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N
° 3619

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ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

QUATORZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 30 mars 2016.

RAPPORT

FAIT

AU NOM DE LA COMMISSION DES LOIS CONSTITUTIONNELLES, DE LA LÉGISLATION ET DE L’ADMINISTRATION GÉNÉRALE DE LA RÉPUBLIQUE SUR LA PROPOSITION DE LOI ORGANIQUE (n° 3236), ADOPTÉE PAR LE SÉNAT, relative au statut des autorités administratives indépendantes créées par la Nouvelle-Calédonie,

PAR M. Philippe GOMES

Député

——

Voir les numéros :

Sénat : 574 (2014-2015), 135, 136 et T.A. 39 (2015-2016).

SOMMAIRE

___

Pages

INTRODUCTION 5

A. LA CRÉATION D’UNE AUTORITÉ DE LA CONCURRENCE DE LA NOUVELLE-CALÉDONIE 6

B. L’IMPOSSIBILITÉ PRATIQUE DE LA CONSTITUTION DE L’AUTORITÉ DE LA CONCURRENCE DE LA NOUVELLE-CALÉDONIE 7

C. LE DISPOSITIF DE LA PROPOSITION DE LOI ORGANIQUE 8

EXAMEN EN COMMISSION 11

TABLEAU COMPARATIF 15

INTRODUCTION

Mesdames, Messieurs,

Pour la seconde fois en un peu plus de quatre mois, l’Assemblée nationale est invitée à se prononcer sur le statut des autorités administratives indépendantes créées par la Nouvelle-Calédonie.

La loi organique n° 2013-1027 du 15 novembre 2013, portant actualisation de la loi organique n° 99-209 du 19 mars 1999 relative à la Nouvelle-Calédonie, a doté la collectivité calédonienne de la faculté de créer des autorités administratives indépendantes.

En l’occurrence, la Nouvelle-Calédonie avait fait état de son intention d’instituer une autorité locale de la concurrence afin de corriger les déficiences constatées sur le marché des biens et des services (1). La garantie d’une concurrence libre et non faussée, qui aurait pour conséquence une baisse du niveau général des prix, apparaît nécessaire à la population comme aux institutions.

Toutefois, malgré le consensus général que suscite cette perspective dans l’archipel, la volonté de créer une autorité locale de la concurrence s’est heurtée à l’excessive rigueur imposée par la loi organique en ce qui concerne le régime des incompatibilités auxquels seraient assujettis les membres non permanents du collège. Les contraintes de recrutement ne permettent effectivement pas l’application, à Nouméa et dans l’espace Pacifique, de règles conçues pour la situation de Paris et du continent européen, distants de quelque 16 000 kilomètres. Votre rapporteur a alerté à plusieurs reprises les autorités nationales, gouvernementales et parlementaires, de la nécessité d’une action législative rapide pour lever l’obstacle malencontreusement opposé à l’initiative locale.

Dès l’été 2015, votre rapporteur et plusieurs de ses collègues ont déposé sur le Bureau de l’Assemblée nationale une proposition de loi organique tendant à faciliter la création d’autorités administratives indépendantes en Nouvelle-Calédonie (2). Ce texte a été adopté unanimement par les députés, avec le soutien du Gouvernement, le 26 novembre.

Un travail parallèle a été simultanément entrepris par le Sénat. Également déposée à l’été 2015 (3), une proposition de loi organique a été adoptée par les sénateurs le 18 novembre 2015, également à l’unanimité et avec l’avis favorable du Gouvernement.

Le consensus ne fit donc pas de doute. Il convient désormais d’achever la procédure au plus tôt. Le Gouvernement a fait le choix d’inscrire à l’ordre du jour de l’Assemblée nationale la proposition sénatoriale. Votre rapporteur ne prête pas attention aux questions de priorité et de privilège entre les deux assemblées parlementaires de la République, et privilégie l’aboutissement de la réforme.

Dans la mesure où le dispositif proposé correspond presque exactement à celui voté le 26 novembre par l’Assemblée nationale, sans que les députés aient modifié le texte élaboré en commission des Lois, il n’est pas utile d’en établir une description approfondie. Toutes les informations peuvent être consultées dans le rapport établi à la fin de l’année dernière par votre rapporteur (4), qui se bornera ici à un court exposé des éléments juridiques rendant nécessaire la modification de la loi organique.

