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N
° 3060

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ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

QUATORZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l'Assemblée nationale le 16 septembre 2015.

RAPPORT

FAIT

AU NOM DE LA COMMISSION DES AFFAIRES ÉTRANGÈRES SUR LE PROJET DE LOI, autorisant la ratification de l’accord commercial entre l’Union européenne et ses États membres, d’une part, et la Colombie et le Pérou, d’autre part,

PAR M. Jean-RenÉ MARSAC

Député

——

ET

ANNEXE : TEXTE DE LA COMMISSION DES AFFAIRES ÉTRANGÈRES

Voir le numéro :

Assemblée nationale : 2724.

SOMMAIRE

___

Pages

INTRODUCTION 5

I. L’ACCORD COMMERCIAL LE PLUS AMBITIEUX CONCLU AVEC DES PAYS ANDINS 7

1. Le Pérou, une économie dynamique, mais de nombreux défis structurels 7

2. La Colombie : troisième puissance économique d’Amérique latine à la recherche de la paix civile 8

1. Un accord qui s’inscrit dans une stratégie globale d’ouverture commerciale du Pérou et de la Colombie 9

2. Des relations qui reposent sur l’accord-cadre de coopération signé par la communauté andine des nations et la communauté européenne en avril 1993 10

II. CONTENU ET ENJEUX DE L’ACCORD 13

A. UN ACCORD DIT DE « NOUVELLE GÉNÉRATION » 13

1. Une libéralisation tarifaire progressive des échanges de produits industriels et de pêches, des exceptions pour les produits agricoles et agro-alimentaires 13

2. Un important volet consacré aux barrières non-tarifaires 15

3. Des garanties prévues en matière de protection de la propriété intellectuelle, ainsi qu’en matière de protection des appellations géographiques 16

4. Des garanties en matière de droits de l’homme et de droits sociaux et des dispositions spécifiques en matière environnementale 17

5. Les dispositions institutionnelles 18

B. LES ENJEUX DE L’ACCORD POUR LA FRANCE ET POUR LE PÉROU ET LA COLOMBIE 19

1. Un accord qui ne devrait pas remettre en cause la structure et le volume de nos échanges avec le Pérou et la Colombie 19

2. Les enjeux politiques et environnementaux 23

a. Le Pérou 23

b. La Colombie 24

C. ENTRÉE EN VIGUEUR ET ÉTAT DES RATIFICATIONS 25

CONCLUSION 27

EXAMEN EN COMMISSION 29

ANNEXE 1 : AUDITIONS 33

ANNEXE : TEXTE DE LA COMMISSION DES AFFAIRES ÉTRANGÈRES 35

INTRODUCTION

Les relations entre l’Union européenne et le Pérou et la Colombie reposaient jusqu’au présent accord sur un accord-cadre de coopération signé avec la Communauté andine des nations (CAN) le 23 avril 1993. Cet accord, qualifié de « troisième génération », accordait une large place à la protection des droits de l’Homme et au respect des principes démocratiques tout en essayant de donner une impulsion aux relations commerciales.

Sur la base de cet accord, des négociations ont débuté en 2007 en vue de conclure un accord commercial entre l’UE et la CAN. Les négociations se sont poursuivies avec le Pérou et la Colombie pour se conclure au niveau technique en mai 2010. Le texte de l’accord commercial a ensuite été paraphé en mars 2011.

Après avoir présenté la situation politique et économique du Pérou et de la Colombie, ainsi que l’ancienneté et la densité de leurs liens avec l’Union européenne et la France, ce rapport propose de présenter le contenu de l’accord et à en expliciter les enjeux pour ces deux pays et la France.

I. L’ACCORD COMMERCIAL LE PLUS AMBITIEUX CONCLU AVEC DES PAYS ANDINS

A.  LE PÉROU ET LA COLOMBIE : DEUX PARTENAIRES IMPORTANTS EN AMÉRIQUE LATINE

1. Le Pérou, une économie dynamique, mais de nombreux défis structurels

Économie de taille moyenne avec un PIB de 203 milliards de dollars en 2014 selon la Banque mondiale), le Pérou a connu une forte croissance entre 2006 et 2013 (+ 6,78 % en moyenne annuelle). Le pays bénéficie également de bons indicateurs macro-économiques : endettement et inflation limités, réserves de change, équilibre budgétaire.

2014 a cependant coïncidé avec un net ralentissement de la croissance (+ 2,4 %) du fait, entre autres, de la baisse des prix des matières premières – en l’occurrence des minerais – sur le marché international. Le ralentissement économique de la Chine, premier partenaire commercial du Pérou, risque de prolonger la période de moindre croissance observée en 2014 dans ce pays andin.

Elu en juin 2011 avec la coalition de gauche Gana Perú, le président Ollanta Humala, « candidat anti-système », a su adopter en début de son mandat des programmes sociaux innovants en faveur des enfants, des étudiants et des retraités et favoriser l’émergence d’une véritable classe moyenne. En 2011, la loi sur la consultation préalable des populations indigènes avant toute exploitation industrielle, dans le secteur minier notamment, a conforté sa popularité. A moins d’an de la fin de son mandat présidentiel – M. Humala n’est pas autorisé par la Constitution à briguer un second mandat consécutif – son bilan est cependant en demi-teinte. La loi de « consultation préalable » n’est que partiellement appliquée, donnant l’impression que M. Humala a cédé aux intérêts des grands groupes industriels. L’économie informelle, alimentée en particulier par les mines illégales, reste à un niveau préoccupant (entre 60 et 70 % de l’activité salariée). Les conflits socio-environnementaux sont nombreux, comme en témoignent de fortes manifestations d’avril à juillet 2015 contre le projet minier Tía Maria de la société américaine Southern Copper dans la région d’Arequipa au sud du pays. Enfin, selon les données de la Banque mondiale, la pauvreté touche encore près d’un quart de la population (23,9 % contre 27,8 % en 2011).

Fin 2014, le parti présidentiel a perdu sa majorité parlementaire au bénéfice du parti d’opposition dirigé par Keiko Fujimori (Fuerza Popular). L’instabilité gouvernementale est marquée (douze remaniements et sept chefs de gouvernement différents depuis le début du mandat de M. Humala), au gré des « affaires » et des attaques d’une opposition très agressive.

Le Pérou reste enfin confronté à des défis structurels importants : narcotrafic – le pays est le premier producteur mondial de cocaïne devant la Colombie depuis 2013, carences de l’éducation publique (le Pérou est le dernier pays dans le classement mondial sur l’éducation PISA-OCDE), faiblesses de l’administration de l’Etat et des territoires (corruption et clientélisme).

Au plan régional, le Pérou poursuit son intégration notamment à travers l’Alliance du Pacifique, zone de libre-échange lancée en avril 2011 avec la Colombie, le Chili et le Mexique ; le Pérou en a accueilli le Sommet des Chefs d’Etat les 2 et 3 juillet 2015 dans la station balnéaire de Paracas. Les relations avec le Chili se sont améliorées avec le règlement du contentieux maritime (décision de la Cour internationale de Justice en janvier 2014). Au niveau multilatéral, le Pérou, qui a assuré la vice-présidence de l’AGNU lors de la 67ème session en 2012-2013, s’implique sur plusieurs fronts. Lima a ainsi organisé avec succès la vingtième édition, en décembre 2014, de la Conférence des Parties (COP 20) sur les changements climatiques. Dans cette dynamique d’ouverture, le pays promeut également sa candidature à l’OCDE.

2. La Colombie : troisième puissance économique d’Amérique latine à la recherche de la paix civile

Troisième puissance économique d’Amérique du Sud, derrière le Brésil et l’Argentine, la Colombie connaît une phase de croissance soutenue depuis plusieurs années (+ 20 % de croissance entre 2009 et 2013, + 4 % en 2014, avec un PIB à 400 milliards de dollars).

