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N
° 3170

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ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

QUATORZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 27 octobre 2015.

AVIS

FAIT

AU NOM DE LA COMMISSION DES AFFAIRES ÉCONOMIQUES
SUR LA PROPOSITION DE LOI
pour l’économie bleue (n° 2964).

PAR Mme Annick LE LOCH

Députée

——

Voir les numéros : 2964, 3178.

SOMMAIRE

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Pages

INTRODUCTION 5

I. UNE PROPOSITION DE LOI DE SOUTIEN À L’ÉCONOMIE MARITIME… 7

A. LA FILIÈRE MARITIME, UN SECTEUR PORTEUR MAIS EN ATTENTE DE CHANGEMENTS 7

1. Des structures diversifiées 7

2. Une balance commerciale déficitaire 8

B. LES CONTRAINTES DE LA FILIÈRE MARITIME 10

1. La qualité des eaux et des produits aquacoles 10

2. La concurrence pour l’espace littoral 10

C. LES STRATÉGIES ENGAGÉES 11

1. La politique commune de la pêche 11

2. La stratégie nationale pour l’aquaculture 11

II. … QUI FORMULE DES MESURES CIBLÉES 13

A. SOUTENIR L’AQUACULTURE EN ASSURANT LA QUALITÉ ET LA PROTECTION DES EAUX ET DES PRODUCTIONS 13

1. Le soutien au secteur aquacole 13

2. La protection des eaux et des zones de production 14

3. L’amélioration génétique de la reproduction 15

B. SÉCURISER LES ENTREPRISES MARITIMES 15

1. Renforcer la compétitivité des entreprises maritimes par la simplification 15

2. Se prévenir des conflits d’usage du littoral 17

3. Informer le consommateur sur l’origine des produits aquatiques 18

C. STIMULER LA DIVERSITÉ DES ACTIVITÉS ET LES INVESTISSEMENTS EN MER 18

1. Diversifier les activités pour garantir les revenus 18

2. La stimulation des investissements par le biais du crédit maritime 19

3. L’adaptation de l’assurance des énergies marines renouvelables 19

TRAVAUX DE LA COMMISSION 21

I. DISCUSSION GÉNÉRALE 21

II. EXAMEN DES ARTICLES 25

Article 13 : Compléter les finalités de la politique des pêches et de l’aquaculture 25

Après l’article 13 25

Article 14 : Renforcer les mesures en direction du secteur aquacole 25

Après l’article 14 25

Article 15 : Conforter la place de l’aquaculture dans la définition de la politique des pêches et de l’aquaculture et élargir la définition de la société de pêche artisanale 26

Article 16 : Engager une réflexion approfondie sur le pescatourisme et la commercialisation directe ainsi que sur la pêche récréative 29

Article 18 : Renforcer la prise en compte des problématiques conchylicoles en matière de police de l’eau et de règlementation territoriale 29

Après l’article 18 29

Article 19 : Instituer un régime d’assurance adapté pour les installations d’énergies marines renouvelables 32

Après l’article 19 32

Article 21 : Finaliser le processus d’adossement du Crédit maritime mutuel au groupe des banques populaires et des caisses d’épargne 33

Article 22 : Assurer l’information, sur les cartes de restaurant, sur l’origine des produits aquatiques proposés 33

LISTE DES PERSONNES AUDITIONNÉES 35

INTRODUCTION

Le titre II de cette proposition de loi est consacré au soutien des pêches maritimes et des cultures marines (articles 13, 14, 15, 16 et 18). Le titre III comporte des dispositions diverses relatives à l’assurance des installations d’énergies marines renouvelables (article 19), au crédit maritime mutuel (article 21) et à la mention de l’origine des produits aquatiques dans les restaurants (article 22) : autant de sujets qui rendaient nécessaires une saisine de la commission des affaires économiques, compétente sur l’ensemble de ces questions.

Cette proposition de loi répond à l’ambition de maintenir une économie maritime durable, compétitive et structurée. Avec un littoral d’une longueur de 7 200 km de côtes et une zone économique exclusive de 11 millions de km2 (à laquelle viennent de s’ajouter 579 000 km² d’extension du plateau continental au large des Antilles, de la Nouvelle-Calédonie, de la Guyane et des îles Kerguelen), la France est le deuxième domaine maritime mondial après les États-Unis. En 2013, la pêche et l’aquaculture françaises ont généré 1,1 Md€ de chiffre d’affaires, 23 000 emplois directs développant chacun 3 à 4 emplois à terre. Pourtant, le commerce extérieur français des produits de la mer est déficitaire depuis de nombreuses années.

Dans un contexte international très concurrentiel, l’objectif des politiques publiques menées au niveau européen et national porte sur la durabilité de la ressource, la compétitivité des entreprises et la structuration du secteur.

C’est également l’ambition de cette proposition de loi qui explore les potentialités économiques des activités liées aux affaires maritimes en soutenant les filières porteuses de croissance, en particulier le secteur aquacole et les entreprises de pêche artisanale. La consommation mondiale de poisson ayant doublé en 30 ans et les quantités de pêche de capture stagnant, l’aquaculture acquiert un rôle prépondérant face aux besoins alimentaires de la population mondiale. La France dispose notamment d’atouts dans le secteur de la conchyliculture mais ses conditions de production sont soumises à des impératifs de qualité sanitaire et environnementale stricte. Les conchyliculteurs ont besoin de voir les dispositions du code rural et de la pêche maritime et du code de l’environnement évoluer avec le développement et les contraintes de leurs activités.

Pour cette raison, votre rapporteure émet un avis favorable à l’adoption des huit articles dont la commission des affaires économiques est saisie.

I. Une proposition de loi de soutien à l’économie maritime…

A. LA FILIÈRE MARITIME, UN SECTEUR PORTEUR MAIS EN ATTENTE DE CHANGEMENTS

1. Des structures diversifiées

La pêche française est riche de sa diversité qui résulte des différentes régions de pêche, des espèces pêchées et des métiers. Elle participe à l’identité du littoral et à son attractivité. Près de 460 000 tonnes de poissons sont pêchées et débarqués chaque année dans les ports français, pour un chiffre d’affaires supérieur à un milliard d’euros, ce qui fait de la France le quatrième producteur européen de produits de la pêche.

Au 1er janvier 2015, la flotte de pêche française comptait 7 068 navires (1) dont 4 438 en métropole et 2 640 dans les départements d’outre-mer (DOM), y compris Mayotte. La flotte métropolitaine se compose de :

– 100 navires de pêche industrielle et semi-industrielle (plus de 25 mètres) ;

– 777 navires de pêche artisanale et hauturière (de 12 à 25 mètres) ;

– 3 551 navires de petite pêche côtière (moins de 12 mètres).

En 2013, la pêche maritime employait 16 798 marins. Il est à noter que c’est la petite pêche qui concentre le plus grand nombre d’emplois avec plus de 55 % des effectifs. Entre 2008 et 2013, le nombre d’emplois de marins a diminué de 15 % (soit 2 800 emplois environ) mais de manière différenciée (la diminution concernant surtout les effectifs de la pêche au large).

Depuis 2008, la taille de la flotte française a diminué de 10 %. La flotte métropolitaine – en particulier artisanale – est vieillissante puisque l’âge moyen des navires est de 27,6 ans (contre 17 ans dans les DOM). La moyenne nationale avoisine les 23 ans. Les défis de la modernisation et du renouvellement restent à relever mais les investissements nécessaires sont coûteux.

Le secteur de l’aquaculture comprend l’algoculture (culture des algues), la conchyliculture (culture des coquillages, essentiellement huîtres et moules) et la pisciculture (élevage de poissons). La pisciculture domine la production aquacole mondiale. À l’inverse, le secteur conchylicole domine l’aquaculture française et en fait sa spécificité. La culture d’algues se développe mais reste limitée. La production aquacole française, deuxième de l’Union européenne, atteint 708 M€ de chiffre d’affaires (236 263 tonnes) dont 546 M€ pour la conchyliculture (159 tonnes) (2). Cette production repose sur environ 2 900 entreprises, souvent petites (66 % sont des entreprises traditionnelles individuelles), qui emploient 17 700 personnes.

La France est le leader européen dans la production d’huîtres (85 % de la production). Le volume de moules est presque aussi important que le volume d’huîtres (respectivement 77 et 80 tonnes) récolté mais en valeur, la production ostréicole est trois fois plus importante que la production mytilicole.

L’algoculture française est une micro-filière qui produit annuellement une soixantaine de tonnes d’algues fraîches. Pourtant, les débouchés potentiels sont nombreux : alimentation humaine pour l’essentiel mais aussi alimentation animale, produits cosmétiques, médecine, produits phytosanitaires, fertilisants agricoles etc.

Le secteur de la pisciculture est marginal en France. 45 400 tonnes de poissons d’aquaculture ont été produites en 2012, dont 11 % de poissons marins. Depuis une quinzaine d’années, la pisciculture française voit sa production stagner alors que 80 % du poisson consommé en France est importé. La pisciculture marine a connu un développement important entre 1980 et 1995 mais est depuis fortement concurrencée par les pays du pourtour méditerranéen (Espagne, Italie, Grèce). Le secteur pâtit d’un manque de connaissance de l’administration et d’une mauvaise image chez les consommateurs. Les entreprises sont de petite taille et dispersées géographiquement.

