Fabrication de la liasse
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Supprimer cet article.

Exposé sommaire

En l’état, cette proposition de loi n’a aucun intérêt. Le Conseil d’État, dans son rapport, l’a constaté : “le droit français contient déjà plusieurs dispositions visant, en substance, à lutter contre la diffusion de fausses informations, suivant 3 logiques distinctes :

En premier lieu, la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse comporte, dans ses chapitres IV et V, des dispositions permettant de réprimer des propos sciemment erronés, diffamatoires, injurieux ou provocants. (…) En deuxième lieu, le code électoral contient également des dispositions qui visent à garantir le bon déroulement des campagnes électorales en luttant tant contre la diffusion de fausses nouvelles (article L. 97) que contre la publicité commerciale à des fins de propagande électorale (article L. 52‑1). Enfin la procédure de référé prévue à l’article 6 de la loi du 21 juin 2004, en tant qu’elle permet de mettre un terme aux dommages résultant du contenu d’un service de communication au public en ligne, peut être mobilisée aux fins de faire cesser la diffusion de fausses informations, sans préjudice des autres procédures d’urgence existantes lorsque ces fausses informations portent atteinte à l’intimité de la vie privée (article 9 du code civil)”. (http ://www.conseil-etat.fr/Decisions-Avis-Publications/Avis/Selection-des-avis-faisant-l-objet-d-une-communication-particuliere/Lutte-contre-les-fausses-informations )


L’intérêt de cette proposition est donc relatif pour la protection des citoyen·ne·s contre la propagation de fausses informations.


Mais elle institue, surtout dans son article premier, des atteintes qui nous semblent non nécessaire et disproportionnées : la définition qui est donnée des fausses informations est extrêmement large et floue, et n’apporte aucune garantie contre le risque de censure et d’atteinte à la protection des sources : “toute allégation ou imputation d’un fait dépourvue d’éléments vérifiables de nature à la rendre vraisemblable constitue une fausse information”. Le critère de la vraisemblabilité nous semble en effet pour le moins hasardeux. L’assassinat d’Arkadi Babtchenko était vraisemblable. C’était une mise en scène.

Le financement libyen de la campagne de Nicolas Sarkozy aurait pu sembler non vraisemblable. La justice a l’air de prendre cette piste très au sérieux.

Ainsi, cette définition ne résout rien, mais pourra poser des freins aux enquêtes, aux révélations. Elle pourra même contraindre les journalistes à révéler - pour attester de la vraisemblance de leurs propos - leurs sources, ce qui est très clairement attentatoire.


La méthode judiciaire nous paraît aussi présenter très peu de garanties : un juge unique (même pas dans une chambre spécialisée ?) - donc privé des garanties qu’offre la collégialité - devant prendre une décision en 48 heures, sans que soit instituée une procédure d’appel, nous semble extrêmement dangereux pour la démocratie.


Enfin, nous nous interrogeons sur la philosophie qui sous-tend cette proposition de loi : puisque le rapporteur de la commission des affaires culturelles a pris le parti de considérer que “les fausses informations qui ont circulé à propos de Marie-Antoinette par le biais de “canards” à son effigie ont pu jouer un rôle indirect dans son exécution, en alimentant une haine pathologique à son égard” (l’on voit bien ici que ce texte vise à protéger un pouvoir quasi-monarchique), nous tenons à lui répondre : La liberté de publier son opinion ne peut donc être autre chose que la liberté de publier toutes les opinions contraires (…) Elle ne peut sortir que du combat de toutes les idées, vraies ou fausses, absurdes ou raisonnables. C’est dans ce mélange que la raison commune, la faculté donnée à l’homme de discerner le bien et le mal, s’exerce à choisir les unes, à rejeter les autres. Voulez-vous ôter à vos semblables l’usage de cette faculté pour y substituer votre autorité particulière ?”.

Maximilien de Robespierre, Discours sur la liberté de la presse. Paris, de l’Impr. nationale, 1791.