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N
° 2045

______

ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

QUATORZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l'Assemblée nationale le 18 juin 2014

RAPPORT

FAIT

AU NOM DE LA COMMISSION DES AFFAIRES ÉTRANGÈRES SUR LE PROJET DE LOI ADOPTÉ PAR LE SÉNAT, autorisant l’approbation de l’accord sous forme d’échange de lettres entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement du Grand-Duché de Luxembourg pour le développement de la coopération et de l’entraide administrative en matière de sécurité sociale,

PAR M. Jean-claude MIGNON

Député

——

ET

ANNEXE : TEXTE DE LA COMMISSION DES AFFAIRES ÉTRANGÈRES

Voir les numéros :

Sénat : 416, 560, 561 et T.A. 158 (2012-2013).

Assemblée nationale : 1098.

SOMMAIRE

___

Pages

INTRODUCTION 5

I. UNE CONVENTION FRANCO-LUXEMBOURGEOISE À REPLACER DANS LE CADRE COMMUNAUTAIRE 7

A. LE RENFORCEMENT DES RÈGLES DE COORDINATION DES SYSTÈMES DE SÉCURITÉ SOCIALE AU SEIN DE L’UNION EUROPÉENNE 7

1. Les règlements de 1971 et 2004 relatifs à la coordination des régimes de sécurité sociale : les lacunes du droit communautaire 7

2. Le code de conduite pour une meilleure coopération en matière de lutte contre la fraude transnationale : la nécessité de passer par l’instrument bilatéral 8

B. L’INTERET COMMUN DE LA FRANCE ET DU LUXEMBOURG POUR UN ACCORD DE CE TYPE 10

1. Un accord qui s’inscrit dans le contexte de relations bilatérales excellentes 10

2. La lutte contre la fraude sociale : un enjeu commun aux deux pays 11

II. L’ORGANISATION D’UNE ASSISTANCE MUTUELLE POUR LUTTER CONTRE LA FRAUDE 13

A. LA FIXATION DU CADRE GÉNÉRAL DE LA COOPÉRATION 13

1. Les champs d’application 13

2. Les acteurs de cette coopération 14

3. Les principes généraux 14

4. La protection des données à caractère personnel 15

B. LES FORMES ET DOMAINES DE LA COOPÉRATION 16

1. L’échange de données en matière de prestations : un accord de facture classique 16

2. La coopération en matière d’assujettissement, un volet essentiel de l’accord, en particulier dans le cadre du détachement de travailleurs 18

3. La coopération en matière de contrôles 19

C. LES CONSÉQUENCES DE L’ACCORD 19

1. Les conséquences financières et économiques 19

2. Les conséquences sociales 20

3. Les conséquences juridiques 20

4. Les conséquences administratives 21

CONCLUSION 23

ANNEXE 1 25

AUDITIONS : 25

EXAMEN EN COMMISSION 27

ANNEXE - TEXTE DE LA COMMISSION DES AFFAIRES ÉTRANGÈRES 29

INTRODUCTION

Mesdames, Messieurs,

La fraude sociale transfrontière peut prendre un grand nombre de formes en fonction de la prestation qu’elle vise et du champ sur lequel elle porte. On distingue ainsi les fraudes selon qu’elles touchent l’état civil, la résidence ou les ressources des bénéficiaires des prestations. Seul l’échange d’informations entre les organismes de sécurité sociale des pays de provenance et de destination des prestations permet de procéder à des recoupements afin de détecter ces fraudes.

Les normes communautaires visent à lever les entraves à la liberté de circulation des travailleurs au sein de l’Union : de nouvelles règles de coordination des systèmes de sécurité sociale sont entrées en vigueur le 1er mai 2010 ; mais elles ne prévoient pas de stipulations obligatoires en matière de lutte contre les fraudes. C’est pourquoi les États membres ont entrepris de signer des accords bilatéraux dans ce domaine.

Cet accord est le troisième de ce type signé par la France, après l’accord franco-tchèque du 11 juillet 2008 et l’accord franco-belge du 17 novembre 2008, et illustre la volonté française de combler les lacunes de la législation communautaire par la conclusion d’accords bilatéraux de coopération en matière de sécurité sociale avec les autres États membres.

Le choix du Luxembourg pour cet accord s’explique aisément par l’importance respective des communautés luxembourgeoise et française dans les deux pays ainsi que par la pratique ancienne de la coopération.

L’accord repose principalement sur l’échange de données aux fins de vérification de la réalité du droit aux prestations et de l’acquittement des cotisations. L’entraide administrative qu’il encourage vise à assurer le respect des règles communautaires – au bénéfice des assurés comme des institutions de sécurité sociale –, au premier rang desquelles l’égalité de traitement, mais également à prévenir la fraude sociale.

I. UNE CONVENTION FRANCO-LUXEMBOURGEOISE À REPLACER DANS LE CADRE COMMUNAUTAIRE

En matière de sécurité sociale, le droit communautaire prévoit une coordination des systèmes nationaux, et pas une harmonisation des législations des États membres. Alors que les systèmes de sécurité sociale sont le fruit des traditions et de la culture nationales, la coordination permet à l’État membre de conserver son droit de déterminer les types de prestations et les conditions d’octroi. En revanche, le droit communautaire impose certaines règles et principes afin de garantir que l’application des différents systèmes nationaux ne lèse pas les personnes qui exercent leur droit à la libre circulation. Mais son objet principal n’est pas d’organiser la coopération entre les États pour lutter contre les fraudes, laissant ce soin à des accords bilatéraux.