2. Une balance commerciale déficitaire

En France, la consommation moyenne par habitant de produits maritimes (pêche et aquaculture) en 2012 est estimée à 34 kg par an (3). Cette consommation se répartit entre 72 % de poissons et 28 % de coquillages et crustacés. Selon Kantar Worldpanel, les ménages ont dépensé, en 2013, 7 Mds€ en produits aquatiques pour leur consommation à domicile. La quantité consommée était en hausse depuis plusieurs années mais les multiples crises de mortalité affectent la consommation de produits conchylicoles qui accuse un repli en volume. En valeur, les prix de vente sauvent les résultats d’exploitation.

La production française des produits aquatiques représentait en 2014 30 % en volume et 34 % en valeur de la consommation nationale. Selon une étude FranceAgriMer, 62 % des consommateurs français disent manger du poisson une à deux fois par semaine (4).

Au niveau mondial, l’aquaculture enregistre un taux de croissance de 6,6 % par an (5) alors que le volume de la pêche de capture stagne. L’augmentation de la consommation de produits aquacoles est essentiellement couverte par le développement de l’aquaculture mondiale. Cette progression est le fait de la zone de production asiatique, qui représente 89 % de la production mondiale. La zone de production européenne est quant à elle en stagnation.

Source : Organisation des Nations Unies pour l’alimentation et l’agriculture (FAO, Food and Agriculture Organization)

La forte demande nationale du marché de la consommation directe et des industries de la transformation n’est pas satisfaite par la production française. La balance commerciale française des produits aquatiques est structurellement déficitaire avec, en 2013, un déficit de 3,55 M€.

Les entreprises françaises de pisciculture marine exportent en moyenne la moitié de leur production, soit 4 000 tonnes, mais la balance commerciale est déficitaire (16 000 tonnes de bars et de daurades importés en 2012). La France est en revanche exportatrice nette d’alevins, grâce à l’avance technologique de ses entreprises.

La France conchylicole produit essentiellement pour le marché intérieur. L’unique solde positif est celui des huîtres (34 M€ en 2013) alors que l’essentiel de la production (9/10e) est consommé en France. Les importations de moules (en provenance du Chili, des Pays-Bas et d’Espagne) dépassent largement les exportations : le déficit commercial s’élève à 68 M€.

B. LES CONTRAINTES DE LA FILIÈRE MARITIME

1. La qualité des eaux et des produits aquacoles

La pénurie d’espace maritime disponible engendre une pression géographique sur les activités aquacoles. L’aquaculture, comme toute activité agricole, peut avoir un impact négatif sur l’environnement : qualité de l’eau, modification des populations sauvages, diminution des ressources halieutiques.

Mais l’aquaculteur est le premier intéressé à la qualité de l’eau, nécessaire à la survie de son activité. Les conchyliculteurs sont en général les premiers à subir la pollution des eaux, qu’elle soit d’origine terrestre (nitrates, produits chimiques) ou maritime (accidentelle).

La qualité des produits est également essentielle au secteur aquacole. Les consommateurs ont une exigence supérieure de qualité des produits issus de la pisciculture par rapport à la pêche de capture et sont extrêmement attentifs à la qualité des produits conchylicoles. Tout problème sanitaire peut avoir des conséquences très lourdes sur l’image des produits et, par répercussion, sur leur consommation.

En 2014 et pour la septième année consécutive, les ostréiculteurs français ont connu d’importantes mortalités d’huîtres qui touchent principalement le naissain et les juvéniles (animaux de moins d’un an). Depuis deux ans, la mortalité touche également les huîtres adultes. Un dispositif d’accompagnement exceptionnel a été mis en place en 2008. La surmortalité ne diminuant pas, le dispositif a été reconduit jusqu’en 2013. En 2014, un nouveau dispositif, comportant une exonération de redevance domaniale et un fonds d’allégement des charges sur les encours de prêts, a été mis en place.

Le défi de la recherche dans ce domaine se focalise sur le renforcement de la résistance des naissains et sur le développement de la reproduction. La génétique est essentielle pour ce secteur.

2. La concurrence pour l’espace littoral

Les professionnels de l’aquaculture et de la pêche maritime ne sont pas les seuls usagers du littoral. D’autres usages, comme la pêche de loisir, la plaisance ou le tourisme ont besoin, pour s’exercer, d’avoir accès au littoral. Si les aquaculteurs et les pêcheurs développent une activité très ancienne, le poids économique des activités touristiques ou résidentielles leur est souvent bien supérieur. Ces dernières sont d’ailleurs souvent génératrices de débouchés pour les producteurs de la mer.

Il arrive que la cohabitation des activités crée des conflits : entre restaurants et cabanes ostréicoles ou entre ports de plaisance et ports de pêche, par exemple. Les autorités publiques sont parfois réticentes à octroyer des autorisations d’occupation domaniale pour les aquaculteurs, accusés de générer des nuisances. Ces tensions sont renforcées par les convoitises pour l’accès au foncier sur ces zones dont le prix est supérieur à la moyenne nationale.

Les enjeux d’aménagement du territoire sont à la croisée de ces problématiques.

C. LES STRATÉGIES ENGAGÉES

1. La politique commune de la pêche

La politique commune de la pêche (PCP) est une des politiques européennes les plus intégrées. L’Union européenne dispose d’une compétence exclusive en matière de conservation des ressources biologiques de la mer. À ce titre, le Conseil fixe les quotas de pêche – totaux admissibles des captures entre les différents États membres –, les mesures techniques permettant une exploitation durable des ressources et les règles relatives à la surveillance et au contrôle des pêches.

La nouvelle PCP est entrée en vigueur le 1er octobre 2014 et, son instrument financier, le Fonds européen pour les affaires maritimes et la pêche (FEAMP), qui a succédé au Fonds européen pour la pêche (FEP), est doté d’un budget de 6,4 Mds€ pour la période 2014-2020 géré à 89 % par les États, dont 369 M€ pour la France.

Le Règlement (UE) n° 508/2014 du Parlement européen et du Conseil du 15 mai 2014 relatif au Fonds européen pour les affaires maritimes et la pêche et abrogeant les règlements du Conseil (CE) n° 2328/2003, (CE) n° 861/2006, (CE) n° 1198/2006 et (CE) n° 791/2007 et le règlement (UE) n° 1255/2011 du Parlement européen et du Conseil permet la création de fonds communs de mutualisation de pertes économiques engendrées par les aléas climatiques, les accidents environnementaux (tels que les marées noires) ou les coûts de sauvetage des navires de pêche en cas d’accident. Les entreprises de pêche, en particulier les professionnels de la pêche à pied, devraient pouvoir s’affilier à ce type de fonds afin de se prémunir des aléas auxquels ils sont régulièrement exposés. En combinant contributions des entreprises et versements de l’État et du FEAMP, les entreprises de pêche seraient à la fois solidaires entre elles et soutenues par la puissance publique dans une logique d’anticipation des conséquences des crises.

2. La stratégie nationale pour l’aquaculture

Pour le volet aquaculture, le FEAMP nécessite l’élaboration d’un plan stratégique national de développement de l’aquaculture (PNSPDA) qui définit les objectifs de développement du secteur. Le « développement des aquacultures durables d’ici à 2020 » décidé en France entend répondre à quatre enjeux :

– améliorer les articulations entre professionnels et administrations (planification de l’espace, autorisations d’accès aux sites et d’exploiter) ;

– accroître l’offre en produits aquacoles grâce à un marché porteur et malgré les fortes contraintes ;

– associer durablement les activités aquacoles aux territoires ;

– lever les freins au développement des régions ultrapériphériques (RUP).

La stratégie nationale se décline en cinq orientations visant à réduire la dépendance à l’égard des importations en produits aquatiques.

1. Améliorer la gouvernance des interfaces entre administrations et professionnels. Le droit de l’environnement évolue rapidement. Il est parfois complexe à appréhender pour les porteurs de projet. Une meilleure visibilité et lisibilité juridique devraient favoriser le maintien, le développement et la création de sites de production aquacole. D’autre part, l’effort doit porter sur la planification de l’utilisation de l’espace afin de prévenir les oppositions aux projets d’installations aquacoles, en particulier sur le domaine maritime. Il s’agit de s’appuyer sur les outils juridiques existants, les schémas régionaux de développement de l’aquaculture marine (SRDAM), en achevant leur élaboration, et d’élaborer des documents cartographiques identifiant les meilleurs emplacements aquacoles possibles (MEAP) ;

2. Renforcer la place des aquacultures dans les territoires et développer l’emploi. Le développement des aquacultures durables passe par l’insertion durable des aquacultures dans les territoires : les aquaculteurs sont les acteurs les plus concernés par la qualité des eaux et des écosystèmes aquatiques ; présents continuellement sur la zone côtière et les bassins versants, ils peuvent être considérés autant comme des vigies environnementales que comme des usagers ;

3. Développer la durabilité des activités de production aquacole. Face aux nombreux facteurs externes (climatiques, zoosanitaires, économiques) difficiles à maîtriser par les aquaculteurs, la durabilité de leurs activités de production aquacole suppose de pouvoir, à la fois exploiter durablement les écosystèmes aquacoles et améliorer la gestion des risques, renforcer la résilience et la compétitivité des activités ;

4. Accroître la valeur des produits tout au long de la chaîne de valeur. Le marché français des produits aquatiques, déficitaire et fortement dépendant des importations, présente des opportunités de développement conséquentes pour les différents secteurs aquacoles, sous réserve d'offrir aux consommateurs des produits garantis sur leurs origines, sur leurs conditions de production et sur leurs qualités sanitaires ;

5. Accroître et mieux partager les compétences, la connaissance et l’innovation au profit du développement des aquacultures. La capacité de dynamisme du secteur repose en grande partie sur les dispositifs de recherche-développement-innovation, qui devraient permettre d’accompagner au mieux les évolutions du secteur. Il reste donc à renforcer et à mobiliser de façon coordonnée les producteurs, les transformateurs, les instituts de recherche, les centres techniques, les pôles de compétitivité et les autorités publiques pour apporter des solutions à court et moyen termes sur les problématiques aquacoles, tout en maintenant une transparence nécessaire à la bonne information du consommateur, dont la confiance dans les produits et dans les processus de production et de transformation est essentielle.

