Fabrication de la liasse
Rejeté
(jeudi 19 avril 2018)
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À l’alinéa 2, après le mot :

« européenne »,

insérer les mots :

« , sous la condition de réciprocité d’incrimination et d’un même quantum minimal de peine, ».

Exposé sommaire

Par cet amendement de repli, nous proposons de pallier aux incertitudes nombreuses que la rédaction retenue par le Gouvernement ferait peser sur les demandeurs et demandeuses d’asile et celles et ceux ayant obtenu le statut de réfugié, eu égard à l’absence d’harmonisation pénale dans l’Union européenne. A cet égard, nous souhaitons préciser ici le principe de « réciprocité d'incrimination », qui permet de seulement pouvoir prendre en compte les condamnations définitives dans l’Union européenne pour crimes et délits qui existent d’ores et déjà en droit français, et qui comportent au moins un même quantum de peine (un délit qui serait puni de dix ans d’emprisonnement en France et qui est puni de 5 ans d’emprisonnement en Pologne par exemple ne rentrerait pas dans le champ de l’article). Nous estimons qu’il est d’ordre public, en l’espèce, notamment afin d’assurer l’entière application des principes constitutionnels de proportionnalité et de légalité des délits et des peines (article 8 de la Déclaration des droits de l’Homme et du Citoyen) que le droit pénal français prime sur des droits pénaux européens pouvant être divergents. L’incertitude juridique qui en résulterait nuirait profondément à notre Etat de droit.

Il n’y a pas d’harmonisation pénale complète en Europe, ce qui fait par exemple que ce qui est reconnu comme un crime ou délit dans un autre Etat de l’Union européenne ne l’est pas nécessairement en France. Le droit pénal est en effet un droit essentiellement régalien, marqué par la culture historique et politique de l’Etat qui l’édicte, ce qui peut poser des difficultés majeures. Or la formulation actuellement retenue à l’article L. 711-6 considère que la condamnation pour un crime (droit pénal français), OU un délit constituant un acte de terrorisme ou puni de dix ans d'emprisonnement, condition à laquelle se cumule une autre (la présence de la personne constituerait une « menace grave pour la société), fait qu’une condamnation définitive pour un crime dans un autre système pénal de l’Union européenne pourrait faire que la personne en cause puisse se voir appliquer le 2° du L. 711-6.

Ainsi, prenons quelques cas concrets : une réfugiée ayant obtenu cette protection en France peut donc avoir été condamnée pour un crime dans un autre Etat membre de l’Union européenne et être ainsi menacée de renvoi (sous réserve qu’elle constitue une « menace grave pour la société » - terme au demeurant très vague). Exemples particulièrement illustratifs de cette divergence des systèmes pénaux dans l’Union européenne : l’avortement est un crime à Malte qui peut être puni de 18 mois à 3 ans de prison (article 241 du code pénal maltais), et le délit de blasphème en Allemagne « l’insulte aux croyances religieuses » qui peut être punie de 3 ans de prison (article 166 du code pénal allemand).

En outre, si, en France, dans notre système juridique, ce crime se distingue du délit et de la contravention par le degré de gravité de l'infraction, les systèmes pénaux européens ne sont pas les mêmes et ne recoupent pas nécessairement les mêmes qualifications. Un crime en Estonie pourrait n’être qu’un délit en France. Faudrait-il à ce moment-là « importer » des crimes et délits étrangers ?

Ainsi, en l’absence d’harmonisation pénale européenne aboutie (et au vu des nombreuses zones grises qui pourraient ainsi survenir), nous estimons que cet amendement de repli est un amendement de bon sens.