A. LE RENFORCEMENT DES RÈGLES DE COORDINATION DES SYSTÈMES DE SÉCURITÉ SOCIALE AU SEIN DE L’UNION EUROPÉENNE

1. Les règlements de 1971 et 2004 relatifs à la coordination des régimes de sécurité sociale : les lacunes du droit communautaire

La coordination des systèmes de sécurité sociale a été mise en œuvre en 1971 par l’adoption du règlement (CEE) n° 1408/71 du Conseil (1). Ce règlement a permis de garantir à tous les travailleurs ressortissants des États membres l’égalité de traitement et le bénéfice des prestations de sécurité sociale, quel que soit le lieu de leur emploi ou de leur résidence.

Depuis 1971, ce règlement avait fait l’objet de nombreuses modifications afin de l’adapter aux évolutions des législations nationales et d’intégrer les avancées résultant des arrêts de la Cour de justice des Communautés européennes. Conscient de la complexité croissante des règles communautaires de coordination, le Conseil a présenté en 1998 une proposition de simplification de la législation ayant abouti au règlement (CE) n° 883/2004 du Parlement européen et du Conseil du 29 avril 2004.

Depuis le 1er mai 2010, le nouveau règlement européen s’applique aux 27 États membres de l’Union européenne et remplace les anciennes dispositions issues du règlement de 1971.

Les évolutions majeures de ce nouveau règlement ont surtout trait aux extensions des différents champs d’application qu’il permet : extension du champ personnel (tous les ressortissants communautaires, y compris les personnes non actives, ainsi que les réfugiés et apatrides sont désormais visés), et du champ matériel (toutes les branches de la sécurité sociale sont concernées, y compris les prestations paternité et dépendance et les régimes légaux de préretraite).

Par ailleurs, les grands principes de coordination en matière de sécurité sociale sont renforcés. Ainsi, le nouveau règlement n’exige plus que la personne concernée réside encore dans un État membre pour qu’elle puisse invoquer le principe de l’égalité de traitement. Ce principe d’assimilation de faits implique que les faits ou les événements se produisant dans un État membre doivent être pris en considération par un autre État membre comme s’ils avaient eu lieu sur son propre territoire. L’instauration d’une disposition unique pour la totalisation des périodes, la levée des clauses de résidence permettant l’exportation de toutes les prestations en espèces (sauf les prestations chômage) et la détermination d’une législation applicable unique pour toutes les personnes couvertes, y compris les titulaires d’un revenu de remplacement et les personnes inactives, constituent également des progrès notables. La durée du détachement (maintien par dérogation d’un travailleur à la législation de l’État d’origine) connaît une évolution avec le remplacement d’une période initiale d’un an au plus, renouvelable une fois pour un an au plus, par une période unique de deux ans.

En ce qui concerne les dispositions particulières par branche, on note les évolutions suivantes :

– une amélioration des droits en matière de soins de santé dans certaines situations, par exemple au bénéfice des travailleurs frontaliers en retraite ou invalides qui pourront continuer de percevoir les prestations en nature de l’assurance maladie, sans restrictions, dans l’État de dernière activité ;

– le choix offert à l’assuré, pour les soins reçus pendant un séjour temporaire, entre la prise en charge au titre de la législation de l’État de séjour ou de celle de l’État d’affiliation (avec un complément différentiel le cas échéant) ;

– des simplifications en matière de liquidation des pensions d’invalidité et des améliorations en matière de chômage et de prestations familiales.

Enfin, des dispositions nouvelles renforcent la coopération entre les États : réalisation d’un réseau d’échanges électroniques sécurisés (EESSI) ; mise en place d’un dispositif permettant le recouvrement dans un autre État membre des contributions et de prestations indues ; obligation d’information (des assurés et des institutions) dans un équilibre nouveau entre droits et obligations.

2. Le code de conduite pour une meilleure coopération en matière de lutte contre la fraude transnationale : la nécessité de passer par l’instrument bilatéral

Les États membres ont adopté lors du Conseil du 22 avril 1999 une résolution relative à un code de conduite pour une meilleure coopération entre les autorités des États membres en matière de lutte contre la fraude transnationale aux prestations et aux cotisations de sécurité sociale et le travail non déclaré, et concernant la mise à disposition transnationale de travailleurs.

En vertu de cette dernière, les États membres sont invités à prendre les mesures et adopter les procédures nécessaires en vue d’améliorer la coopération dans les domaines visés grâce aux modalités pratiques de coopération et d’entraide administrative suivantes :

– la communication directe entre les organismes compétents ;

– la désignation de centres nationaux de liaison dans les États membres en vue de faciliter la coopération, et la notification de ces centres aux États membres et à la Commission ;

– la transmission de toute demande de coopération à l’organisme compétent de l’État membre ;

– l’entraide administrative des organismes compétents (communication d’informations et transmission de documents).

L’accord prévoit enfin que les États membres encouragent la coopération entre les organismes compétents en matière de transmission des données et de demande d’informations, tout en respectant le droit à la confidentialité dans le traitement des données à caractère personnel.

Il n’existe pas à ce jour de bilan de la mise en œuvre par les États du code de conduite de 1999. Toutefois, il apparaît que de nombreux États membres ont conclu avec plusieurs partenaires européens des accords de coopération administrative pour lutter contre la fraude aux cotisations et prestations de sécurité sociale sous forme de « memorandums of understanding ». La France ne conclut en la matière que des accords intergouvernementaux, qui nécessitent une ratification parlementaire, ou des arrangements administratifs fixant les modalités d’échange d’informations, prévus par ces accords.

Enfin, la décision H5 adoptée par la Commission administrative pour la coordination des systèmes de sécurité sociale le 18 mars 2010, institue un point de contact national pour signaler les fraudes et erreurs et comporte un engagement de réactivité dans le cadre des demandes de renseignements formulées. Il est par ailleurs prévu un dispositif d’échanges informatisé qui à terme devrait faciliter les contrôles.