Le pays dispose d’une population (47 M d’habitants) et d’un territoire importants ainsi que de nombreuses ressources énergétiques : le pétrole, pour lequel le pays dispose de 7 ans de réserves (production moyenne de 988 199 b/j en moyenne en 2014) ; le charbon, avec 30 ans de réserves (10ème producteur et 4ème exportateur mondial) et une production de 85 Mt en 2013. Les exportations de matières premières (pétrole, houille, produits dérivés) représentent une part croissante du total des ventes à l’étranger (71 % en 2013) ; la Colombie exporte également de l’or, du ferro-nickel, du cuivre et des émeraudes. Ses principaux partenaires sont les Etats-Unis, la Chine, l’Union Européenne, l’Equateur et le Chili. Aussi, les recettes d’exportations et revenus fiscaux sont-ils largement dépendants des cours des matières premières énergétiques et de la conjoncture internationale. L’économie présente cependant un degré notable de diversification. Le potentiel agricole et agroalimentaire de la Colombie est très important mais encore sous-exploité du fait du conflit interne contre les guérillas (FARC principalement) et du narcotrafic.

Par ailleurs, le pays reste marqué par les inégalités (indice de Gini de 0,586, soit le 7ème plus mauvais résultat parmi les 122 pays classés) et par les violations des droits de l’homme, liées elles-aussi au conflit interne et au narcotrafic.

La Colombie, qui est en phase d’adhésion à l’OCDE depuis fin 2013, est l’un des quatre pays fondateurs de l’Alliance du Pacifique, avec le Chili, le Mexique et le Pérou.

Les élections parlementaires et présidentielle de 2014 ont confirmé la domination des partis de droite en Colombie et conduit à la réélection du président Juan Manuel Santos (Partido de la U) pour un nouveau mandat de quatre ans. En ballotage à l’issue du premier tour (25 % contre 29 % pour Oscar Zuluaga, candidat soutenu par l’ex-président Uribe et son Centro Democrático), M. Santos a inversé la tendance au second tour, le 15 juin (51 % des voix contre 45 % des voix), grâce à un report favorable du parti de gauche « Pôle démocratique alternatif » de Clara Lopez.

Investi le 7 août 2014, M. Santos s’est fixé trois priorités : paix, éducation et équité. Son nouveau gouvernement mise sur la continuité (les ministres des Finances, des Relations extérieures, de la Défense et de l’Intérieur restent les mêmes). Les alliés du Président (Parti de la U, Parti Libéral) y sont dominants. Le vice-président, German Vargas Lleras (Parti Cambio Radical), qui vise la magistrature suprême en 2018, obtient des pouvoirs renforcés avec la haute main sur les infrastructures et les transports.

La poursuite du processus de paix et la préparation du post-conflit sont les priorités du président Santos. Engagées en novembre 2012 à Cuba avec la principale guérilla des FARC, les négociations ont abouti à trois accords partiels : réforme rurale, participation des FARC à la vie politique, lutte contre le trafic de drogue. Dans des conditions difficiles sur le terrain (recrudescence des attaques de part et d’autre entre avril et juin 2015), les deux derniers volets des négociations doivent encore faire l’objet d’accords : les droits des victimes (justice transitionnelle) et la fin des hostilités (cessez-le-feu). L’accord global devra ensuite être approuvé par la population colombienne, par référendum (choix du gouvernement) ou par une assemblée constituante (option des FARC), selon le principe arrêté par M. Santos au début du processus de paix : « Rien ne sera conclu tant que tout ne le sera pas dans son ensemble ».

B.  UN ACCORD QUI DOIT RESSERRER DES LIENS DÉJÀ SOLIDES ENTRE L’UNION EUROPÉENNE ET CES DEUX PAYS STRATÉGIQUES

1. Un accord qui s’inscrit dans une stratégie globale d’ouverture commerciale du Pérou et de la Colombie

Le marché péruvien est globalement très ouvert, grâce à une politique commerciale qui vise à favoriser les échanges avec ses principaux partenaires et les acteurs majeurs du commerce mondial. Depuis l’élection en 2011 d’Ollanta Humala, le Pérou poursuit la politique commerciale libérale initiée sous le mandat de son prédécesseur, Alan Garcia. Il est membre de l’OMC, de l’Asia-Pacific Economic Cooperation (APEC), de la Communauté Andine des Nations (CAN) et de l’Association latino-américaine d’intégration (ALADI). Par ailleurs, depuis 2006, le Pérou a signé des accords de libre-échange avec ses principaux partenaires, notamment Etats-Unis, Canada, Singapour, Thaïlande, Chine, Japon, Corée du Sud, pays de l’AELE (Norvège, Suisse, Islande, Liechtenstein), Chili, Mexique, Costa Rica, Guatemala, Panama et Union Européenne. De plus, des accords de complémentarité existent avec Cuba et le Mercosur (Argentine, Brésil, Paraguay, Uruguay) et un accord commercial partiel a été signé en janvier 2012 avec le Venezuela. Le pays fait également partie des négociations pour le projet d’accord régional TransPacific Partnership (TPP), qui devrait permettre de consolider la stratégie du Pérou vis-à-vis des pays asiatiques et de disposer de fait d’un accord de libre-échange avec de nouveaux partenaires (Nouvelle Zélande, Brunei, Australie, Viêtnam et Malaisie). Le Pérou est également membre de l’Alliance du Pacifique (intégration régionale créée en juin 2012 avec le Chili, la Colombie et le Mexique), dont la France est observateur depuis mai 2013. En 2014, 94 % des exportations du pays étaient destinées à des partenaires commerciaux avec lesquels des accords étaient en vigueur, en cours d’entrée en vigueur ou en négociation. Des négociations formelles sont en cours avec le Honduras, le Salvador et la Turquie. En 2015, les autres accords envisagés concernent l’Inde, la Russie, l’Indonésie et Israël.

Le Pérou a apporté des changements importants à ses pratiques commerciales, notamment en adoptant de nouvelles lois sur les douanes, les marchés publics et la propriété intellectuelle, afin d’être conforme avec ses engagements, notamment envers les Etats-Unis. Il a également modifié son cadre réglementaire afin de stimuler la compétitivité et l’investissement.

S’agissant de la Colombie, le pays est lié par l’accord commercial de la Communauté Andine avec la Bolivie, l’Equateur et le Pérou, qui est en vigueur. La Colombie a aussi noué des accords avec le Mexique, puis le Salvador, le Guatemala et le Honduras (accord quadripartite), le Nicaragua, Cuba, le Chili, le Venezuela, les Etats-Unis, le Canada, les Etats de l’EFTA, du Mercosur, du Caricom, et du CAN. La Colombie a signé des accords non encore entrés en vigueur avec la Corée du Sud, le Costa Rica, Israël, et le Panama, ainsi qu’avec l’Alliance du Pacifique. Les accords en cours de négociation concernent la Turquie, le Japon, et incluent le TISA (Trade in Services Agreement – 51 pays parties à la négociation).

2. Des relations qui reposent sur l’accord-cadre de coopération signé par la communauté andine des nations et la communauté européenne en avril 1993

Les relations entre l’Union européenne et le Pérou reposent sur l’accord-cadre de coopération signé avec la Communauté andine des nations (CAN) le 23 avril 1993. Cet accord, qualifié de « troisième génération », accorde une large place à la protection des droits de l’Homme et au respect des principes démocratiques. Il élargit les domaines de coopération et essaie de donner une impulsion aux relations commerciales.

La coopération est un élément important des relations UE-Pérou. L’UE a alloué 135 millions d’euros au Pérou pour la période 2007-2013, consacrés en particulier à la modernisation de l’État, à la bonne gouvernance et à l’inclusion sociale.

Le règlement sur l’instrument pour la coopération au développement (ICD) pour la période 2014-2020 introduit un principe de différenciation, dans le but de concentrer les ressources là où elles peuvent avoir le plus d’impact pour faire reculer la pauvreté. L’application du principe de différenciation a pour effet de retirer à une vingtaine de pays, parmi lesquels les pays émergents d’Amérique latine, le bénéfice d’une enveloppe nationale, principalement sur la base de l’indicateur du RNB/habitant. Le Pérou fait partie des pays qui perdent l’aide bilatérale dans la nouvelle programmation, et n’a donc plus d’enveloppe bilatérale.

Le pays conserve néanmoins tous les bénéfices des ICD régionaux et thématiques et peut à ce titre continuer à bénéficier de programmes tels qu’Erasmus Mundus II, ALFA III (formation professionnelle), AL-INVEST IV (promotion de l’investissement), @LIS (société de l’information) ou URB-AL III (coordination des politiques urbaines).