II. … QUI FORMULE DES MESURES CIBLÉES

A. SOUTENIR L’AQUACULTURE EN ASSURANT LA QUALITÉ ET LA PROTECTION DES EAUX ET DES PRODUCTIONS

1. Le soutien au secteur aquacole

Les évolutions législatives de ces dernières années, en particulier la loi n° 2014-1170 du 13 octobre 2014 d’avenir pour l’agriculture, l’alimentation et la forêt ont pris en compte les enjeux du secteur de la pêche maritime dans la définition des politiques publiques de l’agriculture et de l’alimentation. Trop souvent, l’apport économique du secteur aquacole a été oublié des débats parlementaires. À défaut de code de la mer, les professionnels sont en attente d’une d’intégration, dans le code rural et de la pêche maritime et dans le code de l’environnement, d’une reconnaissance de l’importance de leurs activités par le biais d’une simplification de leurs conditions de travail et d’un renforcement des conditions environnementales et sanitaires de leurs activités. C’est ce qu’entend faire le titre II de la proposition de loi.

L’article 13 de la proposition de loi actualise les principes généraux de la politique agricole définie à l’article L. 1 du code rural et de la pêche maritime en y intégrant les aquaculteurs et l’aquaculture. La référence à l’aquaculture n’est pas absente du code rural et de la pêche maritime puisque l’article L. 2 lui est consacré mais la modification apportée permet de reconnaître l’apport économique du secteur aquacole. Dans un contexte économique d’atonie de la production nationale et de développement de la consommation, la balance commerciale de l’aquaculture et de la pêche est fortement déficitaire (4,757 Mds€ en valeur en 2012 selon le ministère de l’écologie, du développement durable et de l’énergie). L’aquaculture doit accroître ses parts de marché dans la consommation nationale et mieux participer à la capacité exportatrice française. L’objectif de soutien de la recherche, de l’innovation et du développement est élargi à l’aquaculture. L’ambition d’une amélioration sur le marché national de la place de l’aquaculture mais aussi des filières agricoles et alimentaires est affirmée. Cette disposition est un signal fort envoyé aux professionnels du secteur aquacole.

Les professionnels de la conchyliculture étaient en attente d’une distinction claire de leurs activités de celles des pêcheurs. En modifiant l’article L. 911-1 du code rural et de la pêche maritime, l’article 15 de la proposition de loi décrit explicitement les métiers couverts par le livre IX du même code et en détaille les activités. Ce faisant, le dispositif envisagé est excessivement détaillé et pourrait être une source de contrainte pour la profession, notamment dans le cas d’une évolution future des pratiques professionnelles. Toutefois, l’audition du Comité national de la conchyliculture par votre rapporteure a fait apparaître que la profession était plutôt satisfaite de cette reconnaissance. La modification de l’article L. 911-2 du code rural et de la pêche maritime met en cohérence la partie du code rural et de la pêche maritime relative à la politique des pêches maritimes avec l’article 2.3 du règlement (UE) n° 1380/2013 du Parlement européen et du Conseil, du 11 décembre 2013, relatif à la politique commune de la pêche. Il s’agit ici plus spécifiquement d’intégrer la notion d’approche « éco-systémique » dans la gestion des pêches maritimes.

2. La protection des eaux et des zones de production

La prise en compte des dommages subis par les espèces, les zones et les eaux ne doit pas altérer la compétitivité du secteur par la multiplication complexe de la réglementation. Pour autant, la protection des eaux conchylicoles est impérative pour la sécurité des élevages et la protection des consommateurs. En ce sens, l’article 18 de la proposition de loi traite de la qualité des eaux, essentielle pour les cultures marines, et de l’apport des zones conchylicoles à la biodiversité. Les modifications rédactionnelles proposées intègrent les spécificités du milieu conchylicole au code de l’environnement.

En application de la directive-cadre sur l’eau et de la directive-cadre stratégie pour le milieu marin, les zones, habitats et espèces conchylicoles sont ajoutés à l’article L. 161-1 du code de l’environnement pour la prise en compte des dommages causés à l’environnement. Les exploitants se livrant à ces activités doivent prendre les mesures appropriées et, en cas de dommage, des mesures de réparation. L’atteinte aux productions conchylicoles et aquacoles constitue un dommage environnemental.

La modification de l’article L. 211-1 du même code ajoute l’objectif de qualité microbiologique (virus, algues, au-delà de la simple qualité bactériologique) aux enjeux définis par la loi n° 2006-1772 du 30 décembre 2006 sur l’eau et les milieux aquatiques. En outre, elle précise que la gestion équilibrée et durable de l’eau implique de la protéger contre tout fait susceptible de porter atteinte à la conchyliculture et aux élevages marins.

La modification de l’article L. 211-3 dudit code permet à l’autorité administrative de prendre des décrets interdisant l’usage et le déversement de substances ou organismes nuisibles aux ressources halieutiques. Elle étend potentiellement la protection des eaux et zones de production conchylicoles en les intégrant au périmètre des zones humides. Dans la même logique, la modification de l’article L. 212-1 du même code ajoute aux objectifs de bon potentiel écologique et de bon potentiel chimique de qualité et de quantité des eaux fixés par les schémas directeurs d’aménagement et de gestion des eaux pour les masses d'eau de surface artificielles ou fortement modifiées par les activités humaines, celui de protéger les eaux et zones de production conchylicoles. Aussi, la modification de l’article L. 213-1 dudit code étend la compétence du Comité national de l’eau pour donner son avis sur les projets de décret concernant la protection des peuplements conchylicoles.

3. L’amélioration génétique de la reproduction

La maîtrise de l’approvisionnement des filières d’élevage est un enjeu clé pour les entreprises conchylicoles. Cette maîtrise a deux aspects : l’amélioration des taux de survie des naissains et la facilitation de la reproduction. La surmortalité des huîtres conduit en effet la profession et l’État à réfléchir à des pistes de sortie de crise visant à améliorer leur survie ou leur résistance : importations de souches à partir de pays tiers avec des expérimentations en accord avec la Commission européenne, réensemencement du milieu en utilisant des naissains produits en écloserie à partir de souches plus résistantes ou programme de sélection d’intérêt général. La modification de l’article L. 653-2 du code rural et de la pêche maritime par l’article 14 de la proposition de loi insère une référence explicite aux ressources conchylicoles dans la sélection génétique des coquillages. Les décrets relatifs à cette question seront soumis à l’avis du Conseil d’État afin de mieux encadrer la reproduction et l’amélioration génétiques. La diversité et la maîtrise des ressources conchylicoles sont une réponse à l’accroissement de la demande (notamment en huîtres), concomitante à la mortalité récurrente des naissains.

B. SÉCURISER LES ENTREPRISES MARITIMES

1. Renforcer la compétitivité des entreprises maritimes par la simplification

La proposition de loi comprend de nombreux dispositifs de reconnaissance et de simplification de l’exercice des activités de pêche et aquacoles, en particulier conchylicoles.

La simplification est sociale. La modification de l’article L. 722-1 du code rural et de la pêche maritime apportée par l’article 14 de la proposition de loi met fin au rattachement des professionnels se consacrant à la pêche à pied c’est-à-dire la pêche qui s’effectue sans le support d’un navire doté d’un rôle d’équipage. La pêche à pied s’assimile à l’exploitation d’établissements de conchyliculture. Les effectifs des pêcheurs à pied dépendent pour la moitié du régime de l’ENIM (établissement national des invalides de la marine) et pour l’autre moitié du régime de la MSA (mutualité sociale agricole). Ils seront désormais tous affiliés au régime spécial de sécurité sociale des marins. Cette disposition résulte d’une forte demande des pêcheurs concernés qui connaissent, comme les pêcheurs embarqués, une fluctuation de leurs revenus d’activité liée aux conditions climatiques et sanitaires de leur activité et des conditions de travail proches. Cette mesure permettra à l’ensemble de la profession de relever du même régime social.

La simplification est professionnelle. La modification de l’article L. 912-4 par l’article 15 de la proposition de loi fixe une limite d’âge légale aux représentants des comités nationaux, régionaux et départementaux des pêches : 65 ans révolus. Cette limite d’âge donne une base légale à une disposition réglementaire en vigueur, dans la perspective des prochaines élections professionnelles en 2017.