A. LA CRÉATION D’UNE AUTORITÉ DE LA CONCURRENCE DE LA NOUVELLE-CALÉDONIE

Comme le Conseil d’État le rappelait dans un avis du 22 novembre 2009 qu’avait sollicité votre rapporteur au titre de ses fonctions de président du gouvernement de la Nouvelle-Calédonie, aucun obstacle constitutionnel ne s’oppose à la création par le congrès de la Nouvelle-Calédonie d’autorités administratives indépendantes, dès lors que celles-ci ont vocation à agir dans les domaines qui relèvent de sa compétence. Toutefois, l’article 108 de la loi organique du 19 mars 1999 précisant que « l’exécutif de la Nouvelle-Calédonie est le gouvernement », ce dernier dispose de la plénitude du pouvoir réglementaire.

La délégation de la responsabilité de la mise en œuvre du droit local de la concurrence à une autorité administrative indépendante nécessitait donc une évolution de la loi organique. Répondant au souhait du comité des signataires (5), le Parlement s’est prononcé en ce sens en votant à l’unanimité la loi organique n° 2013-1027 du 15 novembre 2013 (6). Les institutions locales ont rapidement mis en œuvre cette nouvelle prérogative par la loi du pays n° 2014-12 du 24 avril 2014, également adoptée à l’unanimité, portant création de l’autorité de la concurrence de la Nouvelle-Calédonie et modifiant le livre IV de la partie législative du code de commerce applicable en Nouvelle-Calédonie.

Cette autorité administrative indépendante « veille au libre jeu de la concurrence en Nouvelle-Calédonie et au fonctionnement concurrentiel des marchés en Nouvelle-Calédonie ». Elle compte un président, nommé en raison de ses compétences et de son expérience, qui « exerce ses fonctions à plein temps », et trois autres membres « non permanents » disposant d’une expérience significative en matière juridique ou économique. Les délibérations se tiennent en forme collégiale, par la réunion du président et de deux autres membres, afin de permettre à l’un des membres de ne pas participer aux travaux – notamment si un conflit d’intérêt le conduit à se déporter (7).

Sur le modèle de l’autorité nationale de la concurrence, il est prévu que l’autorité locale dispose d’un rapporteur général en charge des fonctions d’instruction, garantissant la séparation des autorités de poursuite et de jugement. Le rapporteur général est soumis aux mêmes obligations que les membres du collège en termes d’incompatibilités. Il est nommé suivant une procédure similaire nécessitant l’approbation du Congrès de la Nouvelle-Calédonie à la majorité qualifiée des trois cinquièmes.

B.  L’IMPOSSIBILITÉ PRATIQUE DE LA CONSTITUTION DE L’AUTORITÉ DE LA CONCURRENCE DE LA NOUVELLE-CALÉDONIE

La discussion de la loi organique précitée du 15 novembre 2013 a vu le Parlement fixer les conditions de l’indépendance et de l’impartialité des membres des autorités administratives indépendantes de la Nouvelle-Calédonie. À l’initiative du rapporteur de l’Assemblée nationale, M. René Dosière, il a retenu un régime particulièrement strict : « La fonction de membre d’une autorité administrative indépendante est incompatible avec tout mandat électif, tout autre emploi public et toute détention, directe ou indirecte, d’intérêts dans une entreprise du secteur dont ladite autorité assure la régulation. » Sans succès, votre rapporteur s’était alors inquiété de l’excessive rigueur de cette rédaction et avait suggéré son assouplissement, signalant notamment que « des magistrats ou des professeurs d’université, par exemple, peuvent avoir leur utilité en tant que membres d’une autorité administrative indépendante ; pour autant, ils ne sont pas prêts à abandonner entièrement leur emploi. En interdisant de manière aussi large à un membre d’une autorité administrative indépendante d’occuper un emploi public, nous nous priverions donc de compétences » (8).

Il s’avère aujourd’hui que les conditions fixées par la loi ne peuvent être satisfaites dans la pratique. L’incompatibilité entre les fonctions de membre non permanent et tout emploi public, qu’il soit exercé en métropole ou en Nouvelle-Calédonie et, dans ce dernier cas, qu’il soit sous l’autorité de l’État ou sous l’autorité de collectivités ou d’établissements publics locaux, à laquelle s’ajoute l’obligation de disposer de compétences en matière économique et juridique, tarit le vivier de candidatures possibles.