Les relations entre l’Union européenne et la Colombie reposent sur l’accord-cadre de coopération signé avec la Communauté andine des nations (CAN) le 23 avril 1993. Cet accord, qualifié de « troisième génération », accorde une large place à la protection des droits de l’Homme et au respect des principes démocratiques. Il élargit les domaines de coopération et essaie de donner une impulsion aux relations commerciales.

Par ailleurs, la Colombie et l’Union européenne ont signé le 5 août 2014 à Bogota un accord sur la participation de la Colombie aux opérations de gestion de crise de l’Union européenne.

L’Union européenne a manifesté son soutien politique au processus de paix entre le gouvernement et les FARC depuis l’origine. Alors que le Président Santos effectuait une tournée européenne du 3 au 7 novembre (Espagne, Bruxelles bilatéral et UE, Allemagne, Portugal, France et Royaume Uni), plusieurs Etats membres ont marqué leur intérêt pour la constitution d’un « EU trust fund » demandé par le Président Santos pour la mise en œuvre d’un accord de paix. Le président Hollande a confirmé son soutien à cette initiative à son homologue colombien le 7 novembre.

Suite à cette tournée européenne, le SEAE et la Commission européenne ont communiqué à cet égard, en décembre dernier, un non-papier examinant les possibilités d’aide européenne à la Colombie à court et moyen terme (1). La création du fonds fiduciaire a ensuite été actée lors du sommet UE-CELAC de juin 2015.

II. CONTENU ET ENJEUX DE L’ACCORD

A. UN ACCORD DIT DE « NOUVELLE GÉNÉRATION »

1. Une libéralisation tarifaire progressive des échanges de produits industriels et de pêches, des exceptions pour les produits agricoles et agro-alimentaires

Le Pérou et la Colombie jusqu’à la signature de l’accord en juin 2012, puis de son application provisoire respectivement au 1er mars et au 1er juillet 2013, étaient bénéficiaires du système de préférence généralisé (SPG). Afin de faciliter la transition depuis le régime unilatéral vers l’accord, les deux pays bénéficient des deux régimes préférentiels jusqu’au 1er janvier 2016. Les opérateurs ont donc le choix d’exporter vers l’UE sous les conditions de l’accord ou du SPG.

Le règlement européen du système de préférences généralisées (règlement 978/2012) vise, au travers de préférences tarifaires octroyées de façon unilatérale par l’UE, à inciter les pays en développement à mieux s’intégrer dans le commerce international. Un règlement rénové est entré en vigueur au 1er janvier 2014. Sa réforme a eu pour objectif de concentrer les préférences commerciales offertes par l’Union européenne sur les pays qui en ont le plus besoin, en diminuant le nombre de bénéficiaires (notamment en excluant les pays émergents), et en leur faisant bénéficier de préférences plus larges qu’auparavant. La liste des pays bénéficiaires évolue donc chaque année au regard des critères objectifs d’octroi. Le règlement SPG comprend 3 régimes : le SPG général (sur critère économique), le SPG + qui offre des préférences accrues aux pays répondant à un critère économique supplémentaire (vulnérabilité) et politique (respect de conventions internationales) et le régime « tout sauf les armes » pour les pays les moins avancés. Au 1er janvier 2015, 30 pays bénéficient du régime général, 13 pays bénéficient du régime SPG + et 49 pays bénéficient du régime SPG-TSA.

Le régime SPG général octroie des préférences commerciales sur 66 % des lignes tarifaires (accès sans droit ni quota pour les produits non sensibles, réduction des droits pour les produits sensibles). Cependant, des seuils de graduation servent à exclure des produits des préférences commerciales quand ils deviennent trop concurrentiels. Le régime SPG + accorde un accès sans droit ni quota sur ces 66 % de lignes tarifaires (y compris les produits sensibles). Enfin, le SPG – TSA accorde un accès sans droit ni quota à tout le marché européen pour les exportations des PMA (hors armes et munitions).

Le passage de l’ancien au nouveau système se fera progressivement. Le calendrier de démantèlement tarifaire varie selon les types de produits. Il convient en effet de distinguer :

– les produits pour lesquels la libéralisation est immédiate, dès l’entrée en vigueur de l’accord (1er août 2013), parmi lesquels les vins, certaines céréales (blé, orge), certains légumes (choux fleurs, brocolis), les vaccins, notamment ;

– les produits pour lesquels le démantèlement intervient en quatre réductions de droits de douane identiques, la première entrant en vigueur le 1er août 2013, les suivantes entrant en vigueur les 1er janvier 2014, 1er janvier 2015 et 1er janvier 2016 (date de la libéralisation totale) : cela concerne un certain nombre de fruits et légumes (abricots, cerises, choux de Bruxelles, carottes, asperges, aubergines, céleris, champignons, oignons, échalotes) ;

– les produits pour lesquels le démantèlement est opéré en six réductions de droits de douane identiques, la première entrant en vigueur le 1er août 2013, les suivantes entrant en vigueur les 1er janvier 2014, 1er janvier 2015 et ainsi de suite jusqu’au 1er janvier 2018 (date de la libéralisation totale) : cela vaut pour les confiseries, les parfums, shampooings, maquillages, le dentifrice, certaines céréales (avoine), les germes de blé ;

– les produits pour lesquels le démantèlement intervient en huit réductions de droits de douane identiques, la première entrant en vigueur le 1er août 2013, les suivantes entrant en vigueur les 1er janvier 2014, 1er janvier 2015 et ainsi de suite jusqu’au 1er janvier 2020 (date de la libéralisation totale), tels que les véhicules ;

– les produits pour lesquels le démantèlement est progressif en 5 ans, à partir de la 3ème année : entrent dans cette catégorie, par exemple, les préparations à base de viande (pâtés) ;

– les produits pour lesquels l’élimination des droits est prévue en 10 ans et demi, à l’instar des savons.

La Colombie élimine progressivement les droits de douane applicables aux importations en provenance de l’Union : 65 % à l’entrée en vigueur de l’accord, 20 % de plus sur les 5 années suivantes, et le reste entre 7 et 10 ans. Le démantèlement des droits de douane pour les véhicules automobiles s’effectuera en 8 ans, avec une baisse progressive de près de 5 points par an (le tarif douanier actuel est de 35 %). L’UE n’ayant pas obtenu d’accès libre immédiat pour le whisky et la vodka, la réduction des droits de douane se fera progressivement sur une période de 10 ans. Le vin, quant à lui, bénéficiera d’un accès libre immédiat.

Pour le rhum, l’Union européenne a accordé à la Colombie un contingent annuel de 1 500 hl et au Pérou un contingent de 1 000 hl. Ces contingents sont exempts de tout droit de douane, s’appliquent dès l’entrée en vigueur de l’accord et sont augmentés chacun de 100 hl par an.

Pour le sucre et les produits à base de sucre, l’Union a également accordé des contingents en franchise de droit de douane : la Colombie et le Pérou bénéficient chacun de 22 000 tonnes (exprimées en équivalent sucre brut). Une augmentation annuelle de 1 860 tonnes est prévue pour la Colombie et de 660 tonnes (3 %) pour le Pérou.

S’agissant de la banane, une réduction du droit de douane est prévue chaque année jusqu’en 2020. Ces concessions ont soulevé l’inquiétude de certaines régions ultrapériphériques et Pays et territoires d’outre-mer de l’Union européenne, telles que les îles Canaries, la Guadeloupe et la Martinique, dont l’économie repose sur des produits identiques. Les coûts de production dans les deux pays andins, très inférieurs à ceux des régions ultrapériphériques, ont pu en effet laisser craindre un afflux de ces produits dans l’Union européenne.