Cependant, le cadre européen reste trop général et ne permet pas un contrôle réel de la bonne application des règlements européens. La mise en œuvre de la coopération pour le contrôle de la bonne application des règles communautaires repose en grande partie sur la bonne volonté des États membres.

B. L’INTERET COMMUN DE LA FRANCE ET DU LUXEMBOURG POUR UN ACCORD DE CE TYPE

1. Un accord qui s’inscrit dans le contexte de relations bilatérales excellentes

Situé au cœur de l’Europe, abritant le siège de plusieurs institutions et organes de l’Union et de la zone euro, le Luxembourg s’est toujours fortement impliqué dans le processus de la construction européenne. Un fort consensus politique existe au Luxembourg en faveur du projet européen, qui bénéficie d’un important soutien au sein de la population. Sur ce point comme sur d’autres, nos deux pays se rejoignent.

Sa proximité géographique et son statut de membre fondateur des communautés européennes font du Luxembourg un partenaire politique et économique privilégié de la France.

En matière politique, les contacts entre les dirigeants des deux États sont réguliers. Peu de temps après son accession à l’Élysée, le Président de la République François Hollande a rencontré l’ancien Premier Ministre du Luxembourg, Jean-Claude Juncker le 10 mai 2012, puis à nouveau le 12 février 2013. Suite à sa prise de fonction en octobre 2013, c’est en France que le Premier Ministre luxembourgeois Xavier Bettel s’est rendu pour sa première visite à l’étranger, où il a rencontré le Président de la République. Plus récemment, le 15 mai 2014, une entrevue organisée à l’hôtel Matignon a permis à Xavier Bettel de rencontrer son homologue Manuel Valls, et d’aborder les grandes questions politiques internationales du moment.

Afin d’approfondir les relations bilatérales entre les deux pays, une réunion intergouvernementale, présidée par les deux Premiers ministres français et luxembourgeois, devrait être tenue à la fin de l’année. Elle sera l’occasion d’évoquer, parmi d’autres sujets, la question des travailleurs transfrontaliers, mais aussi celle de l’enseignement du français, avec le projet de création de filières francophones dans le système scolaire public.

En matière économique, le Luxembourg est le pays avec lequel le montant de nos échanges commerciaux rapporté au nombre d’habitants est le plus élevé au monde. La relation commerciale bilatérale présente un excédent pour la France (750 millions d’euros en 2013) et nos exportations vers le Luxembourg sont en progression (+ 2,4 % par rapport à 2012). Pour autant, si la France est le deuxième client et le troisième fournisseur du Grand-Duché, notre part de marché, bien qu’en augmentation depuis plusieurs années, reste inférieure à celle de l’Allemagne (14 % contre 27 %). La métallurgie est un secteur clef du partenariat économique et commercial avec le Luxembourg puisqu’il représente environ 20 % du total de nos exportations et près de 30 % de nos importations provenant du Luxembourg en raison des flux intragroupes d’ArcelorMittal (échanges entre les sites d’ArcelorMittal de Florange en Moselle, de Mouzon dans les Ardennes et de Dudelange au Luxembourg).

Les quelque 110 entreprises françaises présentes au Luxembourg sont actives dans les secteurs des services financiers (34 %), de l’industrie (24 %) et du commerce (41 %), employant près de 10.000 salariés. Quatorze institutions bancaires françaises sont implantées dans le Grand-duché et le groupe BNP Paribas est le second plus important employeur privé au Luxembourg. Les groupes luxembourgeois emploient quant à eux près de 56.604 salariés en France, c’est-à-dire davantage que les groupes japonais et espagnols.

Au niveau européen, le Luxembourg exercera la présidence de l’Union européenne au second semestre 2015, qu’il prépare d’ores et déjà activement. La récente entrevue entre les deux Premiers ministres a permis de dégager quelques priorités d’action commune.

Confronté à la fois au vieillissement de sa population et à la nécessité de diversifier son économie, le Luxembourg partage avec la France la conviction de la nécessité d’une stratégie européenne renforcée sur les questions économiques et de croissance. Autre sujet d’importance, le Luxembourg, qui adopte généralement une position très ferme sur les questions touchant aux intérêts de sa place financière, a assoupli sa position en levant son veto, opposé depuis 2008, à la révision de la directive sur la fiscalité de l’épargne de 2003. C’est un signe encourageant, qui doit nous inviter à poursuivre un dialogue approfondi est plus que jamais nécessaire pour lutter contre l’évasion fiscale. Le Luxembourg n’a en revanche, pas souhaité prendre part à la coopération renforcée relative à l’instauration d’une taxe sur les transactions financières (TTF). Enfin, gardant à l’esprit que le Luxembourg assurera la présidence de l’Union au moment où sera organisé à Paris le sommet sur le climat, il convient de se coordonner dès maintenant pour faire de cet évènement un succès.

2. La lutte contre la fraude sociale : un enjeu commun aux deux pays

Le Luxembourg connaît une forte pénurie de main d’œuvre nationale. Pour y faire face, ce pays recourt fortement à de la main d’œuvre étrangère, dont la proportion atteint près de 50 % des actifs dans le secteur privé.

On dénombre 80 000 travailleurs frontaliers français au Luxembourg, auxquels s’ajoutent 37 000 résidant dans le pays, de sorte que les Français y représentent la deuxième communauté, soit 7 % de la population luxembourgeoise. Il existe également un nombre important d’entreprises françaises installées au Luxembourg. Du fait de l’importance de ces échanges humains, les montants financiers potentiellement concernés par la fraude sont considérables. À titre d’illustration, les statistiques du Centre des liaisons européennes et internationales de sécurité sociale montrent qu’en 2011, les remboursements français de soins de santé effectués au Luxembourg s’élevaient à 2 millions d’euros. À l’inverse, le Luxembourg devait rembourser une somme de 114 millions d’euros à la France.

