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N
° 3979

______

ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4  OCTOBRE 1958

QUATORZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 20 juillet 2016.

RAPPORT

FAIT

AU NOM DE LA COMMISSION DES AFFAIRES ÉCONOMIQUES,
SUR LE PROJET DE LOI, adopté par le Sénat après engagement de la procédure accélérée,

ratifiant l’ordonnance n° 2016-129 du 10 février 2016 portant sur un
dispositif de continuité de fourniture succédant à la fin des offres de marché transitoires
de
gaz et d’électricité
(n° 3966)

par Mme Marie-Noëlle BATTISTEL,

Députée.

——

Voir les numéros :

Sénat  : 545, 760, 761 et T.A. 178 (2015-2016).

Assemblée nationale : 3966.

SOMMAIRE

___

Pages

INTRODUCTION 5

EXPOSÉ GÉNÉRAL 7

I. UNE ORDONNANCE POUR ASSURER LA CONTINUITÉ DE FOURNITURE SUITE À LA SUITE DE LA SUPPRESSION DES TARIFS RÉGLEMENTÉS DE VENTE POUR LES CLIENTS NON RÉSIDENTIELS 7

A. LA FIN DES TARIFS RÉGLEMENTÉS DE VENTE 7

1. Les lois « Nome » et « Consommation » ont permis de se conformer au droit européen 7

2. La mise en place d’une offre transitoire jusqu’au 30 juin 2016 9

B. LE CHOIX D’UN APPEL D’OFFRES POUR ASSURER LA FOURNITURE DES CLIENTS RESTÉS DORMANTS AU 1ER JUILLET 2016 10

II. LE DISPOSITIF MIS EN PLACE PAR L’ORDONNANCE A POSÉ DE NOMBREUSES DIFFICULTÉS AUXQUELLES IL FAUT APPORTER UNE SOLUTION EN VUE DU PROCHAIN APPEL D’OFFRES 13

A. LES MODALITÉS ET RÉSULTATS DE L’APPEL D’OFFRES NE FONT PAS DÉBAT 13

B. EN PRATIQUE, LES DIFFICULTÉS SONT NOMBREUSES ET SOURCES DE TENSIONS 15

1. La difficulté pour les fournisseurs lauréats de joindre leurs clients 15

2. Le non-respect de l’esprit de l’ordonnance par certains fournisseurs 17

3. Un problème de plus pour les entreprises rencontrant des difficultés financières 17

C. IL S’AGIT DÉSORMAIS DE REMÉDIER À CES DIFFICULTÉS EN VUE DU PROCHAIN APPEL D’OFFRES 18

EXAMEN EN COMMISSION 19

I. DISCUSSION GÉNÉRALE 19

II. EXAMEN DE L’ARTICLE UNIQUE 29

Article unique : Ratification de l’ordonnance n° 2016-129 du 10 février 2016 29

TABLEAU COMPARATIF 35

LISTE DES PERSONNES AUDITIONNÉES 37

INTRODUCTION

L’ordonnance n° 2016-129 du 10 février 2016 (1) soumise à ratification s’inscrit dans la continuité des dispositifs visant la fin effective des tarifs réglementés de vente (TRV) d’électricité et de gaz pour les clients non résidentiels. Depuis le 1er janvier 2016, en effet les TRV n’existent plus que pour les particuliers et les « petits professionnels ». Ils ont été supprimés pour les clients non résidentiels à la suite de la libéralisation des marchés de détail de l’électricité et du gaz impulsée par l’Union européenne.

576 000 clients étaient concernés par la fin des TRV au 1er janvier 2016 : les consommateurs d’électricité ayant une puissance souscrite supérieure à 36 kilovoltampères (kVA) et les clients professionnels ayant une consommation annuelle de gaz supérieure à 30 mégawattheures (MWh). Or, au 31 décembre 2015, tous ces clients n’avaient pas encore souscrit d’offre de marché. Une offre transitoire de six mois a été mise en place au 1er janvier 2016 pour éviter toute coupure dans la fourniture de gaz ou d’électricité de ces clients.

Au 30 juin 2016, date à laquelle l’offre transitoire a pris fin, quelque 30 000 clients n’avaient toujours pas souscrit à une offre de marché, malgré de nombreux courriers les informant de la nécessité d’une telle souscription.

L’ordonnance que ratifie le présent projet de loi tente donc d’inciter ces clients dits « dormants » à souscrire à une offre de marché. Ces clients peuvent être des entreprises, des industriels, des artisans, des commerçants, des agriculteurs, des professions libérales, des copropriétés, des associations et des personnes publiques. L’ordonnance organise l’affectation automatique, dès le 1er juillet 2016, de ces clients, à des fournisseurs retenus selon une procédure concurrentielle, organisée par la Commission de régulation de l’énergie (CRE). Les fournisseurs sont sélectionnés en fonction du montant unitaire qu’ils s’engagent à reverser à la collectivité nationale pour chaque MWh vendu.

La procédure d’appels d’offres s’est déroulée entre mars et avril 2016, dans le plein respect des dispositions fixées par l’ordonnance.

Après avoir entendu des fournisseurs, historiques comme alternatifs, des gros consommateurs de gaz et d’électricité, l’autorité de régulation et les services du ministère de l’environnement, de l’énergie et de la mer, votre Rapporteure note qu’une ratification conforme et rapide permettra de sécuriser le dispositif de l’ordonnance et d’éviter certains recours inopportuns.

Le dispositif de l’ordonnance est certes très complexe mais a également le mérite d’être équilibré. Il permet à la fois une juste protection des consommateurs concernés, une incitation forte pour ces consommateurs à souscrire à une offre de marché et une mise en concurrence effective des fournisseurs de gaz et d’électricité souhaitant assurer la fourniture des clients restés « dormants ».

Les nombreux problèmes qui se posent en pratique, liés, en particulier, aux difficultés que rencontrent les fournisseurs lauréats pour joindre leurs nouveaux clients, ne justifient pas une remise en cause du dispositif de l’ordonnance. Ces difficultés peuvent et doivent néanmoins être prises en compte de manière à optimiser le prochain appel d’offres de la CRE. Ce dernier devrait avoir lieu en novembre 2016 et concernera notamment les clients pour lesquels aucune offre n’avait été présentée par les fournisseurs lors de l’appel d’offres prévu par l’ordonnance soumise à ratification.

EXPOSÉ GÉNÉRAL

I. UNE ORDONNANCE POUR ASSURER LA CONTINUITÉ DE FOURNITURE SUITE À LA SUITE DE LA SUPPRESSION DES TARIFS RÉGLEMENTÉS DE VENTE POUR LES CLIENTS NON RÉSIDENTIELS

A. LA FIN DES TARIFS RÉGLEMENTÉS DE VENTE

1. Les lois « Nome » et « Consommation » ont permis de se conformer au droit européen

Deux types d’offres coexistent sur les marchés de détail de l’électricité et du gaz :

– les offres de marché, dont les prix sont fixés librement par les fournisseurs ;

– les TRV fixés conjointement par les ministres chargés de l’économie et de l’énergie, sur avis de la CRE.

Tous les fournisseurs peuvent proposer des offres de marché. À l’inverse, les TRV ne peuvent être proposés que par les fournisseurs historiques, à savoir EDF pour l’électricité, Engie pour le gaz ou les entreprises locales de distribution (ELD) pour le gaz ou l’électricité.

Aujourd’hui, les TRV n’existent plus que pour les particuliers. Ils ont été supprimés pour les clients non résidentiels, à la suite de la libéralisation des marchés de détail de l’électricité et du gaz impulsée par l’Union européenne.

La Commission européenne a en effet estimé que les TRV faussaient le fonctionnement du marché en ce qu’ils ne reflétaient pas ses besoins réels et entravaient la libre concurrence : « ils entretiennent de ce fait une situation monopolistique qui entraîne un sous-investissement ou gonfle inutilement les prix » (2). Elle a considéré que « conformément aux règles relatives au marché intérieur de l’énergie, toutes les entreprises doivent avoir la possibilité de fournir librement des services sur tout le territoire de l’Union et de fixer des tarifs qui tiennent compte de la situation réelle sur les marchés » (3). Est toutefois autorisée la fixation de tarifs réglementés quand ces derniers visent spécifiquement les clients qui en ont le plus besoin, sont limités dans le temps et garantissent aux entreprises européennes d’électricité un égal accès aux consommateurs nationaux.

La Commission européenne a ouvert une infraction contre la France dès 2006 (4) jugeant que, dans le cas français, l’application de la protection des prix pour l’ensemble des consommateurs non résidentiels, indépendamment de leur taille et de leur situation, était disproportionnée.

Deux lois ont permis de se conformer au droit européen et de supprimer les TRV d’électricité et de gaz pour les clients non domestiques, à l’exception des plus petits d’entre eux :

– la loi « Nome » du 7 décembre 2010 (5) prévoit la disparition les TRV sur le marché de l’électricité à compter du 1er janvier 2016 pour les consommateurs ayant une puissance souscrite supérieure à 36 kVA et dont le site de consommation est situé en métropole continentale ;

– la loi « Consommation » du 17 mars 2014 (6) prévoit la fin progressive des TRV pour les consommateurs professionnels dont la consommation annuelle excède 30 MWh, selon le calendrier suivant :

● le 19 juin 2014 pour les très gros consommateurs raccordés au réseau de transport ;

● le 31 décembre 2014 pour les clients non résidentiels et les immeubles d’habitation dont la consommation annuelle dépasse 200 MWh ;

● le 31 décembre 2015 pour les clients non résidentiels dont la consommation annuelle est supérieure à 30 MWh et les immeubles d’habitation consommant plus de 150 MWh par an.


