N° 1865 ASSEMBLÉE NATIONALE CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958 ONZIÈME LÉGISLATURE Enregistré à la Présidence de l'Assemblée nationale le 14 octobre 1999. AVIS PRÉSENTÉ AU NOM DE LA COMMISSION DES LOIS CONSTITUTIONNELLES, DE LA LÉGISLATION ET DE L'ADMINISTRATION GÉNÉRALE DE LA RÉPUBLIQUE (1) SUR LE PROJET DE loi de finances pour 2000 (n° 1805), TOME VII OUTRE-MER DÉPARTEMENTS DOUTRE-MER
(1) La composition de cette commission figure au verso de la présente page. Voir le numéro : 1861 (annexe 36). Lois de finances. La commission des Lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la République est composée de : Mme Catherine Tasca, présidente ; MM. Pierre Albertini, Gérard Gouzes, Mme Christine Lazerges, vice-présidents ; MM. Richard Cazenave, André Gerin, Arnaud Montebourg, secrétaires ; MM. Léo Andy, Léon Bertrand, Emile Blessig, Jean-Louis Borloo, Patrick Braouezec, Mme Frédérique Bredin, MM. Jacques Brunhes, Michel Buillard, Dominique Bussereau, Christophe Caresche, Patrice Carvalho, Jean-Yves Caullet, Mme Nicole Catala, MM. Olivier de Chazeaux, Pascal Clément, Jean Codognès, François Colcombet, François Cuillandre, Henri Cuq, Jacky Darne, Camille Darsières, Jean-Claude Decagny, Bernard Derosier, Franck Dhersin, Marc Dolez, Renaud Donnedieu de Vabres, René Dosière, Renaud Dutreil, Jean Espilondo, Mme Nicole Feidt, MM. Jacques Floch, Raymond Forni, Roger Franzoni, Pierre Frogier, Claude Goasguen, Louis Guédon, Guy Hascoët, Philippe Houillon, Michel Hunault, Henry Jean-Baptiste, Jérôme Lambert, Mme Claudine Ledoux, MM. Jean-Antoine Léonetti, Bruno Le Roux, Mme Raymonde Le Texier, MM. Jacques Limouzy, Thierry Mariani, Louis Mermaz, Jean-Pierre Michel, Ernest Moutoussamy, Mme Véronique Neiertz, MM. Robert Pandraud, Christian Paul, Vincent Peillon, Dominique Perben, Henri Plagnol, Didier Quentin, Bernard Roman, José Rossi, Jean-Pierre Soisson, Frantz Taittinger, Jean Tiberi, Alain Tourret, André Vallini, Alain Vidalies, Jean-Luc Warsmann. INTRODUCTION 5 I. LE STATUT JURIDIQUE DES DOM A CRÉÉ LES CONDITIONS DUN RATTRAPAGE RÉUSSI VIS-À-VIS DE LA MÉTROPOLE 7
II. LES CONSTATS ÉTABLIS PAR LES DEUX MISSIONS PARLEMENTAIRES DE LA COMMISSION DES LOIS SACCORDENT SUR LA FRAGILITÉ DE LA PROSPÉRITÉ DANS LES DOM 18
III. LA SITUATION DES DOM IMPLIQUE UNE ÉVOLUTION DES MISSIONS DU SECRÉTARIAT DÉTAT À LOUTRE-MER 43
AUDITION de M. Jean-Jack QUEYRANNE, secrétaire dÉtat à loutre-mer 75 MESDAMES, MESSIEURS, Avec une croissance de 13,6 % par rapport à la loi de finances initiale de lannée précédente, représentant un total de 6,36 milliards de francs, les crédits consacrés en 2000 à loutre-mer permettent au secrétariat dEtat dafficher des objectifs ambitieux et de dégager véritablement dans les départements doutre-mer et les collectivités territoriales à statut particulier des priorités en termes demploi, daide au logement ou de promotion daction sociale et culturelle : les crédits du Fonds pour lemploi dans les départements doutre-mer progressent ainsi de 16 %, ceux relatifs au logement de 3,7 % et ceux destinés à laction sociale et culturelle de 30 %. Ces chiffres ne permettent cependant que difficilement dapprécier laction de lEtat dans les départements doutre-mer. Ils ont la particularité de décrire une réalité à la fois trop vaste et trop restreinte : trop vaste, car ces crédits recouvrent également les crédits destinés aux territoires doutre-mer et à la Nouvelle-Calédonie, lensemble des dotations destinées à ce dernier territoire pour la mise en uvre des réformes institutionnelles représentant notamment un montant tout à fait exceptionnel de 400 millions de francs ; trop restreinte surtout car le budget du secrétariat dEtat à loutre-mer ne représente que 11 % de lensemble de la dotation budgétaire en faveur des départements et des collectivités territoriales doutre-mer. En dépit de cette place relativement modeste dans lensemble des ministères contributeurs, cest néanmoins au secrétariat dEtat quil revient dinsuffler une vision moderne et ambitieuse des liens de solidarité entre la métropole et les départements doutre-mer. Ses missions ont dailleurs évolué à cet effet : dune mission classique de souveraineté, le secrétariat dEtat à loutre-mer est passé à une mission beaucoup plus dynamique, réellement impliquée dans le développement économique et social des départements et collectivités doutre-mer. Toutefois, la destination dun avis budgétaire nest pas de se limiter à une étude de crédits, les montants en question, aussi élevés soient-ils, ne rendant quimparfaitement compte des réalités ultra-marines. Deux missions parlementaires, lune conduite par Mme Catherine Tasca (), présidente de la Commission, à Mayotte et à la Réunion, lautre par votre rapporteur () en Guyane, Martinique, Guadeloupe et à Saint-Martin, se sont dès lors attachés à appréhender la situation économique et sociale des départements et collectivités doutre-mer et à en cerner les difficultés dordre institutionnel. Les nombreuses rencontres et témoignages recueillis au cours de ces missions permettront, à nen pas douter, de préparer la loi dorientation dont le dépôt a été confirmé par M. le Premier ministre lors de son récent voyage aux Antilles ; ils ont permis également aux deux missions parlementaires de saccorder sur un constat : la loi de départementalisation de 1946 a instauré les conditions juridiques dun véritable essor économique et social des départements et collectivités territoriales doutre-mer ; néanmoins, les bases de cette prospérité se révèlent extrêmement fragiles. Dans ce contexte, létude des crédits du secrétariat dEtat à loutre-mer permet non seulement danalyser laction de lEtat dans ces départements, mais est également loccasion de proposer quelques sujets de réflexion préparatoires à la loi dorientation. I. LE STATUT JURIDIQUE DES DOM A CRÉÉ LES CONDITIONS DUN RATTRAPAGE RÉUSSI VIS-À-VIS DE LA MÉTROPOLE A. LE STATUT JURIDIQUE : LE PRINCIPE DE LASSIMILATION · La loi de départementalisation du 19 mars 1946 La transformation de la Guadeloupe, de la Guyane, de la Martinique et de La Réunion en départements français remonte à limmédiate après-guerre : le 12 février 1946, les députés des quatre « vieilles colonies » déposent des propositions de loi convergentes ayant pour objet dériger ces quatre colonies en départements français. La loi, rapportée par M. Aimé Césaire, sera votée à lunanimité le 14 mars 1946 par lassemblée constituante et promulguée le 19 mars. Cette loi, non seulement met fin au régime colonial en vigueur jusque là, mais permet également dassurer les conditions dun rattrapage économique et social réussi vis-à-vis de la France métropolitaine : les lois et décrets nouveaux sy appliquent désormais de plein droit et, à la différence des territoires doutre-mer, sans nécessiter de mention spéciale. Quelques mois plus tard, le principe de lassimilation législative est reconnu et précisé par la Constitution du 27 octobre 1946. Larticle 73 dispose alors que : « le régime législatif des départements doutre-mer est le même que celui des départements métropolitains, sauf exceptions déterminées par la loi. » Cette formulation consacre un deuxième principe, corollaire indispensable du principe dassimilation compte tenu des spécificités liées aux départements doutre-mer : le principe dadaptation. La Constitution du 4 octobre 1958 inverse la formulation de la Constitution du 27 octobre 1946 en mettant laccent, dans son article 73, sur le principe dadaptation : « le régime législatif et lorganisation administrative des départements doutre-mer peuvent faire lobjet de mesures dadaptation nécessitées par leur situation particulière. » Cette formulation souligne néanmoins a contrario que le régime législatif et réglementaire des départements doutre-mer est bien celui de droit commun. La mise en application de ces deux principes se révèle néanmoins délicate, exigeant un équilibre difficile entre un impératif dégalité républicaine et la nécessaire prise en compte des spécificités ultra-marines. Le Conseil constitutionnel sest efforcé de cerner la réalité de ces deux principes en indiquant que les mesures dadaptation « ne sauraient avoir pour effet de conférer aux départements doutre-mer une organisation particulière, prévue par larticle 74 de la Constitution pour les seuls territoires doutre-mer. » (Décision n° 82-147 du 2 décembre 1982). Autrement dit, le principe dadaptation ne peut trouver dapplication que dans des mesures subsidiaires et particulières et ne saurait en tout état de cause faire échec au principe global et général dadaptation. Le Conseil constitutionnel a par ailleurs précisé que les mesures dadaptation « relèvent, selon leur objet, de la voie législative ou de la voie réglementaire » et « sagissant de mesures dapplication dune disposition législative, même si elles doivent comporter une certaine adaptation à la situation des DOM, cest à lautorité réglementaire quil appartient normalement de les prendre, sous le contrôle de la juridiction compétente pour en apprécier la légalité. » Le principe dassimilation législative a été repris plus tard, avec quelques aménagements, par la loi du 11 juin 1985 relative au statut de larchipel de Saint-Pierre-et-Miquelon ; en revanche, la collectivité territoriale de Mayotte reste régie par le principe de spécialité législative, les lois et règlements ne sy appliquant que sur mention expresse. Le principe dassimilation connaît cependant des limites et a parfois été perçu comme un carcan juridique trop contraignant peu adapté aux spécificités des DOM. Toutefois, au-delà des inconvénients dun dispositif parfois jugé trop rigoureux, il convient de rappeler que cest grâce au statut juridique de lassimilation que les DOM ont pu être considérés comme faisant partie intégrante de lUnion européenne. · Lintégration à lUnion européenne La place des DOM dans lUnion européenne na pas toujours été exempte dambiguïtés. Larticle 227, § 1, du Traité de Rome dispose que : « le présent traité sapplique ( ) à la République française » ; larticle 227, § 2, cite expressément les DOM en distinguant les domaines pour lesquels la législation communautaire est dapplication immédiate (libre circulation des marchandises, libération des services, règles de concurrence et agriculture) et les autres domaines pour lesquels lapplication est différée dun délai de deux ans, après détermination de leurs conditions dapplication par le Conseil statuant à lunanimité. La distinction entre les dispositions dapplication immédiate (alinéa 1 de larticle 227, § 1) et celles dapplication différée (alinéa 2) est certainement issue dune volonté daccorder aux DOM un délai de transition pour préparer leur insertion dans la Communauté. Le problème sest posé cependant vingt ans plus tard, alors que le Conseil navait adopté aucune mesure concernant les conditions dapplication du deuxième alinéa de larticle 227, § 2. Il sagissait de savoir si ces dispositions, en labsence de mesures dadaptation, sappliquaient pleinement aux DOM ou si le fait que le Conseil nait pas statué dans un délai de deux ans ne prolongeait pas indéfiniment la condition suspensive dapplicabilité. Larrêt rendu par la Cour de justice des Communautés européennes le 10 octobre 1978 (Arrêt « Hansen ») permit dapporter une réponse définitive à la question de lapplication du Traité de Rome aux DOM : « le statut des DOM dans la Communauté est défini en première ligne, par référence à la Constitution française, aux termes de laquelle ( ) les DOM font partie intégrante de la République. » Cest moins de laffirmation que « les DOM font partie intégrante de la République » car la question de lapplicabilité des dispositions communautaires aux territoires doutre-mer se pose alors que de celle consistant à dire que « le statut des DOM dans la Communauté est défini par référence à la Constitution française » que se détermine le statut des DOM au sein de lUnion européenne. Larticle 73 de la Constitution française postulant lassimilation des DOM, il en résulte, dès lors, leur assimilation au territoire communautaire et la pleine application du droit européen. Des conclusions de larrêt Hansen devrait pouvoir également être déduit, par voie de conséquence, le principe dadaptation générale prévu par la Constitution ; et, en effet, larrêt Hansen précise que « le Traité de Rome ménageant les plus larges possibilités de prévoir des dispositions particulières adaptées à la situation géographique, économique et sociale particulière des DOM, il reste toujours possible de prévoir des mesures spécifiques en vue de répondre aux besoins de ces territoires ». Il semble cependant que la reconnaissance du principe dadaptation ait fluctué au fil des divers arrêts de la Cour de justice des Communautés européennes ; dabord reconnu de portée générale et absolue par larrêt Hansen de 1978 dune part et larrêt « Coopérative agricole dapprovisionnement des avirons » du 26 mars 1987 dautre part, le principe dadaptation a cependant par la suite reçu une définition beaucoup plus restrictive dans deux arrêts « Legros » du 16 juillet 1992 et « Lancry » du 9 août 1994. La Cour de justice déclare ainsi que « les dispositions du Traité mentionnées explicitement à larticle 227, § 2, premier alinéa, ont été applicables dans les DOM dès lentrée en vigueur du traité CEE ( ) Pour les autres dispositions, il est possible de prévoir des mesures spécifiques en vue de répondre aux besoins de ces territoires. » Autrement dit, le principe dadaptation nest applicable que pour les dispositions du deuxième alinéa de larticle 227, § 2. Pour les dispositions visées au premier alinéa, considérées dès le départ comme dapplication immédiate, la législation communautaire ne peut subir de modifications tenant compte de la spécificité des DOM. Lobjectif communautaire doit prévaloir sur lobjectif spécifique de loutre-mer dans des domaines aussi cruciaux que la libre circulation des marchandises ou lagriculture. Dès lors, des dispositifs essentiels aux économies ultra-marines, tels que loctroi de mer ou le programme communautaire « POSEIDOM », ont vu leur assise juridique remise en cause. Cette insécurité juridique, provoquée par le caractère incomplet du principe dadaptation, a conduit les Etats membres de lUnion européenne à réfléchir à une nouvelle rédaction de larticle 227, § 2, ou, tout du moins, à une reconnaissance sans ambiguïté des spécificités des DOM et du principe dadaptation. La première tentative fut décevante et se borna à annexer aux accords de Maastricht une « Déclaration relative aux régions ultrapériphériques de la Communauté » au caractère normatif incertain et au contenu peu novateur. Le traité dAmsterdam a enfin permis de mettre fin à lincertitude juridique en proposant une nouvelle rédaction de larticle 227, § 2, devenu depuis larticle 299, § 2. Le principe dadaptation est désormais étendu à lensemble des dispositions dordre communautaire, sans quil y ait de distinction entre les mesures directement applicables et celles dapplication différée ; cette reconnaissance du principe dadaptation nest toutefois plus limitée aux DOM ; sont également concernés les Açores, Madère et les îles Canaries. La France sort donc de son isolement et peut, dès lors, compter sur lappui de lEspagne et du Portugal pour une reconnaissance de la spécificité des régions ultrapériphériques. Pour autant, la question de lassimilation des DOM dans lUnion européenne nest pas totalement résolue ; aucune mesure interprétant ces nouvelles dispositions du Traité na encore été arrêté par la Commission européenne ; a fortiori, cet article na donné lieu à aucune jurisprudence de la Cour de justice des Communautés européennes. Léquilibre paraît délicat à trouver entre les spécificités « domiennes » et limpératif communautaire. Le dernier alinéa de larticle 229 § 2 fixe en effet une limite générale à la capacité dadaptation qui devra être précisée : le principe selon lequel « les mesures dadaptation ne peuvent nuire à lintégrité et à la cohérence de lordre juridique communautaire, y compris le marché intérieur et les politiques communes » pourrait, sil en était fait une interprétation restrictive, priver de tout intérêt la révision opérée par le traité dAmsterdam. Quelle que soit linterprétation quen donneront les instances communautaires, il est indéniable que les DOM ont désormais acquis une place à part entière au sein de lUnion européenne, et que cette place tient dabord à celle qui leur est réservée dans la Constitution du 4 octobre 1958. Néanmoins, lassimilation des DOM à la métropole et ladaptation de la législation aux spécificités ultra-marines sont loin dêtre des clauses juridiques sans consistance. Elles sont au contraire le fondement même du développement économique et social que les DOM ont pu connaître depuis 1946. B. LESSOR ÉCONOMIQUE · Des structures économiques proches de celles de la métropole Les tensions sociales et les problèmes économiques que connaissent actuellement les DOM font souvent oublier que ces départements ont connu depuis 1946 un développement sans précédent. Les structures économiques ont subi une profonde mutation, passant dune économie de type « colonial » centré sur une monoculture à une économie de services. Cette mutation économique a suivi des évolutions différentes selon les départements : à La Réunion, la population agricole a diminué, malgré les aides consenties au secteur primaire, à partir des années 1970. Ce secteur où travaillaient 54,9 % des actifs en 1954 nen emploie plus que 5,1 % en 1989 et 4,3 % en 1993. Labsence de matières premières, léloignement des grands marchés, le coût du fret et la faiblesse du marché intérieur expliquent la stagnation du secteur secondaire, qui occupe 27,2 % des actifs. Lévolution du secteur tertiaire se caractérise par sa part croissante dans la population active : 23 % en 1954, 67 % en 1990 et 68,5 % en 1993. Les départements des Antilles ont connu une évolution semblable ; ainsi le secteur primaire occupait en 1994 7 % de la population, soit six fois moins quen 1961. Léconomie sucrière est moins prédominante que par le passé. En Martinique, 8 000 tonnes de sucre sont produites contre 92 000 en 1963. De même, seules deux sucreries sur les onze que comptait la Guadeloupe en 1966 subsistent encore aujourdhui. Ce déclin de la production agricole ne touche pas la production bananière, puisque les Antilles exportaient en 1996 407 300 tonnes contre 189 000 en 1958. Il est bien évident que le maintien, voire laccroissement, de la production bananière est encouragé par les dispositions favorables de lorganisation commune du marché de la banane. La remise en cause de cette organisation fait peser de fortes incertitudes sur lavenir de cette production. Votre rapporteur aura loccasion dy revenir. Le secteur tertiaire occupe aujourdhui 74 % de la population active, contre 33 % en 1961 ; cette évolution sest faite notamment grâce au développement de lindustrie touristique. Cette mutation sest accompagnée dune amélioration incontestable des conditions de vie de leurs habitants : le produit intérieur brut par habitant a été multiplié entre 1946 et 1986 par plus de 30. En Guyane, la voie suivie par le développement économique est quelque peu différente ; il convient de rappeler que faire de la Guyane, en 1946, un département français était sans aucun doute le pari le plus risqué ; ce territoire restait en effet largement inexploré et seule la côte était exploitée. La guerre avait par ailleurs accéléré le déclin des dernières productions coloniales, et notamment la principale, lor, dont le cours sétait effondré. Après 1946, lEtat tente, par la planification, de relancer les productions coloniales et de développer de nouvelles activités telles que la bauxite. Le décollage économique se fait toutefois attendre, alimentant la déception des Guyanais envers la départementalisation. Jusquen 1964, la vie économique se réduit essentiellement au fonctionnement des services des administrations publiques et des sociétés dEtat. En 1964, la Guyane est sélectionnée comme nouveau site daccueil des activités spatiales. Aujourdhui, les lancements de satellites constituent la richesse de tout premier ordre, représentant au total près de 60 % de la production marchande. Les effets induits par limplantation du Centre spatial guyanais ont été particulièrement sensibles au niveau des infrastructures lourdes : construction de la base elle-même, développement de la ville de Kourou dont la population est passée de 4 720 habitants en 1974 à plus de 20 000 actuellement, modernisation du réseau routier, construction déquipements publics, tels que barrages ou centrales électriques. Au-delà des études sectorielles pour chaque DOM, il convient de préciser que cest lensemble de lenvironnement économique qui a connu une importante amélioration : les infrastructures publiques ont été considérablement développées : le réseau routier a ainsi été multiplié par deux depuis 1949 ; de même, les équipements portuaires et les aéroports sont désormais équivalents à ceux de la métropole. Lélectrification a également fait des progrès considérables, les logements équipés représentant, en Martinique et à La Réunion du moins, plus de 97 % des logements, contre 45 % en 1994. Lévolution du PIB pour chaque département depuis 1946 illustre particulièrement bien ce passage déconomies structurées sur le modèle colonial à celles caractéristiques des pays industrialisés. EVOLUTION DU PRODUIT INTÉRIEUR BRUT DEPUIS 1970
· Les écarts de développement avec les pays voisins Lanalyse des résultats économiques des pays voisins, y compris de grands pays tels que le Brésil ou le Vénézuéla, permet de situer la réussite des DOM dans leur environnement régional ; seuls quelques pays, tels que les Bahamas ou les îles Caïmans, connaissent un niveau de vie plus élevé que les DOM ; la proximité de ces pays avec les Etats-Unis, ainsi que le développement des installations touristiques et la législation relative aux activités bancaires expliquent en grande partie ces écarts.
