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N
° 3842

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ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

QUATORZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 14 juin 2016.

AVIS

FAIT

AU NOM DE LA COMMISSION DE LA DÉFENSE NATIONALE ET DES FORCES ARMÉES
SUR LE PROJET DE LOI (n° 3501), ADOPTÉ PAR LE SÉNAT,

autorisant l’approbation de l’accord entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République de
Lituanie relatif à la coopération dans le domaine de la défense et de la sécurité,

PAR M. Jean-Michel VILLAUMÉ,

Député.

——

Voir les numéros :

Sénat : 74 (2014-2015), 362, 364 et T.A. 89 (2015-2016).

Assemblée nationale : 3844.

SOMMAIRE

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Pages

INTRODUCTION 5

I. UN CONTEXTE STRATÉGIQUE TENDU 7

A. LA PERCEPTION PAR LES ÉTATS BALTES D’UNE RECRUDESCENCE DE LA MENACE RUSSE 7

1. Les provocations récurrentes de la Russie 7

2. Les vulnérabilités inhérentes à la Lituanie 7

B. UNE RÉPONSE LITUANIENNE ET ATLANTIQUE 8

1. Le renforcement des forces lituaniennes 8

2. Les mesures de réassurance de l’OTAN 9

II. UN ACCORD DE DÉFENSE POUR CONFORTER LA RELATION BILATÉRALE 11

A. LA COOPÉRATION ENTRE LA FRANCE ET LA LITUANIE 11

1. Les actions de coopération dans le domaine de la défense et de la sécurité 11

2. Les autres domaines de coopération 12

B. LE CONTENU DE L’ACCORD DE DÉFENSE 13

1. Des stipulations classiques et générales 13

2. Les perspectives d’avenir 16

TRAVAUX DE LA COMMISSION 19

ANNEXE : LISTE DES PERSONNES AUDITIONNÉES PAR LE RAPPORTEUR POUR AVIS 21

INTRODUCTION

« J’accorde beaucoup d’intérêt, d’importance à la nouvelle relation entre la Lituanie et la France. Je crois qu’il serait très important, dans l’intérêt de mon propre pays, de disposer d’amitiés solides et de relations fortes avec l’ensemble balte. »

M. François Mitterrand, discours devant le Parlement lituanien, 14 mai 1992

La France et la Lituanie ont noué depuis près de vingt-cinq ans une relation forte, qui repose sur une confiance mutuelle et un dialogue honnête et régulier. Ainsi, le ministre des Affaires étrangères, M. Jean-Marc Ayrault, a rencontré son homologue il y a deux mois afin de préparer le prochain Sommet de l’OTAN qui se tiendra à Varsovie en juillet 2016, tandis que M. Harlem Désir, secrétaire d’État chargé des Affaires européennes, s’est rendu à Vilnius les 22 et 23 février 2016.

Partenaire historique de la Lituanie, la France n’a jamais reconnu son annexion par l’Union soviétique. Dès juin 1991, un groupe d’amitié interparlementaire France-Pays baltes a été créé, et votre rapporteur est très honoré de présider aujourd’hui le groupe d’amitié France-Lituanie de l’Assemblée nationale. Il y a près de cinq ans, le 29 août 2011, nous avons célébré le vingtième anniversaire de la reprise de nos relations diplomatiques avec la République de Lituanie, alors que le président de la République, M. François Mitterrand, avait été le premier chef d’État occidental à se rendre en Lituanie indépendante, le 13 mai 1992. Son successeur, M. Jacques Chirac, se rendit aussi à Vilnius, le 26 juillet 2001.

La relation bilatérale franco-lituanienne s’est donc forgée dès la renaissance de la République de Lituanie, et s’est confortée au fur et à mesure de l’approfondissement de l’ancrage du pays dans le bloc occidental, par l’adhésion de la Lituanie à l’Organisation du Traité de l’Atlantique Nord (OTAN) le 29 mars 2004, puis à l’Union européenne, le 1er mai qui suivit. Depuis le 1er janvier 2015, la Lituanie a également intégré la zone euro.

Le projet de loi aujourd’hui soumis à l’examen de notre Assemblée vise à autoriser l’approbation de l’accord signé le 12 juillet 2013 à Paris entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République de Lituanie relatif à la coopération dans le domaine de la défense et de la sécurité. L’approbation de cet accord de défense a été autorisée par le Parlement lituanien (Seimas) le 14 novembre 2013. Pour la partie française, le Sénat a examiné et adopté le projet de loi de ratification le 11 février 2016, et il incombe désormais à l’Assemblée nationale de se prononcer, en application de l’article 53 de la Constitution. Comme pour tout texte de ce type, la commission des Affaires étrangères est en charge de l’examen au fond du présent texte, mais la commission de la Défense nationale et des forces armées s’est saisie pour avis compte tenu des aspects militaires du texte.

