N° 1111

RAPPORT

FAIT

AU NOM DE LA COMMISSION DES FINANCES, DE L’ÉCONOMIE GÉNÉRALE ET DU PLAN (1) SUR LE PROJET DE loi de finances pour 1999 (n° 1078),

TOME I

PAR M. DIDIER MIGAUD
Rapporteur général,
Député

SOMMAIRE
____

PRÉSENTATION GÉNÉRALE

PREMIÈRE PARTIE : LES OBJECTIFS : CONFORTER LA CROISSANCE, DÉVELOPPER L’EMPLOI, APPROFONDIR LA SOLIDARITÉ

CHAPITRE PREMIER : Un environnement international DÉGRADÉ ET INSTABLE, AU SEIN DUQUEL LA ZONE EURO BÉNÉFICIE DE MEILLEURES PERSPECTIVES

A.- UN ENVIRONNEMENT INTERNATIONAL DÉGRADÉ ET INSTABLE
1.- Une croissance mondiale ralentie

2.- Un environnement financier en crise

B.- DES ÉCONOMIES AFFAIBLIES OU EN VOIE DE RALENTISSEMENT EN DEHORS DE LA ZONE EURO
1.- La persistance de la crise au Japon

2.-L’incertitude sur la reprise des économies émergentes d’Asie

3.-La fragilité des économies des pays d’Europe de l’Est et d’Amérique latine

4.-Une moindre croissance dans les pays anglo-saxons

C.- DES PERSPECTIVES PLUS FAVORABLES POUR LA ZONE EURO
1.-Une croissance plus ferme, recentrée sur les facteurs internes

2.-La possibilité de tirer parti de certains des effets de la crise asiatique

CHAPITRE II : LA CROISSANCE FRANÇAISE RETROUVÉE A BESOIN D’ÊTRE CONFORTÉE

A.- UNE REPRISE DE L’INVESTISSEMENT DANS UN CONTEXTE DE BONNE SANTÉ FINANCIÈRE DES ENTREPRISES
1.- Le réveil de l’investissement

2.- La bonne santé financière des entreprises

B.- UNE FORTE CROISSANCE DE LA CONSOMMATION DES MÉNAGES
1.-Une progression du pouvoir d’achat du revenu disponible liée aux créations d’emplois

2.-Une inflation maîtrisée

3.-Un regain de confiance des ménages

C.- LES BUDGETS ÉCONOMIQUES POUR 1999
1.-Un scénario international « gris et contrasté »

2.-La zone euro : un pôle de croissance dans un environnement instable

CHAPITRE III : LE BUDGET POUR 1999 DOIT MARQUER L’ENTRÉE RÉUSSIE DE LA FRANCE DANS LA ZONE EURO

A.- LE DESSERREMENT DE LA CONTRAINTE COMMERCIALE.
1.-Une nouvelle amélioration des échanges extérieurs

2.-Une progression des importations liée à la reprise économique

3.-Une contraction relative des exportations

B.- LE CHANGEMENT DE NATURE DE LA CONTRAINTE FINANCIÈRE
1.-La « nouvelle donne » monétaire

2.-Les effets bénéfiques de l’union monétaire

C.- LE NÉCESSAIRE SOUTIEN À L’INTÉGRATION DES ENTREPRISES FRANÇAISES DANS L’ESPACE ÉCONOMIQUE EUROPÉEN
1.- L’internationalisation de l’économie française

2.- La nécessaire amélioration de la compétitivité de nos entreprises

D.- LA POURSUITE DE L’ASSAINISSEMENT DE NOS FINANCES PUBLIQUES

CHAPITRE IV : LE BUDGET DOIT ÉGALEMENT FAVORISER LE RENFORCEMENT DE LA COHÉSION SOCIALE, ENCORE TROP FRAGILE

A.- LE MARCHÉ ET LA POLITIQUE DE L’EMPLOI : DES PROGRÈS QUI RESTENT À AMPLIFIER
1.-La contribution des différents secteurs d’activité à l’amélioration de l’emploi

2.-Une diminution globale du nombre des chômeurs en 1998

3.-Une amélioration encore trop inégale selon les catégories de demandeurs d’emploi

4.-La nécessité d’accroître l’efficacité des politiques spécifiques de l’emploi

5.-Le choix d’une politique de l’emploi ambitieuse

6.- Un dialogue social renforcé

B.- LA LUTTE CONTRE LES INÉGALITÉS DANS LA SOCIÉTÉ FRANÇAISE : UN CHANTIER TOUJOURS RENOUVELÉ
1.-Lutter contre la précarité

2.-Veiller au respect des droits fondamentaux

3.- Favoriser l’égalité des chances

PRÉSENTATION GÉNÉRALE

PREMIÈRE PARTIE

LES OBJECTIFS :

CONFORTER LA CROISSANCE

DÉVELOPPER L’EMPLOI

APPROFONDIR LA SOLIDARITÉ

Si le bilan économique et financier au milieu de l’année dernière montrait une « France en panne », les nouvelles orientations mises en oeuvre à partir de l’été 1997 auront permis une remise en mouvement aussi bien sur le chemin de la croissance que sur la voie de la convergence européenne.

L’objectif, que d’aucuns jugeaient irréaliste, d’une croissance de 3% en 1998 devrait être atteint, voire légèrement dépassé.

Le « bouclage budgétaire », que les mêmes avaient jugé impossible, a été effectué sans imposer des sacrifices supplémentaires à l’ensemble des Français. L’amélioration constatée a aujourd’hui dégagé des marges appréciables pour développer encore la stratégie de croissance et de solidarité, que les Français ont appelée de leurs voeux en mai-juin 1977.