C. LEGALITE SOCIALE · Lamélioration des conditions de vie Outre le développement des infrastructures publiques, déjà mentionné, les lois de départementalisation ont permis de voir les conditions de vie des habitants des DOM nettement améliorées. Ainsi, des efforts particulièrement importants ont été menés en matière déquipements éducatifs, notamment depuis la décentralisation, permettant la construction et la rénovation dun nombre important de lycées et collèges. Cet effort sest traduit par une augmentation du taux de scolarisation, et ce en dépit du dynamisme démographique observé dans les DOM. En 1949, le nombre de jeunes scolarisés sélevait, pour 1 000 habitants, à 5 à La Réunion et 12 en Guadeloupe ; il varie aujourdhui de 94 en Guyane à 141 à La Réunion. Le taux de jeunes gens scolarisés à lâge de 16 ans est même supérieur à la Guadeloupe et en Martinique à celui observé en métropole. En matière sanitaire, les progrès ont également été significatifs ; les endémies ont été éradiquées. Le paludisme subsiste encore en Guyane, mais uniquement à lintérieur des terres. Il a complètement disparu de la bande littorale où résident 90 % des habitants. Il a également été totalement éradiqué de La Réunion, où il était pourtant responsable du tiers des décès en 1948. Plus généralement, le recul des maladies infectieuses ou parasitaires, à lorigine de 80 % des décès avant la seconde guerre mondiale, a permis datteindre un niveau despérance de vie équivalent à celui observé en métropole, alors même que ce niveau natteignait pas 40 ans en 1946. Lenvironnement médical sest également transformé : à La Réunion, le nombre de médecins pour 100 000 habitants est passé de 15 en 1946 à 184 en 1998 ; les infrastructures hospitalières, notamment en Martinique et en Guadeloupe, sont équivalentes à leurs homologues de métropole. Lamélioration des conditions de vie, ainsi que les progrès effectués dans le domaine médical, ont permis daméliorer lespérance de vie et de réduire considérablement la mortalité infantile. Cependant, les DOM nont pas connu, démographiquement, une évolution comparable à celle de la métropole ; le taux de natalité reste ainsi très élevé. Conjugué à un solde migratoire important, les DOM ont connu un dynamisme démographique qui les différencie encore de la métropole : le taux de croissance annuel moyen de la population des DOM a ainsi été de 1,4 % de 1970 à 1994 (+ 2 % entre 1982 et 1994) contre 0,5 % par an à la métropole. Les évolutions varient cependant suivant les départements : en Guadeloupe, la croissance démographique a été très forte entre 1982 et 1990 et sest ralentie depuis ; elle sexplique aujourdhui plus par une présence importante de jeunes adultes que par une fécondité qui se situe à deux enfants par femme. La situation est identique à la Martinique : laccroissement important de la population est davantage la conséquence dune pyramide des âges très favorable comptant beaucoup de jeunes adultes que dun indice de fécondité passé de 3,4 enfants par femme en 1975 à 2,2 en 1997. La Réunion a été marquée par une transition démographique importante : le rythme moyen de progression de la population a été supérieur à 2 % par an entre 1946 et 1974, soit un doublement de la population entre ces deux dates. Il reste toujours important aujourdhui, dépassant les 1,8 %. Enfin, la Guyane connaît une véritable explosion démographique, due à une natalité importante forte fécondité et jeunesse de la population et à une immigration soutenue le nombre détrangers ayant doublé entre les recensements de 1982 et 1990.
· La réalisation progressive de légalité sociale Légalité sociale avec la métropole sest faite lentement, alors quelle était pourtant le corollaire logique de la départementalisation. Le principe de lextension des régimes de sécurité sociale est acquis par un décret de 1947 ; les assurances maladie, maternité, invalidité et décès ne seront pourtant véritablement mises en place quen 1955. De plus, ce nest que beaucoup plus tard, en 1972, que les caisses dallocation familiales seront créées. Au milieu des années 80, des inégalités entre la métropole et les DOM subsistent, et les écarts en matière de salaires, de prestations familiales, déducation ou de logement social restent flagrants. Dans la droite ligne du programme présidentiel du candidat Mitterrand en 1988 qui, dans « La lettre à tous les Français », exposait lobjectif dégalité sociale, un nouvel essor est donné à lalignement des DOM sur la métropole dans les années 90. En matière de revenus, légalité sociale est acquise le 1er janvier 1996 par la hausse du SMIC applicable dans les DOM à hauteur de celui existant en métropole. En matière de protection sociale, légalisation sest faite par étapes progressives : une série de lois et de décrets, pris entre 1991 et 1996 ont ainsi étendu aux DOM des prestations spécifiques à la famille telles que lalignement des allocations familiales, la mise en place dallocations telles que lallocation de garde denfants à domicile (AGED) ou lallocation parentale déducation (APE). Cette politique dégalité sociale sest souvent traduite par un réaménagement de prestations spécifiques aux DOM. Les disparités avec la métropole nont pourtant pas complètement disparu : subsistent toujours notamment la réfaction de 20 % sur le montant du RMI, ou des montants moins élevés en matière de prestation dallocation de parent isolé ou de complément familial. Il convient dajouter cependant, en ce qui concerne le RMI, que la différence entre le montant fixé dans les DOM et celui de métropole sert à linsertion sociale, dans la mesure où elle est utilisée sur place, par le biais de la créance dite de « proratisation », pour le financement du logement social et dactions dinsertion. Certaines prestations restent cependant plus favorables aux DOM. Ainsi, par exemple, les allocations familiales ou lallocation dadoption ont été maintenues pour un seul enfant ; lallocation de logement à caractère familial comporte une disposition particulière concernant lâge maximum dun enfant étudiant, apprenti ou infirme (22 ans) ; enfin, lexistence dune prestation spécifique de restauration scolaire a également été maintenue. * * * Assimilation juridique, croissance économique, égalisation des droits : la situation des DOM peut paraître privilégiée, notamment au regard des performances économiques et des niveaux de vie des pays voisins immédiats. Pourtant, en dépit de lamélioration certaine des conditions de vie, les DOM restent caractérisés par une situation économique et sociale dégradée à laquelle sajoute un dysfonctionnement des institutions. Le constat semble connu et a fait lobjet de nombreux rapports. Au-delà de lanalyse théorique, la commission des Lois a souhaité appréhender la réalité quotidienne des départements doutre-mer en envoyant deux missions parlementaires, lune conduite par sa Présidente à lîle de La Réunion et à Mayotte, lautre conduite par votre rapporteur en Guyane, à la Martinique et à la Guadeloupe. Au travers de nombreux témoignages, dhorizons politiques et sociaux variés, les députés en mission ont pu réaliser à quel point les bases de la prospérité dans les départements doutre-mer demeurent fragiles. Lurgence dune réflexion sur lavenir de ces départements simpose. II. LES CONSTATS ÉTABLIS PAR LES DEUX MISSIONS PARLEMENTAIRES DE LA COMMISSION DES LOIS SACCORDENT SUR LA FRAGILITÉ DE LA PROSPÉRITÉ DANS LES DOM A. UNE DÉCENTRALISATION EN DIFFICULTÉ 1. Une marge de manuvre réduite en matière de ressources financières · La fiscalité indirecte Il convient de rappeler ici que les collectivités locales des départements doutre-mer bénéficient, en matière de décentralisation, dun régime très proche de celui du droit commun, le Conseil constitutionnel, dans sa décision n° 174 DC du 2 décembre 1982, ayant entendu faire prévaloir dans toute sa rigueur le principe dassimilation. Les compétences des collectivités locales nont ainsi fait lobjet que dun nombre très réduit dadaptations. En revanche, la structure des ressources imparties aux collectivités locales diffère totalement de celle des collectivités de métropole. En premier lieu, il faut insister sur leffort consenti par lEtat en terme de dotations attribuées aux collectivités locales : ce montant, toutes dotations confondues, sélève à un peu plus du double, en moyenne par habitant, de celui consenti aux collectivités de métropole. Cependant, cest davantage dans la répartition entre fiscalité directe et fiscalité indirecte que se révèle la spécificité des ressources locales : les impositions directes ny représentent en effet en moyenne, daprès les chiffres constatés en 1996, que 20 % de lensemble des recettes de fonctionnement des collectivités locales doutre-mer, contre une moyenne sur la France entière de près de 50 %. En conséquence, les impositions indirectes présentent une importance particulière pour les DOM ; encore faut-il également insister sur leur spécificité, la principale ressource provenant du produit dune taxe dénommée « octroi de mer » qui nexiste que dans les DOM. Loctroi de mer représente une recette denviron 3,5 milliards de francs par an, au bénéfice des communes et des régions, et peut ainsi parfois constituer 70 % des ressources dune commune. Il se définit comme une taxe sur les marchandises, que celles-ci soient importées ou, depuis le 1er janvier 1993, produites localement. Cependant, jusquà la fin 2002, certaines productions locales particulièrement vulnérables peuvent être exonérées, sous réserve dun accord préalable de la Commission européenne. Cest le conseil régional, depuis la loi du 2 août 1984, qui réglemente lassiette de loctroi de mer, son taux et son régime dexonération. Le produit de loctroi de mer fait lobjet, après prélèvement des frais dassiette et de recouvrement au profit de lEtat, dune affectation annuelle à une dotation globale de garantie répartie entre les communes (en Guyane, entre le département et les communes) et pour le solde à une dotation au fonds régional pour le développement et lemploi. La question de la pérennité du régime de loctroi de mer se pose au regard de la législation européenne ; certes, la nouvelle rédaction de larticle 299, § 2, issue du Traité dAmsterdam, a clairement autorisé des dispositifs spécifiques en matière de libre circulation des marchandises, compte tenu des particularités de loutre-mer. Néanmoins, il a également été précisé que les exonérations ne devaient pas présenter un caractère général ou systématique et devaient, au contraire, être nécessaires, proportionnelles et précisément déterminées. Le risque de non conformité du régime de loctroi de mer aux dispositions européennes existe donc et devra être appréhendé avec beaucoup de circonspection lors du renouvellement du dispositif, prévu après le 31 décembre 2002. En raison du rôle prépondérant quil joue dans les finances des collectivités locales doutre-mer et des conséquences quil comporte pour les entreprises, lavenir proche de loctroi de mer reste un sujet dinquiétude à prendre en considération. En matière dimpôts indirects, il faut ajouter que les DOM disposent également de la taxe spéciale de consommation des produits pétroliers (2,64 milliards de francs en 1998) se répartissant entre les régions (1,36 milliard), les départements (0,72 milliard) et les communes (0,56 milliard). Cette taxe est principalement utilisée au financement de la voirie et au développement des transports publics de personnes. Que ce soit la taxe sur les produits pétroliers ou, plus encore, loctroi de mer, la caractéristique du produit de ces contributions indirectes est dêtre très dépendante de la situation économique et de rester finalement peu influencée par les décisions politiques. Les communes, notamment pour loctroi de mer, nont que peu de prises sur la répartition du produit, alors même que certaines se plaignent des critères de choix opérés parfois par les conseils régionaux : la fiscalité locale ne peut, dès lors, être un instrument de gestion actif dans les politiques économiques, alors même que lintervention des collectivités locales est de plus en plus sollicitée. · La fiscalité directe Il reste que les collectivités locales peuvent jouer sur les taux de la fiscalité directe, même si la part du produit de ces impôts est moindre quen métropole. Les marges de manuvre paraissent toutefois beaucoup plus réduites : en effet, globalement, la valeur moyenne des bases dimposition dans les DOM est très nettement inférieure à ce qui est observé en métropole. Les raisons sont multiples : en premier lieu, un abattement général de 40 % est appliqué aux bases dimposition à la taxe dhabitation, abattement qui peut être monté à 50 % sur décision du conseil délibérant. Rappelons quen métropole, cet abattement est facultatif et limité à 5, 10 ou 15 %, même si, il est vrai, labattement pour charge de famille est plus faible dans les DOM. Cette disposition réduit considérablement lassiette imposable ; elle sajoute au fait, comme la rappelé M. Anicet Turinay, député de la Martinique, à la mission conduite par votre rapporteur, quen raison des difficultés économiques et sociales que connaissent les DOM, un nombre important de foyers ne sont pas imposables compte tenu de la faiblesse de leurs revenus. Il a ajouté que les règles durbanisme nétant que rarement respectées, beaucoup dhabitations construites sans permis échappaient du même coup à lassujettissement à limpôt local. M. Albert Dorville, président de lassociation des maires de la Guadeloupe, a évoqué à ce sujet les difficultés rencontrées par les communes en matière dadressage et de recensement des foyers imposables. Il a indiqué quil serait possible de trouver une marge de recettes si les services du cadastre, éventuellement aidés par les services de lEtat, sattelaient à la tâche ; il a cependant déploré labsence de volonté politique dans ce domaine. Par ailleurs, la variation des taux de la taxe professionnelle ne peut être utilisée quavec prudence : dans un contexte économique dégradé, toute charge supplémentaire pesant sur les entreprises paraît inopportune. Les taux de taxe professionnelle sont déjà plus élevés que ceux de la métropole, et la croissance des bases dimposition est plus soutenue : ainsi, en 1998, laugmentation a été de 4,2 % contre 3,2 % en métropole. M. Alex Weimert, président de la Chambre de commerce et dindustrie de Guyane, sest élevé contre lévolution de ces taux, la taxe professionnelle grevant davantage selon lui les résultats des entreprises que limpôt sur les sociétés. 2. Une augmentation des dépenses due à un contexte économique fragile Alors même quelles nont quune marge de manuvre réduite en matière de ressources financières, les collectivités locales des DOM ont à faire face à une demande dintervention plus importante quen métropole. Le contexte paraît en effet particulier : il convient en premier lieu dinsister sur le retard de développement et la faiblesse des infrastructures que connaissent encore actuellement les DOM par rapport à la métropole. Les collectivités locales ont dû, depuis la décentralisation, assumer des charges considérables en matière de routes, de réseaux publics et dinfrastructures scolaires. De plus, les conditions climatiques imposent un rythme de renouvellement des installations plus soutenu quen métropole. Le contexte démographique est également prépondérant dans létude des interventions des collectivités locales : comme lexposait M. André Lecante, président du Conseil général de Guyane à la mission parlementaire conduite par votre rapporteur, lexplosion démographique dans ce département a atteint de telles proportions quelle nécessiterait la construction dun collège par an. Surtout, il faut insister sur des arguments de nature plus conjoncturelle : la faiblesse de lactivité économique et le niveau élevé du chômage pèsent également sur les finances locales : les dépenses daide sociale sont ainsi deux fois plus élevées quen métropole (2 376 francs par habitant contre 1 317 francs en métropole), la part de ces dépenses consacrées au RMI sélevant à 11,2 % contre 4,6 % en métropole. Au total, dans les départements, les dépenses totales par habitant sélèvent en moyenne à 5 300 francs contre un peu moins de 3 700 francs en métropole. Pour les régions doutre-mer, les dépenses totales par habitant se révèlent également 2,5 fois plus élevées quen métropole. 3. Des collectivités locales peu préparées à faire face à la forte demande dintervention sociale · Linadaptation du cadre juridique La première constatation à propos des difficultés rencontrées par les collectivités locales porte sur linadaptation du cadre juridique : on rappellera ici que le Conseil constitutionnel, dans sa décision du 2 décembre 1982, a, sur la base dune interprétation des dispositions de larticle 72 et 73 de la Constitution, censuré le projet dune assemblée unique, regroupant région et département, pour les DOM. Les DOM sont, dès lors, chacun dotés dun conseil régional et dun conseil général, dont les compétences, à lexception de quelques aménagements mineurs, sont largement calquées sur celles des collectivités locales métropolitaines. Il serait facile den déduire que la capacité de réponse aux attentes sociales des collectivités locales doutre-mer est identique à celle de métropole. En réalité, le problème de lenchevêtrement des compétences entre région et département se pose dans les DOM avec une acuité particulière : la coexistence de deux collectivités, régionale et départementale, sur un même territoire, à lassise géographique et démographique restreinte, conduit à produire en permanence un face à face entre les deux niveaux dadministration. Sans même évoquer les conflits pouvant résulter de majorités politiques différentes entre les deux assemblées, lexistence de régions monodépartementales se traduit quasiment systématiquement par une concurrence dommageable aux actions de lune comme de lautre. Cette concurrence entre région et département est, de plus, encouragée par un environnement social et économique dégradé, incitant les départements à intervenir dans le domaine de laction économique et les régions dans le domaine social. La cohérence, la clarté et lefficacité de laction publique sen trouvent affectées, la dilution des responsabilités qui en résulte nuisant à lexercice normal de la démocratie. M. Claude Lise, président du Conseil général de la Martinique, a ainsi déploré que le conseil régional sinvestisse davantage dans des actions de nature sociale, théoriquement de la compétence du département, plutôt que dans des actions de développement économique. Il a supposé que cet empiétement de compétences relevait davantage de préoccupations électoralistes et médiatiques que dune méconnaissance de la répartition des compétences entre région et département. · Le poids excessif des dépenses de personnel Au-delà même de la rigidité du cadre juridique et des chevauchements de compétences qui en résultent, les collectivités locales doutre-mer connaissent un problème spécifique de recrutement du personnel qui se révèle aujourdhui être un obstacle à une action efficace. La première spécificité concernant les agents des collectivités locales réside dans leur surrémunération : les agents titulaires des fonctions publiques locales perçoivent, en effet, tout comme les agents de lEtat servant dans les DOM-TOM, un traitement majoré équivalent à une prime de 40 % pour la Guadeloupe, la Guyane et la Martinique et 53 % pour La Réunion. La seconde spécificité réside dans limportance du personnel non titulaire des collectivités locales : de lordre de 25 % en métropole, il sélève dans les DOM à 68 %, avec des variations selon les départements (69 % des agents à la Martinique, 71 % en Guyane, 75 % à La Réunion et 57 % en Guadeloupe) et selon le niveau des collectivités locales, la proportion étant plus élevée pour les agents communaux (atteignant 85 % à La Réunion). Le recours à des agents non titulaires repose, en premier lieu, sur limpossibilité pour les collectivités locales dassumer financièrement la prise en charge des majorations de traitement versées aux fonctionnaires territoriaux dans les DOM et, ensuite, sur des préoccupations sociales, le souci étant dendiguer un chômage touchant une population jeune et souvent dépourvue de qualification. Le problème est que la situation de ces non-titulaires est dépourvue de base légale ; larticle 3 de la loi du 26 janvier 1984 interdit en effet aux collectivités locales de recruter des agents non titulaires pour occuper des emplois permanents, sauf exceptions très strictes (remplacement, vacance temporaire demploi ). Ce procédé na jamais été remis en cause, dans la mesure où il a permis aux collectivités locales de jouer un rôle prépondérant dans lemploi local. Néanmoins, la situation se révèle à terme peu satisfaisante : les agents se retrouvent dans une situation juridique précaire ; les disparités fortes parmi les agents des collectivités locales entre titulaires et non-titulaires sont susceptibles de provoquer des tensions sociales graves. Les grèves en Guyane en janvier 1995, à La Réunion en juillet 1998 et en Guadeloupe cet été démontrent lurgence de trouver une solution à ce problème ; lampleur du phénomène nest pas favorable à une bonne administration des collectivités locales ; le personnel ainsi recruté étant en grande majorité de catégorie C (près de 97 % des non-titulaires), le sous-encadrement des collectivités est manifeste, alors même que le taux dadministration locale est plus élevé dans les DOM (28 fonctionnaires locaux pour 1 000 habitants contre 21,8 en métropole) ; enfin, lexistence de cette catégorie de non-titulaires fait peser sur les comptes des collectivités locales un risque financier, lié à la titularisation avec surrénumération de 40 à 53 % selon les départements. M. Claude Lise, président du Conseil général de la Martinique, rappelant les propositions concernant la suppression de la surrénumération pour les fonctionnaires nouvellement recrutés, a exprimé sa crainte quune telle mesure nentérine définitivement lexistence dune fonction publique « à deux vitesses ». Il a émis sa préférence pour une réforme qui permettrait de titulariser les agents concernés, sans pour autant que leur soit appliquée la prime de 40 %. M. Julien André, premier vice-président du Conseil général de Guadeloupe, a observé quil y avait actuellement une prise de conscience de la part des syndicats sur cette question de surrémunération ; il a estimé quil était urgent dentamer une action obligeant les collectivités locales à reconnaître ces agents et à leur proposer un statut adéquat ; il a reconnu cependant quune telle action se heurterait automatiquement à la résolution du problème de surrémunération. M. Albert Dorville, président de lAssociation des maires de la Guadeloupe, a proposé dassainir la situation en mettant en place un échéancier de titularisation, tout en convenant cependant que cette mise en place nétait possible que si les syndicats en acceptaient le principe. Le principe de surrémunération du personnel titulaire conjugué à un recrutement important dagents non titulaires ont eu pour conséquence de mettre les finances locales dans une situation difficile. M. Albert Dorville rappelait à cet effet que 60 à 65 % du budget des communes guadeloupéennes étaient consacrés à la masse salariale. Les dépenses de fonctionnement, quel que soit le DOM ou le niveau de collectivité concerné, se révèlent effectivement beaucoup plus élevées quen métropole ; pour les communes de plus de 10 000 habitants, le niveau de dépenses de fonctionnement sélève à 5 620 francs par habitant contre 3 590 francs en métropole ; pour les départements, il est de 4 187 francs contre 2 573 francs en métropole et de 1 519 francs contre 604 francs pour les régions. Dune façon générale, les dépenses de gestion des collectivités doutre-mer augmentent plus fortement quen métropole sous limpulsion de la croissance toujours soutenue des dépenses de personnel. Dans ces conditions, comme le rappelait M. Albert Dorville, les collectivités locales nont quune très faible capacité dinvestissement, et leurs disponibilités dintervention dans le domaine économique et social sen trouvent réduites. Il faut ajouter quelles ont des charges de fonctionnement et un niveau dendettement fort élevé ; les régions doutre-mer connaissent ainsi en 1998 un niveau de dette par habitant 2,5 fois plus élevé quen métropole. Les départements se situent à peu près au même niveau. Les communes ont pratiqué depuis 1994 une politique active de désendettement (diminution de 300 millions de francs sur 1995, 1996 et 1997) ; de ce fait, lencours de la dette, en francs par habitant ou rapporté aux recettes de fonctionnement, est plus faible dans les DOM quen métropole. Ce niveau dendettement limite la capacité dintervention des collectivités. De plus, laccumulation de déficits élevés incite les organismes prêteurs à inclure une prime de risque plus importante dans leurs prêts aux collectivités en difficulté, prime de risque qui peut se répercuter sur lensemble de la structure des taux dintérêt et rendre les investissements des entreprises plus onéreux. Enfin, certaines collectivités confrontées à des problèmes de trésorerie ne peuvent payer leurs fournisseurs quavec retard. Ceux-ci, comme la expliqué M. Jean-Jacques Fayel, président de la Chambre de commerce et dindustrie de Basse-Terre, se trouvent dès lors dans une situation financière délicate. Les fournisseurs finissent par intégrer une marge couvrant ce risque de délais dans leurs factures ; la crise des finances locales a alors tendance à se répercuter dans lensemble de léconomie locale avec la multiplication des retards de paiement et des arrêts de chantiers. Le potentiel fiscal des entreprises se détériore, entretenant dès lors linsuffisance des ressources locales et lendettement. B. UNE ÉCONOMIE EN PROIE À DIMPORTANTS DÉSÉQUILIBRES 1. Des secteurs dactivité traditionnels en difficulté · Léconomie sucrière Liée à leur histoire, léconomie sucrière des DOM occupe une place importante dans la vie sociale de ces Départements. Cette composante traditionnelle de leur économie a été confrontée ces dernières années à des fermetures dusines rendues inévitables par les gains de productivité (Beaufonds à La Réunion, Grosse Montagne en Guadeloupe) et à une forte baisse des récoltes de cannes par suite de conditions climatiques défavorables. La production de sucre (en tonnes) a évolué ainsi :