Si les stipulations de l’accord de défense demeurent relativement classiques, le processus de ratification s’inscrit dans un contexte stratégique tendu, ce qui lui confère une résonance particulière. D’une part, la crise russo-ukrainienne a renforcé la perception, en particulier parmi les pays baltes, d’une recrudescence d’une menace russe. Dans la foulée du Sommet de l’OTAN de septembre 2014, les membres de l’Alliance ont ainsi pris des mesures de réassurance, et la France a assumé ses responsabilités en prenant notamment part aux opérations de police du ciel effectuées pour les États baltes. D’autre part, le prochain Sommet de l’OTAN se tiendra à Varsovie les 8 et 9 juillet prochain, et la dégradation du contexte stratégique à l’est sera évidemment l’un des points à l’ordre du jour.

Votre rapporteur pour avis soutient pleinement l’approbation de cet accord de défense, qui permettra d’approfondir davantage notre coopération dans les domaines de la défense et de la sécurité, alors que l’Europe est aujourd’hui confrontée à des menaces de plus en plus prégnantes. Il convient à cet égard de relever que les autorités lituaniennes ont immédiatement répondu à l’appel formulé par le président de la République, M. François Hollande, au lendemain des attentats qui ont frappé la France en 2015. Que l’ensemble de la population lituanienne en soit chaleureusement remerciée.

I. UN CONTEXTE STRATÉGIQUE TENDU

A. LA PERCEPTION PAR LES ÉTATS BALTES D’UNE RECRUDESCENCE DE LA MENACE RUSSE

1. Les provocations récurrentes de la Russie

La crise russo-ukrainienne et l’escalade militaire provoquée par la Russie en Crimée ont fortement inquiété la plupart des pays les plus à l’est de l’Europe. Depuis 2014, l’idée d’une résurgence de la menace russe ne fait que s’accroître, en raison du soutien russe à l’est de l’Ukraine, des manœuvres inopinées de grande ampleur réalisées par les forces russes, des incursions aériennes à basse altitude de l’aviation russe en mer Baltique, au cours desquelles les aéronefs volent sans que les transpondeurs soient activés, et de l’engagement d’un vaste programme de modernisation des équipements militaires.

Le déploiement, en décembre 2014, de près de 9 000 soldats et 55 navires dans l’enclave russe de Kaliningrad, inquiète tout particulièrement la Lituanie et n’a fait que renforcer la perception, par les États baltes, d’une recrudescence de la menace.

Par ailleurs, la rhétorique des dirigeants russes est parfois directement dirigée contre ces États. Les autorités lituaniennes évoquent régulièrement la tenue d’une guerre hybride, mêlant cyber­attaques et guerre médiatique auprès des minorités russophones, qui représentent 6 % de la population du pays.

2. Les vulnérabilités inhérentes à la Lituanie

La position géographique de la Lituanie la place dans une position particulièrement vulnérable, entre la Biélorussie, Kaliningrad et la mer. D’abord, la proximité du pays avec l’enclave russe de Kaliningrad maintient une pression permanente sur les autorités lituaniennes, alors même que des interrogations demeurent quant à la présence de missiles balistiques Iskander à capacité nucléaire sur ce territoire.

Surtout, une récente analyse produite par la Rand Corporation (1) a rappelé la fragilité des trois pays baltes en cas d’offensive russe. En effet, selon cette étude, « si les tanks et les troupes russes débarquaient dans les pays baltes demain, les forces de l’OTAN, dépassées en armements et en équipements, seraient battues en moins de trois jours ». Si les forces russes déclenchaient une invasion, les trois capitales baltes tomberaient ainsi en moins de 60 heures. En empruntant la trouée de Suwałki, une bande de terrain plat de 91 kilomètres qui sépare l’enclave de Kaliningrad de la Russie à l’ouest de l’allié bélarusse à l’est, les troupes russes couperaient toute continuité territoriale entre les trois pays baltes et leurs alliés. La Lituanie, pays le plus au sud des trois États baltes, serait en première ligne.

B. UNE RÉPONSE LITUANIENNE ET ATLANTIQUE

1. Le renforcement des forces lituaniennes

Face à ce qui, pour les autorités et la population lituaniennes, est réellement perçu comme une menace sérieuse, un important effort financier, humain et politique a été engagé en vue de renforcer les capacités de défense du pays.

