Fabrication de la liasse
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(jeudi 19 juillet 2018)
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L’article 34 de la Constitution est ainsi modifié :

1° Après le cinquième alinéa, sont insérés deux alinéas ainsi rédigés :

« Un même impôt ne peut être modifié plus d’une fois au cours d’une même législature, sauf dans le cas où cette modification aurait pour objet de réduire le taux ou l’assiette de cet impôt. »

« Les dispositions relatives à l’assiette et au taux des impositions de toutes natures ne peuvent avoir un caractère rétroactif ni remettre en cause une situation considérée comme acquise par le contribuable sauf en cas de nécessité impérieuse d’intérêt général ou sauf dans le cas où elles visent à réduire l’assiette ou à diminuer le taux de ces impositions. » ;

2° Le dix-huitième alinéa est complété par une phrase ainsi rédigée : « Elles appliquent le principe de stabilité fiscale, permettant une visibilité sur cinq ans. » ;

3° Le vingt-et-unième alinéa est complété par une phrase ainsi rédigée : « Elles appliquent le principe de stabilité fiscale sur cinq ans dans les conditions et sous les réserves prévues par une loi organique. »

Exposé sommaire

La France, aujourd’hui, aspire à être un État de droit, un État « qui dans ses rapports avec ses sujets et pour la garantie de leur statut individuel se soumet à un régime de droit » comme disait R. Carré de Malberg.[1]

Pour cela, l’État doit respecter à la fois le droit posé par l’État, mais également de grandes règles et des principes fondamentaux. Ainsi pour définir l’État de droit, Jacques Chevallier dégage des critères assez exhaustifs et clairs : l’État de droit respecte la hiérarchie des normes, adhère à des principes et des valeurs qui bénéficient d’une consécration juridique explicite ainsi que de mécanismes de garantie appropriés.[2] L’État de droit a un caractère profondément libéral.[3]

L’État de droit, pour être qualifié ainsi, doit protéger les hommes par des principes constitutionnels que l’État, lui-même, ne peut enfreindre. Il existe plusieurs types de droits et de principes comme la liberté d’opinion, d’expression, de religion, etc. Nous souhaitons inscrire au sein de la Constitution, la norme suprême et protectrice des droits des individus, un autre principe, celui de la stabilité fiscale.

Le fondement de ce principe tire sa substance de l’article 14 de la Déclaration des droits de l’Homme et du Citoyen : « Tous les Citoyens ont le droit de constater, par eux-mêmes ou par leurs représentants, la nécessité de la contribution publique, de la consentir librement, d’en suivre l’emploi, et d’en déterminer la quotité, l’assiette, le recouvrement et la durée. »

La Déclaration de l’Homme et du citoyen appartient au bloc de constitutionnalité qui a valeur constitutionnelle depuis la décision du Conseil Constitutionnel sur la liberté d’Association du 16 juillet 1971 (n° 71‑44 DC).

Aujourd’hui, ce droit est bafoué par l’insécurité juridique et fiscale permanent dans laquelle se trouvent tous les citoyens. Ils ne peuvent en réalité constater par eux-mêmes la nécessité de la contribution publique, ni n’y consentent.

Depuis plus de vingt ans, la France a connu une succession de réformes fiscales, d’augmentation d’impôts en tout genre, les Français ne sachant plus ce qui les attendent, et les investisseurs n’osant désormais plus investir, tant le système fiscal évolue à chaque loi de finances.

Ceci a un impact néfaste sur la capacité des acteurs économiques à anticiper les bonnes décisions et les encourage à prendre des décisions sous-optimales pour eux ou d’un point de vue macro-économique.

Asphyxiés par les hausses de prélèvements obligatoires, les contribuables sont déroutés par cette instabilité fiscale : re-fiscalisation des heures supplémentaires, rabot du quotient familial, fiscalisation des mutuelles, remise en cause du système d’intéressement qui existait depuis un demi-siècle. Les Français sont inquiets de devoir payer toujours plus.

Quant aux entreprises, avec une capacité d’autofinancement inférieure à celle des entreprises britanniques ou allemandes, elles pâtissent également du fait que l’épargne n’est pas incitée à aller vers la création d’entreprises ni vers l’innovation et que la fiscalité n’est pas orientée vers la création de richesse, voire même qu’elle la décourage par son instabilité.