En Guadeloupe, une sécheresse, qui a sévi doctobre 1993 à août 1994, a entraîné une forte baisse de la production de sucre en 1995 (seulement 32 563 tonnes en 1995 contre 62 984 tonnes en 1993) ; puis un redressement de la production est intervenu en 1996 (48 896 tonnes) et en 1997 (52 550 tonnes). En 1998, la campagne a souffert de la sécheresse qui a sévi au début de lannée et sest soldée par une baisse de la production (38 324 tonnes). Un redressement est intervenu en 1999 avec une production de sucre de 65 000 tonnes. M. Rémi du Pasquier, président directeur général de la sucrerie guadeloupéenne Gardel, a estimé, devant la mission parlementaire conduite par votre rapporteur que, à la différence du secteur de la banane qui souffre de la concurrence américaine et du secteur touristique, qui pâtit dun manque de compétitivité par rapport aux autres îles des Caraïbes, le secteur sucre en Guadeloupe jouit de perspectives réelles : il existe en effet, grâce à lOCM sucre des débouchés garantis et un accès au marché européen assuré. De plus, le programme communautaire POSEIDOM permet de faire prendre en charge par les fonds européens le surcoût dû au fret. Par ailleurs, à la différence de la production bananière, la production sucrière est une industrie de transformation ; elle nécessite à la fois linstallation déquipements industriels adéquats et un réseau important dexploitants agricoles chargés de produire la matière première. Cest donc une industrie qui nécessite beaucoup de main duvre, dans les champs comme à lusine de transformation et irrigue ainsi très largement le tissu économique. Pour la sucrerie Gardel, 3 200 planteurs sont employés. Toutefois, la production sucrière nen reste pas moins menacée : M. du Pasquier a ainsi indiqué son inquiétude devant les projets communautaires de développement de la filière sucre, notamment en Guyane. Le problème de laccès au marché européen du sucre produit au Brésil, passant frauduleusement en Guyane et vendu en Europe sous couvert de contingents européens est inquiétant pour lavenir du sucre produit aux Antilles. De plus, lOCM sucre a une durée de vie limitée : il a été fixé pour cinq ans et devra être renégocié en 2001, avec les incertitudes qui pèsent sur les négociations multilatérales aujourdhui. A La Réunion, la production sucrière varie entre 225 000 tonnes et 250 000 tonnes en fonction des conditions climatiques. Elle a connu deux campagnes successives en forte baisse en 1993 et 1994 (respectivement 182 741 tonnes et 177 355 tonnes), puis un redressement est intervenu sur les trois dernières années : 195 200 tonnes en 1995, 204 608 tonnes en 1996 et 208 000 tonnes en 1997. On reste cependant loin datteindre le potentiel de production de lîle de 250 000 tonnes environ). Pour 1998, la production a baissé fortement (179 989 tonnes) en raison des conditions climatiques défavorables en début dannée (sécheresse suivie de pluies diluviennes) ainsi que des ravages causés par le ver blanc. La Martinique ne produit pratiquement plus que pour les besoins locaux (qui sélèvent à environ 6 000 tonnes, dont 4 000 tonnes de sucre de bouche et 2 000 tonnes de besoins industriels), les excédents éventuels étant alors exportés. En 1998, la production de sucre sest élevée à 6 543 tonnes. · La production de bananes Les exportations de bananes de la Guadeloupe et de Martinique ont évolué ainsi :
La banane représente la principale activité dexportation de la Martinique et elle occupe une place croissante en Guadeloupe. Depuis 1993, cette filière de production traverse une période difficile liée, dune part, au remplacement, au 1er juillet 1993, de lorganisation nationale du marché par lOrganisation communautaire du marché (OCM) et, dautre part, aux turbulences engendrées par les attaques incessantes des pays producteurs latino-américains et des multinationales commerciales américaines. A ces causes externes sont venues sajouter en Guadeloupe les intempéries qui ont eu des conséquences importantes sur une production, en définitive, extrêmement fragile (sécheresse en 1994, cyclones en 1995 et 1998). En 1998, les exportations ont enregistré une baisse dans les deux départements. En effet, le passage du cyclone George en Guadeloupe (le 21 septembre 1998) a entraîné une perte de récole denviron 70 000 tonnes, dont une moitié sur lannée 1998 ; de son côté, la Martinique a subi les conséquences dune grève des ouvriers de la banane en décembre 1998 et janvier 1999, ce qui sest traduit par une baisse des apports de lordre de 30 000 tonnes. En 1999, lEquateur a saisi lorganisation mondiale du commerce sur lexamen du nouveau régime dimportation de bananes de lUnion européenne mis en place en 1997 ; les négociations multilatérales en cours actuellement auront une influence déterminante sur lavenir de ce secteur. Le nouvel accord risque de plus dêtre retardé, les deux multinationales américaines concernées par la remise en cause de lOCM banane (Dole et Chiquita) nayant pas la même approche. · Le tourisme Depuis le milieu de lannée 1993, les DOM insulaires continuent de bénéficier des retombées bénéfiques, dune part, de louverture de la desserte aérienne à de nouveaux transporteurs et, dautre part, du report sur dautres destinations de la clientèle des pays du pourtour méditerranéen ayant connu des troubles politiques importants (Egypte, Turquie, Israël, Maghreb). Les situations diffèrent cependant suivant les départements. En Guadeloupe, en 1998, si la fréquentation des îles du Nord (Saint-Martin et Saint-Barthélémy) sest maintenue, celle de la Guadeloupe continentale en revanche a enregistré une diminution de lordre de 20 %, due notamment aux conflits sociaux et à une baisse de loffre de sièges des compagnies aériennes. En Martinique, les professionnels estiment quils ont fait en 1998 un chiffre daffaires inférieur à lannée précédente et se plaignent également de la politique damélioration des coefficients de remplissage des avions par les compagnies aériennes, ce qui se traduit par des manques de sièges à des moments de fortes demandes. Dans lensemble, la grande hôtellerie semble mieux bénéficier de la faveur des tours opérateurs au détriment de la petite et moyenne hôtellerie. On estime le nombre de touristes de séjour à 490 000 et le nombre de croisiéristes à 450 000. La Réunion poursuit un essor touristique soutenu depuis la fin de la guerre du Golfe. Le tourisme dagrément reste majoritaire (56,7 % des visiteurs) devant le tourisme affinitaire (30 % des visiteurs). Les touristes proviennent surtout de la Métropole (82 %) et de lîle Maurice (9,5 %) ; la clientèle européenne étrangère ne représente que 3,4 %, mais elle est en forte progression (+ 27 % en 1998). Avec des recettes locales atteignant 1,56 milliard en 1998 (contre 1 450 millions de francs en 1997 et 1 333 millions de francs en 1996) le tourisme est devenu de loin la première activité exportatrice de lîle (avant le sucre qui procure environ 700 millions de francs de recettes à lexportation). La Guyane, de son côté a souffert des conséquences de linterruption des tirs à la base spatiale de Kourou au premier semestre 94. Bien que les lancements aient repris en mars 1995, ceux-ci ont tendance à se banaliser et à susciter moins de déplacements de personnes. En outre les troubles à lordre public qui ont secoué ce département en novembre 1996 ont porté atteinte à limage de la Guyane auprès des deux autres formes de tourisme qui alimentent habituellement le marché guyanais en visiteurs, à savoir le tourisme daffaires et le carnaval. La situation en 1997 et 1998 ne se démarque pas de celle de 1996, soit environ 80 000 touristes. 2. Un tissu économique fragile · Des échanges déséquilibrés avec la métropole Il convient de rappeler ici les spécificités géographiques des DOM, souvent perçus comme des îlots de prospérité parmi des ensembles économiques en proie à de graves difficultés. Les échanges commerciaux avec les pays voisins se trouvent dès lors fortement limités : les productions sont concurrentes (notamment pour la banane, la canne à sucre ou même le tourisme) et dun coût plus élevé dans les DOM, compte tenu de la structure des salaires et du niveau des charges sociales. Par ailleurs, les marchés intérieurs natteignent pas une taille critique qui permettrait à chaque DOM de trouver des débouchés internes ; cest dès lors essentiellement avec la métropole que vont se faire les échanges. Ceux-ci apparaissent fortement déséquilibrés, ce déséquilibre sétant accru, hormis pour la Guyane, de manière spectaculaire depuis 1946 :
Cette dégradation de la balance des échanges est due à une évolution vers une « économie de rente » : la forte amélioration du niveau de vie, principalement du fait de limportance des transferts publics, sest traduite par des besoins de consommation nouveaux, se traduisant par une augmentation des biens « importés » de métropole ou de lUnion européenne. · Le manque de compétitivité des entreprises locales face aux entreprises métropolitaines Par ailleurs, les entreprises locales se trouvent pénalisées à la fois par le coût des intrants, importés de métropole, et par le coût du facteur travail. Les salaires du secteur privé ont tendance à suivre ceux du secteur public et parapublic auxquels est appliqué le principe de surrémunération. La surrémunération a ainsi tendance à se diffuser progressivement à lensemble du secteur productif, alourdissant les charges et réduisant les marges des entreprises. Comme la fait observer M. Claude Pompière, président du Conseil économique et social régional de la Martinique, le manque de compétitivité des entreprises locales laisse le champ libre aux entreprises métropolitaines, qui bénéficient de la possibilité de reporter leurs résultats déficitaires dans les DOM sur leur résultat national. Le problème est identique en matière de marchés publics : seules les entreprises métropolitaines peuvent faire face aux délais de paiement considérables pratiqués par les collectivités locales. La mission parlementaire conduite par votre rapporteur a ainsi pu constater, en visitant en Guadeloupe lentreprise Getelec, filiale dune grosse entreprise en matériel déquipement métropolitaine, que celle-ci ne pouvait faire face aux retards de paiement quen négociant, chaque mois, un financement auprès de lentreprise mère. De même, le cadre juridique imposé par le code des marchés publics et la loi du 29 janvier 1993, dite « loi Sapin », est apparu à la mission parlementaire conduite par votre rapporteur beaucoup trop rigoureux, pénalisant les petites entreprises, essentiellement locales, au profit, là encore, des entreprises métropolitaines. En premier lieu, larticle 52 du code des marchés publics impose aux entreprises candidates dêtre à jour des cotisations sociales et fiscales ; M. Julien André, premier vice-président du Conseil général de la Guadeloupe, a fait état de lendettement des petits artisans qui ne peuvent, du fait, de larticle 52, se porter candidats aux appels doffres des collectivités locales ; il a dès lors proposé de faire, de manière tout à fait exceptionnelle, un moratoire de trois ou quatre ans qui permettrait à ces petites entreprises dobtenir de nouveau des marchés, et dès lors dengendrer de nouveau des profits et de se désendetter. Un tel moratoire fonctionnerait de la sorte comme un cercle vertueux. M. Albert Dorville, président de lAssociation des maires de la Guadeloupe, a également plaidé pour un recours plus fréquent à lallotissement, permettant ainsi plus facilement à des petites entreprises de soumissionner pour des parties distinctes dun marché public global. M. Claude Lise, président du Conseil général de la Martinique, a rappelé que le coût de la vie et le niveau élevé des prix dans les départements doutre-mer nétaient pas dépourvus de conséquences sur la passation de marchés publics : ainsi, les seuils fixés par le code des marchés publics sont plus rapidement atteints quen métropole, imposant dès lors de recourir à des procédures plus rigides et plus longues. Dans le même ordre didées, M. Claude Pompière a déploré lapplication parfois trop rigide des normes européennes et nationales qui renchérissent souvent les coûts des marchés publics et dont la pertinence pour les départements doutre-mer est contestable. Enfin, M. Albert Dorville a fait état dun certain déficit de formation des entrepreneurs ou des cadres dentreprises, peu armés pour répondre à la législation complexe régissant les appels doffres. La conduite dune réflexion sur la commande publique qui étudierait notamment les moyens daméliorer les candidatures des entreprises locales est apparue, pour les interlocuteurs rencontrés par la mission, comme un préalable indispensable à une réflexion globale sur les économies ultra-marines : en premier lieu, parce quil semble patent que lomnipotence des entreprises métropolitaines, notamment les grosses entreprises du bâtiment et des travaux publics, est de plus en plus mal ressentie. Certes, il est indéniable que ces entreprises font appel à la main duvre locale et créent donc de lemploi. De nombreux interlocuteurs ont toutefois fait part de leur crainte que les flux financiers générés par ces marchés publics ne soient pas réinjectés dans léconomie locale et profitent davantage à la métropole. De plus, lurgence dune réflexion sur les marchés publics est également justifiée par limportance de la commande publique dans léconomie locale. M. Claude Pompière rappelait ainsi que la commande publique représente plus de 60 % de léconomie martiniquaise ; en Guyane, ce taux sélève à 85 %. Les entreprises locales ayant peu accès à cette économie publique sont ainsi contraintes de se replier sur le marché privé, notamment sur les commandes des particuliers, et sont, dès lors, souvent tentés de recourir au travail clandestin. · Un accès difficile aux financements des investissements Une autre caractéristique de léconomie des départements doutre-mer réside dans le sous-développement du réseau bancaire et financier ; les taux dintérêt sont plus élevés quen métropole (de deux à trois points supérieurs) et loffre de crédit peu abondante. Le financement de linvestissement des entreprises apparaît donc extrêmement difficile. M. Alex Weimert, président de la Chambre de commerce et dindustrie de Guyane, a ainsi déploré la frilosité des banques à légard des entreprises guyanaises. M. Miguel Laventure, alors membre du Conseil économique et social, a également fait observer quil existait, pour les entreprises, un véritable problème daccès à largent, dû notamment à la faiblesse des ressources financières ayant pour conséquence des taux dintérêt plus élevés. Il a regretté que légalité financière entre métropole et DOM nexiste pas, à linstar de ce qui pouvait prévaloir en matière dégalité sociale. M. Claude Lise, président du Conseil général de la Martinique, a reconnu que les banques ne prêtaient quà un nombre restreint dentreprises. M. Jean Penchard, président du Conseil économique et social régional de la Guadeloupe, a rappelé à cet effet que 95 % des entreprises étaient des PME de moins de dix salariés, et que la question du financement de ces entreprises se révélait particulièrement difficile. Les banques préfèrent sorienter de plus en plus vers des crédits aux ménages, et notamment des crédits à la consommation, moins risqués que des crédits aux entreprises. La rareté du crédit nest pas compensée par des réserves importantes de fonds propres ; le recours à lautofinancement reste faible, à lexception des entreprises réunionnaises :
Les perspectives dinvestissement des entreprises des DOM se révèlent donc réduites ; or, cest essentiellement par linvestissement privé que se créeront les conditions dun développement durable et équilibré dans les départements doutre-mer. · Les aménagements apportés par le législateur pour promouvoir les entreprises locales Le législateur sest efforcé dapporter des correctifs permettant de surmonter les handicaps des économies domiennes. En premier lieu, la loi du 11 juillet 1986, dite « loi Pons », a aménagé le régime daide fiscale pour les investissements productifs réalisés dans les départements et territoires doutre-mer ; ce dispositif a fait lobjet de nombreuses modifications ultérieures, destinées notamment à limiter les abus : la loi de finances pour 1992 a ainsi instauré une procédure dagrément pour les investissements directs réalisés dans les secteurs de lhôtellerie, du tourisme, des transports, de la production et de la diffusion audiovisuelles et cinématographiques. La loi de finances pour 1998 a limité les possibilités de déduction dimpôt pour les personnes physiques. Le dispositif de la « loi Pons », reconduit par la loi de finances pour 1999 jusquau 31 décembre 2002, ne fait pas lunanimité parmi les interlocuteurs rencontrés par les deux missions parlementaires : parmi ses défenseurs, M. Luc Ademar, premier vice-président du Conseil régional de la Guadeloupe, a mis en avant le fait que la loi Pons avait permis de pallier labsence de structures bancaires, permettant ainsi à de nombreuses entreprises, grâce à la procédure de leasing prévue par le dispositif législatif de financer leur entreprise. M. Jean-Claude Lubin, président de la Chambre de commerce et dindustrie de la Martinique, a également plaidé pour un dispositif qui, contrairement à ce qui a pu être avancé en métropole, na pas uniquement profité au secteur touristique mais a également engendré des investissements industriels. M. Miguel Laventure, alors membre du Conseil économique et social, a regretté que le dispositif législatif ait été perçu en métropole uniquement comme un moyen dévasion fiscale, reprochant aux élus et à ladministration de navoir pas su expliquer et relayer la mesure. En revanche, parmi les personnalités plus critiques à légard du dispositif, M. Julien André, premier vice-président du Conseil général de la Guadeloupe, a fait valoir que, même sil fallait bien reconnaître que la loi Pons avait pu créer des flux financiers, ces flux navaient pas été orientés vers un développement durable des départements doutre-mer. M. Pierre Petit, député de la Martinique, a également contesté le ciblage de la loi Pons, estimant également quelle navait pas créé de réelles richesses dans les DOM. Les propositions de modification du dispositif sont nombreuses. M. Serge Menil, président du Conseil de la culture, de léducation et de lenvironnement de la Martinique, a estimé quil faudrait, pour limiter les abus, prévoir une validation de linvestissement par les élus locaux. Lagrément local permettrait à la fois de poser clairement la question de la responsabilité des élus locaux dans le développement économique des DOM et de mieux orienter les flux financiers. La situation de la Guyane à ce sujet est un peu particulière : M. Alex Weimert, premier vice-président de la Chambre de commerce et dindustrie de Guyane, a reconnu que le dispositif avait peu fonctionné, car ce département apparaissait comme peu attractif aux investisseurs. Il a ainsi plaidé pour la création dun fonds commun de placement au niveau national, dont les fonds, issus des dividendes de la loi Pons, seraient répartis entre chaque département doutre-mer. Un autre dispositif permettant aux entreprises des DOM de surmonter les handicaps liés à linsularité, et notamment le coût élevé du facteur travail, est issu de la loi du 25 juillet 1994 tendant à favoriser lemploi, linsertion et les activités économiques dans les DOM et à Saint-Pierre-et-Miquelon. Cette loi a prévu des exonérations de cotisations patronales dans des secteurs de production exposés agriculture, pêche, industrie, hôtellerie, restauration, presse, audiovisuel afin de favoriser le développement de lemploi, de réorienter le développement des économies de ces départements, de maintenir lactivité en milieu rural et de lutter contre le travail illégal. Ces exonérations sectorielles sont financées par le rendement du relèvement de deux points du taux de TVA dans les DOM. Comme le montre le tableau ci-après, cette augmentation de TVA ne compense que partiellement le coût des exonérations.