Pour répondre à cette préoccupation, deux mécanismes distincts ont été prévus :

– l’accord comprend d’abord une clause de sauvegarde qui permet d’augmenter les droits de douane lorsque des marchandises sont importées de Colombie ou du Pérou « dans des quantités tellement accrues (en valeurs absolues ou par rapport à la production de l’Union) et à des conditions telles qu’elles menacent de causer un préjudice grave à l’industrie de l’Union produisant un produit similaire ou directement concurrent » ;

– pour la banane, il est prévu un règlement de sauvegarde spécifique, ou « mécanisme de stabilisation », déclenchant une suspension du traitement préférentiel dans le cas d’une forte augmentation des importations en provenance des deux pays andins au-delà d’un certain seuil (seuil qui sera relevé chaque année). Ce mécanisme cessera de s’appliquer lorsque le droit de douane préférentiel aura atteint 75 euros par tonne en 2020.

L’UE a également contingenté les exportations colombiennes et péruviennes de viande (bovine, porcine, ovine, caprine et de volaille), de produits laitiers (lait, poudre de lait, yaourt, crème de lait, beurre, lactosérum et fromages), d’ail, de maïs doux, de champignons et d’amidon de manioc.

2. Un important volet consacré aux barrières non-tarifaires

L’accord conclu entre l’Union européenne, la Colombie et le Pérou ne prévoit pas seulement un démantèlement tarifaire : il comporte également un important volet consacré aux barrières non-tarifaires, ce qui contribue à en faire un accord dit de « nouvelle génération ».

Ainsi, il comporte un chapitre sur les obstacles techniques au commerce, dont l’objectif est triple : il s’agit de « faciliter et renforcer le commerce de marchandises et obtenir un accès effectif au marché des parties, en améliorant la mise en œuvre de l’accord de l’OMC sur les obstacles techniques au commerce », « éviter l’apparition d’obstacles techniques superflus au commerce et favoriser leur élimination » et « renforcer la coopération entre les parties » (article 71). A cette fin, il est prévu que « les pays andins signataires permettront aux marchandises originaires de l’Union européenne de bénéficier des normes, des règlements techniques et des procédures d’évaluation de la conformité harmonisées qui sont applicables au commerce entre les pays andins signataires » et que, « dans les domaines d’intérêt, les pays andins signataires feront tout leur possible pour favoriser l’harmonisation progressive des normes, des règlements techniques et des procédures d’évaluation de la conformité » (article 105). Le suivi de la mise en œuvre de ce chapitre est assuré par un sous-comité chargé des obstacles techniques au commerce, mis en place par l’accord (article 83).

3. Des garanties prévues en matière de protection de la propriété intellectuelle, ainsi qu’en matière de protection des appellations géographiques

L’accord rappelle l’engagement des parties à respecter les dispositions protectrices de la propriété intellectuelle des accords ADPIC (2) (droits d’auteur et droits connexes, marques et dénominations commerciales, IG, dessins et modèles, brevets, schémas de configuration de circuits intégrés, protection des renseignements non divulgués). Par ailleurs, l’accord reconnaît les droits et obligations institués par la convention biodiversité sur l’accès aux ressources génétiques et le partage juste et équitable des avantages découlant de l’utilisation de ces ressources ainsi qu’aux savoirs traditionnels. A ce titre, l’accord reconnait notamment l’utilité d’exiger la divulgation de l’origine ou de la source des ressources génétiques et des savoirs traditionnels dans les demandes de brevet, sans pour autant en faire une obligation. L’accord souligne l’engagement des parties à respecter les conventions de Berne et de Rome en matière de droits d’auteurs et droits voisins, ainsi que le traité de Budapest sur les micro-organismes pour les brevets. Concernant les variétés végétales, l’accord rappelle l’engagement des parties à coopérer pour assurer une protection des obtentions végétales sur la base de la convention internationale pour la protection des obtentions végétales.  

Pour les marques, l’accord contient un engagement de la Colombie à adhérer au protocole de Madrid (3) dans un délai de 10 ans à compter de la signature de l’accord ; le Pérou doit pour sa part s’efforcer d’y adhérer, sans précision de délai.

Pour les brevets, la durée de protection de l’exclusivité n’a pas été étendue par l’accord, elle reste donc de vingt ans. En revanche, l’accord prévoit une durée de protection supplémentaire des données réglementaires de cinq ans pour les produits pharmaceutiques et de dix ans pour les produits chimiques agricoles. Cette protection consiste en l’interdiction pour un tiers de commercialiser un produit résultant de l’utilisation de ces données.

L’entrée en vigueur de l’accord entre l’UE et le Pérou et la Colombie a permis par ailleurs de définir les modalités de protection des indications géographiques dans ces deux pays. 92 indications géographiques européennes sont protégées depuis l’application provisoire des deux accords, dont 43 françaises (12 indications géographiques agroalimentaires, 27 vins et 4 spiritueux). 2 indications géographiques colombiennes seront protégées par l’UE (dont une IG non agricole pour laquelle, en l’absence de règlementation européenne, la Colombie devra demander la protection à chaque Etat de l’UE) et 4 indications géographiques péruviennes dont, également, une indication géographique non agricole. L’Accord prévoit la possibilité d’ajouter de nouvelles indications géographiques à la liste annexée à l’Accord après examen par le sous-comité chargé de la propriété intellectuelle mis en place par l’accord.

Ces indications géographiques sont protégées contre toute utilisation commerciale : pour des produits identiques ou similaires non conformes au cahier des charges de l’indication géographique ; ou dans la mesure où cette utilisation exploite la réputation de l’indication géographique. Toute demande de dépôt de marque reprenant le nom d’une indication géographique, pour des produits identiques ou similaires, sera rejetée si elle est présentée après la date de demande de protection de cette indication géographique sur le territoire du pays. Une exception est prévue : une indication géographique n’est pas tenue d’être protégée si, compte tenu de la renommée ou de la notoriété d’une marque réputée, cette protection serait susceptible d’induire le consommateur en erreur quant à la véritable identité du produit.

4. Des garanties en matière de droits de l’homme et de droits sociaux et des dispositions spécifiques en matière environnementale

La situation des droits de l’Homme est un axe majeur de coopération avec l’Union européenne, consciente des progrès encore à accomplir en la matière en Colombie et au Pérou. C’est la raison pour laquelle le Parlement européen avait demandé aux gouvernements colombien et péruvien qu’ils lui soumettent chacun une feuille de route fixant des objectifs contraignants en matière de droits de l’Homme et d’environnement avant son approbation de l’accord. Ces feuilles de route ont été soumises au Parlement européen en novembre 2012.

Par ailleurs, l’accord contient en son article 1er une référence aux « principes démocratiques et droits fondamentaux de l’Homme » permettant de suspendre l’accord en cas de non-respect des droits de l’Homme par l’une des parties. Plusieurs Etats membres, dont la France, ont souhaité et obtenu que cette clause suspensive puisse s’appliquer dès l’application à titre provisoire de l’accord. En conséquence, la mise en œuvre des articles actuellement appliqués provisoirement pourrait d’ores et déjà être suspendue si l’Union européenne constatait que la situation des droits de l’Homme venait à se dégrader de manière significative en Colombie ou au Pérou. Lorsque l’accord entrera en vigueur, il pourra être suspendu soit sur la base de l’article 1 relatif aux principes démocratiques et droits fondamentaux, soit sur celle de l’article 2 relatif au désarmement et à la non-prolifération des armes de destruction massive. L’article 2 ne fait cependant pas l’objet d’une application provisoire.

Enfin, des garanties en matière sociale sont présentes dans le chapitre développement durable, très explicite sur les huit conventions fondamentales de l’OIT, puisque les parties sont encouragées à les mettre en œuvre de façon effective. L’article 269 prévoit des échanges d’information entre les parties sur la ratification de conventions prioritaires (les conventions de gouvernance) et toute autre convention. En outre, les parties reconnaissent l’importance des activités de coopération entre autres dans le domaine du contrôle, du suivi et de la mise en œuvre effective des conventions fondamentales de l’OIT (article 286). Il prévoit également une libéralisation du commerce et des investissements directs étrangers (IDE) dans le secteur des biens et services environnementaux.