Tout d’abord, le service militaire a été réinstauré, temporairement, pour les cinq prochaines années. Alors qu’il avait été mis un terme à la conscription en 2008, la présidente de la République, Mme Dalia Grybauskaite, a justifié cette décision le 24 février 2015 en raison de « l’actuel environnement géopolitique [qui] requiert un renforcement et une accélération du recrutement pour l’armée ». De manière concrète, 3 500 jeunes de 19 à 26 ans sont appelés chaque année sous les drapeaux, pour une durée de neuf mois. Jusqu’à présent, les deux premières conscriptions ont été pourvues par des engagés volontaires. Actuellement, l’armée lituanienne compte autour de 15 000 hommes, dont deux-tiers de professionnels.

Cette mesure s’est ajoutée à la décision prise par la Lituanie de doubler son budget militaire d’ici 2019 afin d’atteindre la norme de 2 % du PIB fixée par l’OTAN. Selon l’Ambassadeur de Lituanie en France, l’objectif des 2 % pourrait être atteint, avec des étapes intermédiaires à 1,6 % en 2016 et 1,8 % en 2017, ce qui représente un effort considérable dans la mesure où la défense ne représentait que 0,7 % du PIB il y a un an et demi.

Enfin, les forces lituaniennes participent à la hauteur de leurs moyens à certaines opérations militaires européennes et internationales.

Contribution des forces lituaniennes aux opérations militaires européennes et internationales

Les forces lituaniennes participent aux opérations militaires européennes et internationales, à hauteur de 50 militaires engagés sur cinq théâtres d’opération en 2015 : Atalante, NSE-A à Djibouti, KFOR, Sophia, EUTM Mali, Resolute Support en Afghanistan.

Pour l’année 2016, jusqu’à 130 militaires pourront être engagés sur cinq théâtres :

- jusqu’à 40 militaires déployés au sein de la Mission multidimensionnelle intégrée des Nations unies pour la stabilisation au Mali (MINUSMA) ;

- jusqu’à 50 militaires au sein de la mission Resolute Support (RSM) en Afghanistan ;

- cinq militaires mis à disposition de la Force pour le Kosovo (KFOR) dirigée par l’OTAN ;

- jusqu’à 30 militaires et civils dans l’opération anti-piraterie de l’Union Européenne (Eunavfor Atalante) ;

- jusqu’à cinq soldats projetés au sein de la force maritime européenne de lutte déployée en Méditerranée contre les trafiquants et passeurs (EUNAVFOR Med /Sophia).

Par ailleurs, les forces lituaniennes ont apporté un soutien aux opérations menées par la France, principalement par la mise en place d’un appareil de transport tactique C-27 Spartan en Afrique, sans caveats, au profit de l’opération française Sangaris, pour une durée d’un mois.

2. Les mesures de réassurance de l’OTAN

À la suite du Sommet de Newport, en septembre 2014, les membres de l’Alliance atlantique ont décidé de renforcer les mesures d’assurance ou de réassurance, qui prennent la forme d’activités terrestres, maritimes et aériennes à l’intérieur, au-dessus et autour du territoire des pays membres de l’OTAN, et dont le but est de renforcer la défense et de rassurer les populations de ces pays, tout en décourageant une agression potentielle. Les 28 alliés contribuent tous à ces mesures, par rotation.

Depuis mai 2014, l’OTAN a accru le nombre d’avions de chasse patrouillant au-dessus des États baltes pour assurer la police du ciel, et déployé des avions de chasse en Roumanie et en Pologne. De plus, l’Alliance a envoyé des AWACS pour effectuer des vols de surveillance réguliers au-dessus du territoire de ses alliés orientaux, et des avions de patrouille maritime le long de ses frontières orientales. S’agissant de la sécurité en mer, l’OTAN déploie un certain nombre de forces maritimes multinationales, dont un Groupe permanent OTAN de lutte contre les mines, qui patrouille notamment en mer Baltique. Enfin, la constitution de la force de réaction très rapide (la VJTF) ainsi que l’implantation des centres multinationaux de commandement à l’est constituent des éléments importants des mesures de réassurance, dont l’approfondissement sera l’un des points à l’ordre du jour du prochain Sommet de Varsovie.

En outre, l’OTAN organise davantage d’exercices, qui permettent de montrer qu’elle est prête à répondre aux menaces potentielles.

La France participe pleinement à ces mesures de réassurance.