Il convient de rappeler que ce dispositif nest pas cumulable avec les allégements sur les bas salaires. Cest pourquoi il faut tenir compte, pour apprécier le surcoût réel de la mesure, de limpact quauraient eu les allégements bas salaires si les exonérations sectorielles navaient pas existé. Cet impact est estimé à environ 150 millions de francs, ce qui signifie quassocié au produit du relèvement de la TVA, il équilibre le financement des exonérations sectorielles. Les analyses réalisées ont permis de constater un effet globalement positif des exonérations sur les embauches. Il est vrai que cela tient en partie à une régulation demplois précédemment non déclarés ; il reste cependant que, même si le rythme de croissance sest affaibli après la première année du dispositif, la croissance de création demplois reste généralement supérieur à celui observé avant la promulgation de la loi. M. Serge Menil, président du Conseil de la culture, de léducation et de lenvironnement de la Martinique, a fait valoir que cette loi était vitale pour léconomie martiniquaise, en mettant en avant le fait que, si elle navait peut-être pas permis de créer des emplois, elle avait certainement contribué à ne pas en supprimer. Larticle 72 du projet de loi de finances pour 2000 propose de proroger le dispositif de la loi du 25 juillet 1994 jusquà la fin de lannée 2000, dans lattente de la mise en place de nouvelles mesures prévues sur le sujet par la prochaine loi dorientation relative aux départements doutre-mer. Le dernier dispositif dimportance, bien quil ne soit pas spécifique aux DOM, est la mise en place de zones franches, zones dans lesquelles les entreprises bénéficient dexonérations fiscales concernant limpôt sur les sociétés, les taxes professionnelles et foncières, mais également dexonérations sociales, en particulier des exonérations patronales. La loi du 14 novembre 1996 relative à la mise en uvre du pacte de relance pour la ville a ainsi prévu la création de 44 zones franches dont 6 dans les DOM (). Le bilan de ces zones franches apparaît peu concluant ; les interlocuteurs rencontrés lors des deux missions parlementaires dénoncent les possibilités de fraude, par limplantation fictive dentreprises, présentes dans la zone franche uniquement grâce à une adresse postale. Certaines professions, notamment les artisans, sont exaspérés par la concurrence qui a été créée de manière artificielle entre les entreprises résidant dans la zone et les autres. La délimitation de ces zones franches est également contestée : M. Jean-Yves Ramassamy, Premier vice-président dela chambre des métiers de la Guadeloupe, a ainsi dénoncé la délimitation de la zone franche de Basse-Terre, qui inclut le cimetière de la commune et qui, par ailleurs, ne comprend pas la zone artisanale où exerce la majorité des artisans. M. Miguel Laventure, mettant en avant les difficultés liées à la délimitation des zones, a émis lidée de création dune zone franche, à linstar de ce qui a été fait en Corse, sur lensemble du territoire des DOM. Lensemble des dispositifs législatifs na toutefois pas suffi à surmonter une crise sociale sans précédent ; le chômage connaît en effet un taux jamais atteint et le climat social apparaît fortement détérioré. C. UNE SITUATION SOCIALE DÉGRADÉE 1. Des indicateurs économiques extrêmement préoccupants · Un taux de chômage deux à trois fois plus élevé quen métropole Depuis 1980, le double phénomène dune arrivée massive sur le marché du travail des classes dâge nées depuis les années 1960 et la montée de limmigration a eu pour conséquence une dégradation spectaculaire du marché de lemploi. Le taux de chômage atteint, et de manière maintenant durable, des niveaux deux à trois fois supérieurs au taux métropolitain, alors même que le taux connu en métropole est souvent analysé comme une réalité insupportable mettant en péril la cohésion sociale.
Les différences avec la structure du chômage métropolitain sont de deux ordres : le taux de chômage féminin est supérieur à celui constaté pour les hommes et le différentiel est plus accentué quen métropole ; la proportion de demandeurs demploi inscrits depuis plus dun an reste largement supérieure dans les DOM (52,1 %) à ce quelle est en métropole (38,1 %). Le seul élément positif de cette évolution globale du chômage paraît être la tendance encourageante du taux de chômage des moins de vingt-cinq ans.
La diminution du taux de chômage des jeunes sest amplifiée en 1998, notamment à La Réunion, conséquence du succès quy a rencontré le dispositif « emploi-jeunes ». Limpression globale qui se dégage de ces chiffres, qui rejoint limpression qua pu retenir votre rapporteur lors de la mission effectuée aux Antilles et en Guyane, est que ce chômage acquiert de plus en plus un caractère structurel, et non plus conjoncturel : un nombre croissant dhabitants des DOM (presquun tiers de la population active) se trouvent de manière durable exclus du système productif, et perdent, à mesure que se prolonge leur situation de chômage, tout espoir de trouver de nouveau un emploi ; certaines personnes en viennent à sexclure delles-mêmes des dispositifs de recherche demploi en préférant recourir aux dispositifs dassistance. · Un nombre record dallocataires du RMI Corrélé au niveau élevé du chômage, limportance du nombre de personnes assujetties au RMI dans les DOM révèle là encore la détérioration de la situation économique et sociale ; elle est le signe de lexistence dune véritable société duale distinguant dune part les personnes inclues dans le système productif et de lautre celles relevant du dispositif dassistance.
Les bénéficiaires du RMI représentent actuellement 7 % de la population dans les DOM, pour une moyenne proche de 1,9 % en métropole. De plus, un nombre plus important dallocataires perçoivent le RMI depuis la mise en place du dispositif. A La Réunion, département particulièrement touché par la crise économique, ce nombre sélève ainsi à 18,5 % des bénéficiaires, contre moins de 9 % en métropole. Il convient de rappeler que le RMI dans les DOM comporte quelques spécificités ; en effet, compte tenu des caractéristiques des économies domiennes, des modalités dapplication différentes de celles retenues en métropole ont été prévues : le décret dapplication du 20 janvier 1989 prévoit ainsi que le montant du RMI dans les DOM est égal à 80 % de celui fixé en métropole. La différence, appelée « créance de proratisation » est affectée au financement de divers programmes dinsertion ainsi quau financement du logement social. Votre rapporteur aura loccasion de revenir sur cette créance dans la partie consacrée aux crédits. Lappréciation du dispositif RMI semble diverse selon les départements ; aux Antilles et en Guyane, de nombreux interlocuteurs ont insisté sur la mentalité dassistanat quil avait contribué à introduire dans les DOM, et déploré que la contrepartie relative aux actions dinsertion ne soit pas davantage développé. M. Miguel Laventure, alors membre du Conseil économique et social, a observé quil était extrêmement difficile de développer linsertion sur un territoire aussi exigu que la Martinique ou la Guadeloupe. Il a déploré également la faiblesse du tissu associatif qui ne permet pas de créer de véritables relais dinsertion entre ladministration, en loccurrence, pour les DOM, les agences départementales dinsertion, et les allocataires. En ce qui concerne la Guyane, la situation est extrêmement particulière, du moins pour les populations de lintérieur : de nombreux interlocuteurs ont ainsi fait valoir que le RMI avait contribué à destructurer des populations, qui ne connaissaient pas auparavant léchange monétaire. A la Réunion, la question de lalignement du RMI sur son niveau métropolitain semble susciter une convergence de vues de la plupart des formations politiques et des organisations syndicales. Il sagit, pour elles, dune affaire de principe : les Réunionnais sont des Français à part entière, il nest pas acceptable de les maintenir dans cette situation contraire à lidée dégalité sociale. Selon les interlocuteurs de la mission de la Commission des lois qui sest rendue dans lîle en septembre dernier, lamputation du RMI était justifiée, à lorigine, par celle du SMIC. Or, ce dernier est aujourdhui équivalent à ce qui existe en métropole. Leffet déviction qui pouvait résulter dune trop grande proximité du RMI et du SMIC, en détournant un trop grand nombre de personnes du marché du travail, nest donc plus un obstacle à la normalisation du RMI à la Réunion. Par ailleurs, le niveau de vie est plus élevé à la Réunion quen métropole. Léloignement de lîle pèse sur le prix des importations mais, surtout, la surrémunération dans la fonction publique tire les salaires du privé à la hausse et les prix de vente suivent automatiquement. En conséquence, les Rmistes réunionnais souffrent dun très faible pouvoir dachat, non seulement par rapport aux salariés, mais aussi au regard des Rmistes de métropole. Or, la question nest pas anodine lorsque lon sait que près de 60 000 personnes bénéficient de ce revenu à la Réunion. Les interlocuteurs rencontrés par la mission de la Commission des lois ont également insisté sur la nécessité de renforcer les actions en faveur de linsertion. A la Réunion, comme ailleurs, ce volet du RMI semble trop délaissé. Cela dautant plus que les 20 % dabattement sur le RMI, au titre de la créance de proratisation, sont censés, pour partie, alimenter des actions en ce domaine. Plusieurs syndicats ont mis en doute lefficacité de laffectation de ces fonds. Parallèlement, la question du travail informel est inéluctablement liée à celle de lalignement du RMI. Pour certains, une hausse du RMI risque damplifier ce phénomène de travail non déclaré. Il conviendrait donc dy porter une attention toute particulière. Les pistes livrées par le rapport Fragonard en la matière notamment linscription au registre des salariés occasionnels ne semblent pas susciter un réel assentiment des acteurs réunionnais, qui nhésitent pas, dailleurs, à se montrer sévères à lencontre de ce rapport. Dautres craignent aussi dans le milieu du BTP que la suppression de la créance de proratisation, employée à hauteur de 250 millions de francs pour le logement social, ne freine lactivité de ce secteur et, par là-même, la croissance de léconomie réunionnaise. Le relèvement du RMI est donc aujourdhui souhaité ou accepté par lessentiel des partenaires insulaires. Il ne peut cependant sopérer sans accompagnement au risque dengendrer des effets pervers sur léconomie de lîle. 2. Une cohésion sociale en péril · Des inégalités de revenus croissantes Avec un taux de chômage avoisinant les 30 %, parfois les dépassant, et un nombre record dallocataires du RMI, les DOM réunissent toutes les conditions pour vivre une crise sociale sans précédent. Lapparition dune société duale en proie à des inégalités de revenus croissantes est patente : le rapport interdécile des revenus par unité de consommation à savoir le rapport entre les 10 % de la population la plus riche et les 10 % de la population la plus démunie est ainsi deux fois plus élevé dans les DOM quen métropole : 7,7 contre 3,9. De même, alors que le revenu moyen de consommation est de 32 % inférieur dans les DOM à celui de la métropole, lécart se resserre considérablement pour les cadres et professions libérales, pour lesquels le niveau de vie dans les DOM nest inférieur à celui de la métropole que de 3 %, et tend même à sinverser pour les professions intermédiaires, dont le niveau de vie dans les DOM est supérieur de 12 % à celui de la métropole : les surrémunérations dont bénéficient les agents de lEtat et des collectivités locales, ainsi que leurs répercussions sur les salaires dans le privé sont indubitablement à lorigine de ce resserrement de la hiérarchie, voire de linversion de tendance avec les revenus métropolitains. Ces chiffres sont le reflet dun malaise croissant des sociétés domiennes, malaise que les parlementaires en mission ont profondément ressenti. Il sillustre à la fois par un dialogue social en grande difficulté et par une société qui apparaît de plus en plus violente ; certes, le constat est connu également en métropole : le désarroi des jeunes face à une société qui na plus de modèle dintégration à proposer est malheureusement une réalité quotidienne dans lhexagone. Néanmoins, les menaces pesant sur la cohésion sociale prennent sans aucun doute un relief particulier dans les DOM. · Un dialogue social extrêmement conflictuel En premier lieu, il convient de rappeler une évidence : la Martinique, la Guadeloupe, dans une moindre mesure La Réunion, sont des îles avec des territoires exigus, où les réseaux sociaux et économiques apparaissent enchevêtrés et interdépendants. Le moindre mouvement social peut perturber durablement les économies. Le blocage du port de Fort de France lhiver dernier a ainsi paralysé entièrement léconomie martiniquaise et durablement obéré les résultats des entreprises pour lannée à venir. Le barrage des routes et loccupation des stations dessence ont eu les mêmes répercussions sur léconomie cet été en Guadeloupe. Une telle configuration favorise la contestation sociale, dans la mesure où les moyens de pression des grévistes paraissent démultipliés par rapport à ceux existant en Métropole. En 1998, le nombre de jours perdus pour faits de grève a augmenté de 41 %, dénotant ainsi une sérieuse dégradation du climat social. Encore faut-il préciser que ce chiffre ne répertorie pas les conflits concernant le secteur public et les collectivités locales ; or, cest précisément dans ces secteurs, avec le problème récurrent de la titularisation des agents non titulaires, que les conflits ont été ces derniers temps les plus durs : de nombreuses mairies, principalement en Guadeloupe, et notamment celle de Pointe-à-Pitre, ont ainsi été occupées plusieurs semaines par des grévistes.
Les conditions du dialogue social sont également spécifiques : de nombreux syndicats expriment par exemple des revendications liées aux théories indépendantistes, même si, comme le note M. Claude Lise, président du Conseil général de la Martinique, les grévistes dans leur ensemble ne sont pas tous clairement conscients de la teneur de ces revendications. M. Julien André, premier vice-président du Conseil général de la Guadeloupe, confirme également la dimension politique du climat social détérioré et lattribue à une volonté, de la part du principal syndicat guadeloupéen, dinspiration indépendantiste de faire exploser le système tout en discréditant les élus. Dans ces conditions, et dans ce climat de grèves très longues et très dures, le dialogue social apparaît extrêmement difficile à rétablir ; le recours à la médiation est rare et ce sont trop souvent les forces de lEtat, les services de lEtat et en définitive le préfet qui se retrouvent en première ligne. Lordonnance n° 98-522 du 24 juin 1998 a instauré pour chaque département doutre-mer et à Saint-Pierre-et-Miquelon une commission de conciliation compétente pour les conflits collectifs du travail, en lieu et place des commissions régionales de conciliation existant en métropole. Le décret dapplication relatif à ces commissions est paru au Journal officiel du 6 octobre 1999 ; ces mesures illustrent la volonté du Gouvernement de renouer les conditions dun dialogue social qui ne passerait pas uniquement par la médiation du préfet. Par ailleurs, le secrétariat dEtat à loutre-mer réfléchit actuellement à une action denvergure visant à agir sur les conditions du dialogue social à la Martinique, en liaison avec lInstitut national du travail, de lemploi et de la formation professionnelle. Il faut ajouter que cest effectivement dans les Antilles que le climat social apparaît le plus détérioré : à La Réunion, le nombre de jours de grève est en sensible diminution. En Guyane, comme le faisait observer M. Jean-Claude Lafontaine, maire de Cayenne, les sujets politiques sont plus prégnants que les sujets sociaux ; les syndicats guyanais ont ainsi décidé de rallier les revendications dordre institutionnel réclamées par les élus locaux et de calmer, pour le moment du moins, les revendications sociales. · Un malaise social profond Cependant, le nombre de journées de grève nest quune illustration comptable dun malaise beaucoup plus profond des sociétés domiennes ; la contestation sociale se manifeste de plus en plus fréquemment par des manifestations, des émeutes, des explosions de violence sporadiques mais intenses. De manière plus générale, il est patent que le respect de la règle républicaine est de plus en plus remis en cause. La violence fait écho à la crise sociale et au chômage. Les statistiques des crimes et délits contre les personnes suivent ainsi de près les statistiques sociales ; elles prennent dans les DOM une importance particulière.