Ainsi que l’exposait clairement votre rapporteur en séance publique à l’été 2015, « si cette incompatibilité ne soulève pas de difficultés s’agissant du président et du rapporteur de cette autorité administrative indépendante – car ils exercent ces fonctions à temps plein –, il n’en va pas de même pour les autres membres, qui ne peuvent pas vivre uniquement des vacations qui leur sont allouées au titre des délibérations » (9).

Le gouvernement de la Nouvelle-Calédonie, autorité de nomination, a fait savoir ses difficultés à recruter des membres au sein de l’autorité locale de la concurrence. Une modification de la loi organique apparaît désormais comme le seul moyen de sortir de l’impasse suscitée.

C. LE DISPOSITIF DE LA PROPOSITION DE LOI ORGANIQUE

Le Congrès de la Nouvelle-Calédonie a été saisi par le président du Sénat, le 28 septembre 2015, en application de l’article 77 de la Constitution, de la présente proposition de loi organique, qui se compose d’un article unique modifiant l’article 27-1 de la loi organique statutaire du 19 mars 1999 afin de limiter l’incompatibilité applicable aux membres d’une autorité administrative indépendante créée par la Nouvelle-Calédonie.

Sur la recommandation du congrès et sur proposition de son rapporteur M. Mathieu Darnaud, le Sénat a modifié son texte initial pour adopter la rédaction retenue par votre rapporteur dans la proposition de loi organique précitée qu’il avait lui-même déposée. Celle-ci prévoit, pour les membres autres que le président, une incompatibilité restreinte aux seuls emplois publics placés sous l’autorité des institutions – gouvernement, congrès et provinces – et des communes de la Nouvelle-Calédonie (alinéas 6 à 8). Elle permet ainsi le recrutement de fonctionnaires ou contractuels employés sur le territoire de la Nouvelle-Calédonie mais n’exerçant pas sous l’autorité des institutions et communes de cette dernière. Comme l’indiquait votre rapporteur dès l’été 2015 en séance publique à l’Assemblée nationale, « des fonctionnaires d’État – magistrats financiers ou professeurs d’économie, par exemple – pourraient ainsi venir utilement en Nouvelle-Calédonie pour y effectuer des vacations et permettre ainsi à cette autorité de s’installer » (10).

Si le dispositif adopté par le Sénat distingue ainsi le régime d’incompatibilité professionnelle du président de celui des autres membres d’une autorité administrative indépendante, cette différence de traitement découle d’une différence objective de situation : le président exerce son activité à temps plein et prononce seul les décisions d’irrecevabilité des demandes. En outre, il est l’autorité à laquelle les autres membres de l’autorité de la concurrence de la Nouvelle-Calédonie sont chargés de faire état d’éléments de nature à entraîner un conflit d’intérêts. Aussi ne peut-il exercer aucun emploi public en Nouvelle-Calédonie, tandis que les autres membres peuvent être des agents publics de l’État, notamment auprès des juridictions ou de l’Université.

Par ailleurs, le congrès de la Nouvelle-Calédonie s’est interrogé « sur la possibilité d’introduire un délai de carence d’au moins trois années s’agissant d’agents ayant exercé en Nouvelle-Calédonie pour le compte de l’État ou d’agents ayant exercé en Nouvelle-Calédonie et ayant atteint l’âge de la retraite ». Là encore, sur proposition de son rapporteur, le Sénat a transcrit cette suggestion dans la proposition de loi organique (alinéas 9 à 11). Nul ne peut ainsi être désigné si, au cours des trois précédentes années, il a exercé un mandat électif, détenu des intérêts incompatibles avec la fonction, ou occupé un emploi public en Nouvelle-Calédonie – sauf s’il s’agit d’un emploi de l’État pour les membres autres que le président, en cohérence avec les incompatibilités prévues aux précédents alinéas.