Disparition progressive des TRV des clients non domestiques

Source : http://www.direct-energie-le-blog.com (accès le 11 juillet 2016)

2. La mise en place d’une offre transitoire jusqu’au 30 juin 2016

La suppression légale de ces tarifs a rendu caducs les contrats qui liaient les clients concernés et leurs fournisseurs, exposant ainsi ces clients à une interruption de fourniture.

Afin de garantir la continuité de la fourniture, l’article 25 de la loi n° 2014-344 du 17 mars 2014 relative à la consommation a prévu une période transitoire de six mois, pendant laquelle les clients qui n’avaient pas souscrit avant le 31 décembre 2015 un nouveau contrat auprès d’un fournisseur de leur choix étaient réputés avoir tacitement accepté une « offre de transition », d’une durée maximale de six mois, auprès de leur fournisseur historique.

17 000 sites fournis au gaz (soit 16 % des 108 000 sites concernés par la dernière échéance de suppression des TRV de gaz) et environ 100 000 sites à l’électricité (soit 21 % des 468 000 sites concernés) ont basculé au 1er janvier 2016 en offre transitoire. Ces sites étaient bien moins nombreux que prévus. Des offres de marché attractives ont en effet poussé beaucoup de sites à souscrire à une offre de marché avant le 31 décembre 2015.

En moyenne 5 % plus chère que les anciens tarifs dont bénéficiaient les consommateurs concernés, cette offre transitoire a fortement incité les sites en question à souscrire à une offre de marché. Les clients en offre transitoire pouvaient changer d’offre et de fournisseur sans frais et sans préavis de résiliation. L’offre transitoire avait pour caractéristique d’être résiliée au bout de six mois, c’est-à-dire au 30 juin 2016.

La question s’est donc posée de ce qui allait advenir des clients n’ayant toujours pas souscrit à une offre de marché au 30 juin 2016. La loi « Consommation » du 17 mars 2014 laissait ouverte la possibilité d’une coupure de l’approvisionnement des clients restés inertes. Le Gouvernement n’a pas souhaité y recourir, en accord avec la doctrine de la Commission européenne, même si le nombre de sites concernés était limité et que les coupures seraient intervenues en été.

Il fallait donc prévoir un nouveau dispositif applicable au terme de la période transitoire, c’est-à-dire à partir du 1er juillet 2016. Selon l’Autorité de la concurrence (7), deux solutions étaient à l’étude au début de l’année 2016 :

« – une réallocation des clients restés inertes au 1er juillet 2016 à des fournisseurs retenus selon une procédure de mise en concurrence organisée par la commission de régulation de l’énergie (CRE), les prix payés par les consommateurs étant à cet effet majorés par rapport aux offres de marché usuelles de manière à ne pas renforcer l’attentisme des clients n’ayant pas souscrit de leur propre initiative une offre de marché » ;

« – une pénalisation financière des clients restés en offre transitoire auprès de l’opérateur historique au 1er juillet 2016, visant à mettre l’accent sur une majoration progressive et significative des prix, pour atteindre 50 % au plus, mesure qui serait appliquée en période post-transitoire. »

La première solution a été choisie, comme dans de nombreux États européens ayant fait face à la même nécessité d’assurer la fourniture des clients restés « dormants » à la suite de la fin des TRV. Ainsi, aussi bien l’Italie, que l’Espagne, la Belgique ou l’Irlande ont eu recours à des fournisseurs « par défaut ». L’appel d’offres a souvent été la modalité choisie pour désigner de tels fournisseurs.

L’ordonnance que ratifie le présent projet organise donc l’affectation automatique, dès le 1er juillet 2016, des clients n’ayant pas souscrit une offre de marché, à des fournisseurs retenus selon une procédure concurrentielle organisée par la CRE.

B. LE CHOIX D’UN APPEL D’OFFRES POUR ASSURER LA FOURNITURE DES CLIENTS RESTÉS DORMANTS AU 1ER JUILLET 2016

L’offre transitoire a été particulièrement efficace puisqu’au 29 juin 2016, il ne restait plus que 22 000 sites en offre transitoire en électricité et 8 500 en gaz. Ce nombre peut toutefois être considéré comme relativement élevé compte tenu du fait que les clients concernés ont été informés trois fois avant l’expiration des TRV les concernant, puis deux fois avant la fin de l’offre transitoire.


ÉVOLUTION DU NOMBRE DE SITES AUX TARIFS RÉGLEMENTÉS DE VENTE CONCERNÉS PAR LA SUPPRESSION DES TARIFS RÉGLEMENTÉS DE VENTE AU 1ER JANVIER 2016, PUIS EN OFFRE TRANSITOIRE CHEZ EDF (SUR LE RÉSEAU ENEDIS)

Source : Données de l’Observatoire des marchés de l’électricité et du gaz naturel pour le 1er trimestre 2016 complétées avec des données de la CRE

ÉVOLUTION DU NOMBRE DE SITES AUX TARIFS RÉGLEMENTÉS DE VENTE,
PUIS EN OFFRE TRANSITOIRE CHEZ ENGIE AYANT PERDU LEUR ÉLIGIBILITÉ
AU 1ER JANVIER 2016

Source : Données de l’Observatoire des marchés de l’électricité et du gaz naturel pour le 1er trimestre 2016 complétées avec des données de la CRE

Les consommateurs concernés par le dispositif de l’ordonnance sont des entreprises, des industriels, des artisans, des commerçants, des agriculteurs, des professions libérales, des copropriétés, d’associations et des personnes publiques (collectivités territoriales, établissements publics). Par exemple, les consommateurs concernés par le dispositif de l’ordonnance et membres du comité de liaison des entreprises ayant exercé leur éligibilité au marché libre de l’électricité (CLEEE) auditionné par votre Rapporteure sont des sites qui ont été oubliés dans un précédent contrat-cadre de fourniture avec leur société mère et pour lesquels l’énergie représente un faible coût.

L’ordonnance prévoit que la CRE rédige le cahier des charges de la procédure de mise en concurrence et désigne les fournisseurs. L’ordonnance répond aux quatre conditions définies par la CRE pour passer avec succès l’échéance de la fin des TRV (8) :

– fixer le prix des offres transitoires à un niveau incitant les consommateurs à rechercher une offre de marché ;

L’ordonnance répond à cette condition puisqu’elle prévoit que le prix appliqué aux clients par les fournisseurs lauréats de l’appel d’offres soit majoré de 30 % par rapport aux prix pratiqués sur les marchés.

– construire un dispositif de continuité de fourniture se substituant à l’offre transitoire garantissant une ouverture effective à la concurrence ;

L’ordonnance répond à cette condition puisqu’elle définit précisément les termes de la mise en concurrence. Elle prévoit que la sélection des fournisseurs porte sur le montant unitaire que ces fournisseurs s’engagent à reverser à l’État pour chaque MWh vendu. Pour permettre aux fournisseurs alternatifs de démarcher les clients susceptibles de souscrire un contrat en offre de marché, l’ordonnance fixe l’obligation pour les fournisseurs historiques de transmettre les données de consommation des clients bénéficiant de l’offre de marché transitoire, à compter du 1er janvier 2016, à tout fournisseur autorisé par les autorités françaises qui en ferait la demande.

– renforcer l’information des consommateurs, en particulier sur les bénéfices qu’ils peuvent attendre aujourd’hui d’une offre de marché ;

L’ordonnance établit bien les droits et obligations des fournisseurs et de leurs clients, notamment en termes d’information et de modalités de résiliation.

– lever les obstacles techniques ;

L’ordonnance organise l’approvisionnement des clients figurant au sein de lots infructueux, c’est-à-dire de lots non remportés par un fournisseur. Ces clients continuent à être approvisionnés par les fournisseurs historiques, par l’intermédiaire d’une prolongation de l’offre de transition.

La procédure concurrentielle prévue par l’ordonnance soumise à ratification a eu lieu entre mars et avril 2016. Si les acteurs auditionnés par votre Rapporteure ont tous estimé que les modalités de cet appel d’offres étaient les bonnes, les difficultés qui se sont posées à la suite de l’annonce des résultats sont cependant nombreuses.

II. LE DISPOSITIF MIS EN PLACE PAR L’ORDONNANCE A POSÉ DE NOMBREUSES DIFFICULTÉS AUXQUELLES IL FAUT APPORTER UNE SOLUTION EN VUE DU PROCHAIN APPEL D’OFFRES

A. LES MODALITÉS ET RÉSULTATS DE L’APPEL D’OFFRES NE FONT PAS DÉBAT

La procédure d’appels d’offres s’est déroulée dans le plein respect des dispositions fixées par l’ordonnance. Conformément à l’ordonnance, le cahier des charges de l’appel d’offres majore d’au plus 30 % le prix payé par les clients concernés.