L’horizon international s’est cependant obscurci. Amplifié par la brutalité des réactions des marchés financiers, symptôme des dérèglements inhérents à un capitalisme incontrôlé, l’enchaînement des crises - asiatique, japonaise, russe...- constitue un choc majeur, que les économies européennes, en marche vers l’euro, doivent garder la capacité de surmonter.

Les perspectives économiques en Europe restent favorables et, avec un projet de budget qui réinvestit judicieusement les « fruits de la croissance » retrouvée, notre pays peut - sauf tourmente mondiale - espérer tenir la prévision de croissance, prudemment révisée, de 2,7% pour 1999, en phase avec les plus récentes prévisions du FMI prenant en compte les derniers développements des désordres financiers internationaux connus à la mi-septembre 1998.

La croissance, d’abord alimentée par l’exportation, repose désormais sur la demande intérieure, comme y incitaient les orientations de politique économique arrêtées il y a un an. La consommation, bénéficiant de la hausse du pouvoir d’achat et du retour de la confiance, a contribué à une réorientation favorable de la demande.

L’investissement, trop longtemps hésitant, est enfin reparti et, nourri des perspectives maintenues de croissance, devrait, à son tour, alimenter celle-ci.

Cette croissance autonome, si elle contribue à une certaine vigueur des importations, ne remet cependant pas en cause l’équilibre de nos échanges extérieurs. Structurellement, notre balance commerciale peut supporter tant le ralentissement des exportations lié à la crise mondiale, d’ailleurs atténué par l’orientation privilégiée de nos ventes vers une Europe occidentale aux perspectives satisfaisantes, que le raffermissement des importations résultant du dynamisme de la consommation des ménages et du redressement de l’investissement. Par ailleurs, l’inflation est contenue, et la perspective de la mise en place de l’euro a préservé l’Europe des turbulences financières, lui permettant de bénéficier de taux d’intérêts historiquement bas.

Bouclant un cercle vertueux, la croissance, recentrée sur les composantes internes de la demande, a permis d’enregistrer un redressement de l’emploi et un repli du taux de chômage, ce qui génère des revenus soutenant la consommation et raffermit encore la confiance des ménages.

Dans ce contexte, qui reste encourageant en dépit des incertitudes externes, le partage des « fruits de la croissance » fait l’objet d’arbitrages raisonnables et équilibrés :

– 16 milliards de francs sont affectés au financement des priorités de la Nation, avec une progression de 1% en volume des dépenses, cette progression maîtrisée étant permise par un effort sans précédent de redéploiement de la dépense publique ;

– quelque 21 milliards de francs sont consacrés à une nouvelle réduction du déficit budgétaire contribuant à envisager globalement, pour 1999, un besoin de financement des administrations publiques de 2,3%, le budget de l’Etat devant atteindre, pour la première fois depuis 1991, l’équilibre primaire ;

– enfin, environ 16 milliards de francs confortent le mouvement de décrue des prélèvements obligatoires, amorcé en 1998, dans le cadre d’un processus tendant à réorienter notre système fiscal vers l’emploi et la justice sociale.

S’il est nécessaire de profiter de la croissance retrouvée pour reconstituer des marges pour l’avenir, les aléas liés à l’environnement international doivent, en effet, inciter à une certaine prudence et cette croissance doit donc être confortée.

L’évolution maîtrisée de la dépense participe ainsi de la volonté d’inscrire dans le moyen terme les priorités politiques de la majorité plurielle : agir rapidement et puissamment pour l’emploi et la solidarité, en poursuivant l’effort de soutien à la croissance engagé l’an dernier.

La réduction du déficit est un impératif autant social qu’économique. Le déficit alimente, en effet, un endettement qui conduit à prélever sur les revenus d’activité pour servir des intérêts, c’est-à-dire, en fait, à favoriser la « rente » au détriment des entrepreneurs et des classes moyenne et populaire. Le poids du service de la dette dans le budget est tel que la dette « nourrit la dette », et accroît la « viscosité » du budget. Par ailleurs, il convient de dégager, en phase de haute conjoncture, les marges qui permettront, le cas échéant, de faire face à un éventuel ralentissement économique dans le respect de nos engagements européens.

La volonté de diminuer les prélèvements obligatoires prend en compte le poids désormais unanimement jugé excessif de notre fiscalité, même si les comparaisons internationales souvent mises en avant doivent être tempérées par la prise en considération du niveau des prestations collectives, résultant lui-même des traditions nationales et des exigences du corps social. L’exercice est d’autant plus méritoire que, parallèlement, il a été résolument entrepris de mettre en cause une situation fiscale déséquilibrée, en procédant à une nouvelle approche de la répartition de nos impôts entre les prélèvements pesant sur le travail et ceux pesant sur le capital, et en allégeant la charge fiscale des ménages les plus modestes.

CHAPITRE PREMIER

UN ENVIRONNEMENT INTERNATIONAL DÉGRADÉ ET INSTABLE, AU SEIN DUQUEL LA ZONE EURO BÉNÉFICIE DE MEILLEURES PERSPECTIVES

Après des années de perspectives favorables vis–à–vis desquelles tranchait la faible croissance de l’économie de l’Europe continentale, l’économie mondiale offre pour les années 1998 et 1999 une image inversée. Les onze Etats de la zone euro (1) se trouvent en effet dans une situation plus favorable que le reste du monde grâce à une accélération de la croissance qui fait figure d’exception dans une économie internationale fortement ralentie dans son ensemble.