En 2014, près de 5 000 hommes ont été mobilisés. Des chasseurs Rafale et Mirage ont été déployés entre mai et septembre en Pologne pour renforcer la police du ciel dans l’ensemble des pays baltes, un avion de surveillance maritime F50 a été déployé spécialement pour participer aux vols ISR (intelligence, surveillance et reconnaissance) au-dessus de la mer Baltique et, depuis le début de la crise russo-ukrainienne, des vols E3F (AWACS) sont effectués sur les territoires les plus orientaux de l’OTAN. En outre, chaque fois que cela a été possible, la France a associé des bâtiments SNF (Standing Naval Force) aux différents exercices conduits.

Par ailleurs, bien que n’étant pas placé sous le commandement suprême des forces alliées en Europe, le déploiement quasi-permanent de bâtiments de la marine nationale en mer Noire entre le 26 mars 2014 et le printemps 2015, les patrouilles en Méditerranée ou le déploiement permanent de moyens en Méditerranée orientale, contribuent pleinement au plan d’assurance.

En 2015, et malgré l’accroissement de l’effort de nos armées suite aux attentats qui ont frappé la France, l’implication des militaires français dans les exercices organisés sur le flanc Est est restée significative. La France a ainsi organisé des entraînements communs entre le groupe aéronaval et le groupe naval permanent n° 2 de l’OTAN, et déployé en Pologne entre avril et juin 2015 un sous-groupement tactique interarmes blindé (SGTIA), regroupant quinze chars Leclerc, quatre véhicules blindés de combat d’infanterie (VBCI) et une section de génie de combat. Des vols d’avion E3F ont par ailleurs été de nouveau effectués sur les territoires orientaux de l’OTAN. Au total, 3 800 hommes ont été engagés.

Financièrement, cette contribution aux mesures d’assurance représentait 46 millions d’euros en 2014 et 68 millions d’euros en 2015.

Ces actions se poursuivent en 2016, et la France assurera notamment pour la sixième fois la mission de police du ciel en septembre prochain.

II. UN ACCORD DE DÉFENSE POUR CONFORTER LA RELATION BILATÉRALE

A. LA COOPÉRATION ENTRE LA FRANCE ET LA LITUANIE

1. Les actions de coopération dans le domaine de la défense et de la sécurité

Si l’adhésion de la Lituanie à l’OTAN et à l’Union européenne en 2004 a contribué au renforcement de la coopération bilatérale, ravivée à la suite d’une rencontre des deux ministres de la Défense en 2011, celle-ci demeure toutefois modeste. Elle se traduit principalement par des actions en matière de formation, de dialogue politico-militaire, de partage d’expériences et d’échange d’informations.

S’agissant de la coopération opérationnelle, il s’agit avant tout du soutien apporté par la France à la mission de police de l’air des États baltes, effectuée dans le cadre de l’OTAN et renforcée à la suite du Sommet de Newport. La France a assuré cette mission à de multiples reprises.

Concernant les actions de formation, des échanges d’élèves officiers entre l’académie militaire de Vilnius et l’école militaire de Saint-Cyr ont été mis en place, tandis que des personnels de l’armée de l’air lituanienne suivent des formations au centre d’analyse et de simulation pour la préparation aux opérations aériennes (CASPOA) et au centre d’instruction du contrôle et de la défense aérienne (CICDA) en vue d’acquérir les compétences nécessaires à l’exercice des fonctions de contrôleurs militaires. Les forces françaises stationnées à Djibouti (FFDJ) ont également appuyé le déploiement de l’équipe de protection embarquée lituanienne dans le cadre de l’opération Atalante

En matière d’équipement militaire, les relations pourraient être approfondies, même si trois hélicoptères Dauphin d’occasion ont été livrés à la Lituanie en 2015.

La direction de la coopération de sécurité et de défense (DCSD) concentre en fait son action sur l’enseignement du français en milieu militaire (2), même si quelques missions d’expert dans le domaine de la sécurité intérieure ont également été menées jusqu’à la suppression du poste de l’attaché de sécurité intérieure à l’automne 2015. Par ailleurs, le poste de directeur adjoint du Centre d’excellence de l’OTAN sur la sécurité énergétique, qui siège à Vilnius, est occupé par un français.

Coopération française avec les pays baltes

Actions de coopération engagées en 2015

– Dialogue stratégique, 9e édition du séminaire franco-balte de sécurité et défense (24-25 novembre 2015), programme Personnalités d’avenir défense.

– Dialogue régulier des directeurs politiques de défense, échanges de vues entre experts DGRIS.

– Réunion annuelle d’état-major en alternance en France ou en Lituanie.

– Coopération opérationnelle : participation de bâtiments français aux missions OTAN de guerre des mines en Baltique Open Spirit et Baltops et de police du ciel balte.