Le cahier des charges de l’appel d’offres prévoit, comme le permet l’ordonnance, un allotissement par zone géographique et par type de sites de consommation :

– en électricité : un découpage fonctionnel (en fonction du segment de clientèle (9) et de l’option tarifaire du TURPE (10)) puis arithmétique (pas plus de 1 000 sites ou 50 GWh annuels par lot) sur le territoire desservi par Enedis (soit 263 lots) et un découpage géographique sur le territoire des ELD (un lot par ELD, soit 54 lots) ;

– en gaz : un découpage géographique (zones nord ou sud) puis arithmétique (pas plus de 1 000 sites ou 50 GWh annuels par lot) sur le territoire desservi par GRDF (soit 20 lots) et un découpage géographique sur le territoire des ELD (un lot par ELD, soit 12 lots).

Chaque candidat s’est vu attribuer les lots pour lesquels il avait proposé les montants unitaires de reversement à l’État les plus élevés dans la limite d’un plafond de 15 % des lots indiqués au cahier des charges (11). Le montant le plus faible des moyens unitaires reversés dans les offres acceptées par la CRE est inférieur à 1 € tandis que le plus élevé est d’environ 50 € en électricité et 14,85 € en gaz naturel. Les résultats de l’appel d’offres sont les suivants :

– en électricité, onze fournisseurs ont remporté l’appel d’offres, pour un montant unitaire moyen retenu de 19,50 €/MWh sur le territoire desservi par Enedis et 10,60 €/MWh sur celui desservi par les ELD. Ces fournisseurs sont Alterna, Uniper, Vialis, Lucia, EDF, EDSB, Direct Energie, Hydroption, Engie et Energies Libres et ES ;

– en gaz, dix fournisseurs ont remporté l’appel d’offres, pour un montant unitaire moyen retenu de 8,06 €/MWh sur le territoire desservi par GRDF et 8,10 €/MWh sur celui desservi par les ELD. Ces fournisseurs sont Antargaz, Caleo, Engie, Direct Energie, ENI, ES Gaz, ESL, Gaz de Bordeaux, Région Gaz et Vialis.

Les modalités de constitution des lots, en particulier la création d’un lot pour chaque ELD et de trois lots de clients spécifiques sur le réseau d’Enedis (branchement provisoire, hébergeurs décomptants (12) et clients sur le segment C5 ayant souscrit une puissance supérieure à 36 kVA), visaient à réduire le nombre de lots infructueux. 58 lots, représentant au total plusieurs milliers de sites, ont tout de même été déclarés infructueux soit en l’absence d’offre (13), soit parce que les sites en question avaient, entre-temps, souscrit une offre de marché. Il s’agit principalement de lots desservis par les ELD (48 lots en électricité et 6 en gaz) et de 4 lots desservis par Enedis correspondant à des types de clients très spécifiques de moins en moins nombreux. Plus de 2 000 des 4 300 sites concernés étaient sortis de l’offre transitoire au 29 juin 2016 (14).

Les deux objectifs de l’appel d’offres, celui d’assurer une mise en concurrence effective entre fournisseurs et celui de permettre la protection du consommateur, ont été assurés.

La mise en concurrence de la fourniture des clients « dormants » a été effective. La direction générale de l’énergie et du climat (DGEC), sur la base des informations fournies par les autres États membres, estime que le dispositif mis en place par l’ordonnance soumise à ratification est l’un des plus ouverts en termes de nombre de fournisseurs candidats.

La protection du consommateur a également été assurée. Il n’y a eu aucune coupure d’électricité ou de gaz due à l’impossibilité pour un fournisseur lauréat de joindre son nouveau client. Les clients ont soit basculé dans le dispositif de l’ordonnance, soit continué à être fourni en gaz et en électricité par les fournisseurs historiques, par prolongation de l’offre transitoire. Les seuls cas de coupure qui ont pu éventuellement avoir lieu sont dus à l’opposition de clients à basculer dans le dispositif prévu par l’ordonnance, sans toutefois souscrire à une offre de marché. La CRE n’a pas de donnée chiffrée à ce sujet mais ces cas sont probablement très rares.

Votre Rapporteure ne reprend pas à son compte certaines critiques des fournisseurs selon lesquelles la CRE aurait mis en concurrence des sites qui n’étaient pas concernés par le dispositif de l’ordonnance soit parce qu’ils avaient déjà été attribués précédemment dans le cadre d’un appel d’offres public, soit parce qu’ils avaient souscrit une trop petite puissance pour être concernés par la fin des TRV. En effet, les sites qui avaient été remportés dans le cadre d’appels d’offres publics précédents ont été remis en concurrence par la CRE car le fournisseur ayant remporté l’appel d’offres n’avait pas déposé assez tôt sa demande de rattachement des sites en question à son périmètre de fourniture. De même, certains sites ont pu être inscrits comme non résidentiels alors qu’ils l’étaient, notamment des logements de fonction dans des collèges ou des lycées, mais ces erreurs sont très peu nombreuses.

Si, en théorie, l’appel d’offres est une solution accueillie favorablement par les acteurs, consommateurs comme fournisseurs, son application, en pratique, se révèle problématique.

B. EN PRATIQUE, LES DIFFICULTÉS SONT NOMBREUSES ET SOURCES DE TENSIONS

1. La difficulté pour les fournisseurs lauréats de joindre leurs clients

Tous les fournisseurs, alternatifs comme historiques, ont fait part de leurs difficultés à contacter les consommateurs des sites dont ils avaient remporté l’appel d’offres.

Les fournisseurs expliquent cette difficulté par la défiance desdits consommateurs à l’égard des appels téléphoniques, mails ou courriers de leur fournisseur attribué par défaut, cela d’autant plus que certains fournisseurs lauréats sont peu connus par de nombreux consommateurs.

Les fournisseurs expliquent également cette difficulté par la mauvaise qualité des fichiers de contact des clients remportés par appel d’offres. Ces fichiers sont pour une grande part obsolètes et contiennent souvent de mauvaises adresses de facturation. D’après certains fournisseurs auditionnés par votre Rapporteure, le taux de « N’habite pas à l’adresse indiquée » (NPAI) auquel ils ont fait face est proche de 30 %. Les taux de NPAI calculés par la CRE à partir des données transmises par les fournisseurs sont toutefois plus faibles. En prenant comme dénominateur le nombre de sites présents dans les lots communiqués aux fournisseurs par la CRE le 9 mai, la CRE a calculé des taux de NPAI compris entre 10,38 % et 16,70 % pour l’électricité et entre 10,23 % et 17,32 % pour le gaz. Ces taux doivent être considérés avec précaution. Plusieurs fournisseurs n’ont pas transmis de données à la CRE. D’autres, notamment les fournisseurs historiques, ne disposent que de données partielles car ils n’ont pas envoyé de courriers recommandés avec demande d’avis de réception.

Les moyens engagés pour joindre les clients ont été, d’après les fournisseurs, extrêmement coûteux.

L’exemple d’HYDROPTION (15)

Les coûts additionnels provoqués par l’appel d’offres s’élèvent à 150 000 € environ.

– Frais postaux liés aux envois des lettres recommandées : 25 000 €

– Frais de personnel afin de qualifier les données clients fournies (3 intérimaires pendant plusieurs mois) : 25 000 €

– Perte estimée sur les clients qui ne paieront pas l’électricité consommée en juillet : 100 000 € (au 10 juillet 2016, il reste 125 clients dont seules les adresses postales sont correctes mais qui ne réagissent pas à une mise en demeure pour facture impayée).

La mauvaise qualité des fichiers d’adresses n’a pas uniquement posé problème aux fournisseurs. Elle a également été à l’origine d’un phénomène qualifié d’ « anxiogène » par certains consommateurs. En effet, les fournisseurs ont, lorsqu’ils étaient en possession de plusieurs adresses pour un même client, adressé des courriers de manière indiscriminée à toutes les adresses. Certains clients ayant déjà basculé en offre de marché ont donc reçu de tels courriers, ce qui a pu être source d’inquiétudes (16).

Les fichiers d’adresses précédemment évoqués auxquels ont accès les fournisseurs sont :

– le fichier d’adresses de facturation établi par le fournisseur historique ;

– le fichier d’adresses dressé par la CRE à partir du fichier d’Engie pour ce qui est du gaz et d’Enedis pour l’électricité.

Il est donc légitime de s’interroger sur les raisons pour lesquelles ces deux fichiers n’ont pas permis aux fournisseurs lauréats de joindre leurs clients.

Votre Rapporteure souligne qu’il ne s’agit pas forcément de négligence de la part des opérateurs historiques. Tout d’abord, la gestion d’un fichier d’une telle taille est extrêmement complexe : les adresses de facturation diffèrent des adresses de livraison et les consommateurs ne notifient pas toujours aux fournisseurs leurs changements d’adresses. Ensuite, le fichier fourni par la CRE pour l’électricité partait des données Enedis contenant des adresses de livraison et non de facturation, ce qui a pu renforcer les difficultés. Pour ce qui est du fichier fourni par EDF, il semblerait que, pour de nombreux consommateurs, EDF ait souligné la bonne adresse à prendre en compte mais que les fournisseurs n’aient pas suffisamment été informés de cela.