Cette évolution est d’abord la conséquence de la crise asiatique, qui a provoqué des perturbations profondes : des crises monétaires et financières en chaîne en Asie se propageant, par contagion, d’un pays à l’autre au fur et à mesure que la défiance des investisseurs se manifestait, et entraînant une récession, ou, au mieux, un fort ralentissement économique, alors que ces pays émergents d’Extrême–Orient avaient représenté l’élément le plus dynamique de l’économie internationale dans les années antérieures ; la fragilisation des autres économies émergentes d’Europe de l’Est et d’Amérique latine, sous l’effet des mêmes mécanismes, fragilisation qui a même conduit à la crise en Russie et au Brésil ; une forte chute du prix des matières premières, au premier rang desquelles le pétrole, dont les Etats producteurs se trouvent ainsi fortement pénalisés ; l’aggravation des difficultés de l’économie du Japon, atone depuis le début de la décennie.

Mais, l’inversion du contexte économique provient également du ralentissement des économies anglo–saxonnes, après plusieurs années satisfaisantes, pour partie en raison de la crise asiatique, certes, mais plus sûrement sous l’effet de facteurs liés à l’achèvement d’un cycle normal de croissance.

Enfin, on ne saurait trop insister sur l’importance des facteurs internes aux économies d’Europe continentale, puisque l’année 1998 est marquée par une évolution favorable de la consommation et de l’investissement, qui viennent opportunément prendre le relais du commerce extérieur au moment où les débouchés à l’exportation se réduisent.

La crise russe, qui s’est exacerbée au milieu du mois d’août 1998, la crise latino-américaine, apparue dans le courant du mois de septembre, notamment au Brésil, et la crise financière mondiale ne semblent pas devoir fondamentalement remettre en cause ces perspectives d’une économie internationale présentant des conjonctures profondément décalées entre les grandes régions, même si toutes leurs conséquences sont loin d’être mesurées. Notamment, le rôle de l’économie russe semble suffisamment restreint au niveau européen, pour ne pas provoquer une inversion des tendances de fond décelées par les prévisionnistes dès le printemps 1998. La crise russe devrait ainsi seulement affaiblir la reprise européenne, ce dont le Gouvernement a d’ailleurs tenu compte en corrigeant légèrement, au début du mois de septembre, ses prévisions de croissance pour 1999 (2,7%, au lieu de 2,8% envisagés en juillet dernier).

Ces crises attirent néanmoins notre attention sur l’importance des facteurs d’incertitude : la crise financière dans les économies émergentes d’Amérique latine et d’Europe de l’Est ; l’évolution des marchés boursiers mondiaux ; la difficulté du Japon à procéder à une relance de son économie, après l’échec de nombreux plans ; la portée de l’engagement des pays du G7 à favoriser une croissance tirée par la demande intérieure. Ces éléments rendent, cette année, particulièrement malaisée la présentation des perspectives économiques internationales.

En outre, la parité du dollar par rapport à l’euro constitue un facteur d’incertitude majeur pour la croissance européenne. A cet égard, les hypothèses associées au projet de loi de finances retiennent un cours de 6 francs pour l’année 1999. Pour être établie selon la méthode habituelle, cette prévision paraît cependant, en l’état, quelque peu en décalage avec la réalité d’aujourd’hui, voire des anticipations.

A.- UN ENVIRONNEMENT INTERNATIONAL DÉGRADÉ ET INSTABLE

1.- Une croissance mondiale ralentie

a) Le moindre dynamisme de la croissance mondiale
et du commerce international

La croissance mondiale pourrait être de l’ordre de 2,5% en 1999, soit une légère reprise par rapport au taux de 2,2%, voire de 2% selon les prévisions révisées du FMI, de l’année 1998. Néanmoins, cette perspective est très en retrait par rapport au dynamisme des années passées (4,1% en 1997).

Témoin de ce ralentissement, le commerce mondial s’avère moins dynamique. Selon les estimations de l’OCDE (2), sa croissance en volume s’établirait à 7,1% seulement en 1998 et 7% en 1999, très en retrait par rapport à la progression de 9,8% constatée en 1997, essentiellement sous l’effet de la réduction des importations des pays émergents d’Asie et de l’impact de la diminution des recettes d’exportation des pays producteurs de pétrole et de produits de base, affectés par la chute des cours consécutive à la crise asiatique. Plus récentes, les prévisions du rapport économique, social et financier, confirment cette inflexion du commerce mondial avec 7,3% en 1998 et 5,4% en 1999.

Le commerce interne aux pays de l’OCDE augmenterait, pour sa part, plus vite que la moyenne du commerce mondial, avec 9,6% en 1998 et 7,5% en 1999. Les exportations de ces pays vers les pays tiers n’augmenteraient que de 2,1% en 1998 et de 5,7% en 1999, contre 7,2% en 1997, en conséquence de la contraction des débouchés dans les économies émergentes. Les importations réalisées par les pays de l’OCDE, favorisées par la forte dépréciation des monnaies des pays d’origine des produits concernés, seraient moins affectées, avec des taux de progression de 6,1% en 1998 et de 6,7% en 1999, en retrait il est vrai par rapport à celui de 1997, qui était de 7,8%.

b) La crise asiatique et ses conséquences

La crise asiatique est apparue lorsque, face à la dégradation de la situation financière des banques et entreprises des pays émergents d’Asie du sud-est, les capitaux internationaux se sont massivement désengagés des pays concernés, l’un après l’autre. Le premier pays touché a été la Thaïlande, dès le 2 juillet 1997. Ensuite, la crise s’est propagée aux Philippines, à l’Indonésie, puis à Hong Kong, ce qui a provoqué une importante crise boursière internationale dans la semaine du 20 octobre, et enfin, à la Corée. Le FMI a dû intervenir afin de s’assurer que la liquidité des pays concernés serait préservée.