La lutte contre la fraude aux finances publiques, notamment la fraude sociale, constitue une priorité des pouvoirs publics français depuis une dizaine d’années. Au plan interne, les outils juridiques et techniques pour mieux connaître et lutter contre la fraude ont été étoffés. L’année 2012 a marqué une progression du niveau des fraudes détectées : la fraude détectée par les caisses de sécurité sociale en 2012 a atteint 562,3 millions d’euros (+ 17,2 % par rapport à 2011) et celle détectée par Pôle emploi s’est élevée à 130 millions d’euros (+ 20 % par rapport à 2011) (2). Parmi les fraudes détectées, les fraudes transfrontalières ne sont pas identifiées en tant que telles et ne font donc pas l’objet d’un suivi statistique (3).

Cependant, certains types de fraudes liées au détournement des règles européennes de coordination en matière de sécurité sociale ont été constatés tant en France que dans d’autres États membres de l’Union européenne : notamment le détournement de la procédure de détachement (4) et le recours irrégulier aux règles de pluriactivité.

La France et le Luxembourg avaient déjà convenu d’instruments juridiques en matière de sécurité sociale. Le règlement 883/2004/CE du 29 avril 2004 qui prévoit la coordination des systèmes de sécurité sociale, complété par son règlement d’application en matière de coopération administrative dans le champ de la sécurité sociale. En 2008, un accord de sécurité sociale a été signé entre les deux États en vue de pallier aux manquements des dispositions communautaires, plus spécialement en matière de prestations et de recouvrement des cotisations et trop-versés.

Pour autant, les deux États estimant encore insuffisant le degré d’approfondissement des relations dans le domaine, ont décidé de renforcer la coopération directe entre les organismes franco-luxembourgeois de sécurité sociale. Aussi ont-ils conclu cet accord par un échange de lettres en 2011.

II. L’ORGANISATION D’UNE ASSISTANCE MUTUELLE POUR LUTTER CONTRE LA FRAUDE

Nos deux pays ont conclu cet accord sous forme d’échange de lettres signées à Paris le 11 avril 2011 et à Luxembourg le 17 juin 2011. La Chambre des députés du Grand-Duché de Luxembourg a adopté le 30 janvier 2013 le projet de loi d’approbation de l’accord. La loi portant approbation de l’accord est datée du 26 février 2013 et a été publiée au Journal officiel du 5 mars 2013.

L’accord pose dans un premier temps le cadre général de la coopération en prévoyant une saisine directe entre les organismes de sécurité sociale des deux pays ainsi qu’un échange d’informations et de données en vue de constater les fraudes, abus ou erreurs en matière de prestations, de cotisations ou d’assujettissement. Dans un second temps, il décline cette coopération en trois volets : la coopération en matière de prestations, en matière d’assujettissement et en matière de contrôles. Ces vérifications portent essentiellement sur la résidence, l’état civil, les conditions de ressources ou encore les arrêts de travail.

Grâce à l’échange d’informations et de données, les organismes de protection sociale pourront, lors du traitement des demandes de prestations ou de leur versement, demander aux institutions de l’autre État d’effectuer des contrôles. Les organismes de protection sociale pourront, en outre, faire procéder au recouvrement de cotisations dans l’autre État et récupérer, par l’intermédiaire des organismes de l’autre État, le montant des versements indus.

L’accord permet, par ailleurs, la coopération pour le contrôle du détachement, facteur important de fraude aux règles d’assujettissement. Seule une coopération entre institutions des deux pays – en l’espèce un échange rapide d’informations - peut conduire à l’affiliation au régime d’accueil, au recouvrement des cotisations, et à l’engagement de procédures le cas échéant.

Pour finir, cet accord innove sur trois points. Tout d’abord, l’Accord prévoit la transmission et le rapprochement de fichiers. Ensuite, il autorise la présence d’agents sur le territoire de l’autre État, en qualité d’observateurs et aux fins d’assistance - par exemple pour interpréter des données et des informations. Enfin, il instaure la possibilité de contrôle des arrêts de travail pour un salarié affilié au régime d’un État par un organisme de l’autre État.

A. LA FIXATION DU CADRE GÉNÉRAL DE LA COOPÉRATION

L’article 1er de l’accord renvoie la définition des termes utilisés dans l’accord à celle qui leur est donnée dans le règlement (CE) n°883/2004 précité.

1. Les champs d’application

Le champ d’application territorial de l’accord (article 4) englobe le territoire luxembourgeois et celui de la République française, y compris outre-mer (sont visés tous les « espaces sur lesquels, en vertu du droit international, [elle] exerce des droits souverains ou une juridiction »).

Le champ d’application personnel (article 2) s’étend à toutes les personnes résidant sur le territoire de l’une ou l’autre partie et auxquelles est appliquée la législation sociale : les employés mais aussi les employeurs sont ainsi visés.

Le cœur du champ d’application matériel de l’accord (article 4) est constitué par les législations relatives à la sécurité sociale visées par les règlements communautaires, mais il s’étend aussi à des législations relatives au versement de prestations non contributives. Côté français, est seulement mentionné le revenu de solidarité active (RSA).

2. Les acteurs de cette coopération

L’accord distingue les « institutions compétentes », visées à l’article 5, et les « organismes de liaison », à l’article 6.

