la coopération entre les services de contrôle de nos deux pays, afin de lutter plus efficacement contre la fraude au droit du travail. Il constitue donc un outil précieux dans la mise en œuvre du droit communautaire relatif au détachement des travailleurs, qui, notamment à l’initiative de la France et suite à l’accord trouvé au Conseil du 9 décembre 2013, doit être prochainement révisé.

L’accord a été ratifié par la Bulgarie le 5 août 2008. Le Sénat l’a approuvé le 12 mars 2013. Il revient désormais à notre Assemblée d’en autoriser l’approbation.

I. LA BULGARIE EST UN PARTENAIRE STRATEGIQUE POUR LA FRANCE EN EUROPE DU SUD-EST

La Bulgarie est un partenaire politique et économique important pour la France en Europe du Sud-Est. Le renouveau de nos relations bilatérales depuis la fin de la guerre froide et le capital de confiance dont bénéficie la France doivent servir de points d’appui pour affronter les défis, tant internes que migratoires, auxquels la Bulgarie fait face.

A. LA BULGARIE POURSUIT SA MUTATION

La Bulgarie fait face à des défis politiques nombreux liés à son processus de transition démocratique. Elle conserve toutefois une réelle stabilité institutionnelle, tandis que son orthodoxie économique et sa politique de bon voisinage témoignent de sa volonté d’insertion européenne.

1. Une vie politique marquée par l’alternance et une défiance envers le personnel politique

La vie politique bulgare s’inscrit dans le cadre de la Constitution de 1991 qui institue un parlementarisme monocaméral. Le président de la république, troisième figure de l’État après le Premier ministre et le président du Parlement, est élu au suffrage universel direct. Depuis le 22 janvier 2012, cette fonction est exercée par M. Rossen Plevnéliev, ancien ministre du développement régional et des travaux publics de 2009 à 2011, partisan de l’intégration européenne de son pays et engagé dans la lutte contre la corruption.

L’opinion publique bulgare est caractérisée par une défiance chronique envers ses dirigeants. Il en résulte une alternance politique à chaque élection législative – tous les quatre ans. Au gouvernement socialiste dirigé de 2005 à 2009 par M. Stanichev, a succédé une majorité de centre droit emmenée par le charismatique ancien maire de Sofia, M. Boïko Borissov, qui a présidé aux destinées du pays de 2009 à 2013. Élu sur un discours ferme de dénonciation de l’héritage communiste et une volonté affichée de lutter contre la corruption et le crime organisé, le Premier ministre s’était fixé comme objectif l’entrée de son pays dans l’espace Schengen en 2011.

Le printemps 2013 a été le témoin d’une alternance mouvementée en Bulgarie. Le gouvernement de M. Boïko Borissov a démissionné le 20 février 2013. Cette démission inattendue a marqué la fin d’un mois de troubles intenses en février. Nées d’une protestation contre la hausse des prix de l’électricité, des manifestations violentes avaient été marquées par de nombreux blessés et deux immolations par le feu.

Des élections législatives anticipées se sont tenues le 12 mai 2012 (au lieu du mois de juillet). Si le parti du premier ministre sortant, le GuERB (Citoyens Unis pour le Développement de la Bulgarie, parti centre-droit), est arrivé en tête, son incapacité à former un gouvernement a conduit de facto à une alternance. Un gouvernement de coalition dominé par le Parti socialiste bulgare, affilié au PSE, ex-communiste, a finalement été formé le 29 mai, grâce au soutien tacite accordé par le parti nationaliste Ataka (pro-russe) et aux représentants de la minorité turcophone du Mouvement pour les Droits et Libertés (MDL, affilié ADLE, minorité musulmane). Ce gouvernement hétéroclite est dirigé par Plamen Orécharski, ancien ministre des Finances de 2005 à 2009.

2. Un État de droit fragile

La corruption est un phénomène qui reste largement répandu en Bulgarie, comme l’illustrent les rapports du mécanisme de contrôle et de vérification de la Commission européenne qui a été mis en place lors de l’entrée en 2007 de la Bulgarie dans l’Union européenne. Ainsi, en 2012, l’organisation Transparency International classait le pays au 75ème rang mondial – au dernier rang de l’UE – selon son indice de perception de la corruption. La criminalité organisée et le blanchiment d’argent constituent des problèmes à part entière et viennent nous rappeler le temps nécessaire à l’accomplissement de tout processus de transition démocratique. La persistance de dysfonctionnements dans les procédures de marchés publics est également soulignée par la Commission européenne.

La réforme de la justice revêt une importance particulière. Malgré la création d’un Conseil supérieur de la magistrature en 1991, les institutions judiciaires continuent de souffrir d’un discrédit de la part de la population.

Le renouvellement de la haute fonction publique se poursuit. Ainsi, la législature 2009-2013 a-t-elle été marquée par une révélation de la Commission d’examen de la documentation des services répressifs de la dictature communiste selon laquelle 35 ambassadeurs bulgares avaient collaboré avec ceux-ci. Ces ambassadeurs ont été rappelés à partir de mai 2011 à Sofia. Le 25 janvier 2012, le ministre des Affaires étrangères de l’époque, N. Mladénov, avec l’appui du nouveau président R. Plevnéliev, a entrepris un vaste mouvement de renouvellement, avec la nomination de vingt-quatre nouveaux ambassadeurs.

La situation des médias est préoccupante. Le secteur reste dominé par un cercle d’oligarques, et les pratiques de publicité cachée et de reportages payés sont courantes. De façon générale, les journalistes manquent de l’indépendance nécessaire pour traiter certains sujets sensibles. Reporter sans frontières classe ainsi en 2013 la Bulgarie au 87ème rang mondial pour le pluralisme et l’indépendance de sa presse.

Ces carences de l’État de droit, qui doivent être replacées dans le contexte d’une transition démocratique amorcée il y a à peine une vingtaine d’années, obère les chances d’une entrée à court terme de la Bulgarie dans l’espace Schengen. Le dernier rapport du mécanisme de contrôle et de vérification (MCV) de l’UE, publié en juillet 2012, tout en relevant des progrès, confirme la persistance de lacunes importantes en matière de gouvernance. Et s’il n’y a guère de lien juridique entre le MCV et l’adhésion à Schengen, il n’en reste pas moins que les problèmes pointés par le premier ont des répercussions sur la capacité du pays à assurer la sécurité de l’espace Schengen, et sur sa perception par ses partenaires européens.

Pour mémoire, la Bulgarie comprend plusieurs frontières « externes » de l’Union européenne, notamment avec la Turquie, carrefour important pour le passage des migrants clandestins à destination de l’Europe. Si la situation est globalement stable pour la plupart des frontières bulgares, l’interface avec la Turquie reste une zone sensible. Ainsi les données statistiques pour l’année 2012 indiquent-elles un triplement des interpellations à la frontière verte bulgaro-turque, où ont été réalisées 90 % des 2356 interpellations de clandestins tentant d’entrer illégalement en Bulgarie. Ces données, qui suggèrent une pression migratoire accrue en provenance de Turquie, peuvent s’expliquer par plusieurs facteurs : le renforcement du dispositif de surveillance grec dans la zone voisine d’Orestiada, l’augmentation du nombre de migrants syriens fuyant la guerre, ainsi que l’activité accrue de la police bulgare, qui bénéficie depuis 2012 d’un système intégré de surveillance sur une portion de la frontière verte bulgaro-turque.