La simplification est judiciaire. Les conchyliculteurs sont confrontés à de nombreux cas de vols, y compris entre professionnels, et à une pression très forte des activités de plaisance. Le contrôle des infractions dans le secteur conchylicole est assuré par des prud’hommes pêcheurs qui sont des personnes bénévoles issues du monde professionnel et par des gardes jurés qui sont des contrôleurs permanents. La modification de l’article L. 942-2 du même code par le même article 15 accroît considérablement les pouvoirs de police judiciaire des gardes jurés et prud’hommes pêcheurs dans la recherche et la constatation des infractions. L’efficacité de leurs actions devrait ainsi être renforcée et la profession mieux protégée. Par ailleurs, le même article 15 modifie l’article L. 946-7-1 dudit code en détaillant les pouvoirs de sanction des organisations de producteurs : sanctions pécuniaires et suspension ou retrait des autorisations de pêche. Cette disposition permet la mise en cohérence du titre IV, relatif aux sanctions applicables, avec l’article L. 921-2 du même code relatif à la délégation de la délivrance de certaines autorisations de pêche aux organisations de producteurs.

La simplification est entrepreneuriale. La modification de l’article L. 931-2 du code rural et de la pêche maritime par le même article 15 élargit la définition des sociétés de pêche artisanales, ce qui devrait accroître en conséquence le nombre de sociétés pouvant se prévaloir des exonérations fiscales qui y sont attachées (taxe sur salaires, contribution économique territoriale, notamment). La rédaction proposée redéfinit la société de pêche artisanale en mentionnant les sociétés de capitaux qui couvrent un champ plus large de sociétés dont les sociétés anonymes et les sociétés de coopératives. Le seuil de détention des droits sociaux et de vote par des pêcheurs est abaissé à 50 %, la limite de deux navires est supprimée et sont inclues les sociétés exploitantes de navires et plus seulement les propriétaires. La définition prend aussi en compte l’allongement de la durée moyenne de financement pour l’acquisition d’un navire (de 10 à 15 ans). L’extension du périmètre de la société de pêche artisanale accroîtra en conséquence les bénéficiaires d’un régime social et fiscal avantageux, au risque que ces sociétés, si elles comportaient plus de deux navires, exercent une concurrence déloyale à l’égard de sociétés de pêche ne bénéficiant pas de ces avantages et que le statut s’éloigne de l’esprit de la pêche artisanale. Pour ces raisons, votre rapporteure propose un amendement de maintien des sociétés de pêche artisanales à deux navires soit une suppression du déplafonnement prévu à l’alinéa 26 de l’article 15.

La modification de l’article L. 640-1 du code rural et de la pêche maritime apportée par l’article 14 de la proposition de loi ajoute le secteur aquacole à la politique de qualité et de garantie de l’origine en favorisant la segmentation du marché et en renforçant le développement du secteur. Est également encouragée la reprise d’exploitation par de nouveaux exploitants et la répartition équitable des produits de la mer entre producteurs, transformateurs et entreprises de commercialisation.

La simplification opérée par ce même article 15 passe également par la mise en cohérence du code rural et de la pêche maritime avec deux règlements communautaires. Il adapte l’article L. 921-1 du même code, relatif à la délivrance d’autorisations de pêche, avec l’article 7.1.d du règlement (CE) n° 1224/2009 du Conseil, du 20 novembre 2009, relatif au régime communautaire de contrôle de la politique commune de la pêche, qui prévoit que les États membres doivent délivrer une autorisation de pêche à tout navire de pêche communautaire opérant dans les eaux communautaires lorsqu’il exerce une pêche à des fins scientifiques. Il insère enfin, dans un nouvel article L. 921-7-1, les dispositions de l’article 6 du règlement (CE) n° 1224/2009 précité qui prévoit que les États membres doivent délivrer à tout navire de pêche communautaire utilisé pour l’exploitation commerciale des ressources aquatiques vivantes une licence européenne de pêche valable. Cette licence permet une régulation des navires de pêche professionnelle. L’ordonnance n° 2015-1248 du 7 octobre 2015 portant adaptation du code rural et de la pêche maritime au droit de l'Union européenne prévoit cette adaptation mais, en l’absence de loi de transposition, il convient, à ce jour, de maintenir ces dispositifs.

2. Se prévenir des conflits d’usage du littoral

L’organisation de la gestion du littoral doit prendre en compte les éventuels conflits d’usage que suscite le développement d’activités conchylicoles.

La modification de l’article L. 321-1 du code de l’environnement apportée par l’article 18 de la proposition de loi élargit l’objet de la coordination des actions de l’État et des collectivités territoriales aux activités conchylicoles dans l’aménagement, la protection et la mise en valeur du littoral. L’objectif est de sauvegarder les potentiels de production en mer et à terre et de faciliter l’installation et le développement des activités quand elles sont prioritaires. Les schémas de cohérence territoriale (documents stratégiques de mise en cohérence des différentes politiques territoriales, à l’échelle d’un large bassin de vie ou d’une aire urbaine) et les plans locaux d’urbanisme (documents réglementaires de mise en œuvre des politiques d’urbanisme, à l’échelle du territoire d’action d’un établissement public de coopération intercommunale) devront non seulement être compatibles activités conchylicoles, mais également avec toutes les activités littorales et équilibres environnementaux prévus à l’article L. 321-1.

3. Informer le consommateur sur l’origine des produits aquatiques

La traçabilité est obligatoire à toutes les étapes de la filière : elle permet, entre autres, d’assurer la transmission d’informations sur les produits de la pêche, dont certaines sont obligatoires pour l’affichage sur les étals ou l’étiquetage. Rigoureusement contrôlé, ce dispositif garantit aux consommateurs la connaissance des principales caractéristiques et de la provenance de ces produits.

L’article 22 de la proposition de loi prévoit la mention du pays d’origine des produits aquatiques - c’est-à-dire poissons, coquillages, crustacés - dans les restaurants et points de vente à emporter. Il renforce les exigences d'information des consommateurs, dans la logique de la mention des produits « faits maison », afin de les aider à faire des choix en connaissance de cause et, indirectement, de favoriser les produits nationaux.

L’information donnée n’est que destinée à valoriser les produits des restaurateurs. Ce dispositif ne présente pas l’intérêt sanitaire qu’ont pu avoir les dispositifs de mention de l’origine de la viande mis en place à la suite de la « vache folle ». Ainsi, pour ne pas alourdir les contraintes rencontrées par les professionnels de la restauration, votre rapporteure propose l’adoption d’un amendement rendant cet affichage facultatif.

C. STIMULER LA DIVERSITÉ DES ACTIVITÉS ET LES INVESTISSEMENTS EN MER

1. Diversifier les activités pour garantir les revenus

La diversification des activités par le tourisme permet de varier les sources de revenus pour les marins-pêcheurs et, par là même, de diminuer les aléas affectant leurs revenus. L’article 16 de la proposition de loi prévoit, dans un délai de six mois, la remise, par le Gouvernement, d’un rapport portant sur la diversification des activités des marins-pêcheurs. Le pescatourisme, qui consiste en l’organisation de sorties de pêche en mer avec des touristes, permet aux professionnels de partager leur métier et de mieux faire connaître leurs produits. Des activités similaires dans l’agriculture, avec l’agrotourisme, et la conchyliculture, avec la dégustation d’huîtres chez le mareyeur, permettent de diversifier les sources de revenus et sont déjà un succès. Ces activités sont permises par l’attrait que constituent les zones côtières en France. La commercialisation directe des produits de la pêche peut également permettre de stabiliser leurs revenus : les circuits courts de vente des produits de la mer comme des produits agricoles, garantissent à ces professions des revenus plus élevés. Ce rapport permettra d’analyser les conséquences économiques, environnementales, fiscales et sociales de ces activités et l’impact d’une nouvelle utilisation du domaine maritime.

Les deux derniers rapports proposés par cet article 16, consacrés aux conséquences sur l’environnement, la biodiversité et la ressource exploitée par les pêcheurs professionnels de la pêche récréative (non commerciale), et aux résultats d’une consultation des organisations concernées sur ce sujet permettront de faire la lumière sur l’ampleur des prélèvements opérés sur les ressources halieutiques. On estime le nombre de pratiquants de la pêche de loisir en mer à environ 2 500 000 (pêche embarquée, de bord et à pied). Les derniers travaux menés par l’Ifremer en 2012 montrent que, pour certaines espèces, les prélèvements de la pêche de loisir sont supérieurs à ceux de la pêche professionnelle.

2. La stimulation des investissements par le biais du crédit maritime

Le Crédit maritime a été organisé par la loi du 4 décembre 1913 pour soutenir l’activité maritime : « faciliter les activités liées à la pêche et à la conchyliculture, se faisant l'écho de la volonté de financer dans un esprit de solidarité le secteur de la pêche et des cultures marines » (6). Cette banque a toujours développé une stratégie de proximité avec le milieu marin. Elle est d’ailleurs partenaire de la Société nationale de sauvetage en mer (SNSM). La diversification de ses activités lui a permis de mieux accompagner le secteur maritime dans ses propres mutations.