L’article 5 renvoie d’abord aux institutions compétentes mentionnées à l’annexe 2 du règlement (CEE) n° 574/72 du 21 mars 1972 dit « règlement d’application » : celui-ci dresse la liste, pour chaque pays, des organismes compétents pour chacun des risques concernés. Le même article apporte ensuite des compléments à cette liste, qui correspondent aux organismes chargés du recouvrement des cotisations et à ceux liés aux prestations non contributives visées à l’article 4. Pour le volet relatif au recouvrement, sont citées, pour la partie tchèque, l’administration de la sécurité sociale tchèque et les compagnies d’assurance santé, pour la partie française, les Unions pour le recouvrement des cotisations de sécurité sociale et d’allocations familiales (URSSAF) et les autres organismes de sécurité sociale chargés du recouvrement. Pour les autres prestations, sont mentionnés les centres pour l’emploi et les conseils locaux côté tchèque, les caisses d’allocations familiales côté français.

Pour ce qui est des organismes de liaison, il s’agit, pour la France, du seul Centre de liaisons européennes et internationales de sécurité sociale, tandis que différentes administrations tchèques sont concernées selon le type de prestation.

3. Les principes généraux

Fixés à l’article 7, les principes généraux de coopération sont classiques :

– cette coopération consiste, pour les acteurs mentionnés supra, à communiquer entre eux et se prêter mutuellement assistance ;

– elle est en principe gratuite, mais les autorités compétentes peuvent convenir par écrit du remboursement de certains frais ;

– les documents fournis en application de l’accord sont considérés comme authentiques ;

– il doit être répondu à toute demande d’information « dans les meilleurs délais » et au plus tard dans les trois mois ;

– les demandes et les documents peuvent être présentés dans la langue officielle de l’une ou l’autre partie ;

– seules peuvent être refusées les demandes d’informations qui sont « susceptibles d’avoir une incidence sur la souveraineté, la sécurité ou l’ordre public ou tout autre intérêt important d’une partie contractante » : ces stipulations figurent dans tous les accords de coopération, quel qu’en soit le domaine ; il est prévu ici que la partie requise en informe ses autorités compétentes et la partie requérante sans délai en précisant les motifs du refus de transmission.

4. La protection des données à caractère personnel

Les accords de coopération signés par la France comportent toujours, dès qu’ils impliquent l’échange de données à caractère personnel, des dispositions relatives à la protection de celles-ci.

S’agissant de la protection des données personnelles, l’utilisation des outils mis en place grâce à cet accord, notamment la systématisation des échanges directs d’information et le rapprochement de fichiers, est soumise aux règles fixées par chaque législation nationale ainsi qu’aux règles de la directive européenne 95/46 relative à la protection des personnes physiques à l’égard du traitement des données à caractère personnel et à la libre circulation de ces données. Outre l’encadrement des échanges de données, rappelé par l’article 6 de l’accord (directive 95/46/CE du Parlement européen et du Conseil, du 24 octobre 1995) et par l’article 77 du Règlement (CE) n°883/2004, le niveau équivalent de la législation luxembourgeoise à celle de la France et l’existence des normes européennes en la matière offrent des garanties à de tels échanges.

L’article 17 prévoit que l’usage des informations à caractère personnel qui ont été transmises se limite à l’application des législations auxquelles l’accord s’applique. Les données de nature fiscale peuvent ainsi être communiquées uniquement si la législation nationale permet cette transmission pour appliquer les dispositions en matière de sécurité sociale.

Les informations ne peuvent être communiquées à des autorités extérieures qu’après autorisation de l’institution que les a transmises et accord de la personne concernée. L’institution sollicitée peut demander à être informée de l’usage qui en a été fait et des résultats obtenus. En cas de transmission de données erronées ou qui n’auraient pas dû être communiquées, le destinataire doit en être informé et sera obligé de les rectifier ou de les détruire. La personne concernée a un droit d’accès à ces informations, en application de la législation de l’État où se trouve l’institution à laquelle leur communication a été demandée. Les données doivent être détruites après utilisation. Pour assurer le suivi des informations à caractère personnel, les institutions requise et requérante doivent enregistrer leur transmission, leur réception et leur destruction et « protéger efficacement les données personnelles transmises des utilisations non autorisées ». Dans la mesure où elles partagent cette responsabilité, une personne qui s’estime lésée par le traitement de données la concernant pourrait donc se retourner contre l’une ou l’autre, voire les deux, pour obtenir réparation du préjudice éventuel. Il est probable que, pour des raisons pratiques, elle mettra plutôt en cause la responsabilité de l’institution du pays où elle réside et/ou travaille.

B. LES FORMES ET DOMAINES DE LA COOPÉRATION

Compte-tenu du schéma de mobilité des personnes entre la France et le Luxembourg - prépondérance des travailleurs résidant en France et travaillant pour des entreprises luxembourgeoises, dont une partie est détachée en France, et des règles applicables en matière de coordination, l’accord de coopération franco-luxembourgeois répond principalement aux préoccupations suivantes :

– pour la France, vérifier le respect des règles relatives au détachement de salariés en France par les entreprises luxembourgeoises et accélérer les procédures de retrait de formulaire, de requalification de la législation applicable et de recouvrement des cotisations ;

– pour le Luxembourg, vérifier le respect des conditions de service des prestations aux personnes affiliées à la sécurité sociale luxembourgeoise qui résident en France. Il y a peu, la Ministre luxembourgeoise de la famille a fait part de l’intérêt qu’il y avait à contrôler la situation des travailleurs frontaliers pour l’octroi des prestations familiales au moyen de rapprochement de fichiers.

L’accord pose le cadre général de la coopération en prévoyant une saisine directe entre les organismes de sécurité sociale des deux pays et en fixant des délais de réponse ainsi qu’un échange d’informations et de données (individuellement ou par rapprochement de fichiers) en vue de constater les fraudes, abus ou erreurs en matière de prestations, de cotisations ou d’assujettissement. Puis, l’accord décline cette coopération en 3 volets : la coopération en matière de prestations, d’assujettissement et de contrôle.

