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Amendement n°CL1378

Déposé le vendredi 22 juin 2018
Discuté
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Au quatrième alinéa de l’article 7 de la Constitution, les mots : « du Sénat » sont remplacés par les mots : « de l’Assemblée nationale ».

Exposé sommaire

L’alinéa 4 de l’article 7 de la Constitution prévoit que c’est le président du Sénat qui assurent les fonctions de Président de la République en cas de vacance, pour quelque cause que ce soit, ou d’empêchement voté par le Conseil constitutionnel. Si le président du Sénat est, à son tour, empêché, c’est le Gouvernement qui assure ces fonctions.

Cet amendement vise donc à prévoir que c’est au président de l’Assemblée nationale d’assurer les fonctions de Président de la République en cas de vacance ou d’empêchement, et non plus au président du Sénat.

En premier lieu, il faut rappeler que le Président de la République comme le président ou la présidente de l’Assemblée nationale, élu parmi et par ses pairs, sont tous deux élus au suffrage universel direct et bénéficient par conséquent de la même légitimité électorale. Les sénateurs sont, quant à eux, élus au suffrage universel indirect et représentent les territoires.

Ensuite, il apparait judicieux de rappeler que parmi les précédentes Constitutions françaises, la Constitution de la IIe République du 4 novembre 1848 prévoyait à son article 70 la nomination d’un vice-président par l’Assemblée nationale (assemblée unique) sur trois propositions du Président de la République, vice-président qui assurait l’intérim en cas de vacance ; la loi constitutionnelle du 24 février 1875, IIIe République prévoyait quant à elle l’élection du Président de la République par le Sénat et l’Assemblée nationale (article 2) et qu’en cas de vacance, le Conseil des ministres assurait le pouvoir exécutif dans l’intervalle ; et surtout la Constitution de la IVe République du 27 octobre 1946 prévoyait à son article 41 que l’intérim était assuré par le président de l’Assemblée nationale en cas de vacance de la présidence de la République.

Si la légitimité du Gouvernement à assurer l’intérim de la présidence de la République est incontestable, aujourd’hui, comme hier, parce qu’il est, dans son ensemble, le pouvoir exécutif, il n’en va pas de même pour le président du Sénat qui, au demeurant, comme exposé précédemment, ne bénéficie pas de la même légitimité de suffrage que le Président ou la Présidente de la République et le président de l’Assemblée nationale. 

La résurgence de cette disposition de l’actuel alinéa 4 de l’article 7 de la Constitution, qui prévoit l’assurance de l’intérim présidentiel par le président du Sénat, déjà prévu par l’article 18  de la Constitution du Second Empire du 14 janvier 1852, trouve certainement, pour partie au moins, son fondement dans la défiance à l’endroit de la chambre des députés et de tous ses membres en raison de l’instabilité chronique et sclérosante du régime parlementaire de la IVe République et du déséquilibre des institutions de sa Constitution de 1946. 

En outre, Michel Debré déclarait, le 27 août 1958, devant l’Assemblée générale du Conseil d’Etat qui devait se prononcer sur le projet de loi qui deviendra notre Constitution, et que le présent projet de loi entend réviser, que : 

« […] A cette crise politique majeure, bien des causes ont contribué. La défaillance de nos institutions est, doublement, une de ces causes, c’est le moins que l’on puisse dire, et leur inadaptation était aggravée par de mauvaises mœurs politiques qu’elles n’arrivaient point à corriger. […] Le Gouvernement a voulu rénover le régime parlementaire. Je serai même tenté de dire qu’il veut l’établir, (…). […] Le régime d’assemblée, ou régime conventionnel, est impraticable et dangereux. Le régime présidentiel est présentement hors d’état de fonctionner en France. […] La division en deux Chambres est une bonne règle du régime parlementaire car elle permet à un gouvernement indépendant de trouver, par la deuxième assemblée, un secours utile contre la première ; (…). […]

Le suffrage universel ne donne pas un corps électoral normal dans un régime parlementaire. Le président, qui est l’élu du suffrage universel, […] ; recourir au suffrage universel, c’est recourir à la constitution présidentielle qui a été écartée (…).

On est alors mené par la force des choses à un collège composé d’élus politiques qui ne soient pas seulement les parlementaires : (…). […] on peut parvenir à une représentation dans le collège électoral du président de la République, des territoires et des futurs Etats de la Communauté. […]

Seul le suffrage universel est la source du pouvoir. Qu’il s’agisse du législatif et de l’exécutif, cette règle a été respectée. Le collège électoral, le mode de scrutin pour l’élection du président de la République, ont été précisés dans la Constitution même. […] Il est simplement entendu que les députés sont élus au suffrage universel direct, et que le Sénat assure la représentation des collectivités territoriales. Les règles fondamentales de la démocratie française sont donc maintenues. » 

Ainsi, si lors de l’adoption de la Constitution de 1958, les modalités d’élection du Président de la République correspondent à un certain parallélisme des formes avec celles des membres du Sénat, il n’en est plus de même aujourd’hui, et depuis le référendum du 28 octobre 1962 qui a entériné l’élection du Président de la République au suffrage universel direct. 

Aussi, la défiance à l’endroit de l’Assemblée nationale d’alors n’ayant plus lieu d’être et l’élection du Président de la République comme des membres de l’Assemblée nationale se faisant au suffrage universel direct, cet amendement propose de rétablir la dévolution de la charge de l’intérim au Président de l’Assemblée nationale en cas de vacance de la Présidence de la République.