Sur le fond, la crise s’explique par un certain nombre de facteurs, certains structurels, d’autres conjoncturels.

S’agissant des facteurs structurels, on note le manque de transparence et de rigueur du contexte dans lequel certaines des économies émergentes ont évolué : opacité des modes de direction des entreprises, insuffisante définition des droits de propriété, manque d’information sur la situation financière des emprunteurs, absence de règles prudentielles et de système efficace de surveillance, notamment des banques, spéculation effrénée, financement par l’emprunt international d’investissements à la rentabilité douteuse dans quelques secteurs exportateurs et l’immobilier, et parfois, systèmes politiques faibles et insuffisamment soucieux de l’intérêt collectif.

En ce qui concerne les facteurs conjoncturels, le lien des monnaies avec le dollar s’est avéré préjudiciable dès lors que ce dernier s’est apprécié, érodant la compétitivité de ces économies très dépendantes de leurs débouchés à l’exportation.

Une fois que la défiance des investisseurs se fut manifestée, le reflux des financements en provenance de l’étranger a rendu impossible le maintien de ce lien avec le dollar, provoquant une accélération du phénomène de retrait et le décrochage successif des différents pays affectés au fur et à mesure que les risques étaient réévalués, et que les arbitrages défavorables se portaient d’un pays à l’autre, dans le cadre d’un effet dit « de domino ».

La crise des changes et le retrait des capitaux ont entraîné une crise de liquidité d’autant plus forte que la dépréciation des monnaies a accru le poids de l’endettement contracté en devises étrangères, provoquant la faillite de nombreuses banques et institutions financières locales et un effondrement du crédit. Ce dernier a entraîné des faillites industrielles ainsi que de fortes tensions sur les taux d’intérêt accompagnées, en outre, d’un élargissement des écarts de taux sur les financements en devises.

Cette crise de liquidité a amplifié l’ajustement des prix des actifs financiers et immobiliers et a paralysé l’activité économique. Ses effets n’ont été estompés que partiellement, grâce à l’intervention de la communauté internationale et aux programmes de soutien mis en oeuvre par le FMI au profit de la Thaïlande, de l’Indonésie et de la Corée du Sud.

Selon le rapport annuel du FMI, rendu public le 13 septembre 1998, les engagements de la communauté internationale et du FMI en réponse à la crise asiatique pour la Corée, la Thaïlande et l’Indonésie, compte non tenu des engagements à l’égard des Philippines, atteignaient 117,7 milliards de dollars le 23 juillet 1998, comme l’indique le tableau ci-après.

                               

ENGAGEMENTS DE LA COMMUNAUTÉ INTERNATIONALE EN RÉPONSE À LA CRISE ASIATIQUE

(en milliards de dollars)

 

ENGAGEMENTS

 

Pays

FMI

Multilatéraux
(a)

Bilatéraux
(b)

Total

Versements du FMI

Indonésie 11,2 10,0 21,1* 42,3 5,0
Corée 20,9 14,0 23,3 58,2 17,0
Thaïlande 4,0 2,7 10,5 17,2 2,8
Total 36,1 26,7 54,9 117,7 24,8


Source : Fonds monétaire international.

* estimation

a) les engagements d’origine multilatérale sont ceux de la Banque mondiale et de la Banque asiatique de développement ;

b) les contributions d’origine bilatérale en faveur de l’Indonésie et de la Corée ont constitué une seconde ligne de défense.

Sur le plan de la croissance, la crise asiatique s’est traduite par une forte chute de l’activité, qui n’a pas été sans conséquences sur les pays développés, notamment le Japon dont les difficultés ont été aggravées.

Néanmoins, s’agissant des pays occidentaux, les effets de la crise apparaissent assez limités.

Le secrétariat de l’OCDE a procédé à une estimation des effets de la crise sur les pays de l’organisation, que résume le tableau ci-après.

           

EFFETS DE LA CRISE DANS LES PAYS ÉMERGENTS D’ASIE
SUR LES PAYS DE L’OCDE EN 1998 ET 1999

(écarts par rapport au scénario fondé sur l’absence de crise en Asie)

 

Croissance du PIB réel
(%)

Niveau du PIB réel
(%)

Balance courante
(en milliards de dollars)

 

1998

1999

1999

1998

1999

Etats-Unis - 0,4 - 0,4 - 0,8 - 13 - 27
Japon - 1,3 - 0,7 - 2,0 - 12 - 22
Union européenne - 0,4 - 0,2 - 0,6 - 19 - 28
Canada - 0,2 - 0,3 - 0,5 - 2 - 3
Australie et Nouvelle-Zélande - 0,9 - 0,1 - 1,0 - 3 - 4
Total OCDE, hors Corée - 0,5 - 0,3 - 0,8 - 53 - 90
Corée - 6,8 - 2,6 - 9,2 + 28 + 34
Total OCDE - 0,7 - 0,4 - 1,1 - 26 - 55

Source : Perspectives économiques, n° 63, juin 1998.

« Il ressort des chiffres que l’impact négatif sur la croissance globale de la zone de l’OCDE, à l’exclusion de la Corée, est d'environ un demi pour cent en 1998 et d’environ un quart pour cent en 1999, soit au total quelque trois quarts pour cent du PIB (3). Comme indiqué dans le n° 62 des Perspectives économiques de l’OCDE, le Japon est le plus touché et l’impact en 1998 est aussi relativement important en Australie et en Nouvelle-Zélande. Les répercussions sur les Etats-Unis sont similaires à celles ressenties par l’Union européenne, les engagements commerciaux de ces deux régions vis-à-vis des économies de marché émergentes d’Asie n’étant pas très différents. La variation globale des balances courantes dans la zone de l’OCDE, à l’exclusion de la Corée, s’établit aux alentours de 90 milliards de dollars »(4)

En ce qui concerne les effets de la crise dans les pays asiatiques émergents, de même que ceux de l’atonie persistante de l’économie japonaise, sur les économies occidentales, ils sont assez largement compensés par les conséquences de la baisse des taux obligataires et par celles de la détente monétaire, qui se traduit par une baisse des taux d’intérêt, ainsi que par la baisse des prix du pétrole.

