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N
° 1965

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ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

QUATORZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l'Assemblée nationale le 21 mai 2014.

AVIS

PRÉSENTÉ

AU NOM DE LA COMMISSION DES FINANCES, DE L’ÉCONOMIE GÉNÉRALE ET DU CONTRÔLE BUDGÉTAIRE SUR LE PROJET DE LOI
portant
réforme ferroviaire (n° 1468),

PAR M. Olivier FAURE

Député.

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Voir les numéros :

Assemblée nationale : 1468

SOMMAIRE

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Pages

INTRODUCTION 5

I. UN SYSTÈME FERROVIAIRE À BOUT DE SOUFFLE 6

A. UNE ORGANISATION INCOHÉRENTE ET INEFFICIENTE 6

1. Le système ferroviaire issu de la loi n° 97-135 du 13 février 1997 : un système sans équivalent en Europe 6

2. Un système qui est aujourd’hui à bout de souffle 8

B. UN RÉGIME DE PROPRIÉTÉ COMPLEXE ET DÉSÉQUILIBRÉ 9

1. Réseau ferré de France, propriétaire des biens 9

2. La Société nationale des chemins de fer, affectataire des biens 11

3. Le cas particulier des gares 12

C. UNE PERTE ANNUELLE DE L’ORDRE DE 1,4 MILLIARD D’EUROS À RÉSEAU CONSTANT POUR RFF 14

II. LE PROJET DE LOI PORTANT RÉFORME FERROVIAIRE : UN RÉGIME DE PROPRIÉTÉ CLARIFIÉ ET UN REDRESSEMENT FINANCIER AMORCÉ 16

A. LES GRANDES ORIENTATIONS DE LA RÉFORME FERROVIAIRE 16

B. LA MISE EN COHÉRENCE DU RÉGIME DE PROPRIÉTÉ DES BIENS 17

1. La nouvelle répartition des actifs entre les trois établissements publics 17

2. La gestion domaniale des biens de l’EPIC mère SNCF 22

C. UNE RÉFORME DE LA GOUVERNANCE AU SERVICE D’UNE MEILLEURE EFFICIENCE FINANCIÈRE 24

1. Des gains financiers liés à la constitution du GIU de l’ordre de 500 millions d’euros par an 24

2. Un effort de l’État qui s’élève à 500 millions d’euros 25

III. AMÉLIORER LE PROJET DE LOI EN HARMONISANT LE RÉGIME DE PROPRIÉTÉ DES BIENS, EN TRAITANT LA DETTE FERROVIAIRE ET EN RENFORÇANT LA « RÈGLE D’OR » 27

A. UNE HARMONISATION NÉCESSAIRE DU RÉGIME DE DÉCLASSEMENT DES BIENS ENTRE SNCF MOBILITÉS ET SNCF RÉSEAU 27

B. UNE DETTE QUI CONTINUE ET QUI CONTINUERA D’AUGMENTER MALGRÉ LE PROJET DE LOI 28

C. TIRER LES CONSÉQUENCES DU FAIT QUE LES ACTIFS NE GÉNÈRENT PAS LES PRODUITS ATTENDUS EN RENFORÇANT LA RÈGLE D’OR 29

D. PRÉVOIR UN AMORTISSEMENT DE LA DETTE FERROVIAIRE AFIN DE STOPPER L’EFFET BOULE DE NEIGE 30

TRAVAUX DE LA COMMISSION 33

ANNEXE : LISTE DES PERSONNES AUDITIONNÉES PAR LE RAPPORTEUR 55

INTRODUCTION

Le système ferroviaire actuel issu de la loi n° 97-135 du 13 février 1997 portant création de Réseau ferré de France (RFF) a montré ses limites dans tous les domaines. Aujourd’hui, le déficit structurel de RFF est évalué entre 1,4 et 1,5 milliard d’euros par an et pourrait rapidement atteindre 2 milliards d’euros si rien n’est fait. Par ailleurs et alors qu’il existe d’importants besoins de maintenance et de régénération du réseau, aucun des acteurs – SNCF ou RFF – ne peut aujourd’hui remplir convenablement sa mission. L’ensemble du système souffre ainsi de dysfonctionnements dans la production de l’offre de transport ce qui porte préjudice aux usagers, voyageurs ou entreprises. Ces nombreux retards d’adaptation et la suppression de services ont des conséquences économiques et sociales mais aussi humaines.

Durant la décennie passée, les Gouvernements successifs ont préféré privilégier les projets de développement de lignes à grande vitesse (LGV) toujours plus nombreuses et souvent non financées, au détriment du bon fonctionnement des lignes existantes et de la résolution des nœuds ferroviaires (Lyon, Paris...) avec pour résultat final de rendre toujours plus insoluble l’équation financière. Le précédent gouvernement a poussé cette tendance à son paroxysme en lançant concomitamment l’édification de quatre LGV (Tours – Bordeaux,
Le Mans – Rennes, TGV est et Nîmes – Montpellier).

Dès son arrivée aux responsabilités, le Gouvernement de M. Jean-Marc Ayrault a mis en place la commission Mobilité 21 afin de hiérarchiser et de prévoir des financements pour les projets de développement de LGV, en insistant sur la priorité à donner à la régénération du réseau existant et la qualité du service. Ce fut la première étape pour arrêter « l’hémorragie ». Avec le présent projet de loi, il s’agit de revenir à une organisation rationnelle et efficiente du système ferroviaire au service des usagers et d’aborder enfin la question financière.

La commission des Finances s’est ainsi intéressée aux aspects financiers et patrimoniaux du projet de loi portant réforme ferroviaire. Ainsi, elle s’est saisie de :

– l’article 1er qui est relatif aux principes généraux régissant le transport ferroviaire national, le nouveau groupe public ferroviaire et le nouvel établissement public mère SNCF ;

– l’article 2 qui institue SNCF Réseau et précise son objet, ses ressources et ses modalités d’organisation ;

– l’article 3 qui fixe les règles destinées à assurer l’impartialité de SNCF Réseau et des autres gestionnaires d’infrastructure ferroviaire ;

– l’article 4 qui regroupe les dispositions relatives à l’Autorité de régulation des activités ferroviaires (notamment l’émission d’un avis motivé sur le montant global des concours financiers devant être apportés à SNCF Réseau pour chaque projet d’investissement) ;

– l’article 5 qui adapte les dispositions en vigueur applicables à la SNCF dans le cadre de la mise en place du nouvel établissement public SNCF Mobilités ;

– l’article 10 qui prévoit le transfert des actifs attachés à l’exercice des missions de SNCF Réseau, de SNCF Mobilités vers SNCF Réseau ;

– l’article 11 qui organise le transfert des actifs attachés à l’exercice des missions de la SNCF, de SNCF Réseau et SNCF Mobilités vers la SNCF ;

– l’article 16 qui prévoit le transfert à titre gratuit de biens du domaine public ferroviaire nécessaires aux besoins de défense actuellement confiés à la SNCF, vers SNCF Réseau.

I. UN SYSTÈME FERROVIAIRE À BOUT DE SOUFFLE

A. UNE ORGANISATION INCOHÉRENTE ET INEFFICIENTE

1. Le système ferroviaire issu de la loi n° 97-135 du 13 février 1997 : un système sans équivalent en Europe

Au moment de la création de Réseau ferré de France (RFF), le législateur a opté pour un système à mi-chemin entre un modèle « à l’allemande » totalement intégré et un modèle « à la britannique » dans lequel le gestionnaire d’infrastructure est totalement indépendant. Il a donc créé ex-nihilo un gestionnaire d’infrastructure (GI) alors que, partout ailleurs, le GI soit est demeuré au sein de l’opérateur historique, soit s’est constitué par démembrement de celui-ci, récupérant d’emblée l’ensemble des compétences de ce dernier. Cette situation s’explique par la volonté initiale du législateur de retirer de la SNCF les missions les plus régaliennes – responsabilité de la consistance du réseau et en particulier des développements, fixation des péages et responsabilité de l’équilibre économique du compte d’infrastructure, répartition des capacités – tout en préservant son caractère intégré. En revanche, pour des raisons essentiellement sociales, la loi de 1997 a laissé la responsabilité opérationnelle de la gestion de l’infrastructure à la SNCF.

Cette situation a créé une double responsabilité sur la gestion de l’infrastructure, scindée entre un gestionnaire d’infrastructure (GI) : Réseau ferré de France (RFF), et un gestionnaire d’infrastructure délégué (GID) : SNCF Infra, maintenu dans le groupe SNCF. À cette ambiguïté initiale, s’est ajoutée une absence de règles du jeu (code du réseau) précisant les droits et devoirs de chacun des acteurs dans un système institutionnellement découpé ainsi que les procédures à appliquer pour en maintenir la cohérence.

De plus, l’absence de reprise de la dette historique – contrairement à ce qui a été fait en Allemagne – et de mise en place d’un financement pérenne du réseau n’a pas permis au système ferroviaire de fonctionner autrement qu’en augmentant chaque année cette dette déjà importante.

La dette était pourtant le principal enjeu de la réforme de 1997. En effet, il s’agissait de faire de RFF une structure de « défaisance » de la dette passée et de l’impasse future du compte d’infrastructure. Pour ce faire, il a été jugé indispensable de rendre le GI propriétaire des actifs justifiant les passifs afin que la dette ne soit pas qualifiée de « maastrichtienne », alors même que les textes européens n’imposent pas que le propriétaire du réseau en soit aussi le GI.

La loi de 1997 anticipait sans le savoir sur la directive 2001/12/CE qui reconnaît que la gestion de l’infrastructure peut être laissée au sein d’une entité exerçant également des missions de transporteur dès lors que des « fonctions essentielles » de fixation des péages et de répartition des capacités sont protégées de l’influence directe du transporteur. Au sens de la directive, c’est cependant SNCF Infra qui, en 1997, aurait dû être qualifié de GI quand RFF aurait dû être qualifié de responsable des « fonctions essentielles » et de l’équilibre financier entre péages et subventions. Il aurait fallu pour cela que SNCF Infra portât la dette passée, ce qui était contraire à la volonté du législateur de l’époque.

La Directive 2001/12/CE précise dans son article 6 : « Les États membres prennent les mesures nécessaires pour assurer que les fonctions essentielles […] sont confiées à des instances ou entreprises qui ne sont pas elles-mêmes fournisseurs de services de transport ferroviaire. […] Les États membres peuvent, toutefois, confier aux entreprises ferroviaires ou à toute autre entité la perception des redevances et la responsabilité de la gestion des infrastructures, par exemple, telles que l’entretien et le financement ».

Cette ambiguïté initiale s’est accrue au fil du temps, RFF aspirant à devenir un GI de plein exercice sans toutefois revendiquer le transfert des personnels cheminots et les autorités françaises accompagnant ce mouvement sans en tirer les conséquences sur le rôle de SNCF Infra et sur le fonctionnement global du système.

Cette lente dérive du modèle d’origine a conduit à avoir en France deux organismes, RFF et SNCF Infra, qui revendiquent le rôle de GI : le premier au nom de sa légitimité juridique, le second au nom de ses compétences et de sa maîtrise effective du système, de la conception à la production.

Ce conflit de légitimité s’est doublé de tensions fortes liées à l’impasse de financement du système ferroviaire. Ne disposant pas des moyens de financer le réseau qui lui était confié, RFF a cherché :

– à obtenir une augmentation des péages correspondant au coût complet du réseau. Ces demandes ont été partiellement satisfaites par une hausse annuelle des péages mais semblent avoir trouvé leur limite ;

– à obtenir un niveau de productivité de son GID toujours plus important tout en maintenant les contraintes du maintien du maximum de circulation ;

– tout en luttant contre la tentation de l’État de baisser sa subvention annuelle à mesure que les péages augmentaient, repoussant toujours plus loin dans le temps un équilibre financier introuvable ; cette tentation consistant à faire porter par RFF une dette – non maastrichtienne – que l’État aurait dû porter.

La SNCF a, quant à elle, tenté de résister à la hausse des péages afin de préserver son propre équilibre financier. Toutefois aucun des deux acteurs n’a la possibilité de sortir de la relation qui les lie. Il en a résulté pour la SNCF une sous-rémunération de sa branche infra qui s’est traduite par des dépréciations d’actifs récurrents.

Dernière étape de cette évolution, la constitution de la Direction des Circulations Ferroviaires (DCF), entité « autonome » mais sans personnalité juridique au sein de SNCF Infra, accroît encore la complexité du système. Ne répondant qu’à l’autorité de RFF mais partie intégrante de la personne morale SNCF dont elle engage, à tous points de vue, la responsabilité, cette construction augmente d’autant plus la confusion que les textes réglementaires visant à assurer l’indépendance de fonctionnement de cette structure multiplient les murailles entre ses personnels et les autres cheminots alors que le bon fonctionnement du système impose des parcours de carrière fluides.

2. Un système qui est aujourd’hui à bout de souffle

Aujourd’hui, la situation se caractérise par différents effets pervers :

– Une inefficacité opérationnelle croissante :

Les difficultés opérationnelles constatées aujourd’hui résultent de la perte de la capacité d’anticipation requise dans la programmation des travaux et à une insuffisance de ressources et de compétences dans la préparation des horaires. Ne se trouvant jamais directement confronté aux clients finaux (autorités organisatrices, voyageurs et chargeurs), RFF dispose de très peu d’incitations directes tendant à privilégier le bon fonctionnement du système plutôt que l’affichage de sa propre performance budgétaire. N’étant pas responsable de l’état du réseau à long terme, la SNCF privilégie le service à court terme. En définitive, aucune instance n’arbitre entre le long terme et le court terme.

– Une désoptimisation financière évidente :

L’optimisation de la dépense liée au réseau suppose de prendre en charge la totalité de sa dimension et à ne pas se satisfaire de résultats d’un seul acteur du système à un moment donné. Chaque acteur – SNCF et RFF – cherche à afficher un équilibre financier en « oubliant » que lorsqu’il est atteint, c’est toujours au détriment du partenaire – rémunération de SNCF Infra et hausse des péages.

La relation de méfiance mutuelle qui s’est installée entre le GI et le GID a conduit à ne pas rechercher, ensemble, les meilleures solutions pour parvenir à la meilleure maîtrise des investissements et des dépenses de fonctionnement du réseau. S’y ajoute le temps considérable consacré à des négociations entre deux entités toutes deux possédées à 100 % par l’État et sous le regard de celui-ci. Il en résulte un arbitrage difficile entre les intérêts des uns et des autres.

– Des conflits sociaux toujours prompts à se réveiller :

La multiplicité des barrières érigées dans la gestion quotidienne résultant de l’organisation SNCF/DCF/RFF a un effet délétère sur les personnels qui ne comprennent pas qu’un tel degré de contrainte soit ajouté au système alors même que la concurrence demeure extrêmement marginale.

En effet, à la différence des salariés de leur principal concurrent, les personnels du groupe SNCF et en particulier les cheminots, qui travaillent pour SNCF Infra mais pour le compte de RFF, sont privés d’une vision claire quant à leur futur ce qui entretient la méfiance envers leur direction mais aussi envers l’État.

– Un affaiblissement stratégique potentiellement irréversible :

L’enjeu stratégique pour la SNCF est de savoir si ce groupe pourra demeurer durablement, aux côtés de Deutsche Bahn (DB), l’un des deux grands intégrateurs du transport terrestre en Europe. Pour utiliser une analogie simplificatrice, la question est de savoir si, à terme, la SNCF se rangera plutôt du côté d’une compagnie comme Air France ou Lufthansa ou bien Swissair ou Alitalia.

Les pays qui ont choisi le démembrement complet ont disparu du paysage ferroviaire européen. La preuve en est apportée par les opérateurs britanniques issus du démembrement des British Rails dont le destin semble d’être rachetés à terme par de grands opérateurs intégrés, européens ou asiatiques.

B. UN RÉGIME DE PROPRIÉTÉ COMPLEXE ET DÉSÉQUILIBRÉ

1. Réseau ferré de France, propriétaire des biens

Depuis 1997, RFF est propriétaire du réseau ferré national dont il doit assurer la gestion et la modernisation. En contrepartie, la dette de l’infrastructure ferroviaire SNCF qui s’élevait à 20 milliards d’euros en 1997 (et qui atteint aujourd’hui 33,7 milliards d’euros) lui a été affectée.

L’article 5 de la loi n° 97-135 du 13 février 1997 portant création de l’établissement public « Réseau ferré de France » en vue du renouveau du transport ferroviaire a transféré à RFF en pleine propriété les « biens constitutifs de l’infrastructure et les immeubles non affectés à l’exploitation des services de transport appartenant à l’État et gérés par la Société nationale des chemins de fer français ». Ces biens comprennent « les voies, y compris les appareillages fixes associés, les ouvrages d’art et les passages à niveau, les quais à voyageurs et à marchandises, les triages et les chantiers de transport combiné, les installations de signalisation, de sécurité, de traction électrique et de télécommunications liées aux infrastructures, les bâtiments affectés au fonctionnement et à l’entretien des infrastructures ».

Au total, le patrimoine de RFF comprend 30 000 kilomètres de lignes ouvertes à l’exploitation, 103 000 hectares de terrains répartis sur 11 000 communes et de 4,7 millions de mètres carrés de bâtiments, qui font de l’établissement public le deuxième propriétaire foncier de France, après le ministère de la Défense.

Ont été exclus de l’apport, d’une part, « les biens dévolus à l’exploitation des services de transport, qui comprennent les gares, les entrepôts et cours de marchandises ainsi que les installations d’entretien du matériel roulant, et, d’autre part, les ateliers de fabrication, de maintenance et de stockage des équipements liés à l’infrastructure, ainsi que les immeubles administratifs » et d’autre part« les biens affectés au logement social ou au logement des agents de la SNCF par nécessité de service et ceux affectés aux activités sociales, des filiales et des participations financières » (1).