Enfin la question des Roms demeure problématique. Ils constituent une minorité numériquement importante mais mal intégrée. Le pourcentage de citoyens d’origine rom au sein de la population totale s’élève à environ 10 %, soit 750 000 personnes. Beaucoup vivent en périphérie des grandes villes, dans des quartiers aux conditions de vie particulièrement dégradées : logements insalubres, peu ou pas d’eau courant, absence fréquente de services sociaux. Si les violences contre les Roms sont exceptionnelles, à l’instar des violences intercommunautaires en général, on rappellera cependant les émeutes anti-Roms du mois de septembre 2011 qui ont eu lieu dans plusieurs villes du pays. La stratégie nationale pour l’intégration des Roms demeure timide, même si l’amélioration de l’absorption des fonds européens laisse espérer que ces communautés marginalisées bénéficieront plus substantiellement des programmes de l’UE.

3. Une résilience économique non exempte de la montée du chômage

La Bulgarie, qui reste le pays le plus pauvre d’Europe, fait preuve d’un dynamisme économique certain dans un contexte régional pourtant dégradé. Son produit intérieur brut s’élève en 2012 à 39,6 milliards d’euros, portant le revenu moyen à 5 250 euros par habitant. Après avoir subi de plein fouet le choc de la crise économique – récession de 5,5 % en 2009, après des taux de croissance de 6 % depuis 2004 –, la croissance repart à partir de 2011 (1,7 %) et est confirmée en 2012 (1%). Les prévisions de croissance sont positives pour 2013 (1,9 % selon la BERD) avec une reprise attendue des exportations et de la demande intérieure. Les flux d’investissements directs, qui se sont fortement taris depuis la crise, ont repris en 2012 (croissance de 15 % sur les onze premiers mois).

Les fonds structurels européens ont joué un rôle-clef en 2012, la Bulgarie étant parvenue à accélérer nettement l’absorption de ces fonds (de 19 % fin 2011 à 35 % fin 2012).

L’objectif principal du gouvernement est de respecter les critères de convergence en vue d’une adhésion à l’euro. La Bulgarie se singularise dans l’Union européenne par la situation de ses finances publiques, particulièrement saines, avec un déficit budgétaire de 0,45 % et une dette publique de 14,75 % pour l’année 2012 (en baisse par rapport à 2011). Cette gestion budgétaire sourcilleuse devrait être poursuivie en 2013, la loi de finances de 2013 prévoyant un déficit de 1,3 % du PIB.

Le prix de cette orthodoxie financière en période de ralentissement économique en Europe est la montée rapide du chômage qui, avec un taux de 12,3 % en 2012, s’établit à un niveau inédit dans le pays. Ce point noir de l’économie s’inscrit dans un contexte de vieillissement de la population (taux d’accroissement de la population négatif : - 0,6 %) et d’une forte émigration des jeunes.

4. Une politique étrangère bulgare dynamique

La diplomatie bulgare est engagée en faveur de l’insertion du pays dans les instances euro-atlantiques et européennes, sans négliger ses liens historiques avec la Russie.

La Bulgarie est devenue membre à part entière de l’Alliance atlantique en avril 2004. Les autorités bulgares ont par ailleurs fait montre de leur engagement auprès des États-Unis, envoyant jusqu’à 7 000 soldats en Afghanistan et participant à la coalition conduite par Washington en Irak à partir de 2003. La Bulgarie s’est engagée dans plusieurs missions otanienne, notamment « KFOR » au Kosovo et « Ocean Shield » au large de la Corne de l’Afrique, et fait partie de la NATO Response Force.

La Bulgarie participe également à la sécurité internationale par l’envoi de contingents sous drapeau européen. Le pays a participé en 2012 à plusieurs opérations organisées par l’Union européenne : EUFOR Althéa en Bosnie Herzégovine (les 140 hommes déployés ont été remplacés en 2012 par une force de réserve basée en Bulgarie), mission de surveillance en Géorgie (EU monitoring mission), opération Atalante dans l’océan indien (EU Navfor), mission de police en Afghanistan (EU Police Mission). La Bulgarie a également fourni quatre personnels militaires pour la mission d’entraiment au Mali (EUTM Mali).

Sofia s’est par ailleurs engagé dans une politique de bon voisinage avec la Grèce, la Turquie ainsi que la Roumanie, et entretient des relations normalisées avec l’ensemble de ses voisins. Elle a reconnu l’indépendance du Kosovo un mois après sa déclaration d’indépendance et soutient la perspective européenne des Balkans occidentaux, tout particulièrement de l’ancienne République yougoslave de Macédoine. Avec ce dernier pays dont elle est liée par l’histoire et la culture, les relations bilatérales ne sont toutefois pas exemptes de tensions, Sofia ayant tendance à accorder facilement la nationalité bulgare aux ressortissants macédoniens, ce qui a pu irriter Skopje.

La relation de la Bulgarie avec la Russie est traditionnellement étroite et perçue de manière positive par une part significative de la population. Les investissements russes sont très présents dans l’économie bulgare. Le secteur bulgare de l’énergie est par ailleurs très lié à Moscou : plus de 50 % du charbon utilisé dans le pays est importé de Russie, le combustible nucléaire alimentant les deux réacteurs bulgares est intégralement russe, les importations bulgares de pétrole brut et de gaz naturel proviennent respectivement à 94 % et 97 % de Russie. Si le lien entre Sofia et Moscou peut évoluer en fonction des alternances politiques (approfondissement des relations sous le gouvernement Stanichev (2005-2009)), il n’est pas remis en cause (préservation du capital politique sous le gouvernement Borissov (2009-2013)).

B. LA FRANCE ET LA BULGARIE : UNE AMITIÉ ANCIENNE, DES ÉCHANGES À APPROFONDIR

Paris bénéficie traditionnellement d’un capital de sympathie avec Sofia, qui est confirmé par le développement du dialogue politique bilatéral depuis le début des années 2000. La France n’en reste pas moins encore un acteur économique secondaire en Bulgarie, mais les défis institutionnels et sociétaux rencontrés par cette dernière ouvrent la voie au développement de coopérations multiples.

1. Un dialogue politique de qualité, à conforter

Le capital de confiance qui règne entre nos deux pays s’appuie sur le souvenir de la visite historique du Président F. Mitterrand en janvier 1989, toute première rencontre d’un chef d’État occidental avec des dissidents bulgares, sous la dictature de Todor Jivkov. Il est conforté par le soutien de la France à la double candidature de la Bulgarie à l’OTAN (2004) et à l’Union européenne (2007), ainsi que par le rôle du Président Sarkozy dans la libération des infirmières bulgares en juillet 2007. Cette connivence politique a conduit à la signature d’un partenariat stratégique à Paris le 4 juillet 2008.

Le dialogue bilatéral a toutefois connu ces dernières années une séquence en demi-teinte. Après la visite du Président Sarkozy à Sofia en octobre 2007, suivie des déplacements en France des premiers ministres Stanichev et Borissov respectivement en 2008 et 2009, les visites françaises se sont espacées. Par ailleurs, le débat autour de la candidature de la Bulgarie et de la Roumanie à l’espace Schengen, ainsi que les polémiques entourant le séjour des Roms en France, bien qu’essentiellement franco-roumaines, ont suscité de l’incompréhension à Sofia. Les visites du ministre des Affaires européenne, B. Cazeneuve, à Sofia en octobre 2012 et du Président bulgare, R. Plevnéliev, à Paris le 28 janvier 2013 semblent toutefois avoir ouvert une nouvelle fenêtre d’opportunité pour le renforcement de nos relations politiques.