Les activités de coopération en matière environnementale font l’objet du chapitre « développement durable » de l’accord. Cette coopération porte sur des domaines d’intérêt mutuel, tels que (i) les activités liées à l’évaluation de l’impact de l’accord commercial en matière d’environnement, (ii) les activités liées au suivi et à la mise en œuvre des accords multilatéraux sur l’environnement, (iii) les études relatives aux normes en matière d’environnement, (iv) les activités liées à l’atténuation du changement climatique et à l’adaptation à celui-ci, y compris les activités liées à la réduction des émissions dues à la déforestation et à la dégradation des forêts, (v) les activités liées aux aspects du régime international de changement climatique présentant un intérêt pour le commerce, (vi) les activités liées à la conservation et à l’utilisation durable de la diversité biologique (vii) les activités liées à la détermination de l’origine légale des produits forestiers, aux régimes de certification forestière volontaire et à la traçabilité des différents produits sylvicoles, (viii) les activités visant à encourager les meilleures pratiques en matière de gestion durable des forêts; (ix) les activités liées au commerce des produits de la pêche, et enfin (x) l’échange d’informations et d’expériences liées à la promotion et à la mise en œuvre des bonnes pratiques de responsabilité sociale et environnementale des entreprises.

Ces activités de coopération sont supervisées par le sous-comité chargé du développement durable, mentionné à l’article 280 de l’accord. Composé de représentants des administrations de chaque partie, responsables de l’environnement, le dialogue porte sur l’efficacité de la coopération et vise l’approfondissement des engagements et initiatives mentionnés ci-dessus.

5. Les dispositions institutionnelles

Le Titre II « Dispositions institutionnelles » institue un comité « Commerce ». Ce comité est composé de représentants de la partie Union européenne et de représentants de chaque pays andin signataire. Le comité se réunit au moins une fois par an au niveau des ministres ou de représentants nommés par ceux-ci. En outre, sur demande écrite d’une partie, il peut se réunir à tout moment, au niveau des hauts fonctionnaires désignés pour prendre les décisions nécessaires. Le comité « Commerce » se réunit en alternance, à Bogota, Bruxelles et Lima, à moins que les parties n’en conviennent autrement. Il est présidé à tour de rôle par chaque partie, pour une durée d’un an.

B. LES ENJEUX DE L’ACCORD POUR LA FRANCE ET POUR LE PÉROU ET LA COLOMBIE

1. Un accord qui ne devrait pas remettre en cause la structure et le volume de nos échanges avec le Pérou et la Colombie

L’entrée en vigueur de l’accord de libre-échange ne devrait pas profondément bouleverser la structure et le volume des échanges de biens entre le Pérou et l’Union européenne d’une part, et la Colombie et l’Union européenne d’autre part, en raison des avantages tarifaires similaires préalablement offerts dans le cadre du Système de préférences généralisées de l’Union. Sans apporter de nombreuses baisses tarifaires à court terme, à quelques exceptions près, ce nouvel accord de libre-échange devrait néanmoins permettre de renforcer les échanges entre l’UE d’une part et le Pérou et la Colombie d’autre part.

Comme on l’a vu, le Pérou connaît l’une des plus fortes croissances économiques de l’Amérique latine (6 % de moyenne sur la période 2002-2012 et 4,9 % en 2013). L’UE est son troisième plus grand partenaire commercial et le premier investisseur étranger. Le volume des échanges entre l’UE et le Pérou a atteint 8,985 milliards d’euros en 2013 (14,16 % du commerce extérieur total du pays). La Colombie est quant à elle le quatrième partenaire économique de l’UE dans la région et l’UE est le deuxième partenaire commercial de la Colombie. Le volume des échanges entre les deux partenaires s’élevait à 14,133 milliards d’euros en 2012. La France est quant à elle le 7ème pays fournisseur de la Colombie, le 2ème européen, avec une participation de 2,9 % du total importé en 2012, derrière l’Allemagne (5 %). Sa part de marché tend toutefois à s’éroder, affichant désormais 2,4 % en 2013 (passant à la 8ème place derrière le Japon, 2,5 % de part de marché), la part de marché de l’Allemagne étant pour sa part de 3,7 % en 2013.

L’accord a vocation à ouvrir de nouveaux débouchés commerciaux pour les grandes industries exportatrices de l’Union, qui bénéficieront de la suppression des droits de douane. À titre d’exemple, les économies de droits de douane atteindront plus de 33 millions d’euros pour le secteur de l’automobile et des pièces détachées automobiles, environ 16 millions d’euros pour les produits chimiques et plus de 60 millions d’euros pour les textiles. Les produits pharmaceutiques et les produits des télécommunications bénéficieront, eux aussi, de réductions significatives de droits. Cet effet devrait être particulièrement favorable aux secteurs qui exportent déjà en grande quantité vers les marchés andins.

L’économie annuelle résultant de l’ouverture des marchés andins pour les exportateurs européens de produits industriels et produits de la pêche est estimée à un montant de 250 millions d’euros par an, au plus tard 10 ans après son entrée en vigueur, tandis qu’elle devrait avoisiner les 270 millions d’euros par an, à la fin de la période de transition pour les produits agricoles.

Depuis la mise en œuvre provisoire de l’accord, les échanges commerciaux directs entre la France et le Pérou ont augmenté de 3,1 % en 2014 et s’établissent à 527 millions d’euros. Le déficit structurel se creuse et s’élève à 122 millions d’euros, contre 100 millions d’euros en 2013 (- 22 %). Ce résultat s’explique par une diminution des exportations (- 2 %) couplée à une augmentation des importations (+ 6 %). La balance commerciale pour les produits agricoles et agroalimentaires s’est également creusée, mais dans une moindre mesure par rapport aux échanges totaux, et a atteint 250 millions d’euros en 2014, contre 227 millions d’euros en 2013 (- 10 %). Cela s’explique par une stagnation des exportations françaises (+ 0,1 %, 12 millions d’euros) et une augmentation des importations en provenance du Pérou (+ 10 %, 262 millions d’euros).

La France exporte principalement au Pérou des produits laitiers (6,1 millions d’euros, + 133 % par rapport à 2013), des vins et spiritueux (1,8 millions d’euros, - 6 %) et des produits de la minoterie (1,0 millions d’euros, - 26 %). Les importations françaises de produits péruviens sont très concentrées sur les produits agricoles et agro-alimentaires, qui pèsent pour 81 % des importations totales de la France en provenance du Pérou. Les principaux produits importés sont les produits de la pêche (77 millions d’euros en 2014, + 23 %), les fruits (68 millions d’euros, + 1 %), les préparations à base de fruits et légumes (48 millions d’euros, + 5 %), et le café (28 millions d’euros, + 43 %). Pour les produits laitiers, l’UE et la France ont d’ores et déjà tiré profit de l’accord avec un total des ventes de 6,1 millions d’euros en 2014 contre 2,6 millions d’euros en 2013 pour la France.

Pour la Colombie, ce sont de façon générale les exportations de biens de consommation qui devraient pouvoir profiter en priorité de la mise en œuvre de cet accord grâce à la croissance soutenue de l’économie. Les exportations françaises ont chuté de 6,5 % en 2014, passant de 1,054 Mds€ en 2013 à 982 millions d’euros en 2014. Pour la seconde année consécutive, les importations originaires de Colombie ont baissé. Après avoir chuté de 9,8 % en 2013, elles ont baissé de 33 % (-176 millions d’euros) en 2014, passant de 532 millions d’euros à 357 millions d’euros.

Depuis la mise en œuvre provisoire de l’accord, les exportations de produits pharmaceutiques ont connu une augmentation significative (+ 21,6 %), passant de 77 millions d’euros à 94 millions d’euros en 2014, de même que les exportations de produits chimiques et cosmétiques (+ 13 % en 2014, 84 millions d’euros). Ces derniers ont bénéficié d’un démantèlement immédiat pour la plupart des produits chimiques ou ont commencé à bénéficier du démantèlement progressif prévu par l’accord (6 ans pour les cosmétiques). Les exportations de produits agricoles et agroalimentaires ont enregistré une forte croissance (+20% en 2014, 27 millions d’euros pour les produits agroalimentaires et +369% pour les produits agricoles, 7,5 millions d’euros) en conséquence directe du démantèlement immédiat des droits de douane sur ces produits. Certains produits en ont fortement profité, tels les fruits à pépins et à noyau (démantèlement immédiat de 40% du droit de douane, +228%, 1,9 millions d’euros en 2014), les produits laitiers ou fromagers grâce à des contingents libres de droits de douane (+ 184%, 1,8 millions d’euros en 2014) et les vins de raisin immédiatement libérés (+41% pour atteindre 5 millions d’euros en 2014). Enfin, les céréales, légumineuses et oléagineux, immédiatement libéralisés pour certains produits tels que l’orge (à l’exception du riz exclu de l’accord), dont les exportations étaient inexistantes en 2013, ont atteint 4,5 millions d’euros en 2014.