Le décret n° 97-445 du 5 mai 1997 portant constitution du patrimoine initial de l’établissement public Réseau ferré de France précise que les biens apportés en pleine propriété à RFF sont répartis en quatre catégories :

– les voies (y compris les ouvrages d’art) ;

– les installations de télécommunication (lignes aériennes, téléphonie ferroviaire) ;

– les bâtiments et installations (bâtiments de maintenance, postes d’aiguillage, quais, éclairage de ces bâtiments) ;

– les autres actifs (les terrains supportant les voies et les bâtiments susmentionnés).

Le transfert de propriété n’a pas été enregistré aux services de la publicité foncière, ni traduit dans les documents cadastraux, ce qui n’a toutefois pas eu de conséquences sur le caractère effectif du droit de propriété dont jouit RFF.

2. La Société nationale des chemins de fer, affectataire des biens

Les articles 19 et 20 de la loi n° 82-1153 d’orientation des transports intérieurs (dite loi « LOTI ») du 30 décembre 1982 règlent la question du statut juridique des biens relevant du domaine public ferroviaire. Ces biens ont fait l’objet d’un retour à l’État le 31 décembre 1982 qui les a ensuite remis en dotation à la SNCF, sans transfert de propriété.

En 1997, la SNCF a conservé les biens affectés aux activités de transport remis en dotation par l’État. Au final, le patrimoine géré par la SNCF est davantage un patrimoine immobilier puisque si l’opérateur historique dispose de moins de foncier que RFF, il gère deux fois plus de surfaces bâties : près de 6 000 hectares de terrain et 8,5 millions de m² de surface bâtie (dont 2,6 millions de m² localisés dans les gares).

À ce titre, la SNCF dispose de prérogatives étendues s’approchant d’un véritable droit de propriété : elle exerce tous les pouvoirs de gestion sur les biens immobiliers qui lui sont remis ou qu’elle acquiert. Elle assume ainsi toutes les obligations du propriétaire et peut notamment accorder des autorisations d’occupation, consentir des baux, fixer et encaisser à son profit le montant des redevances, loyers et produits divers (2).

En revanche, ces biens ne peuvent être aliénés par elle et à son profit qu’après déclassement autorisé et mis en œuvre par l’État (3).

Ainsi, bien que soumise aux obligations inhérentes au propriétaire, la SNCF doit s’en remettre à l’État avant de procéder à l’aliénation d’un bien, contrairement à RFF qui gère la procédure de déclassement et de vente du bien. Ceci a généré un déséquilibre de statut juridique entre les deux établissements publics qu’il convient de supprimer au regard de la création du pôle ferroviaire et du futur gestionnaire d’infrastructure intégré (SNCF Réseau) et du futur fournisseur intégré de mobilité (SNCF Mobilités). En effet, dans la mesure où il reviendra au futur EPIC mère (SNCF) de coordonner les projets d’aménagement, il serait plus simple et cohérent que les deux nouveaux établissements publics soient soumis aux mêmes procédures.

L’autre spécificité du patrimoine de la SNCF, complexifiant clairement la situation patrimoniale de l’établissement réside dans sa répartition entre les cinq branches du groupe et dans le fait que ce sont les quatre entités distinctes suivantes qui jouent le rôle de propriétaire :

– Gares & Connexions, qui a été dotée à sa création en 2009 du patrimoine foncier et immobilier constitué principalement par les bâtiments-voyageurs, leurs abords immédiats ainsi que les parkings réservés à la clientèle de la gare (soit 700 hectares de foncier et 2,6 millions de mètres carrés de surfaces bâties) ;

– la Branche Geodis, qui détient les actifs de Fret SNCF dont environ 200 cours de gares marchandises ;

– la Direction des ressources humaines de la SNCF, qui détient les logements diffus et déclarés inutiles aux besoins des cheminots SNCF, ainsi qu’environ 2 000 installations sociales (restauration, bibliothèques, centres de loisirs, etc.) ;

– la Direction de l’immobilier, qui détient le reste du patrimoine (ateliers, immeubles de bureaux…) et porte la politique immobilière du groupe.

3. Le cas particulier des gares

Aux termes de l’article 19 de la LOTI, les gares ont été remises en dotation à l’établissement public SNCF le 1er janvier 1983.

La loi n° 97-135 du 13 février 1997 a exclu de l’apport à RFF, les gares en tant que biens dévolus à l’exploitation des services de transport.

Toutefois, le décret n° 97-445 du 5 mai 1997 portant constitution du patrimoine initial de RFF a complexifié cette répartition, a priori simple, des biens rattachés aux gares.

Ainsi, en vertu de ce décret, sont compris dans le périmètre de gestion de la SNCF :

– les bâtiments voyageurs ;

– les plates-formes d’extrémité des gares terminus ;

– les escaliers, rampes et ascenseurs des quais donnant accès aux bâtiments voyageurs ;

– les cours de gare et parkings non concédés affectés à SNCF.

Par ailleurs, RFF est propriétaire, de façon schématique du « cœur de la gare », à savoir :

– les quais longitudinaux à usage des voyageurs, leurs couvertures et leurs accès. Les couvertures de quais comprennent notamment les abris voyageurs maçonnés, les halles voyageurs et les grandes halles voyageurs ainsi que les dalles de couverture de quai n’ayant pas fonction de bâtiment voyageurs. Les accès aux quais désignent notamment les passages souterrains, les passerelles et escaliers fixes desservant les quais ainsi que les ascenseurs, escaliers mécaniques, élévateurs, tapis ou trottoirs roulants qui permettent de relier un ouvrage ou un quai de RFF à un ouvrage ou à un quai de RFF ou encore à un ouvrage appartenant à un propriétaire riverain à la gare ;

– les équipements et installations techniques associés. Il s’agit par exemple des équipements de chauffage, ventilation, climatisation à usage des voyageurs (par exemple pour les quais des gares souterraines).

Enfin, RFF possède les accès gares et terrains associés à usage voyageurs. Il s’agit des accès routiers ou piétonniers depuis la voirie publique jusqu’à la gare et de certaines cours de gare et de certains parkings.

Ainsi, les gares peuvent faire l’objet de véritables « copropriétés », avec un foncier morcelé entre RFF et les différentes entités du groupe SNCF.

La répartition qui s’est révélée délicate et même litigieuse a nécessité le recours à la structure arbitrale (la commission nationale de répartition des actifs) créée par le décret du 5 mai 1997 et présidée par un membre du Conseil d’État.

L’intervention de la commission nationale de répartition des actifs s’est révélée peu efficace et n’a pas permis d’accélérer le processus de répartition, ainsi que le souligne le rapport d’information de 2004 concluant les travaux de la mission sur la clarification des relations financières dans le système ferroviaire et ses partenaires publics : « Face à une marge d’interprétation abyssale, le processus de répartition des actifs ne s’est jamais réellement engagé, laissant pourrir la situation et entraînant des incertitudes sur les comptes, portant tant sur les montants des produits de vente des biens comptabilisés par chaque établissement que sur les produits de location et d’occupation domaniale. » (4).

Selon le même rapport, le rythme de solution des litiges par la commission nationale de répartition des actifs aurait permis de conclure en 2043, selon le même rapport.

Le rapport de 2008 de la Cour des comptes intitulé « Le réseau ferroviaire, une réforme inachevée, une stratégie incertaine », indique que cette commission n’a pas été le « catalyseur espéré du processus ». La Cour des comptes dénonce l’inadaptation de la commission au règlement d’un différend à grande échelle ainsi qu’une résolution des conflits hypothétique, suspendue à l’acceptation par les parties des arbitrages.

Ce n’est que le 29 novembre 2006 que la liste des biens transférés en pleine propriété à RFF a été approuvée par un arrêté des ministres chargés des transports et du domaine.

Toutefois et comme le souligne le rapport de mars 2009 « La gare contemporaine » (5), « un ultime problème n’a cependant pas trouvé de solutions : il porte sur certaines cours de gare pour lesquelles il est apparu impossible de délimiter les accès routiers (devant revenir à RFF) du reste de la cour (restant à la SNCF). Il concerne 553 lots situés dans les communes de plus de 5 000 habitants qui n’ont donc pu faire l’objet d’une répartition formalisée ».

Or, le projet de loi portant réforme ferroviaire ne procède à aucune modification de ce système de répartition complexe concernant les gares.

C. UNE PERTE ANNUELLE DE L’ORDRE DE 1,4 MILLIARD D’EUROS À RÉSEAU CONSTANT POUR RFF

Les grands équilibres financiers du GI laissent apparaître, avant tout projet de développement, un déficit structurel de l’ordre de 1,5 milliard d’euros.

ÉQUILIBRE FINANCIER DE RFF

(en milliards d’euros)

Chiffre d’affaires

+ 5,8

Subvention d’exploitation

+ 0,2

Convention SNCF Infra + DCF + Gares & Connexion

– 3,2

Autres recettes et dépenses opérationnelles

– 0,8

Coût de l’endettement financier

– 1,3

Investissements de rénovation

– 2,5

Subventions d’investissement affectées à la rénovation

+ 0,4

Déficit structurel avant projets de développement

– 1,4

Dégradation du besoin en fonds de roulement (BFR)

– 0,6

Investissements de développement

– 3,4

Subventions d’investissement affectées au développement

+ 2,3

Augmentation annuelle de la dette

– 3,1

Source : RFF.

Malgré les hausses constantes de péages depuis plus de 5 ans, hausses qui mettent en difficulté financière le partenaire et principal opérateur, et avant même tout projet de développement, les ressources suffisantes pour financer l’entretien courant s’avèrent insuffisantes pour rénover le réseau. Pour cette rénovation, il « manque » 1,4 milliard d’euros. En parallèle, des besoins d’investissements importants sur le réseau actuel existent et ne feront que croître pour maintenir sa performance notamment du fait de l’entrée des lignes à grande vitesse (LGV) dans le périmètre de la rénovation et de la nécessité d’améliorer la régularité notamment en Île-de-France.

Ce tableau fait apparaître un chiffre d’affaires de 5,8 milliards d’euros et des investissements de 7 milliards d’euros soit 125 % de son chiffre d’affaires. De plus, ce tableau n’intègre pas dans son périmètre les investissements financés par les partenariats publics-privés de l’ordre de 1 milliard d’euros.

Pour le secteur ferroviaire dans son ensemble et notamment pour l’opérateur historique et les autorités organisatrices, deux sujets de préoccupation apparaissent urgents :

– le développement du réseau TGV prévu dans le Grenelle de l’environnement et repris par la suite dans le projet de schéma national des infrastructures de transports (SNIT), qui fait peser une hypothèque financièrement lourde sur l’ensemble du système et ce malgré la hiérarchisation des projets par la commission Mobilité 21. Les travaux menés aboutissent à une trajectoire financière qui fait apparaître une forte augmentation de l’endettement à 68 milliards d’euros en 2025 contre 41,5 milliards d’euros en 2012 en dehors de tout nouveau grand projet si ce n’est les quatre LGV (Tours – Bordeaux,
Le Mans – Rennes, TGV est et Nîmes – Montpellier) en cours de construction ;

– le modèle économique de l’offre de transport ferroviaire dans ses différents segments, avec des interrogations lourdes sur le ralentissement de la croissance des trafics TGV dans un contexte marqué par la contraction du budget des ménages, la poursuite du relèvement du niveau des péages, et des contraintes budgétaires qui pèsent de plus en plus sur la politique des transports alors que le TGV a jusqu’à présent dégagé une rentabilité permettant de financer le reste du système (Trains d’équilibre du territoire, TER et Fret).

En définitive, l’impasse financière est totale. À terme, les actifs qui justifiaient les passifs et permettaient que la dette ferroviaire ne soit pas qualifiée de « maastrichtienne » risquent une dégradation qui conduirait à la requalification de la dette de RFF en dette d’État.

La présente réforme ferroviaire trouve ici sa principale justification : l’impérieuse nécessité de rétablir une trajectoire financière soutenable permettant une maîtrise de la dette. En effet, la décennie passée n’a pas permis d’avancer vers le règlement de l’équation financière du système. Plus encore, un projet de schéma national des infrastructures de transport prévoyant pour plus de 280 milliards d’euros supplémentaires de dépenses a été publié en octobre 2011.

II. LE PROJET DE LOI PORTANT RÉFORME FERROVIAIRE : UN RÉGIME DE PROPRIÉTÉ CLARIFIÉ ET UN REDRESSEMENT FINANCIER AMORCÉ

A. LES GRANDES ORIENTATIONS DE LA RÉFORME FERROVIAIRE

La définition du nouveau modèle ferroviaire qui fait l’objet du projet de loi portant réforme ferroviaire adopté en Conseil des ministres le 16 octobre 2013, s’appuie sur les travaux conduits par MM. Jean-Louis Bianco (6) et Jacques Auxiette (7) à la demande du Gouvernement.

Cette réforme s’inscrit dans une logique d’efficacité opérationnelle au service des usagers, visant notamment à rétablir l’équilibre économique et financier d’un système érodé ainsi qu’à apporter une cohérence et une qualité de service légitimement attendues.

Il s’agit ainsi de regrouper les fonctions de gestionnaire d’infrastructure du réseau ferré national, aujourd’hui réparties entre RFF, SNCF Infra et la Direction de la circulation ferroviaire (DCF) de la SNCF, au sein d’une entité unique (« SNCF Réseau »). Le dialogue entre le gestionnaire d’infrastructure et l’exploitant ferroviaire (« SNCF Mobilités ») sera renforcé par l’intégration des deux entités au sein d’un même groupe public, dirigé par un établissement public-mère (« SNCF »). L’impartialité du gestionnaire d’infrastructure unique ainsi que l’accès au réseau de façon transparente et non-discriminatoire seront garantis par l’Autorité de régulation des activités ferroviaires (ARAF) qui se verra attribuer un nouveau rôle en matière de rétablissement des équilibres financiers du système de transport ferroviaire.

Par ailleurs, il est également prévu de donner les moyens à l’État d’assumer son rôle de stratège en tant que garant de la cohérence économique et du pilotage stratégique du groupe public.

Concernant la maîtrise de l’endettement et le rétablissement de l’équilibre financier, l’ensemble des parties prenantes du système ferroviaire, y compris l’État, sera appelé à participer au redressement du nouveau modèle ferroviaire français.

Dans cette optique, la SNCF envisage de réaliser des économies de l’ordre de 1,3 milliard d’euros en cinq ans. Quant à RFF, si la hausse de sa dette paraît inéluctable jusqu’en 2017, compte tenu des projets déjà lancés (les quatre LGV en cours de réalisation (8)) et du volume d’investissements consentis sur le réseau (2,5 milliards d’euros), l’objectif est de la stabiliser en fixant notamment une règle d’or qu’il convient de renforcer. Aujourd’hui, le gestionnaire d’infrastructures voit son endettement porté à 33,7 milliards d’euros.

Enfin, le projet de loi crée un cadre juridique unifiant les règles applicables au sein du groupe public ferroviaire et fixe le périmètre de la future convention collective du secteur ferroviaire, soumettant l’ensemble des entreprises et établissements entrant dans le champ de cette convention à un régime homogène, notamment en matière de durée du travail des 190 000 salariés concernés.

B. LA MISE EN COHÉRENCE DU RÉGIME DE PROPRIÉTÉ DES BIENS

En vue de répondre aux missions dévolues à chaque établissement public composant le groupe public ferroviaire, le projet de loi procède, d’une part, à une nouvelle répartition des actifs qui relève plus de l’ajustement que d’un véritable partage à l’instar de celui qui avait été pratiqué en 1997 et, d’autre part, précise la gestion domaniale de l’EPIC mère.

1. La nouvelle répartition des actifs entre les trois établissements publics

a. Le transfert des biens de SNCF Mobilités à SNCF Réseau

L’article 10 du projet de loi prévoit le transfert de l’ensemble « des biens, droits et obligations attachés aux missions de gestion de l’infrastructure » de SNCF Mobilités vers SNCF Réseau.

Le périmètre transféré est défini via deux références :

– une référence à l’activité de gestion de l’infrastructure (9;

– une référence aux comptes dissociés de la branche Infra établis en application de l’article L. 2122-4 du code des transports, qui renvoie à l’obligation pour l’EPIC SNCF d’établir et de publier des comptes séparés pour les activités Infrastructure, Gares & Connexions et Fret (10).

La création du gestionnaire d’infrastructure unifié (GIU) se traduira par le transfert à SNCF Réseau du personnel dont les conditions de transfert des contrats de travail font l’objet d’un article spécifique du projet de loi (11), ainsi que du patrimoine de la branche Infrastructure (Infra) de la SNCF et de la DCF.

La catégorie des actifs et passifs transférés inscrits dans les comptes dissociés de la branche Infrastructure recouvre l’essentiel des biens, droits et obligations attachés aux missions du futur GIU, tels que définis dans le projet de loi. Concrètement, il s’agit des matériels de travaux, des bâtiments industriels (les sept Établissements Industriels de la Voie, et des terrains et bâtiments occupés par SNCF Infra et la DCF), des moyens informatiques et des contrats y afférents (contrats d’approvisionnements ou de sous-traitance), y compris les droits de propriété intellectuelle détenus par l’actuelle SNCF en matière de recherche ou de systèmes d’information liés à la gestion de l’infrastructure.