Le Crédit maritime a, au fil du temps, diversifié ses activités et gagné l’autonomie qu’appelait le développement de celles-ci. Le lien avec la puissance publique s’est de fait atténué. L’adossement du crédit maritime mutuel au groupe BPCE (Banque populaire et Caisse d’épargne), deuxième groupe bancaire français s’est fait entre 2005 et 2013. Pour cette raison, les dispositions de code monétaire et financier, dont la suppression est proposée par l’article 21 de la proposition de loi, sont de fait tombées en désuétude.

Cet article introduit une série de modifications qui modernisent le régime de cette banque et supprime la tutelle du ministre chargé des pêches maritimes, notamment l’approbation ministérielle des statuts et des modalités de dissolution des caisses ainsi que la suppression de la commission supérieure du crédit maritime mutuel. Cette commission, qui comprend six parlementaires, ne s’est pas réunie depuis 10 ans.

3. L’adaptation de l’assurance des énergies marines renouvelables

Les énergies marines renouvelables (EMR) désignent l’ensemble des technologies permettant de produire de l’électricité à partir des différentes forces ou ressources du milieu marin :

– l’éolien marin, c’est-à-dire la force des vents,

– l’énergie thermique des mers, c’est-à-dire les différences de température entre la surface des mers et le fond pour produire de la chaleur ou du froid,

– l’hydrolien, c’est-à-dire la force mécanique des courants marins, le marémoteur,

– la force des marées par les vagues.

L’énergie marine, en particulier l’éolien offshore est un marché jeune et de haute technologie. L’importance du domaine maritime français offre des perspectives prospères aux EMR. Celles-ci ne produisent pas de gaz à effet de serre, n’impliquent aucune dépendance à une matière première non renouvelable et ne présentent aucun risque géopolitique. En outre, la filière est potentiellement source d’emplois locaux non délocalisables.

Soutenir le développement de ces énergies passe par l’adoption de conditions assurantielles plus souples que le droit commun de l’assurance. Encore très timides, les investissements dans ce type d’installations ne pourront se développer que si des assureurs s’engagent pour couvrir ces projets.

Les installations EMR sont aujourd’hui soumises au même régime assurantiel que les installations situées à terre, sur le territoire national. Ces installations encourent des risques proches de ceux des navires. En n’étant pas soumis au régime légal obligatoire, les véhicules maritimes sont exclus de l’obligation d’assurance contre le risque terroriste et les catastrophes naturelles. Ces véhicules sont libres de contracter les polices d’assurance qu’ils jugent nécessaires. L’article 19 de la proposition de loi adapte en conséquence le code des assurances à ces installations en les intégrant à la liste des grands risques définis à l’article L. 111-6 du même code.

TRAVAUX DE LA COMMISSION

I. DISCUSSION GÉNÉRALE

Lors de sa réunion du mardi 27 octobre 2015, la commission a examiné pour avis, sur le rapport de Mme Annick Le Loch, la proposition de loi relative à l’économie bleue (n° 2964).

Mme la présidente Frédérique Massat. Nous examinons aujourd’hui le rapport pour avis de Mme Annick Le Loch sur la proposition de loi relative à l’économie bleue. La Commission s’est saisie de huit articles de ce texte ; dix-sept amendements ont été déposés dont un, le CE3, de M. Baupin, a été déclaré irrecevable, au titre de l’article 38 de la Constitution, puisqu’il visait à étendre le champ d’une habilitation législative.

Mme Annick Le Loch, rapporteure pour avis. Notre commission s’est saisie pour avis de la proposition de loi pour l’économie bleue qui a pour ambition de soutenir et développer l’économie maritime, secteur pourvoyeur de 310 000 emplois directs et qui est à l’origine de 69 milliards d’euros de chiffre d’affaires. Les activités de pêche et d’aquaculture créent chaque année environ 1 milliard d’euros de chiffre d’affaires, c’est une économie nourricière, qui crée des emplois indirects sur les quelque 7 200 kilomètres de côtes françaises.

Alors que l’économie bleue n’a fait l’objet que de peu d’initiatives parlementaires, le texte dont nous sommes saisis a l’ambition de faire en sorte que le secteur maritime et aquacole français soit durable, compétitif et structuré. La préservation des ressources, les problématiques environnementales et le secteur maritime, en tant que moyen de transport, ont justifié que cette proposition de loi soit renvoyée à la commission du développement durable, mais trois enjeux justifient la saisine pour avis de notre commission.

En premier lieu, l’importance économique du secteur aquacole, et en particulier conchylicole : la production française bénéficie d’une position de leader sur le marché de l’huître – 85 % de la production européenne – mais la profession, mal reconnue, est pratiquement absente du code rural et de la pêche maritime comme du code de l’environnement. La présente proposition de loi vise à combler cette lacune en intégrant dans la législation les dispositions relatives au secteur aquacole. Le texte prend également en compte les enjeux d’une profession soumise à des exigences de qualité des eaux et des produits. En effet, le défi sanitaire et environnemental constitue une lourde contrainte pour cette activité régulièrement confrontée à des épisodes de forte mortalité des naissains. Nos travaux de ce jour sont donc placés sous l’égide des deux impératifs que représentent la sécurité des élevages et la protection des consommateurs.

Deuxième enjeu : le soutien aux entreprises maritimes ; cette activité occupe 17 000 marins, et 460 000 tonnes de poisson sont débarquées chaque année. Les retombées économiques indirectes du secteur sont nombreuses, or sa balance commerciale est déficitaire. C’est pourquoi la présente proposition de loi comporte des dispositions tendant à soutenir les entreprises de pêche afin de favoriser le renouvellement de la flotte et de consolider le statut de société de pêche artisanale. J’ai toutefois déposé un amendement ramenant à la limite légale actuelle de deux navires exploités les entreprises qui en bénéficient. Ces sociétés sont en effet celles qu’il faut soutenir en priorité, tout en prenant garde de ne pas dévoyer le statut ni de créer les conditions d’une concurrence déloyale entre entreprises de pêche.

De nombreux éléments de simplification sont proposés dans le domaine social pour les pêcheurs à pied, dans le domaine professionnel pour les comités des pêches et des organisations de producteurs, dans le domaine judiciaire pour les gardes jurés et, enfin, dans le domaine entrepreneurial.

Par ailleurs, l’article 22 de la proposition de loi améliore l’information du consommateur sur l’origine des produits aquatiques en prévoyant la mention du pays d’origine des produits aquatiques dans les restaurants et points de vente à emporter : je présenterai un amendement rendant cet affichage facultatif, afin de ne pas alourdir les contraintes qui pèsent sur professionnels de la restauration.

Il faut enfin diversifier les activités des pêcheurs et stimuler les investissements en mer. La proposition de loi prévoit la remise, par le Gouvernement, de rapports sur le pescatourisme, activité qui permet de diversifier les revenus des pêcheurs. Les conséquences pour les professionnels, pour la biodiversité et pour l’environnement de la pêche récréative des particuliers, qui prélève une part importante de la ressource halieutique, sont prises en compte. Le statut du Crédit maritime est simplifié afin, notamment, de supprimer la tutelle de l’État sur ses activités. Les conditions assurantielles des énergies marines renouvelables sont allégées : celles-ci bénéficieront des mêmes conditions que les navires, afin de susciter l’intérêt des coassureurs étrangers pour ces investissements.

Sous la réserve de l’acceptation des modifications que j’ai évoquées, je donnerai un avis favorable à l’adoption des articles de cette proposition de loi.

M. Jean-Pierre Le Roch. Je centrerai mon intervention sur le thème de l’algoculture. Les filières agricoles françaises sont en crise et ont besoin de rebondir ; l’économie bleue constitue une chance qu’il ne faut pas laisser passer. Le contexte du changement climatique appelle la nécessité du développement de ressources nouvelles : la mer est la ferme du futur.

La demande sociétale et environnementale s’accroît, singulièrement dans le domaine maritime, notamment en Bretagne, au sujet de la prolifération des algues vertes. Le développement d’une filière « algues » permettrait d’y apporter des réponses. La récolte en mer de ces algues avant leur échouage bloque le processus de leur décomposition mortifère, et, en concourant à limiter leur prolifération, atténue le phénomène.

Les algues représentent le premier puits de carbone de la planète ; elles ne nécessitent pas d’intrants ajoutés, ne sont pas issues des cultures d’organismes génétiquement modifiés (OGM), n’entrent pas en compétition avec les cultures terrestres pour les ressources en terre et en eau douce ; elles représentent par ailleurs un apport net en termes de sécurité alimentaire. Leur composition, qui reflète la richesse de la mer, fait d’elles une extraordinaire source de nutriments et d’ingrédients fonctionnels.

Depuis la création en 1970 de la station marine de Roscoff, mondialement reconnue, la France bénéficie d’une expertise scientifique unique. Transformer cette expertise en processus industriel, ce qui est au cœur de l’économie bleue, permettrait à notre pays de gagner une position de leader mondial.