Le tableau ci-après recense les incompatibilités applicables au président et aux membres de l’autorité administrative indépendante. Votre rapporteur précise qu’il diffère de celui figurant dans le rapport établi sur la proposition de loi organique précédente (11). En effet, ce dernier comportait une inexactitude : aucune incompatibilité n’existe entre le fait d’être membre de l’autorité et l’exercice, pendant le mandat ou au cours des trois années précédentes, à l’extérieur de la Nouvelle-Calédonie, d’un emploi rémunéré par l’État ou par toute autre personne publique.

INTERDICTION D’UN MANDAT OU D’UNE ACTIVITÉ
DANS LES TROIS ANNÉES PRÉCÉDANT LE MANDAT ET PENDANT LE MANDAT

 

Président

Autre membre

Mandat électif

Oui

Oui

Détention directe ou indirecte dans les entreprises du secteur régulé

Oui

Oui

Emploi public exercé au sein des institutions de la Nouvelle-Calédonie, des provinces et des communes de la Nouvelle-Calédonie ainsi que dans leurs établissements publics

Oui

Oui

Autre emploi public exercé en Nouvelle-Calédonie (notamment au sein de la fonction publique d’État)

Oui

Non

Enfin, l’alinéa 12 protège l’indépendance de l’autorité indépendante en précisant qu’il « ne peut être mis fin au mandat d’un membre […] qu’en cas d’empêchement ou de manquement à ses obligations, constaté par une décision unanime des autres membres de l’autorité ». Il déplace en cela, pour des raisons légistiques, une disposition déjà présente à l’article 27-1 de la loi organique.

*

Votre rapporteur entend manifester son souhait d’aboutir au plus tôt à une résolution de la difficulté à laquelle se heurtent les autorités de Nouvelle-Calédonie. L’adoption de la présente proposition de loi organique, dans une approche consensuelle entre les deux assemblées parlementaires, comme il est d’usage pour les textes relatifs à ce territoire, devrait le permettre enfin. Elle sera l’aboutissement d’un long chemin, que votre rapporteur avait eu l’honneur d’engager, le 31 août 2009, devant le Congrès de la Nouvelle-Calédonie, en proposant le vote d’une loi antitrust et la création d’une autorité de la concurrence.

EXAMEN EN COMMISSION

Lors de sa réunion du mercredi 30 mars 2016, la commission des Lois procède à l’examen, sur le rapport de M. Philippe Gomes, de la proposition de loi organique, adoptée par le Sénat, relative au statut des autorités administratives indépendantes créées par la Nouvelle-Calédonie (n° 3236).

M. Philippe Gomes, rapporteur. Nous examinons aujourd’hui un texte identique à celui autour duquel nous nous étions réunis il y a quelques mois. Mme Catherine Tasca et un certain nombre de ses collègues sénateurs ont déposé une proposition de loi organique visant à modifier le régime des incompatibilités auquel sont soumises les autorités administratives indépendantes en Nouvelle-Calédonie. Cette proposition a été adoptée le 18 novembre dernier. Elle est semblable à celle que j’ai déposée avec Philippe Gosselin et quelques autres députés sur le même sujet, laquelle a également été adoptée à l’unanimité par notre assemblée, le 26 novembre.

Pour éviter le croisement de ces deux textes identiques dans la navette parlementaire, le Gouvernement a décidé d’inscrire la proposition de loi de Mme Tasca à l’ordre du jour de l’Assemblée nationale ; elle devrait être examinée en séance publique le 7 avril prochain, et son adoption permettra la création d’autorités administratives indépendantes en Nouvelle-Calédonie.

En effet, la Nouvelle-Calédonie ne disposait pas jusqu’à présent de cette capacité, alors même que la situation de l’économie calédonienne, marquée dans certains secteurs de l’économie par une très forte concentration des acteurs, justifierait que soit mise en place une autorité de la concurrence.

C’est dans ce cadre que les signataires de l’accord de Nouméa, qui se réunissent annuellement sous la présidence du Premier ministre pour vérifier la mise en œuvre de l’accord, ont estimé, de manière consensuelle, que la loi organique devait être modifiée, afin que la Nouvelle-Calédonie puisse créer des autorités administratives indépendantes. Ce fut fait par la loi organique n° 2013-1027 du 15 novembre 2013.