Dans ce contexte social perturbé, il importe daffirmer de manière très claire à la fois la présence de lEtat et les principes issus de la solidarité nationale. Le projet de loi de finances pour 2000 sattache à traduire de manière concrète ces deux objectifs ; létude des crédits consacrés à loutre-mer permet ainsi de dégager les priorités du gouvernement à légard de loutre-mer. III. LA SITUATION DES DOM IMPLIQUE UNE ÉVOLUTION DES MISSIONS DU SECRÉTARIAT DÉTAT À LOUTRE-MER A. DUNE MISSION TRADITIONNELLE DE SOUVERAINETÉ À UN RÔLE AFFIRMÉ DANS LE DÉVELOPPEMENT ÉCONOMIQUE ET SOCIAL 1. Une mission traditionnelle de souveraineté · Le garant du respect de la règle républicaine Lexistence dun secrétariat dEtat à loutre-mer peut être discutée : M. Pierre Petit, député de la Martinique, la ainsi qualifiée d« aberrante ». Force est cependant de constater que le secrétariat dEtat à loutre-mer remplit des missions très spécifiques et que son existence, du moins pour les DOM, ne se justifie plus tant dans ses missions traditionnelles de souveraineté que dans lefficacité de ses actions en matière de développement économique et social. Les missions de souveraineté nont pas varié depuis la création du secrétariat dEtat en 1959, alors même que les structures gouvernementales ont pu être modifiées. Elles consistent en premier lieu à assurer la présence de la République et le respect de la loi outre-mer. Ainsi, il revient au secrétariat dEtat dassurer la mission politique de responsable du statut constitutionnel de loutre-mer et du droit qui lui est propre, en vertu des principes constitutionnels de spécialité législative dans les territoires doutre-mer et dadaptation pour les départements doutre-mer. Dans le cadre de cette mission, le secrétariat dEtat à loutre-mer exerce lentière autorité gouvernementale civile dans les TOM et, dans les DOM, les missions attribuées en métropole au ministère de lintérieur. De même, cest lui qui est en charge, toujours dans les DOM, de la coordination de laction gouvernementale en matière législative et administrative. Cette mission lui impose de veiller à ladaptation et à la modernisation des règles du droit national aux spécificités des départements, des collectivités territoriales et des territoires doutre-mer. Le rôle du secrétariat dEtat dans le processus législatif et réglementaire a été affirmé à plusieurs reprises. La circulaire du 15 juin 1990 prévoit lassociation systématique du secrétariat dEtat à loutre-mer au travail gouvernemental lors de la préparation des textes législatifs et réglementaires. La circulaire du 26 janvier 1998 relative aux fiches dimpact qui accompagnent tout projet de loi impose de préciser les raisons pour lesquelles le texte est ou nest pas rendu applicable à loutre-mer et, sil est applicable, les conditions de cette extension. Le secrétariat général du gouvernement est attentif à ce que le secrétariat dEtat à loutre-mer soit destinataire de tous les projets de loi et de décret et participe aux réunions interministérielles délaboration de ces projets. Enfin, la présence dun représentant du secrétariat dEtat à loutre-mer, en qualité de membre titulaire, au sein de la commission supérieure de codification, lui permet dêtre informé et de participer à la rédaction de tout projet de code susceptible de concerner loutre-mer. La circulaire du 12 septembre 1989 relatif à sa composition et à son fonctionnement prévoit les conditions dans lesquelles le secrétariat dEtat à loutre-mer est associé au travail de codification. · Un rôle de coordination en matière de fonction publique En ce qui concerne les fonctionnaires de lEtat, le secrétariat dEtat à loutre-mer joue un rôle de coordination générale des administrations de lEtat en matière de personnel. Il procède notamment à lagrément des fonctionnaires de catégorie A ou de direction des services civils de lEtat proposés pour une nomination outre-mer, aussi bien dans les départements que dans les territoires et collectivités à statut spécial. Il procède également à cet agrément pour les directeurs détablissements publics, de sociétés dEtat ou déconomie mixte. Il a en charge budgétaire les 1 173 emplois du cadre national des préfectures, quil administre conjointement avec le ministère de lintérieur. Il dispose également des emplois nécessaires au fonctionnement des hauts commissariats de Nouméa et de Papeete, ainsi que de ceux de ladministration supérieure de Wallis-et-Futuna, emplois qui relèvent de sa compétence propre. Enfin, le secrétariat dEtat a en charge lélaboration du droit statutaire spécial applicable aux fonctionnaires en service outre-mer. De plus, le secrétariat dEtat élabore le droit statutaire spécial applicable aux fonctionnaires en service outre-mer. Cependant, les missions du secrétariat dEtat à loutre-mer ont eu tendance à évoluer avec la dégradation du climat social outre-mer ; limplication accrue dans le développement économique et social a exigé une progression importante des crédits destinés à loutre-mer. 2. Une mission de développement économique et social · Limportance des transferts provenant dautres ministères En six ans, le budget du secrétariat dEtat à loutre-mer est passé de 2,27 milliards de francs en loi de finances initiale pour 1994 à 6,365 milliards de francs en loi de finances pour 2000. Il faut toutefois reconnaître que cette multiplication par trois du budget de loutre-mer nest que partiellement due à une augmentation nette de crédits. Les transferts dautres ministères vers le secrétariat dEtat expliquent en effet une majeure partie de la croissance des crédits : ainsi pour le PLF 2000, un transfert de plus de 326 millions de francs provenant des ministères de léducation nationale, de léconomie et de la jeunesse et des sports dans le cadre de la mise en uvre de la loi organique relative à la Nouvelle-Calédonie, ainsi quun transfert de 231,7 millions de francs du ministère de lemploi et de la solidarité pour le financement des contrats emplois-consolidés dans les DOM permettent dannoncer une croissance des crédits de lordre de 13,6 % par rapport à la loi de finances précédente. De même, la loi de finances initiale pour 1999 bénéficiait quant à elle de transferts issus du dispositif emploi-jeune et celle pour 1998 de transferts destinés à financer le logement social. · Une implication nouvelle dans le développement économique et social des DOM Ces transferts ont contribué à conférer au secrétariat dEtat une responsabilité nouvelle ; concentrant maintenant quasiment lensemble des crédits destinés à lemploi et à linsertion outre-mer, cest à lui quil revient de coordonner les actions menées en matière de développement économique et social. Il est indéniable quil le fait avec une implication et une efficacité qui donnent à laction de lEtat outre-mer un aspect nouveau. Ainsi, si le montant global des crédits destinés à loutre-mer na que peu varié, lutilisation de ces crédits est maintenant le résultat dune politique déterminée, qui sattache à la fois à rester proche du terrain tout en ayant à lesprit une vision globale des problèmes spécifiques de loutre-mer. Il en résulte indubitablement une amélioration du taux de consommation des crédits, dont lexemple le plus probant concerne le logement social. Les taux de consommation de la ligne budgétaire unique (LBU) destinée à financer le logement social se sont considérablement améliorés depuis 1997, date du transfert des crédits au secrétariat dEtat à loutre-mer, et avoisinent actuellement les 98 %. B. UNE ÉVOLUTION CONFIRMÉE PAR LES GRANDES ORIENTATIONS DU PROJET DE LOI DE FINANCES POUR 2000 1. Une augmentation globale des crédits Le projet de budget du secrétariat dEtat à loutre-mer connaît, on la vu, une croissance très satisfaisante de ses crédits : laugmentation atteint ainsi 13,6 % par rapport à la loi de finances initiale de lannée précédente, le budget total passant de 5 604 millions de francs à 6 365 millions de francs. Sil faut se féliciter de cette croissance, on a déjà eu néanmoins loccasion de voir avec quelle prudence il fallait analyser ces chiffres : les transferts atteignant plus de 662 millions de francs, laugmentation de la dotation budgétaire hors transferts nest plus que de 1,76 %. Une partie de la croissance de ces crédits est due à la mise en place du nouveau statut de la Nouvelle-Calédonie. Néanmoins, la part des crédits exclusivement destinés aux DOM reste prépondérante et représente 77 % de lensemble ; la hausse des crédits concernant les DOM sélève à 8,62 % par rapport à la loi de finances initiale de lannée précédente. Concernant lévolution des principaux postes du budget consacré à loutre-mer, il est difficile de faire une comparaison avec lannée précédente, la nomenclature des agrégats (administration générale, collectivités locales, développement social et économique) ayant été remplacés par cinq agrégats qui paraissent, dune part, plus représentatifs de laction du secrétariat dEtat à loutre-mer et qui, dautre part, permettent daligner le budget de loutre-mer sur lensemble des différents budgets des autres départements ministériels. Par ailleurs, la plupart de ces cinq agrégats regroupent à la fois des crédits destinés aux DOM et dautres aux TOM, sans quil soit toujours facile de distinguer les uns des autres. Lexamen de la présence du secrétariat dEtat dans les DOM savère dès lors une tâche difficile. Les cinq agrégats sont : administration générale ; action en faveur des collectivités locales, détablissements publics et de divers organismes ; action en faveur de lemploi et de linsertion sociale ; action en faveur du logement ; action en faveur de linvestissement et du développement économique et social. û Lagrégat « Administration générale » Cet agrégat regroupe : les moyens de fonctionnement de ladministration centrale, responsable de lélaboration de la politique outre-mer ; les moyens de fonctionnement des services déconcentrés du ministère de loutre-mer implantés dans les territoires et départements doutre-mer ; les crédits consacrés à laction sociale et à la formation des agents ; le financement du parc immobilier de ladministration centrale et des services déconcentrés des TOM ; les crédits consacrés à lassistance et à la solidarité. Cet agrégat nayant pas été modifié par rapport à lannée précédente, il est relativement aisé de procéder à des comparaisons :
Le total des crédits par rapport à lannée précédente reste relativement stable et ne constitue quune part modeste de lensemble des crédits (16 %), confirmant ainsi la vocation du secrétariat dEtat à loutre-mer de disposer dun budget dintervention plutôt que dun budget de fonctionnement. Une mesure de 10 millions de francs permettra de revaloriser les rémunérations, notamment les plus basses, et daméliorer les perspectives de carrière, dans le cadre des accords intervenus dans la fonction publique en février 1998. Le nombre demplois budgétaires diminue, passant dun effectif de 5 547 en 1999 à 5 060 en 2000 ; il importe cependant de distinguer les emplois civils des militaires, la diminution des effectifs étant due principalement à la mise en uvre de la réforme du service national. Le secrétariat dEtat a en effet en charge budgétaire la gestion du service militaire adapté, service spécifique aux DOM-TOM dont votre rapporteur aura loccasion dexpliquer le principe un peu plus tard. Ainsi, pour lannée 2000, les effectifs prévisionnels sétablissent à 2 188 emplois civils (soit une suppression de 7 postes dans les services déconcentrés des TOM par rapport à lannée précédente) et à 2 872 emplois militaires, en baisse de 480 unités dans le cadre de la réforme du service national. Dans les départements, leffort de renforcement de lencadrement sera poursuivi à La Réunion et en Guyane, par la création de 3 postes de catégorie A et 3 postes de catégorie B. Lensemble des flux (créations et suppressions demplois) est retracé dans le tableau ci-après :
û Lagrégat « Action en faveur des collectivités locales, des établissements publics et de divers organismes » Cet agrégat reprend presque entièrement lagrégat dénommé « Collectivités locales » les années précédentes en y adjoignant le chapitre 36-01 (subvention aux établissements publics dEtat en Nouvelle-Calédonie) et le nouveau chapitre 41-56 (dotations globales pour la Nouvelle-Calédonie) ; le chapitre 44-02 (subventions à diverses compagnies de transport) nest mentionné dans cet agrégat que pour mémoire, lensemble des crédits ayant été transféré au chapitre 41-91 (subvention de caractère facultatif aux collectivités locales des DOM, aux budgets locaux des TOM et de la Nouvelle-Calédonie et à divers organismes). Le montant de cet agrégat sélève à 525 millions de francs ; ce sont les deux nouveaux chapitres (36-01 et 41-56) qui sont responsables dune partie importante de la croissance des crédits du secrétariat dEtat à loutre-mer ; destinés à la Nouvelle-Calédonie, ces crédits permettent la mise en place du nouveau cadre institutionnel issu de la loi organique du 19 mars 1999, en permettant notamment, par une dotation globale de fonctionnement de 394 millions de francs, de donner aux provinces les moyens de leur action dans le domaine sanitaire et social et de lenseignement. Si lon excepte ces deux chapitres, le montant de lagrégat sélève à 105 millions de francs et peut être comparé au montant de 91 millions de francs de lagrégat de lannée précédente. Il recouvre les subventions de caractère obligatoire (chapitre 41-51) et facultatif (chapitre 41-91) aux collectivités locales, les travaux divers dintérêt local (chapitre 67-51), les subventions déquipement aux collectivités pour les dégâts causés par les calamités publiques (chapitre 67-54), les subventions au fonds dinvestissement des DOM (section régionale et départementale, chapitre 68-03) ainsi que les subventions au fonds dinvestissements pour le développement économique et social TOM et Nouvelle-Calédonie (chapitre 68-92). La part représentée par les crédits attribués aux DOM dans cet agrégat représente 47 millions de francs, soit seulement, compte tenu de limportance des dotations versées à la Nouvelle-Calédonie, 9 % de lagrégat pris dans son ensemble. Le montant réservé aux DOM lannée précédente était de lordre de 41 millions de francs. Le détail des subventions accordées aux collectivités locales des DOM est le suivant : Chapitre 41-51 : subventions de caractère obligatoire Ce chapitre regroupe les subventions accordées aux collectivités locales par lEtat pour compenser les exonérations de taxe foncière visées aux articles 1384 et 1384 A du code général des impôts. Le montant de cette dotation, de 32 millions de francs, reste identique aux années précédentes. Chapitre 41-91 : subventions de caractère facultatif Sont principalement concernés par ces subventions Mayotte et Saint-Pierre-et-Miquelon ; larticle 70 comprend ainsi des crédits, pour 3,6 millions de francs, destinés à la mise en uvre de la convention de développement signée avec Mayotte en 1995. Larticle 80 prévoit, à hauteur de 80 000 francs, les modalités de léchéancier établi dans le cadre du règlement de la dette de Saint-Pierre-et-Miquelon. Chapitre 67-51 : travaux divers dintérêt local Les contours de cette subvention dinvestissement sont pour le moins flous et permettent de regrouper des opérations de toute nature. Le montant total des autorisations de programme affectées en 1998 sélève à 5 611 480 F, celles affectées au 31 juillet 1999 à 8 177 758 F. Pour le PLF 2000, le montant de la dotation sélève à 5 millions de francs en autorisations de programme et 5 millions de francs en crédits de paiement. û Lagrégat « Action en faveur de lemploi et de linsertion sociale » Le montant de cet agrégat sélève à plus de 3 148 millions de francs et représente, à lui seul, un peu moins de la moitié des crédits accordés à loutre-mer. Les montants destinés aux DOM au sein de cet agrégat représentent 98 % des crédits (3 100 millions de francs). Il semble difficile de faire une comparaison pertinente avec les agrégats de lannée précédente, lagrégat « Action en faveur du développement économique et social » ayant été réparti en trois nouveaux agrégats (emploi et insertion, logement, investissement en faveur de linvestissement et du développement économique et social). Trois chapitres composent cet agrégat : le chapitre 4403 regroupe les crédits destinés au Fonds pour lemploi dans les départements doutre-mer et la collectivité territoriale de Saint-Pierre-et-Miquelon (FEDOM), le chapitre 4601, les crédits destinés aux actions dinsertion en faveur des bénéficiaires du RMI dans les DOM et le chapitre 4694, les crédits de laction sociale et culturelle menée dans les DOM et dans les TOM. Lévolution de lensemble de ces crédits sera évoquée plus loin, dans létude des principales dotations destinées aux DOM. û Lagrégat « Action en faveur du logement » Cet agrégat est composé dun chapitre unique (la « ligne budgétaire unique » désignée par le chapitre 6501) et regroupe uniquement des crédits destinés aux DOM. En ce qui concerne les crédits de paiement, le PLF 2000 prévoit une dotation en progression de 2,3 % par rapport à 1999, soit 318 millions de francs dont 57,6 millions réservés à la résorption de lhabitat insalubre. En autorisation de programme, les crédits sélèvent à 1 100 millions de francs, contre 1 096 millions lannée précédente. û Lagrégat « Action en faveur de linvestissement et du développement économique et social » Cet agrégat comprend quatre chapitres dinégale importance ; le chapitre 5801 désigne une dotation en faveur des infrastructures de Guyane dont les crédits de paiement sélèvent à 18,25 millions de francs. Crée en 1980, ce fonds est destiné à compenser la faiblesse du fonds dinvestissement des routes et transports (FIRT) géré par le Conseil régional. Il a pour objet principal le financement de la route Régina-Saint-Georges. Les chapitres 6801 et 6890 désignent les subventions destinées au Fonds dinvestissement des DOM (section générale) et au Fonds dinvestissement pour le développement économique et social des TOM (section générale). Enfin, le chapitre 68-93 récapitule les crédits attribués pour des actions diverses en Nouvelle-Calédonie. Compte tenu de limportance de ce dernier chapitre (320 millions de francs en crédits de paiement), la part des DOM dans ce dernier agrégat ne représente quun tiers des crédits, regroupés pour lessentiel dans la section générale du FIDOM. 2. Les principales dotations relatives aux DOM · Le fonds pour lemploi dans les DOM (FEDOM) Le montant des crédits du FEDOM sélève cette année à 2 101,7 millions de francs, représentant une progression des crédits par rapport à lannée précédente de 16,24 %. En loi de finances pour 1999, le montant total des crédits inscrits au chapitre 44-03 sélevait à 1,808 millions de francs. Cette dotation a été abondée en cours de gestion dun montant de 193,59 millions de francs, correspondant à la part réservée à linsertion des crédits de la créance de proratisation. Ces crédits ont été ensuite intégralement délégués aux agences départementales dinsertion (ADI) en charge de la gestion du RMI dans les DOM. Sont venus également sajouter 121 millions de francs de crédits reports de 1998 ; lenveloppe globale du FEDOM sest donc élevée en 1999 à 2 123 681 127 F. Le nombre de solutions dinsertion prévues pour lexercice 1999 et leur répartition dans les différents DOM et la collectivité territoriale de Saint-Pierre-et-Miquelon sinscrivent comme suit :
Tout comme en 1998, il est apparu nécessaire de reconduire la création en gestion dun article supplémentaire destiné à permettre au secrétariat dEtat à loutre-mer dassurer sa participation aux différents plans sociaux outre-mer (sont ainsi concernés les plans sociaux de lusine sucrière de Beaufonds à La Réunion, la société interpêche de Saint-Pierre-et-Miquelon, et une participation au plan social des dockers de la Guyane). Pour le budget 2000, les dotations budgétaires retenues représentent un crédit de 1 810 millions de francs réparti comme suit :