La Bulgarie apparaît tout particulièrement demandeuse d’un soutien sur sa candidature à l’espace Schengen et avait marqué son intérêt pour l’ouverture en deux temps des frontières (frontières aériennes et fluviales, avant celles terrestres) proposées à l’automne 2011 par la France et l’Allemagne, restée jusqu’alors en suspens.

2. Une présence économique modeste mais en développement

Bien que nos échanges commerciaux bilatéraux aient progressé de 80 % en dix ans, la France demeure un partenaire économique relativement modeste pour la Bulgarie : 8ème fournisseur avec une part de marché de 3,3 % et 6ème client. Le commerce bilatéral entre nos deux pays s’élevait en 2011 à 1,474 milliards d’euros. Il est chroniquement déficitaire (233 millions d’euros en 2011, 116 millions en 2012).

En matière d’investissements, avec une place de 7ème investisseur étranger, la France n’apparaît là encore guère à la hauteur de son poids en Europe. La présence française tend toutefois à s’accroître, tirée en 2012 par les investissements d’entreprises comme Carrefour, Schneider Electric, Montupet ou Accor. On compte ainsi une centaine d’implantation française, employant environ 7 500 personnes. Enfin, des marchés pourraient à l’avenir se matérialiser pour des entreprises du secteur aéronautique et de défense (Thalès, Eurocopter, MBDA).

Le dispositif de soutien et d’animation de la communauté d’affaires française a été renforcé en 2012 par l’ouverture d’un bureau Ubifrance. Ce dernier vient compléter un réseau d’affaires composé de 14 conseillers du commerce extérieur de la France (CCEF) et de la Chambre de commerce franco-bulgare (CCFB).

La communauté française en Bulgarie comprend quelque 1 000 personnes enregistrées au Consulat, auxquels il convient d’ajouter environ 200 ressortissants non-enregistrés.

3. Des coopérations variées, notamment dans le domaine du renforcement de l’État de droit

Les actions de coopération pilotées par notre Ambassade à Sofia comportent un volet gouvernance qui a bénéficié en 2012 d’une enveloppe globale de près de 150 000 euros. Trois champs d’intervention sont privilégiés : le renforcement des capacités administratives et consolidation de l’État de droit, les actions d’intégration sociales et d’appui à la prévention sanitaire, la valorisation du savoir-faire français. Parmi les coopérations concrètes réalisées ou poursuivies, on notera des échanges sur la méthodologie des relations interministérielles (faisant l’objet d’un partenariat conclu en 2011 entre le conseil des Ministres bulgare et le SGAE), le soutien au partenariat conclu en 2011 entre l’Institut national de Justice bulgare et l’École nationale de la Magistrature en vue de l’amélioration des capacités judiciaires, une quinzaine de bourses ENA (pour l’année 2012), le soutien à la lutte contre les discriminations par l’appui à trois ONG rom ou encore le lancement en janvier 2012, en collaboration avec les autorités bulgares, d’un projet intitulé « Prévention du trafic d’êtres humains issus de groupes ethniques vulnérables, notamment de la minorité rom », pour une durée prévue de 26 mois.

La présence culturelle de la France bénéficie quant à elle d’une longue tradition, notamment au travers de sa langue. Estompée sous l’ère communiste mais réactivée à la chute du Mur sous l’impulsion de dirigeants francophones et francophiles, la francophonie a repris corps en Bulgarie avec l’adhésion du pays en 1993 à l’Organisation internationale de la Francophonie. La langue française serait ainsi comprise par environ 8 % des Bulgares. Enfin, la visite en Bulgarie du directeur du musée du Louvre, Henri Loyrette, à l’été 2011, la signature d’une convention avec le ministère bulgare de la Culture en janvier 2012 et la préparation pour le printemps 2014 d’une exposition au Louvre sur la civilisation Thrace témoignent du dynamisme de la coopération culturelle de nos deux pays.

II. UN RÉGIME JURIDIQUE COMMUNAUTAIRE PERFECTIBLE EN MATIÈRE DE DÉTACHEMENT DES TRAVAILLEURS

A. LA RÉGLEMENTATION EN VIGUEUR

La Commission européenne estimait en 2009 qu’environ un million de travailleurs sont détachés chaque année par leur employeur dans un autre État membre. En ce qui concerne la France, et selon la Direction générale du travail, le nombre de déclarations de détachement progresse à un rythme soutenu ; 45 000 déclarations de détachement ont été effectuées en 2011, équivalent à 145 000 salariés détachés, soit une croissance de 17 % par rapport à l’exercice précédent.

La France est aussi fortement utilisatrice de la procédure du détachement de travailleurs, puisque le nombre de salariés français détachés à l’étranger est estimé à environ 350 000 personnes, pour environ 170 000 déclarations de détachement en 2012.

Les Commissions des Affaires européennes du Sénat puis de l’Assemblée nationale se sont penchées cette année sur la directive relative au détachement des travailleurs (directive 96/71/CE du 16 décembre 1996). Le rapport d’information du sénateur Eric Bocquet, n° 527 du 18 avril 2013, comme le rapport des députés Gilles Savary, Chantal Guittet et Michel Piron, n° 1087 du 29 mai 20131, s’attachent à présenter la réglementation européenne applicable en matière de détachement des travailleurs, à en souligner les carences, qui conduisent à des pratiques d’optimisation sociale en progression, et à analyser la proposition de révision de la directive de la Commission européenne, jugée insuffisante et en outre mal engagée.

1. La réglementation en vigueur

C’est la jurisprudence de la Cour de justice de l’Union européenne qui a progressivement imposé le principe du pays d’accueil, surtout dans son arrêt Rush Portuguesa du 27 mars 1990 (sous-traitance par Bouygues à cette société portugaise de travaux sur le TGV Atlantique avec 46 salariés détachés). Dans cet arrêt, elle précise que le détachement relève de la libre prestation de services, que les États sont fondés à contrôler qu’il n’existe pas un détournement de la libre prestation de services et à imposer leur législation ou les conventions collectives aux prestataires de services étranger.

La directive sur le détachement des travailleurs du 16 décembre 1996 organise ces principes en instituant un socle des conditions de travail et d’emploi à respecter, « noyau dur » de règles de droit du travail qui s’appliquent aux entreprises.

La directive du 16 décembre 1996 vise trois types de détachement

La directive du 16 décembre 1996 vise trois types de détachement :

- le détachement dans le cadre d’un contrat conclu entre l’entreprise d’envoi du travailleur et le destinataire de la prestation de services (« contrat ou sous-traitance ») ;

- le détachement sur le territoire d’un autre État membre, dans un établissement ou dans une entreprise appartenant au groupe (« transferts internes ») ;

- la mise à disposition d’un travailleur par une entreprise de travail intérimaire ou une agence de placement, l’entreprise utilisatrice étant établie sur le territoire d’un autre État membre.

Le noyau dur, repris à l’article L. 1262-4 du code du travail, comprend :

- les périodes maximales de travail et les périodes minimales de repos ;

- la durée minimale des congés annuels payés ;

- le taux de salaire minimal, y compris ceux majorés pour les heures supplémentaires (cela ne s’applique pas aux régimes complémentaires de retraite professionnels) ;

- les conditions de mise à disposition des travailleurs, notamment par des sociétés d’intérim ;

- la sécurité, la santé et l’hygiène au travail ;

- les mesures de protection applicables aux conditions de travail et d’emploi des femmes enceintes et des femmes venant d’accoucher, des enfants et des jeunes ;

- l’égalité de traitement entre hommes et femmes ainsi que les autres dispositions en matière de discrimination.