Les filiales de l’actuelle SNCF ayant un objet principal relatif à la gestion de l’infrastructure, telles que la surveillance de voie ou encore la réalisation de travaux, seront également transférées à SNCF Réseau.

Pour autant, selon la formulation retenue par le projet de loi, peuvent faire également l’objet d’un transfert, les biens, droits et obligations qui ne seraient pas inclus dans les comptes dissociés (les engagements envers le personnel dits « passifs sociaux », par exemple). Un recensement de ces actifs (et passifs) se révèle nécessaire afin de déterminer la valeur exacte du transfert à opérer. Des travaux, menés par la SNCF et RFF sont en cours pour établir la liste des biens objets du transfert.

Les transferts immobiliers devraient être limités aux immeubles de bureau utilisés par la branche Infra et la DCF ainsi qu’aux ateliers industriels (fabrication de rails, de traverses…) dont la propriété n’avait pas été transférée à RFF en 1997.

Le transfert s’opère de plein droit, c’est-à-dire sans qu’il soit besoin d’en prévoir l’application ni l’intervention d’une décision de justice et implique les mêmes effets qu’une transmission universelle de patrimoine. Cette dernière est réalisée à l’occasion d’une dissolution faisant suite à une fusion ou à une scission et implique le transfert par une démarche globale et unique de l’ensemble des éléments actifs et passifs de l’entreprise, dans l’état où ils se trouvent à la date de réalisation définitive de l’opération.

Le transfert n’entraîne aucune conséquence sur les contrats et conventions en cours conclus par les deux établissements publics et leurs filiales.

Toute liberté est laissée aux parties concernées, sous le contrôle de l’autorité administrative, pour déterminer les actifs et passifs à transférer au-delà de ceux figurant dans les comptes dissociés.

L’article 10 du projet de loi précise que le transfert est réalisé sur la base des valeurs nettes comptables à la dernière clôture précédant le transfert (soit a priori au 31 décembre 2014), cette valeur étant déterminée selon les principes comptables appliqués pour l’établissement des comptes dissociés de l’exercice 2012. Ce transfert sera opéré dans des conditions n’affectant pas les capitaux propres de SNCF Mobilités et SNCF Réseau. Il s’agit donc d’un transfert comptablement « neutre » d’un point de vue patrimonial.

b. Le transfert des biens de SNCF Mobilités et SNCF Réseau à la SNCF

De façon analogue et sur la base des missions qui seront exercées par l’EPIC de tête SNCF, et notamment dans le cadre de ses futures fonctions de pilotage du groupe et de mutualisation des fonctions support, l’article 11 du projet de loi prévoit de procéder aux transferts « de l’ensemble des biens, droits et obligations » des établissements publics SNCF Mobilités et SNCF Réseau.

En effet, la création du groupe public ferroviaire autour de trois entités (SNCF, SNCF Réseau et SNCF Mobilités) s’accompagne de l’attribution à l’établissement public mère de quatre missions dont le contenu concret devra être ultérieurement défini (12) : le contrôle et le pilotage stratégiques, la cohérence économique et l’intégration industrielle (établissement des comptes consolidés, du plan stratégique et du budget du groupe…) ; la gestion de l’unité sociale du groupe (définition et animation des politiques des ressources humaines…) ; la conduite de missions mutualisées (gestion administrative des ressources humaines…) ; ainsi que la direction de missions utiles au bon fonctionnement du système ferroviaire (définition et coordination de la politique de sûreté ferroviaire...).

L’essentiel des transferts nécessaires à la constitution de la SNCF consistera en des transferts de personnel (13) et de moyens généraux (informatique, systèmes de gestion, contrats, etc.). Le transfert des biens, droits et obligations attachés aux missions mutualisées dépendra de la définition donnée au contenu de cette fonction qui devrait être précisée par les trois établissements publics.

Suivant le décalque de l’article 10, ce transfert est réalisé de plein droit et n’emporte aucune conséquence sur les contrats et conventions en cours, conclus par SNCF Réseau, SNCF Mobilités et leurs filiales.

De même, il doit être effectué sur la base des valeurs nettes comptables à la dernière clôture précédant le transfert (soit a priori au 31 décembre 2014) déterminées en prenant en compte les principes comptables appliqués pour l’établissement des comptes dissociés de l’exercice 2012. Toutefois, si la notion de « comptes dissociés » s’applique aux comptes de la branche Infrastructure de l’actuelle SNCF, elle ne renvoie aucunement aux comptes de SNCF Mobilités et SNCF Réseau.

c. La procédure de transfert des biens

Le projet de loi prévoit que le périmètre des biens, droits et obligations transférés à SNCF Réseau ainsi qu’à l’EPIC de tête fera l’objet d’une approbation par l’autorité compétente, impliquant qu’une concertation et la recherche d’un consensus entre les trois établissements publics devront aboutir avant cette décision administrative. Le Rapporteur souligne, à ce titre, que dans un souci de clarté, il conviendrait de qualifier expressément cette autorité.

Le projet de loi ne renvoie pas à un décret le soin de fixer la liste des biens de l’actuelle SNCF transférés à SNCF Réseau attachés à l’exercice des missions de SNCF Réseau, ni des biens de RFF et de l’actuelle SNCF transférés à l’EPIC de tête.

Les établissements se verront dans l’obligation de déterminer conjointement et précisément la liste des biens objets du transfert qui sera ensuite communiquée aux autorités de tutelle, sans que pour autant ne soit prévu de mécanisme en cas de désaccord, afin de responsabiliser les établissements publics et favoriser le consensus.

Cet exercice de partage entre SNCF Mobilités et SNCF Réseau devrait a priori soulever moins de difficultés que lors de la création de RFF dans la mesure où l’actuelle SNCF a constitué une branche d’activité déjà dédiée à la gestion de l’infrastructure.

Il n’est donc pas envisagé de recourir à une commission de répartition des actifs. Si un litige survenait le cas échéant, le conseil de surveillance de l’EPIC de tête, au sein duquel l’État disposera de la majorité des voix, pourrait jouer un rôle d’arbitre.

Même si le projet de loi n’en fait pas état, une convention de transfert devrait être conclue entre les parties afin de régler certains points. Notamment, elle définirait le périmètre transféré, les valeurs de transfert, les charges et les conditions de transfert. Cette convention devrait constituer le document soumis à l’approbation de l’autorité compétente.

Aux termes de l’article 19 du projet de loi, ce transfert aurait lieu au 1er janvier 2015.

Enfin, le Rapporteur souligne que le projet de loi procède au transfert des biens de SNCF Mobilités qui n’est qu’affectataire des biens appartenant au domaine public ferroviaire dont la propriété reste celle de l’État. Il convient donc de rectifier cette imprécision juridique.

d. Le transfert des biens nécessaires aux transports ferroviaires effectués pour les besoins de défense de la SNCF vers SNCF Réseau

L’article 16 du projet de loi prévoit que la propriété des biens du domaine public de l’État confié à l’actuelle SNCF et « nécessaire aux transports ferroviaires effectués pour les besoins de défense » est transférée à SNCF Réseau.

En effet, la SNCF est aujourd’hui le gestionnaire d’infrastructures des installations du Service Militaire des Chemins de Fer (SMCF) (14). Ces installations sont constituées de 65 sites (voies ferrées, quais en bout ou latéraux, zones d’attente des camions, chemin d’accès éventuel).

Concrètement, pour un site donné, les infrastructures ferroviaires utiles aux besoins de la défense se composent d’aires de manœuvre pour les véhicules avant embarquement, d’un quai et d’une à deux voies desservant ce quai. Ces infrastructures sont consacrées aux opérations d’embarquement ou de débarquement des troupes et des matériels militaires dans le cadre de leur entraînement ou pour acheminer, en cas d’urgence, des forces armées sur le territoire national (catastrophes naturelles, mise en œuvre de plans gouvernementaux) ou vers une ou plusieurs plateformes d’embarquement avant projection sur un théâtre d’opérations extérieures (opération Serval au Mali ou opération Sangaris en Centrafrique). Certaines des parcelles foncières ou des installations et équipements où se trouvent ces sites appartiennent soit à la SNCF, soit à RFF. Toutefois, il existe parfois des situations complexes pour lesquelles tant la SNCF que RFF se partagent la propriété d’un site, rendant ainsi difficile sa gestion.

C’est la raison pour laquelle un groupe de travail a été constitué en 2012 entre le ministère des Transports et le ministère de la Défense pour établir la liste précise des biens nécessaires à la défense et pour examiner quelle serait la solution juridique la plus pertinente pour rendre ce patrimoine foncier cohérent.

Le groupe de travail a ainsi établi un projet de liste des biens appartenant à la SNCF et nécessaires aux transports ferroviaires effectués pour les besoins de la défense. Cette liste comprend 54 lots ferroviaires à transférer en intégralité et 27 lots à transférer après découpage. Elle a donné lieu à la signature d’une convention quadripartite en décembre 2012 entre les ministères chargés de la défense et des transports, la SNCF et RFF.

De fait, l’article 16 qui dispose que si aucun accord n’intervient au 31 décembre 2014 entre RFF et la SNCF, la liste des biens sera fixée par arrêté conjoint des ministres compétents (15), pourrait constituer une précaution superfétatoire en raison de la signature de la convention en décembre 2012. Toutefois, le Rapporteur considère que cette disposition garantit qu’un partage des biens soit in fine effectif au 1er janvier 2015, ainsi que l’article 16 le prévoit.

Contrairement aux dispositions des articles 10 et 11 qui prévoient que les transferts sont réalisés sur la base des valeurs nettes comptables, ceux prévus à l’article 16 interviennent à titre gratuit ce dont s’étonne le Rapporteur. Ces transferts ne donnent lieu à aucune contribution de sécurité immobilière (16), due à l’État par toute personne qui requiert l’exécution de la formalité fusionnée de publicité foncière et d’enregistrement.

2. La gestion domaniale des biens de l’EPIC mère SNCF

L’article 1er du projet de loi est notamment consacré à l’organisation et au fonctionnement de l’établissement public SNCF et insère au livre Ier de la deuxième partie du code des transports, un titre préliminaire.

La section 4 du chapitre II « SNCF » de ce nouveau titre porte sur la gestion domaniale des biens immobiliers de l’EPIC mère SNCF. Sont ainsi créés deux nouveaux articles prévoyant la possibilité pour cet établissement public de céder ses biens immobiliers à l’État ou à des collectivités territoriales « pour des motifs d’utilité publique, moyennant le versement d’une indemnité égale à la valeur de reconstitution » dont les modalités seront fixées par voie réglementaire (17).

Le nouvel article L. 2102-13 constitue le décalque pour le futur établissement de tête du groupe public ferroviaire des dispositions déjà existantes s’appliquant à RFF (18) et à la SNCF (19) et prévoyant que les biens immobiliers utilisés pour la poursuite des missions de RFF ou de la SNCF « peuvent être cédés à l’État ou à des collectivités territoriales pour des motifs d’utilité publique, moyennant le versement d’une indemnité égale à la valeur de reconstitution ».

Ces opérations constituent des ventes « avec reconstitution préalable » permettant à l’État, ainsi qu’aux collectivités territoriales, d’acquérir, pour des projets d’intérêt général, des biens encore utiles aux activités de SNCF ou RFF. Dans ce cas, l’indemnité de cession inclut la couverture des dépenses supportées par l’opérateur pour reconstituer, à un autre endroit, l’installation qui était utile à la poursuite de ses missions.

Si l’on se reporte aux dispositions réglementaires détaillant le régime de cession des biens de RFF (20) et de la SNCF (21), des précisions peuvent être apportées sur la notion de « valeur de reconstitution » du bien cédé, telle qu’elle pourrait s’appliquer au nouvel établissement public SNCF. Elle tient compte notamment, soit du prix d’acquisition du terrain de remplacement dans la limite de la valeur vénale du terrain cédé considéré comme non bâti, soit de la valeur vénale du terrain cédé lorsqu’il n’y a pas lieu de procéder à l’acquisition d’un terrain de remplacement, augmentée du coût de reconstitution des bâtiments et installations de nature immobilière édifiés sur le terrain cédé et des coûts de déplacement et de réinstallation des équipements transportables.

Cette indemnité de reconstitution due à RFF ou à la SNCF est fixée par le directeur départemental des services fiscaux.

Quant à la notion de « bien immobilier », elle recouvre, dans le cas du nouvel établissement public SNCF, l’ensemble des biens industriels et tertiaires immobiliers attachés à l’exercice de la mission de la SNCF, transférés par SNCF Mobilités et SNCF Réseau dans le cadre de l’article 11 du projet de loi.

Le Rapporteur souligne que les ventes avec indemnité de reconstitution ne concernent que les biens utiles à la poursuite des missions de l’établissement public, et non l’ensemble des ventes. Or, la rédaction du nouvel article L. 2102-13 du code des transports se rapporte à tous les biens immobiliers du futur EPIC de tête et comporte ainsi un champ d’application plus étendu que les actuels articles L. 2111-20 et L. 2141-15 du code des transports.

Le nouvel article L. 2102-14 précise que les règles de gestion domaniale applicables à la SNCF, notamment les modalités de déclassement, seront fixées par décret.

C. UNE RÉFORME DE LA GOUVERNANCE AU SERVICE D’UNE MEILLEURE EFFICIENCE FINANCIÈRE

1. Des gains financiers liés à la constitution du GIU de l’ordre de 500 millions d’euros par an

Le GIU constituera un engagement de performance. En effet, des économies de l’ordre de 500 millions d’euros par an en sont attendues, soit un tiers du déficit actuel de RFF, à volume de production donné.

a. Des gains liés aux achats : une économie attendue de 300 millions d’euros

Les achats du GIU s’élèvent à 3,7 milliards d’euros par an. Depuis le 1er novembre 2013, les deux directions aux achats de SNCF Infra et de RFF analysent contrat par contrat, les pistes d’économies possibles jusqu’à 2020.

La constitution du GIU permettra de se doter une vision de moyen/long terme et définir une politique d’achat qui permettra :

– d’animer le marché fournisseur en donnant de la visibilité et en augmentant le nombre de soumissionnaires ;

– de négocier les prix dans un contexte de hausse de volume de l’activité et de massification des achats ;

– d’optimiser les cahiers des charges ;

– de mettre en place des partenariats forts avec les fournisseurs.

À ce jour, les contrats correspondant aux achats de travaux et de fourniture représentent des gains compris entre 180 et 220 millions d’euros à l’horizon 2020.

b. Les gains liés au rapprochement des structures : entre 50 et 70 millions d’euros

Le rapprochement des structures permettra la réalisation de synergies et mutualisation de moyens :

– simplification de la chaîne de gestion des projets par la réduction des interfaces entre la maîtrise d’ouvrage et la maîtrise d’ouvrage délégué ;

– suppression de la gestion des contrats et des reporting entre les deux entités historiques ;

– mutualisation des fonctions support par effets d’échelle ;

– mutualisation des moyens communs tels que les locaux ou les achats de prestations intellectuelles.

La définition des grands processus de production (allocation de capacité, réalisation des travaux…) est engagée depuis novembre 2013 par les quatre métiers futurs du GIU. Elle s’accompagne d’un travail d’implication et aboutira à une évolution fine des gains de productivité.

c. Les gains liés à la mise en place de processus nouveaux : entre 130 et 150 millions d’euros

La réforme permettra une nouvelle performance industrielle grâce à la mise en œuvre de plusieurs pistes de travail :

– sur les coûts d’entretien avec la mise en place d’un programme d’efficacité industrielle incluant une démarche lean (démarche sans gaspillage), le déploiement d’une gestion de maintenance assistée par ordinateur (GMAO), la rationalisation du parc engins, l’innovation technique dans les méthodes de surveillance du réseau ;

– sur les coûts des projets, hors achat des travaux, avec notamment l’optimisation de la phase conception grâce au rapprochement des équipes de maîtrise d’ouvrage et de l’ingénierie technique ;

– sur les coûts de gestion de la circulation par exemple en poursuivant l’optimisation dans les postes d’aiguillage ou encore en révisant les procédures réglementaires structurantes de la DCF.

La réforme permettra enfin un arbitrage plus efficient entre les sillons et les travaux :

– le rapprochement des équipes qui réalisent les opérations avec celles qui conçoivent les sillons et les plages permettra une meilleure utilisation des capacités et une réduction des coûts de production (équilibre entre plages de jour et plages de nuit, rallongement de certaines plages de travaux, utilisation de capacité résiduelle) ;

– le choix de fermeture temporaire complète de lignes pour réaliser des travaux de rénovation permettra également une hausse du volume de production et des gains d’efficacité attachés à cette optimisation des moyens.

2. Un effort de l’État qui s’élève à 500 millions d’euros

L’article premier du projet de loi définit l’objet de l’établissement public à caractère industriel et commercial (EPIC) SNCF qui consiste dans le contrôle et le pilotage stratégiques, la cohérence économique, l’intégration industrielle et l’unité sociale du groupe public ferroviaire. Il assure dans ce cadre des fonctions transversales et définit la politique des ressources humaines du groupe.

L’article 1er précise les ressources affectées à la SNCF. Il permet notamment à SNCF Mobilités de verser des dividendes à la SNCF afin de permettre à cette dernière de verser des dotations à SNCF Réseau. L’article premier prévoit que : « le montant de ce dividende est fixé après examen de la situation financière de SNCF Mobilités et constatations par le conseil de surveillance de la SNCF, de l’existence de sommes distribuables. Il est soumis, pour accord, à l’autorité compétente de l’État, qui se prononce dans un délai d’un mois. À défaut d’opposition à l’issue de ce délai, l’accord de celle-ci est réputé acquis ». Ce dividende, représentant 30 % du résultat net récurrent – donc sans prise en compte des aléas tels que la dépréciation d’actifs – est aujourd’hui versé à l’État. Il a représenté 199 millions d’euros en 2012 sur les résultats 2011, 202 millions d’euros en 2013 sur les résultats 2012 et 175 millions d’euros en 2014 sur les résultats 2013. Après la présentation du plan stratégique de l’actuelle SNCF appelé Excellence 2020 – développement international, projet de déplacement porte à porte… –, il est estimé à 350 millions d’euros par an à partir de 2015.