– Soutien logistique des forces françaises stationnées à Djibouti (FFDJ) au déploiement d’une équipe de protection embarquée (EPE) lituanienne dans le cadre de l’opération Atalante.

– Formation de contrôleurs aériens en France, participation à la formation de plongeurs au centre régional en Lettonie, stage au Centre de formation interarmées au renseignement (CFIAR).

– Participation à l’exercice Iron Wolf avec deux observateurs en 2015, en remplacement de la compagnie d’infanterie prévue initialement mais annulée suite au redéploiement effectué pour Sentinelle.

– Enseignement du français par un stagiaire français langue étrangère au sein de l’académie militaire, échanges de cadets avec les écoles de Saint-Cyr Coëtquidan.

– Organisation du premier séminaire franco-balte des industries de défense à Vilnius en 2014.

Actions de coopération devant être engagée en 2016

– Dialogue stratégique, 10e séminaire franco-balte de sécurité et défense à Vilnius en novembre, programme Personnalités d’avenir défense (un Lituanien retenu en 2016).

– Dialogue des directeurs politiques de défense, échanges de vues entre experts DGRIS.

– Réunion d’état-major à Vilnius les 18 et 19 mai.

– Coopération opérationnelle : missions OTAN de guerre des mines Open Spirit dans les eaux territoriales lituaniennes en mai 2016 et de police du ciel balte (6e détachement français fin 2016 à Siaulaï).

– Formation de contrôleurs aériens en France, participation à la formation de plongeurs au centre régional en Lettonie, stage au CFIAR.

– Participation ciblée en cours de détermination à l’exercice Iron Wolf 2016 en juin.

Source : ministère de la Défense.

2. Les autres domaines de coopération

Le 4 septembre 2009, les deux chefs d’État ont signé un partenariat stratégique, fixant le cadre du développement des relations entre les deux pays. Ainsi, au-delà des actions de coopération menées dans le domaine de la défense et de la sécurité, d’autres champs sont concernés par la coopération bilatérale.

En matière culturelle, l’institut français accueille 1 500 étudiants et intervient régulièrement dans les festivals de Vilnius, Kaunas et Klaipeda. Par ailleurs, la Lituanie est devenue un membre observateur de l’Organisation internationale de la francophonie dès 1999.

Plusieurs partenariats universitaires en droit et en sciences politiques ont été créés entre des établissements français et des universités de Vilnius, tandis que des diplômes conjoints ont été institués avec les universités de Bordeaux IV, Lille II et celle de Savoie. Une vingtaine de groupes scolaires lituaniens ont par ailleurs créé des sections bilingues francophones, rassemblant près de 1 000 élèves. L’école française de Vilnius, l’école Montesquieu, scolarise quant à elle plus de 200 élèves, grâce au soutien de l’Agence pour l’enseignement français à l’étranger et du ministère de l’Éducation lituanien.

En matière scientifique, le programme franco-lituanien d’actions intégrées Gilibert vise à développer les échanges scientifiques et technologiques d’excellence entre les laboratoires de recherche des deux pays, principalement en physique, chimie et biochimie.

La sécurité intérieure constitue un autre volet de notre coopération technique, notamment en matière de lutte contre la fausse monnaie, le crime organisé et l’immigration clandestine.

D’un point de vue économique, les échanges commerciaux franco-lituaniens progressent, même si les exportations françaises évoluent moins vite que les importations. En 2014, la France reste toutefois le onzième client de la Lituanie et son onzième fournisseur, avec une part de marché de 2,6 %. Nos principaux secteurs d’exportations sont les équipements mécaniques et les matériels électriques et électroniques (20,5 %), les produits agroalimentaires (19,8 %), les matériels de transport (18 %) et les produits chimiques, parfums et cosmétiques (12,5 %). Nos importations concernent principalement les produits énergétiques (41,3 %), les produits chimiques (18,9 %), et l’agroalimentaire (11,2 %).

B. LE CONTENU DE L’ACCORD DE DÉFENSE

1. Des stipulations classiques et générales

L’Accord de défense signé le 12 juillet 2013 vise avant tout à clarifier la situation existante depuis l’adhésion de la Lituanie à l’OTAN et à l’Union européenne. En effet, la coopération entre la France et la Lituanie dans le domaine de la défense reposait jusqu’à présent sur les dispositions d’un arrangement technique de coopération, signé le 11 mai 1994, et rendu obsolète en 2004. Des discussions ont ainsi été engagées en 2011 afin de définir le nouveau cadre juridique de la coopération dans le domaine de la défense et une déclaration d’intention a été signée le 12 mai 2011 entre le ministre de la Défense de la République française et le ministre de la Défense nationale de la République de Lituanie. Au terme de ce processus de concertation, un accord a été signé le 12 juillet 2013 par les deux ministres.