1. L’échange de données en matière de prestations : un accord de facture classique

En matière de prestations, les stipulations de l’accord visent à favoriser la vérification des conditions d’éligibilité aux prestations, notamment liées à la résidence et aux ressources, afin de prévenir le cumul de prestations, en listant les types de vérifications que les institutions d’un État peuvent effectuer auprès de celles de l’autre État. Il convient de souligner que le champ matériel de l’accord est plus large que les règlements européens, puisqu’il vise les prestations d’assistance (il sera par exemple possible de demander au Luxembourg la vérification de la perception par un bénéficiaire du RSA de revenus au Luxembourg).

L’article 76 du Règlement (CE) n°883/2004 permet la coopération entre autorités compétentes et entre institutions compétentes (organismes de sécurité sociale) des États membres. L’article 2 §2 du Règlement (CE) n°987/2009 prévoit l’échange de « toutes données nécessaires à l’établissement des droits et obligations des personnes auxquelles s’applique le Règlement de base. » Ces dispositions sont directement applicables. L’accord bilatéral se limite à préciser le contenu et la finalité des données dont la transmission est requise en application des règlements européens.

L’article 7 de l’accord prévoit la transmission de fichiers de données à des fins d’exploitation et de rapprochement de fichiers en vue de la constatation de fraudes, d’abus ou d’erreurs en matière de prestations, de cotisations ou d’assujettissement. Ces contrôles portent sur les données relatives à l’état civil, la composition de la famille, la résidence, l’appréciation des ressources, l’exercice ou non d’une activité professionnelle ou encore le cumul de prestations. Ces opérations respectent le cadre juridique relatif à la protection des données à caractère personnel. Ces transmissions s’organisent conformément à des modalités prévues entre les institutions (dates, périodicité).

L’article 8 prévoit l’information directe et mutuelle des autorités compétentes au sujet des modifications législatives et réglementaires qui interviendraient à l’avenir et auraient un impact sur la coopération prévue par cet accord.

L’article 9 prévoit la possibilité pour un organisme de sécurité sociale, de contrôler la résidence d’une personne qui, sur cette base, soit bénéficie d’une prestation sociale soit est affilié à sa législation. Dans ce but, elle peut interroger une institution de l’autre qui est tenue de lui répondre pour vérifier la qualité de résident de ladite personne.

L’article 10 permet à un organisme de sécurité sociale d’interroger un organisme de l’autre État pour vérifier les ressources d’une personne soumise à la législation de son État et ainsi, de contrôler l’assiette des cotisations et contributions dues à ce titre. Le contrôle des ressources peut également être mis en œuvre dans le cadre des contrôles de l’octroi de prestations sous conditions de ressources.

L’article 11 permet aux institutions d’échanger des informations dans le cadre de contrôles visant à vérifier l’absence de cumul de prestations lorsque ce cumul est interdit.

L’article 12 complète les articles 9 à 11 posant le principe de la possibilité de recueillir des informations dès lors qu’elles ont pour finalité de garantir une bonne application des droits en matière de prestations de sécurité sociale.

L’article 13 vise à permettre la saisine d’un organisme de sécurité sociale de l’autre État au stade de l’instruction d’une demande d’octroi d’une prestation sociale afin de vérifier que l’intéressé(e) remplit bien les conditions posées, que ces conditions soient liées à l’état civil, aux ressources ou encore à la résidence. L’organisme saisi d’une telle demande procède aux vérifications requises conformément aux dispositions de sa législation interne. Si l’organisme saisi d’une demande de vérification constate que des prestations sociales ont été abusivement versées, il en informe l’organisme qui l’a contacté et ce, y compris en cas de suspicion de fraude ou d’erreur. Enfin, en l’absence d’une saisine d’un organisme de sécurité sociale de l’autre État, si un organisme a connaissance d’informations, par exemple d’un changement de situation ayant un impact sur les droits aux prestations sociales, il peut en informer l’organisme intéressé.

L’article 14 permet aux institutions, sur la base des éléments recueillis dans le cadre de la coopération entre institutions des deux Parties, d’en tirer les conséquences sur les droits des bénéficiaires ou des cotisants. L’accord autorise ainsi de refuser, de suspendre ou de mettre fin au versement d’une prestation.

2. La coopération en matière d’assujettissement, un volet essentiel de l’accord, en particulier dans le cadre du détachement de travailleurs

Pour mémoire, le Luxembourg est le premier pays dont les entreprises déclarent à l’inspection du travail détacher des salariés en France (près de 20 % du total des déclarations, soit 11 594 en 2012 - un pic avait été enregistré en 2010, avec 13 717 déclarations (5)). Cette situation reflète la présence au Luxembourg d’un nombre important d’entreprises de travail temporaire (ces entreprises émettent 3 déclarations de détachement sur 4) qui mettent des salariés à disposition d’entreprises françaises. Une infime partie des salariés détachés en France est de nationalité luxembourgeoise (629 salariés sur les 11 594 déclarés en 2012 auprès de l’inspection du travail). En 2011, le Luxembourg a déclaré à la Commission européenne avoir émis 37 115 formulaires de maintien à la législation de sécurité sociale luxembourgeoise pour des travailleurs venant travailler en France (6). En revanche, seuls 2 558 formulaires de maintien à la législation de sécurité sociale française (pour 2019 personnes) ont été émis pour une période de détachement en 2013 pour des salariés détachés au Luxembourg.

En matière d’assujettissement, l’accord énumère les vérifications devant être effectuées par l’institution qui émet les certificats relatifs à la législation de sécurité sociale applicable en cas de détachement et institue des délais d’instruction beaucoup plus courts que ceux qui découlent de la décision adoptée par la commission administrative pour la coordination des systèmes de sécurité sociale concernant l’établissement d’une procédure de dialogue et de conciliation. Il formalise la possibilité de vérifier le paiement des cotisations par l’entreprise détachante auprès de l’institution de l’autre État et la transmission réciproque des données statistiques sur les détachements.