De son côté, la direction de la prévision a tenté d’apprécier, de manière plus générale, les effets de la crise économique en Asie.

IMPACT INTERNATIONAL DE LA CRISE ASIATIQUE

Ecarts par rapport à un scénario sans crise

Crise dans les pays émergents d’Asie

Crise au Japon

Baisse des taux obligataires et détente monétaire

Impact global de la crise, y compris baisse du prix du pétrole

 

1998

1999

1998

1999

1998

1999

1998

1999

Niveau du PIB (en %)                
Etats-Unis

- 0,5

- 0,7

- 0,3

- 0,7

0,3

0,6

- 0,4

- 0,7

Union européenne

- 0,5

- 0,8

- 0,4

- 0,9

0,3

0,8

- 0,6

- 0,8

Allemagne

- 0,6

- 1,0

- 0,5

- 1,1

0,4

1,0

- 0,6

- 1,0

France

- 0,5

- 0,8

- 0,3

- 0,9

0,2

0,7

- 0,5

- 0,9

Niveau des prix (en %)                
Etats-Unis

- 0,8

- 1,6

- 0,3

- 1,3

0,3

1,2

- 0,9

- 1,8

Union européenne

- 0,5

- 1,0

- 0,2

- 0,8

0,0

0,3

- 0,7

- 1,6

Allemagne

- 0,3

- 1,0

-,0,1

- 0,6

0,0

0,3

- 0,3

- 1,4

France

- 0,2

- 0,6

- 0,2

- 0,7

0,0

0,1

- 0,5

- 1,3

Source : Ministère de l’économie, des finances et de l’industrie - Direction de la prévision.

Ainsi, selon la direction de la prévision, « globalement, on peut estimer que la crise asiatique et les difficultés japonaises coûteront de l’ordre d’un demi point de croissance à l’Europe en 1998, comme en 1999. Aux Etats-Unis, l’impact de la crise serait légèrement inférieur. La crise est également un important facteur de désinflation (selon les pays, l’inflation serait réduite d’un demi point à un point cette année comme l’an prochain) ».

2.- Un environnement financier en crise

a) Une sphère monétaire et financière en crise

L’environnement monétaire et financier international apparaît à l’automne 1998 en crise après avoir été profondément agité et perturbé au cours de l’année. Les fortes baisses boursières et monétaires, souvent corrigées par des hausses tout aussi soudaines, en témoignent.

A l’origine de l’agitation des marchés, on observe le renforcement de plusieurs facteurs susceptibles de provoquer des transferts massifs de capitaux et de fortes chutes des monnaies ou des valeurs mobilières :

– une défiance vis–à–vis des pays émergents qui n’ont pas été affectés directement par la crise asiatique et par la crise russe : pays de l’Europe orientale ; pays d’Amérique latine ; Chine ;

– une incertitude sur l’évolution des cours des actions américaines, qui ont beaucoup augmenté ces dernières années et dont le niveau reste très élevé eu égard aux bénéfices distribués, face aux perspectives de ralentissement de l’économie américaine et aux interrogations sur l’évolution des profits des entreprises dans un contexte de restriction des marchés, notamment au plan international ;

– des inquiétudes latentes, maintenant reléguées au second plan avec l’amplification de la crise et les craintes d’une récession affectant une majorité de pays, sur une éventuelle reprise de l’inflation dans les pays développés et un durcissement corrélatif de la politique monétaire. Ce phénomène a particulièrement affecté les Etats–Unis, où les marchés attendaient avec une impatience particulière les décisions de la Réserve fédérale relatives aux taux d’intérêt ;

– une inquiétude sur le devenir des créances douteuses des établissements bancaires et financiers, dont certains, avec l’internationalisation des marchés et la globalisation des économies, se sont fortement engagés sur les pays émergents d’Asie, d’Amérique latine, de Russie et d’Europe centrale et orientale ;

– une vigilance sur le maintien des capacités d’intervention internationale pour limiter l’ampleur des crises de défiance affectant la liquidité d’un pays.

A cet égard, le rapport annuel du FMI récemment publié note que le ratio de liquidité du fonds, défini comme le rapport des ressources utilisables et des engagements liquides, est passé de 120,5% à 48,8% du 30 avril 1997 au 30 avril 1998.

Si ce taux est inférieur au niveau jugé raisonnable de 70%, les capacités d’intervention du fonds apparaissent pour le futur préservées, d’une part, grâce aux Accords généraux d’emprunts qui permettent au FMI de mobiliser 15 milliards de dollars auprès des Etats ou des banques centrales de onze pays (5) pour soutenir, dans le cadre de son fonds d’urgence, l’économie d’un pays en cas d’urgence et de risque de crise, et d’autre part, grâce à l’augmentation de 45% des quotas (qui constituent les fonds propres du FMI) décidée cette année.

La montée de la défiance a conduit à une crise financière généralisée, qui s’est notamment aggravée après la publication par le FMI de ses perspectives de croissance dans le monde, révisées en baisse, au cours du mois de septembre, caractérisée par une forte chute des places occidentales, les seules encore en gain depuis le début de l’année.