Cet accord, qui ne contient pas de clause d’assistance automatique (3) vise donc à développer une coopération bilatérale en matière de défense dans des domaines traditionnels, tels que la formation, l’accueil ou l’échange de stagiaires, l’armement, le soutien logistique ou la géographie militaire. Des accords analogues ont été signés avec la Slovaquie le 4 mai 2009, avec la Serbie le 7 avril 2011 ou encore avec l’Estonie le 13 septembre 2011.

Les stipulations qu’il contient sont relativement classiques et se retrouvent habituellement dans ce type d’accord, notamment en matière de statut des forces, de règlement des dommages ou de règlement des différends.

L’article 1er donne des définitions visant à faciliter la compréhension de l’accord.

L’article 2 précise que l’objet de l’accord est de renforcer la coopération bilatérale dans le domaine de la défense et de la sécurité. Il stipule également que cette coopération prend la forme de relations bilatérales entre les ministères chargés des questions de défense et de sécurité ainsi qu’entre les forces armées des deux États.

L’article 3 énumère les domaines dans lesquels une coopération peut être mise en place : concepts de défense et sécurité, sécurité énergétique, politique de défense et de planification, cyberdéfense, organisation et équipement des unités militaires, des forces de réserves et des services logistiques, administration des ministères chargés de la défense, exercice militaire, instruction et formation militaires, communication et échange d’informations, gestion de crise, acquisition d’armement, de fournitures et d’équipements militaires, recherches scientifiques et technologiques, droit international humanitaire, questions relatives aux services médicaux militaires, géographie et histoire militaires. Le texte ouvre également la possibilité d’intervenir sur d’autres domaines, dès lors que les deux États parties en conviennent.

Les articles 4 et 5 détaillent les modalités de cette coopération : visites officielles et rencontres de travail, visites et entraînements des personnels militaires et civils, mise en place temporaire de conseillers militaires techniques, rencontres, consultations, échanges d’informations lors de séminaires, conférences ou autres événements, échanges de délégations entre états-majors et unités, participation d’unités et de services spécifiques à des exercices militaires, escales d’aéronefs et de navires de guerre, rencontres et échanges de personnel militaire ou civil et d’élèves des établissements d’enseignement militaire, échange d’informations, de documentations et d’études, participation de personnels civils et militaires à des activités culturelles ou sportives.

Par ailleurs, les actions de coopération doivent être organisées sur des thématiques « reconnues comme étant d’intérêt mutuel », ce qui impose aux parties d’échanger régulièrement des informations quant à leurs priorités.

Enfin, l’article 5 traite de la coopération dans le domaine de l’armement, ce qui devrait faciliter les possibilités d’exportation pour les industriels français au travers de rencontres régulières d’un certain niveau de confidentialité ou l’invitation de personnel lituanien à des démonstrations d’armement ou des visites de sites industriels français.

L’article 6 impose la tenue annuelle d’entretiens bilatéraux co-présidés par un responsable du ministère de la Défense de chaque partie, alternativement sur le territoire des deux parties. Les modalités d’organisation de ces entretiens bilatéraux sont également précisées par cet article. Un plan de coopération entre les forces armées, services ou directions devra ainsi être élaboré sous la responsabilité des représentants des ministères de la Défense chargés de la coopération bilatérale.

Ce dialogue a jusqu’à présent pris les formes suivantes :

– dialogue stratégique séminaire franco-balte de sécurité et défense, dont la 9e édition s’est tenue en novembre 2015 ;

– dialogue de haut niveau régulier entre les directeurs chargés des politiques de défense au sein des ministères ;

– réunion annuelle des états-majors.

L’article 7 renvoie à un précédent accord la définition du régime juridique relatif à l’utilisation, la communication, la conservation, le traitement et la protection des informations classifiées produites ou échangées dans le cadre de l’accord. En effet, la France et la Lituanie ont signé à Vilnius le 26 juin 2009 un accord général de sécurité relatif à l’échange et à la protection des informations classifiées. Le présent accord prévoit que cet accord de 2009 s’applique et que les informations concernées ne sont communiquées qu’à des fins officielles, à moins que la Partie émettrice permette l’utilisation de ces informations à d’autres fins.

