Fabrication de la liasse

Amendement n°I-CD88

Déposé le vendredi 28 septembre 2018
Discuté
Adopté
(mercredi 3 octobre 2018)
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I. - Le II de la section V du chapitre Ier du titre Ier de la première partie du livre Ier du code général des impôts est complété par un 35° ainsi rédigé :

« 35° Droits à récupération fiscale

« Art. 200 sexdecies - 1. Les années où le prix moyen du baril de pétrole sur douze mois consécutifs est au-dessus d’un seuil défini par décret en Conseil d’État, les contribuables personnes physiques, fiscalement domiciliés en France dans une commune appartenant aux zones peu denses, dont la classification est déterminée par décret en Conseil d’État, peuvent bénéficier de dispositifs incitatifs supplémentaires visant à les accompagner dans la transition écologique. Ces dispositifs d’accompagnement permettent de maintenir la trajectoire de la composante carbone de la taxe intérieure de consommation sur les produits énergétiques et de favoriser son acceptabilité. Ils peuvent prendre la forme de droits à récupération fiscale sous conditions de ressources, notamment pour les contribuables actifs ou pour les contribuables lors de l’achat de véhicules propres.

« 2. Les critères d’attribution, les modalités de calcul et de mise en œuvre de ces droits à récupération fiscale accordés au foyer fiscal à raison des revenus de chacun de ses membres sont définis par décret en Conseil d’État. »

II. - La perte de recettes pour l’État résultant du I est compensée à due concurrence par la création d’une taxe additionnelle aux droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.

Exposé sommaire

Le présent amendement rend possible la mise en œuvre par l’État, les années où le prix du pétrole est très élevé, de mesures complémentaires redistributives permettant de maintenir l’acceptation de la fiscalité carbone et de favoriser le déploiement de véhicules propres et d’alternatives à l’autosolisme pour accélérer la transition écologique, tout en maintenant la trajectoire carbone annoncée par le gouvernement.

Il vise à apporter une réponse politique innovante, simple et lisible, à l’envol du prix du pétrole et donc des carburants à la pompe, qui touche particulièrement les ménages ruraux et périurbains, et de répondre au sentiment possible de ces populations d’être oubliées par le gouvernement, tout en maintenant notre trajectoire ambitieuse sur la fiscalité écologique jusqu’en 2022. 

Pour rappel, la flambée récente du prix à la pompe des carburants (+28 cts en 1 an pour le gazole) est due pour seulement 1/3 à la hausse de la fiscalité écologique, mais surtout pour 2/3 à la forte augmentation exogène du prix du baril, au plus haut niveau depuis quatre ans, dans un contexte géopolitique troublé en particulier par les actes et déclarations du président Trump et les décisions de l’OPEP. Depuis un an, le prix à la pompe des carburants a ainsi augmenté jusqu’à 3 fois plus que l’effet seul de la hausse de la fiscalité écologique.

Cette forte hausse pourrait renforcer les inégalités et un sentiment d’abandon possible des zones peu denses et très peu denses (rurales et périurbaines) et de ceux qui n’ont souvent que la voiture pour aller travailler : elle impacte 1,5 fois plus ces territoires que les urbains et 2,4 fois plus les 10 % des ménages les moins aisés que les 10 % les plus riches. Ces territoires sont d’autant plus impactés qu’ils sont prisonniers de l’autosolisme, 85 % des trajets domicile-travail y sont faits en voiture contre seulement 60 % dans les villes.

Il vise à rendre possible la création de dispositifs fiscaux supplémentaires, versés uniquement les années où le prix du baril est très élevé. Ces dispositifs seraient donc à la fois transitoires, mis en place de manière temporaire pour accompagner le changement des comportements, et exceptionnels, attribués ou non chaque année en fonction du prix du baril.

L’élément déclencheur de ces dispositifs serait si le prix du baril est supérieur à un certain montant sur douze mois consécutifs. Défini par décret, ce seuil déclencheur pourrait être, à titre d’exemple au regard des évolutions récentes du prix du baril, aux alentours de 70 €/ baril (chiffre à déterminer par voie réglementaire).