Mme Michèle Bonneton. Notre groupe a déposé plusieurs amendements résumant notre conception de l’activité maritime qui, à nos yeux, doit être durable. Les pratiques de ces dernières années ont toutefois montré que c’est plus simple à dire qu’à faire…

La mer n’est pas qu’un espace économique exploitable ; il semble illusoire de parvenir à son exploitation durable si l’on se borne à considérer les espaces marins comme des zones économiquement rentables, car l’enjeu de biodiversité est extrêmement important.

Nos amendements portent sur deux principaux domaines, le premier étant l’aquaculture qui, si elle peut répondre à l’effondrement des stocks de poisson, doit être intelligente. En France, nous avons l’expérience d’une aquaculture de coquillages respectueuse de l’environnement. L’aquaculture de poisson doit relever de la même vision : elle doit être pratiquée en milieu fermé afin de contrôler les effluents, d’éviter la pollution du milieu marin, et privilégier la culture d’espèces herbivores – à cet égard, quelque chose pourrait être fait avec les algues dont M. Le Roch vient de nous parler. Il serait vain de répondre à la surpêche en développant une aquaculture de poissons carnivores qui nécessite la pêche de poissons sauvages pour les nourrir, à raison de trois à dix kilos de poisson pêché pour un kilo de poisson produit ! L’impact écologique de ce type d’aquaculture est très lourd et contribue à vider nos océans.

Nous avons également déposé des amendements concernant l’extraction minière en mer, qui doit être respectueuse de l’environnement, ce qui implique de ne pas exploiter les zones telles que celles classées « Natura 2000 » ni d’autoriser les extractions susceptibles d’avoir un impact sur les zones protégées, comme cela a récemment été le cas en baie de Lannion, car nous savons que l’extraction de sable peut être très dommageable.

Un de nos amendements a été jugé irrecevable ; il traite des énergies renouvelables. Nous avions souhaité permettre l’élargissement de la procédure de permis unique pour les éoliennes en mer à la zone économique exclusive, allant ainsi au-delà de ce qui est actuellement prévu pour le seul domaine maritime public. Cet amendement aurait favorisé l’expansion de ces énergies. Il avait déjà été déposé et discuté sans encombre, et dans des termes identiques, lors de la discussion du projet de loi relatif à la biodiversité ; nous comprenons donc mal pourquoi il a été refusé cette fois-ci. Cette question est essentielle, et il est regrettable qu’elle ne puisse pas être discutée aujourd’hui : aussi proposerons-nous une nouvelle rédaction pour la séance, laquelle ne devrait cependant avoir lieu que dans plusieurs mois…

Les nombreuses mesures relatives au pavillon français étaient attendues. Il est vrai que les dispositions législatives et réglementaires sont dispersées dans divers codes et sont très complexes. Elles dissuadent les opérateurs d’immatriculer leur flotte en France, le travail législatif est en cours ; restera à réaliser le travail réglementaire, sans doute encore plus important.

II. EXAMEN DES ARTICLES

Article 13
Compléter les finalités de la politique des pêches et de l’aquaculture

La commission émet un avis favorable à l’adoption de cet article, sans modification.

Après l’article 13

Suivant l’avis défavorable de la rapporteure, la commission rejette l’amendement CE4 de Mme Laurence Abeille.

Puis elle examine l’amendement CE5 de Mme Laurence Abeille.

M. Denis Baupin. Cet amendement vise à développer une analyse différenciée selon que l’on considère la culture de poissons carnivores ou herbivores, pour les raisons qu’indiquait Mme Bonneton voici quelques instants.

Mme la rapporteure pour avis. Par principe, je ne suis pas favorable à la demande de rapports supplémentaires. Le sujet est certes intéressant et la culture de poissons carnivores peut poser problème dans les zones de pêche, en Afrique notamment où la question alimentaire est récurrente. Mais, à mon sens, le Parlement peut se saisir d’un tel sujet sans attendre un rapport du Gouvernement. Je vous suggère donc de retirer l’amendement.

M. Denis Baupin. Notre intention est précisément de connaître l’avis du Gouvernement, ainsi que celui du rapporteur de la commission saisie au fond. Nous retirons l’amendement, mais le redéposerons en séance.

L’amendement est retiré.

Article 14
Renforcer les mesures en direction du secteur aquacole

La commission émet un avis favorable à l’adoption de cet article, sans modification.

Après l’article 14

La commission est saisie de l’amendement CE6 Mme Laurence Abeille.

M. Denis Baupin. Cet amendement vise à mieux protéger les espèces menacées d’extinction en interdisant leur capture, qu’elle soit ciblée ou accessoire, ainsi que leur commercialisation.

Mme la rapporteure pour avis. Votre amendement est déjà quasiment satisfait puisqu’aujourd’hui la Commission européenne détermine les quotas, et lorsque l’espèce menacée n’est pas au rendement maximal durable, le quota est pratiquement ramené à zéro. Dans ce contexte, interdire certaines pêches en France seulement serait inefficace. Les taux admissibles de capture sont actualisés chaque année, au mois de décembre ; la Commission prépare des propositions fondées sur des avis scientifiques relatifs à l’état des stocks établi par des organismes consultatifs tels que le Conseil international pour l’exploration de la mer (CIEM) et le Comité scientifique, technique et économique de la pêche (CSTEP).

Par ailleurs, un débat national s’est déjà tenu à l’occasion de l’examen du projet de loi relatif à la biodiversité, notamment dans le cadre de la modification de l’article L. 945-4 du code rural et de la pêche maritime, qui punit déjà d’une amende de 22 500 euros, lorsque la capture concerne une espèce menacée, le fait de la mettre en vente, de la stocker, de la transporter, de l’exposer ou, en connaissance de cause, de l’acheter.

La commission rejette l’amendement.

Article 15
Conforter la place de l’aquaculture dans la définition de la politique
des pêches et de l’aquaculture et élargir
la définition de la société de pêche artisanale

La commission étudie l’amendement CE7 de Mme Laurence Abeille.

Mme Michèle Bonneton. Cet amendement vise à élargir la consultation du public sur les demandes d’installation d’une ferme aquacole, une enquête publique de quinze jours nous paraissant insuffisante. La Charte de l’environnement, texte à valeur constitutionnelle, prévoit de telles consultations pour toute implantation ayant un impact sur l’environnement.

Mme la rapporteure pour avis. Nous avons entendu les professionnels et les comités nationaux, qui ont fait valoir que, dans notre pays, les difficultés d’installation sont considérables et les procédures bien plus longues qu’ailleurs. Nous constatons, en outre, que notre aquaculture stagne, l’essentiel de la production aquacole étant asiatique. Cette participation accrue du public ne nous paraît donc pas nécessaire, puisqu’elle existe déjà dans le cadre de l’établissement des schémas régionaux ; c’est pourquoi mon avis est défavorable.

Mme Michèle Bonneton. Nous demandons simplement le respect de l’article L. 120-1 du code de l’environnement, car ces activités aquacoles sont susceptibles d’avoir un impact considérable non seulement sur l’environnement, mais également sur les autres activités côtières.

Mme la rapporteure pour avis. L’article L. 432-2 du code de l’environnement punit déjà de deux ans d’emprisonnement « le fait de jeter, déverser ou laisser écouler […], directement ou indirectement, des substances quelconques dont l’action ou les réactions ont détruit le poisson ou nui à sa nutrition, à sa reproduction ou à sa valeur alimentaire ». Bref, à notre sens, il est inutile d’aller plus loin.

La commission rejette l’amendement.

Puis elle se saisit de l’amendement CE9 de Mme Laurence Abeille.

Mme Michèle Bonneton. Cet amendement complète le précédent. Les installations aquacoles peuvent polluer le milieu marin, et nous savons très bien que le personnel manque pour effectuer tous les contrôles nécessaires. Cette pollution peut être due à des produits phytosanitaires, à des résidus de médicaments ainsi qu’à des produits alimentaires s’échappant des bassins. Aussi proposons-nous que ces fermes aquacoles soient installées en milieu confiné, sur la terre ferme.

Suivant l’avis favorable de la rapporteure pour avis, la commission adopte l’amendement.

Elle examine ensuite l’amendement CE8 de Mme Laurence Abeille.

Mme Michèle Bonneton. Nous proposons d’impliquer les associations de défense de l’environnement dans l’établissement des schémas régionaux de l’aquaculture marine. L’implantation d’une ferme aquacole peut avoir un impact sur l’environnement et les côtes sont des espaces de pluriactivité : pêche, nature, etc. L’activité des uns y est donc susceptible de nuire à celle des autres.

Mme la rapporteure pour avis. Je comprends bien l’intention des auteurs de l’amendement, mais il me semble que la réglementation en vigueur est suffisamment contraignante : j’ai évoqué tout à l’heure les difficultés d’installation, les lenteurs administratives et la longueur de l’instruction. L’enquête publique permet d’ores et déjà aux associations de protection de l’environnement de s’informer, comme elles savent le faire, au sujet des schémas régionaux de l’aquaculture. Cela nous semble suffisant pour l’instant.

M. Denis Baupin. La question de la concertation en amont occupe de plus en plus les esprits ; après le drame de Sivens, le Président de la République a pris un engagement, notamment dans la perspective de la Conférence Paris Climat 2015 (COP21). Il ne s’agit pas de construire une nouvelle usine à gaz, mais de faire participer les associations de défense de l’environnement à l’élaboration d’un schéma, de façon à anticiper les problèmes. La concertation en amont permet d’éviter des situations de blocage ultérieures.