Certains fournisseurs auditionnés par votre Rapporteure ont proposé que le reversement dû à l’État soit supprimé pour compenser les surcoûts induits par la recherche, plus difficile que prévue, des coordonnées des clients. Votre Rapporteure note que les fournisseurs disposent d’une marge significative sur la tarification des clients remportés par l’appel d’offres qui est susceptible de couvrir, sinon la totalité, du moins une grande partie de ces surcoûts.

2. Le non-respect de l’esprit de l’ordonnance par certains fournisseurs

Les difficultés posées en pratique à la suite de l’appel d’offres s’expliquent également par le fait qu’un certain nombre de fournisseurs n’ont pas respecté l’esprit de l’ordonnance.

Les fournisseurs n’ayant pas pu, après avoir effectué les diligences nécessaires, joindre leurs clients pour les informer des nouvelles conditions contractuelles n’ont pas l’obligation de faire basculer lesdits clients dans le dispositif de l’ordonnance.

Au contraire, les fournisseurs ayant réussi à joindre leurs clients pour les informer des nouvelles conditions contractuelles mais n’ayant pas réussi à obtenir leurs coordonnées bancaires sont tenus de faire basculer ces clients dans le dispositif de l’ordonnance et de les fournir en gaz ou en électricité. Ceci avait, d’après la CRE et certains fournisseurs, été précisé lors de groupes de travail. Or, deux fournisseurs ne respectent pas cette disposition et n’ont pas fait basculer les clients pour lesquels ils n’avaient pas les coordonnées bancaires. Les fournisseurs historiques continuent donc à alimenter en offre transitoire les clients dont leurs concurrents n’ont pas voulu.

La CRE a indiqué être entrée en discussion avec la DGEC pour définir les éventuelles mesures à prendre envers les consommateurs concernés mais surtout envers ces deux fournisseurs. Votre Rapporteure estime qu’il est indispensable de traiter cette question.

3. Un problème de plus pour les entreprises rencontrant des difficultés financières

Certaines entreprises rencontrant des difficultés financières ont souhaité souscrire à une offre de marché avant le 30 juin 2016 mais ont fait face au refus des fournisseurs de gaz ou d’électricité, ces derniers les considérant comme peu solvables. Elles ont donc été forcées de basculer dans le dispositif de l’ordonnance au 1er juillet dernier, c’est-à-dire à payer beaucoup plus cher leur fourniture de gaz ou d’électricité. Ceci ne peut que renforcer leurs difficultés financières.

La DGEC avait, il y a quelques années, estimé que le nombre d’entreprises concernées par le problème de refus de fourniture était très faible. Elle avait donc jugé extrêmement complexe voire peu efficiente la mise en place d’un dispositif ad hoc tel que la désignation d’un fournisseur par défaut ou la mutualisation des coûts de fourniture pour les clients concernés.

Votre Rapporteure souhaite toutefois alerter sur la nécessité de traiter rapidement cette question, au regard des conséquences pour les entreprises forcées de basculer dans le dispositif de l’ordonnance ou de se retrouver sans fournisseur.

C. IL S’AGIT DÉSORMAIS DE REMÉDIER À CES DIFFICULTÉS EN VUE DU PROCHAIN APPEL D’OFFRES

La CRE devrait lancer un nouvel appel d’offres d’ici le 9 novembre 2016 portant sur les clients suivants :

– les clients des lots déclarés infructueux en raison de l’absence d’offre présentée ;

– les clients des lots attribués pour lesquels les fournisseurs lauréats ne peuvent pas déposer de demande de changement de fournisseur auprès du gestionnaire de réseau, faute d’avoir pu joindre leurs clients pour les informer des nouvelles conditions contractuelles qui leur sont applicables ;

– et éventuellement, si une décision est prise en ce sens, les clients que certains fournisseurs n’ont pas souhaité faire basculer dans leur périmètre de fourniture faute d’avoir pu, après les avoir contactés, obtenir leurs coordonnées bancaires.

D’après la DGEC, au 12 juillet 2016, ces trois catégories de clients représenteraient 4 500 sites.

De nombreux acteurs auditionnés par votre Rapporteure ont fait part de leur opposition à ce nouvel appel d’offres, estimant que le nombre de clients restants ne justifiait pas une procédure aussi complexe et exprimant leurs doutes quant à la volonté des fournisseurs d’être candidats, étant donné la mauvaise qualité des fichiers. À ce sujet, la CRE a demandé aux fournisseurs historiques de rechercher les données actualisées de contact des clients concernés avant le lancement du prochain appel d’offres. Le problème induit par la mauvaise qualité des fichiers devrait donc être sinon inexistant, en tout cas bien moindre en novembre 2016 qu’en mai dernier.

Votre Rapporteure estime que les modalités de ce futur appel d’offres devront, non seulement être arrêtées au regard du nombre et des caractéristiques des clients qui seront encore en offre transitoire, mais également avoir fait l’objet de consultations avec les fournisseurs pour tirer parti du retour d’expérience du premier appel d’offres.

EXAMEN EN COMMISSION

I. DISCUSSION GÉNÉRALE

Au cours de sa séance du mercredi 20 juillet 2016, la commission a procédé à l’examen du projet de loi ratifiant l’ordonnance n° 2016-129 du 10 février 2016 portant sur un dispositif de continuité de fourniture succédant à la fin des offres de marché transitoires de gaz et d’électricité (n° 3966), sur le rapport de Mme Marie-Noëlle Battistel.

Mme la présidente Frédérique Massat. Mes chers collègues, le projet de loi ratifiant l’ordonnance n° 2016-129 du 10 février 2016 portant sur un dispositif de continuité de fourniture succédant à la fin des offres de marché transitoires de gaz et d’électricité que nous examinons aujourd’hui a été voté conforme par le Sénat le 13 juillet. Il sera examiné dans l’hémicycle, à l’Assemblée nationale, la semaine du 26 septembre.

Nous comptons sur notre rapporteure pour nous éclairer sur un domaine qu’elle connaît parfaitement.

Mme Marie-Noëlle Battistel, rapporteure. Le présent projet de loi est constitué d’un article unique qui propose de ratifier, sans la modifier, l’ordonnance prise en application de l’article 172 de la loi relative à la transition énergétique pour la croissance verte. Ledit article autorise le Gouvernement à prendre par ordonnance les dispositions nécessaires pour compléter la transposition de deux directives européennes de 2009 libéralisant les marchés de détail européens du gaz et de l’électricité. À ce sujet, je regrette, tout comme le rapporteur du projet de loi au Sénat, que le dispositif de l’ordonnance n’ait été mentionné ni dans l’exposé des motifs de l’amendement gouvernemental à l’origine de cet article 172, ni dans la présentation faite par le Gouvernement en séance publique. Cela aurait permis une meilleure information du Parlement.

Je précise que ce projet de loi a été voté conforme au Sénat, en commission des affaires économiques le 6 juillet, et en séance le 13 juillet.

Après avoir entendu des fournisseurs, historiques comme alternatifs, des gros consommateurs de gaz et d’électricité, la Commission de régulation de l’énergie (CRE) et la direction générale de l’énergie et du climat (DGEC), je vous propose d’adopter conforme ce projet de loi. L’ordonnance qu’il ratifie est nécessaire et équilibrée.

L’ordonnance est nécessaire, car elle s’inscrit dans la continuité des dispositifs visant la fin effective des tarifs réglementés de vente (TRV) d’électricité et de gaz pour les clients non résidentiels. Depuis le 1er janvier 2016, en effet, les TRV n’existent plus que pour les particuliers. Ils ont été supprimés pour les clients non résidentiels à la suite de la libéralisation des marchés de détail de l’électricité et du gaz impulsée par l’Union européenne.

Les tarifs réglementés de vente n’évoluent pas librement : ils sont fixés et régulièrement mis à jour par le ministère de l’énergie, après consultation de la Commission de régulation de l’énergie. Seuls les fournisseurs historiques sont autorisés à les commercialiser – EDF pour l’électricité, Engie pour le gaz naturel. Dans certaines régions, des entreprises locales de distribution (ELD) peuvent toutefois se substituer à ces opérateurs pour la fourniture d’énergie aux tarifs réglementés, comme, par exemple, Gaz Électricité de Grenoble (GEG), Gaz de Bordeaux.

Deux lois ont permis de se conformer au droit européen et de supprimer les TRV d’électricité et de gaz pour les clients non domestiques, à l’exception des plus petits d’entre eux : la loi du 7 décembre 2010 portant nouvelle organisation du marché de l’électricité, dite « loi Nome », qui prévoit la disparition des TRV sur le marché de l’électricité à compter du 1er janvier 2016 pour les consommateurs ayant une puissance souscrite supérieure à 36 kilovoltampères et dont le site de consommation est situé en métropole continentale ; la loi du 17 mars 2014 relative à la consommation, qui prévoit la fin des TRV le 31 décembre 2015 pour les clients non résidentiels dont la consommation annuelle est supérieure à 30 mégawattheures et les immeubles d’habitation consommant plus de 150 mégawattheures par an.