L’article 15 prévoit le contrôle par les organismes des deux États du respect des conditions de détachement lors de l’établissement de l’attestation concernant la législation applicable. Ces vérifications portent sur l’assujettissement du travailleur à la législation du pays d’origine avant son détachement, sur l’existence d’une activité réelle de l’entreprise détachant le travailleur dans le pays où elle est établie et sur le maintien du lien de subordination entre le travailleur détaché et l’employeur. Les États se communiquent les instructions données en ce sens à leurs organismes. Si un organisme d’un État a connaissance d’informations relatives à un établissement erroné ou frauduleux de ladite attestation pour un travailleur originaire de l’autre État et détaché sur son territoire, il doit en informer l’organisme de départ, qui se prononce sur le maintien ou non du détachement.

L’article 16 permet aux institutions compétentes en charge du recouvrement et du contrôle de chaque État d’échanger toute information de nature à établir le droit au recouvrement des cotisations et contributions de sécurité sociale.

L’article 17 institue une transmission annuelle de données statistiques en matière de détachement entre les organismes de liaison par voie électronique.

3. La coopération en matière de contrôles

En matière de contrôles, l’accord innove sur deux points : il autorise la présence d’agents sur le territoire de l’autre État, en qualité d’observateurs et aux fins d’assistance – par exemple pour interpréter des données et des informations - ; par ailleurs, il instaure la possibilité de contrôle des arrêts de travail pour un salarié affilié au régime d’un État par un organisme d’un autre État.

L’article 18 pose ainsi le principe d’une assistance mutuelle et de coopération en matière de contrôles et prévoit, en particulier, la possibilité d’échanger des agents entre organismes de sécurité de sécurité sociale pour appuyer des opérations de contrôle enclenchées par des agents de l’autre Partie.

L’article 20 vise à permettre la demande d’un organisme d’une Partie à l’organisme de l’autre Partie de vérification du bien-fondé des arrêts de travail d’un salarié qui serait soumis à la législation du premier État et résiderait sur le territoire du second État. Ce dernier informe l’organisme demandeur des constatations faites à l’issue de ces contrôles. L’organisme de la première Partie peut, en outre, mandater un médecin de son choix exerçant sur le territoire de la seconde Partie afin d’effectuer une visite de contrôle au domicile du salarié.

C. LES CONSÉQUENCES DE L’ACCORD

1. Les conséquences financières et économiques

Au regard du détachement en France de salariés, particulièrement des intérimaires, la mise en œuvre de l’accord est de nature à permettre la détection d’un nombre croissant d’irrégularités et la limitation des pratiques de dumping social et de concurrence déloyale qui en découlent.

S’il n’est pas possible d’évaluer précisément l’impact financier de l’accord, des affaires récentes attestent de la réalité du phénomène de fraude au détachement. Ainsi, selon le Centre des liaisons européennes et internationales de sécurité sociale (CLEISS), 3700 fausses missions d’intérim d’ETT (entreprises de travail temporaire) luxembourgeoises ont été identifiées entre le 1er janvier et le 31 mars 2010, lesquelles auraient représenté un manque à gagner pour les organismes de protection sociale d’environ 4 millions d’euros.

Rapportés au nombre de salariés détachés en France par les ETT luxembourgeoises (37 115 en 2011 selon les formulaires de détachement émis et déclarés à la Commission européenne) ces chiffres permettent d’espérer des redressements de cotisations substantiels.

Par ailleurs, les flux financiers entre les deux pays dans le cadre du Règlement communautaire sont particulièrement importants, du fait de l’emploi de travailleurs frontaliers mais aussi des Français (actifs ou non) établis au Luxembourg (30 352 se sont inscrits au registre des Français établis à l’étranger en 2012).

En 2012, les remboursements français de soins de santé effectués au Luxembourg s’élevaient à 5,3 millions d’euros tandis que le Luxembourg devait rembourser à la France 259,8 millions d’euros ; la même année, 14,4 millions d’euros de pensions ont été servies par les institutions françaises à 4 525 bénéficiaires résidant au Luxembourg.

L’importance des migrations transfrontalières entre la France et le Luxembourg et les flux financiers en jeu attestent de l’importance qui s’attache à la lutte contre la fraude sociale.

2. Les conséquences sociales

Au-delà de son rendement en termes financiers, la lutte contre la fraude sociale est un objectif en soi et un enjeu important au regard du principe de solidarité qui gouverne notre système de sécurité sociale.

Organiser cette lutte au plan européen, c’est en outre approfondir le sentiment d’appartenance à l’Union en donnant des exemples concrets de la coopération et de la solidarité entre les États.

3. Les conséquences juridiques

L’accord de coopération ne soulève pas de difficultés au regard du droit de l’Union européenne. La conclusion de l’accord s’inscrit dans le cadre de l’article 8 § 2 du Règlement (CE) n°883/2004. L’application de l’accord est limitée aux départements d’outre-mer, les collectivités d’outre-mer étant exclues du champ d’application du Règlement précité.

Sur le plan bilatéral, le présent accord accentue le dispositif qui résultait d’un accord bilatéral entre le Luxembourg et la France du 7 novembre 2005 pris sous l’empire des anciens Règlements de coordination et qui, notamment, renforçait la coopération administrative entre les organismes des deux États pour le recouvrement des cotisations et prestations indues.