Concernant les emplois-jeunes, 3 000 solutions dinsertion emploi-jeune créées depuis la mise en place du dispositif en 1998 porte le nombre de bénéficiaires à près de 11 000 jeunes. Les crédits en cause ne répertorient pas, toutefois, les emplois-jeunes destinés à des aides-éducateurs ou des adjoints de sécurité, financés respectivement par les budgets des ministères de léducation nationale et de lintérieur. A ces 1 810 millions de francs viennent sajouter 291 700 000 F destinés à financer les contrats emplois-consolidés, dont la gestion ne relève plus du ministère des affaires sociales mais du secrétariat dEtat à loutre-mer ; 7 000 contrats devraient ainsi être financés. La part de la créance de proratisation à verser aux agences dinsertion au titre de linsertion viendra compléter la dotation du FEDOM en cours dexercice budgétaire. Son montant nest pas encore arrêté, mais devrait être de lordre de 210 millions de francs, si lon reprend les clés de répartition usuelles pour la créance de proratisation (70 % réservé au logement social ; 30 % à linsertion). · Laction sociale et culturelle Regroupés dans le chapitre 46-94, les crédits relatifs à laction sociale et culturelle connaissent une progression de près de 30 % par rapport à la loi de finances initiale de lannée précédente, passant ainsi de 145 millions à 185,6 millions de francs. La nomenclature de ce chapitre a été légèrement modifiée afin de distinguer clairement les crédits daction dinsertion et de développement dans les TOM de ceux destinés à Mayotte. Un nouvel article a donc été créé pour répertorier spécifiquement les crédits destinés à linsertion à Mayotte, permettant ainsi une meilleure appréciation de leur évolution. Les crédits sélèvent à 55,25 millions de francs, dont 8 millions ont été transférés de lancien article 41 (TOM et Mayotte), 44.75 millions sont issus dun transfert du ministère de lemploi et de la solidarité et 2,5 millions sont des emplois nouveaux destinés à financer la création dun centre de formation professionnelle à Sada. Ces crédits permettent également de financer les contrats emplois consolidés, les contrats emploi solidarité ainsi que les chantiers de développement local ; ce dernier dispositif, mis en place dans les TOM et à Mayotte, où le RMI nexiste pas, permet de donner à des catégories de population particulièrement défavorisées et rencontrant des difficultés daccès à lemploi une rémunération en contrepartie dun travail dintérêt général pendant une durée déterminée (3 mois par an au plus). En ce qui concerne les DOM, les principaux articles du chapitre ont trait au financement de linsertion et de la formation professionnelle ; larticle 20 intitulé « migrants originaires des DOM » regroupe les crédits destinés à financer lAgence nationale pour linsertion et la promotion des travailleurs doutre-mer (ANT). Dun montant de 43,65 millions de francs, inchangé par rapport à lannée précédente, ces crédits permettent à lagence de promouvoir linsertion professionnelle des originaires des DOM par le biais de la mobilité ; ils sont complétés, à hauteur de 28,87 millions de francs par les crédits de larticle 31 relatif à la préformation et à la formation professionnelle dans les départements doutre-mer. Cet article désigne notamment les crédits destinés à la « formation individuelle mobilité » (FIM) : ce dispositif permet de faire suivre une formation qualifiante de niveau V en métropole à de jeunes ressortissants des DOM dans le cadre du crédit formation individualisé ; ces crédits ont été transférés en 1998 du budget du ministère du travail à celui du secrétariat dEtat à loutre-mer. Les crédits relatifs à laction culturelle sont regroupés au sein de larticle 10 « activités sportives, culturelles et de jeunesse dans les départements doutre-mer » ; dun montant de 7,25 millions de francs, en progression de 4,25 millions de francs, ils permettent de financer laction dassociations dans le domaine sportif, socio-éducatif et culturel, ainsi que le fonds daide aux échanges artistiques et culturels pour loutre-mer, à parité avec le ministère de la culture. · Laide au logement Afin de mieux appréhender laction du secrétariat dEtat en faveur du logement, il nest pas inutile de rappeler le contexte dans lequel cette action se situe : les problèmes de pénurie, dinsalubrité et de précarité, que ce soit dans les DOM, à Mayotte et, dans une moindre mesure, à Saint-Pierre-et-Miquelon, restent encore très préoccupants ; le parc de logements est très insuffisant et surpeuplé avec un nombre moyen de personnes par logement de lordre de 3,57 (contre 2,57 en métropole). 26 % des logements sont précaires ou dépourvus déléments de confort. La pénurie de logements se traduit par une cherté excessive des loyers et une hausse sensible du coût de la construction et du foncier. Un taux de chômage de 30 % en moyenne corrélé à une forte pression démographique contribuent à détériorer davantage la situation du logement. Dans ce contexte, laction du secrétariat dEtat à loutre-mer est triple : une première action, de type classique, consiste, par la gestion des crédits de la « ligne budgétaire unique » à loger dans des conditions décentes, et à un coût abordable, le plus grand nombre de ménages et duvrer en particulier pour le logement des personnes les plus défavorisées en tentant de résorber lhabitat insalubre ; la seconde action contribue à aménager de manière équilibrée le territoire en abordant la question du problème foncier ; la troisième action, plus spécifique puisquelle touche uniquement les Antilles, vise à résoudre les difficultés posées par la construction dhabitations sur des zones non autorisées (problème de loccupation de la zone dite des « 50 pas géométriques »). La ligne budgétaire unique désigne en fait le financement daides à la pierre ; ce fonds laisse au niveau local des possibilités dadaptation par le biais des commissions départementales de lhabitat. En 1999, la ligne budgétaire unique a été arrêtée en loi de finances initiale à 1 096 millions de francs dont 96 millions de francs au titre de la résorption de lhabitat insalubre ; 541 millions de francs en provenance de la créance de proratisation du RMI sont venus abonder cette somme. Le nombre de logements neufs ou améliorés grâce à laide de lEtat est présenté ci-dessous :
Pour 2000, les montants de la ligne budgétaire unique sélèvent à 1 100 millions de francs, dont 96 réservés à la résorption de lhabitat insalubre. Environ 650 millions de francs en provenance de la créance de proratisation viendront abonder cette somme. Il est prévu la construction de 11 000 logements neufs, 2 400 améliorations ou réhabilitations et la sortie dinsalubrité denviron 2 200 ménages. En ce qui concerne les crédits de paiement, le projet de loi de finances prévoit une dotation en progression de 2,3 % par rapport à 1999, soit 918 millions de francs, dont 57,6 réservés à la résorption de lhabitat insalubre. Laménagement du territoire présente des aspects très spécifiques dans les DOM : les principaux problèmes rencontrés concernent linsuffisance du foncier aménagé, se traduisant très souvent par des constructions anarchiques ; de plus, les insuffisances de financement de laménagement se traduisent par un retard des livraisons des équipements de viabilisation (eau, assainissement), entraînant par voie de conséquence des retards dans les programmes de construction sociale. Compte tenu de ces spécificités, il a été décidé en 1995 la mise en place dun fonds régional daménagement foncier et urbain (FRAFU), dans un premier temps limité à La Réunion. Le dispositif a pour objectif de renforcer le partenariat entre lEtat, les régions, les conseils généraux et lUnion européenne pour le financement de la ressource foncière, sa viabilisation et son aménagement. La première source de financement du FRAFU provient de fonds communautaires. Le FRAFU de La Réunion a obtenu sur cinq ans 600 millions de francs dont 200 millions issus du fonds FIDOM financé par le secrétariat dEtat à loutre-mer. Le succès des actions menées par le FRAFU a conduit à réfléchir à son extension aux départements français des Amériques ; une première expérimentation a pu être mise en place en 1999 en Martinique. Lextension à lensemble des DOM impliquerait des besoins budgétaires évalués à 110 millions de francs en moyenne par an sur la durée du XIIe plan (2000-2006), soit 770 millions de francs pour lEtat sur cette période. La question de loccupation illégale de la zone dite des cinquante pas géométriques concerne essentiellement les départements de la Guadeloupe et de la Martinique. La zone des cinquante pas géométriques définit une bande de terrain de 81,20 mètres de large à partir du rivage ; survivance de lAncien Régime où cette zone était réservée à linstallation éventuelle déquipements militaires, la zone des cinquante pas relève du domaine public. Cependant, au fil des années, de nombreux occupants sans titre se sont installés sur cette bande de littoral sans susciter de réaction de la part des autorités. Comme le faisait remarquer M. Camille Darsières, député de la Martinique, lhabitat sest peu à peu densifié, nécessitant de la part des municipalités des interventions pour viabiliser les terrains occupés. La loi du 30 décembre 1996 a mis un terme à la grande insécurité juridique qui régnait sur la nature de ces occupations ; la loi a ainsi permis une cession gratuite des terrains pour les parcelles dont loccupation est antérieure au 30 juin 1955 et une cession onéreuse pour les installations intervenues entre le 30 juin 1955 et le 1er janvier 1995. En application de cette loi, larticle 30 du chapitre 65-01 prévoit une dotation exceptionnelle de lEtat dun montant de 30 millions de francs permettant aux occupants installés après 1955 dobtenir une aide dans le cadre du rachat de leur terrain. · Le service militaire adapté (SMA) Les départements et territoires et collectivités territoriales doutre-mer bénéficient dune forme spécifique de service militaire, adaptée à leur contexte social et économique. Ce service permet de dispenser aux appelés une formation militaire ainsi quune formation professionnelle les préparant à une meilleure insertion dans la vie active. Lensemble des crédits relatifs au SMA est à la charge du secrétariat dEtat. La réforme du service national a imposé une réflexion sur les perspectives du SMA ; les principales orientations décidées consistent à remplacer progressivement des appelés par des volontaires, tout en procédant à une féminisation accrue du recrutement. En outre, la distinction est faite entre deux catégories de volontaires, les volontaires stagiaires et les volontaires techniciens aux rémunérations différenciées. Enfin, le dispositif peut faire lobjet de réaménagements en fonction du succès du volontariat dans chacun des départements, territoires ou collectivités. Lannée 1999 a vu lincorporation des premiers volontaires ; lannée 2000 prévoit la poursuite de ce mouvement par le recrutement de 600 volontaires, compensé par la suppression de 1 000 nouveaux postes dappelés et 80 postes de cadres. Pour les DOM, ce mouvement se traduit par la création de 494 postes de volontaires et la suppression de 895 postes dappelés et 79 postes de cadres. Le dispositif doit être mis en place à coût inchangé : pour les DOM, la création de postes se traduit par un coût de 34,12 millions de francs, pratiquement compensés par les 31,07 millions de francs issus des suppressions de postes. Au total, les crédits destinés au SMA représentent 440 millions de francs, soit plus de 7 % du budget du secrétariat dEtat. De plus, le SMA dispensant une formation professionnelle, il peut à ce titre bénéficier de crédits provenant du Fonds social européen, à hauteur de 67 millions de francs pour lannée 2000. · Le fonds dinvestissement pour les départements doutre-mer (FIDOM) La subvention du FIDOM général (chapitre 68-01) sélève cette année à 220 millions de francs en autorisation de programme et à 217,50 millions de francs en crédits de paiement. Le comité du FIDOM na pas encore procédé à la répartition de cette enveloppe ; cependant, les perspectives de répartition pourraient être les suivantes : Contrats de plan 187,80 millions de francs Etudes 0,10 million de francs Plan Social Dockers à La Réunion 0,10 million de francs Constructions scolaires 15,00 millions de francs Dotation non affectée 17,00 millions de francs Lensemble de la dotation connaît une croissance de 9,5 % par rapport à lannée précédente ; laccent est porté tout particulièrement sur le financement des contrats de plan. Les nouveaux contrats de plan sur les années 2000-2006 sont en effet toujours en cours de préparation mais il est certain quune attention toute particulière sera réservée aux DOM, compte tenu de lessor démographique que connaissent ces départements. Les quatre régions doutre-mer se trouveraient ainsi dans le peloton de tête des régions en matière de répartition des crédits : la Guyane bénéficierait de la première place avec un ratio de 5 607 F par habitant, la Guadeloupe de la troisième avec 2 687 F, la Martinique la quatrième avec 2 545 F et La Réunion la sixième avec 2 185 F. Il est à noter que le FIDOM décentralisé (chapitre 68-03) ne fait lobjet daucune dotation depuis deux ans, même si le chapitre continue à être mentionné dans le bleu budgétaire. C. UNE RÉFLEXION À MENER SUR LAVENIR DES DOM Le secrétariat dEtat à loutre-mer ne saurait être quun bon gestionnaire de crédits ; il est également essentiel quil soit à même de mener une réflexion sur lavenir des DOM, leur évolution au sein de la République française et la nature des liens qui les rattachent à la métropole. De nombreux rapports sur la situation de ces départements ont été remis à M. le Premier ministre ; les plus récents, celui de MM. Claude Lise et Michel Tamaya intitulé « La voie de la responsabilité », ainsi que celui de M. Bertrand Fragonard : « Un pacte pour lemploi » permettent sans nul doute de déterminer dès aujourdhui des pistes de réflexion intéressantes. La loi dorientation pour les DOM, annoncée par le secrétariat dEtat pour juin 2000, reprendra certainement un grand nombre de propositions suggérées par ces rapports, et sera à nen pas douter une réponse à de nombreux problèmes politiques, économiques et sociaux que vivent actuellement les DOM. Votre rapporteur souhaiterait apporter sa propre contribution à cette réflexion, en mettant en garde le Gouvernement sur la déception qui pourrait résulter dun projet trop timide en la matière. Au cours de la mission quil a conduite en Guyane et dans les Antilles, il a ainsi pu avoir la confirmation que les attentes étaient immenses et le découragement voire lexaspération était proche. 1. Les questions institutionnelles · Laménagement du statut des DOM Les deux missions parlementaires se sont intéressées au départ à la proposition faite par le rapport Lise-Tamaya dinstaurer une coopération dans le cadre de la réunion des deux assemblées délibérantes du département et de la région, sous la dénomination de Congrès. Ce congrès serait en premier lieu linstance de décision de droit commun pour les conflits de compétence pouvant survenir entre département et région. Il serait également linstitution qui pourrait proposer à une majorité qualifiée de lensemble de ses membres une évolution statutaire. La proposition qui résulterait du vote du congrès serait alors proposée au Gouvernement. Les réactions à la proposition du rapport Lise-Tamaya ont rarement été très positives ; néanmoins, pour certains interlocuteurs, comme M. Serge Menil, président du Conseil de la culture, de léducation et de lenvironnement de la Martinique, cette proposition a le mérite de poser clairement le problème de lenchevêtrement des compétences entre région et département et de tenter de trouver une solution dans le respect du cadre constitutionnel de larticle 72. M. Julien André, premier vice-président du conseil général de la Guadeloupe, a estimé pour sa part que la proposition de linstauration dun congrès permettait de donner une base légale aux commissions mixtes qui ont déjà pu être expérimentées entre région et département. Cependant, les autres interlocuteurs dénoncent la création dune structure qui viendrait sajouter aux structures déjà existantes, alors même que, précisément, les DOM souffrent dune suradministration. A contrario, la mise en place dune assemblée unique paraît à certains, tel M. Claude Pompière, premier vice-président du Conseil économique et social régional de la Martinique ou M. Albert Dorville, président de lAssociation des maires de la Guadeloupe, comme la seule solution aux problèmes posés par lenchevêtrement des compétences entre région et département. Il faut réserver, dans lexamen de ces questions institutionnelles, une place spécifique à la Guyane ; la prégnance du sujet institutionnel sur les aspects économiques et sociaux est tout à fait sensible dans ce département. A la suite des émeutes de novembre 1996, une réflexion associant un grand nombre délus, délus locaux et délus consulaires a abouti, en 1998, à la publication dun document appelé « pacte dorientation pour le développement durable en Guyane », revendiquant linstauration dune assemblée unique dotée dun pouvoir normatif. Même si ce document ne fait pas totalement lunanimité, notamment auprès des deux députés du département, il est indubitable quil reste une référence fondamentale et incontournable dans le débat guyanais ; le rapport Lise-Tamaya, et notamment ses propositions concernant linstauration dun congrès, na, dans ce contexte, été bien souvent perçu que comme une contribution utile, certes, mais néanmoins annexe. La question de laménagement du statut des DOM peut, aux yeux de certains, paraître accessoire compte tenu de lampleur des difficultés dans le domaine économique et social ; selon un sondage commandé par le secrétariat dEtat à loutre-mer dans les DOM, seuls 13 % de la population attendent de la loi dorientation pour loutre-mer un accroissement de la responsabilité des élus locaux contre 50 % qui réclament de nouveaux moyens pour le développement économique et lemploi. Il sagit effectivement de ne pas se tromper sur les enjeux, la question du statut ne pouvant en aucun cas être une fin en soi. Il faut au contraire réfléchir à un accroissement des responsabilités des élus locaux, dans loptique dune implication accrue dans le domaine économique et social. Il est inutile ici de nourrir trop dillusions : un nouveau statut na jamais garanti la prospérité. Il peut permettre en revanche une nouvelle adhésion au pacte républicain, une décentralisation accrue permettant de lutter contre le sentiment souvent exprimé que lEtat préserve de manière excessive les intérêts de la métropole. Il importera de mener une réflexion approfondie sur le sujet, et notamment sur lopportunité de permettre une évolution différenciée des départements doutre-mer. En tout état de cause, la réflexion devra se faire en concertation étroite avec les élus ; lattente est très forte et laisse peu de place à des atermoiements. · La bidépartementalisation et le redécoupage communal à La Réunion Pour lessentiel, le débat institutionnel à La Réunion se focalise sur un sujet : la bidépartementalisation. Les élus du Sud de lîle réclament depuis plusieurs années la création dun second département au sein de cette région ultra marine. Cette revendication sappuie sur le constat objectif dune différence de développement entre les parties septentrionale et méridionale de lîle. La Réunion est, en effet, barrée par un massif montagneux qui délimite clairement deux micro-régions, le Nord et le Sud. Selon un processus historique lié à géographie de lîle, leur développement respectif sest opéré à des rythmes différents. Cest au Nord que sest ainsi longtemps concentré lessentiel de lactivité politique, administrative et économique à La Réunion. Le chef-lieu du département est installé à Saint-Denis avec ce que cela implique en termes de présence dadministrations publiques : préfecture, conseils régional et général Par ailleurs Saint-Denis bénéficie aussi des principales installations portuaires et aéroportuaires de lîle et draine une grande partie de lactivité tertiaire de La Réunion. Avec plus de 130 000 habitants, cette ville est le plus grand centre urbain de loutre-mer et accueille plus de 20 % de la population réunionnaise. Cette concentration des habitants et de lactivité a un double impact négatif. Saint-Denis, tout dabord, connaît un engorgement urbain de plus en plus difficile à maîtriser avec des problèmes de circulation aujourdhui insurmontables. La mission de la commission des Lois, qui sest rendue sur place en septembre, a pu observer ce que le député-maire de Saint-Denis, Michel Tamaya, appelle, à juste titre, le « coma circulatoire » de cette ville. Le second impact négatif porte sur le reste de la région qui accuse un réel retard de développement par rapport au Nord de lîle. Force est de constater que La Réunion septentrionale connaît une situation économique et sociale objectivement plus favorable. Le taux de chômage et le nombre de bénéficiaires du RMI y sont moins élevés. Le Nord concentre également le plus grand nombre de jeunes diplômés et de cadres. A Saint-Denis, le taux de chômage est de 25 % alors quà Saint-Pierre, dans le Sud, ce taux atteint plus de 40 %. Le schéma daménagement régional a souligné ces disparités qui existent entre les régions du nord et du Sud mais aussi entre les zones littorales et celles de moyenne et haute altitude. Les élus du Sud de lîle mènent donc depuis plusieurs années une action pour la création dun second département dans le Sud de La Réunion (). Ils considèrent quil sagit là du seul moyen déviter une absorption des moyens publics par le Nord. Ils constatent, en effet, que les grands équipements publics réalisés ou envisagés récemment bénéficient systématiquement à Saint-Denis et ses environs. Il en est ainsi de laéroport Roland Garros, du nouveau port de la Pointe des Galets Ce constat est, en partie, fondé. Il mérite néanmoins dêtre nuancé. Le Sud a accueilli récemment des infrastructures publiques importantes comme laéroport de Pierrefonds, luniversité délocalisé du Tampon ou linstitut universitaire de technologie de Saint-Pierre. De plus, il ne paraît pas toujours illégitime dinstaller des équipements là où lactivité économique se développe pour la soutenir et offrir aux entreprises les moyens de maintenir et daccroître leur production. Pour les élus du Sud que la mission de la commission des Lois a pu rencontrer sur place en septembre dernier la création du second département permettrait aussi à une grande partie de la population de cette partie de lîle de ne plus avoir à se déplacer systématiquement vers Saint-Denis dans des conditions de circulation qui relèvent aujourdhui du cauchemar routier. En dehors des arguments économiques, les élus du Sud considèrent également que la création de ce second département relève de la plus simple équité. Actuellement, La Réunion compte 700 000 habitants. Ce chiffre passera à 1 million de personnes en 2025 étant donné la croissance démographique dynamique de lîle. Si lon compare ce chiffre à celui de certains départements français, on constate quil leur est bien supérieur. La question se pose alors : pourquoi accepte-t-on, en métropole, des départements comprenant 250 000 ou 300 000 habitants et le refuse-t-on aux Réunionnais ? Par ailleurs, la création dun second département ne serait-il pas le moyen de mettre fin au débat autour de la région monodépartementale, dont le statut et le fonctionnement font lobjet de critiques récurrentes ? La réponse à ces questions nest pas cependant aussi simple quil y paraît et elle renvoie à dautres interrogations toutes aussi légitimes. Celles-ci ont dailleurs été soulevées par les nombreux acteurs socio-économiques que la mission a rencontrés en septembre. A ce titre, on a pu observer une opposition très nette entre, dune part, les milieux politiques du Nord et du Sud et, dautre part, les élus et le milieu socio-économique. Ce dernier ne semble nullement attaché à la bidépartementalisation, au sujet de laquelle il exprime les questions suivantes : û limplantation de nouvelles structures publiques (préfecture, DDASS, DDE, conseil général ) est-elle réellement de nature à tirer la croissance économique dans le Sud de lîle ; peu en semblent convaincus, même pour le secteur tertiaire ; û cette implantation ne risque-t-elle pas de gonfler la dépense publique essentiellement par laccroissement du nombre demplois publics dont la rémunération est plus élevée à La Réunion quen métropole ; û la perspective de création dun nouveau département est-elle cohérente avec les réflexions actuelles sur lavenir de la structure départementale, non seulement en outre-mer mais aussi en métropole. La réflexion