Ces exemples reflètent une pression fiscale sur les contribuables et les entreprises françaises aggravée par l’instabilité et la complexité des normes. Cette complexité coûte chaque année 80 milliards d’euros à la France. Elle constitue ainsi un frein majeur à leur compétitivité et à leur développement ainsi qu’à l’attractivité de la France.

La sécurité fiscale est une condition essentielle au développement de l’économie d’un pays et au bon fonctionnement des sociétés. Elle repose sur la confiance dans les lois et le respect de la parole de l’État. Elle implique que les contribuables individuels et les opérateurs économiques puissent, à l’avance, connaître les avantages et les inconvénients de leurs actes, ainsi que leurs droits et obligations.

Il semble donc nécessaire d’inscrire dans la Constitution, norme fondamentale de notre société, le principe de stabilité fiscale et ainsi renforcer la protection du citoyen nécessaire dans un État de droit.

Affirmer au niveau constitutionnel la stabilité fiscale permettrait de renforcer les principes de prévisibilité de la loi et qualité de loi, ainsi que les principes d’accessibilité et d’intelligibilité de la loi qui sont d’ailleurs des objectifs à valeur constitutionnelle reconnus par le Conseil Constitutionnel (décision n° 99‑421 DC, ou encore décision n°2005‑530 DC).

Le I. de cet amendement comprend 2 principes fondamentaux :

Le premier alinéa institut la « règle d’or fiscale » qui se traduit par l’impossibilité pour le Parlement de modifier plus d’une fois par législature un même impôt, sauf dans le cas où il s’agit d’en diminuer le taux ou l’assiette.

Les travaux de l’économiste américain Edward Christian Prescott, et de l’économiste norvégien Finn. E. Kydland, sur « l’incohérence temporelle » ont en effet montré que les anticipations des agents économiques sont fonction de la cohérence et de la crédibilité des objectifs de politique économique.

Le second alinéa vise à constitutionnaliser le principe de non-rétroactivité fiscale. La stabilité fiscale va également de pair avec la limitation de la rétroactivité de la loi, principe de l’article 2 du code civil, où la loi ne dispose que pour l’avenir. Mais sans garantie constitutionnelle, l’insécurité juridique demeure.

Le II. de cet amendement élève clairement le principe de stabilité fiscale au niveau constitutionnel.

Dans un rapport public de mars 2006 sur la sécurité juridique et la complexité du droit, le Conseil d’État considère que : « Le principe de sécurité juridique implique que les citoyens soient, sans que cela appelle de leur part des efforts insurmontables, en mesure de déterminer ce qui est permis et ce qui est défendu par le droit applicable. Pour parvenir à ce résultat, les normes édictées doivent être claires et intelligibles, et ne pas être soumises, dans le temps, à des variations trop fréquentes, ni surtout imprévisibles ».

Le Conseil d’État, qui rappelle qu’elle « constitue l’un des fondements de l’État de droit », dégage deux approches : l’une formelle, l’autre temporelle. La sécurité juridique est d’abord garantie par la qualité de la loi. La sécurité juridique dépend aussi de la prévisibilité de la loi.

Mais les principes de sécurité juridique et de stabilité fiscale ne sont pas directement reconnus par le Conseil constitutionnel. C’est pourquoi il est important d’affirmer ce principe dans la Constitution.

Enfin, le III. inscrit également le principe de stabilité et donc de visibilité fiscale dans les lois de programmation pluriannuelle pour une plus grande cohérence.



[1] R. Carré de Malberg, Contribution à la théorie générale de l’État, Sirey, 1962, Dalloz, 2004, p489.

[2] J. Chevallier., « État de droit », in La documentation française, n°898, mars 2004.

[3] P. Raynaud, Le juge et le philosophe, essaies sur le nouvel âge du droit, Paris, Armand Colin, 2009, p64 : « Le Rechstaat apparaît donc comme un concept indissolublement libéral et « étatiste » […]. L’aspect « libéral » se traduit par l’exigence de protection des administrés dans leur rapport à l’État, mais aussi plus radicalement, par l’affirmation claire des principes du constitutionnalisme […]. »