L’accord a aussi produit des effets sur les exportations agricoles, dès les premiers mois d’entrée en application des nouveaux tarifs douaniers. Ainsi, le démantèlement de certaines positions douanières (à partir du 1er août 2013) a été suivi d’une très forte croissance, au premier semestre 2014, des exportations de produits agroalimentaires français vers la Colombie, comme le montre le tableau ci-dessous.

Evolution des exportations de produits issus des industries agroalimentaires de la France vers la Colombie sur le 1er semestre de 2014 (en millions d’euros)

Produits

Montant exporté au S1 2014

Variation par rapport au S1 2013

Préparations et conserves à base de poisson et de produits de la pêche

3,9

+ 136,9%

Vins de raisins

2,1

+ 21,8%

Boissons alcoolisées distillées

0,6

+ 32,7%

Biscottes et biscuits ; pâtisseries de conservation

0,7

+ 61,5%

Préparations et conserves à base de pomme de terre

0,6

+ 382,1%

Autres préparations et conserves à base de fruits et légumes

0,4

+ 133,9%

Produits du travail des grains

0,4

+ 128,7%

Condiments et assaisonnements

0,3

+ 154,8%

Cacao, chocolat et produits de confiserie

0,3

+ 201,7%

Margarine et graisses comestibles similaires

0,1

+ 88,4 %

Source : Douanes françaises

Enfin, les volets services et marchés publics de l’accord sont parmi les plus ambitieux négociés par la Commission européenne, et constituent une opportunité pour la France. L’accès au marché et le traitement national font l’objet de peu de restrictions, généralement liées à l’application non discriminatoire des lois en vigueur et non à la volonté de limiter la portée des engagements. Le volet « marchés publics » offre le bénéfice du « traitement national » aux fournisseurs étrangers pour les appels d’offres publics à la fois de l’Etat, de toutes les grandes institutions publiques, des entreprises publiques ainsi que des gouvernements régionaux.

L’accord prévoit que « la partie UE, y compris ses entités adjudicatrices, accorde immédiatement et sans condition aux services et aux produits des pays andins signataires et aux prestataires des pays andins signataires proposant de tels produits ou services, un traitement non moins favorable que le traitement accordé à ses propres produits, services et fournisseurs » et que, réciproquement, « chaque pays andin signataire, y compris ses entités adjudicatrices, accorde immédiatement et sans condition aux services et aux produits de la partie UE et aux prestataires de la partie UE proposant de tels produits ou services, un traitement non moins favorable que le traitement accordé à ses propres produits, services et fournisseurs » (article 175).

L’accord apporte des garanties en matière de procédures et de transparence (publication des avis d’appels d’offres, conditions de participation, constitution des dossiers, accès aux spécifications techniques, délais et recours, notamment) dont bénéficieront les soumissionnaires européens et met un accent particulier sur les opérateurs de petite taille, en reconnaissant « l’importance de la participation des microentreprises et des PME aux marchés publics » (192), point particulièrement important pour la France.

S’agissant de l’accès aux marchés des services et investissements, les entreprises européennes, et françaises en particulier, seront particulièrement bénéficiaires de cet accord, dont le niveau d’ambition est élevé dans ces domaines, qui en font, là encore, un accord de « nouvelle génération ».

En matière de services, l’accord prévoit que les parties « prennent les dispositions nécessaires à la libéralisation progressive de l’établissement et du commerce des services, ainsi qu’à la coopération en matière de commerce électronique » (article 107). Il couvre à la fois l’accès au marché (facilitation des conditions de fourniture de services) et le traitement national (non-discrimination entre prestataires nationaux et étrangers). Il prévoit des règles ambitieuses dans des domaines aussi variés que la reconnaissance mutuelle des qualifications professionnelles, les services informatiques, les services postaux et de courrier, les télécommunications, les services financiers, le transport maritime. L’accord comporte en annexe une « liste positive », énumérant les engagements de l’Union européenne ainsi que les limitations qui les accompagnent, en vertu des législations et réglementations des Etats membres, sur le modèle de l’Accord général sur le commerce des services (AGCS) de l’OMC.

En matière d’investissement, l’accord ne comporte pas de volet relatif à la protection des investissements (« post-établissement »), mais uniquement des dispositions relatives à l’accès au marché (« pré-établissement »). Il se fixe comme ambition de « libéraliser progressivement les investissements » à travers la mise en place d’un « environnement attractif pour les investissements réciproques dans leurs domaines de compétence respectifs », prévoyant à cette fin que les « efforts » doivent viser à « la mise en place d’une coopération comprenant, entre autres, le réexamen du cadre juridique de l’investissement, de l’environnement d’investissement et des flux d’investissements entre les parties, conformément aux engagements pris dans le cadre des accords internationaux » (article 116).

2. Les enjeux politiques et environnementaux

a. Le Pérou

La feuille de route présentée par le gouvernement péruvien recense les institutions compétentes dans ce domaine et rappelle que l’adoption du plan national des droits de l’homme 2012-2016 s’est faite après consultation de plus de vingt comités regroupant des représentants de l’Etat, de la société civile et des personnes en situation de vulnérabilité. Par ailleurs, les lois de 2011 promulguant le Droit à la Consultation préalable et la protection des peuples indigènes ont constitué des avancées importantes en matière de respect des Droits de l’Homme, même si leur mise en œuvre reste insuffisante (nombreux conflits socio-environnementaux liés aux grandes exploitations minières).

La feuille de route péruvienne permet d’avoir une vision globale de l’ensemble des institutions compétentes dans ce domaine, de leurs instruments et des principales lois approuvées dernièrement (lutte contre le secteur minier illégal, loi sur les Forêts et la Faune forestière).

L’approbation en décembre 2012 de la création du SENACE (Service National de Certification Environnementale pour les Investissements Durables) par le Congrès a marqué un échelon supplémentaire dans la volonté du gouvernement de M. Humala de contrôler la multiplication des grandes industires extractives. Cependant, les mesures prises en novembre 2014 par le ministre de l’Economie pour relancer l’économie, en particulier les investissements miniers et dans les énergies fossiles, se sont accompagnées d’un allègement des contraintes environnementales pour les grandes entreprises ; cet allègement est vivement contesté par les défenseurs de l’environnement. Parallèlement, la loi du ministère de l’Economie a souligné les limites du jeune ministère de l’Environnement péruvien (mai 2008), dont le titulaire, Manuel Pulgar, est président de la COP 20 (décembre 2014-novembre 201).

La contribution nationale du Pérou (INDC) à la COP 20 (septembre 2015) propose de réduire les émissions de gaz à effet de serre de 31 %, à travers la mise en œuvre de 58 projets de mitigation. Les deux tiers de cet objectif reposent sur le secteur forestier. Les objectifs en matière d’adaptation visent à réduire de 50 % d’ici à 2030 le nombre de victimes des phénomènes naturels, de réduire de 25 % la population en condition de vulnérabilité face aux phénomènes climatiques, de réduire l’incidence du changement climatique sur la pauvreté ainsi que l’impact du phénomène d’El Niño sur la croissance du PIB.

b. La Colombie

Du fait du long conflit interne avec la guérilla des FARC, la situation des droits de l’homme en Colombie fait l’objet d’un suivi attentif de l’Union Européenne dans le cadre de son dialogue institutionnel sur les droits de l’homme (depuis 2008) mais également des institutions ad hoc de l’ONU (Conseil des droits de l’homme, examen périodique universel en 2013 ; mandat du Haut-Commissaire aux droits de l’Homme en Colombie) et de la Cour de Justice internationale (depuis 2004).