Certes, cette forte baisse ne fait que corriger une hausse spéculative et excessive tout au long de l’année. Il n’en reste pas moins qu’elle est susceptible d’avoir des conséquences importantes sur le niveau de l’activité dans les différents pays occidentaux.

Elle s’est également traduite par une forte chute du dollar, passé de plus de 6,10 francs au début du mois de juillet 1998 à 5,48 francs le 5 octobre dernier.

b) La nécessité d’une action coordonnée des grands pays et des organisations internationales

Les crises monétaires et financières successives de ces dernières semaines, qui ont frappé notamment la Russie et l’Amérique latine, mettent l’accent sur la nécessité de procéder à la mise en place d’instruments internationaux de régulation des capitaux afin de mieux impliquer le secteur privé dans la régulation de ces crises, d’accroître la transparence des marchés, de renforcer le rôle des institutions financières internationales dans l’appréhension des défis mondiaux et de renforcer leur contrôle sur les économies émergentes.

Il est donc à souhaiter que les initiatives prises en ce sens aboutissent.

Dans cet esprit, votre Rapporteur général soutient donc les orientations tracées tant par le Premier ministre, M. Lionel Jospin (6), que par le ministre de l’économie, des finances et de l’industrie, M. Dominique Strauss-Kahn.

Selon le Premier ministre, il convient d’abord d’établir des règles, notamment prudentielles, pour le fonctionnement des marchés internationaux et des principes de transparence financière, à l’égard des « centres financiers offshore », entre autres. Il juge, par ailleurs, nécessaire de favoriser les flux financiers qui sont utiles à l’activité économique par rapport à ceux qui sont motivés par le seul but d’une plus-value spéculative à court terme. Mais il s’agit également d’aller plus loin en « renforçant l’architecture financière mondiale » grâce à la constitution de larges ensembles économiques régionaux, chacun structuré autour d’une union monétaire, et articulés entre eux par un régime de changes flexibles, mais maîtrisés. Les pays en voie de développement seraient, en outre, associés à la gestion des marchés financiers mondiaux.

La mise en oeuvre de telles orientations paraît, en effet, indispensable, pour mettre fin aux désordres monétaires et financiers internationaux actuels. Ainsi que l’a suggéré le ministre de l’économie, des finances et de l’industrie, M. Dominique Strauss-Kahn, l’économie internationale a besoin d’une refondation monétaire et financière semblable à celle à laquelle il avait été procédé à Bretton Woods en août 1944.

On doit donc se féliciter de ce que ces propositions trouvent un écho au sein de la communauté internationale, comme le montre l’intervention, le 14 septembre dernier, du Président des Etats-Unis, M. Bill Clinton, en faveur d’un soutien du FMI en Amérique latine et d’un renforcement des moyens du Fonds, et l’engagement, le même jour, des ministres et des gouverneurs des banques centrales du G7 à coopérer pour « préserver ou créer les conditions d’une croissance intérieure soutenable » pour leurs propres économies, dans le cadre d’une déclaration commune.

La Conférence des Nations-Unies pour le commerce et le développement (CNUCED), dans un rapport publié le 16 septembre 1998, propose d’instaurer un contrôle des mouvements de capitaux pour les pays débiteurs.

Parmi les propositions les plus intéressantes, on notera celle du Premier ministre du Royaume-Uni, M. Tony Blair, qui, dans un discours prononcé le 21 septembre dernier devant le New-York Stock Exchange, a proposé la refonte des institutions issues des accords de Bretton Woods, le FMI et la Banque mondiale, dont il estime que le rôle doit être renforcé.

Cette réforme serait fondée sur plusieurs éléments :

– une plus grande transparence avec la mise en place d’un code de bonne conduite en matière financière et monétaire, le développement des normes internationales de comptabilité publique et la fixation de principes généraux du gouvernement d’entreprise ;

– l’amélioration de la surveillance de la réglementation financière et l’institution d’une coordination entre le FMI et la Banque mondiale, d’une part, et les organismes dits régulateurs, Banque des règlements internationaux, Comité de Bâle, Fédération des sociétés de bourse, d’autre part ;

– la création d’un prêteur international en dernier ressort pour répondre aux crises de liquidités ;

– la maîtrise des flux de capitaux, grâce à une meilleure coopération entre les gouvernements et le secteur privé ;

– un meilleur contrôle de l’activité des organisations, notamment une évaluation externe des programmes du FMI.

Ces propositions rejoignent pour partie le mémorandum adressé par la France à ses principaux partenaires au cours du mois de septembre.

Celui-ci propose en effet les éléments suivants :

– une contribution européenne au soutien de la croissance mondiale ;

– la construction d’un nouveau Bretton Woods, fondé sur la mise en place d’un véritable gouvernement politique du FMI approuvant par vote les orientations stratégiques, le renforcement de la transparence du système financier international, le caractère progressif de l’ouverture des marchés de capitaux des pays émergents, le maintien d’un flux de capitaux publics d’aide au développement et l’association du secteur privé à la résolution des crises.

Par ailleurs, la crise financière mondiale pose de nouveau la question de la taxe dite « Tobin » proposée par le prix Nobel d’économie, James Tobin, en 1978. Cette taxe, proportionnelle aux transactions, constituerait certes un frein aux mouvements de court terme purement spéculatifs, en diminuant le rendement de ces opérations. La taxe serait d’autant moins lourde que la durée du placement dans la devise concernée serait long, eu égard au rendement des capitaux placés.