L’entrée en vigueur de l’accord n’a pas d’impact sur le droit interne et n’entraînera pas de modification de la législation interne

4. Les conséquences administratives

L’accord nécessite pour sa mise en œuvre, des travaux opérationnels entre les organismes principalement concernés avec le concours du CLEISS (pour le contrôle des détachements, travail entre l’organisme luxembourgeois (le Centre commun de la sécurité sociale) et d’une part, les CPAM frontalières, d’autre part, l’ACOSS et les URSSAF frontalières s’agissant de la vérification des salariés et entreprises contrôlées sur le sol français.

Il conviendra de définir les modalités concrètes des rapprochements de fichiers envisagés.

CONCLUSION

Alors que le montant des prestations sociales versées à l’étranger ne cesse de croître, les États membres de l’Union européenne ont insuffisamment pris en compte, lors de la révision en 2004 du règlement qui coordonne les systèmes nationaux de sécurité sociale, la fraude transnationale aux prestations et aux cotisations.

En effet, les règlements prévoient des mesures de nature à assurer la libre circulation des travailleurs sans les assortir d’instruments juridiques permettant d’en contrôler l’application.

Le présent accord a pour objet de combler ce vide juridique, c’est pourquoi votre Rapporteur est favorable à son adoption par l’Assemblée nationale.

ANNEXE 1

AUDITIONS :

Néant

EXAMEN EN COMMISSION

La commission examine le présent projet de loi au cours de sa réunion du mercredi 18 juin 2014 à 9 heures 30.

Après l’exposé du rapporteur, un débat a lieu.

M. Philip Cordery. Le règlement européen du 29 avril 2004 sur la coordination des systèmes de sécurité sociale présente des lacunes qui rendent essentiel le recours à des accords bilatéraux. Ces accords permettent d’approfondir la coopération et constituent une bonne nouvelle pour tous les travailleurs transfrontaliers établis de part et d’autre la frontière et désirant se faire soigner.

Je voudrais aborder trois points.

Tout d’abord, la question de la protection des données personnelles. L’accord prévoit- il des mesures pour la protection de ces données ? Par ailleurs, y a-t-il des dispositions qui prévoient d’aller plus loin dans la possibilité d’utiliser la carte vitale des deux côtés de la frontière ? Cela se fait d’ores et déjà entre l’Allemagne et la France, mais qu’en est-il du Luxembourg ? Enfin, il faudrait que la France et le Luxembourg parviennent à un accord sur la question de la cotisation dépendance. Cette dernière est payée par les Français qui travaillent au Luxembourg mais en France, nos compatriotes ne peuvent pas bénéficier de cette cotisation quand ils partent en retraite.

M. Jean Paul Bacquet. Il est surprenant que cet accord n’ait pas été conclu plus tôt car beaucoup de travailleurs transfrontaliers français se déplacent au Luxembourg.

Existe-t-il un délai de carence concernant les arrêts de travail au Luxembourg?

M. Thierry Mariani. Cet accord est tout à fait pertinent, a fortiori parce qu’il concerne deux pays de l’Union Européenne. Pour autant, on peut se demander si ce type d’accord ne pourrait pas être développé avec des pays hors union Européenne. Il faut rappeler que les communautés expatriées hors Europe sont importantes.

M. Jean-Claude Mignon, rapporteur. Ce type d’accord illustre la volonté de la France de combler les lacunes de la législation communautaire par la conclusion d’accords bilatéraux. Ces lacunes sont réelles.

Pour le moment, ce n’est que le troisième accord de ce type qui existe. Comme Thierry Mariani le suggérait, ce type d’accord ne pourrait-il pas dépasser le seul cadre européen?

Au sujet de la carte vitale, rien n’est prévu expressément à cet effet dans l’accord. Quant à l’utilisation d’informations à caractère personnel elle se limite classiquement aux législations auxquelles l’accord s’applique.

M. Jean Paul Bacquet. Qu’en est-il de la question du délai de carence?

M. Jean-Claude Mignon. Il n’y a pas de délai de carence applicable au Luxembourg.

Suivant les conclusions du rapporteur, la commission adopte sans modification le projet de loi (n° 1098).

ANNEXE

TEXTE DE LA COMMISSION DES AFFAIRES ÉTRANGÈRES

Article unique

(Non modifié)

Est autorisée l’approbation de l’accord sous forme d’échange de lettres entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement du Grand-Duché de Luxembourg pour le développement de la coopération et de l’entraide administrative en matière de sécurité sociale (ensemble une annexe), signées à Paris, le 11 avril 2011 et à Luxembourg, le 17 juin 2011, et dont le texte est annexé à la présente loi.

NB : Le texte de l’accord figure en annexe au projet de loi (n° 1098).

© Assemblée nationale

1 () Règlement (CEE) n° 1408/71 du Conseil du 14 juin 1971 relatif à l’application des régimes de sécurité sociale aux travailleurs salariés et à leur famille qui se déplacent à l’intérieur de la Communauté.

2 () Source : Rapport de la DNLF pour 2012.

3 () L’ACOSS a toutefois fait évoluer le système d’information des inspecteurs du recouvrement afin d’enregistrer à compter de 2013 un nouveau chef de redressement permettant l’identification des redressements de cotisations opérés au titre de la mobilité internationale.

4 () La fraude aux règles de détachement porte principalement sur l’absence de déclaration auprès des inspections du travail (des hypothèses ont été émises selon lesquelles la moitié, voire 2/3 des détachements ne seraient pas déclarés), l’absence du caractère temporaire du détachement, l’absence d’activité réelle de l’entreprise détachante dans le pays d’origine, le détachement fictif du salarié n’ayant jamais été présent dans le pays d’origine.

5 () Source : Analyse des déclarations de détachement des entreprises prestataires de services en France en 2012, DGT.

6 () Source : « Posting of workers in the European Union and EFTA countries : report on A1 portable documents issued in 2010 and 2011, Commission Européenne, DG Emploi.