Les États membres peuvent imposer des conditions de travail et d’emploi autres que celles prévues dans le noyau dur afin de garantir l’ordre public. Les travaux liés à la fourniture d’un bien et inférieurs à huit jours sont exclus du champ d’application du noyau dur. Les États membres ont par ailleurs la faculté de dispenser les entreprises étrangères du respect des règles relatives au salaire minimum si la durée du détachement est inférieure à un mois. En outre, si les travaux sont considérés comme de faible ampleur, il est possible pour un État membre de prévoir des dérogations aux règles relatives au salaire minimum et aux congés annuels.

2. Une directive qui permet des optimisations sociales et des « faux détachements »

Plusieurs carences ont été relevées dans le texte même de la directive. Par ailleurs, l’interprétation qu’en a eue la Cour de justice a eu des conséquences très contrastées sur la possibilité d’en faire un outil d’harmonisation des droits sociaux des travailleurs. La Cour considère en effet la directive comme une exception aux obligations générales des traités visant à éliminer les obstacles à la libre circulation. Dès lors tout ce qui n’est pas expressément prévu constitue potentiellement un tel obstacle.

Le cas le plus emblématique d’optimisation sociale est celui de l’abattage de la viande dans des pays ne disposant pas de salaires minimum et où l’on constate un phénomène d’utilisation massive de travailleurs venus d’un autre pays et rémunérés à un salaire inférieur à celui versé aux travailleurs nationaux. La Belgique a engagé en mars 2013 une procédure en infraction contre l’Allemagne, où les travailleurs étrangers seraient employés systématiquement à des tarifs horaires allant de 3 à 8 euros de l’heure, mettant en difficulté toute la filière dans d’autres pays européens, dont la France.

A ces détournements de la directive, s’ajoutent des pratiques frauduleuses. Des prestataires de services peu scrupuleux offrent à des entreprises nationales parfois non moins peu scrupuleuses, des salariés « à bas coûts », en maquillant les conditions de détachement pour répondre formellement aux conditions d’application de la directive. Le ministère du travail estime ainsi par exemple entre 220 000 et 300 000 le nombre de salariés « à bas coûts » présents sur le territoire français sans avoir fait l’objet d’une déclaration préalable de détachement.

Le plus souvent, une entreprise « coquille vide » (qui n’exerce aucune activité significative dans son pays d’origine), ou « boîte aux lettres » (filiale de simple domiciliation d’une entreprise issue d’un pays où les charges sociales sont élevées) implantée dans un pays où les charges sociales ne sont pas élevées, emploie des travailleurs, qui peuvent venir d’un autre pays, et les détache auprès d’une entreprise dans un troisième pays de l’Union. Certains montages sont plus élaborés en ce qu’ils se caractérisent par une chaine d’intermédiaires de pays tiers entre pays d'origine et pays d'accueil de la main-d'œuvre, rendant plus difficile encore le contrôle.

B. LA PROPOSITION DE RÉVISION DE LA DIRECTIVE

1. La proposition de révision de la directive : un accord récemment obtenu pour lutter contre les fraudes et abus

M. José Manuel Barroso avait déclaré devant le Parlement européen le 15 septembre 2009 que l’interprétation et la mise en œuvre de la directive ne répondaient pas aux attentes, et avait envisagé un règlement visant à résoudre les problèmes et à lutter contre le « dumping social » en Europe.

C’est finalement un projet de directive d’exécution qui a été présenté le 21 mars 2012. Moins ambitieux, il a donné lieu à des dissensions importantes, avec deux groupes de pays : les pays partisans d’une ligne plus protectrice des droits sociaux (France, Belgique, Espagne, Italie, Portugal et, dans une certaine mesure, l’Allemagne) et les pays partisans d’une correction a minima du dispositif actuel (Royaume-Uni et nouveaux États membres).

L’article 3 de la directive a pour objet de préciser la notion de détachement afin de prévenir les abus. Il prévoit que les autorités de contrôle des États membres relèvent un certain nombre d’éléments en vue d’apprécier si l’entreprise qui détache ses salariés exerce réellement une activité substantielle dans le pays où elle est affiliée et si les conditions d’application de la directive sont bien respectées. Or, certains États membres, principalement les « nouveaux États membres » et le Royaume-Uni, préféreraient une liste fermée à la méthode du faisceau d’indices que la France souhaite évidemment maintenir et qui est seule à même de permettre la mise en œuvre des contrôles. Le sénateur Bocquet propose à cet égard une harmonisation du formulaire de déclaration de détachement et une labellisation des sociétés qui détachent correctement des salariés pour faciliter la sélection par les entreprises nationales de leurs partenaires. A l’inverse, les députés préconisent la création d’une liste noire.

Les articles 4 et 5 traitent du rôle des bureaux de liaison et des mesures à mettre en œuvre pour améliorer l’accès à l’information sur les conditions de travail et d’emploi, et notamment sur le salaire minimum et la méthode de calcul de la rémunération due. Les articles 6, 7 et 8 traitent du renforcement de la coopération administrative entre les États membres, et proposent notamment que les États membres soient désormais tenus de répondre dans les deux semaines qui suivent la réception d’une demande d’information d’un de leur partenaire, hors mécanisme d’urgence impliquant une transmission sous vingt-quatre heures pour les situations dites « particulières ». Ces dispositions sont des avancées mais leur portée opérationnelle demeure sujette à caution.

L’article 10 invite les États membres à ce que des mesures de vérification et des mécanismes de contrôle appropriés soient mis en place et des inspections efficaces et adéquates soient effectuées sur leur territoire pour s’assurer du respect des dispositions de la directive. L’article 9 dresse de manière limitative la liste des mesures nationales de contrôle et exigences administratives, au nombre de trois, que les États membres peuvent imposer aux entreprises étrangères détachant des travailleurs sur leur territoire. La France, mais aussi l’Allemagne, la Belgique, ou encore l’Espagne, s’opposent à ce type de liste. Pour ces États, seule une liste ouverte est garante de l’autonomie des États, de leur pouvoir d’investigation, et de leur capacité à combattre la fraude au détachement. Ce point est d’autant plus important que la jurisprudence de la Cour de justice de l’Union européenne a une interprétation restrictive des procédures administratives et de contrôle compatibles avec la libre prestation de services.

Les articles 11 à 17 sont consacrés à l’exécution. La Commission européenne invite ainsi les États membres à se doter de mécanismes de recours permettant au travailleur détaché de porter plainte contre son employeur, lorsqu’il estime avoir subi un préjudice en raison du non-respect des règles applicables, tandis que les salariés lésés doivent pouvoir s’appuyer sur les organisations syndicales pour ester en justice. Le sénateur Bocquet comme les députés propose d’autoriser les syndicats à engager des procédures sans l’approbation du travailleur.

Parmi ces articles, l’article 12 institue une responsabilité conjointe et solidaire du donneur d’ordre, qui pourra se substituer légalement à son sous-traitant direct et être tenu responsable du non-paiement du salaire minimal, de tout arriéré ou de tout prélèvement indu sur la rémunération du travailleur détaché. Le donneur d’ordre ayant fait preuve de la diligence nécessaire serait toutefois exonéré de toute responsabilité. Si le texte laisse la possibilité aux États membres d’étendre ce dispositif aux autres secteurs, la portée de la directive est limitée pour l’instant au seul secteur de la construction. La France souhaite que cet article s’applique à d’autres secteurs et à la chaîne de sous-traitance.