menée sur la création dun second département doit aussi sintégrer à une démarche plus large qui conduirait à sinterroger non seulement sur la décentralisation à La Réunion mais aussi sur lexercice de la démocratie locale dans cette île. En effet, La Réunion nest divisée aujourdhui quen 24 communes dont le territoire est fort étendu. Cette situation rend difficile la gestion de la vie municipale au quotidien et les élus semblent parfois trop peu nombreux pour faire face aux problèmes et aux sollicitations qui se multiplient dans un contexte économique et social tendu. Autant la question de la bidépartementalisation suscite un réel débat, autant celle du redécoupage communal recueille un assentiment général dans les milieux politiques ou non. Néanmoins, il appartient aux acteurs locaux de prendre des initiatives en la matière. Les articles L. 2112-2 et suivants du code général des collectivités territoriales permettent aux élus et aux électeurs dagir en ce sens avec une concertation générale qui sorganise autour dune enquête publique. La vie des départements doutre-mer ne saurait dépendre uniquement des actions de lEtat et de la métropole. Il est du ressort des élus et des habitants insulaires de prendre des décisions à même de favoriser leur développement et léquilibre de leur territoire. Tel a déjà été le cas à La Réunion où lensemble des communes appartiennent à des établissements publics de coopération intercommunale, ce qui est très rare. Mais cette volonté dagir ensemble doit également prévaloir pour régler la question du découpage communal. Il est vrai que la difficulté en la matière résulte aussi des conséquences dun tel redécoupage qui peut difficilement être pensé et opéré de manière isolée. Dans lesprit des Réunionnais, il comportera nécessairement des conséquences quant aux circonscription électorales, aux arrondissements ou aux cantons. De la sorte, au-delà dune simple question de limites territoriales, cest la notion et la pratique mêmes de la démocratie locale à La Réunion qui est en jeu. On comprend quen ce domaine la prudence soit de mise. La bidépartementalisation, et plus largement la question institutionnelle, peuvent être considérées, à La Réunion, comme un sujet périphérique dans le débat sur lavenir économique et social de lîle. Les élus sy intéressent, à juste titre ; les acteurs économiques y portent moins dattention et parfois même regardent ce projet sans aménité aucune. Lenjeu est fort différent dans lautre collectivité française de lOcéan indien. A Mayotte, la question statutaire est au cur des discussions et des préoccupations de chacun. Sa résolution est perçue comme le préalable pour engager un véritable décollage économique. · Lavenir institutionnel de Mayotte La mission de la commission des Lois qui sest rendue à Mayotte en septembre dernier a pu mesurer lintensité du débat autour de lavenir institutionnel de larchipel. Cette question nest pas récente puisquelle est liée directement au processus qui, dans les années soixante-dix, a vu la Grande Comore, Anjouan et Mohéli accéder à lindépendance et former la République fédérale islamique des Comores alors que Mayotte choisissait très clairement de demeurer française. Pour comprendre les termes de ce débat, il convient de rappeler à la fois les spécificités mahoraises, le contexte international et la situation politique de Mayotte qui a très récemment évolué. Mayotte connaît de fortes spécificités au sein de lensemble comorien qui expliquent, pour beaucoup, que ses habitants aient choisi une autre voie que leurs voisins. Sans entrer dans le détail dune histoire tumultueuse, on rappellera que cette île est devenue française plus précocement que les trois autres. En 1841, le Sultan de Mayotte a cédé lîle à la France afin déchapper à la domination des îles avoisinantes. Dès lors, la présence française étant perçue comme un facteur démancipation, le lien avec notre pays sest resserré et lattachement des Mahorais sest avéré dune constance exemplaire. Cest dans ce cadre historique que, au moment de lindépendance des Comores, la loi du 3 juillet 1975 a autorisé les Mahorais à opter pour le maintien dans la République, en prévoyant que le référendum dautodétermination aurait lieu île par île et non au sein des Comores en tant quentité indivisible. Cétait là reconnaître la spécificité mahoraise mais aussi contourner le principe dintangibilité des frontières tel quil est proclamé par la charte de lOrganisation de lunité africaine. Le 8 février 1976, les Mahorais rejettent lindépendance : 99,4 % des suffrages exprimés refusent lintégration dans la République fédérale islamique des Comores créée le 6 juillet 1975. Quelques semaines plus tard, Mayotte rejette aussi le maintien du statut de TOM par plus de 97 % des suffrages exprimés, alors que près de 80 % des votants expriment leur attachement au statut de DOM en déposant dans lurne des bulletins en ce sens (). La loi du 24 décembre 1976 tire les conclusions de ces consultations et organise un statut temporaire de larchipel. Mayotte devient une collectivité territoriale de la République qui, au terme dune période de trois ans, doit voir sa population consultée, à la demande de la majorité des deux tiers du conseil général, sur « le maintien du statut [défini dans la loi du 24 décembre 1976] ou sur la transformation de Mayotte en département ou, éventuellement, sur ladoption dun statut différent ». Mais, à lissue de ce délai de trois ans, il est apparu quil nétait pas possible de respecter ce calendrier et la loi du 22 décembre 1979 a prorogé la période transitoire tout en réaffirmant le maintien de Mayotte dans la République. Le délai pour la mise en uvre du nouveau statut est alors porté à cinq ans, le conseil général perdant son pouvoir dinitiative en la matière. En 1984, terme du délai fixé par la loi de 1979, aucune consultation na pourtant été organisée sur lavenir statutaire de Mayotte. Depuis, cette île est demeurée au sens de larticle 72 de la Constitution une collectivité territoriale de la République à statut sui generis, dotée dun conseil général élu, dont le fonctionnement et les pouvoirs se rapprochent de ceux des assemblées départementales avant les lois de décentralisation. Le représentant du Gouvernement à Mayotte cest-à-dire le préfet est lexécutif de la collectivité. Le principe de spécialité législative sy applique : les lois de la République, en dehors des lois de souveraineté, ne sont applicables à larchipel que sur mention expresse. Il faut voir, dans ce principe de spécialité, un élément essentiel de léquilibre de Mayotte mais aussi un facteur dincertitude. Il a pour principal mérite de permettre dadapter aux spécificités mahoraises notre législation. Car ces particularismes sont importants. La population de larchipel, musulmane, se voit appliquer un droit islamique mâtiné de coutume africaine et malgache. Ce statut personnel, reconnu par larticle 75 de la Constitution () et appliqué par la justice cadiale, accepte la polygamie, labsence de régime matrimonial entre époux, la répudiation de la femme par son mari, linégalité des sexes en droit successoral Par ailleurs, 75 % au moins des Mahorais ne parlent pas le français et sexpriment en shiboushi ou en shimaore. Si lon ajoute à cela une situation économique et sociale où malgré les efforts constants et importants mis en uvre par la collectivité nationale demeurent des phénomènes de malnutrition ou de pathologies infectieuses ainsi quune croissance démographique qui est loin dêtre maîtrisée, on ne peut que constater limpossibilité dappliquer stricto sensu la législation métropolitaine à Mayotte. Les projets de loi doivent être, à chaque fois, pensés en fonction de cette spécificité au sein de la République. Trop souvent, les acteurs locaux sont contraints dintervenir dans un cadre légal et réglementaire incomplet, parfois incohérent. Face à cette situation, les Gouvernements tentent de rétablir cette cohérence par voie dordonnances mais le résultat nest pas satisfaisant. Nul nest en principe censé ignorer la loi ; or, à Mayotte, les autorités de lEtat elles-mêmes ne savent pas toujours, non seulement quel est le droit applicable mais aussi et cest plus grave si un tel droit existe. Au total, la question du statut est demeurée en létat depuis 1979. En 1999, elle a connu des développements nouveaux. Après lengagement pris par MM. Jacques Chirac et Lionel Jospin, lors de lélection présidentielle de 1995, un rapport sur lavenir institutionnel de Mayotte a été confié à M. le préfet François Bonnelle. Le groupe de réflexion quil a animé, ainsi que les commissions locales, ont rendu leurs conclusions en janvier 1998. Ce rapport présente les différentes perspectives qui pourraient présider à lavenir de Mayotte. Il met en avant la difficulté de transformer, en létat et immédiatement, cette collectivité en DOM. En vertu de larticle 73 de la Constitution, le statut de DOM permet quelques adaptations à la situation locale. Pourtant, celles-ci ne peuvent conduire à éloigner trop largement ces départements de leurs équivalents métropolitains. Les décisions du Conseil constitutionnel n° 82-147 DC du 2 décembre 1982 et n° 84-174 DC du 25 juillet 1984 ont défini la marge dadaptation ainsi autorisée. Les limites apportées à ces spécificités législatives ont ainsi conduit à interdire la fusion des régions et des départements doutre-mer. Dailleurs, comme le souligne le rapport Bonnelle, larticulation entre léchelon régional et départemental à Mayotte ne manque pas dapparaître comme une question insoluble. Si lon fait de Mayotte un DOM, il faudra également y créer une région. En outre, il sera également nécessaire dabandonner le principe de spécialité législative incompatible avec le statut départemental. La question de la départementalisation de Mayotte nest pas anodine et ne constitue pas simplement loccasion pour quelques juristes déchaffauder des interprétations raffinées quant à la nature des DOM. Elle est au cur de la vie politique mahoraise mais également de cette région de lOcéan indien. Pour les Mahorais, laccession au statut de département constitue moins une revendication juridique quune question quon pourrait qualifier, sans excès, dexistentielle. Pour bon nombre dentre eux, le statut de DOM est synonyme de maintien irrévocable dans la République. Car la crainte du désengagement français à Mayotte est réelle dans cet archipel. Il correspond dailleurs plus à une perception déformée de la réalité quà une analyse raisonnée des faits. Depuis leur vote en faveur de la République en 1974, les Mahorais redoutent, à tort, que la France mette en uvre un processus conduisant au rattachement de Mayotte aux Comores. Si cette crainte ne repose sur aucune base tangible, on doit observer que les pressions internationales, en ce sens, ont toujours été intenses et les Comoriens ont vécu la perte de Mayotte comme un démembrement de leur territoire et les Etats voisins comme Maurice, les Seychelles et, plus encore, Madagascar refusent que lexistence de Mayotte dans le cadre français fasse lobjet dune consolidation définitive. On rappellera aussi quen 1994, lAssemblée générale des Nations Unies a condamné la France sur la situation mahoraise. Il en est de même de lOrganisation de lUnité africaine (OUA) et de lOrganisation de la Conférence islamique (OCI). On le voit, la départementalisation suscite donc des enjeux internes et diplomatiques intenses. Le débat sest ainsi cristallisé autour de ce thème, échappant parfois à la raison la plus élémentaire. Cest dans ce contexte que sont intervenues, lété dernier, les discussions autour du document sur lavenir de Mayotte. Ce texte comporte plusieurs orientations qui entendent tenir compte de limpossibilité juridique de transformer ipso facto Mayotte en DOM, de la nécessité de confirmer le maintien de larchipel dans la République et de préserver léquilibre géopolitique de la région. Le document sur lavenir de Mayotte reconnaît, tout dabord, que « par son histoire et sa géographie, à linstar de La Réunion, Mayotte est aussi partie intégrante de lensemble indo-océanique » et que « cette insertion contribuera aux actions menées par la France pour entretenir des relations de bon voisinage avec tous les pays de la zone ». Le nouveau statut serait instauré par la loi dont le projet serait déposé au Parlement en 2000, les Mahorais ayant été consultés auparavant sur les grandes orientations de ce statut. Mayotte deviendrait une « collectivité départementale » dont « lorganisation juridique, économique et sociale se rapprochera le plus possible du droit commun et sera adaptée à lévolution de la société mahoraise ». Ce statut de collectivité départementale demeurerait jusquen 2010, date à laquelle le conseil général proposerait au Gouvernement, à la majorité qualifiée, de soumettre au Parlement un projet de loi portant sur lavenir institutionnel de Mayotte. Ce statut prévoirait donc une assemblée unique, le conseil général, qui continuerait à exercer ses compétences actuelles progressivement étoffées. A lissue dun délai fixé par la loi, la fonction exécutive serait transférée du préfet au président de lassemblée. Dans différents domaines (fiscalité, douane), des efforts seraient consentis pour rapprocher du droit commun la législation applicable à Mayotte le principe de spécialité législative demeurant cependant. LEtat prendrait les mesures nécessaires pour favoriser le développement de Mayotte ; il renforcerait les moyens affectés au contrôle des flux migratoires, moderniserait et adapterait le système de protection sanitaire et sociale. Mayotte serait associée aux projets daccords concernant la coopération régionale. Enfin, le rôle des cadres serait recentré sur les fonctions de médiation sociale ; la rénovation de létat civil et la mise en place du cadastre seraient menées à bien ; la clarification du statut personnel serait poursuivie, le fonctionnement de la justice amélioré et les droits des femmes confortés. Ce texte est apparu comme un point équilibre entre les différents partenaires. Il a dailleurs été signé par le président du Conseil général et les représentants du PS et du RPR. Il a, en revanche, été rejeté par le député et le sénateur de larchipel, ce qui a entraîné une scission au sein de la principale formation politique de Mayotte : le mouvement populaire mahorais (MPM). Les parlementaires, qui ont créé le mouvement départementaliste mahorais(MDM), sopposent à ce texte pour trois raisons essentielles : selon eux, après la période de dix années, la consultation évoquée par le document ne prévoit pas explicitement loption départementaliste ni la consultation de la population mahoraise ; laccent trop prononcé sur linsertion de Mayotte dans son environnement régional risquerait, selon les parlementaires de lîle, de conduire à un rapprochement forcé avec les Comores ; linsuffisance des propositions du Gouvernement en matière de développement. Face à cette crise politique, le secrétariat dEtat à loutre-mer a entendu se maintenir dans une attitude ouverte et conciliatrice. Le ministre, M. Jean-Jack Queyranne, a fait savoir, après la signature du document par le MPM, quil souhaitait que les parlementaires puissent sinscrire dans cette démarche pour que le consensus mahorais se réalise. La situation nest toujours pas débloquée à ce jour. Comme la mission de la commission des Lois a pu lobserver en septembre dernier, les Mahorais appellent de leurs vux une issue rapide de la question statutaire afin de sortir de cette situation provisoire qui prévaut depuis plus de vingt ans. Il sagit pour eux de concentrer pleinement leurs efforts et leur énergie sur le développement économique et social de leur archipel. On ne peut que souscrire à ce projet et espérer que, très vite, un accord puisse être trouvé à Mayotte dont le lien à la France semble indissoluble. · Lavenir institutionnel de Saint-Martin et Saint-Barthélémy Ces deux îles, rattachées à la Guadeloupe, se trouvent dans deux situations très différentes ; lîle de Saint-Martin est partagée en deux parties, une partie hollandaise au Sud (Sint-Marteen), de 34 km², et une partie française, au Nord, de 56 km². Aucune frontière réelle nexistant entre les deux territoires, la partie française subit de plein fouet la concurrence de la partie hollandaise, notamment en termes de coût du travail et de fiscalité. De plus, la partie française souffre dune immigration très forte, éventuellement clandestine, qui a conduit à la saturation des équipements collectifs et à une dégradation du climat social. A terme, la situation risque de devenir encore plus difficile si Sint-Marteen, qui dispose actuellement du statut de PTOM au sein de lUnion européenne, accédait à lindépendance, à lissue dun référendum qui sera organisé dans le courant 2000. Linstauration de règles encore plus laxistes que celles existant actuellement, notamment en matière dimmigration ou de placements financiers, déséquilibrerait encore davantage la fragile économie saint-martinoise. La revendication consistant à ériger Saint-Martin en TOM, émise par M. Louis Mussington, conseiller général, semble être pour le moment marginale ; il est néanmoins indispensable quune réflexion soit menée sur les moyens de rendre Saint-Martin compétitive par rapport à sa rivale hollandaise ; une plus grande autonomie dans les domaines sociaux ou fiscaux serait finalement peut-être souhaitable. Le cas de lîle de Saint-Barthélémy est très différent, Saint-Barthélémy faisant un peu figure dîlot de prospérité au sein des petites Antilles ; lîle semble avoir trouvé les voies dun développement maîtrisé de son activité touristique. Les revendications visant à faire de Saint-Barthélémy un territoire doutre-mer ou une collectivité territoriale à statut particulier semblent être davantage partagées ; elles paraissent effectivement plus justifiées dans la mesure où lîle jouit dune bonne santé économique et dune relative indépendance vis-à-vis de la métropole. Quelles que soient les hypothèses envisagées pour les îles du Nord par le Gouvernement, il semble en tout cas quune clarification du régime fiscal soit indispensable. Labsence de règles claires en la matière, que ce soit pour Saint-Martin ou Saint-Barthélémy, alimente lincompréhension et le soupçon de part et dautre de lAtlantique ; en effet, si les règles paraissent bien définies en matière de fiscalité indirecte, un décret du 30 mars 1948 exonérant les deux îles de cette fiscalité, il en va différemment de la fiscalité directe : bien que deux arrêts du Conseil dEtat aient affirmé lapplicabilité des impôts directs à Saint-Martin et Saint-Barthélémy, les habitants de Saint-Barthélémy en contestent le bien fondé en excipant les dispositions du traité conclu entre la France et la Suède pour la rétrocession de lîle. Quoi quil en soit, et malgré les arrêts du Conseil dEtat, les impôts directs collectés localement ne sont pas mis en recouvrement à Saint-Barthélémy. La tentative de lAssemblée nationale, en décembre 1996, de donner une base légale incontestable aux situations juridiques de fait en introduisant par voie damendements à un projet de loi sur Mayotte un « statut administratif, fiscal et douanier de Saint-Martin et Saint-Barthélémy » a échoué, le Sénat ayant rejeté ces amendements. La réflexion doit pourtant être menée à son terme, les habitants de Saint-Martin et Saint-Barthélémy étant en effet désireux de voir adopter des règles claires, simples et surtout définitives en ce domaine. 2. La surrémunération des fonctionnaires La question de la surrémunération des fonctionnaires a déjà été évoquée au cours de ce rapport ; votre rapporteur a insisté sur le poids financier quun tel dispositif représentait pour les collectivités locales et ses répercussions sur les économies locales. Il est cependant utile de poser le problème des surrémunérations dans un contexte plus global puisque bénéficient du système non seulement les fonctionnaires des collectivités locales, mais également les agents de la fonction publique dEtat. 66 500 fonctionnaires civils sont concernés, servant aussi bien dans les DOM ou les TOM que dans les collectivités à statut particulier. A cette surrémunération, il convient dajouter, pour les fonctionnaires qui ne sont pas résidents permanents, cest-à-dire principalement pour les métropolitains, le versement dune indemnité déloignement ; le dispositif comporte de nombreuses conséquences sur léconomie locale, notamment en terme de renchérissement du coût de la vie. Son coût pour lEtat est supérieur à 4 milliards de francs par an. Lors de la mission conduite par votre rapporteur, de nombreuses propositions ont été émises afin de trouver une solution sans toutefois pénaliser les économies domiennes qui bénéficient du supplément de pouvoir dachat provoqué par ces surrémunérations : MM. Anicet Turinay, député de la Martinique, Luc Ademar, premier vice-président du conseil régional de la Guadeloupe et Albert Dorville, président de lAssociation des maires, préconisent la suppression de ces surrémunérations, compensée intégralement par la création dun fonds de soutien aux économies domiennes. Le rapport LiseTamaya rejoint cette proposition en limitant toutefois la suppression des surrémunérations au personnel de la catégorie A de la fonction publique. M. Anicet Turinay a précisé cependant quune telle réforme ne devait être entreprise quavec prudence, la détérioration du climat social et la chute de consommation des ménages qui pourraient en résulter représentant des risques extrêmement sérieux. La question de la surrémunération des fonctionnaires est loccasion pour votre rapporteur daborder une question beaucoup plus délicate : de nombreux interlocuteurs nous ont en effet fait part de leur préoccupation devant une fonction publique de plus en plus duale, avec un encadrement majoritairement métropolitain, et des fonctions dexécution laissées aux ressortissants des DOM. Ainsi, M. Alain Buffon, président du conseil de la culture, de lenvironnement et de léducation de la Guadeloupe, a alerté la mission parlementaire conduite par votre rapporteur sur la multiplication de conflits spontanés survenus pour protester contre larrivée de métropolitains à des postes dencadrement de la fonction publique ; il a précisé que le malaise paraissait croissant et était probablement dû au fait que les ressortissants des DOM accomplissaient désormais les mêmes études que les métropolitains, et nétaient pas reconnus à hauteur de cette réussite. Dans ce contexte, la surrémunération semble aggraver la situation en restant fortement incitative pour les fonctionnaires métropolitains. La marge de manuvre est étroite ; des propositions de discrimination positive favorisant le recrutement de ressortissants des DOM, à limage du système mis en place aux Etats Unis, ont été émises à plusieurs reprises ; une réelle prudence simpose en la matière, la perception dune telle mesure par la métropole risquant dêtre désastreuse. Il nen reste pas moins que le sujet est dune réelle importance et nécessite une réflexion approfondie. 