L’article 8 fixe les modalités de répartition des dépenses entre les deux parties s’agissant des déplacements et des activités organisées sur leurs territoires. De manière générale, il est prévu que chaque Partie prenne en charge les coûts résultant pour elle de la mise en œuvre de l’accord. S’agissant des stages, la Partie d’accueil peut être amenée à prendre en charge les frais de scolarité ou de formation.

L’article 9 prévoit le maintien de la domiciliation fiscale des personnels dans l’État d’envoi, ainsi que des personnes à charge lorsqu’elles n’exercent pas d’activité professionnelle propre, nonobstant les stipulations de la convention fiscale bilatérale franco-lituanienne du 7 juillet 1997. Outre le maintien de la résidence fiscale dans l’État d’envoi, cet article prévoit l’imposition, dans ce même État, des rémunérations perçues au titre des services rendus dans le cadre de l’accord de défense, à l’exception des pensions.

Ce dispositif de maintien de la résidence fiscale dans l’État d’envoi est prévu par la plupart des accords de défense signés par la France depuis 2008.

Les articles 10 et 11 précisent les conditions d’application du SOFA OTAN aux personnels français et lituaniens.

La Convention entre les États Parties au Traité de l’Atlantique Nord sur le statut de leurs forces (SOFA OTAN), signée à Londres le 19 juin 1951 détermine le statut des forces armées des Parties lorsque celles-ci se trouvent en service sur le territoire métropolitain d’une autre Partie. Le SOFA OTAN fixe notamment les modalités d’entrée et de sortie du territoire (article 3), de l’utilisation du permis de conduire (article 4) et du port de l’uniforme et des armes (articles 5 et 6). Il prévoit également les conditions d’exercice de la compétence juridictionnelle des États (article 7), les modalités de règlement des dommages (article 8) ainsi que les dispositions applicables en matières douanières et fiscales (articles 10 à 13).

L’article 12 précise que tout différend lié à l’interprétation ou à l’application de l’accord est réglé par voie de consultations ou de négociations entre les Parties.

L’article 13 traite des conditions de mise en œuvre, de modification et de dénonciation de l’accord. L’accord entrera en vigueur le premier jour du deuxième mois suivant la notification de l’approbation de ces accords par la France, la Lituanie l’ayant déjà approuvé.

2. Les perspectives d’avenir

S’agissant des activités de coopération, la Direction de la coopération de sécurité et de défense n’envisage pas à court ou moyen terme d’augmenter la coopération bilatérale structurelle en Lituanie. Toutefois, des actions relatives à l’entraînement des forces pourraient être menées, notamment pour un groupement blindé grâce au programme Host Nation Package mis en place par la Lituanie, qui autorise la prise en charge financière du logement, de l’alimentation ou encore du carburant par le pays d’accueil.

Par ailleurs, l’entrée en vigueur de cet accord engendrera une simplification des procédures, en particulier lors de la réception de stagiaires lituaniens en France ou lorsque la France apporte un soutien logistique, par exemple pour le déploiement d’une EPE.

La poursuite de l’enseignement du français en milieu militaire permettra quant à elle de disposer d’un vivier d’officiers francophones aptes à s’intégrer dans une opération de maintien de la paix en Afrique francophone, le cas échéant.

Les attentes sont plus fortes s’agissant du renforcement des exportations d’armement. Pour l’heure, si le séminaire franco-balte de 2014 a permis aux industriels français de promouvoir leurs matériels, les résultats demeurent décevants. Hormis les trois hélicoptères Dauphin mentionnés par votre rapporteur pour avis, les acteurs français ne sont pas parvenus à se positionner suffisamment sur d’autres dossiers, comme les véhicules blindés de combat d’infanterie ou la défense aérienne, malgré des contacts avec MBDA sur ce dernier point. À court terme, les acteurs français auront peut-être leur chance pour la livraison de quatre à six hélicoptères de transport de la classe neuf tonnes (Cougar ou Super Puma), que les autorités lituaniennes prévoient d’acquérir en 2017 et 2018. La Direction générale de l’armement n’a néanmoins pas jugé utile jusqu’à présent de constituer un comité d’armement, en restant aux rencontres régulières lors des salons militaires.

Enfin, cet accord participe au rayonnement de la France dans la région, bien que nos partenaires anglo-saxons y soient davantage implantés. La Lituanie poursuit d’ailleurs sa coopération avec les autres membres de l’Union européenne.