La mise en œuvre de cette taxe est cependant délicate car de nombreuses opérations de règlement d’opérations commerciales ou de couverture du risque de change seraient aussi taxées. En outre, les conditions de sa mise en place seraient exigeantes. Elle devrait nécessairement être mise en place par tous les Etats, sans exception aucune. De plus, il conviendrait de veiller à ce que le marché monétaire et financier mondial ne se retrouve à nouveau inutilement cloisonné.

Se fondant sur les mesures en vigueur au Chili, le rapport économique, social et financier annexé au projet de loi de finances pour 1999 montre les avantages d’un système de réserves obligatoires pour les prêts assurés par les banques étrangères et d’un contrôle des agences de notation internationales préalablement aux émissions des banques et entreprises sur les marchés internationaux.

Enfin, on observera avec satisfaction que les pays du G7 se sont engagés à endiguer la crise et à sauvegarder la croissance lors de leur réunion du samedi 3 octobre à Washington.

B.- DES ÉCONOMIES AFFAIBLIES OU EN VOIE DE RALENTISSEMENT EN DEHORS DE LA ZONE EURO

1.- La persistance de la crise au Japon

L’économie japonaise souffre d’une croissance particulièrement faible depuis le début de la décennie. Seule l’année 1996 a fait exception, avec une croissance de 3,9%. 1997 a été une année de quasi–stagnation, l’évolution du PIB étant de 0,9%. Pour 1998, la récession s’avère plus forte que celle qui était initialement prévue, le recul du PIB étant estimé à 1,8%.

Cette évolution défavorable s’explique d’abord par un facteur devenu structurel  : la faiblesse d’un système bancaire et financier affecté par l’éclatement des « bulles » de spéculation, boursière en 1990 et immobilière en 1992, et par le ralentissement de l’activité du début de la décennie, qui ont conduit à un gonflement anormal des créances douteuses qui s’élèvent à 17% du PIB, selon les estimations officielles, et à une dégradation des ratios prudentiels, à cause, notamment, de la réduction des plus–values latentes, comptabilisées dans le capital (7). Les effets de cette crise bancaire sont d’autant plus forts que les participations croisées sont importantes.

Elle provient également de facteurs conjoncturels. D’une part, la crise asiatique a été particulièrement dure pour ce pays qui réalisait, en 1996, une forte proportion de son commerce international avec les pays émergents de la région, (42,4% de ses exportations et 35,2% de ses importations) et a plus encore affaibli la situation de ses banques, fortement engagées dans la zone. D’autre part, l’atonie de la demande intérieure, qui affecte tant la consommation que l’investissement, est liée au resserrement budgétaire de l’année 1997. Cette politique restrictive s’est traduite par une réduction de 1,5 point de la demande totale de l’économie, avec, entre autres, une chute de 11,1% de la formation brute de capital fixe du secteur public. S’agissant de la consommation des ménages, celle–ci n’aura progressé que de 1,1% en 1997. Parmi les éléments explicatifs, on observera un climat général dégradé, l’augmentation de deux points de la taxe sur la consommation (équivalent de la TVA), qui est passée de 3% à 5%, le faible niveau de confiance des ménages face à une augmentation du chômage et à la stagnation des rémunérations, ainsi que les défaillances de grands établissements financiers. L’investissement privé a été affecté par le rationnement du crédit, consécutif aux difficultés persistantes des banques, mais a pu progresser de 4,5%, tandis que la construction de logements s’effondrait de 15,7%.

La baisse du yen face au dollar, 20% en un an, a certes amélioré la compétitivité des produits japonais, mais a aussi aggravé les difficultés d’une Asie en crise.

Le commerce extérieur continue de contribuer à la croissance, mais cela tient essentiellement au resserrement des importations, même si la chute du yen par rapport au dollar a amélioré, jusqu'à ce que le dollar faiblisse, très récemment, la compétitivité des produits japonais.

L’année 1998 est marquée par la persistance de cette récession. Certains observateurs craignent même que le pays ne soit au bord de la déflation ; le Japon a en effet connu trois trimestres successifs de récession : le quatrième trimestre de 1997 et les deux premiers trimestres de 1998. Le PIB pourrait diminuer de 2% cette année, selon les estimations du rapport économique, social et financier annexe au projet de loi de finances pour 1999, de 2,5% selon le FMI.

Dans ce contexte, les perspectives de reprise pour 1999 sont très incertaines. Les estimations, de l’ordre de 1%, récemment rectifiées à 0,5% par le FMI, paraissent étroitement liées à l’efficacité des mesures d’assainissement du système financier et à la réussite des mesures de relance budgétaire engagées par le Gouvernement, après l’échec de plusieurs plans de relance successifs. Il s’agit, d’une part, de la réduction des taux d’intérêt, avec, le 9 septembre dernier, un abaissement du taux au jour le jour, qui est passé de 0,5% à 0,25%, et des engagements de la Banque du Japon d’opérer une injection massive de liquidités dans le système bancaire, qui devra être restructuré. La réduction des taux d’intérêt devrait avoir cependant un impact limité, leur niveau étant faible depuis longtemps déjà et l’absence de reprise laissant penser que cet instrument est inefficace, en dehors du soulagement qu’il apporte aux établissements financiers. D’autre part, un plan de relance, décidé en avril 1998, a complété des mesures de soutien déjà adoptées au cours de l’année 1997 et en février 1998 ; il portait sur 16.600 milliards de yens (soit environ 760 milliards de francs). De nouveaux allégements fiscaux et des dépenses publiques supplémentaires ont été annoncés, qui devraient avoir des effets positifs.

Le nouveau Gouvernement a en effet pris l’engagement de prendre des mesures supplémentaires pour dynamiser la demande. Ce huitième plan devrait représenter 3,5% du PIB, dont 2 points au titre des dépenses publiques et 1,5 point au titre d’allégements fiscaux.