Les clients concernés par la fin des TRV au 1er janvier 2016 étaient au nombre de 576 000. L’enjeu était de taille puisqu’il fallait trouver un moyen pour assurer la fourniture des clients qui n’auraient pas souscrit une offre de marché avant le 31 décembre 2015. Le Gouvernement a fait le choix, et je l’approuve, de ne pas provoquer de coupure dans l’approvisionnement de la fourniture de gaz et d’électricité de ces clients.

Afin de garantir la continuité de la fourniture, il a prévu, dans la loi relative à la consommation, une période transitoire de six mois, du 1er janvier au 30 juin 2016, pendant laquelle les clients n’ayant pas souscrit avant le 31 décembre 2015 un nouveau contrat auprès d’un fournisseur de leur choix étaient réputés avoir tacitement accepté une offre transitoire auprès de leur fournisseur historique. Cette offre était en moyenne 5 % plus chère que les tarifs réglementés dont ils bénéficiaient préalablement, de manière à les inciter à souscrire une offre de marché.

Or cette offre a pris fin le 30 juin 2016. À cette date, quelque 30 000 clients n’avaient toujours pas souscrit d’offre de marché. Cela peut sembler peu en comparaison des 576 000 clients concernés initialement, mais cela reste relativement élevé au regard des nombreux courriers informant ces clients de la nécessité de souscrire une offre de marché.

Ces clients sont extrêmement variés : entreprises, industriels, artisans, commerçants, agriculteurs, professions libérales, copropriétés, associations, personnes publiques. Les gros consommateurs que j’ai pu auditionner, en tant que rapporteure, sont des sites qui ont été oubliés dans un précédent contrat-cadre de fourniture avec leur société mère, et dont certains se préoccupent peu de leur abonnement de fourniture. L’énergie représente pour eux un faible coût dans leur bilan.

L’ordonnance que ratifie le présent projet de loi tente donc d’inciter ces clients dits « dormants » à souscrire une offre de marché. Elle organise l’affectation automatique de ces clients, dès le 1er juillet 2016, à des fournisseurs retenus selon une procédure concurrentielle, organisée par la Commission de régulation de l’énergie. Les fournisseurs sont sélectionnés en fonction du montant unitaire qu’ils s’engagent à reverser à la collectivité nationale pour chaque mégawatt vendu.

La procédure d’appel d’offres s’est déroulée entre les mois de mars et d’avril 2016, dans le plein respect des dispositions fixées par l’ordonnance. Chaque candidat s’est vu attribuer les lots, constitués par zone géographique et par type de sites de consommation, pour lesquels il avait proposé les montants unitaires de reversement à l’État les plus élevés, dans la limite d’un plafond de 15 % des lots indiqués au cahier des charges.

Les modalités de constitution des lots visaient à réduire le nombre de lots infructueux. Cinquante-huit lots, représentant au total plusieurs milliers de sites, ont tout de même été déclarés infructueux soit en l’absence d’offre, soit parce que les sites en question avaient entre-temps souscrit une offre de marché. Il s’agit principalement de lots desservis par les ELD et de quatre lots desservis par Enedis correspondant à des types de clients très spécifiques, de moins en moins nombreux.

En électricité, onze fournisseurs ont remporté l’appel d’offres – Uniper, Vialis, Lucia, EDF, Direct Energie, Hydroption, Engie, ES, Alterna, EDSB et Énergies Libres –, pour un montant unitaire moyen retenu de 19,50 euros le mégawattheure sur le territoire desservi par Enedis et 10,60 euros le mégawattheure sur celui desservi par les ELD. En gaz, dix fournisseurs ont remporté l’appel d’offres – Antargaz, Caléo, Engie, Direct Energie, Eni, Es Gaz, Énergies Services Lavaur (ESL), Gaz de Bordeaux, Région Gaz et Vialis –, pour un montant unitaire moyen retenu de 8,06 euros le mégawattheure sur le territoire desservi par GRDF et 8,10 euros le mégawattheure sur celui desservi par les ELD.

Un projet de décret est en cours d’élaboration à la DGEC pour définir les modalités de recouvrement des montants dus à l’État par les fournisseurs lauréats. Il apporte satisfaction aux acteurs de terrain, qui souhaitaient que le reversement ne soit pas qualifié de taxe. Selon eux, l’insertion de cette taxe sur les factures aurait représenté des coûts substantiels en termes de modification informatique pour le traitement automatisé des factures.

L’ordonnance que ratifie le projet de loi est également équilibrée.

Elle permet, tout d’abord, une juste protection des consommateurs concernés. Elle prévoit, en effet, l’obligation d’une information préalable du consommateur à la prise d’effet du contrat ou de ses modifications, l’existence d’un droit d’opposition et la possibilité de résilier le contrat à tout moment, sans indemnité. Certes, l’ordonnance prévoit qu’au-delà de la période initiale d’un an, les conditions contractuelles puissent évoluer, à l’initiative du fournisseur. Toutefois, cette possibilité laissée aux fournisseurs est justifiée et strictement encadrée. Elle est justifiée, car elle permet de prendre en compte les évolutions des coûts des fournisseurs et les changements de réglementation ; elle est strictement encadrée, car la CRE peut s’opposer à la modification des conditions contractuelles.

L’ordonnance incite, ensuite, fortement les consommateurs à souscrire une offre de marché, car elle prévoit une majoration du prix du gaz ou de l’électricité pour les clients basculant dans le dispositif de l’ordonnance.

Elle permet, enfin, une mise en concurrence effective des fournisseurs de gaz et d’électricité souhaitant assurer la fourniture des clients restés dormants. L’ordonnance permet le plafonnement du nombre de sites pouvant être attribués à un même fournisseur. Elle vise également à permettre aux fournisseurs alternatifs de démarcher les clients susceptibles de souscrire un contrat en offre de marché en prévoyant l’obligation pour les fournisseurs historiques de transmettre les données de consommation des clients bénéficiant de l’offre de marché transitoire, à compter du 1er janvier 2016, à tout fournisseur autorisé par les autorités françaises qui en ferait la demande.

De nombreux États européens ont également organisé des appels d’offres pour désigner un fournisseur par défaut chargé d’assurer la fourniture des clients restés dormants à la suite de la fin des TRV. Il faut noter que le dispositif mis en place en France par l’ordonnance soumise à ratification est l’un des plus ouverts en termes de nombre de fournisseurs candidats.

Le dispositif de l’ordonnance et l’appel d’offres qui s’en est suivi n’ont pas fait l’objet de réels débats lors des auditions. Toutefois, fournisseurs comme consommateurs ont insisté sur les difficultés qui se sont posées en pratique dès l’annonce des résultats de l’appel d’offres, début mai, par la CRE.

Trois difficultés sont principalement remontées des auditions.

La première est la difficulté pour les fournisseurs à joindre leurs clients. Elle s’explique, selon les fournisseurs, par la mauvaise qualité des fichiers de contact des clients remportés par appel d’offres – manque de données de contact, adresses de facturation erronées. Cette difficulté a conduit de nombreux fournisseurs à engager des frais importants pour joindre leurs clients. Certains nous ont affirmé avoir déboursé jusqu’à 150 000 euros, notamment en frais postaux et frais de personnel, pour contacter les consommateurs.

Beaucoup de fournisseurs s’interrogent sur les raisons de cette difficulté. Il ne s’agit pas forcément de négligence dans la constitution des fichiers d’adresses de la part des opérateurs historiques. Il est extrêmement complexe de gérer un fichier d’une telle taille, car les adresses de facturation diffèrent des adresses de livraison ou encore les consommateurs ne notifient pas toujours aux fournisseurs leurs changements d’adresses.

Des problèmes plus techniques peuvent constituer une autre explication. Le fichier fourni par la CRE pour l’électricité partait ainsi des données Enedis contenant des adresses de livraison et non de facturation, ce qui est moins utile pour contacter la personne chargée du paiement de la facture.

Il semble y avoir eu également des problèmes de coordination. EDF aurait transmis aux autres fournisseurs des fichiers comportant plusieurs adresses, en soulignant celles à prendre en compte, mais les en aurait insuffisamment informés.

La deuxième difficulté est liée au non-respect par certains fournisseurs de l’esprit de l’ordonnance. Les fournisseurs ayant réussi à joindre leurs clients pour les informer des nouvelles conditions contractuelles sont tenus de les faire basculer dans le dispositif de l’ordonnance et de les fournir en gaz ou en électricité même s’ils n’ont pas réussi à obtenir leurs coordonnées bancaires. Or deux fournisseurs n’ont pas respecté cette disposition, et les fournisseurs historiques continuent à alimenter en offre transitoire les clients dont leurs concurrents n’ont pas voulu.

La troisième difficulté concerne les entreprises rencontrant des problèmes financiers. Certaines ont souhaité souscrire une offre de marché avant le 30 juin 2016, mais se sont heurtées au refus des fournisseurs de gaz ou d’électricité en raison de leur manque de solvabilité. Elles ont donc été obligées de basculer dans le dispositif de l’ordonnance au 1er juillet dernier, payant de ce fait beaucoup plus cher leur fourniture de gaz et d’électricité, ce qui ne peut que renforcer leurs difficultés financières.

Ces difficultés, qui existent bel et bien, n’étaient pas nécessairement prévues. Elles sont, certes, sources de tensions, mais cela ne justifie pas une remise en cause du dispositif de l’ordonnance qui n’en est pas responsable en soi. Pour autant, il ne faut pas les ignorer ; elles doivent être traitées.