L’évaluation de la délégation de l’Union européenne en Colombie, au 31 décembre 2014, sur la situation des droits de l’homme analyse cinq secteurs : impunité, défenseurs des droits de l’homme, paix et sécurité pour les femmes, enfants et conflits armés, groupes ethniques et minorités, peuples indigènes et afro-colombiens. Des progrès ont été accomplis, notamment à travers la mise en œuvre de la loi sur les victimes et les restitutions des terres de juin 2011 et les négociations de paix entre les FARC et le gouvernement à Cuba depuis novembre 2012.

Cependant, la Commission européenne pointe les progrès qui restent à accomplir, en particulier pour protéger les défenseurs des droits de l’homme (35 assassinats parmi eux entre janvier et novembre 2014 ; 69 entre janvier et août 2015, selon l’HCDH à Bogota) et dans la procédure de restitution des terres et de réparation aux victimes. Elle relève par ailleurs que « sont fréquents : l’impunité, le recrutement forcé des enfants [dans les conflits], les violences sexuelles contre les femmes et les filles, les menaces et les attaques contre les dirigeants de communautés locales, les participants aux processus de restitution des terres et contre les représentants des syndicats. Les disparitions forcées dans certaines zones rurales et la corruption persistent également ».

En matière environnementale, dans la feuille de route colombienne, 56 mesures sont prévues pour pallier les conséquences négatives de l’important développement économique actuel du pays sur le milieu naturel, la biodiversité et les différents habitats. Près de 50 % du territoire colombien présente une forte vulnérabilité aux effets du changement climatique, en particulier le changement des régimes de précipitations. La Colombie doit faire face à la fonte importante des glaciers andins, à la désertification de parties non négligeables de son territoire et au blanchissement de ses récifs coralliens. Ces dernières années, la Colombie a été confrontée à des crues torrentielles engendrant d’importantes inondations et de nombreux glissements de terrains, qui ont affecté des milliers de personnes dans tout le pays. Au cours des dernières années, un progrès sensible a été accompli dans le domaine de la ville durable : le Transmilenio de Bogota est le premier système de bus à haut niveau de service (BHNS) mis en service au monde ; le projet de métro dans la capitale colombienne devrait être lancé en 2016 ; Medellin dispose d’un réseau urbain multimodal unique (tramway sur pneus, télécabines urbaines, BHNS, escaliers mécaniques urbains desservant les quartiers très défavorisés). En ce qui concerne le mix énergétique (65 % de production hydraulique, et 35 % thermique), les autorités colombiennes cherchent à le diversifier en exploitant mieux le fort potentiel hydroélectrique de leur pays (deuxième rang latino-américain derrière le Brésil) pour notamment réduire les émissions de gaz à effet de serre. A cet égard, la contribution nationale de la Colombie (INDS, août 2015) en vue de la COP 21 fixe un objectif de réduction des gaz à effet de serre de 20 % d’ici 2030 par rapport aux données 2010, étant précisé que la Colombie contribue faiblement à ces émissions de GES au niveau mondial (0,46 %).

C. ENTRÉE EN VIGUEUR ET ÉTAT DES RATIFICATIONS

L’accord a été conclu le 19 mai 2010 à Madrid dans le cadre du VIème Sommet Europe-Amérique Latine-Caraïbes et paraphé en mars 2011. Il a ensuite été signé le 26 juin 2012 à Bruxelles.

Le Pérou a ratifié l’accord le 8 février 2013, la Colombie le 18 juillet 2013. Dans l’attente de la ratification de l’ensemble des parties, l’accord, à l’exception des articles 2, 202(1), 291 and 292, fait l’objet d’une application provisoire depuis le 1er mars 2013 avec la Pérou et depuis le 1er août 2013 avec la Colombie. La France peut ainsi bénéficier, comme l’ensemble de ses partenaires européens, des préférences commerciales et de la levée des obstacles non-tarifaires prévus par l’Accord sans attendre son entrée en vigueur, qui n’interviendra que lorsque celui-ci sera ratifié par l’ensemble des parties.

Du côté européen, l’accord a déjà été ratifié par l’Estonie (14 novembre 2012), la Slovaquie (18 mars 2013), la Lettonie (22 mai 2013), l’Allemagne (13 août 2013), le Danemark (20 septembre 2013), la République tchèque (26 septembre 2013), l’Espagne (8 novembre 2013), la Hongrie (19 décembre 2013), les Pays-Bas (27 janvier 2014), la Pologne (12 mars 2014), la Roumanie (24 mars 2014) , la Finlande (7 avril 2014), le Royaume-Uni (13 mai 2014), Malte (22 mai 2014), le Luxembourg (2 juin 2014), Chypre (3 juillet 2014),la Bulgarie (1er août 2014), le Portugal (12 novembre 2014), la Suède (3 décembre 2014), l’Irlande (2 février 2015), et la Lituanie (11 mai 2015).

En désaccord avec ses partenaires sur les objectifs à atteindre, la Bolivie s’est retirée des négociations en 2008, suivie par l’Équateur en juillet 2009. L’accord prévoit une clause d’adhésion qui ménage aux autres pays membres de la Communauté andine des Nations la possibilité de participer à l’accord lorsqu’ils le jugeront opportun. L’Équateur a ainsi engagé courant 2013 des négociations commerciales avec l’UE qui ont abouti à un accord conclu en juillet 2014. L’Équateur accèdera ensuite via un protocole. La Bolivie, pour sa part, est en voie d’adhésion au Mercosur et n’a, à ce stade, pas clarifié ses intentions quant à l’évolution de ses relations commerciales avec l’Union européenne.

CONCLUSION

Cet accord vient compléter un corpus juridique désormais fourni, qui pose les bases d’un dialogue qui se veut ambitieux avec la grande majorité des pays d’Amérique latine. En effet, aujourd’hui, l’Union européenne compte deux partenariats stratégiques (Brésil, Mexique), quatre accords en cours de négociation ou de procédure de ratification avec des sous-ensembles régionaux (Mercosur, Amérique centrale, Equateur, Cariforum), un accord d’association avec le Chili, et des dialogues avec une dizaine de pays de la région Amérique latine - Caraïbes.

La France a tout intérêt à l’approfondissement du partenariat stratégique entre l’Union européenne et l’Amérique centrale. Il s’agit certes d’intensifier nos échanges économiques et commerciaux, mais également d’œuvrer au rapprochement de nos cultures.

C’est donc au bénéfice de ces observations que votre Rapporteur vous invite à adopter le projet de loi qui nous est soumis.

EXAMEN EN COMMISSION

La commission examine le présent projet de loi au cours de sa séance du mercredi 16 septembre 2015 à 9 heures 45.

Après l’exposé du rapporteur, un débat a lieu.

Mme la présidente Elisabeth Guigou. C’est un accord important. Je crois que nous avons intérêt à développer nos relations avec ces pays.

M. François Asensi. Au nom de mon groupe, je voterai contre la ratification de cet accord, qui fera sans doute les délices des sociétés multinationales, mais mettra en difficulté les peuples de Colombie et du Pérou. Le commissaire européen au commerce a d’ailleurs déclaré que cet accord permettrait d’apporter « un point d’ancrage pour l’approfondissement des réformes structurelles ». La réduction des droits de douane devrait faciliter l’exportation des produits français et européens, voire américains. Mais les ONG colombiennes et péruviennes s’inquiètent des conséquences de l’accord en matière de santé, d’environnement et de normes sociales. Nous sommes là dans la même culture que celle de l’accord TAFTA, qui va créer des conditions inégales.

M. Jacques Myard. Je partage nombre de ces interrogations. On a pu constater dans d’autres cas, notamment celui de la Tunisie, que ces accords sont très déstabilisateurs pour des pays qui n’ont pas notre niveau économique. J’aimerais en savoir davantage sur les délais de mise en œuvre par produits.

Le rapporteur a évoqué une mise en œuvre provisoire. Je ne comprends pas ce genre de stipulations que l’on retrouve dans d’autres accords, mais qui sont totalement étrangères à la logique du droit international. Un accord doit être ratifié avant d’entrer en vigueur.

Pour toutes ces raisons, je m’abstiendrai.

M. Jean-René Marsac, rapporteur. Je suis bien conscient de ces interrogations. L’Union européenne et la France souhaitent être présentes dans les échanges économiques et commerciaux avec ces pays, où l’influence traditionnelle des Etats-Unis reste très forte, tandis que celle des pays asiatiques s’accroît.