Toutefois, le régime des incompatibilités est trop strict, et il n’est guère possible pour un membre de l’une de ces autorités administratives de cumuler son mandat avec un emploi public. Si cela n’est pas problématique pour le président ou pour le rapporteur général, qui occupent des emplois à temps plein, cela l’est davantage pour les autres membres, qui n’effectuent au sein de l’autorité que des vacations. C’est la raison pour laquelle ma proposition de loi et celle de Mme Tasca partagent l’objectif d’assouplir ce régime d’incompatibilités.

La proposition de loi organique qui vous est présentée aujourd’hui, si elle ne revient ni sur l’interdiction du cumul entre un mandat au sein d’une autorité administrative indépendante et un mandat électif, ni sur l’incompatibilité entre ce mandat et la détention – directe ou indirecte – d’intérêts des entreprises du secteur régulé, ouvre en revanche la possibilité pour des fonctionnaires d’État en poste en Nouvelle-Calédonie – un magistrat financier ou un professeur d’économie à l’Université, par exemple – d’être membres d’une autorité administrative.

Cette modification permettra de créer en Nouvelle-Calédonie des autorités administratives indépendantes, et notamment une autorité de la concurrence.

Je précise en conclusion qu’une erreur matérielle s’était glissée dans le rapport que j’avais rendu à l’automne sur ma proposition de loi : il n’y a pas d’incompatibilité entre un emploi public exercé hors de la Nouvelle-Calédonie et un mandat dans une autorité administrative indépendante.

M. René Dosière. Le groupe Socialiste, républicain et citoyen, est naturellement favorable à l’adoption de cette proposition de loi organique, et je salue l’obstination et le travail de Philippe Gomes, qui vont permettre de faire aboutir le long processus de révision de la loi de 2013, sans doute trop rigoureuse sur ce point. Ce texte, identique à la virgule près à la proposition de loi qu’avait déposée M. Philippe Gomes, et adopté à l’unanimité par le Sénat à l’initiative de Catherine Tasca, doit être voté conforme par notre assemblée.

Le dispositif retenu est le suivant : la fonction de président de l’autorité est incompatible avec l’exercice de tout autre emploi public exercé en Nouvelle-Calédonie ; les membres de l’autorité ne peuvent exercer d’emploi public de la Nouvelle-Calédonie, des provinces de ses communes ou de leurs établissements publics, ce qui signifie a contrario que des fonctionnaires métropolitains exerçant en Nouvelle-Calédonie mais ne dépendant pas d’elle peuvent, eux, être membres de l’autorité, étant précisé que cette fonction n’est pas permanente.

Enfin, un délai de carence de trois ans est mis en place pour les autres incompatibilités, puisqu’il est précisé que nul ne peut être désigné président ou membre d’une autorité administrative indépendante si, au cours des trois années précédant sa désignation, il a exercé un mandat électif ou détenu des intérêts considérés comme incompatibles avec cette fonction, disposition qui s’inspire de l’avis rendu par le Congrès de la Nouvelle-Calédonie sur la proposition de loi.

Il s’agit d’un texte d’autant plus important que, sur un territoire insulaire et relativement peu peuplé comme la Nouvelle-Calédonie, la concurrence est forcément limitée. La création d’une autorité de la concurrence permettra donc d’éviter les situations de monopole – lesquelles ont d’ailleurs été pointées par un rapport de l’Autorité de la concurrence. Ces situations contribuent à la cherté de la vie, tout comme la surrémunération des fonctionnaires nationaux et locaux, qui est la cause et non la conséquence de la vie chère mais qu’il sera évidemment beaucoup plus difficile de remettre en question, d’autant que les instances locales n’y sont pas favorables. Quoi qu’il en soit, c’est un autre sujet, dont on parle depuis trente ans et dont on risque de parler encore pendant un certain temps, ce qui est regrettable pour le développement de la Nouvelle-Calédonie.

M. Philippe Gosselin. Il s’agirait en effet d’une mesure beaucoup moins consensuelle !

M. Dominique Bussereau. Je m’exprime ici en tant que président de la mission d’information sur l’avenir institutionnel de la Nouvelle-Calédonie, pour apporter mon soutien à ce texte.

À l’issue du voyage que doit effectuer fin avril le Premier ministre en Nouvelle-Calédonie, je souhaiterais que notre mission puisse recevoir les parlementaires de la Nouvelle-Calédonie, afin que nous les interrogions sur les conséquences politiques de ce déplacement à leurs yeux.

