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Supprimer les alinéas 32 à 47.

Exposé sommaire

La Cour d’Assises est issue de la révolution française de 1789.

Conformément à la Constitution du 3 septembre 1791, elle introduisait le jury pour le jugement des infractions les plus graves (Titre III, Chap. V, art. 9) « en matière criminelle, nul citoyen ne peut être jugé que sur une accusation reçue par des jurés... Après l’accusation admise, le fait sera reconnu et déclaré par des jurés... Les jurés qui déclareront le fait ne pourront être au-dessous du nombre de douze... L’application de la loi sera faite par des juges... »

Pour en finir avec la justice arbitraire de l’Ancien Régime, les accusés y sont jugés par leurs concitoyens, aidés de magistrats.

La Déclaration des Droits de l’Homme et du Citoyen inscrit le principe de la souveraineté nationale, qui implique que la justice soit rendue au nom du peuple français par des représentants du peuple.

Les dispositions de l’article 231 du code de procédure pénale déterminent la compétence d’attribution de la Cour d’Assises, juridiction départementale, habilitée à juger les personnes accusées d’avoir commis un crime ainsi que les infractions connexes à un crime qui serait l’infraction principale.

Les infractions criminelles concernées sont passibles d’une peine de réclusion ou de détention criminelle allant de plus de 10 ans à la perpétuité.

La juridiction est composée de trois magistrats professionnels et d’un jury composé de jurés au nombre de six (en première instance) ou de neuf (en appel) depuis la loi du 10 août 2011, ayant déjà réduit le nombre de jurés.

Les jurés sont des citoyens tirés au sort sur les listes électorales devant impérativement être âgés d’au moins 23 ans, savoir lire et écrire en français, et ne pas se trouver en incapacité (être sous tutelle, avoir déjà été condamné pour un crime ou un délit, ou être un fonctionnaire révoqué).

Le Ministère Public y est représenté par l’Avocat général.

Ainsi dans l’idéal démocratique, le peuple fait la loi par ses députés et rend la justice par ses jurés.

Or, en vertu de la partie II de l’article 42, les crimes punis de vingt ans de réclusion ou moins, comme les viols et les vols criminels, ne seront plus renvoyés devant la Cour d’Assises, mais devant la Cour Criminelle départementale.

Cependant en cas d’appel la Cour d’assises retrouvera sa compétence.

Afin de justifier cette mesure, le Gouvernement met en lumière la volonté « de réduire » les délais de jugement des affaires criminelles en réformant les Assises, qui seraient réservées aux crimes les plus graves, punis de plus de vingt ans de réclusion criminelle. Il s’agit à priori des meurtres et assassinats (entre trente ans de réclusion et la perpétuité selon les cas), ainsi que des crimes commis en récidive.

Pourtant cet objectif de célérité est contredit par certaines dispositions du projet de loi , au sein même de cet article 42, celui-ci prévoyant notamment que lorsque la Cour Criminelle estime au cours ou à l’issue des débats que les faits dont elle est saisie constituent un crime puni de trente ans de réclusion criminelle ou de la réclusion à perpétuité, elle renvoie l’affaire devant la Cour D’Assises.

Cette « régularisation en cours de route » engendre au contraire un allongement des délais, sachant que la Cour d’Assises aurait été compétente dès le premier stade.

A travers cette réforme, il s’agit d’une nouvelle tentative d’élimination de ce pilier démocratique que constitue le jury.

A défaut d’y parvenir, plusieurs lois, notamment sous le Régime de Vichy, l’ont toutefois affaibli, marquant de façon à peine voilée une certaine défiance à l’égard du jury.

Il est donc plus que préoccupant que cette réforme s’inscrive dans cette logique dont les symboles forts sont propres à une période trouble de l’histoire de France

En outre, il apparait clairement que but réel poursuivi n’est pas la réduction des délais de jugement mais la réduction budgétaire, une énième fois.