Au-delà de la directive, le sénateur Bocquet souligne l’importance d’avancer sur la modification du règlement 883/2004 relatif à la coordination des régimes de sécurité sociale, qui prévoit aujourd’hui une simple obligation d’affiliation au régime du pays d’origine au moins un mois avant le détachement, sans condition d’exercice d’une activité au sein de l’entreprise avant le détachement.

Les députés proposent quant à eux dans leur résolution :

– la création d’une Agence européenne de contrôle du travail mobile en Europe ;

– la création d’une carte du travailleur européen, électronique, qui permette de contrôler plus facilement les salariés et les entreprises ;

– l’introduction dans l’Union d’une notion de salaire minimum de référence, professionnel ou interprofessionnel ;

– la mise en place par la Commission européenne d’un moratoire de toute initiative législative sur le cabotage routier, qui n’est pas couvert par la directive, en l’absence d’un renforcement significatif de la législation européenne ;

– la mise en place en droit français d’un recours contre le donneur d’ordre qui aura bénéficié d’une prestation facturée en-dessous des prix français en toute connaissance de cause et de l’obligation nouvelle pour le donneur d’ordre de déclarer l’emploi d’une entreprise sous-traitante, cette déclaration s’ajoutant à celle faite par l’entreprise qui détache les salariés.

Le Conseil « Emploi, politique sociale, santé et consommateurs », qui s’est tenu le 9 décembre 2013, est parvenu à dégager un accord d’orientation générale sur ce texte.

Le compromis obtenu à l’arrachée prévoit notamment à l’article 9, la création d’une liste ouverte (et non pas fermée comme le prévoyait la proposition de la Commission) de mesures nationales de contrôle – une liste de mesures de contrôle justifiées, proportionnées et eurocompatibles sera fixée mais d’autres mesures pourront être introduites par les États membres après avoir obtenu l’aval de la Commission – et, à l’article 12, un principe de responsabilité conjointe et solidaire obligatoire dans le secteur de la construction, assorti d’une alternative laissant la possibilité aux États membres, en lieu et place de ces règles de responsabilité conjointe, d’instaurer un dispositif de sanction du cocontractant d’effet équivalent. Ce mécanisme de responsabilité conjointe et solidaire revêt en revanche un caractère facultatif dans les autres secteurs, comme l’agriculture, l’agro-alimentaire ou les transports.

Il n’en reste pas moins que cette victoire politique de la France appelle la recherche d’un compromis avec le Parlement européen, dont le rapport de la Commission Emploi adopté le 20 juin 2013, va plus loin que l’accord du 9 décembre sur les articles 9 et 12 puisqu’il étend la responsabilité conjointe et solidaire à tous les secteurs et à tous les maillons de la chaîne de sous-traitance.

Un premier trilogue a rassemblé les négociateurs du Parlement, du Conseil et de la Commission européenne le 14 janvier dernier, et a permis de dégager un consensus quasi-total sur l’objet de la directive d’exécution (article1er), les définitions (article2), le rôle des bureaux de liaisons (article4) et les moyens d’améliorer l’accès à l’information (article5). Le 23 janvier, une seconde réunion, cette fois-ci consacrée à l’article 3, a consenti aux États membres de s’accorder sur une liste indicative de critères permettant de déceler les sociétés boîtes-aux-lettres ainsi que les faux-travailleurs détachés. Quatre autres trilogues devraient suivre pour aboutir à un accord interinstitutionnel, qui, une fois adopté, devra être transposé dans les deux ans à compter de l’entrée en vigueur de la directive, conformément aux dispositions inscrites à son article 20.

2. La proposition de loi en cours d’examen

Fruit d’un rapport d’information et d’une résolution européenne de notre Assemblée adoptée le 11 juillet 2013, une proposition de loi (2) a été déposée le 8 janvier 2014, et sera prochainement examinée par le Sénat. Elle vise, autant que faire se peut, à s’inscrire dans les angles morts du droit européen en vigueur, tout en respectant ses principes généraux, afin d’éviter qu’elle fasse l’objet d’un recours en manquement devant la Cour de Justice de l’Union européenne.

Son objet est, sans remettre en cause le principe du détachement, de limiter les cas où ce système favorise les abus. Il s’agit tout à la fois d’anticiper la transposition de la directive d’application en cours de procédure législative européenne, notamment pour ce qui concerne la responsabilité conjointe et solidaire du donneur d’ordre et du maître de l’ouvrage, en la généralisant à tous les secteurs d’activités, au-delà du seul secteur du bâtiment, mais aussi de mettre en place des mesures spécifiquement nationales, de nature générale et sectorielle, qui pourraient avoir vocation à inspirer leur généralisation au niveau communautaire par une initiative de la Commission européenne de lutte contre la concurrence inégale par dumping social. 

La proposition de loi s’inscrit dans le prolongement et en transposition anticipée des acquis politiques et juridiques, particulièrement appréciables, obtenus le 9 décembre dernier par le gouvernement français au Conseil EPSCO, sur la proposition de directive relative à l’exécution de la directive 96/71/CE.

Cette initiative française ne se limite cependant pas à une simple transposition ; elle entend mettre progressivement en place une « boîte à outil » juridique permettant de prévenir et de sanctionner le développement de plus en plus systématique de pratiques de dumping social, particulièrement délétères pour les économies, les marchés du travail et le financement des systèmes sociaux.

Elle constitue donc le maillon national et subsidiaire, de première urgence, d’un ensemble de dispositions législatives nationales et européennes susceptibles de moraliser le détachement, d’en éviter les excès et les abus caractérisés, et par là même de rééquilibrer des conditions de concurrence déstabilisées par le développement d’un véritable « business » international du travailleurs low cost.

Si les 350 000 travailleurs détachés estimés en France en 2012 (dont les 169 613 travailleurs officiellement déclarés) représentent moins de 2 % de la population active française et contribuent à part entière à la production de valeur et à l’économie nationale, dans des secteurs souvent sous tension dans un pays qui compte plus de 400 000 offres d’emploi non pourvues, il s’avère que leur forte concentration, notamment dans les métiers du bâtiment et travaux publics, de l’agro-alimentaire, des transports ou encore du travail temporaire, met en péril les entreprises, notamment les plus petites, de ces secteurs d’activités déjà affaiblis par la crise.

La proposition de loi vient également en complément des chantiers qui ont été engagés par le ministre du travail de l’emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social.

Présenté en novembre 2012, un nouveau plan de lutte contre le travail illégal pour la période 2013-2015, décliné à l’échelle départementale par le comité opérationnel départemental anti-fraude (CODAF), prévoit notamment une politique de prévention mobilisant l’ensemble des acteurs (partenaires sociaux et administrations) mais aussi l’intensification et l’amélioration des contrôles par la professionnalisation et la coopération renforcée des services d’inspection du travail. Cette dimension est d’ailleurs au cœur de l’article 20 du projet de loi relatif à la formation professionnelle, à l’emploi et à la démocratie sociale, présenté le 22 janvier en Conseil des Ministres. Il renforce les moyens de contrôle des inspecteurs et leur permet d’infliger des amendes aux entreprises, grâce à un nouveau mécanisme de sanction administrative, au-delà de la seule voie pénale. En outre, les inspecteurs pourront interrompre des travaux en cas de danger dans tous les secteurs, alors que seul le BTP était jusqu’à présent concerné. Ce projet s’inscrit par ailleurs dans le cadre d’une réforme modifiant l’organisation de l’inspection du travail et créant notamment des unités de contrôle spécialisées, réunissant 8 à 12 agents. Elles permettront de mieux appréhender les différentes formes de travail illégal, notamment les fraudes au détachement des travailleurs, dissimulées dans des systèmes de sous-traitances en cascade.