Par ailleurs, dans le cas d’une intégration fiscale, SNCF Mobilités pourrait transférer à la SNCF le montant actuel de son impôt sur les sociétés. Le montant de l’impôt sur les sociétés versé par la SNCF s’établissait en 2013 à 191 millions d’euros.

En définitive, l’effort de l’État en faveur du retour à l’équilibre financier du système ferroviaire serait de l’ordre de 500 millions d’euros.

Ces flux financiers ne présenteront pas d’entrave au droit communautaire dans la mesure où le souci de préserver l’indépendance du gestionnaire d’infrastructure quant à l’exercice de ses fonctions essentielles est omniprésent et où la fixation des prix des prestations sera déterminée de façon transparente et auditable.

En effet, contrairement à d’autres modèles européens, il n’y aura pas de possibilité de financement des activités de transport – soumises à la concurrence – par les bénéfices du gestionnaire d’infrastructures : en premier lieu car il n’existe pas dans le projet de loi de « tuyau » pour un tel transfert et en second lieu car la situation financière du GI français rend cette éventualité virtuelle.

Le projet de loi ferroviaire permettra donc d’améliorer la trajectoire financière du système ferroviaire de l’ordre d’un milliard d’euros. Il ne résout cependant pas complètement l’équation puisque le déficit à réseau constant se situerait entre 400 et 500 millions d’euros par an et ne permettrait donc pas de commencer à amortir la dette ferroviaire. De plus, les projets de développement engagés auront également des conséquences sur l’équilibre financier du nouveau groupe ferroviaire.

III. AMÉLIORER LE PROJET DE LOI EN HARMONISANT LE RÉGIME DE PROPRIÉTÉ DES BIENS, EN TRAITANT LA DETTE FERROVIAIRE ET EN RENFORÇANT LA « RÈGLE D’OR »

A. UNE HARMONISATION NÉCESSAIRE DU RÉGIME DE DÉCLASSEMENT DES BIENS ENTRE SNCF MOBILITÉS ET SNCF RÉSEAU

La quasi-totalité des biens dont est affectataire l’actuelle SNCF et dont est propriétaire RFF dépendent du domaine public ferroviaire. Pour ce type de biens, la différence de statut entre les deux établissements publics a peu de conséquences en pratique. Elle implique cependant que la procédure de cession diffère selon qu’un terrain appartient à RFF ou est géré par la SNCF.

Lorsque l’un des deux établissements publics envisage de céder un bien, il doit en informer l’État et la commune sur laquelle est situé le projet d’aménagement. Le droit de priorité de la commune, qui implique que lui soit notifiée l’intention de vendre avec mention du prix de vente tel qu’il est estimé par le service du Domaine avant l’engagement de toute procédure de cession, doit ainsi être respecté (22). Puis, le bien objet de la cession doit être au préalable déclassé du domaine public ferroviaire. Pour cela, la SNCF doit saisir l’autorité compétente de l’État (ministre ou préfet selon le montant du bien) pour que celle-ci prononce le déclassement (23), alors que RFF prononce lui-même le déclassement des biens qui lui sont devenus inutiles.

Or, le projet de loi ne règle pas la question de cette dualité des procédures de gestion foncière existantes, entre le futur SNCF Mobilités et le futur SNCF Réseau.

Le Rapporteur estime que cette différence, source de complexité, freinera la cohérence et la concrétisation rapide des futurs projets d’aménagement, dans le cadre de la création du groupe public ferroviaire. En effet, aux termes du futur article L. 2102-1 du code des transports, l’établissement mère assurera des missions mutualisées pour le compte du groupe, et donc de SNCF Réseau et de SNCF Mobilités, comprenant notamment, selon l’étude d’impact au projet de loi, la gestion et la valorisation du foncier et de l’immobilier (mutualisation des compétences spécialisées du groupe pour la gestion immobilière, tant pour l’immobilier tertiaire que pour la valorisation des actifs qui ne sont pas utiles à l’activité ferroviaire).

Dans un souci de simplification et de cohérence, le Rapporteur propose de procéder à l’harmonisation des procédures de déclassement entre le futur établissement public SNCF Mobilités et le futur SNCF Réseau. Il serait souhaitable d’autoriser SNCF Mobilités à utiliser la même procédure de déclassement que celle pratiquée par SNCF Réseau : l’État ne déclasserait plus les biens du domaine public mais en resterait propriétaire, tout en introduisant un contrôle nécessaire pour prévenir tout risque vis-à-vis de pratiques discriminatoires entre entreprises ferroviaires. Ainsi, il conviendrait de prévoir les conditions dans lesquelles l’ARAF pourrait rendre un avis préalablement au déclassement de biens susceptibles d’avoir une utilité ferroviaire en dehors du groupe public ainsi que de fiabiliser les délais pour les diverses consultations nécessaires afin que le groupe ferroviaire dispose d’un calendrier ferme pour ces opérations. Ceci permettrait de garantir l’efficacité de la gestion du patrimoine immobilier et foncier des trois EPIC.

B. UNE DETTE QUI CONTINUE ET QUI CONTINUERA D’AUGMENTER MALGRÉ LE PROJET DE LOI

La dette actuellement portée par la SNCF (future SNCF Mobilités) est de 7,3 milliards d’euros. Elle ne fait pas l’objet de débat quant à son caractère amortissable. Cette dernière est d’ailleurs sous contrôle et en réduction régulière.

En revanche, la dette portée par RFF qui est de l’ordre de 33,7 milliards d’euros est liée à un certain nombre d’actifs de natures et d’utilisation diverses. Au sein de ces actifs, certains peuvent sembler dépourvus d’intérêt économique au sens strict et avoir pour motivation essentielle des préoccupations d’intérêt général ou de service public – ce qui ne réduit en rien leur légitimité.

Toutefois, en principe, des travaux ont été réalisés à l’aide de subventions publiques destinées à couvrir la part non remboursable de leurs coûts – et dans certains cas, l’intégralité de leurs coûts – en application de l’article 4 du statut de RFF. Ainsi en théorie, l’ensemble des actifs investis ces quinze dernières années devrait être financé au terme de leur utilisation. Pourtant, il ressort de ces projections financières que ces actifs dans leur ensemble ne sauraient permettre de rembourser la dette, à quelque horizon que ce soit, en dépit des hausses très importantes de péages, qui pèsent chaque année sur le transporteur.

Deux raisons expliquent principalement cela :

– d’une part, les actifs ne génèrent pas de produits attendus à hauteur du coût de leur capital et de leur coût d’exploitation ;

– d’autre part, le poids des intérêts financiers de la dette actuelle crée un effet « boule de neige » que la première raison rend impossible à stopper.

Au regard des critères d’Eurostat, RFF n’appartient pas au secteur des administrations publiques : sa dette n’est pas garantie par l’État. Cette dette n’est donc pas consolidée dans le périmètre de l’État français pour le calcul de la dette publique. Cependant, il existe un risque à moyen terme de requalification de cette dette s’il s’avère qu’elle n’est pas contrôlable. Traiter la question de la dette en neutralisant les deux raisons de son augmentation est de ce fait indispensable.

C. TIRER LES CONSÉQUENCES DU FAIT QUE LES ACTIFS NE GÉNÈRENT PAS LES PRODUITS ATTENDUS EN RENFORÇANT LA RÈGLE D’OR

L’article 4 du décret du 5 mai 1997 relatif aux missions et aux statuts de Réseau ferré de France détaille le processus d’investissement de RFF.

Réseau ferré de France élabore son programme d’investissement qui peut comporter un vote pluriannuel et qui est assorti d’un plan de financement.

Les projets d’investissement inscrits à son programme à la demande de l’État, d’une collectivité territoriale ou d’un organisme public local ou national, ne peuvent être acceptés par RFF qu’à la condition que les demandeurs contribuent à leur financement par un concours financier « propre à éviter toute conséquence négative sur les comptes de RFF sur la période d’amortissement de cet investissement ».

Ce mécanisme, en principe vertueux, n’a malheureusement pas permis à RFF de refuser des investissements qui, s’ils avaient un réel intérêt socio-économique, n’étaient pas amortissables par l’établissement public en raison d’une surestimation des bénéfices pour les opérateurs et les gestionnaires d’infrastructures, générés par des prévisions de trafic trop optimistes. À titre d’exemple, le trafic Eurotunnel qui était estimé en 1994 à 35,8 millions de personnes en 2003, n’a été que de 14,9 millions d’euros de personnes. De même, le trafic pour 2002 de la LGV Nord, estimé au moment de l’enquête d’utilité publique à 38,7 millions de personnes, n’a été que 19,2 millions de personnes.

Cette surestimation conduit RFF à accepter des financements de projets qui comportent le risque d’aggraver son déséquilibre financier et in fine de sa dette. C’est la raison pour laquelle tout raisonnement financier à réseau constant ne peut que se révéler faux.

L’article 2 du présent projet de loi prévoit d’inscrire dans la loi la règle d’or prévue par l’article 4 du décret du 5 mai 1997. La mesure est nécessaire mais elle n’est pas suffisante car elle n’empêchera pas la surestimation de trafic à l’origine des impasses financières de RFF, mais aussi de la SNCF qui ne peut refuser de faire circuler ses trains sur les lignes nouvellement construites. Le Rapporteur pour avis proposera donc un amendement visant à faire financer par la ou les collectivités publiques qui le demandent, l’intégralité des projets d’investissements, sans faire la distinction entre investissements amortissables qui peuvent être couverts par des péages et investissements non amortissables.

Cette disposition permettra de mettre un terme à la fuite en avant consistant à faire porter à RFF, mais aussi à la SNCF, une dette peut-être légitime mais qui n’est pas la sienne.

Toutefois, il demeure indispensable que SNCF Réseau puisse continuer à financer l’entretien et la rénovation du réseau existant.

Ainsi, pour permettre à la réforme ferroviaire de contribuer puissamment au redressement des comptes du GIU, deux éléments pourraient compléter les dispositions existantes :

– l’institution d’un critère renforçant l’exigence de couverture de coût complet par des recettes définitives : le projet de loi prévoit que le contrat pluriannuel liant l’État et le GIU fixe « la chronique de taux de couverture du coût complet à atteindre annuellement ». Cet article devra préciser qu’à échéance du contrat pluriannuel le coût complet du réseau existant devrait être couvert par des péages ou des subventions et non par la dette. Cette règle de couverture du coût complet permettrait d’éviter la tentation de baisser la subvention versée au GIU afin de « cacher » de la dette d’État et de la faire porter par l’EPIC ;

– le renforcement de la protection offerte par la « règle d’or » au titre du financement de projet : il est proposé d’interdire tout financement par le GIU d’investissements de développement du réseau, notamment les nouvelles lignes de LGV. En conséquence, les projets d’investissement de développement engagés à la demande d’une ou de plusieurs autorités publiques feront l’objet d’un financement intégral de la part des demandeurs durant toute la durée de l’amortissement de ces investissements.

Une autre voie pourrait consister à donner d’une part à l’ARAF un droit d’avis motivé sur la contribution financière du GIU au titre de la règle d’or afin de sortir de la relation déséquilibrée entre le GIU et les collectivités publiques et notamment l’État et, d’autre part, de prévoir que la prime de risque à appliquer au projet soit encadrée par décret.

D. PRÉVOIR UN AMORTISSEMENT DE LA DETTE FERROVIAIRE AFIN DE STOPPER L’EFFET BOULE DE NEIGE

Une fois coupé le mécanisme à générer de la dette non amortissable, l’équilibre financier ne sera pas encore atteint. En effet, la question du stock de dette actuelle demeure.

L’importance de la dette du réseau, sa dynamique et les frais financiers qu’elle engendre de l’ordre de 1,3 milliard d’euros amènent aujourd’hui à considérer que malgré les efforts que le système ferroviaire s’est engagé à fournir au travers de gains de productivité du GIU et de la contribution du transporteur SNCF Mobilités, l’équation financière globale du réseau ne sera pas résolue. Il reste, en effet, à financer 500 millions d’euros par an pour seulement stabiliser la dette à réseau constant.

Le Rapporteur pour avis proposera un amendement afin d’aboutir à court terme à la création d’une caisse d’amortissement la dette ferroviaire (CADEF) financée par des prélèvements sur le transport routier – sous la forme de l’écotaxe poids lourds ou sous une autre forme – dans une optique de report modal. En effet, aujourd’hui la dette portée par le GIU est principalement une dette héritée des grands projets d’infrastructure ferroviaire et contractée à l’époque où il n’existait aucune règle permettant de protéger les comptes du gestionnaire d’infrastructure. La création d’une telle caisse apparaît à ce titre légitime.

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TRAVAUX DE LA COMMISSION

La Commission examine pour avis les articles 1er, 2, 3, 4, 5, 10, 11 et 16 du projet de loi portant réforme ferroviaire (n° 1468).

M. le président Gilles Carrez. Nous examinons aujourd’hui pour avis huit articles du projet de loi portant réforme ferroviaire, que la commission du Développement durable et de l’aménagement du territoire, saisie au fond, examinera le 27 mai. La discussion en séance publique est prévue pour le mois prochain. Je rappelle qu’à l’automne dernier, nous avons procédé à plusieurs auditions, dont celles de MM. Jacques Rapoport et Guillaume Pepy, respectivement présidents de Réseau ferré de France – RFF – et de la SNCF.

M. Olivier Faure, rapporteur pour avis. Ce projet de loi a été présenté parce que nous croyons en l’avenir du réseau ferré national et parce que le système actuel, issu de la réforme de 1997, se trouve à bout de souffle. Il enregistre en moyenne, chaque année, 1,4 milliard d’euros de pertes.

Le législateur de 1997 avait le choix entre le modèle intégré allemand et le système britannique reposant sur un gestionnaire d’infrastructure indépendant. Il a retenu une troisième voie en créant un gestionnaire d’infrastructure, RFF, et un gestionnaire délégué, SNCF Infra : la tête et les bras, en quelque sorte ! RFF a été conçu presque exclusivement pour porter une dette importante. En face des passifs, il était nécessaire de placer des actifs, c’est-à-dire la propriété du réseau, car l’État n’a pas fait le choix de reprendre la dette comme en Allemagne. Cette division entre un gestionnaire d’infrastructure et un gestionnaire d’infrastructure délégué s’est cependant rapidement révélée contreproductive, RFF demandant à la SNCF des efforts de compétitivité jamais vraiment définis et la SNCF se plaignant en retour d’augmentations incessantes des péages qui menacent sa rentabilité à moyen terme. Ce conflit a été nourri par des difficultés opérationnelles, un donneur d’ordre qui ne se trouve jamais en relation avec le client final et des mouvements sociaux dus à ce que les agents n’ont aucune visibilité à long terme.

Cette situation n’est pas nouvelle et le constat ne l’est pas davantage. À la suite des débats sur la loi du 8 décembre 2009 relative à l’organisation et à la régulation des transports ferroviaires – dite loi ORTF – et des assises du ferroviaire en 2012, il est apparu urgent de mettre fin aux dysfonctionnements et de rétablir l’équilibre financier. L’enjeu est aussi simple qu’ambitieux : sauvegarder, en le réformant, notre modèle ferroviaire afin d’éviter sa disparition comme cela a pu se produire dans de nombreux pays européens. Le présent projet de loi vise donc à pérenniser notre système ferroviaire en mettant fin à la dérive financière.

Pour atteindre cet objectif, il unifie le gestionnaire d’infrastructure, qui regroupera les actuels RFF, SNCF Infra et la direction des circulations ferroviaires au sein de SNCF Réseau. Cependant les services de l’opérateur seront quant à eux regroupés au sein de SNCF Mobilités, et ces deux entités entreront dans un groupe unifié, le groupe SNCF. Cette réforme permettra d’injecter 1,5 milliard d’euros dans le système. En effet, 500 millions d’euros annuels sont attendus des synergies et des économies d’échelle découlant de la réunification ; 500 autres millions d’euros abonderont les recettes de SNCF Infra : alors qu’aujourd’hui la SNCF reverse en moyenne 350 millions d’euros à l’État sous forme de dividendes, dans la nouvelle organisation, cette somme remontera à l’établissement public à caractère industriel et commercial – EPIC – de tête – la SNCF – qui la reversera à SNCF Réseau. À ces 350 millions d’euros s’ajouteront 150 millions liés à l’intégration fiscale. C’est donc un effort financier de 500 millions d’euros que l’État consentira en faveur du système ferroviaire. Enfin, SNCF Réseau et SNCF Mobilités attendent 500 millions de gains de productivité d’ici à 2020, ce qui permettra de combler la totalité du déficit d’un milliard et demi d’euros.

Le présent projet vise également à mettre en cohérence la répartition des biens avec les missions dévolues aux trois nouveaux EPIC.

Si RFF est aujourd’hui propriétaire de ses biens et maître de sa procédure de déclassement, tel n’est pas le cas de l’actuelle SNCF, qui n’est qu’affectataire des biens du domaine public ferroviaire dont l’État est propriétaire. Le projet de loi ne procède pas à une harmonisation de ces régimes, mais à une nouvelle répartition des actifs qui relève davantage de l’ajustement que d’un véritable partage. Il précise également la gestion domaniale de l’EPIC de tête.