Des mesures doivent être prises contre les fournisseurs qui n’ont pas respecté l’esprit de l’ordonnance. Le problème des fichiers doit être résolu avant le prochain appel d’offres de la CRE, qui devrait avoir lieu au mois de novembre 2016. Celui-ci concernerait environ 4 500 sites, répartis en trois types de clients : les clients des lots déclarés infructueux en raison de l’absence d’offre ; les clients des lots attribués pour lesquels les fournisseurs lauréats ne peuvent pas déposer de demande de changement de fournisseur auprès du gestionnaire de réseau faute d’avoir pu joindre les clients pour les informer des nouvelles conditions contractuelles qui leur sont applicables ; éventuellement, les clients que certains fournisseurs n’ont pas souhaité faire basculer dans leur périmètre de fourniture, faute d’avoir pu, après les avoir contactés, obtenir leurs coordonnées bancaires.

Notons que la CRE a déjà demandé aux fournisseurs historiques de rechercher les données actualisées de contact des clients concernés avant le lancement du prochain appel d’offres. Le problème engendré par la mauvaise qualité des fichiers devrait donc être, sinon inexistant, en tout cas bien moindre en novembre 2016 qu’en mai dernier. Il s’agit d’être vigilant quant au suivi de la requalification des fichiers.

Enfin, il est nécessaire de résoudre le problème du fournisseur de dernier recours pour les entreprises en redressement judiciaire.

Une ratification conforme et rapide permettra, de plus, de sécuriser le dispositif de l’ordonnance.

Lorsque le Gouvernement dépose un projet de loi de ratification, le Parlement peut ratifier les ordonnances et leur conférer ainsi valeur législative ou ne pas être appelé à en débattre, auquel cas les ordonnances demeurent des actes de l’autorité réglementaire. La ratification n’a pas pour objet, comme certains pourraient le penser, de sécuriser le dispositif pour le dupliquer au cas des TRV pour les particuliers – j’insiste sur ce point, car de nombreuses questions ont été posées en ce sens. Il n’est pas question aujourd’hui de la fin des TRV pour les particuliers. Le Gouvernement souhaite les maintenir. Il faut toutefois rester vigilant puisque les conclusions présentées le 12 avril dernier par l’avocat général de la Cour de Justice de l’Union européenne, dans le cadre d’une question posée par le Conseil d’État à la suite d’un recours déposé par les fournisseurs alternatifs, laissent penser que les tarifs réglementés du gaz seraient contraires au droit de la concurrence. La Cour de Justice de l’Union européenne devrait rendre son jugement dans les prochaines semaines.

La ratification a, en réalité, pour principal intérêt de sécuriser le dispositif mis en place par l’ordonnance. Elle permettra ainsi d’éviter de potentiels recours inopportuns des fournisseurs. À partir du moment où l’ordonnance acquerra valeur législative, les recours devant le juge administratif ne seront plus possibles ; seuls les recours devant le juge constitutionnel seront acceptables.

Puisque l’ordonnance est équilibrée et nécessaire et qu’une ratification rapide permettra de sécuriser le dispositif, je vous propose aujourd’hui d’adopter conforme le projet de loi qui sera examiné en séance publique à la rentrée.

M. Jean Grellier. Vous avez rappelé, Madame la rapporteure, ce qui nous conduit à examiner aujourd’hui ce projet de loi de ratification : la France s’est engagée à supprimer les tarifs réglementés de l’électricité et du gaz pour les entreprises et les collectivités à compter du 1er janvier 2016. La suppression légale de ces tarifs a rendu caducs les contrats qui liaient les clients concernés à leurs fournisseurs, les exposant ainsi au risque d’une interruption de fourniture. Malgré cela, nombreuses sont les entreprises et les collectivités qui n’ont pas encore effectué les démarches nécessaires.

L’article 25 de la loi du 17 mars 2014 relative à la consommation a prévu une période transitoire de six mois pendant laquelle les clients qui n’avaient pas souscrit avant le 31 décembre 2015 un nouveau contrat auprès d’un fournisseur de leur choix sont réputés avoir tacitement accepté une offre de transition d’une durée maximale de six mois auprès de leur fournisseur historique. Cependant, en dépit des courriers qui leur ont été adressés, un nombre encore significatif de clients concernés par la suppression des tarifs n’a toujours pas souscrit d’offre de marché – on parle de 8 500 sites pour le gaz et de plus de 22 000 pour l’électricité. Il était donc nécessaire d’établir un nouveau dispositif permettant de garantir la continuité de la fourniture, solution que les pouvoirs publics ont toujours préférée à la rupture d’approvisionnement d’électricité ou de gaz. En effet, les clients concernés sont surtout de petits professionnels, artisans, commerçants ou PME, dont il n’était pas imaginable de couper l’alimentation de façon brutale. En ratifiant l’ordonnance, nous évitons aussi que ce dispositif fasse l’objet de nombreux recours devant le juge administratif. Le dispositif protège triplement les consommateurs : d’abord, par l’information délivrée aux différents stades de la procédure, sous la forme de nombreuses relances ; ensuite, par la possibilité d’exercer un droit d’opposition si le contrat ou le fournisseur attribués ne satisfont pas le client ; enfin, par un régime de résiliation qui laisse la possibilité au consommateur de quitter son fournisseur à n’importe quel moment.

L’article unique du présent projet de loi a donc pour objet de ratifier l’ordonnance du 10 février 2016 sans modification. Créant un dispositif de continuité de fourniture pour succéder à la fin des offres de marché transitoires de gaz et d’électricité, l’ordonnance organisait l’affectation, dès le 1er juillet 2016, des clients à des fournisseurs désignés selon une procédure concurrentielle, organisée par la Commission de régulation de l’énergie. Cette dernière a retenu une douzaine d’entreprises pour le gaz et autant pour l’électricité, les lots attribués étant constitués par catégorie de consommateurs et par zone géographique. Afin de ne pas conforter l’attentisme des consommateurs, les tarifs des offres sont majorés de 30 % par rapport au prix initial, ce qui incite fortement les clients concernés à rechercher une nouvelle offre de marché, et les fournisseurs s’engagent ensuite à reverser à la collectivité nationale chaque mégawattheure vendu.

Non sans saluer le travail de Madame la rapporteure, notre groupe votera conforme ce projet de loi qui sécurise la démarche pour l’ensemble des consommateurs concernés. Nous souhaitons, néanmoins, que les différents problèmes techniques relevés puissent être réglés d’une manière conforme à la fois à l’intérêt des fournisseurs et à celui des clients concernés.

M. Antoine Herth. Notre groupe se joindra au groupe majoritaire pour voter en faveur de cette ratification. Si le texte se distingue par sa brièveté, je tiens à féliciter Madame la rapporteure pour l’exposé qu’elle vient de faire. Tout en rendant compte des difficultés techniques, elle a fait œuvre pédagogique auprès du législateur en lui signalant que passer des principes fixés par la loi à la réalité du terrain n’est pas sans poser des difficultés techniques, ici aux fournisseurs d’électricité.

J’observe que si certains clients concernés sont difficiles à joindre, c’est peut-être aussi parce qu’ils ont du mal à distinguer entre les appels justifiés, visant à régler leurs problèmes, et le constant démarchage publicitaire et commercial dont ils font l’objet, se réclamant parfois abusivement d’opérateurs aux noms bien connus, tels EDF ou ENGIE. Beaucoup de nos concitoyens sont excédés par ces appels incessants – peut-être faudra-t-il se saisir un jour du sujet.

Je reviens simplement sur deux sujets évoqués par Madame la rapporteure. D’une part, le nombre de clients concernés, qui est, en définitive, relativement faible : 30 000 par rapport à un potentiel initialement estimé à 576 000. Cela montre que lorsqu’on légifère, il est important de bien mesurer l’enjeu. Comme le relevait le Sénat, le dispositif paraît un peu surcalibré.

D’autre part, la question de l’avenir des TRV pour les particuliers, qui a été soumise à la Cour de Justice de l’Union européenne. Je voudrais simplement que l’on puisse franchir une étape de plus. Si la Cour de Justice de l’Union européenne décidait la fin des TRV, le Gouvernement et le Parlement seraient-ils amenés à prévoir un dispositif législatif pour assurer une transition analogue à celle que nous organisons aujourd’hui pour les clients professionnels ?

Le groupe Les Républicains apportera son soutien à la ratification de cette ordonnance.

Mme la présidente Frédérique Massat. Aujourd’hui, les particuliers, les consommateurs sont complètement perdus. Il n’est pas simple de s’y retrouver entre la fourniture, le transport et la distribution qui est une mission de service public.

Je m’étonne également de ces problèmes de fichiers clients. À l’heure de l’informatique, et alors que toutes ces structures sont fortement informatisées, on conçoit mal que l’établissement d’un fichier clair, net et précis, avec le point de livraison et le point de facturation, puisse être une difficulté. Pour la facturation, on sait parfaitement nous trouver, nous consommateurs ! Pour les relances, on sait nous trouver !

Cela étant, il est bon, effectivement, Madame la rapporteure, que notre commission puisse se faire le relais de ces interrogations.