Ces dispositifs redistributifs exceptionnels et transitoires seraient parfaitement cohérents avec le projet porté par le président de la République : politique en faveur de la transition écologique, valorisation du travail, réduction des inégalités territoriales, soutien à la mobilité et lutte contre l’assignation à résidence.

Quelle forme pourraient prendre ces dispositifs ?

Les deux propositions ci-dessous sont indicatives et ont vocation à proposer des pistes de réflexion. Par exemple (les deux solutions sont complémentaires) :

1. D’une part, elle pourrait par exemple prendre la forme d’un crédit d’impôt versé aux actifs résidant dans les zones peu denses et très peu denses telles que classées par l’INSEE, soit 4,6 millions de bénéficiaires potentiels dans 88 % des communes. La liste de ces communes serait établie par décret. Ce crédit d’impôt serait automatiquement calculé dans le calcul de l’impôt en fonction du code postal de résidence du contribuable, qui permettrait de savoir s’il réside ou non dans une commune classifiée en zone peu dense.

Il pourrait être versé sous conditions de ressources en ciblant les deux premiers quartiles, ce qui concernerait la moitié des actifs. Son montant serait précisé par voie réglementaire, il pourrait être différencié et dégressif entre les 1er et 2eme quartiles pour limiter son impact pour les finances publiques. 

2. D’autre part, elle pourrait par exemple prendre la forme d’un crédit d’impôt versé aux personnes physiques, sous conditions de ressources, résidant dans les zones peu denses et très peu denses selon la même classification que la première mesure, et qui achètent un véhicule propre. Les critères d’attribution et la liste des véhicules concernés (électrique neuf et d’occasion, hybride…) sont définis par décret.

L’idée sur laquelle repose cette « surprime » serait qu’au moment où le prix du baril est élevé (dépassant un certain seuil), se convertir à un mode de déplacement propre serait encore plus rentable que lorsque le prix du baril est moins élevé. En effet, la meilleure manière de compenser cette hausse du prix à la pompe particulièrement difficile pour les ménages les moins favorisés est de leur donner tous les moyens possibles pour compenser cette hausse par la baisse de consommation de carburant. Cette surprime viendrait s’additionner aux dispositifs existants pour convaincre les citoyens des zones peu denses que « c’est le moment ou jamais » de passer à un véhicule propre.

Délivrée par exemple aux ménages des 1er et 2eme quartiles, son montant serait défini par décret. Le fait générateur de ce crédit d’impôt serait l’achat d’un véhicule propre, dont la typologie de véhicules serait détaillée dans la plus large acception possible, par voie règlementaire dans une logique de neutralité technologique.

Adressée aux 50 % des ménages aux plus faibles revenus de ces territoires ruraux et périurbains, cette « surprime » bénéficierait donc aussi aux retraités. 

Les propositions de mesures explicitées ci-dessus sont illustratives et ne sont que des premières pistes de réflexion pour lancer les débats autour de ce sujet d’inquiétude pour des millions de Français. En y apportant des réponses, nous réussirons la transition écologique et solidaire. 

Par ailleurs, cet amendement est gagé pour respecter les critères de recevabilité des amendements parlementaires établis par la LOLF, eu égard à la perte de recettes pour l’État résultant de l’instauration de ces droits à récupération fiscale. Toutefois, il convient de noter que l’impact sur les finances publiques serait limité puisqu’il s’agirait en réalité d’une redistribution de l’augmentation mécanique des recettes de TVA dues à la hausse du prix du baril, dont il résulte un « enrichissement sans cause » de l’État.

Certains argueront cependant qu’il ne faut pas comptabiliser l’ensemble de ces recettes induites car la hausse du prix du baril de pétrole a un effet récessif sur l’économie française, et conduit par suite à une baisse de recettes fiscales pour l’État. Néanmoins, ces considérations macroéconomiques sur le coût de la mesure n’ont pas d’influence sur l’intérêt de ces mesures redistributives pour les citoyens et pour le pays.