Il est ainsi prévu de transférer les biens, droits et obligations attachés aux missions de gestion de l’infrastructure de SNCF Mobilités vers SNCF Réseau, tout comme seront transférés à la SNCF ceux de SNCF Réseau et de SNCF Mobilités qui sont nécessaires à l’accomplissement de ses missions.

Le transfert à SNCF Réseau des biens confiés à l’actuelle SNCF pour assurer les transports ferroviaires effectués pour les besoins de défense est également prévu, même s’il serait étonnant qu’il intervienne à titre gratuit.

Le projet de loi traite également la question de la gestion domaniale des biens de l’EPIC de tête, en donnant à cet établissement public la possibilité de céder ses biens immobiliers à l’État ou à des collectivités territoriales « pour des motifs d’utilité publique, moyennant le versement d’une indemnité égale à la valeur de reconstitution », et selon des modalités fixées par voie réglementaire.

Ce projet de loi comporte cependant trois limites. Il repose tout d’abord sur un pari, selon lequel les gains de productivité atteindraient 500 millions d’euros, sans autre précision sur leur nature ; il s’appuie ensuite sur un raisonnement à réseau constant alors que nous savons que des investissements sont ou seront réalisés – notamment pour les quatre lignes à grande vitesse lancées sous la précédente législature et pour la ligne Lyon-Turin puisque, à ma connaissance, ce projet n’a toujours pas été abandonné ; enfin, il ne prend pas en compte la spécificité de l’actuelle SNCF, qui est seulement affectataire de ses biens. Pour améliorer le texte, je proposerai donc une série d’amendements que je déposerai ultérieurement.

Concernant le volet domanial, je souhaite « nettoyer » le texte en revenant sur le transfert à SNCF Réseau des biens de SNCF Mobilités, qui n’en est pas propriétaire, et je préciserai que la cession des biens nécessaires aux besoins de défense se fera à titre onéreux.

Un autre amendement aura pour objet d’harmoniser les procédures de déclassement entre SNCF Mobilités et le futur SNCF Réseau. Il conviendrait d’autoriser la première de ces entités à utiliser la même procédure que la seconde – l’État ne déclasserait plus les biens du domaine public ferroviaire mais en resterait propriétaire –, tout en introduisant un contrôle nécessaire pour prévenir tout risque de pratiques discriminatoires entre entreprises ferroviaires. Ainsi, il faudrait prévoir les conditions dans lesquelles le régulateur, l’Autorité de régulation des activités ferroviaires – ARAF –, pourra rendre un avis préalable au déclassement de biens susceptibles d’avoir une utilité ferroviaire et rendre fiables les délais des diverses consultations nécessaires, afin que le groupe ferroviaire dispose d’un calendrier ferme pour ces opérations. Tout cela permettrait de garantir une gestion efficace du patrimoine immobilier et foncier des trois EPIC.

S’agissant du volet financier, la règle d’or instaurée en 1997 n’a pas empêché la croissance de la dette de RFF, du fait d’un schéma immuable : on envisage l’ouverture d’une ligne nouvelle, on en surestime les prévisions de trafic et donc de péages, et RFF se trouve conduit à accepter des investissements supérieurs à ce qui permettrait un amortissement complet. Afin d’éviter cela, je proposerai que tout nouvel investissement de développement soit totalement et exclusivement supporté par les collectivités publiques qui l’ont réclamé ; ainsi sera-t-il possible de raisonner à réseau constant.

L’aggravation de la dette de RFF découle également de l’action de l’État. En effet, le gestionnaire d’infrastructure s’est, en de nombreuses occasions, retrouvé la victime collatérale de la régulation budgétaire de fin d’année. À mesure que RFF augmentait ses péages, l’État diminuait ses subventions, tant et si bien que l’équilibre n’a jamais été atteint. Je proposerai donc que le contrat entre SNCF Réseau et l’État prévoie une couverture du coût complet et que l’ARAF se prononce sur ce contrat. Il s’agira d’un verrou supplémentaire contre la facilité dont tous les gouvernements ont usé : convertir une dette maastrichtienne de l’État en dette non maastrichtienne du système ferroviaire.

Enfin, il faut traiter le stock de dette, qui finira à terme par être requalifié en dette publique si rien n’est fait ; je suggère donc la création d’une caisse d’amortissement qui pourrait porter tout ou partie de la dette et qui bénéficierait d’un financement pérenne comme c’est déjà le cas de la Caisse d’amortissement pour la dette sociale – CADES. Un tel amendement se heurterait à l’article 40 de la Constitution, mais le Gouvernement ne semble pas fermé à une telle disposition, qui présenterait l’avantage de faire baisser les charges financières supportées par le gestionnaire d’infrastructure unifié – charges qui s’élèvent à 1,3 milliard d’euros par an – et constituerait une partie de la solution pour réduire la perte annuelle de 1,4 milliard d’euros.

Cette caisse d’amortissement pour la dette ferroviaire – CADEF – pourrait notamment être alimentée par l’éco-redevance acquittée par les poids lourds, proposée par notre collègue Jean-Paul Chanteguet, même si nous n’allons pas entrer dans ce débat maintenant.

Le système ferroviaire, exsangue, se trouve à une période charnière. Des millions d’usagers subissent chaque jour les effets de ces difficultés financières, des entreprises voient leur productivité et leur compétitivité faiblir et des cheminots doutent de leur avenir et se démotivent. Ce projet est donc le bienvenu, car il représente une étape indispensable à la résolution du problème, même s’il n’épuise pas le sujet.

M. le président Gilles Carrez. La réforme de 1997 était motivée par une raison financière mais répondait également à la volonté de se conformer aux règles de la concurrence.

La dette constituait alors un fardeau pour la SNCF car elle interdisait toute amélioration de la performance de la société et conduisait à une démotivation des agents. Contrairement à ce qui s’est passé dans d’autres pays, l’État n’avait pas voulu l’assumer et la SNCF portait la charge de l’ensemble des lignes de TGV qui avaient été construites depuis la fin des années 1970. Le législateur a donc transféré la dette de la SNCF à RFF. Le présent projet de loi réunifiant RFF et la SNCF, vous proposez de la sortir de la nouvelle entité pour la placer dans une CADEF. Mais comment amortira-t-on cette dette ? En 1995, le Parlement avait créé la contribution pour le remboursement de la dette sociale – CRDS – en même temps que la CADES, afin de rembourser la dette sociale ; on ne trouve aucun mécanisme comparable dans ce projet de loi.

La question de la concurrence ne constituait pas le véritable mobile de la réforme de 1997. Elle fut néanmoins mise en avant dans la perspective de l’ouverture du transport ferroviaire à la concurrence, afin qu’un opérateur n’assume pas seul les charges liées à la gestion de l’infrastructure. Comme vous l’avez rappelé, monsieur le rapporteur pour avis, le législateur de 1997 a opté pour une solution hybride qui prenait en compte la puissance de la SNCF et qui ne menait donc pas à son terme la logique de dissociation de l’exploitant et du gestionnaire de l’infrastructure. Celui-ci, RFF, s’est ainsi vu imposer un gestionnaire délégué, fonction remplie par la SNCF. Cette organisation ne pouvait pas réussir.

L’externalisation de la dette n’a pas réglé la question que pose cette charge financière. Comment résoudre ce problème ?

Bien que l’on cite souvent l’exemple de la Deutsche Bahn où le gestionnaire de l’infrastructure se trouve intégré, le dispositif prévu dans le projet de loi est-il conforme aux règles du droit de la concurrence européen ?

M. Alain Fauré. Dans les années 1990, la tendance était à la séparation de l’infrastructure et de l’exploitant, comme en témoigne la réforme d’EDF. On présentait également cela comme une exigence du droit de la concurrence. Parmi les premiers qui se sont engagés dans cette voie, certains ont depuis changé d’avis ; ainsi le Royaume-Uni a refusionné son système pour le faire fonctionner.

M. le président Gilles Carrez. En effet, l’Europe est marquée en la matière par de nombreux va-et-vient.

M. Alain Fauré. Oui, mais ceux-ci ont un coût et il devient nécessaire de dégager des solutions durables. Ce projet de loi pourrait en fournir une, mais il reste à trouver des ressources pour faire fonctionner ce dispositif.

Mme Eva Sas. Nous partageons la volonté d’introduire une organisation plus cohérente pour mettre fin aux dysfonctionnements qui résultent de la mauvaise coordination entre RFF et la SNCF. D’autre part, monsieur le rapporteur pour avis, je constate comme vous que la surestimation systématique du trafic sur les lignes qu’on souhaite ouvrir, a contribué à alimenter le déficit de RFF.

Le produit de la taxe poids lourds, indispensable, pourra certes être mis à contribution pour le remboursement de la dette, mais il devra également être affecté aux investissements ferroviaires. La commission « Mobilité 21 », à laquelle j’ai participé, a en effet mis en lumière la nécessité d’investissements importants pour moderniser et rénover le réseau existant. Est-il assuré que les gains de productivité attendus de cette réforme et la marge dégagée par la réduction des frais financiers seront utilisés à cette fin ? Cet effort, commencé depuis quelques années, est indispensable pour lutter contre le vieillissement du réseau, dont les conséquences peuvent se révéler très graves comme l’a montré l’accident de Brétigny-sur-Orge.

M. Marc Goua. Le rapprochement doit permettre de dégager des économies, mais le montant prévu de 500 millions d’euros pourra-t-il vraiment être atteint dans le contexte actuel ? D’autre part, comment serait alimentée la CADEF ?

Une halte ferroviaire ouvrira bientôt dans ma circonscription, après huit ans d’efforts, et ce projet a été pour moi l’occasion de découvrir l’existence d’une société, indépendante de la SNCF et de RFF, qui est chargée de la gestion des gares. Son maintien ne me semble pas s’imposer au vu des coûts supplémentaires qu’elle génère. Quel traitement le projet de loi lui réserve-t-il ?

M. Gilles Savary, rapporteur de la commission du Développement durable et de l’aménagement du territoire. On n’imagine pas à quel point notre système ferroviaire se trouve au bord de l’affaissement. RFF a été conçu comme une société de cantonnement de la dette et comme le moyen de nous mettre en règle de façon purement optique vis-à-vis de l’Union européenne. Toutes les autres missions ont été subdéléguées à la SNCF, celle-ci facturant à RFF les coûts engendrés par l’entretien et la maintenance de l’infrastructure selon une méthode de calcul opaque. D’autre part, la direction des circulations ferroviaires, toujours intégrée à la SNCF, attribue les sillons. Le projet de loi vise à mettre de l’ordre dans cette organisation et répond davantage aux exigences du droit de l’Union que le dispositif allemand, cette eurocompatibilité pouvant encore être renforcée par le vote des amendements confortant l’ARAF et cloisonnant davantage au sein du groupe SNCF Réseau. De fait, le Parlement européen, dans le cadre du quatrième paquet ferroviaire, a adopté en première lecture un système identique à celui qui est proposé dans le présent texte.

En revanche, comme l’a relevé M. le rapporteur pour avis, cette réforme ne règle pas la question financière ; la dette de RFF s’élève aujourd’hui à 33 milliards d’euros et si rien n’est fait, compte tenu des engagements actuels – qui ne permettront d’ailleurs de mettre un terme au vieillissement du réseau classique qu’en 2018 –, elle atteindra 60 milliards d’euros en 2025, la charge annuelle d’intérêts passant de 1,4 milliard à 3 milliards. Il était donc urgent d’agir.

La SNCF s’est pour sa part endettée de 7 milliards en raison des pertes qu’elle a enregistrées sur le fret, pourtant subventionné à hauteur de 150 millions d’euros cette année après l’avoir été à hauteur de 500 millions d’euros par an au cours de la dernière décennie. Fret SNCF se trouve ainsi menacé de la même procédure pour aides d’État illicites que la SNCM. Pourtant, malgré quatre plans en faveur du fret depuis dix ans, le trafic de marchandises ne cesse de diminuer.

Mesdames et messieurs les députés, vous connaissez les conditions de transport en Île-de-France, là où le plus de gens utilisent le rail, ainsi que l’état des réseaux classiques où l’on ne sait plus arbitrer entre les différents trafics – on ne sait ainsi plus faire passer à la fois du fret, des trains de transport express régional – TER–, des trains de grandes lignes et des trains d’équilibre du territoire – TET. Vous savez quelle est la difficulté de remettre en place les trains de grande ligne TET et à quel point l’intermodalité du système ferroviaire français reste faible – les trafics terrestres du port du Havre ne sont ainsi assurés qu’à 5 % par le train. Nous devons donc engager une réforme courageuse pour sauver le transport ferroviaire, et ce au moment même où il affronte de nouveaux concurrents : le covoiturage, qui se développe, mais également le transport par autocars, auquel les régions se rallient de plus en plus dans la mesure où le taux de remplissage des TER n’atteint que 25 % cependant que le voyageur n’acquitte que 28 % du prix du billet, et les lignes aériennes à bas coût – le prix au kilomètre parcouru d’un siège sur un vol intra-européen low cost est de 6 euros, montant qui, pour les lignes à grande vitesse, ne suffit à couvrir que le coût de l’infrastructure, et donc pas celui du matériel roulant et de l’exploitation. Le trafic TGV, en baisse continue, fait en conséquence plonger le transport ferroviaire dans de nouvelles difficultés.

Il faut certes cantonner la dette, mais il y a surtout lieu d’élaborer un cadre prudentiel qui empêche les responsables politiques de noyer le système ferroviaire sous la dette, à force de promesses.

M. Alain Rodet. La séparation opérée par la réforme de 1997 a aggravé une situation déjà dégradée. Quelques semaines avant la tragédie de Brétigny-sur-Orge en juillet dernier, une délégation syndicale de cheminots nous avait alertés sur l’état de la ligne et l’un de ses membres avait même indiqué qu’un accident grave surviendrait un jour à cet endroit.

Nous avons bien des efforts à consentir, mais il ne faut pas nourrir trop d’illusions : le meilleur plan ne permettra jamais que le train s’autofinance à plus de 50 %.

M. Jean-Louis Gagnaire. La SNCF doit retrouver de l’oxygène afin d’être en position d’améliorer la qualité du réseau pour les usagers, car les Français ne sont pas égaux pour ce qui est de la desserte ferroviaire de leur territoire.

Si le système perdure, même à bout de souffle, c’est grâce aux régions qui ont acheté du matériel neuf et qui, depuis plusieurs années, sont même devenues autorités organisatrices de transport. Mais il existe un problème évident de synchronisation entre les opérateurs et les responsables de la commande publique, et l’État comme les régions n’ont pas à jouer le rôle de « vaches à lait » de la SNCF. D’où le projet de créer une structure qui serait chargée d’acquérir le matériel directement, sans passer par l’opérateur, car il doit revenir à celui qui paie de négocier les prix et les caractéristiques du matériel. Aujourd’hui, nous sommes dans une situation assez singulière en Europe : les régions achètent le matériel et en assurent l’entretien sans en être propriétaires ! Plusieurs d’entre nous défendront donc des amendements visant à faire une plus juste place aux conseils régionaux dans un dispositif qui ne peut être la seule affaire de l’État.

L’existence d’une sorte de nébuleuse est évidente ne serait-ce que quand on considère la gestion des gares : les quais relèvent de RFF, mais l’intérieur des bâtiments relève de la SNCF et cette séparation donne lieu à de nombreuses difficultés, par exemple pour l’installation d’ascenseurs destinés aux personnes à mobilité réduite. D’autre part, les régions n’ont aucun intérêt à rentabiliser l’utilisation des surfaces dans les gares, car le principe selon lequel les locations de ces espaces devraient réduire les contributions des conseils régionaux ne trouve pas d’application faute de transmission d’une comptabilité analytique. Nos collectivités espèrent donc que ce projet de loi leur assurera davantage de transparence.

Il en va de l’intérêt des usagers. Le nombre de voyageurs sur les lignes TER croît, car les ménages ont compris que ce mode de transport était moins cher, du fait de l’importance de son subventionnement, et plus sûr tout en garantissant des temps de trajet fiables. Je rappelle d’ailleurs que les TER, ce sont aussi des transports assurés par autocar, de plus en plus utilisés pour les petites liaisons qui ne peuvent plus être desservies par un rail à l’abandon.

M. Charles de Courson. Arrêtons de qualifier la SNCF de grand service public, car la part de son chiffre d’affaires correspondant au service public ne dépasse pas 20 %.

La dette représente une bombe de 40 milliards d’euros – 33 milliards pour RFF et 7 milliards pour la SNCF –, d’autant que la part de la RFF sera très prochainement intégrée à la composante maastrichtienne de la dette publique, tout remboursement étant exclu.

Pour redresser la SNCF, il faut tout d’abord accorder l’autonomie au fret. Depuis l’ouverture de cette activité à la concurrence, la SNCF a perdu près de 20 % de son marché.

M. Gilles Savary. Le secteur privé en a capté 30 % en seulement six ans. Comme je l’ai dit, cette activité du fret connaît un déclin prononcé malgré quatre plans en dix ans, dont celui de 800 millions d’euros conçu par M. Jean-Claude Gayssot, alors ministre des Transports, pour sauver Fret SNCF. Cette filiale qui transportait 50 milliards de tonnes par kilomètre en 2000 n’en assure plus aujourd’hui que 23 milliards. Cela étant, si l’EPIC sombre, ce n’est pas le cas de la SNCF qui a créé une société privée de fret en pleine croissance.