Il y a en effet des interrogations sur le comportement des industries extractives et sur le risque de voir nos exportations laitières ou agricoles mettre en difficulté les agricultures locales. Ces risques sont pris en compte. Le texte comporte un certain nombre de garanties, même si l’on pourrait peut-être encore les considérer comme insuffisantes, en matière de progressivité et de suivi. En ce qui concerne les produits agricoles, il n’y aura pas immédiatement une libéralisation totale. Par ailleurs, le comité de suivi pourra revenir sur certains aspects des accords si nécessaire. A nous d’en faire usage, même si je n’ignore pas les limites d’un tel exercice.

La mise en œuvre provisoire de l’accord, pour les échanges commerciaux, est une pratique courante. Elle ne concerne qu’une partie de l’accord.

M. Kader Arif. Je crois que nous devons faire attention à tous ces accords commerciaux proposés aux Parlements nationaux après avoir été négociés par la DG « Trade » de la Commission européenne, avec une vision ultralibérale. On a aussi le sentiment d’une certaine incohérence, comme si les commissaires européens ne se parlaient pas ou bien comme si les égoïsmes nationaux prévalaient en réalité. Certains accords peuvent mettre en danger des secteurs d’activité, notamment l’agriculture, bien que l’on affirme le contraire. Quand il s’agit d’agriculture, on donne d’un côté ce que l’on reprend de l’autre, avec les accords commerciaux. Nous devons donc faire preuve d’une grande vigilance.

Nous devrions également insister sur la nécessité de clauses de revoyure et de mesures de sauvegarde. Je dois dire que j’ai quelques inquiétudes, par exemple sur la question de la banane, qui n’est anodine ni pour nos régions ultrapériphériques, ni pour les producteurs locaux, ni pour ce qui est de la domination exercée par les Américains via Chiquita.

A titre personnel, je pense plutôt m’abstenir.

M. Benoît Hamon. Le Pérou et la Colombie sont deux pays où beaucoup d’agriculteurs s’inscrivent dans des filières d’agriculture équitable, qui s’attachent à rémunérer au juste prix le travail et la production dans de nombreux secteurs, notamment le cacao et le café. Existe-t-il une évaluation de l’impact de cet accord de libre échange sur le commerce équitable ? Quels sont les risques de fragilisation de ces filières extrêmement vertueuses en matière de commerce Nord-Sud ?

M. Jean-René Marsac, rapporteur. Nous avons déjà eu l’occasion d’examiner des accords similaires, notamment avec les pays d’Amérique centrale. Ce sont donc des débats récurrents. Cet accord comporte des clauses de revoyure. Elles ne sont d’ailleurs pas seulement globales, mais par secteurs et par produits. La question de la banane ne se pose pas uniquement en termes de calendrier, mais aussi de volume. Une forme de protection a été intégrée, en particulier pour nos outremers. Il faudrait analyser plus en détail l’efficacité du système, mais ces aspects sont pris en compte.

Formellement, il me semble qu’il n’y a pas de référence au commerce équitable dans l’accord. C’est un sujet que nous avons intégré dans une loi que Benoît Hamon connaît bien, pour l’avoir portée. Il est en effet important que le commerce équitable soit pris en compte au plan français et surtout européen.

M. Benoît Hamon. Le Pérou et la Colombie sont deux pays dans lesquels de nombreux paysans sont inscrits dans les filières de commerce équitable s’attachant à rémunérer au juste prix le travail et la production de ces derniers, et ce dans de nombreux secteurs (café, cacao).

Aussi, je souhaiterais savoir si une évaluation des impacts de cet accord concernant le commerce équitable a été prévue. En développant les échanges, l’accord pourrait fragiliser ce secteur vertueux notamment en matière d’échanges Nord-Sud.

M. le rapporteur Jean-René Marsac. Des accords similaires avaient été discutés en commission s’agissant de l’Amérique centrale et vous soulevez là des questions récurrentes. Des clauses de revoyure régulières sont évidemment prévues, secteur par secteur.

Quant aux questions soulevées sur les produits agricoles, il fallait trouver un équilibre entre la protection de notre production, notamment de nos collectivités d’outre-mer, et celle des deux autres pays signataires, qui je crois a été atteint.

S’agissant du commerce équitable, il n’y a pas formellement de références à ce type de commerce dans l’accord. C’est une problématique que l’on doit intégrer à notre réflexion et faire valoir de manière forte que le commerce équitable doit être pris en compte au niveau national et surtout européen.

Mme la présidente Elisabeth Guigou. Je suis très sensible aux remarques qui ont été faites.

D’un côté, nous avons un intérêt à développer ce type d’accord commercial. Non seulement pour le développement de ces pays mais aussi pour nos débouchés. Mais en même temps, il faut veiller à ce que ces accords ne se fassent pas au détriment de la partie la plus faible. C’est toujours l’équilibre qu’il est difficile de tenir.

Je note que de plus en plus de précautions ont été prises dans ce type d’accord. Nous devons cependant rester vigilants sur l’inclusion de clauses de revoyure et sur la protection des normes fondamentales que nous défendons.

Nous devons insister sur le fait que l’Union européenne ne doit pas seulement avoir une approche fondée sur le commerce mais qu’elle doit également se focaliser sur l’investissement. Nous devons intégrer les préoccupations de développement, de transfert de technologie et d’investissement, et ce particulièrement dans le domaine de l’agroalimentaire.

J’ai fait valoir cette position à plusieurs reprises au secrétariat de notre commission.

M. Jean-Pierre Dufau. Où en sommes-nous du processus de ratification ? Au-delà de l’accord, en prenant compte les remarques qui ont été faites, nous pourrions adresser un courrier à la Commission européenne pour attirer son attention sur ces points. Nous devons étudier la possibilité d’effectuer une étude d’impact sur l’application provisoire de cet accord.

Mme la présidente Elisabeth Guigou. C’est d’accord. Ceci est une très bonne idée.

M. le rapporteur Jean-René Marsac. Les pays ayant enclenché le processus de ratification sont l’Estonie, la Slovaquie, la Lettonie, l’Allemagne, le Danemark, la République tchèque, l’Espagne, la Hongrie, les Pays-Bas, la Pologne, la Roumanie, la Finlande, le Royaume-Uni, Malte, le Luxembourg, Chypre, la Bulgarie, le Portugal, la Suède, l’Irlande, et la Lituanie.

Pour peser dans le sens que l’on souhaite, l’absention constitue-t-elle une bonne solution ? Ces accords sont perfectibles, et nous devons rester vigilants sur les processus de suivi et d’évaluation, mais ce sont également des outils qui nous permettent de peser dans le dialogue. Il est important de ne pas rester hors-jeu.

Je préconise donc la ratification de cet accord.

Mme la présidente Elisabeth Guigou. Moi aussi, en dépit de mes remarques, je crois qu’il vaut mieux peser de l’intérieur.

Suivant l’avis du rapporteur, la commission adopte le projet de loi (n° 2724).

ANNEXE 1


AUDITIONS

Néant

ANNEXE 

TEXTE DE LA COMMISSION DES AFFAIRES ÉTRANGÈRES

Article unique

(Non modifié)

Est autorisée la ratification de l’accord commercial signé entre l’Union européenne et ses États membres, d’une part, et la Colombie et le Pérou, d’autre part (ensemble quatorze annexes), signé à Bruxelles le 26 juin 2012, et dont le texte est annexé à la présente loi.

________________________________

NB : Le texte de l’accord figure en annexe au projet de loi (n° 2724).

© Assemblée nationale

1 () EU peacebuilding and post-conflict support to Colombia - EEAS 04/15.

2 () L'Accord sur les ADPIC, qui est entré en vigueur le 1er janvier 1995, est, à ce jour, l'accord multilatéral le plus complet en matière de propriété intellectuelle.

3 () Le système de Madrid concernant l'enregistrement international des marques est régi par l'Arrangement de Madrid, conclu en 1891, et le Protocole relatif à cet arrangement, conclu en 1989. Le système permet de protéger une marque dans un grand nombre de pays grâce à l'obtention d'un enregistrement international dont les effets s'étendent à chaque partie contractante désignée