Mme la rapporteure. Effectivement, le problème de la qualité des fichiers est le plus important de ceux que les auditions nous ont permis de relever. Nous avons ainsi pu nous rendre compte que ce qui nous paraissait évident, comme la fiabilité et la précision des fichiers, ne l’était pas. Il s’agit de veiller à ce que de telles difficultés ne se représentent pas lors du prochain appel d’offres.

Je remercie Messieurs Jean Grellier et Antoine Herth, porte-parole de leurs groupes respectifs, de leurs aimables commentaires.

Monsieur Jean Grellier est également revenu sur les problèmes techniques des fichiers, mais a aussi souligné la nécessité d’éviter toute interruption de fourniture et celle de prendre en compte le cas des entreprises en difficulté. Il s’agit de ne pas compromettre leur capacité à rebondir. Force est de constater que nous n’avons pas aujourd’hui la solution, mais nous avons interpellé la DGEC à cette fin en vue du prochain appel d’offres.

S’agissant des difficultés rencontrées par les fournisseurs pour entrer en contact avec leurs clients, Monsieur Antoine Herth a fait remarquer que ces derniers pouvaient être surpris de leurs appels. Cela est d’autant plus probable que certains des fournisseurs retenus ne sont pas forcément connus du grand public. Tous nous ont dit avoir été pris pour des démarcheurs, y compris par des clients qui leur avaient déjà été attribués sans en avoir conscience. Peut-être la communication écrite n’a-t-elle pas été suffisante. Il faut en tirer les leçons pour les appels d’offres du mois de novembre prochain.

Quant à une éventuelle fin des TRV pour les particuliers, cela ne concernerait que la fourniture de gaz. La DGEC ne se montre pas très inquiète, d’autant qu’il reste encore plusieurs étapes. Le Conseil d’État devra d’abord se prononcer et, ensuite, il reviendra au Gouvernement et au Parlement d’en tirer les conséquences. Ce sont là trois étapes successives qui permettront donc de réagir et de trouver des solutions appropriées. En tout cas, dans l’immédiat, nous n’avons pas à craindre la fin des TRV pour les particuliers.

Mme la présidente Frédérique Massat. Nous suivrons tout cela avec attention. Quoi qu’il en soit, s’il faut légiférer, c’est notre commission qui sera compétente.

II. EXAMEN DE L’ARTICLE UNIQUE

Article unique
Ratification de l’ordonnance n° 2016-129 du 10 février 2016

Cet article propose de ratifier l’ordonnance du 10 février 2016 créant un dispositif de continuité de fourniture pour succéder à la fin des offres de marché transitoires de gaz et d’électricité.

I. LA RATIFICATION

Cet article propose de ratifier, sans la modifier, l’ordonnance prise en application de l’article 172 de la loi relative à la transition énergétique et pour la croissance verte (17) qui autorise le Gouvernement à prendre par ordonnance les dispositions nécessaires pour compléter la transposition des directives 2009/72/CE (18) et 2009/73/CE (19) ainsi que les mesures d’adaptation de la législation liées à cette transposition. Cette ordonnance vise à instituer un dispositif permettant de garantir la continuité de la fourniture des consommateurs d’électricité et de gaz, dont les tarifs réglementés de vente ont été supprimés au 31 décembre 2015, et qui n’auraient pas souscrit une offre de marché au 30 juin 2016.

Sur la forme, votre Rapporteure constate que l’habilitation a été respectée. Elle regrette, tout comme M. Ladislas Poniatowski, Rapporteur du présent projet de loi au Sénat (20), que le dispositif de l’ordonnance n’ait été mentionné ni dans l’exposé des motifs de l’amendement gouvernemental à l’origine de l’article 172 de la loi relative à la transition énergétique précitée, ni dans la présentation faite par le Gouvernement en séance publique.

La ratification a pour principal intérêt de sécuriser le dispositif mis en place par l’ordonnance. Lorsque le Gouvernement dépose un projet de loi de ratification, le Parlement peut ratifier les ordonnances et leur conférer ainsi valeur législative ou ne pas être appelé à en débattre, auquel cas les ordonnances demeurent des actes de l’autorité réglementaire. La ratification permettra ainsi d’éviter de potentiels recours inopportuns des fournisseurs. À partir du moment où l’ordonnance acquerra valeur législative, les recours devant le juge administratif ne seront plus possibles. Seuls les recours devant le juge constitutionnel seront acceptables par la voie de la question prioritaire de constitutionnalité (QPC). Les recours semblent toutefois peu probables, le dispositif de l’ordonnance permettant une protection efficace des consommateurs et respectant les principes de la mise en concurrence.

II. LE DISPOSITIF DE L’ORDONNANCE

Votre Rapporteure propose d’adopter l’article unique du projet de loi sans modification. Le contenu de l’ordonnance est en effet équilibré, permettant tant une protection efficace des consommateurs qu’une juste mise en concurrence des fournisseurs. Les difficultés qui se posent en pratique suite à l’appel d’offres ne justifient pas d’amender le projet de loi.

Article 1er, I

Le I de l’article 1er de l’ordonnance prévoit l’acceptation tacite, par les consommateurs n’ayant pas souscrit d’offre de marché au 30 juin 2016, des conditions contractuelles de l’offre du fournisseur désigné par la CRE à l’issue d’un appel d’offres concurrentiel. Le client peut faire l’usage de son droit d’opposition mais doit alors souscrire à une offre de marché, sous peine de voir suspendu son approvisionnement en énergie au 1er juillet 2016.

Votre Rapporteure estime que cette disposition permet l’atteinte d’un juste équilibre entre la protection du consommateur resté jusqu’alors passif et l’incitation à ce que ce dernier souscrive à une offre de marché. Les cas d’opposition suivis de coupures sont estimés très rares.

Article 1er, II

Le II de l’article 1er de l’ordonnance dresse les grandes lignes de la procédure de l’appel d’offres mis en œuvre par la CRE :

– la mise en concurrence peut prévoir une répartition par lots (fonctionnels et géographiques) des consommateurs ainsi qu’un plafond du nombre de consommateurs finals, de lots, ou des volumes susceptibles d’être attribué à chaque fournisseur, sous réserve d’assurer la continuité de fourniture pour tous les consommateurs ;

– le prix facturé aux consommateurs, fixé par la CRE, est majoré d’au plus 30 %, de manière à inciter les clients à souscrire d’eux-mêmes un contrat de fourniture auprès d’un fournisseur de leur choix avant le 1er juillet 2016 ;

– le fournisseur lauréat est celui qui propose le plus haut niveau de restitution à la collectivité (exprimé en €/MWh d’énergie vendue), la CRE étant chargée du calcul du montant du versement dû par chaque fournisseur sélectionné. Pour calculer le versement, la CRE ne tient compte que des volumes livrés ayant donné lieu à encaissement et non des consommations impayées.

Votre Rapporteure estime que ces dispositions, qui ont été parfaitement respectées dans l’appel d’offres de la CRE, permettent d’engager un processus concurrentiel efficace, à travers le mécanisme de plafonnement. Elles sont également à même, tout en apportant des ressources à la collectivité, d’inciter les consommateurs restés passifs à se préoccuper de leur abonnement de fourniture.

Sur la base des éléments disponibles au 11 juillet 2016, et en prenant l’hypothèse que les sites restent une année entière dans le dispositif, la CRE estime que le montant restitué à l’État pourrait être de 11,8 millions d’euros pour 862 GWh de consommation sur le réseau d’Enedis et de 3,1 millions d’euros pour 343 GWh de consommation annuelle de référence sur le réseau de GRDF. Il faut également y ajouter le montant du reversement sur le territoire des ELD et prendre en compte la forte probabilité que certains clients ne restent pas toute une année dans le dispositif. Le niveau des recettes pour l’État n’est pas négligeable mais ne saurait excéder 15 millions d’euros.

Un projet de décret est en cours d’élaboration à la DGEC pour définir les modalités de recouvrement des montants dus par les fournisseurs sélectionnés par la CRE.

D’après les informations que votre Rapporteure a pu recueillir auprès de la DGEC, les fournisseurs auront l’obligation de déclarer tous les trimestres les volumes livrés ayant donné lieu à un encaissement. La CRE calculera le montant dû en fonction du montant unitaire proposé dans l’offre retenue. Le fournisseur versera ce montant chaque année.

Les acteurs auditionnés par votre Rapporteure souhaitent que le reversement ne soit pas qualifié de taxe afin d’éviter de devoir faire figurer le montant individuel sur la facture de chaque client. Selon eux, l’insertion de cette taxe sur les factures représenterait des coûts substantiels en termes de modification informatique pour le traitement automatisé des factures. Le projet de décret leur apporte satisfaction.

Ce projet de décret prévoit également les pénalités susceptibles d’intervenir en cas de défaut de déclaration ou de paiement, conformément aux dispositions s’appliquant pour les créances de nature non fiscales.