M. Charles de Courson. Perdre cinq points par an de parts de marché est énorme. Le redressement du fret exige la création d’une filiale autonome dotée d’une convention collective spécifique. Le projet en prévoit une, ce qui représente un progrès, mais il en faudrait deux : une pour le fret et une pour les autres activités.

Le rétablissement de la situation de la SNCF nécessite également une reprise de l’ordre de 20 milliards d’euros de la dette de RFF par l’État, décision qui ne relève pas du Parlement, mais du seul Gouvernement.

Il y a en outre lieu de mettre en œuvre un plan social conduisant à la suppression de 15 000 à 20 000 postes en sureffectif.

Enfin, il faut appliquer un nouveau régime de travail, même contre l’avis des représentants syndicaux.

M. Gilles Savary. Il y a déjà une convention collective pour le fret ; peu connue, elle s’applique depuis 2011, et le projet de loi prévoit la rédaction d’une convention collective pour le transport des passagers, tâche ardue car on touche là directement au statut privilégié des cheminots. Mais si cette convention ne voyait pas le jour, les cheminots seraient confrontés à des entreprises soumises au droit commun du travail ou à l’intérim. Ils doivent donc prendre leurs responsabilités.

Plutôt que d’envisager un plan social, il serait préférable de développer à nouveau le chemin de fer. Ce sont les mauvais investissements et les décisions erratiques de l’État qui ont créé la situation actuelle. Cela ne signifie pas qu’il n’existe pas de problème de productivité à la SNCF, mais le plan tout-TGV et l’abandon dans lequel on a laissé le réseau et qui contraint aujourd’hui, notamment dans la région parisienne, à des interventions d’urgence très coûteuses et dommageables pour le trafic, ont pesé d’un poids plus important dans la dégradation du système ferroviaire français. Les pouvoirs publics ne doivent pas se défausser de leurs responsabilités sur les personnels, d’autant que le nombre de passagers transportés a augmenté de 300 000 en dix ans quand celui des cheminots diminuait de 100 000. Affirmer que la SNCF n’a pas réalisé d’effort de productivité est donc faux.

M. le rapporteur pour avis. Le projet de loi ne répond pas à toutes les questions, mais il apporte des solutions à une partie d’entre elles. Il fournit une solution pour stabiliser la dette à l’horizon de 2020, même s’il faudra améliorer la règle d’or pour lever les doutes sur la possibilité d’atteindre cet objectif. Le projet documente le premier milliard d’euros d’économies, le demi-milliard restant apparaissant plus aléatoire. Au total, la cible de 1,4 milliard d’euros nécessaires pour rééquilibrer les comptes de RFF ne semble pas hors de portée. Il reste toutefois que ce calcul s’effectue à réseau constant alors que de nouvelles obligations de régénération et d’entretien des voies alimenteront un nouveau déficit ; en outre, comme Charles de Courson vient de le rappeler, nous devons faire face à un stock de dette qui atteint près de 40 milliards d’euros pour l’ensemble SNCF et RFF. Voilà pourquoi je suggère la création d’une caisse d’amortissement. Compte tenu de l’article 40, je serai réduit à me contenter d’une demande de rapport sur le sujet, mais, je le répète, le Gouvernement ne se montre pas hostile à l’idée et la discussion se poursuit. Cette caisse pourrait être alimentée par une partie de l’éco-redevance telle que l’a définie Jean-Paul Chanteguet. En tout état de cause, il est urgent d’agir sur ce stock, sous peine de voir la dette de RFF requalifiée et intégrée dans le périmètre « maastrichtien ».

Le communiqué publié à la suite de l’adoption en première lecture du quatrième paquet ferroviaire par le Parlement européen, le 26 février dernier, indiquait que les « États membres pourraient continuer de choisir une structure intégrée avec une seule société holding pour l’opérateur ferroviaire et le gestionnaire d’infrastructure ou une séparation entre les gestionnaires d’infrastructure et les opérateurs. Les règles sur les supervisions sont également renforcées. » Sous réserve de garantir les conditions de la concurrence, les États membres peuvent donc choisir le mode de gestion du système ferroviaire et le projet de loi entre parfaitement dans ce cadre.

En 1997, le législateur n’a suivi ni le modèle allemand ni l’exemple anglais en raison du climat social et d’une autocensure, voire d’un manque d’inventivité. Cela a abouti au développement d’un système très complexe, puisque nous avons confié aux uns la conception et aux autres la réalisation, tout en créant une direction supplémentaire à la SNCF pour gérer l’ensemble. Cette organisation se révèle inopérante, comme l’illustre l’actualité du jour faisant état d’un surcoût de 50 millions d’euros dû à la commande de matériels roulants trop larges pour les quais, faute d’un dialogue suffisant entre RFF et la SNCF. Le projet de loi devrait permettre d’éliminer ce genre de mécomptes.

Les investissements nouveaux entrant désormais dans le champ de la règle d’or, il est logique de dégager des moyens pour la rénovation et la régénération du réseau et le processus proposé dans le projet de loi apparaît de nature à sécuriser la conduite des investissements.

Pour répondre à la question de Marc Goua, l’entité chargée de la gestion des gares constitue une direction de la SNCF et ne lui est donc pas extérieure.

Comment parvenir à dégager le milliard et demi nécessaire ? Il faudra d’abord, pour les 500 premiers millions, supprimer les doublons et dégager des économies sur les coûts d’interface et sur les achats – estimés à 300 millions d’euros –, à quoi s’ajouteront les effets du rapprochement des structures – qui devrait rapporter de 50 à 70 millions d’euros – et de l’adoption de processus nouveaux – qui procurerait de 130 à 150 millions d’euros. L’effort de l’État, également de 500 millions, proviendra de la remontée des dividendes à l’EPIC de tête qui les reversera à l’EPIC chargé du réseau. Un processus d’intégration fiscale permettrait en outre que le produit de l’impôt sur les sociétés versé par la SNCF soit alloué au système ferroviaire. Seuls les 500 millions d’euros de gains de productivité restent à documenter, car leur calcul repose uniquement sur la prolongation d’ici à 2020 de la performance réalisée ces dernières années par la SNCF et par RFF.

La Commission en vient à l’examen des articles dont elle est saisie pour avis.

TITRE IER
DISPOSITIONS MODIFIANT LE CODE DES TRANSPORTS

Article 1er : Principes généraux relatifs au système de transport ferroviaire national, au groupe public ferroviaire et à l’établissement public SNCF

La Commission est saisie de l’amendement CF2 de M. Jean-Louis Gagnaire. 

Mme Monique Rabin. La série d’amendements que nous allons défendre vise essentiellement à renforcer le rôle des régions et à leur assurer certaines informations auxquelles elles ont droit, compte tenu de la place éminente qu’elles occupent dans le paysage ferroviaire.

L’amendement CF2 tend à les associer au déploiement de la politique de filière de l’industrie ferroviaire, ce qui permettrait de ne pas négliger les entreprises de taille intermédiaire locales de ce secteur.

M. le rapporteur pour avis. Votre proposition se trouve satisfaite par un amendement qui sera discuté lors de l’examen du texte par la commission du Développement durable. L’alinéa 8 de l’article 1er pose le principe selon lequel « l’État veille à la cohérence et au bon fonctionnement du système de transport ferroviaire national ». L’amendement CD18 du rapporteur au fond propose de réécrire la phrase suivante pour préciser que ce même État « en fixe les priorités stratégiques nationales et internationales » et « assure ou veille à ce que soient assurées » des missions que les alinéas suivants énumèrent. Après l’alinéa 12 qui compte parmi celles-ci « la conduite ou le soutien de programmes de recherche et de développement relatifs au transport ferroviaire en vue d’en accroître la sécurité, l’efficience économique et environnementale, la fiabilité, le développement technologique et l’interopérabilité », l’amendement CD20 du rapporteur au fond proposera d’ajouter « la programmation des investissements d’infrastructures, de développement, d’entretien et de régénération du réseau ferroviaire défini à l’article L. 2122-1 [du code des transports], des installations de services et des interfaces intermodales ; ». Cela permettrait d’affirmer davantage le rôle de l’État stratège et de définir plus précisément son domaine d’action.

Ces deux amendements répondent à votre volonté de voir le texte faire référence à l’organisation et au pilotage de la filière industrielle ferroviaire. Je vous demande donc de retirer votre amendement.

L’amendement est retiré.

La Commission examine ensuite l’amendement CF4 de M. Jean-Louis Gagnaire. 

M. Jean-Louis Gagnaire. Nous proposons que le Gouvernement présente une loi d’orientation et de programmation ferroviaire devant le Parlement tous les cinq ans. Dans l’intérêt des parlementaires et de l’ensemble des acteurs du secteur ferroviaire, ce rendez-vous régulier permettrait notamment de constater une éventuelle détérioration de la situation qui pourrait avoir des conséquences à très long terme, et donc de réagir. Une telle loi existe pour la défense nationale et une procédure similaire pour le secteur ferroviaire se trouve justifiée par le caractère comparable des enjeux budgétaires de ces deux politiques publiques.

M. le rapporteur pour avis. Sans me prononcer sur le fond de cet amendement, je rappellerai qu’il est de jurisprudence constitutionnelle constante que le Parlement ne peut imposer au Gouvernement la discussion d’un projet de loi. En conséquence, je vous demande de retirer cet amendement, quitte à le représenter en séance publique pour obtenir la réponse du Gouvernement.

L’amendement est retiré.

La Commission est saisie de l’amendement CF3 de M. Jean-Louis Gagnaire.

Mme Monique Rabin. Cet amendement prévoit explicitement que le Haut comité du ferroviaire comprendra des représentants de l’ensemble des autorités organisatrices de transport ferroviaire de voyageurs, en particulier des régions, qui sont les principaux contributeurs publics en la matière.

M. le rapporteur pour avis. Le rapporteur de la commission du Développement durable a proposé un amendement similaire. Je donnerai donc un avis favorable pour laisser le soin à ladite commission saisie au fond de choisir entre les deux la meilleure rédaction.

M. Charles de Courson. Est-il vraiment opportun de réunir ainsi les producteurs et les clients au sein d’une même instance ?

M. le président Gilles Carrez. Cela n’incite guère à réaliser des économies.

M. Gilles Savary. Le projet de loi mélange les genres : le Haut comité du ferroviaire est censé jour un rôle de conseil stratégique auprès du ministre et exercer dans le même temps des missions opérationnelles. Je proposerai de scinder la structure en deux. D’un côté, le Haut comité du ferroviaire serait, à l’image du Conseil supérieur de l’aviation civile ou du Conseil national des transports, une sorte de parlement réunissant, auprès du ministre, toutes les parties prenantes du secteur ferroviaire : la Fédération nationale des associations d’usagers des transports – FNAUT –, les régions, les opérateurs ferroviaires de proximité, les syndicats, les nouveaux entrants et, le cas échéant, des représentants d’autres modes de transport. Il serait notamment chargé d’examiner les projets de textes ou de rendre des avis à la demande du ministre sur tel ou tel sujet stratégique. De l’autre, un comité des opérateurs du réseau – cette dénomination peut être modifiée – rassemblerait l’ensemble des clients de SNCF Réseau. Ce comité comprendrait des représentants non seulement des autorités organisatrices de transports, mais aussi des opérateurs ferroviaires de proximité et des concessionnaires de sections de réseau tels que Vinci, de telle sorte qu’ils puissent dialoguer de manière permanente avec RFF, hors de la présence des autres partenaires – syndicats, associations d’usagers. Ses missions consisteraient à optimiser l’utilisation du réseau, à définir la charte du réseau – règle du jeu qui fixe les droits et les devoirs de chacun – et à régler à l’amiable les petits litiges qui peuvent l’être.

M. Jean-Louis Gagnaire. Une telle évolution serait très satisfaisante. Néanmoins, je propose que la Commission adopte notre amendement, en attendant que celui du rapporteur soit approuvé.

D’autre part, je ne peux pas vous laisser dire, monsieur le président, que les régions pousseraient à des dépenses supplémentaires si elles étaient représentées au sein du Haut comité du ferroviaire. Bien au contraire : le payeur veille à dépenser moins. Les régions ont ainsi inventé le crédit-bail pour financer, aux côtés de l’État, l’achat de matériel ferroviaire. Les dépenses résultent plutôt d’injonctions extérieures, les conseilleurs n’étant pas les payeurs. L’objectif d’une structure qui réunira les acheteurs de matériel sera justement de réaliser des économies.

M. le rapporteur pour avis. Je vous invite à retirer votre amendement au profit de celui du rapporteur de la commission saisie au fond, qui aborde la question sous un angle plus large que celui des seules autorités organisatrices de transport.

L’amendement est retiré.

La Commission examine l’amendement CF5 de M. Jean-Louis Gagnaire.

Mme Carole Delga. Cet amendement vise à ce que soient transmis au Parlement, d’une part, le projet de rapport conclu pour une durée de dix ans entre l’État et la SNCF et, d’autre part, le rapport annuel de la SNCF, qui devra rendre compte de la mise en œuvre de ce contrat.

M. le rapporteur pour avis. Il est satisfait par les amendements CD13 et CD25 du rapporteur de la commission saisie au fond. Avis favorable, cependant, sous réserve de supprimer le membre de phrase « et fait l’objet d’un débat sans vote », dans ses deux occurrences. À défaut, compte tenu des débats que vous proposez avec vos autres amendements, le Parlement discuterait de politique ferroviaire toute l’année !

Mme Carole Delga. Nous sommes d’accord avec cette modification.

La Commission adopte l’amendement ainsi rectifié.

Puis elle en vient à l’amendement CF6 de M. Jean-Louis Gagnaire.

Mme Monique Rabin. Dans le même esprit que précédemment, cet amendement prévoit explicitement que les régions seront représentées au sein du conseil de surveillance de l’EPIC de tête, compte tenu de leur contribution financière et de leur rôle dans la définition de la stratégie.

M. le rapporteur pour avis. Le projet de loi prévoit que l’État dispose d’une majorité absolue au sein du conseil de surveillance de l’EPIC de tête, de manière à faire prévaloir l’intérêt général. En proposant que le nombre des représentants des régions soit au moins équivalent à celui de l’État, vous modifiez la logique et l’équilibre du texte : l’État verrait sa représentation réduite ; il ne disposerait plus, par exemple, que d’un tiers des voix au sein du conseil d’administration, le deuxième tiers revenant aux régions et le troisième aux personnalités extérieures. Je suis donc défavorable à cet amendement. Nous pourrons revenir sur cette question lors de la réunion organisée au titre de l’article 88 du Règlement, mais il ne saurait être question, selon moi, d’une parité entre l’État et les régions.

M. Jean-Louis Gagnaire. La France est un pays décentralisé et l’État n’est pas le seul garant de l’intérêt général. Dès lors que les régions apportent, avec le Syndicat des transports d’Île-de-France – STIF –, les deux tiers des financements en matière ferroviaire, il ne serait pas anormal qu’elles soient représentées à parité avec l’État. Sortons de ce jacobinisme mortifère ! D’autant qu’il est envisagé, dans le cadre de la réforme territoriale, de transférer aux régions les compétences en matière de transports en dehors des zones urbaines. À ce stade, la seule préoccupation de la SNCF, voire de l’État, concernant certaines lignes d’intérêt national a été de mettre bout à bout les lignes TER pour assurer un continuum d’est en ouest et du nord au sud. Nous touchons là aux limites du système ! Nous pouvons débattre de l’opportunité d’instaurer une parité entre l’État et les régions, mais une représentation de ces dernières au sein du conseil de surveillance de la SNCF est indispensable. Nous reviendrons sur cette question lors de la réunion organisée au titre de l’article 88 du Règlement.

L’amendement est retiré.

La Commission émet un avis favorable à l’adoption de l’article 1er modifié.

Après l’article 1er

La Commission est saisie de l’amendement CF10 de M. Jean-Louis Gagnaire.

M. Jean-Louis Gagnaire. Nous manquons d’une vision d’ensemble en matière de TET : comme je l’ai indiqué, il a été proposé de mettre bout à bout des lignes TER pour assurer ces liaisons. Nous avons besoin que l’État fixe des orientations claires dans un schéma national des services de transport. L’enjeu est de garantir une desserte harmonieuse des territoires.

M. le rapporteur pour avis. Votre amendement me laisse perplexe. Comment le schéma que vous proposez s’articulerait-il avec le schéma national des infrastructures de transport – SNIT – prévu par la loi Grenelle 1 ? Le remplacerait-il ? Quant à l’opportunité d’un tel dispositif, je m’en remets à la sagesse de la Commission. Je crains par ailleurs que l’actualisation régulière de ce schéma, telle que vous la prévoyez, n’en affaiblisse considérablement la portée.

M. Jean-Louis Gagnaire. Cette actualisation aurait lieu une fois par législature.

M. le rapporteur pour avis. Un schéma a vocation à développer une vision durable et à définir quels sont les projets d’infrastructures prioritaires. Si les collectivités territoriales savent que le schéma sera révisé au cours de la législature suivante, elles attendront cette occasion pour monter à nouveau au créneau afin que leur projet soit retenu.

M. Jean-Louis Gagnaire. Nous allons revoir cet amendement.

L’amendement est retiré.

Article 2 : Diverses dispositions relatives à l’objet, aux ressources et aux modalités d’organisation de SNCF Réseau

La Commission examine l’amendement CF12 de M. Jean-Louis Gagnaire.

Mme Carole Delga. Aux termes de cet amendement, le contrat conclu entre l’État et SNCF Réseau devra comporter des objectifs de productivité, dans un souci de maîtrise des coûts.

M. le rapporteur pour avis. Je m’en remets à la sagesse de la Commission.

La Commission adopte l’amendement.