III. L’ACCORD FACILITE L’APPLICATION DU DROIT COMMUNAUTAIRE ET SON CONTROLE

A. L’ENJEU COMMUN DU DÉTACHEMENT DES TRAVAILLEURS

1. Les flux bilatéraux de travailleurs dans le cadre des détachements : un phénomène essentiellement d’origine bulgare

Le détachement de travailleurs étrangers sur le territoire bulgare demeure un phénomène limité : le nombre de travailleurs détachés en Bulgarie, qu’ils soient originaires d’États membres de l’UE ou de pays tiers, était estimé en 2009 à 120.

La population concernée par le présent accord est donc majoritairement composée de travailleurs bulgares. Le nombre de déclarations de détachement effectuées par des entreprises bulgares opérant en France ainsi que celui de travailleurs bulgares travaillant en France dans le cadre d’un détachement sont en augmentation ces dernières années : de 152 déclarations pour 912 travailleurs détachés en 2008 à 980 déclarations pour 5 700 travailleurs détachés en 2011.

Le phénomène du détachement en France de travailleurs d’origine bulgare reste toutefois limité quand on le rapporte au phénomène global du détachement de travailleurs communautaires en France, dont il suit la courbe ascendante.

Ainsi, en 2008, on comptait 31 000 déclarations émanant d’entreprise européennes opérant en France pour 95 000 travailleurs communautaires détachés, tandis que pour l’année 2011 les chiffres atteignent 45 000 déclarations pour 145 000 travailleurs détachés et en 2012, 59 918 pour 169 000 travailleurs détachés.

Le tableau ci-dessous, qui mesure le poids des entreprises et travailleurs détachés bulgares en France en rapport au phénomène global des détachements d’origine communautaire sur le territoire français, résume ces tendances. Par définition, il ne permet pas d’évaluer le phénomène du détachement illégal de travailleurs non déclarés.

 

2008

2009

2010

2011

2012

 

Bulgarie

Total

Bulgarie

Total

Bulgarie

Total

Bulgarie

Total

Bulgarie

Total

Nombre de déclarations de détachement

152

31 000

268

35 000

697

38 000

980

45 000

1 509

59 918

Nombre de salariés concernés

912

95 000

1 228

105 744

2 931

111 320

5 744

145 000

8 219

169 000

Source : Ministère français des Affaires étrangères

D’après le rapport d’analyse des déclarations de détachement des entreprises prestataires en France établi par la Direction générale du Travail (DGT) pour l’année 2012, avec 8 200 salariés, le nombre de déclarations de salariés détachés bulgares a augmenté de 43 % (après une augmentation de 9 % en 2011).

Le nombre de salariés bulgares travaillant en France dans le cadre d’un détachement déclaré représente 5 % de l’ensemble des travailleurs communautaires détachés sur notre territoire (4 % en 2011). Cette croissance concerne principalement le secteur agricole où les déclarations de détachement proviennent principalement d’entreprises de travail temporaire bulgares qui interviennent pour effectuer des saisons (viticulture, arboriculture, horticulture, cultures spécialisées).

2. L’échange d’informations entre administrations française et bulgare est déjà pratiqué

Une coopération administrative en matière de contrôle des détachements et de lutte contre le travail illégal est déjà pratiquée par les bureaux de liaison de chacun des pays. Depuis trois ans, des échanges de bonne qualité se développent : d’un seul échange d’informations en 2008 (sur 158 pour l’ensemble des échanges effectués par les autorités françaises avec leurs partenaires européens), on en comptait 22 en 2012 (sur 558 au total).

En règle générale, le bureau de liaison français questionne son homologue bulgare plus souvent qu’il n’est questionné. Les échanges portent essentiellement sur la vérification de la régularité de la situation d’entreprises bulgares intervenant dans le secteur du bâtiment et de l’agriculture, ainsi que sur la rémunération et l’affiliation au régime de sécurité sociale des travailleurs bulgares. Des réponses pertinentes sont obtenues dans un délai d’environ quatre semaines.

Le présent accord organise et donne une base juridique plus solide à cette coopération administrative.

3. La France a conclu des accords de coopération similaires avec plusieurs partenaires européens

La directive 96/71/CE du 16 décembre 1996 prévoit en son article 4 une coopération administrative entre les États membres de l’UE en matière de contrôle des détachements de travailleurs. Le contenu de cet article est reproduit ci-après.

Coopération en matière d’information prévue par l’article 4 de la directive 96/71/CE

1. Aux fins de la mise en œuvre de la présente directive, les États membres, conformément aux législations et/ou pratiques nationales, désignent un ou plusieurs bureaux de liaison ou une ou plusieurs instances nationales compétentes.

2. Les États membres prévoient une coopération entre les administrations publiques qui, conformément à la législation nationale, sont compétentes pour la surveillance des conditions de travail et d'emploi visées à l'article 3. Cette coopération consiste en particulier à répondre aux demandes d'informations motivées de ces administrations publiques relatives à la mise à disposition transnationale de travailleurs, y compris en ce qui concerne des abus manifestes ou des cas d'activités transnationales présumées illégales.

La Commission et les administrations publiques visées au premier alinéa collaborent étroitement en vue d'examiner les difficultés qui pourraient surgir dans l'application de l'article 3 paragraphe 10.

L'assistance administrative réciproque est fournie à titre gracieux.

3. Chaque État membre prend les mesures appropriées pour que les informations concernant les conditions de travail et d'emploi visées à l'article 3 soient généralement accessibles.

4. Chaque État membre communique aux autres États membres et à la Commission les bureaux de liaison et/ou les instances compétentes visés au paragraphe 1.

Dans le cadre de cette directive et dans un contexte de mobilité économique croissante, la France a mis en place – sous diverses formes juridiques – des coopérations en matière de contrôle des détachements. Ces accords permettent aux services compétents de tisser des échanges et contacts directs et de diligenter ensemble des actions de prévention et de contrôle coordonnées.

Avec les Pays-Bas, un accord similaire à celui qui fait présentement l’objet de notre examen a été signé puis ratifié par la loi n°2009-1793 du 31 décembre 2009.

Avec l’Allemagne et la Belgique, des arrangements administratifs ont été conclus respectivement les 31 mai 2001 et 9 mai 2003. Ils instaurent une coopération rapprochée entre services frontaliers.

Avec l’Espagne, la Direction générale du Travail (DGT) a conclu le 22 septembre 2010 une déclaration permettant la mise en place de nouveaux bureaux de liaison déconcentrés : deux côtés français (un en Aquitaine, un en Languedoc-Roussillon) et quatre côté espagnol (un dans chaque région frontalière).

Avec le Luxembourg, une déclaration d’intention conclue le 15 février 2011 par la DGT a abouti à la mise en place d’un bureau de liaison déconcentré en Lorraine.

Avec l’Italie, une déclaration d’intention en date du 26 septembre 2011 a permis l’installation de deux nouveaux bureaux de liaison déconcentrés en France (un en PACA, un en Rhône-Alpes) et de deux bureaux côté italien (un en Ligurie, un en Piémont et Val d’Aoste).

De même, un projet de déclaration de coopération est en cours de négociation avec la Roumanie, principalement centré sur la vérification de l’application des dispositions de la directive de 1996 dans des situations de détachement de travailleurs et la lutte contre les pratiques illicites tendant au contournement des dispositions de cette directive.

Enfin, des négociations sont en cours avec la Pologne, qui constitue le premier pays d’envoi de travailleurs détachés en France.

