Fabrication de la liasse
Photo de monsieur le député Jean-Baptiste Moreau

L’article L. 462‑10 du code de commerce est ainsi modifié :

1° Au premier alinéa, les mots : « deux mois » sont remplacés par les mots : « quatre mois » ;

2° Il est complété par sept alinéas ainsi rédigés :

« L’Autorité de la concurrence transmet au ministre chargé de l’économie, à sa demande, les accords mentionnés au premier alinéa.

« II. – Un bilan concurrentiel de la mise en œuvre d'un accord défini au premier alinéa du I peut être effectué par l’Autorité de la concurrence, de sa propre initiative ou à la demande du ministre chargé de l’économie. À cet effet, l’Autorité de la concurrence peut demander aux parties à l’accord de lui transmettre un rapport présentant l’effet sur la concurrence de cet accord.

« L’engagement de la procédure de bilan concurrentiel est rendu public par l’Autorité de la concurrence, afin de permettre aux tiers intéressés de lui adresser leurs observations. La procédure applicable est celle prévue au deuxième alinéa de l’article L. 463‑2 et aux articles L. 463‑4, L. 463‑6 et L. 463‑7. Avant de statuer, l’Autorité de la concurrence peut entendre des tiers en l’absence des parties à l’accord en cause.

« L’Autorité de la concurrence examine si cet accord, tel qu’il a été mis en œuvre, est de nature à porter une atteinte à la concurrence au sens des articles L. 420‑1 et L. 420‑2. À cette occasion, elle apprécie si l’accord apporte au progrès économique une contribution suffisante pour compenser d’éventuelles atteintes à la concurrence, en prenant en compte son impact tant pour les producteurs, les transformateurs, les distributeurs que pour les consommateurs.

« Si des atteintes à la concurrence telles que mentionnées à l’alinéa précédent ou des effets anticoncurrentiels ont été identifiés, les parties à l’accord s’engagent à prendre des mesures visant à y remédier. L’Autorité de la concurrence peut également se saisir d’office en application du III de l’article L. 462‑5, ou être saisie par le ministre chargé de l’économie en application du I du même article. ».

« III. – L’Autorité de la concurrence peut prendre des mesures conservatoires selon les modalités et dans les conditions prévues aux premier et troisième alinéas de l’article L. 464‑1 pour tout accord mentionné au I du présent article dès lors que l’une des atteintes à la concurrence mentionnées au II, que cet accord entraîne ou est susceptible d’entraîner immédiatement après son entrée en vigueur, présente un caractère suffisant de gravité.

« IV. – Un arrêté du ministre chargé de l’économie, pris après avis de l’Autorité de la concurrence, fixe le contenu du dossier d’information communiqué à cette autorité en application du premier alinéa du I, ainsi que les éléments d’information et les documents devant figurer dans le rapport prévu au premier alinéa du II. ».

Exposé sommaire

Les regroupements à l’achat visent un objectif légitime, celui de conserver un positionnement avantageux et compétitif sur le marché aval et peuvent avoir des effets bénéfiques pour le consommateur. Néanmoins, ils peuvent aussi être porteurs de risques concurrentiels, qu’il peut être difficile d’apprécier au moment de la conclusion des accords.

Dans son avis n° 15-A-06 du 31 mars 2015 sur le rapprochement des centrales d’achat et de référencement dans le secteur de la grande distribution, l’Autorité de la concurrence a effectué un diagnostic des risques concurrentiels liés à ces rapprochements à l’achat :

- Sur le marché aval de la distribution, l’Autorité a identifié des risques de collusion liés à l’échange d’informations sensibles et/ou à la symétrie des coûts, ainsi que des risques d’éviction de certains distributeurs.

- Sur le marché amont de l’approvisionnement, l’Autorité a noté que la puissance d’achat renforcée des distributeurs pourrait conduire, par une diminution des prix d’achat, à fragiliser certains fournisseurs, les inciter à réduire la qualité ou à revoir leur capacité à investir, voire à les évincer.

Le renforcement de la puissance d’achat des distributeurs permise par les rapprochements objet de l’avis, emporte également un risque d’accroissement du déséquilibre entre distributeurs et fournisseurs.

Le législateur a souhaité ainsi renforcer le contrôle de la mise en place de ces rapprochements de centrale d’achat et a instauré à l’article L. 462‑10 du code de commerce une obligation de notification préalable à l’Autorité de certains accords de rapprochement ou de référencement.

Ce dispositif apparaît néanmoins insuffisant devant l’ampleur et l’accélération des rapprochements qui posent de manière encore plus aiguë aujourd’hui la question de leur effets sur le marché et des impacts concurrentiels qu’ils génèrent tant sur les marchés amont et aval que sur les filières industrielles et agricoles concernées par les relations commerciales nouées avec ces centrales.

Face à ces évolutions rapides, le droit de la concurrence apparaît insuffisamment doté d’outils pour apprécier les conséquences de la mise en place de ces accords et leur impact concurrentiel au regard de la grille d’analyse posée par l’avis du 15 mars 2015 et des risques potentiels engendrés par de tels rapprochements et si besoin de remédier rapidement aux effets anticoncurrentiels potentiellement en cours ou constatés.

Il est ainsi souhaitable de compléter le dispositif législatif existant sous deux angles :

1) Améliorer le dispositif d’information préalable de l’Autorité de la concurrence en prévoyant la fourniture par les parties à l’accord d’un dossier d’information approfondi dont le contenu sera précisé par arrêté du ministre de l’économie en allongeant le délai préalable de notification à quatre mois avant la mise en œuvre de l’accord ;

2) Réaliser un bilan concurrentiel de mise en œuvre de ces accords, selon un modèle dont le contenu sera précisé par arrêté du ministre de l’économie, dans le cadre d’une procédure contradictoire aboutissant à une décision de l’Autorité de la concurrence pouvant le cas échéant se traduite par des mesures, prises à l’initiative de l’Autorité, pour corriger les effets anticoncurrentiels de l’accord en vigueur.

En parallèle de l’évolution du cadre national proposée par le présent amendement, le projet de directive sur les relations commerciales récemment présenté par la Commission européenne permettra de porter au niveau européen cette réflexion, alors que les centrales d’achat sont souvent transnationales.