Puis elle en vient à l’amendement CF16 de M. Jean-Louis Gagnaire.

M. Jean-Louis Gagnaire. Cet amendement vise à mettre notre droit en conformité avec la directive européenne 2012/34 du 21 novembre 2012 établissant un espace ferroviaire unique européen : il impose que la chronique du taux de couverture du coût complet soit déterminée pour chaque segment de marché au sens de la directive. Cela évitera que le transport de voyageurs, en particulier sur les TER, ne serve à financer d’autres activités, notamment le fret.

M. le rapporteur pour avis. Vous cherchez sans doute à éviter que les régions ne déboursent plus qu’elles ne doivent lorsqu’elles ont déjà contribué au financement de l’infrastructure. En réalité, les redevances perçues sur le trafic des trains régionaux ne peuvent pas servir à financer les activités de transport de voyageurs non conventionnées ni le fret : cela reviendrait pour la région à subventionner l’activité sur des segments ouverts à la concurrence ou en voie de l’être. Avis défavorable.

M. Jean-Louis Gagnaire. Dans la plupart des gares situées hors des grandes métropoles, les TER représentent l’essentiel de l’activité. Pour répartir les coûts, la SNCF décompte le nombre de voyageurs transportés respectivement en TER et en trains de grandes lignes, puis calcule des prorata approximatifs. En réalité, c’est l’activité TER qui finance l’activité TGV, et ce sont donc les régions qui financent les coûts de fonctionnement des gares. La SNCF ne pratique guère la comptabilité analytique, ou se garde de transmettre ses chiffres.

La Commission rejette l’amendement.

Les amendements CF14 et CF15 de M. Jean-Louis Gagnaire sont retirés.

La Commission est saisie de l’amendement CF19 de M. Jean-Louis Gagnaire.

Mme Carole Delga. Cet amendement vise à ce que le projet de contrat entre l’État et SNCF Réseau, ainsi que l’avis rendu par l’ARAF sur ce projet, soient transmis au Parlement, afin que nous puissions nous assurer de la bonne exécution du contrat, en particulier de l’atteinte des objectifs fixés par la puissance publique en matière de réduction des coûts.

M. le rapporteur pour avis. Avis favorable, sous réserver de supprimer ici aussi le membre de phrase « et font l’objet d’un débat sans vote ».

La Commission adopte l’amendement ainsi rectifié.

Puis elle examine l’amendement CF20 de M. Jean-Louis Gagnaire.

M. Jean-Louis Gagnaire. Aux termes de cet amendement, SNCF Réseau devrait rendre compte de la mise en œuvre du contrat conclu avec l’État dans son rapport d’activité annuel, et l’ARAF rendrait un avis sur ce rapport. Ces deux documents seraient transmis au Parlement. Loin de pousser à des dépenses nouvelles, les régions souhaitent que la SNCF améliore sa productivité. Celle-ci a déjà réalisé de nombreux efforts, mais des marges de progression évidentes demeurent.

M. le rapporteur pour avis. Avis favorable, sous réserve encore de supprimer la phrase « Il fait l’objet d’un débat sans vote. »

La Commission adopte l’amendement ainsi rectifié.

Puis elle en vient à l’amendement CF21 de M. Jean-Louis Gagnaire.

M. Jean-Louis Gagnaire. Même argumentation que pour l’amendement CF6.

M. le rapporteur pour avis. L’amendement CF21 comporte deux parties. La première prévoit une représentation des régions au sein du conseil d’administration de SNCF Réseau, ce qui peut se concevoir. La seconde vise à préciser que le nombre de représentants des régions sera égal à celui de l’État, ce qui me semble abusif. Avis favorable, sous réserve de supprimer cette seconde partie.

Mme Carole Delga. L’important est que les régions soient représentées. Nous nous rangeons à l’avis du rapporteur.

M. Charles de Courson. Il ne faudrait pas oublier le STIF.

M. le président Gilles Carrez. Je rappelle que l’État s’est retiré du conseil d’administration du STIF, ce qui pose certains problèmes.

M. Jean-Louis Gagnaire. À l’inverse, le transfert de la propriété des infrastructures par voie d’amendement a constitué un épisode peu glorieux.

La Commission adopte l’amendement rectifié.

L’amendement CF23 de M. Jean-Louis Gagnaire est retiré.

La Commission émet un avis favorable à l’adoption de l’article 2 modifié.

Article 3 : Règles relatives à l’impartialité de SNCF Réseau et des autres gestionnaires d’infrastructure ferroviaire

La Commission émet un avis favorable à l’adoption de l’article 3 sans modification.

Article 4 : Diverses dispositions relatives à l’ARAF

La Commission émet un avis favorable à l’adoption de l’article 4 sans modification.

Article 5 : Diverses dispositions relatives à SNCF Mobilités

L’amendement CF25 de M. Jean-Louis Gagnaire est retiré.

La Commission est saisie de l’amendement CF24 de M. Jean-Louis Gagnaire.

Mme Monique Rabin. Dans un souci de transparence, cet amendement vise à ce que les entreprises ferroviaires établissent des comptes séparés pour chaque contrat donnant lieu à des concours publics. Nous souhaitons que la SNCF sépare réellement, dans ses comptes, l’activité TER des autres activités.

M. le rapporteur pour avis. Avis favorable.

M. Charles de Courson. Je doute que cette disposition relève du domaine législatif.

M. le président Gilles Carrez. Il y a quelques années, nous avions adopté, à mon initiative, un amendement qui imposait à la RATP d’établir des comptes séparés pour son activité de gestionnaire d’infrastructure. Celle-ci dépendait d’une structure interne à la RATP qui ne disposait pas de la personnalité juridique. Aucune objection de cette nature ne nous avait été opposée alors.

M. Jean-Louis Gagnaire. Ce précédent fait jurisprudence.

M. Charles de Courson. Comparaison n’est pas raison. En l’espèce, on cherche à obtenir une comptabilité séparée pour chaque contrat ; cette exigence doit donc figurer dans les contrats eux-mêmes. Les régions n’étaient d’ailleurs pas obligées de contracter avec la SNCF.

M. Jean-Louis Gagnaire. Il n’y avait qu’un seul opérateur.

M. Charles de Courson. Certes, mais il était possible, juridiquement, de ne pas s’intéresser à lui. J’avais d’ailleurs plaidé en ce sens à l’époque, en ma qualité de rapporteur du budget de la région Champagne-Ardenne. Sans succès.

La Commission adopte l’amendement.

Puis elle émet un avis favorable à l’adoption de l’article 5 modifié.

Après l’article 5

La Commission examine l’amendement CF30 de M. Jean-Louis Gagnaire.

M. Jean-Louis Gagnaire. Cet amendement vise à confier un rôle de chef de file aux régions en matière d’aménagement des gares. Ce serait logique : les arrêts en gare sont, pour l’essentiel, le fait des TER et des Transiliens. Surtout, cela simplifierait considérablement les choses. Actuellement, il est très difficile de faire travailler ensemble tous les acteurs concernés, non seulement les différentes collectivités territoriales, mais aussi parfois RFF et la SNCF. Il faut plusieurs années pour boucler les tours de table financiers. Sans le concours des collectivités territoriales, en particulier des conseils régionaux, rien ne se ferait. Les collectivités suppléent souvent aux défaillances de l’État, de RFF et de la SNCF, notamment en matière d’aménagements pour les personnes à mobilité réduite. Notre proposition correspond donc aux réalités du terrain. Il est nécessaire que les conseils régionaux jouent un rôle de coordonnateur, ce qui ne signifie pas qu’elles seraient l’opérateur unique.

M. le rapporteur pour avis. Je suis étonné que l’amendement n’ait pas été déclaré irrecevable au titre de l’article 40 de la Constitution : il crée une charge pour les collectivités territoriales. Je suggère d’ailleurs aux régions d’y réfléchir à deux fois : le coût d’un tel engagement pourrait être élevé. En outre, l’amendement manque de précision. Je vous suggère de spécifier qu’il est question de l’aménagement des gares régionales, afin d’exclure les gares nationales et les haltes ferroviaires.

M. Charles de Courson. Il n’est guère opportun de transférer aux régions la lourde responsabilité de moderniser les gares.

D’autre part, qu’en est-il de la taxe sur les billets de train instaurée sous le régime de Vichy ? Existe-t-elle toujours ? Cette taxe pouvait être appliquée dans une gare donnée et permettait d’en financer la modernisation. Cela incitait d’ailleurs les usagers à acheter leurs billets dans une autre gare.

M. le rapporteur pour avis. Je crois qu’il existe toujours une taxe de cette nature.

Mme Monique Rabin. Oui, pour financer la construction et la modernisation des gares TGV.

M. le président Gilles Carrez. Il conviendra de vérifier ce point. Pour le reste, je suis tout à fait de l’avis de Charles de Courson : un tel transfert de responsabilité serait un cadeau empoisonné pour les régions.

S’agissant de la recevabilité financière, je précise qu’elle découle de la position retenue lors de l’examen du projet de loi de modernisation de l’action publique territoriale et d’affirmation des métropoles. Les très nombreux amendements qui confiaient le « chef de filat » à telle ou telle collectivité avaient été déclarés recevables, considérant qu’il s’agissait avant tout d’un rôle d’organisation qui n’entraînerait guère de dépenses.

M. Jean-Louis Gagnaire. Les conseils régionaux joueraient un rôle de chef de file, mais ne seraient pas pour autant les seuls financeurs. Néanmoins, les remarques du rapporteur pour avis méritent d’être prises en compte.

L’amendement est retiré.

La Commission est saisie des amendements identiques CF1 de Mme Eva Sas et CF33 de M. Jean-Louis Gagnaire.

Mme Eva Sas. Mon amendement vise à instaurer, au profit des régions, d’une part, un taux additionnel au versement transport – VT – existant dans les zones urbaines et, d’autre part, un VT dans les zones interstitielles – où il n’en existe pas. Les conseils régionaux disposeraient ainsi d’une source de financement pérenne qui leur permettrait de répondre aux besoins en matière de développement des transports collectifs.

M. le rapporteur pour avis. C’est un vrai sujet. J’avais moi-même déposé un amendement identique au moment de l’examen du projet de loi de finances initiale pour 2013.

M. le président Gilles Carrez. J’ai aussi défendu cette idée.

M. le rapporteur pour avis. Je n’ai pas d’argument à vous opposer sur le fond. En revanche, cet amendement aurait davantage sa place dans le cadre de la prochaine loi de finances rectificative. Nous pourrions le déposer ensemble à cette occasion. Avec le soutien du président, nous pourrions peut-être obtenir l’aval du Gouvernement qui, à ce stade, sous la pression de l’opposition, estime préférable de ne pas augmenter les prélèvements obligatoires.

M. le président Gilles Carrez. En Île-de-France, le VT est perçu dans toute la région, ce qui est logique : le bassin de mobilité et d’emploi couvre l’ensemble du territoire régional. En revanche, dans le bassin d’emploi de Nantes et de Saint-Nazaire, par exemple, le VT est perçu sur le territoire de la communauté d’agglomération de Saint-Nazaire et sur celui de la communauté urbaine de Nantes, mais pas dans les interstices, où sont pourtant installées de nombreuses entreprises qui bénéficient des services de transport régionaux. D’autre part, les conseils régionaux sont confrontés à un problème structurel en matière de financement de ces services. La mesure que vous proposez aurait donc tout son sens. Cependant, le VT est une contribution des entreprises assise sur la masse salariale, et son extension irait à l’encontre des allégements de charges qui seront proposés dans le cadre du prochain collectif budgétaire.

M. Charles de Courson. Les gouvernements successifs ont tout fait pour éviter une augmentation du VT parce qu’il s’agit, dans les faits, d’une cotisation patronale. Pourquoi cette contribution ne serait-elle pas partagée entre les employeurs et les salariés ?

Mme Eva Sas. Parce que les salariés paient déjà les services de transport en tant qu’usagers.

M. Charles de Courson. Certes, mais ils en bénéficient également. La plupart des parlementaires reconnaissent que le coût du travail est trop élevé. Peut-être conviendrait-il de responsabiliser les salariés, en leur faisant payer une partie du VT ? C’est, j’en conviens, une proposition atypique.

Mme Christine Pires Beaune. Je dirais plutôt provocatrice.

M. Charles de Courson. Elle vise à alimenter la réflexion. L’amendement est en complète contradiction avec les propositions que vous allez faire dans le cadre du collectif budgétaire.

Mme Monique Rabin. Je suis attachée à l’amendement que nous proposons. Certes, le VT est une contribution des entreprises assise sur la masse salariale. Mais, même si nous allégeons les cotisations patronales de manière globale dans le cadre du prochain collectif budgétaire, il n’est en rien choquant de rappeler que les conseils régionaux ne disposent d’aucune ressource fiscale dédiée au financement des transports, alors qu’il s’agit d’une de leurs principales compétences. De nombreux services sont financés à la fois par le contribuable – en l’espèce, l’employeur – et par l’usager. De plus, le VT représente une charge modeste pour les entreprises par rapport aux autres prélèvements.

M. Jean-Louis Gagnaire. Le VT n’est pas perçu dans les zones interstitielles alors même que les transports périurbains se développent. Ainsi un tramway géré par une entreprise de transport urbaine peut être financé par le VT, tandis qu’un tram-train géré par un conseil régional ne peut pas l’être. C’est un non-sens. D’autre part, cette situation crée des distorsions de concurrence entre les entreprises : seules celles qui sont situées dans les zones urbaines s’acquittent du VT. Je n’irai pas jusqu’à affirmer que les entreprises préfèrent s’installer hors de ces zones pour échapper à ce versement, mais ce n’est pas sain. La mesure que nous proposons permettrait une harmonisation en même temps qu’elle créerait une ressource pour les conseils régionaux. Nos arguments méritent d’être entendus par le Gouvernement lors de l’examen du présent texte en séance publique. À défaut, nous devrons revenir inlassablement sur le sujet. Enfin, nous allons alléger les charges des entreprises en diminuant les taxes affectées aux organismes consulaires. Cela compensera une éventuelle augmentation du VT.

M. le président Gilles Carrez. Cet amendement a davantage de chances d’être accepté à l’occasion de l’examen du présent texte que de celui d’un projet de loi de finances rectificative…

M. le rapporteur pour avis. Monsieur de Courson, la contradiction n’est qu’apparente. Les mesures que nous préconisons sont en réalité complémentaires : d’un côté, nous cherchons à améliorer la compétitivité-coût en allégeant les cotisations patronales ; de l’autre, nous nous préoccupons de la compétitivité hors coût, la qualité des transports étant un élément indissociable de l’attractivité des territoires et de la performance des entreprises.

M. le président Gilles Carrez. C’est un véritable sujet. D’ailleurs, j’avais proposé que la mission d’évaluation et de contrôle – MEC – travaille sur le VT. La situation qu’a décrite Jean-Louis Gagnaire est en effet illogique, et il existe des distorsions de concurrence. Nous devons veiller à l’égalité entre les territoires. En Île-de-France, nous avons augmenté le taux du VT de 0,1 % il y a un an et demi, sans que cela suscite de vives réactions.

M. le rapporteur pour avis. Je suggère que nous travaillions collectivement à une proposition que nous présenterons au Gouvernement dans les prochaines semaines.

Mme Eva Sas. C’est-à-dire à l’occasion de l’examen du présent texte ou de celui du projet de loi de finances rectificative ?

M. le rapporteur pour avis. Dans le cadre du collectif budgétaire.

Mme Eva Sas. Comme l’a rappelé le président, il est probable que le Gouvernement n’acceptera qu’un nombre limité d’amendements au projet de loi de finances rectificative. L’examen du présent texte est l’occasion de montrer que nous sommes d’accord sur le sujet et de lui envoyer un signal. Nous avons déjà soulevé cette question à plusieurs reprises. À chaque fois, on nous a opposé des arguments différents et nous avons reporté le débat.

M. le rapporteur pour avis. Je suis favorable à un amendement d’appel. Néanmoins, il serait préférable de l’adopter, non pas aujourd’hui, mais lorsque nous nous réunirons au titre de l’article 88 du Règlement, afin d’avoir une discussion en séance avec le Gouvernement et de recueillir, le cas échéant, son accord.

M. le président Gilles Carrez. La solution proposée dans l’amendement n’est pas la plus raisonnable. Nous pourrions préconiser une mesure plus ciblée, qui concernerait uniquement les zones interstitielles dans lesquelles existent déjà des services de transport de type TER. Cela serait plus acceptable pour les entreprises comme pour le Gouvernement.

Mme Eva Sas. Je faisais initialement le même raisonnement que vous mais un VT appliqué aux seules zones interstitielles n’apporterait, dans certaines régions, que des sources de financement très limitées, notamment en Provence-Alpes-Côte d’Azur.

M. Gilles Savary. De nombreux amendements déposés sur ce texte ont un lien avec les responsabilités croissantes assumées par les régions en matière de transports, et c’est une bonne chose. Les conseils régionaux sont aujourd’hui dans une situation compliquée. D’une part, leur importante contribution financière alimente en partie le budget de la SNCF, laquelle leur facture des prestations sur la base d’un calcul des coûts d’une très grande opacité. D’autre part, leurs ressources ne sont pas à la mesure de leurs compétences, alors qu’elles seront bientôt autorités organisatrices de transport de plein exercice et récupéreront probablement les compétences des départements en matière de transports interurbains, voire, demain, de réseau routier.