Mme la rapporteure pour avis. Je comprends votre souci, mais, parmi les schémas régionaux de développement de l’aquaculture marine en cours d’élaboration, certains sont déjà approuvés, notamment dans le sud de la France, d’autres ne le sont pas encore. C’est la loi n° 2010-874 du 27 juillet 2010 de modernisation de l’agriculture et de la pêche qui a prévu l’établissement de ces schémas, les décrets et circulaires d’application ayant été pris en 2011. Mais les étapes de l’élaboration des schémas sont longues et sont les suivantes : établissement de la cartographie des sites existants et propices, concertation interservices, consultation des collectivités locales et des usagers, consultation du conseil maritime de façade (CMF), consultation du public avant adoption. Cela prend donc un certain nombre d’années, ce qui explique que certains schémas ne soient pas encore approuvés, ainsi que nous le rapportent les préfets chargés de suivre leur élaboration. Il ne paraît pas nécessaire d’associer à la concertation des acteurs supplémentaires, et mon avis reste défavorable.

M. Denis Baupin. S’il s’agit simplement d’une question d’égalité de traitement entre schémas déjà adoptés et schémas en cours d’élaboration, nous pourrions trouver une formulation prévoyant la participation des associations au moment de la révision ou du renouvellement des schémas. Ce serait de nature à améliorer le dialogue environnemental.

Mme la rapporteure pour avis. Il ne s’agit pas d’une question d’inégalité de traitement entre régions, mais de l’objet même des procédures d’adoption des schémas, qui est de parvenir à un consensus portant sur les divers usages du littoral et à l’utilisation du domaine public. C’est une recherche qui, par construction, prend du temps.

M. Arnaud Leroy, rapporteur de la commission du développement durable et de l’aménagement du territoire. La question du dialogue environnemental pose celle de la représentativité des interlocuteurs. Notre collègue Sabine Buis travaille sur ce sujet, et je crois qu’il ne faut pas brûler les étapes. C’est une problématique que l’on retrouve dans nombre d’autres domaines : pour aboutir collectivement à un dialogue constructif, il faut établir des justes critères de représentativité des associations ayant vocation à y participer.

La commission rejette l’amendement.

Puis elle se saisit de l’amendement CE2 de la rapporteure pour avis.

Mme la rapporteure pour avis. Cet amendement vise à rétablir la limite de deux navires entrant dans la définition de la société de pêche artisanale, qui bénéficie d’un régime social et fiscal avantageux. Le dispositif qui nous est proposé tend en effet à ouvrir trop largement ces avantages, au risque d’aboutir à une concurrence exacerbée entre les différentes sociétés de pêche.

La commission adopte l’amendement.

Elle émet ensuite un avis favorable à l’adoption de l’article 15, ainsi modifié.

Article 16
Engager une réflexion approfondie sur le pescatourisme et la commercialisation directe ainsi que sur la pêche récréative

La commission émet un avis favorable à l’adoption de l’article 16, sans modification.

Article 18
Renforcer la prise en compte des problématiques conchylicoles en matière de police de l’eau et de réglementation territoriale

La commission émet un avis favorable à l’adoption de l’article 18, sans modification.

Après l’article 18

La commission est saisie de l’amendement CE11 de Mme Laurence Abeille.

Mme Michèle Bonneton. Les huîtres triploïdes colonisent actuellement les milieux naturels et déstabilisent les autres élevages. Bien que ces huîtres soient répertoriées comme des organismes vivants modifiés, aucun étiquetage particulier n’est obligatoire. Au lieu de dix paires de chromosomes composant l’appareil génétique naturel, les huîtres triploïdes possèdent des triplets de chromosomes, d’où leur dénomination. Leurs larves ne peuvent être produites qu’en écloserie alors que les naissains naturels se récoltent habituellement en mer. Ces huîtres sont stériles, de ce fait, elles sont consommables toute l’année, c’est pourquoi on les appelle « huîtres quatre saisons » car, à la différence des huîtres diploïdes, elles ne sont pas laiteuses en été.

Les huîtres triploïdes ont été massivement introduites dans le milieu en l’absence de toute étude d’impact, et l’on constate aujourd’hui qu’elles affectent à la fois les autres huîtres et la biodiversité. Depuis 2008, des surmortalités de naissains et de juvéniles sont observées chez les huîtres creuses dans l’ensemble des bassins de reproduction français. Elles ont déjà provoqué une baisse de 40 % de notre tonnage ; cette hécatombe est largement imputable à un virus qui n’a cessé de se propager.

L’étiquetage permettrait d’informer les consommateurs et préserverait la production traditionnelle.

Mme la rapporteure pour avis. Mon avis est défavorable. Les premières victimes de la mortalité des naissains et du manque de diversité des espèces d’huîtres sont les professionnels, puisque la crise de la production dure depuis près de dix ans. Il faut donc trouver de nouvelles variétés plus résistantes que la triploïde que vous évoquez, mais on ne peut pas aujourd’hui contraindre les professionnels à des obligations supplémentaires en leur imposant un étiquetage. Des recherches sont en cours, le Gouvernement accompagne les ostréiculteurs, et j’espère que, dans les prochaines années, nous saurons diversifier la production et, surtout, la rendre plus solide.

M. Philippe Le Ray. Je partage l’avis de notre rapporteure. Il ne faut pas mélanger les sujets : l’huître naturelle est la plus commercialisée dans notre pays, mais l’huître triploïde peut être produite hors saison. Les consommateurs le savent parfaitement puisque les producteurs – qui sont aussi les vendeurs – l’expliquent clairement à leurs clients.

Attribuer la virologie et la mortalité qui affectent les huîtres à l’introduction des triploïdes revient à confondre deux choses bien distinctes. Il a été constaté que les huîtres naturelles sont plus résistantes, alors qu’elles ont autant été touchées que les triploïdes. Les producteurs sortent de cinq années de crise ; ne leur créons pas de nouveaux et faux problèmes.

Mme Michèle Bonneton. Bien que laiteuses en été, les huîtres naturelles sont consommables toute l’année : c’est une question de goût… Il ne s’agit donc pas d’un problème de vente pour les ostréiculteurs. D’aucuns nient tout lien de cause à effet entre l’introduction des triploïdes et les déséquilibres observés, mais ce n’est pas l’avis d’autres producteurs.

Le consommateur a le droit de savoir s’il achète des huîtres naturelles ou des organismes vivants modifiés, ce qui n’est pas la même chose.

La commission rejette l’amendement.

Elle en vient ensuite à l’examen de l’amendement CE10 de Mme Laurence Abeille.

M. Denis Baupin. Le chalutage en eaux profondes a provoqué une large mobilisation de l’opinion publique, ainsi que de nombreux débats qui n’ont guère abouti. Aussi proposons-nous qu’un décret en Conseil d’État précise les conditions dans lesquelles il sera mis un terme à cette forme de pêche.

Mme la rapporteure pour avis. Avis défavorable. Ainsi que vous venez de le dire, le sujet est régulièrement évoqué : il l’a d’ailleurs été lors de l’examen du projet de loi relatif à la biodiversité et l’Assemblée nationale a rejeté cet amendement. Toutefois, le Sénat ayant adopté, si je ne m’abuse, un amendement similaire, l’affaire reste à suivre…

Les dispositions encadrant la pratique de la pêche en eaux profondes sont actuellement débattues à l’échelon européen. Le Parlement européen a pris position sur le projet de règlement, et le Conseil doit aboutir à un accord à la fin de l’année. Les orientations sont connues : elles ne se fondent pas sur l’interdiction, mais limitent l’activité aux zones déjà exploitées – ce que l’on appelle l’empreinte – et garantissent la protection des habitats sensibles.

Il ne me semble pas cohérent de pénaliser les pêcheurs français qui se verraient désavantagés par rapport à leurs concurrents européens. Les négociations, je le répète, sont en cours, et le Gouvernement s’est exprimé par la voix de la ministre chargée de l’écologie.

M. Yannick Moreau. Je soutiens la rapporteure dans ce débat que, pour des motifs plus idéologiques que fondés sur une véritable analyse, nos collègues écologistes nous imposent une fois de plus. Cessons de sacrifier notre pêche sur l’autel de l’idéologie ; nos pêcheurs qui luttent pour leur survie n’ont pas les mêmes priorités que vous, M. Baupin.

M. Philippe Le Ray. À l’occasion de l’examen du projet de loi relatif à la biodiversité, nous avions adopté un amendement cohérent sur la politique de la pêche de notre pays. Il faut faire confiance aux pêcheurs, qui ont conscience des problèmes et adaptent leur pratique : la pêche en eaux profondes n’est pas le massacre que vous décrivez. Je souhaite simplement appeler votre attention sur le fait que l’adoption de cet amendement mettrait en grande difficulté le secteur de Lorient, car 3 000 emplois, sans compter les emplois indirects, sont concernés.

M Denis Baupin. Il ne faut caricaturer ni dans un sens, ni dans l’autre : affirmer que l’ensemble de la pêche française serait mis en danger en cas d’abandon de la pêche en eaux profondes est excessif. Ceux qui pratiquent aujourd’hui la pêche en eaux profondes, ce ne sont pas les petits pêcheurs mais la grande distribution : c’est une pêche industrielle pratiquée avec des bateaux usine.