3. Le développement économique En ce domaine plus quen tout autre, il importe de faire preuve de modestie ; il est en effet inutile de créer de faux espoirs. Votre rapporteur se limitera à des réflexions dordre général, issues des témoignages recueillis lors de sa mission : les dispositifs spécifiques aux DOM, tels que la loi Pons ou la loi Perben, ont été sans nul doute des éléments essentiels au développement des économies domiennes. Ils sont bien sûr encore perfectibles, notamment par une limitation des possibilités de fraude ou par une meilleure orientation des flux financiers quils génèrent. Néanmoins, et votre rapporteur conclura sur cette réflexion, il faut se garder de vouloir toujours modifier les dispositifs en question en procédant au coup par coup, sous lémotion de la révélation de tel ou tel scandale. Les DOM ont avant tout besoin dun environnement juridique stable, permettant aux entreprises de raisonner dans la durée, dans le long terme et non en fonction de laubaine que procure telle ou telle mesure ponctuelle. La pérennité du cadre juridique est la condition essentielle du retour des investisseurs. La loi dorientation permettra sans nul doute de réfléchir de façon globale, sans privilégier tel ou tel secteur, à lavenir des DOM. Avant démettre un avis sur les crédits, la Commission a procédé à laudition de M. Jean-Jack Queyranne, secrétaire dEtat à loutre-mer (le présent avis reprend la partie du compte-rendu de cette audition consacrée aux départements doutre-mer). Après avoir rappelé que son budget ne représentait quune partie des dotations de lEtat destinées à loutre-mer, M. Jean-Jack Queyranne a souligné que les crédits de son ministère, qui sélèvent à 6,36 milliards de francs, connaissaient une progression de 13,6 % par rapport à lannée précédente, faisant valoir que, sur la période 1998-2000, ces crédits avaient augmenté de près de 31 %. Présentant les financements destinés à lemploi, le Ministre a indiqué que la dotation du fonds pour lemploi dans les départements doutre-mer et Saint-Pierre-et-Miquelon progressait de près de 16 %, ce qui permettrait de financer 58 000 nouvelles solutions dinsertion en 2000, avec 35 000 contrats emploi-solidarité, 15 000 contrats dinsertion par lactivité, 7 500 contrats daccès à lemploi et 500 primes à la création demplois, rappelant par ailleurs que les 7 000 contrats emploi-consolidés qui relevaient auparavant du ministère des affaires sociales étaient désormais regroupés au sein du budget de loutre-mer pour un montant de 292 millions de francs. Il a observé quen plus de ces contrats, le FEDOM permettrait également de financer 3 000 emplois-jeunes supplémentaires, ce qui porterait le nombre de ces emplois outre-mer à environ 11 000 à la fin de lannée 2000, auquel il faut ajouter les emplois dadjoints de sécurité et daides-éducateurs créés par les ministères de lintérieur et de léducation nationale. Evoquant la nouvelle dotation de 55 millions de francs consacrée à lemploi et à la formation professionnelle à Mayotte, il a expliqué que cette dotation permettrait une gestion plus fine des contrats emploi-solidarité, des contrats emplois-consolidés, des chantiers de développement local et des actions de formation professionnelle dans cette collectivité. Après avoir souligné la nécessité daméliorer la formation professionnelle des adultes à Mayotte, il a précisé quune mesure nouvelle de 2,5 millions de francs serait destinée à financer le centre de formation professionnelle des adultes de Sada, dont louverture est prévue en 2000. Rappelant que le service militaire adapté devait évoluer en raison de la professionnalisation des armées, le Ministre a annoncé la création de 600 emplois nouveaux de volontaires en 2000, qui sajouteront aux 500 emplois créés en 1999. Il a fait valoir que les crédits consacrés au service militaire adapté, qui sélèvent à 440 millions de francs, soit 7 % du budget de son ministère, représentaient un effort important de lEtat pour la formation des jeunes, ajoutant que la demande pour ce type de formation restait forte. Il a précisé, à cet égard, que les deux unités de SMA seraient maintenues en Guyane. Evoquant ensuite les crédits dinvestissement de son ministère, principalement tournés vers la solidarité et le développement économique, M. Jean-Jack Queyranne a fait observer que le logement social demeurait une priorité absolue, puisque les crédits qui y sont consacrés représentent 1,1 milliard de francs en autorisations de programme et 918 millions de francs en crédits de paiement, crédits auxquels il convient dajouter la créance de proratisation qui progresse de 5,7 % par rapport à lannée précédente. Il a indiqué que ces dotations permettraient de financer la réhabilitation et la construction denviron 13 400 logements dans les départements doutre-mer, à Saint-Pierre-et-Miquelon et à Mayotte, avant de préciser que la résorption de lhabitat insalubre bénéficierait de 96 millions de francs. Il a ensuite rappelé que ces mesures en faveur du logement étaient complétées par deux dispositions figurant dans le projet de loi de finances, la baisse de la TVA sur les travaux dentretien, qui, dans les départements doutre-mer, passe de 9,5 % à 2,1 % et la mise en uvre du dispositif daide exceptionnelle aux ménages pour lacquisition de terrains situés dans la zone des cinquante pas géométriques. Evoquant les nouveaux contrats de plan pour la période 2000-2006, dont les enveloppes définitives nont pas encore arrêtées, le Ministre a indiqué que la part des départements doutre-mer dans la première répartition décidée par le Premier ministre sélevait à 4,527 milliards de francs sur un total de 95 milliards, la Guyane, avec un ratio de 5 607 francs par habitant, étant la mieux dotée des régions françaises. Il a précisé que ces crédits seraient complétés par la deuxième enveloppe des contrats de plan, qui doit être prochainement décidée, et par les dotations des fonds structurels européens. Présentant lexercice 2000, il a souligné que les dotations budgétaires augmentaient de 9,5 %, pour atteindre 217,5 millions de francs en crédits de paiement, permettant ainsi de financer le démarrage des nouveaux contrats de plan. Il a ensuite évoqué le FIDOM, dont les crédits permettront de poursuivre leffort de financement des constructions scolaires, et le FIDES, dont les dotations déquipement destinées aux communes seront maintenues à 15 millions de francs pour la Nouvelle-Calédonie et la Polynésie, les contrats de village à Wallis-et-Futuna, bénéficiant, quant à eux de 3 millions de francs de crédits. Evoquant laction de son ministère dans le domaine culturel, le Ministre a fait état de la création, dans le cadre dune convention avec le ministère de la culture, dun fonds daide aux échanges artistiques et culturels pour loutre-mer, qui a permis de financer des tournées dartistes locaux. Présentant enfin la mise en uvre des réformes institutionnelles en Nouvelle-Calédonie, le Ministre a indiqué quun nouveau chapitre budgétaire, comprenant une dotation globale de compensation et une dotation globale de fonctionnement, avait été créé. Il a précisé que la dotation globale de compensation, qui sélève à 11,7 millions de francs, permettrait de financer les nouvelles compétences de ces territoires en matière de commerce extérieur, de droit du travail, denseignement scolaire, de jeunesse et de sports, de mines et dénergie, la dotation globale de fonctionnement, dun montant de 394 millions de francs, permettant, quant à elle, daider les provinces à faire face à leurs charges dans les domaines sanitaire et social et dans le domaine de lenseignement. Plusieurs commissaires sont ensuite intervenus. M. Jérôme Lambert, rapporteur pour avis des crédits des départements doutre-mer, a souhaité savoir quelles dispositions seraient prises pour la banane antillaise dans le cadre des négociations de lOMC et quand seraient connues les grandes orientations du projet de loi dorientation pour les départements doutre-mer et du projet de loi modifiant le statut de Mayotte. Il a, par ailleurs, suggéré que des discussions soient engagées avec la grande distribution sur le prix de vente de la banane au consommateur. Evoquant le constat dressé par la mission de la commission des Lois aux Antilles en juin dernier, M. Emile Blessig a souligné que les finances locales des départements antillais connaissaient une situation de crise aiguë. Rappelant que le montant des fonds européens et nationaux, en matière daide à linvestissement, sélevait à 30 milliards de francs pour la période 2000-2006, il sest interrogé pour savoir de quelle manière les collectivités territoriales concernées financeraient la participation de 15 % exigée pour obtenir ces aides. Il a, en effet, observé que la commission européenne disposait de crédits de paiement non consommés permettant de financer des investissements à hauteur de 15 milliards de francs qui seraient perdus en 2001 faute davoir trouvé une contrepartie locale. M. Henry Jean-Baptiste a estimé que la commission des Lois avait pu mesurer, lors de sa mission à Mayotte, les difficultés quil y avait à parvenir à un consensus sur la réforme du statut de lîle après vingt-trois ans dattentisme. Déclarant quil avait rédigé avec le sénateur Marcel Henry des propositions de nature à dépasser les divergences locales, il a interrogé le ministre en vue de savoir si ces propositions pouvaient être retenues malgré les préventions du ministère des affaires étrangères. Intervenant en application de larticle 38, alinéa 1er, du Règlement, et soulignant quelle comprendrait que certaines de ses questions, très techniques, ne reçoivent de réponse quen séance publique, Mme Christiane Taubira-Delannon a dabord souhaité obtenir des précisions sur le calendrier portant sur la circulaire foncière, rappelant les difficultés dapplication de la législation forestière en Guyane et insistant sur les difficultés budgétaires de létablissement public daménagement de la Guyane. Elle a ensuite regretté lattitude de France Télécom à propos dun terrain qui lui avait été attribué avant sa privatisation pour une somme symbolique, quelle refusait de restituer pour une somme équivalente en vue de la construction dun lycée denseignement général. Elle sest par ailleurs interrogée sur le régime de compensation de la TVA au profit des investissements des communes guyanaises, faisant observer que cette taxe nétait pas perçue en Guyane. Evoquant la situation de la cour dappel, elle a rappelé le mauvais état des bâtiments et les difficultés relatives au statut des interprètes exerçant dans la juridiction. Elle a enfin interrogé le ministre sur la situation de linstitut démission des départements doutre-mer (IEDOM). M. Camille Darsières a attiré lattention du ministre sur le problème de la commercialisation des bananes antillaises, en lui demandant de relayer ses préoccupations auprès du Conseil des ministres afin que celui-ci prenne une position claire sur ce sujet vis-à-vis de la commission européenne. Estimant que le système de compensation mis en uvre par lUnion européenne était injuste dans la mesure où il ne tenait pas compte de la différence des coûts de transport entre les bananes produites aux Canaries et à Madère et les bananes antillaises, il a souhaité que les aides européennes soient régionalisées. Il a, par ailleurs, jugé quil serait nécessaire de créer une taxe sur les bananes produites dans les pays dAmérique latine, afin de financer la création de systèmes de protection sociale dans cette zone et dégaliser les prix avec ceux pratiqués aux Antilles. Rappelant quil y avait 35 % de chômeurs en Martinique, il sest ensuite interrogé sur la sortie du dispositif des emplois-jeunes qui a été massivement mis en uvre dans ce département, en labsence de contrôles poussés de ladministration. Il a considéré quil était indispensable dassurer une formation aux jeunes bénéficiant de cette mesure en vue de préparer leur entrée sur le marché du travail, soulignant quil convenait, en conséquence, de développer les contrôles dans ce domaine. Il a ensuite fait remarquer que les écoles primaires, dont certaines datent du XIXe siècle, nécessitaient des investissements lourds. Il a, par ailleurs, suggéré la suppression de la prime déloignement, observant que la jurisprudence du Conseil dEtat créait des déséquilibres au détriment des fonctionnaires originaires doutre-mer souhaitant quitter la métropole pour retourner dans les îles et favorisait ainsi larrivée de métropolitains outre-mer. Il a ensuite considéré que la volonté daligner le RMI versé dans les DOM sur celui versé en métropole ne devait pas remettre en cause le mécanisme de la créance de proratisation permettant de financer les actions dinsertion et le logement social. Evoquant les demandes de ladministration à propos des cinquante pas géométriques en vue dexiger de leurs occupants la production de contrats de cession, il sest interrogé sur la régularité de cette procédure en labsence de plans parcellaires et de titres de propriété en bonne et due forme. Il a également fait remarquer que de nombreuses maisons avaient été construites par leurs habitants sur des matériaux quils avaient eux-mêmes apportés dans la zone des cinquante pas, ce qui nécessite un dédommagement spécifique qui na pour linstant pas été prévu. Après avoir formulé ces remarques, il a enfin tenu à indiquer quil considérait que le budget présenté pour lexercice 2000 était très bon. Intervenant au titre de larticle 38 précité, M. Gérard Grignon sest élevé contre la forte augmentation des tarifs aériens pratiqués par Air France sur les liaisons Saint-Pierre-et-Miquelon/Paris. Rappelant quil ny avait pas de vol direct, il a indiqué que le nombre de places offertes à des tarifs réglementés financés pour deux tiers par lEtat et pour un tiers par la collectivité territoriale était en forte baisse. Il a regretté que, malgré les investissements lourds effectués par lEtat en termes dinfrastructures aéroportuaires, Air France ait décidé de pratiquer des tarifs prohibitifs, deux à trois fois supérieurs au tarif dit « gouvernemental ». Intervenant sur cette question, Mme Catherine Tasca, présidente, a considéré quil était nécessaire daborder ce sujet avec la compagnie Air France, estimant que la stratégie commerciale de cette entreprise ne devaient pas nuire au développement et aux conditions de vie des habitants de loutre-mer. En réponse aux différents intervenants, le Ministre a apporté les précisions suivantes. Le Premier ministre, lors de son récent voyage aux Antilles, a estimé que la question de la surrémunération, dont la modification relève du domaine réglementaire, ne présentait pas de caractère durgence ; le pourcentage important de non-titulaires parmi les agents des collectivités locales, avoisinant en moyenne les 65 % dans les DOM, paraît davantage préoccupant. Des négociations permettant de trouver une issue au problème doivent être engagées. Concernant le secteur de la banane, la crise que connaît actuellement le marché provient essentiellement dune baisse des cours en Europe et dun surapprovisionnement. Le ministre de lagriculture, présent lors du récent déplacement du Premier ministre aux Antilles, a annoncé loctroi dune avance sur les aides compensatoires dun montant de 120 millions de francs. A ce montant viendra sajouter une somme avoisinant les 60 millions de francs afin de prendre en compte les difficultés spécifiques du secteur. Quant à la remise en cause de lorganisation commune du marché de la banane dans le cadre de lorganisation mondiale du commerce, il convient de défendre les mécanismes qui nont pas fait lobjet de condamnation par le panel de lOMC, à savoir le système du contingentement. Les commissaires européens qui se réunissent aujourdhui même sur le sujet, semblent émettre une préférence pour le choix dun système tarifaire ; si cette perspective était retenue, la question du maintien des contingents, à titre provisoire, se poserait. Les aides compensatoires doivent permettre, dans le cadre de cette réforme, de mieux prendre en compte les difficultés des planteurs, dont le nombre avoisine aujourdhui les 20 000. Les conséquences, en terme demploi, denvironnement et daménagement du territoire, en cas deffondrement du secteur, seraient désastreuses. Sagissant de la crise des finances locales, la situation est différente selon le niveau de collectivités locales ; les conseils régionaux, grâce à loctroi de mer, restent peu endettés ; les conseils généraux, en revanche, notamment ceux de Guyane et de Guadeloupe, connaissent des situations difficiles, qui contribuent à freiner leurs investissements. Plusieurs actions ont été entreprises, ponctuelles, telles que la mise en place dun plan de redressement pour la ville de Cayenne, qui sachève en 1999, ou plus générales, telles que la prise en compte des résultats du recensement de 1999 dans les dotations de lEtat, permettant notamment de répondre à la croissance démographique que connaît la Guyane. Les fonds structurels européens connaissent des difficultés de mise en uvre révélées par limportance des crédits non consommés. Le taux dengagement des crédits sest néanmoins amélioré et avoisine les 80 %. Certains projets financés par des fonds européens ont pu être retardés du fait de difficultés dans les procédures dappel doffres ; le problème réside davantage dans la capacité technique et juridique exigée pour mettre sur pied les projets que dans la nécessité pour les collectivités territoriales de participer à leur financement. Le financement de ces projets, au travers des contrats de plan, exige cependant une contrepartie des collectivités locales de lordre de 15 à 20 %. Il faudrait, par ailleurs, ne pas se limiter aux investissements lourds, mais orienter davantage les projets en direction du soutien à léconomie. Les présidents des régions doutre-mer rencontreront, à cet effet, avec le secrétaire dEtat, le président de la Commission européenne, dans les jours à venir. Sagissant de la loi dorientation, une lettre à lensemble des personnalités institutionnelles concernées, présidents de conseils régionaux et généraux, députés, préfets, sera envoyée dans le courant de la semaine prochaine. Les grandes lignes de la loi seront discutées à léchelon local puis il sera procédé à la rédaction formelle au début de lannée prochaine ; les consultations des assemblées auront lieu ensuite, de telle sorte quun premier examen par le Parlement pourrait intervenir au cours du premier semestre 2000. La question des transports aériens est effectivement préoccupante, que ce soit la desserte de Saint-Pierre-et-Miquelon et Mayotte ou linsuffisance et la pratique de surbooking caractérisant les vols vers les Antilles à certaines périodes ; une action concertée des parlementaires en direction de la compagnie Air France permettrait peut-être de faire évoluer les choses. La faiblesse des moyens de la cour dappel de Guyane et ses conséquences sur la mise à disposition dinterprètes et traducteurs a déjà été signalée à la ministre de la justice. La Guyane nest cependant pas la seule concernée par ces difficultés, rencontrées également dans les territoires doutre-mer. Lordonnance concernant le nouveau statut de lIEDOM sera publiée en début dannée. Le nombre important demplois jeunes ne doit pas masquer le dynamisme et lesprit dentreprise dont font preuve les sociétés outre-mer, et notamment les jeunes ; dans le cadre des défis-jeunes, dispositif national créé pour aider les jeunes à démarrer dans la vie, 80 % des lauréats outre-mer créent leur entreprise contre seulement 30 % en métropole. En ce qui concerne le problème de loccupation de la zone des cinquante pas géométriques, un décret devrait paraître prochainement pour mettre en place laide aux familles, certaines dentre elles connaissant une situation de précarité qui ne leur permet pas de procéder au rachat de leur terrain. La question du retour dans les DOM des fonctionnaires apparaît particulièrement sensible dans la mesure où les demandes de mutation sont bien supérieures aux offres ; ladministration de la Poste a ainsi reçu plus de 9 000 demandes pour une affectation dans les DOM alors quelle ne peut offrir que 3 500 postes. Sagissant de la créance de proratisation, il ne faudrait pas quun alignement du RMI sur celui de la métropole ne se traduise par une diminution des crédits alloués au logement. Pour Mayotte, le Gouvernement espère quun consensus pourra se dégager prochainement sur la question statutaire. * * * Conformément aux conclusions du rapporteur pour avis, la Commission a émis un avis favorable à ladoption des crédits du secrétariat à loutre-mer pour 2000 : départements doutre-mer. _____________
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() Mission du 12 au 22 septembre 1999 ; composée également de Mme Nicole Catala, MM. Jacques Floch, Jacques Brunhes, Alain Tourret, Didier Quentin et Dominique Bussereau. () Mission du 29 juin au 10 juillet 1999 ; composée également de Mmes Véronique Neiertz, Nicole Feidt et de M. Emile Blessig. () Les villes concernées : Guadeloupe : Pointe-à-Pitre, Basse-Terre. Guyane : Saint-Laurent-du-Maroni, Cayenne. Martinique : Fort-de-France. La Réunion : Saint-Denis. () Voir la proposition n° 1090 relative à la réorganisation administrative de La Réunion en deux départements, celle relative à la représentation parlementaire de La Réunion (n° 1091) présentées par M. Elie Hoarau, Mme Huguette Bello et M. Claude Hoarau en date du 13 octobre 1998 et celle (n° 1165) tendant à ériger deux départements à La Réunion présentée par M. André Thien Ah Koon () Ces bulletins furent évidemment déclarés nuls. () « Les citoyens de la République qui nont pas le statut de droit commun, seul visé à larticle 34, conservent leur statut personnel tant quils ny ont pas renoncé ». |