La question d’une extension du VT mérite donc d’être posée. Cependant, le rendement d’un VT appliqué aux zones interstitielles sera probablement très faible. En outre, le VT est remboursé aux entreprises qui assurent elles-mêmes le transport de leurs salariés. Le système fonctionnera bien en milieu dense. En revanche, les entreprises situées dans des zones rurales ou peu denses éloignées des lignes ferroviaires pourraient contester son bien-fondé. Enfin, les régions et les agglomérations risquent de se disputer le produit du VT, qui restera concentré dans les zones urbaines. Quoi qu’il en soit, il convient d’adresser un message au Gouvernement sur la question du financement des transports par les régions, qui demeure largement en suspens.

M. Jean-Louis Gagnaire. Nous déposerons un amendement commun au titre de l’article 88 du Règlement.

Mme Eva Sas. D’accord.

Les amendements sont retirés.

La Commission en vient à l’amendement CF26 de M. Jean-Louis Gagnaire.

M. Jean-Louis Gagnaire. Aux termes de cet amendement, chaque conseil régional pourrait définir sa propre politique tarifaire en matière de transports collectifs d’intérêt régional.

M. le rapporteur pour avis. Cette proposition me laisse sceptique. Les conseils régionaux mèneront sans doute des politiques tarifaires très différentes en fonction de leur capacité de financement, même si nous améliorons entre-temps la péréquation. En outre, elles risquent de se faire concurrence, y compris pour des raisons symboliques. Ainsi régionalisée, la politique de transport deviendra moins lisible pour nos concitoyens. Enfin, on ne résoudra pas grand-chose de cette manière. Avis a priori défavorable.

M. Charles de Courson. C’est un problème inextricable. Comment distinguer une tarification nationale et une tarification locale, sans même parler des tarifs sociaux nationaux ? Que se passera-t-il si la SNCF diminue ses tarifs et que le trafic augmente en conséquence ? Comment fera-t-on lorsqu’un voyageur empruntera un TET puis un TER ? Il est impossible de mettre votre idée en pratique.

Mme Monique Rabin. Le transfert de la politique tarifaire aux conseils régionaux favoriserait l’intermodalité. En Loire-Atlantique, un trajet domicile-travail de 40 kilomètres en TER coûte 9 euros. Le même voyage en autocar coûte 2 euros, l’autorité organisatrice de transport étant alors le département. Il existe donc des distorsions. Il faut donner aux conseils régionaux les moyens de procéder à une harmonisation des tarifs dans le cadre de leur futur chef de filat. J’espère à cet égard que l’ensemble des transports publics relèvera désormais de leur compétence. En tout cas, je ne comprends pas l’argument de Charles de Courson : le tarif des TER est déjà fixé en partie par les conseils régionaux, dans le respect d’un cadre national.

M. Jean-Louis Gagnaire. C’est en effet un problème inextricable. À l’origine, le système tarifaire était simple : le prix du billet comprenait une part fixe et une part variable proportionnelle au nombre de kilomètres. Ce système a été bouleversé, notamment avec le développement des TGV : les tarifs ne sont plus fonction de la distance. Comme dans le transport aérien, ils dépendent désormais des horaires et de la concurrence. Ainsi, lorsqu’une compagnie aérienne à bas prix dessert une même destination que la SNCF, celle-ci aligne ses tarifs. Elle est d’ailleurs parvenue, de cette manière, à tuer la concurrence sur certaines destinations : pour les voyages d’une durée inférieure à trois heures en TGV, le transport aérien a presque disparu, sauf pour les correspondances.

On ne peut pas conserver une tarification régionale « à l’ancienne », alors que le système est hyperconcurrentiel sur les grandes lignes. D’autre part, il n’est plus possible de proportionner le prix des billets à la distance si l’on souhaite assurer l’égalité entre les habitants d’un même territoire, certains d’entre eux étant contraints de quitter les centres-villes pour des raisons financières. Pour sa part, la région Languedoc-Roussillon vient de mettre en place un tarif unique à 1 euro sur les TER.

La proposition que nous faisons correspond à une demande des conseils régionaux : ceux-ci souhaitent clarifier et harmoniser les tarifs à l’échelle de leur territoire. Ils éviteront sans doute de reproduire le zonage qui existe en région parisienne, avec des écarts de tarifs importants d’une zone à l’autre.

Bien sûr, toutes les régions ne pratiqueront pas la même politique. Mais l’intérêt de la décentralisation est justement d’adapter les politiques aux réalités des territoires. Les différences entre régions existent d’ailleurs dans d’autres domaines, notamment en matière de bourses pour les étudiants.

M. Gilles Savary. La possibilité de fixer les tarifs est une revendication forte des présidents de conseils régionaux. D’autre part, la SNCF et RFF n’y voient pas d’objection de principe et y sont même plutôt favorables, dans la mesure où cela lèverait certaines ambiguïtés dans leurs rapports avec les régions. Actuellement, les régions ont des responsabilités limitées en matière de tarification : elles adressent des demandes à la SNCF et à RFF. Par exemple, certaines d’entre elles proposent de financer la gratuité sur certains trains, tout en sollicitant une baisse des redevances d’utilisation du réseau. Pour parvenir à un tarif à 1 euro, la région Languedoc-Roussillon compense la différence avec le tarif fixé à Paris. Je conviens avec Charles de Courson que le transfert de la politique tarifaire aux régions serait une source de complexité en ce qui concerne les tarifs sociaux nationaux et les tarifs de service public. D’où la circonspection de l’État. Pour le reste, il ne serait pas plus compliqué d’appliquer des tarifs différenciés pour les TER que cela ne l’a été pour les TGV. De tels tarifs sont d’ailleurs pratiqués dans toute l’Europe.

M. le rapporteur pour avis. Je maintiens mon avis défavorable.

L’amendement est retiré.

L’amendement CF31 de M. Jean-Louis Gagnaire est retiré.

La Commission examine l’amendement CF28 de M. Jean-Louis Gagnaire.

M. Jean-Louis Gagnaire. Nous sommes adeptes de la comptabilité analytique et de la transparence : il est indispensable que les régions, en tant qu’autorités organisatrices de transport, connaissent la formation des coûts au sein de la SNCF. Les collectivités peuvent bien sûr être amenées à verser des compensations pour que la SNCF continue à exploiter des lignes à faible trafic, mais encore faut-il qu’elles sachent ce qu’elles paient ! Or, soit la SNCF est incapable d’établir des comptes ligne par ligne, soit elle ne souhaite pas les fournir. Les tensions entre elle et les conseils régionaux sont de plus en plus fortes : certains élus se sont déjà exprimés vivement à ce sujet, et même les régions les plus compréhensives, telle Rhône-Alpes, commencent à perdre patience. Il vaudrait mieux éviter que ces différends ne soient portés devant les tribunaux. Nous proposons que les comptes détaillés ligne par ligne que doit produire la SNCF respectent une décomposition définie par l’autorité responsable.

M. le rapporteur pour avis. Avis favorable, notamment dans le souci de prévenir les conflits que vous évoquez.

M. Charles de Courson. L’établissement de comptes ligne par ligne n’a guère de sens : comment calculer le nombre de voyageurs qui empruntent une ligne donnée, alors que certains s’arrêtent dans des gares intermédiaires et que d’autres font un trajet plus long que la ligne en question ? Il est impossible d’imputer les recettes à une ligne donnée. La SNCF peut en revanche établir des comptes par train, de la même manière que les compagnies aériennes établissent des comptes par avion.

La Commission adopte l’amendement.

Puis elle en vient à l’amendement CF29 de M. Jean-Louis Gagnaire.

Mme Monique Rabin. Afin de garantir un minimum de transparence, il est nécessaire de définir un contenu « socle » du rapport annuel transmis par l’exploitant à l’AOT.

Suivant l’avis favorable du rapporteur pour avis, la Commission adopte l’amendement.

TITRE II
DISPOSITIONS SPÉCIFIQUES OU À CARACTÈRE TRANSITOIRE

Article 10 : Transfert des biens, droits et obligations de SNCF Mobilités vers SNCF Réseau

M. Charles de Courson. L’article 10 vise à transformer des sociétés anonymes en EPIC. A-t-on bien mesuré toutes les conséquences de cette opération ? Un EPIC ne dispose pas de capitaux propres, et la question de savoir s’il peut déposer son bilan a fait l’objet de nombreux débats. Surtout, il s’agira d’EPIC nationaux qui, comme tels, seront placés sous la responsabilité directe de l’État. Leur dette sera donc considérée comme une dette de l’État au sens de Maastricht.

M. Gilles Savary. Actuellement, la SNCF et RFF sont, non pas des sociétés anonymes, mais des EPIC. Ce qui n’empêche pas la SNCF de posséder 950 filiales qui ont, elles, un statut de société anonyme.

M. Charles de Courson. Certes, une partie de la dette se trouve dans les filiales. Pour le reste, au lieu de deux EPIC, il y en aura désormais trois, dont l’un sera l’EPIC « de tête » et les deux autres des « filiales ». Or un EPIC peut-il avoir un autre EPIC pour filiale ? Quelles sont les implications ? Je suis étonné que l’on n’ait guère étudié ce problème.

M. Gilles Savary. Ce problème a bien été étudié. Le montage découle du choix que nous avons fait de créer un groupe public plutôt que de maintenir deux entités séparées. Ces trois EPIC seront en effet directement dépendants de l’État, en circuit court. D’un point de vue juridique, je reconnais qu’il s’agit d’un montage sui generis. Deux problèmes se posent à cet égard : celui de la remontée de dividendes de SNCF Mobilités à la SNCF et de leur affectation à SNCF Réseau ; celui de la compatibilité du montage avec le régime européen des aides d’État. Un bras de fer se joue en ce moment à Bruxelles sur cette seconde question. La Cour de justice de l’Union européenne a rendu un arrêt condamnant La Poste au regard du droit de la concurrence : elle a considéré que La Poste était alors, en tant qu’EPIC, une émanation de l’État, et qu’elle bénéficiait à ce titre d’une garantie universelle et perpétuelle. Certains États membres répliquent que le droit de la concurrence est censé ne pas avoir d’incidence sur le statut des entreprises. Quoi qu’il en soit, le montage a été soumis par le gouvernement français à la direction générale de la mobilité et des transports – DG MOVE –, qui l’a agréé dans sa totalité. Il n’en reste pas moins que l’EPIC « de tête » ne détient pas le capital des EPIC « filiales ».

M. Charles de Courson. Le problème est bien là : quelles sont les relations entre l’EPIC « de tête » et les deux EPIC « filiales » ?

M. Gilles Savary. SNCF Mobilités et SNCF Réseau seront des filiales au sens non pas « capitalistique », mais « organique ». Ce lien se manifeste dans deux dispositions : d’une part, la SNCF exercera un certain nombre de compétences communes pour le compte de SNCF Mobilités et de SNCF Réseau ; d’autre part, le directoire de la SNCF procédera automatiquement de la nomination des dirigeants de SNCF Mobilités et de SNCF Réseau. Ainsi, le président du conseil d’administration de SNCF Mobilités sera le président du directoire de la SNCF, et celui de SNCF Réseau en sera le vice-président. Au regard du droit commercial et de la comptabilité publique, le texte prévoit que la SNCF établit les comptes consolidés du groupe. Je vous accorde qu’il s’agit d’un montage sui generis, sans précédent en France.

M. Charles de Courson. C’est un vrai bazar juridique ! Que se passera-t-il en cas de désaccord entre le patron de SNCF Mobilités et celui de SNCF Réseau ?

M. Gilles Savary. Ce cas de figure est prévu. Nous avons créé un directoire à deux – un duumvirat –, avec obligation de consensus. En cas de désaccord, le président du conseil de surveillance se substituera au directoire et arbitrera. Nous avons ainsi voulu éviter la situation belge. La Belgique a créé trois EPIC dotés chacun d’un dirigeant. Les trois personnes désignées sont entrées en conflit. En particulier, le dirigeant de l’EPIC « de tête » a empiété sur les prérogatives du gestionnaire d’infrastructure, ce qui a posé des problèmes de compatibilité avec le droit européen. Pour ce qui est de la France, le projet de loi crée les conditions de l’indépendance de SNCF Réseau, dans l’attente d’un développement de la concurrence.

L’amendement CF35 de M. Jean-Louis Gagnaire est retiré.

La Commission émet un avis favorable à l’adoption de l’article 10 sans modification.

Article 11 : Transfert des biens, droits et obligations de SNCF Mobilités et SNCF Réseau vers SNCF

La Commission émet un avis favorable à l’adoption de l’article 11 sans modification.

Article 16 : Transfert des biens de l’actuelle SNCF nécessaires aux besoins de défense vers SNCF Réseau

La Commission émet un avis favorable à l’adoption de l’article 16 sans modification.

Puis elle émet un avis favorable à l’adoption de l’ensemble des dispositions dont elle est saisie, modifiées.

ANNEXE
LISTE DES PERSONNES AUDITIONNÉES PAR LE RAPPORTEUR

– Mme Véronique Hamayon, directrice du cabinet de Frédéric Cuvillier, Secrétaire d’État auprès de la ministre de l’Écologie, du Développement durable et de l’Énergie, en charge des transports, de la mer et de la pêche

– M. Daniel Bursaux, directeur général des infrastructures, des transports et de la mer, ministère de l’Écologie, du développement durable et de l’énergie

– M. Thierry Guimbaud, directeur des services de transport

– M. Ludovic Espinasse, chef du bureau des opérateurs de transport ferroviaire

– M. Guillaume Brodard, chef du bureau ferré national

– Mme Donatienne Brillant, directrice de cabinet du directeur général des infrastructures, des transports et de la mer, ministère de l’Écologie, du développement durable et de l’énergie

– M. David Azéma, directeur de l’Agence des participations de l’État (APE)

– M. Guillaume Pepy, président de la Société nationale des chemins de fer français (SNCF) (*)

– M. Jacques Rapoport, président de Réseau ferré de France (RFF)

(*) Ces représentants d’intérêts ont procédé à leur inscription sur le registre de l’Assemblée nationale, s’engageant ainsi dans une démarche de transparence et de respect du code de conduite établi par le Bureau de l’Assemblée nationale.

© Assemblée nationale

1 () Article 5 de la loi n° 97-135 du 13 février 1997.

2 () Article L. 2141-13 du code des transports.

3 () Article L. 2141-16 du code des transports.

4 () Rapport d’information n° 1725 de M. Hervé Mariton déposé en conclusion des travaux d’une mission d’évaluation et de contrôle sur la clarification des relations financières entre le système ferroviaire et ses partenaires publics, enregistré le 8 juillet 2004.

5 () Mme Fabienne Keller, La gare contemporaine, Rapport à M. le Premier ministre, mars 2009, la Documentation française, p. 45.

6 () Le rapport « Réussir la réforme du système ferroviaire » a été remis au Premier ministre et au ministre délégué chargé des Transports, le 22 avril 2013.

7 () Le rapport « Un nouveau destin pour le service public ferroviaire français : les propositions des Régions », a été publié le 22 avril 2013.

8 () LGV Est Européenne (seconde phase), Sud-Europe-Atlantique (Tours- Bordeaux), Bretagne-Pays de la Loire et contournement ferroviaire de Nîmes-Montpellier.

9 () Article L. 2111-9 du code des transports.

10 () Articles 6 §1 et 9 §4 de la Directive européenne 91/440/CEE du 29 juillet 1991 transposée dans les articles L. 2122-4, L. 2123-1, L. 2144-1 et 2 du code des transports, ainsi que de l’article 11-2-IV du décret n° 2012-70.

11 () Article 12 du projet de loi.

12 () Nouvel article L. 2102-1 du code des transports.

13 () Article 12 du projet de loi.

14 () La SNCF tient cette responsabilité de l’article D. 1336-42 du code de la défense : « Afin de faciliter les opérations d’embarquement ou de débarquement des troupes et des matériels, ainsi que l’acheminement des transports militaires, le service militaire des chemins de fer dispose de moyens qui lui appartiennent en propre et qui comprennent :

1° Des moyens fixes : terrains, bâtiments et installations de la voie, à l’exclusion des embranchements particuliers militaires, incorporés dans le domaine public du chemin de fer et, à ce titre, gérés par la Société nationale des chemins de fer français ou, éventuellement, par toute entreprise titulaire d’une concession ferroviaire, entretenus par elle à l’aide de crédits mis à sa disposition par l’autorité militaire.

Toutefois, pour certaines catégories d’installations que la Société nationale des chemins de fer français a la faculté d’utiliser pour les besoins de son trafic commercial du temps de paix, un accord particulier, conclu entre le ministre de la Défense et le ministre chargé des transports, règle les conditions de sa participation financière. Des conventions identiques peuvent être également conclues avec les entreprises mentionnées à l’alinéa précédent ;

2° Des moyens mobiles : accessoires d’embarquement entreposés dans les emprises de la Société nationale des chemins de fer français et wagons spéciaux immatriculés au régime des wagons de particuliers.

Ces matériels sont agréés et entretenus par l’administration militaire. »

15 () Ministre chargé des transports, ministre de la Défense, ministre chargé des domaines et ministre du Budget.

16 () Article 879 du code général des impôts. Cette contribution a été créée par l’ordonnance n° 2010-638 du 10 juin 2010 portant suppression du régime des conservateurs des hypothèques qui remplace les salaires des conservateurs des hypothèques

17 () Nouveaux articles L. 2102-13 et L. 2102-14 du code des transports.

18 () Article L. 2111-20 du code des transports.

19 () Article L. 2141-15 du code des transports.

20 () Article 52 du décret n° 97-944 du 5 mai 1997.

21 () Articles 9 et 10 du décret n° 83-816 du 13 septembre 1983.

22 () Article L. 240-1 du code de l’urbanisme.

23 () Article 14 du décret n° 83-816 du 13 septembre 1983.