B. UN ACCORD DE COOPÉRATION ADMINISTRATIVE ENCADRANT L’ÉCHANGE D’INFORMATIONS ET LA LUTTE CONTRE LES FRAUDES

1. La Bulgarie doit être soutenue dans sa lutte en faveur du respect du droit du travail et contre le secteur informel

Le présent accord doit permettre à la fois de lutter contre les entorses au droit du travail, en France comme en Bulgarie, et de favoriser à terme le rapprochement de nos pratiques et de nos législations.

Le contrôle de l’application du droit du travail, a été confié en Bulgarie à une Agence, « l’Inspectorat général du travail », placée auprès du Ministère du travail et de la politique sociale. Cette agence dispose de prérogatives étendues en matière de contrôle et de sanction des infractions. L’ampleur de leur tâche est considérable. Le volume du secteur informel en Bulgarie est estimé à 30 % du PIB du pays, soit près de 12 milliards d’euros. Il s’agit d’un des taux les plus élevés dans l’Union européenne.

Plusieurs mesures prises par les pouvoirs publics, avant et après l’adhésion de la Bulgarie à l’UE, ont contribué à limiter l’emploi non-déclaré et à extraire nombre d’employeurs de l’économie informelle : introduction d’un enregistrement obligatoire des contrats de travail auprès l’Institut national de sécurité sociale, introduction de taux de cotisations minimaux par types de professions. Il est cependant difficile à court terme d’évaluer l’efficacité de ces mesures.

En France, les contournements des règles de droit du travail en matière de détachement de travailleurs mis en exergue par les agents de contrôle sont très variés et se traduisent par l’utilisation d’une main d’œuvre plus « malléable » ou économiquement plus rentable. Ils ne sont pas spécifiques aux travailleurs bulgares. Les fraudes constatées sont de deux ordres :

– le non-respect des règles liées au détachement, telles que l’absence de respect des règles du noyau dur, l’absence de déclaration préalable de détachement, le paiement d’un salaire inférieur au SMIC, le défaut de bulletin de salaire, le non-respect des durées du travail, qui conduisent à des sanctions contraventionnelles de 4ème et 5ème classe ;

– le contournement des règles du détachement, qui est assimilé à une infraction de travail illégal, tel que la fraude à l’établissement, mise en évidence par le caractère permanent de l’activité du prestataire en France et l’absence d’activité dans son pays d’établissement, ainsi que la subordination effective du salarié détaché au donneur d’ordre en France. Ces infractions sont passibles de peines d’emprisonnement de 3 ans et/ou d’amendes de 45 000 euros pour dissimulation d’activité ou de salariés et d’emprisonnement de 3 ans et/ou d’amendes de 30 000 euros en cas de prêt illicite de main d’œuvre ou de marchandage.

2. L’historique des négociations et le contenu de l’accord

Dès 1994 a été mis en place un programme de coopération franco-bulgare dans le domaine du travail. Lors du dernier programme biannuel pour 2005-2006, les deux délégations ont manifesté leur volonté de signer un accord de coopération centré sur la lutte contre le travail non déclaré et l’échange d’informations.

Le présent accord de coopération a été signé un an et demi après l’adhésion de la Bulgarie à l’Union européenne, le 30 mai 2008, à Sofia, par le Ministre français du Travail, Xavier Bertrand, et son homologue bulgare, Emilia Maslarova.

Il a été ratifié par la Bulgarie le 5 août 2008  après une décision prise en ce sens par le Conseil des Ministres le 29 mai 2008.

En introduction, le présent accord se propose de mettre en œuvre les principaux textes de l’Union européenne liés au détachement de travailleurs et aux services, à savoir la directive 96/71 CE du 16 décembre 1996, les résolutions du Conseil européen en date du 22 avril 1999 et du 20 octobre 2003, ainsi que les préconisations de la Commission européenne énoncées dans sa communication du 4 avril 2006 relative au détachement de travailleurs effectué dans le cadre d’une prestation de services. Il vise à assurer « la protection des droits des salariés », « la concurrence loyale entre les entreprises » et « la sécurité juridique des relations contractuelles entre donneurs d’ordre et prestataires de services ».

L’article 1er détaille l’objet de la coopération et identifie quatre domaines pour les actions de coopération : la vérification de l’application des dispositions de la directive 96/71/CE, la lutte contre le travail non déclaré, la lutte contre les pratiques de placement abusif de main-d’œuvre ; la lutte contre l’emploi de ressortissants étrangers non communautaires démunis de titre de travail.

Les articles 2 et 3 portent sur l’objet et l’organisation des actions communes de prévention. Les deux Parties s’engagent à accroître leur coopération pour mener ensemble des actions d’information et de sensibilisation à l’intention des entreprises et des salariés susceptibles d’être concernés. Ces actions d’information assurent aux intéressés un accès facile et dans leur langue à la connaissance de leurs droits et obligations, ainsi que des conditions légales du pays d’accueil dans lequel ils peuvent être amenés à intervenir. La sensibilisation porte également sur leur intérêt au respect des droits et obligations sociales, ainsi que sur les risques encourus en cas d’infraction à la législation. Pour ce faire, les actions communes peuvent faire l’objet d’un programme pluriannuel dont les modalités sont arrêtées d’un commun accord. Un tel programme fait l’objet d’une évaluation commune périodique, pouvant conduire à un réajustement.

Les articles 4 et 5 portent sur l’échange et l’exploitation d’informations administratives dans les domaines visés par l’accord. L’article 4 identifie les services en charge de l’échange d’informations, à savoir, pour la France, La Direction générale du Travail et, pour la Bulgarie, l’agence exécutive de l’Inspection générale du Travail. Cet échange s’effectue dans le cadre de la mission des bureaux de liaison prévue à l’article 4 de la directive 96/71/CE, dans la limite des compétences de chacun des Etats et dans le respect du régime de protection des données personnelles en vigueur dans chaque pays. Chaque Etat s’engage à communiquer à l’autre Etat, sur demande motivée, dans un délai maximum de quatre semaines, toute information utile au contrôle des opérations de détachement et de placement de main-d’œuvre. Ces informations peuvent concerner tant les entreprises que les travailleurs, dans la limite nécessaire au contrôle. Les Etats s’engagent à justifier le retard de traitement d’une demande et à prendre en compte le caractère d’urgence d’une demande qui lui serait signalé.

Il faut ici noter que les autorités françaises auraient demandé, suite à la ratification de l’accord par la Bulgarie, que les autorités bulgares compétentes au titre de l’accord attendent l’aboutissement du processus de ratification en France avant de procéder à l’application de l’accord.

En revanche, en dehors du cadre dudit accord et dans le cadre de sa mission de bureaux de liaison telle que prévue par l’article 4 de la directive de 1996, l’agence exécutive de l’Inspection générale du travail bulgare échange des informations avec d’autres pays, dont la France, par l’intermédiaire de la plateforme du marché intérieur  « Internal Market Information System »,  qui bénéficie des niveaux nécessaires de protection des données personnelles échangées dans le respect du régime de protection des données à caractère personnel  qui est en vigueur en Bulgarie en application des normes nationales, communautaires et internationales.

L’article 5 prévoit que chaque Partie informe l’autre partie des suites qu’elle a données aux informations reçues. Lorsque qu’une infraction aux dispositions communautaires relatives à la sécurité sociale est identifiée par un État, il doit en informer l’autre État ainsi que les organismes de sécurité sociale des deux États.

