Fabrication de la liasse

Amendement n°CL44

Déposé le dimanche 20 janvier 2019
Discuté
Photo de madame la députée Danièle Obono
Photo de madame la députée Clémentine Autain
Photo de monsieur le député Ugo Bernalicis
Photo de monsieur le député Éric Coquerel
Photo de monsieur le député Alexis Corbière
Photo de madame la députée Caroline Fiat
Photo de monsieur le député Bastien Lachaud
Photo de monsieur le député Michel Larive
Photo de monsieur le député Jean-Luc Mélenchon
Photo de madame la députée Mathilde Panot
Photo de monsieur le député Loïc Prud'homme
Photo de monsieur le député Adrien Quatennens
Photo de monsieur le député Jean-Hugues Ratenon
Photo de madame la députée Muriel Ressiguier
Photo de madame la députée Sabine Rubin
Photo de monsieur le député François Ruffin
Photo de madame la députée Bénédicte Taurine

Supprimer cet article.

Exposé sommaire

Par cet amendement, nous refusons que le Gouvernement transpose des mesures de l’état d’urgence (articles 5 et 6 de la loi de 1955 relative à l’état d’urgence) et qui relèvent sinon du pouvoir judiciaire (interdiction de manifester, article L. 211-13 du code de la sécurité intérieure) pour les donner aux préfets, qui dépendent directement du pouvoir exécutif.

En effet, dans cet article, le Gouvernement souhaite créer une interdiction administrative de manifester, ce en :

- donnant le pouvoir au préfet de pouvoir interdire par arrêté motivé à une personne de prendre part à une manifestation déclarée ou dont il a connaissance (à savoir une manifestation non déclarée ou un attroupement), et de l’obliger à effectuer un pointage ;

- sont concernées a) les personnes dont il existe des raisons sérieuses de penser que leur comportement constitue une menace d’une particulière gravité pour l’ordre public b) les personnes qui ont été condamnées pour des violences ou dégradations à l’occasion d’une ou plusieurs manifestations OU « appartient à un groupe ou entre en relation de manière régulière avec des individus incitant, facilitant ou participant à la commission de ces mêmes faits”.

Or ceci constitue de graves régressions puisque :

- une telle atteinte à la liberté de circulation et de manifestation relève actuellement de l’état d’urgence (assignation à résidence avec pointage ou interdiction de séjour) seul ou d’une condamnation judiciaire (peine complémentaire d’interdiction de manifester), désormais le préfet aurait un pouvoir équivalent à celui du juge, et de prononcer une peine pénale !!

- les critères visés sont trop flous (« menace d’une particulière gravité pour l’ordre public », « entre en relation régulière avec des individus (…) »), et vont nécessairement mener à l’arbitraire, à des abus, répressions politiques et syndicales (telles que déjà dénoncées par Amnesty International – voir ci-dessous).

Concrètement, cet article permettrait par exemple :

- d’interdire de manifester à de nombreux militants politiques pour des luttes sociales et écologistes (tel que sous l’état d’urgence – voir ci-dessous)).

- d’interdire à un salarié d’Air France condamné pour avoir arraché une chemise du cadre licencieur dans le cadre d’une manifestation houleuse (https://www.lemonde.fr/societe/article/2018/05/23/air-france-quatre-ex-salaries-condamnes-en-appel-a-de-la-prison-avec-sursis-dans-l-affaire-de-la-chemise-arrachee_5303324_3224.html) de pouvoir manifester devant son entreprise.

 

En détail :

 

Les interdictions de manifester lors de l’état d’urgence ont été largement dévoyées pour lutter contre les mouvements politiques, syndicaux et écologistes, tel que rappelés par Amnesty international (rapport paru mercredi 31 mai  2017– manifester, « Un droit, pas une menace » –). Selon l’ONG, l’Etat y a eu recours non pas pour prévenir des attaques terroristes mais « pour servir des objectifs plus larges, notamment pour maintenir l’ordre public ». Au total, les préfets ont adopté 683 mesures individuelles d’interdiction de séjour. Dans l’écrasante majorité des cas (639), il s’agissait « explicitement d’empêcher des personnes à participer à des manifestations », souligne l’ONG. De fait, 90 % de ces arrêtés ont été pris lors de la mobilisation contre la loi travail, une période qui fut souvent émaillée d’affrontements entre les forces de l’ordre et les manifestants. Ils ont principalement ciblé des militants de la gauche (https://www.lemonde.fr/societe/article/2017/05/31/en-france-les-interdictions-de-manifester-se-multiplient_5136295_3224.html).

A noter que les condamnations judiciaires pour interdiction de manifester ont été jusqu’ici particulièrement peu nombreuses : 31 en 20 ans ! (NB : Nombre de peines complémentaires d’interdictions de manifestation prononcées : de 1998 à 2018 : 31 ! (1998 : 5 ; 1999-2007 : 0 ; 2008 : 1 ; 2012 à 2013 : 0 ; 2014 : 3 ; 2015 : 5 ; 2016 : 16 ; 2017 : 1, voir https://www.senat.fr/rap/l18-051/l18-0511.pdf page 41).

NB : depuis 1995, seules les personnes condamnées pour violences (222-7 à 222-13, du code pénal), destructions de biens notamment (322-1, premier alinéa, 322-2 et 322-3 premier alinéa, et 322-6 à 322-10 du code pénal) peuvent être condamnées à une peine complémentaire d’interdiction de manifestation de 3 ans maximum dans des lieux fixés par le juge (L211-13 du code de la sécurité intérieure).