M. Philippe Gosselin. Je salue le progrès que ce texte, adopté à l’automne à l’unanimité par le Sénat, représente pour la Nouvelle-Calédonie. Il devrait connaître le même sort dans notre Assemblée et permettre de lever les difficultés empêchant la mise en place d’autorités administratives indépendantes et, en particulier, d’une autorité de la concurrence.

L’insularité pèse sur le coût de la vie, en Nouvelle-Calédonie comme dans tous nos territoires iliens, ainsi que l’ont montré les graves manifestations qui ont eu lieu aux Antilles il y a quelques années. Il est donc primordial qu’une autorité puisse veiller au bon développement de la concurrence dans ces territoires, ce qui ne manquera d’ailleurs pas d’influer sur les scrutins à venir. Le groupe Les Républicains apporte son plein soutien à cette proposition de loi organique.

La Commission en vient à l’examen de l’article unique de la proposition de loi organique.

La Commission adopte l’article unique à l’unanimité.

En conséquence, la proposition de loi organique est adoptée ainsi rédigée.

*

* *

En conséquence, la commission des Lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale de la République vous demande d’adopter la proposition de loi organique relative au statut des autorités administratives indépendantes créées par la Nouvelle-Calédonie, dans le texte figurant dans le document annexé au présent rapport.

TABLEAU COMPARATIF

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Dispositions en vigueur

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Texte adopté par le Sénat

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Texte adopté par la Commission

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Proposition de loi organique relative au statut des autorités administratives indépendantes créées par la Nouvelle-Calédonie

Proposition de loi organique relative au statut des autorités administratives indépendantes créées par la Nouvelle-Calédonie

Loi organique n° 99-209 du 19 mars 1999 relative à la Nouvelle-Calédonie

Article unique

Article unique

Art. 27-1. – Lorsque la Nouvelle-Calédonie crée une autorité administrative indépendante aux fins d’exercer des missions de régulation dans un domaine relevant de ses compétences, la loi du pays peut, par dérogation aux articles 126 à 128, 130 et 131, lui attribuer le pouvoir de prendre les décisions, même réglementaires, celui de prononcer les sanctions administratives mentionnées à l’article 86, ainsi que les pouvoirs d’investigation et de règlement des différends, nécessaires à l’accomplissement de ses missions.

L’article 27-1 de la loi organique n° 99-209 du 19 mars 1999 relative à la Nouvelle-Calédonie est ainsi modifié :

(Sans modification)

 

1° Le deuxième alinéa est ainsi modifié :

 

La composition et les modalités de désignation des membres de l’autorité administrative indépendante doivent être de nature à assurer son indépendance. La fonction de membre d’une autorité administrative indépendante est incompatible avec tout mandat électif, tout autre emploi public et toute détention, directe ou indirecte, d’intérêts dans une entreprise du secteur dont ladite autorité assure la régulation. Il ne peut être mis fin au mandat d’un membre d’une autorité administrative indépendante qu’en cas d’empêchement ou de manquement à ses obligations, constaté par une décision unanime des autres membres de l’autorité.

a) À la deuxième phrase, les mots : « , tout autre emploi public » sont supprimés ;

 
 

b) La dernière phrase est supprimée ;

 
 

2° Après le même deuxième alinéa, sont insérés sept alinéas ainsi rédigés :

 
 

« Est également incompatible l’exercice :

 
 

« 1° Pour le président d’une autorité administrative indépendante, de tout autre emploi public exercé en Nouvelle-Calédonie ;

 
 

« 2° Pour les autres membres d’une autorité administrative indépendante, de tout autre emploi public de la Nouvelle-Calédonie, des provinces et des communes de la Nouvelle-Calédonie ainsi que de leurs établissements publics.

 
 

« Nul ne peut être désigné membre d’une autorité administrative indépendante si, au cours des trois années précédant sa désignation, il a exercé un mandat électif ou détenu des intérêts considérés comme incompatibles avec cette fonction, en application du deuxième alinéa du présent article. Il en est de même pour la désignation :

 
 

« a) Du président si, au cours de la même période, il a exercé un emploi public considéré comme incompatible avec cette fonction en application du 1° du présent article ;

 
 

« b) Des autres membres si, au cours de la même période, ils ont exercé un emploi public considéré comme incompatible avec cette fonction en application du 2° du présent article.