L’article 6 prévoit la possibilité d’organiser des stages d’observation et d’information pour leurs fonctionnaires en vue d’une meilleure compréhension des administrations des deux États et d’une meilleure coopération. Les deux Parties conviennent d’accueillir des agents de l’Etat partenaire dans un service de contrôle ou dans leur bureau de liaison respectif. Les conditions pratiques de ces stages sont convenues au cas par cas, leurs coûts relevant « normalement » de l’administration d’origine.

L’article 7 prévoit que les Parties s’informent directement et régulièrement des évolutions législatives ou réglementaires essentielles intervenant dans le domaine d’application de l’accord.

L’article 8 prévoit l’évaluation annuelle de la mise en œuvre de l’accord, sous la forme d’un bilan quantitatif et qualitatif, accompagné éventuellement de propositions d’améliorations. Une rencontre bilatérale destinée à remédier à d’éventuelles difficultés est organisée dans tous les cas où l’une des Parties l’estimerait utile.

L’article 9 porte sur l’entrée en vigueur et la durée de validité de l’accord. Ce dernier prend effet le premier jour du deuxième mois suivant le jour de réception de la seconde notification indiquant l’accomplissement de formalités internes d’entrée en vigueur. L’accord est conclu pour une durée indéterminée. Il peut être dénoncé par notification écrite, la dénonciation prenant effet trois après sa notification.

Le texte porte la signature des ministres du Travail Xavier Bertrand et Emilia Maslarova pour, respectivement, le gouvernement de la République française et le gouvernement de la République de Bulgarie.

3. L’accord doit permettre de passer d’une logique de simple échange d’informations à des actions conjointes des services de contrôle

La coopération administrative entre la France et la Bulgarie en matière de lutte contre les fraudes aux détachements dans le cadre des bureaux de liaison, mis en place conformément à l’article 4 de la directive de 1996, se développe progressivement depuis trois ans. Quoi que de bonne qualité, sa montée en charge est encore trop timide.

L’échange des informations s’effectue par le biais de l’application informatique IMI, mise à disposition des bureaux de liaison par la Commission européenne. Les réponses sont obtenues dans un délai de 4 semaines environ, aussi détaillées que possible et répondant, dans la globalité, aux besoins des services. Aucun refus de communication d’information n’a été enregistré.

En 2009, 8 entreprises bulgares avaient fait l’objet d’une demande d’informations de la part des services de contrôle français sur un total de 54 demandes émises par la France auprès de l’ensemble de ses homologues. Depuis, ces chiffres sont restés stables. En 2012, on dénombrait 22 échanges du bureau de liaison sur un total de 234 émises par la France auprès de l’ensemble de ses homologues (soit 9 %) et, en 2013, 27 échanges sur un total de 322 (soit 8 %).

À titre de comparaison, les échanges avec la Roumanie en 2013 sont au nombre de 91, avec la Pologne 71, 52 avec le Portugal.

Par ailleurs, aucune action spécifique avec la Bulgarie n’a encore été initiée en matière de sensibilisation des entreprises et des travailleurs dans le cadre du détachement. Il n’existe pas non plus d’échanges ou de stages entre les professionnels concernés des deux pays. L’accord permettrait d’aller plus loin sur ce sujet, en s’appuyant sur le plan national de lutte contre le travail illégal adopté par le gouvernement pour la période 2013-2015. Celui-ci prévoit l’élaboration de plaquettes d’information, traduites en plusieurs langues, à destination de salariés détachés en France. Le projet devrait voir le jour au printemps 2014.

Enfin, l’accord ouvre la voie, avec l’article 3, à la mise en œuvre de partenariats qui dépassent le simple échange d’informations. La France a déjà mis en place ce type de partenariat dans le secteur agricole, mais cette démarche pourrait utilement être étendue à d’autres secteurs. Dans le cadre du projet « euro-détachement », mené à l’initiative de l’Institut de formation des élèves inspecteurs du travail en France, une délégation bulgare a été accueillie pour présenter l’action menée aux côtés d’une organisation syndicale agricole française afin d’informer les travailleurs bulgares de leurs droits en cas de détachement sur le territoire français.

CONCLUSION

Au-delà de l’amélioration de la coopération entre les services français et bulgares, les travailleurs concernés gagneront à l’application de cet accord : les actions d’information et de sensibilisation qu’il comporte visent à faciliter l’accès à leurs droits, et à favoriser l’harmonisation des pratiques et législations en matière de droit du travail au sein de l’Union européenne.

C’est pourquoi votre Rapporteure recommande l’adoption de ce projet de loi.

ANNEXE 1

AUDITIONS :

Néant

EXAMEN EN COMMISSION

La commission examine le présent projet de loi au cours de sa séance du mercredi 19 février 2014, à 9 heures 30.

Après l’exposé du rapporteur, un débat a lieu.

M. François Scellier. Je n’ai qu’une observation à faire. Je me demande s’il est bien sérieux de demander au Parlement de ratifier une loi d’approbation d’un accord qui a déjà près de 6 ans, dont l’objet est la mise en œuvre d’une directive européenne qui a 18 ans et de résolutions qui ont 15 et 11 ans. Depuis, les choses ont profondément bougé et vous avez, Madame la rapporteure, fait état de toutes les modifications qui sont intervenues et qui vont survenir.

Mme Chantal Guittet, rapporteure. Vous avez raison, Monsieur le député. Nous pouvons nous étonner que cet accord, signé en 2008, n’est discuté qu’actuellement. Mais il y a deux raisons. Premièrement, l’autorisation de circuler pour les travailleurs bulgares et roumains ne date que du 1er janvier 2014. Cela explique qu’il faut les aider, puisqu’ils peuvent venir travailler librement, à respecter les règles du détachement et le droit du travail. Deuxièmement, la directive de 1996 est une vieille directive. Elle ne correspond plus à la situation actuelle et elle est en cours de révision. L’objet de l’accord est d’avoir une meilleure coopération avec la Bulgarie en matière de justice, de sécurité et d’État de droit. Les dispositions de la convention permettront que les travailleurs détachés soient respectés et traités dignement car le non-respect de la directive détachement peut conduire à des situations d’esclavage moderne. Cette convention va être bénéfique pour les travailleurs et pour nos entreprises.

M. François Scellier. Je ne mets naturellement pas en cause l’intérêt de devoir approuver cet accord. Je voulais simplement faire remarquer que, dans ce domaine comme dans d’autres, notre manière de travailler n’est pas la plus efficace. C’est simplement une remarque d’humeur.

Suivant les conclusions de la rapporteure, la commission adopte sans modification le projet de loi (n° 782).

ANNEXE

TEXTE DE LA COMMISSION DES AFFAIRES ÉTRANGÈRES

Article unique

(Non modifié)

Est autorisée l’approbation de l’accord de coopération administrative entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République de Bulgarie relatif à la lutte contre l’emploi non déclaré et au respect du droit social en cas de circulation transfrontalière de travailleurs et de services, signé à Sofia le 30 mai 2008, et dont le texte est annexé à la présente loi.

NB : Le texte de l’accord figure en annexe au projet de loi (n° 782).

© Assemblée nationale

1 La résolution sera examinée par la commission des affaires sociales le 26 juin 2013. M. Richard Ferrand en a été désigné rapporteur.

2 () Proposition de loi de MM. Bruno LE ROUX, Gilles SAVARY, Mme Chantal GUITTET, MM. David HABIB et Christian ASSAF et plusieurs de leurs collègues visant à renforcer la responsabilité des maîtres d'ouvrage et des donneurs d'ordre dans le cadre de la sous-traitance et à lutter contre le dumping social et la concurrence déloyale, n° 1686, déposée le 8 janvier 2014.