Le dernier rapport de la Commission européenne pour l’efficacité de la justice (CEPEJ) publié en 2016 est édifiant : avec 64 € par habitant et par an consacrés au système judiciaire, la France figure en bas du classement des pays européens derrière la Finlande (71 €), l’Italie (73 €), la Norvège (78 €), l’Ecosse (RU) (78 €), la Belgique (85 €), l’Espagne (88 €), la Slovénie (90 €), l’Angleterre et Pays de Galles (RU) (91 €), l’Autriche (96 €), la Suède (103 €), les Pays-Bas (122 €), le Luxembourg (139 €), l’Irlande du Nord (RU) (144 €) et la Suisse (219 €).

Cette situation devrait amener à augmenter significativement le budget de la Justice afin que la France rattrape son retard en la matière et de répondre aux exigences du droit européen en matière de détention provisoire notamment.

Or, force est de constater que ce Gouvernement a choisi une autre voie : Réaliser des économies en excluant quasi-totalement les représentants de la nation de la juridiction criminelle.

Le risque est évident tant il apparaît que la majorité des infractions criminelles relèverait de cette Cour Criminelle départementale.

En effet, les crimes punis de vingt ans de réclusion ou moins, représentent notamment les viols aggravés - soit pratiquement tous les viols ; les coups mortels aggravés ; soit pratiquement tous les coups mortels ; et la majorité des vols criminels aggravés.

Ainsi ces infractions seraient jugées sans les garanties et le regard d’un jury populaire, comme devant un Tribunal Correctionnel, mais avec les peines que l’on attribue habituellement en Cours d’assises.

Par ailleurs, il en résulte une hiérarchisation de la gravité des crimes, certains étant de fait qualifiés de moins graves que d’autres.

Il convient de relever au passage la régression en découlant quant aux viols, relevant désormais de la catégorie des « crimes moins graves ».

Cette situation n’est pas acceptable !

Pour conclure, l’absence de jury s’avère encore plus préjudiciable en Martinique et dans l’ensemble de l’Outre-Mer

Le jury est un échantillon parfaitement représentatif de la population d’un département déterminé, tant en ce qui concerne les sexes, les âges, les milieux sociaux ou les professions, et la Culture.

L’audience criminelle, caractérisée par l’oralité, repose sur un critère anthropologique déterminant mais aussi ethnologique.

Cette audience présente une dimension humaine fondamentale avec des facteurs visuels (l’espace, les émotions, le regard, la gestuelle, les mimiques, et des facteurs interlocutifs (la parole, les intonations, les témoignages..).

En outre, le contenu des débats met en lumière l’identité, la parenté, et la culture notamment.

Il est indéniable que les Collectivités et Départements d’Outre-Mer, eu égard à leur histoire, leur population et leur culture présentent des particularités qui se manifestent notamment à travers l’expression orale, le langage corporel, les croyances particulières, les dispositions psychologiques de la population.

II est manifeste, eu égard aux règles régissant la nomination des magistrats par souci d’impartialité, que les justiciables en outre-mer et en Martinique notamment, ne s’identifient pas ni se reconnaissent en leurs juges.

L’existence de jurés issus de la population et en capacité de comprendre l’accusé comparaissant devant la Cour D’Assises, compte tenu de leur culture commune, est à ce titre fondamental.

Régulièrement, les avocats sont amenés à interpréter des attitudes d’accusés ou de prévenus considérées par les magistrats comme vexatoires, alors qu’il n’en est rien : (Pour exemple, en Martinique, le tutoiement n’est pas un signe d’irrespect dans notre culture)

Le contexte sociologique et historique permet parfois de comprendre les raisons du passage à l’acte criminel en jugeant les personnes concernées en considération de ce contexte ;

Autre élément de taille, une partie de la population est exclusivement créolophone et les mots employés n’ont pas toujours la même signification que celle retenue en France hexagonale, même en français.

En conséquence, la suppression des jurés, particulièrement en Outre-Mer ne ferait qu’accroître le clivage culturel existant déjà entre les justiciables et leurs juges.

La Partie II de l’article 42 instaurant la « Cour criminelle » doit donc être supprimée.