Accords de coopération entre la Lituanie et les membres de l’Union européenne

La Lituanie a conclu des accords de coopération avec la plupart des États européens. À titre d’exemple, et en ne comptabilisant pas les relations avec les deux autres États baltes ou la Pologne :

– coopération avec le Royaume-Uni : EU battlegroup en 2013 sous l’égide du Royaume-Uni, signature de la Lituanie d’un accord de formation d’une « JEF » (Joint Expeditionnary Force) avec six autres États (Estonie, Danemark, Lettonie, Pays-Bas, Norvège et Royaume-Uni) sous la direction du Royaume-Uni, présence de forces britanniques en Lituanie fin 2015 pour différents exercices ;

– coopération avec le Danemark : une brigade endivisionnée au sein d’une division danoise depuis 2004 (exercices annuels), participation à des opérations avec les Danois en Irak ;

–  coopération avec les États-Unis : une unité américaine (compagnie d’infanterie) stationnée de manière rotationnelle depuis mars 2014, coopération entre forces spéciales en Afghanistan et qui se poursuit en Ukraine, visite d’une autorité de niveau officier général américain (une par semaine en moyenne en 2015), projet de stationnement de 200 véhicules en provenance du stock European Activity Set dans la région de Siaulai (dont des chars Abrams et des véhicules blindés Bradley), acquisition de missiles Javelin anti-char (220 missiles et 74 lanceurs) ;

– coopération avec l’Allemagne et participation régulière d’une compagnie d’infanterie à des périodes d’entraînement de deux à trois mois en liaison avec la compagnie américaine et une unité lituanienne ; acquisition de 88 véhicules de combat d’infanterie Boxer, acquisition d’une vingtaine de pièces d’artillerie Pzh2000 avec poste de commandement ;

– coopération avec l’Union européenne lors d’exercices en Lituanie : Baltic Piranha 2015 avec les Belges et Luxembourgeois, contributions fréquentes des deux autres États baltes (Estonie et Lettonie) aux exercices militaires.

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En conclusion, votre rapporteur pour avis ne peut que soutenir l’adoption du présent projet de loi, qui permettra de conforter encore davantage la relation bilatérale entre la France et la Lituanie, et de sécuriser les actions de coopération existantes. Alors que le présent accord de défense devrait être définitivement ratifié par le Parlement d’ici la fin du mois de juin, votre rapporteur pour avis espère que le président de la République promulguera ce texte avant l’ouverture du Sommet de l’OTAN à Varsovie, le 8 juillet prochain. Il s’agirait d’un signal fort adressé à l’ensemble de nos alliés, témoignant de notre plein engagement à leurs côtés.

TRAVAUX DE LA COMMISSION

La commission examine pour avis, sur le rapport de M. Jean-Michel Villaumé, le projet de loi, adopté par le Sénat, autorisant l’approbation de l’accord entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République de Lituanie relatif à la coopération dans le domaine de la défense et de la sécurité (n° 3501) au cours de sa réunion du mardi 14 juin 2016.

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Conformément aux conclusions du rapporteur pour avis, la commission émet, à l’unanimité, un avis favorable à l’adoption du projet de loi.

ANNEXE
LISTE DES PERSONNES AUDITIONNÉES PAR LE RAPPORTEUR POUR AVIS

(par ordre chronologique)

Ø Ministère des Affaires étrangères et du développement international – M. Max-Olivier Gonnet, sous-directeur de l’Europe centre-orientale et balte, M. Raphaël Noiray, rédacteur,  M. Camille Grousselas, chef du bureau colloques et accords, direction de la coopération de sécurité et de défense ;

Ø Ministère de la Défense, direction générale des relations internationales et de la stratégie M. Olivier Landour, chef du service Europe, Amérique du Nord, action multilatérale, et Mme Jeanne Thiberge, analyste politique ;

Ø Ambassade de Lituanie en France – M. Dalius Čekuolis, ambassadeur, M. Giedrius Mickunas, ministre conseiller, et M. le colonel Romualdas Moldaris, attaché de défense pour la France, la Belgique, l’Espagne, le Luxembourg et l’Italie ;

Ø Audition commune :

– Direction des affaires juridiques du ministère de la Défense –Mme Marie-Isabelle Riviere, chargée d’études – bureau du droit international public général, sous-direction du droit international et européen ;

– Direction générale de l’armement – M. Hubert L’Ebraly, ingénieur général de l’armement, sous-direction « Europe centrale et orientale et Amérique du Sud ». 

© Assemblée nationale

1 () http://www.rand.org/pubs/research_reports/RR1253.html.

2 () Investissement d’un montant de 7 000 € à 8 000 € par an.

3 () La Lituanie étant membre de l’OTAN et de l’UE, elle bénéficie des stipulations de l’article 5 du traité de Washington et de l’article 42.7 du Traité sur l’Union européenne relatifs à l’assistance en cas d’agression extérieure.