 
 

« Il ne peut être mis fin au mandat d’un membre d’une autorité administrative indépendante qu’en cas d’empêchement ou de manquement à ses obligations, constaté par une décision unanime des autres membres de l’autorité. »

 

Les missions de l’autorité administrative indépendante s’exercent sans préjudice des compétences dévolues à l’État par les 1° et 2° du I de l’article 21.

   

L’autorité administrative indépendante dispose des crédits nécessaires à l’accomplissement de ses missions. Les crédits ainsi attribués sont inscrits au budget de la Nouvelle-Calédonie. Les comptes de l’autorité administrative indépendante sont présentés au contrôle de la chambre territoriale des comptes.

   
© Assemblée nationale

1 () « Dans le grand Nouméa, deux groupes, le groupe Bernard Hayot et le groupe Kénu-In, disposent de plus de 80 % de parts de marché en surfaces de vente » (Geneviève Wibaux, rapport relatif aux structures de contrôle en matière de concurrence en Nouvelle-Calédonie, Autorité de la concurrence, 21 septembre 2012).

2 () Proposition de loi organique de MM. Philippe Gomes et Philippe Gosselin et plusieurs de leurs collègues tendant à faciliter la création d’Autorités administratives indépendantes en Nouvelle-Calédonie, n° 3067, déposée le 17 septembre 2015.

3 () Proposition de loi organique n° 574 (2014-2015) de Mme Catherine Tasca et plusieurs de ses collègues, déposée au Sénat le 30 juin 2015.

4 () Rapport n° 3224 de M. Philippe Gomes, déposé le 18 novembre 2015.

5 () Voir les conclusions du XIe Comité des signataires de l’Accord de Nouméa, réuni à l’Hôtel de Matignon le 6 décembre 2012. Le Comité des signataires a été créé par l’accord de Nouméa du 5 mai 1998 sur l’évolution institutionnelle de la Nouvelle-Calédonie. Il a pour mission de préparer et de suivre l’application de cet accord.

6 () L’article 1er de cette loi organique insère, dans le statut de la Nouvelle-Calédonie, un nouvel article 27-1 :

« Lorsque la Nouvelle-Calédonie crée une autorité administrative indépendante aux fins d’exercer des missions de régulation dans un domaine relevant de ses compétences, la loi du pays peut, par dérogation aux articles 126 à 128, 130 et 131, lui attribuer le pouvoir de prendre les décisions, même réglementaires, celui de prononcer les sanctions administratives mentionnées à l’article 86, ainsi que les pouvoirs d’investigation et de règlement des différends, nécessaires à l’accomplissement de ses missions.

La composition et les modalités de désignation des membres de l’autorité administrative indépendante doivent être de nature à assurer son indépendance. La fonction de membre d’une autorité administrative indépendante est incompatible avec tout mandat électif, tout autre emploi public et toute détention, directe ou indirecte, d’intérêts dans une entreprise du secteur dont ladite autorité assure la régulation. Il ne peut être mis fin au mandat d’un membre d’une autorité administrative indépendante qu’en cas d’empêchement ou de manquement à ses obligations, constaté par une décision unanime des autres membres de l’autorité.

Les missions de l’autorité administrative indépendante s’exercent sans préjudice des compétences dévolues à l’État par les 1° et 2° du I de l’article 21.

L’autorité administrative indépendante dispose des crédits nécessaires à l’accomplissement de ses missions. Les crédits ainsi attribués sont inscrits au budget de la Nouvelle-Calédonie. Les comptes de l’autorité administrative indépendante sont présentés au contrôle de la chambre territoriale des comptes. »

7 () Les règles applicables à l’Autorité prévoient notamment que les membres informent le président des intérêts détenus ou acquis et des fonctions exercées dans une activité économique, ainsi que de toute fonction rémunérée au cours des cinq années précédentes.

8 () Assemblée nationale (XIVe législature – session ordinaire 2013-2014), première séance du mercredi 2 octobre 2013.

9 () Assemblée nationale (XIVe législature – session extraordinaire 2014-2015), deuxième séance du mercredi 15 juillet 2015.

10 () Ibid.

11 () Rapport n° 3224, op. cit.