Article 1er, III

Le III de l’article 1er prévoit que les clients figurant au sein de lots infructueux continuent à être approvisionnés par les fournisseurs historiques, par l’intermédiaire d’une prolongation de l’offre transitoire. Selon une interprétation confirmée par les services du ministère, cette disposition s’applique à différents types de clients :

– les clients des lots déclarés infructueux en raison de l’absence d’offre présentée ;

– les clients des lots attribués pour lesquels les fournisseurs lauréats ne peuvent pas déposer de demande de changement de fournisseur auprès du gestionnaire de réseau, faute d’avoir pu joindre leurs clients pour les informer des nouvelles conditions contractuelles qui leur sont applicables ;

– et, selon la décision qui sera prise à ce sujet, aux clients que certains fournisseurs n’ont pas souhaité faire basculer dans leur périmètre de fourniture faute de coordonnées bancaires.

Comme indiqué dans l’exposé général, votre Rapporteure estime que les modalités de ce futur appel d’offres devront, non seulement être arrêtées au regard du nombre et des caractéristiques des clients qui seront encore en offre transitoire, mais également avoir fait l’objet de consultations avec les fournisseurs pour tirer parti du retour d’expérience du premier appel d’offres.

Article 1er, IV

Ce paragraphe établit les droits et obligations des fournisseurs et de leurs clients, notamment en termes d’information et de modalités de résiliation. En particulier, il prévoit qu’au-delà de la période initiale d’un an, les conditions contractuelles puissent évoluer, à l’initiative du fournisseur, sous réserve que le client ainsi que la CRE ne s’y opposent pas.

Votre Rapporteure estime que la possibilité laissée aux fournisseurs de modifier leurs conditions contractuelles au bout d’un an est justifiée et strictement encadrée.

Elle est justifiée car elle permet de prendre en compte les évolutions des coûts des fournisseurs et les changements de réglementation.

Elle est strictement encadrée, la CRE pouvant s’opposer à la modification des conditions contractuelles. La CRE a indiqué à votre Rapporteure qu’elle accepterait les évolutions contractuelles tant que ces dernières ne conduisent pas à un renforcement des contraintes pesant sur le client, au-delà que ce que prévoit le cahier des charges, ou à des hausses de prix injustifiés au regard des conditions d’approvisionnement des fournisseurs.

Il est d’ailleurs fort probable que les fournisseurs n’adopteront pas de stratégie consistant à maximiser leurs marges en facturant beaucoup plus cher leur fourniture de gaz ou d’électricité, de peur que leurs clients souscrivent une offre chez des fournisseurs concurrents.

Article 1er, V

Le V précise qu’un arrêté des ministres chargés de l’économie et de l’énergie précisera, en tant que de besoin, les conditions d’application de l’article 1er de l’ordonnance.

Cette disposition a été introduite par précaution, sachant qu’au moment de l’élaboration de l’ordonnance les services du ministère ne souhaitaient pas préempter les modalités techniques qui devaient faire l’objet d’une concertation entre les fournisseurs et la CRE. Les services du ministère n’identifient pas aujourd’hui de besoin de recourir à cet arrêté.

Article 2

L’article 2 prévoit l’obligation pour les fournisseurs historiques de transmettre les données de consommation des clients bénéficiant de l’offre de marché transitoire, à compter du 1er janvier 2016, à tout fournisseur autorisé par les autorités françaises qui en ferait la demande.

Ni les services du ministère, ni la CRE n’ont été informés de problèmes dans la transmission de tels fichiers.

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La commission adopte l’article unique sans modification.

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Ce faisant, elle adopte le projet de loi de ratification, sans modification.

TABLEAU COMPARATIF

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Dispositions en vigueur

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Texte adopté par le Sénat

en première lecture

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Texte adopté par la Commission

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PROJET DE LOI RATIFIANT L’ORDONNANCE N° 2016-129 DU 10 FÉVRIER 2016
PORTANT SUR UN DISPOSITIF DE CONTINUITÉ DE FOURNITURE SUCCÉDANT À LA FIN DES OFFRES DE MARCHÉ TRANSITOIRES DE GAZ ET D’ÉLECTRICITÉ

PROJET DE LOI RATIFIANT L’ORDONNANCE N° 2016-129 DU 10 FÉVRIER 2016
PORTANT SUR UN DISPOSITIF DE CONTINUITÉ DE FOURNITURE SUCCÉDANT À LA FIN DES OFFRES DE MARCHÉ TRANSITOIRES DE GAZ ET D’ÉLECTRICITÉ

 

Article unique

Article unique

 

L’ordonnance n° 2016-129 du 10 février 2016 portant sur un dispositif de continuité de fourniture succédant à la fin des offres de marché transitoires de gaz et d’électricité est ratifiée.

(Sans modification)

LISTE DES PERSONNES AUDITIONNÉES

CRE (Commission de régulation de l’énergie) *

– Mme Alexandra Bonhomme, directrice juridique

– M. Emmanuel Rodriguez, chef du département concertation à la direction des marchés

– Mme Olivia Fritzinger, chargée des relations institutionnelles

DGEC (Direction générale de l’énergie et du climat)

– Mme Virginie Schwarz, directrice

– M. Julien Tognola, sous-directeur du service « Marchés de l’énergie et des affaires sociales »

EDF (Électricité de France) *

– Mme Bénédicte Formstecher, direction Économie Tarifs Prix – EDF Commerce

– Mme Véronique Loy, directrice adjointe des affaires publiques

Direct Énergie

– M. Martial Houlle, secrétaire général

– Mme Hélène Pierre, responsable des relations institutionnelles

ENI

– Mme Naïma Idir, directrice des affaires institutionnelles et réglementaires

Énergies Libres

– M. Tristan de Vasselot, directeur général

– M. Xavier Bottou

Gaz de Bordeaux

– M. Cyril Vincent, directeur du service « énergie et clients professionnels »

ES Gaz

– M. Serge Niva, délégué aux achats gaz

Hydroption

– M. Michel de Keréver, président

CLEEE (Comité de Liaison des Entreprises ayant exercé leur Éligibilité au marché libre de l’Électricité)

– M. Frank Roubanovitch, président

Contribution écrite d’Engie *

* Ces représentants d’intérêts ont procédé à leur inscription sur le registre de l’Assemblée nationale, s’engageant ainsi dans une démarche de transparence et de respect du code de conduite établi par le Bureau de l’Assemblée nationale.

© Assemblée nationale

1 () Ordonnance n° 2016-129 du 10 février 2016 portant sur un dispositif de continuité de fourniture succédant à la fin des offres de marché transitoires de gaz et d’électricité

2 () Communiqué de presse du 6 avril 2011 : http://europa.eu/rapid/press-release_IP-11-414_fr.htm?locale=FR%20%C2%AB%20 (accès le 11 juillet)

3 () Ibid.

4 () IP/06/430 et IP/06/1768

5 () Loi n° 2010-1488 du 7 décembre 2010 portant nouvelle organisation du marché de l’électricité

6 () Loi n° 2014-344 du 17 mars 2014 relative à la consommation

7 () Avis n° 16-A-02 du 19 janvier 2016 relatif à des projets d’ordonnance portant sur un dispositif de continuité de fourniture d’électricité et de gaz aux consommateurs à la fin des offres de marché transitoires

8 () Rapport 2015 de la CRE sur le fonctionnement des marchés de détail français de l’électricité et du gaz naturel, 1er décembre 2015

9 () Les contrats d’électricité sont découpés en segments C1, C2, C3, C4 et C5 suivant la tension d’alimentation du site et le type de comptage.

10 () Suivant le domaine de tension, les utilisateurs peuvent choisir entre plusieurs options tarifaires. Certaines de ces options présentent des tarifs différenciés suivants la saison (hiver/été) ou l’heure de la journée (heure pleine/heure creuse).

11 () En raison d’un nombre insuffisant de propositions, des fournisseurs ont pu obtenir plus de 15 % des lots.

12 () Les décomptants sont des clients indirectement raccordés au réseau de distribution via le réseau intérieur d’un utilisateur (hébergeur) raccordé directement au réseau public de distribution.

13 () Plusieurs raisons peuvent expliquer que des fournisseurs n’aient pas répondu : le risque d’impayés ; les difficultés de gestion d’un nombre important de clients ; la complexité inhérente à un appel d’offres.

14 () Par définition, les branchements provisoires ont vocation à s’arrêter, les éventuelles prolongations des branchements devant être réalisées en offre de marché. Quant aux hébergeurs décomptants, ils doivent mettre leur situation contractuelle en conformité avec le cadre juridique d’accès aux réseaux, ce qui est l’occasion de conclure un contrat en offre de marché.

15 () Les données ont été données à votre Rapporteure par Hydroption.

16 () Sur les 40 000 sites membres du CLEEE, 2 000 auraient ainsi reçu un courrier alors qu’ils avaient déjà basculé en offre de marché.

17 () Loi n° 2015-992 du 17 août 2015 relative à la transition énergétique pour la croissance verte

18 () Directive 2009/72/CE du Parlement européen et du Conseil, du 13 juillet 2009, concernant des règles communes pour le marché intérieur de l’électricité et abrogeant la directive 2003/54/CEE

19 () Directive 2009/73/CE du Parlement européen et du Conseil, du 13 juillet 2009, concernant des règles communes pour le marché intérieur du gaz naturel et abrogeant la directive 2003/55/CEE

20 () Rapport du 6 juillet 2016 de M. Ladislas Poniatowski : https://www.senat.fr/rap/l15-760/l15-7601.pdf