Nous voulons soutenir la ministre chargée de l’écologie dans les discussions internationales et européennes en cours, car chacun sait que les principales réticences sont françaises, MM. Moreau et Le Ray viennent de l’illustrer à l’envi. Nous ne souhaitons pas aboutir dès à présent à une interdiction définitive, mais apporter notre soutien à la ministre dans son combat contre la pêche en eaux profondes.

Mme la rapporteure pour avis. Je rappelle que cette pêche est contrôlée, les quotas étant limités au « rendement maximal durable », et qu’elle n’est pas le fait des seuls navires industriels : il y a dans le quartier de pêche du Guilvinec des chalutiers de moins de 24 mètres auxquels sont attribués de petits quotas pour des espèces bien précises.

Je propose que nous nous conformions à la réglementation européenne, qui gèle l’empreinte et prohibe l’ouverture de nouvelles zones de pêche, quelles que soient la profondeur et la création de zones fermées à la pêche en cas de présence avérée d’écosystèmes marins vulnérables, même là où elle est autorisée aujourd’hui.

La commission rejette l’amendement.

Article 19
Instituer un régime d’assurance adapté pour les installations
d’énergies marines renouvelables

La commission émet un avis favorable à l’adoption de l’article 19, sans modification.

Après l’article 19

La commission examine les amendements CE12 et CE13 de Mme Laurence Abeille.

Mme Michèle Bonneton. L’amendement CE12 vise à supprimer le troisième alinéa du I de l’article L. 332-2 du code de l’environnement, qui prévoit que les activités minières ne peuvent être interdites et réglementées que dans les seules réserves naturelles nationales.

L’amendement CE13 tend à réglementer ces activités dans d’autres espaces protégés comme les parcs marins, les parcs marins régionaux, les zones « Natura 2000 », etc.

Si nous réclamons plus de réglementation des activités minières ou de pêche destructrices du milieu marin, ce n’est pas par lubie idéologique, mais pour sauvegarder l’activité de nos pêcheurs.

Mme la rapporteure pour avis. La législation en vigueur est le fruit d’un compromis préservant l’équilibre entre les nécessités environnementales et économiques. Les activités minières sont déjà encadrées, et il n’existe pas d’interdiction générale : l’appréciation est donnée cas par cas. Par ailleurs, il me semble que le débat a déjà eu lieu dans le cadre de l’examen, en cours, du projet de loi relatif à la biodiversité et qu’un rapport sera demandé au Gouvernement afin d’évaluer l’impact environnemental et économique de l’extraction des granulats marins.

La ressource halieutique diminue, certes, mais elle est contrôlée et gérée grâce à la réglementation européenne. Toutes les espèces ne sont pas encore sous quota, mais on pêche moins car les marins sont moins nombreux.

M. Yannick Moreau. Afin d’apporter un peu d’eau salée au moulin de notre rapporteure (Sourires), je dirai que les activités humaines dans les zones protégées sont déjà suffisamment encadrées par toutes sortes de dispositifs pour qu’il ne soit pas nécessaire d’en rajouter. Nous sommes les champions du monde des contraintes supplémentaires !

M. Philippe Le Ray. Dans les espaces marins, il faut tenir compte des grands estuaires, comme celui de la Loire ou d’autres, dans lesquels l’extraction de sable, outre son intérêt économique, présente celui de permettre la navigation. Il n’est donc pas souhaitable de la contraindre par voie d’interdiction.

Mme Michèle Bonneton. La baie de Lannion, pour prendre cet exemple, est menacée par un projet d’extraction de 400 000 mètres cubes de sable coquillier par an sur une période de vingt ans, soit un total 8 millions de mètres cubes. L’opération serait pratiquée à partir d’une dune située à la pointe de Lannion, à moins de deux kilomètres de deux zones classées « Natura 2000 ». Ce sable coquillier servirait à amender des sols destinés à la culture maraîchère.

La commission rejette successivement les deux amendements.

Article 21
Finaliser le processus d’adossement du Crédit maritime mutuel au groupe des banques populaires et des caisses d’épargne

Suivant l’avis défavorable de la rapporteure, la commission rejette l’amendement CE14 de Mme Laurence Abeille.

Puis elle émet un avis favorable à l’adoption de l’article 21, sans modification.

Article 22
Assurer l’information, sur les cartes de restaurant, sur l’origine des produits aquatiques proposés

La commission est saisie de l’amendement CE15 de Mme Laurence Abeille.

Mme Michèle Bonneton. Cet amendement vise à étendre à la restauration collective l’obligation d’étiquetage géographique des produits issus de la mer.

Suivant l’avis favorable de la rapporteure pour avis, la commission adopte l’amendement.

Puis elle étudie l’amendement CE1 de la rapporteure pour avis.

Mme la rapporteure pour avis. Cet amendement propose de rendre facultative la mention du pays d’origine des produits aquatiques proposés dans la restauration. En effet, le pays d’origine des poissons est plus difficile à déterminer que celui des crustacés.

M. Dominique Potier. Pour bien connaître les produits de la terre, il me semble que la traçabilité représente un enjeu majeur et que le made in France, ou ce qu’on pourrait appeler le « made in terroir », répond à une réelle attente, d’où ma surprise devant cette proposition.

Mme la rapporteure pour avis. La commission du développement durable examinera un amendement visant à spécifier les zones de pêche et l’origine géographique des produits aquacoles.

M. Philippe Le Ray. Je comprends l’embarras de notre rapporteure pour défendre un amendement qui s’écarte de la tendance actuelle, et bienvenue, à renforcer la traçabilité des produits. Qu’il vienne de France ou d’Espagne, un poisson reste un poisson, mais le consommateur d’aujourd’hui veut être informé de l’origine des produits de l’aquaculture. Adopté tel quel, l’amendement qui nous est proposé adresserait un message négatif aux restaurateurs et aux autres professions gravitant autour de la pêche.

La commission adopte l’amendement.

Elle examine ensuite les amendements CE16 et CE17 de Mme Laurence Abeille.

Mme Michèle Bonneton. L’étiquetage des produits doit permettre au consommateur de les acheter en toute connaissance de cause. L’amendement CE16 consiste à imposer que l’étiquetage indique explicitement si le produit concerné provient ou non d’une pêcherie certifiée comme durable.

Quant à l’amendement CE17, il vise à ce que la date de prise des produits de la mer transformés soit clairement mentionnée.

Mme la rapporteure pour avis. Avis défavorable aux deux amendements. La réglementation européenne garantit déjà le caractère durable des pêches, puisqu’elles ne peuvent être pratiquées qu’à la condition de répondre aux critères du rendement maximal durable.

La commission rejette successivement les deux amendements.

Puis elle émet un avis favorable à l’adoption de l’article 22, ainsi modifié.

M. Yannick Moreau. Au nom du groupe Les Républicains, je tiens à signifier que nous ne prenons pas part au vote sur l’ensemble des articles de cette proposition de loi dont notre commission s’est saisie. Nous mettrons à profit les débats de la commission du développement durable ainsi que ceux en séance publique pour exposer plus avant nos positions.

La commission émet un avis favorable à l’adoption de l’ensemble des dispositions dont elle est saisie, ainsi modifiées.

LISTE DES PERSONNES AUDITIONNÉES

(par ordre chronologique)

Membres du cabinet du Secrétaire d'État chargé des transports, de la mer et de la pêche et des directions concernées

M. Claude Morel, directeur de cabinet

M. Christophe Lenormand, conseiller mer

M. Eamon Mangan, conseiller pêche

Mme Constance Deler, conseillère parlementaire

M. François Poupard (DGITM – directeur)

Mme Régine Bréhier (DGITM- direction des affaires maritimes)

Mme Laure Tourjansky (DPMA – directrice adjointe)

Syndicat des énergies renouvelables

M. Jean-Louis Bal, président

M. Damien Mathon, délégué général

M. Alexandre de Montesquiou, consultant

Cluster maritime français

M. Frédéric Moncany de Saint-Aignan, président

Comité national de la Conchyliculture (CNC)

M. Gérald Viaud, président,

M. Philippe Maraval, directeur général

M. Charles-Louis Ponchy Pommeret, chargé des affaires juridiques

Comité national des pêches maritimes

M. Hubert Carré, directeur général

Mme Julie Maillet, juriste

M. Pierre-Étienne Brouté, juriste

Via Aqua

M. Philippe Balma, président du Syndicat français de l'aquaculture marine et nouvelles (SAFMN), directeur général « Les poissons du soleil »

M. Dominique Duval, représentant des élevages marins au Comité national des pêches maritimes et des élevages marins

M. Benoît Vidal-Giraud, directeur associé de Via Aqua, conseil et prospective en produits de la mer

© Assemblée nationale

1 () Source : ministère de l’agriculture, de l’agroalimentaire et de la forêt

2 () Source : DPMA, 2012

3 () FranceAgriMer

4 () Rapport FranceAgriMer 2011 - Les filières pêche et aquaculture en France

5 () Organisation des Nations Unies pour l’alimentation et l’agriculture (FAO, Food and Agriculture Organization)

6 () Site institutionnel du Crédit maritime.