2.- L’incertitude sur la reprise des économies émergentes d’Asie

La résorption des conséquences de la crise asiatique s’avérant très difficile, le calendrier de la reprise reste des plus incertains pour les économies émergentes d’Extrême-Orient.

Le redémarrage de l’activité ne peut être que graduel et dépend essentiellement de la capacité des pays concernés à mettre en oeuvre les réformes structurelles susceptibles de restaurer la confiance des investisseurs internationaux.

a) La forte récession des pays affectés par la crise asiatique

A l’exception de Singapour, de la Chine et de Taiwan, dont la production n’aura connu qu’une petite inflexion de sa croissance, grâce à une inflation maîtrisée, un secteur bancaire assez sain, un solde extérieur positif et un taux d’endettement extérieur peu élevé, ainsi qu’à une industrie très compétitive, les pays émergents d’Extrême–Orient ont connu cette année une phase de contraction.

Une fois passées les premières conséquences de la crise financière, le maintien à un niveau élevé des taux d’intérêt à court terme, le caractère déprimé des marchés boursiers, l’évolution défavorable des taux de change, et un étranglement du crédit aggravé par les difficultés des banques en raison de la forte baisse des prix de l’immobilier, ont entraîné un repli de l’activité économique et des tensions inflationnistes résultant de l’augmentation des prix des produits importés. Ainsi, l’ensemble de ces pays connaît un net ralentissement, avec une récession particulièrement marquée en Thaïlande, en Indonésie et en Malaisie et des perspectives qui restent déprimées et dépendantes d’ajustements difficiles. Pour l’avenir, l’amélioration des perspectives apparaît étroitement liée à la poursuite de l’assainissement du système financier, nécessaire au développement du crédit et à un retour à la confiance des investisseurs internationaux.

La Corée du Sud, qui a bénéficié, à l’automne 1997, d’un programme de renflouement de 57 milliards de dollars sous l’égide du FMI face à la menace d’un défaut de paiement, a été particulièrement affectée, avec une forte chute de la demande intérieure de près de 10% cette année, après 3,1% en 1997. Le PIB pourrait chuter de 6% cette année. Les perspectives s’éclaircissent cependant, compte tenu des importantes restructurations industrielles ou bancaires et des mesures de relance annoncées. Elles permettent d'envisager, peut-être, un retour à la croissance dès 1999.

b) Une conjoncture très dépendante de l’évolution de la Chine

La situation de la Chine est suivie avec attention par les opérateurs internationaux, dans la mesure où elle présente certains signes de fragilité et où l’on craint une nouvelle déstabilisation des pays émergents voisins. Une dévaluation du yuan s’avérerait très préjudiciable aux économies des autres pays nouvellement industrialisés d’Extrême–Orient. La relance de la compétitivité des produits chinois, concurrents des leurs, porterait, en effet, préjudice à leur rétablissement, déjà difficile.

Or, on observe que l’économie chinoise présente certains des facteurs de faiblesse qui ont conduit au déclenchement de la crise en Thaïlande : l’importance des créances douteuses du système bancaire, fortement concentré ; le déficit persistant des entreprises publiques ; le développement des activités spéculatives favorisé par l’abondance du crédit dans les années passées ; l’encours de la dette extérieure, qui a crû de manière notable.

Cependant, sur le plan financier, la situation de la Chine reste solide, avec un excédent des comptes courants, même si celui–ci diminue rapidement (2,5% du PIB en 1997, et une prévision de 1,2% en 1998 et de 0,6% en 1999), ainsi que l’absence de libre convertibilité du yuan.

S’agissant de la croissance, l’économie chinoise connaît en 1998 un certain ralentissement lié à l’érosion de ses exportations et au fléchissement de la demande intérieure, notamment de la consommation. La croissance reste cependant de l’ordre de 5,5% et pourrait être paradoxalement renforcée par la nécessité de reconstruire une partie des régions inondées par les crues de l’été.

Pour l’avenir, le raffermissement des perspectives de l’économie chinoise exige la résolution des faiblesses structurelles de l’appareil de production et du système bancaire.

En ce qui concerne Hong–Kong, le freinage de l’activité est spectaculaire, avec une croissance de 0,9% cette année contre 5,2% en 1997. Pour 1999, les perspectives sont meilleures, sous réserve des éventuelles évolutions des marchés financiers et de l’assainissement d’un secteur financier fortement affecté par la chute de l’immobilier et les conséquences de la crise des pays voisins.

3.- La fragilité des économies des pays d’Europe de l’Est
et d’Amérique latine

De manière générale, les économies émergentes des pays d’Europe orientale et d’Amérique latine ont été fragilisées par la crise asiatique et la crise russe.

a) La crise russe

L’année 1997 a été la première, depuis le début des transitions économiques, durant laquelle la Russie n’a pas enregistré de diminution de sa production sur l’ensemble de l’année.

Cependant, les difficultés persistantes en matière de recouvrement des impôts par l’Etat et de versement des salaires, l’instabilité des marchés et l’effondrement des prix des matières premières ont eu raison des perspectives favorables qui semblaient s’esquisser. De plus, l’épuisement d’un système financier fondé sur des taux d’intérêt élevés attirant des capitaux internationaux qui s’investissaient surtout en emprunts d’Etat, a aggravé les difficultés financières de l’Etat et a empêché le financement des investissements nécessaires au développement économique.

La crise russe a ainsi éclaté le 17 août dernier, lorsque le Gouvernement a renoncé à défendre la parité du rouble vis–à–vis du dollar, et a annoncé la suspension du remboursement de la dette extérieure pour une durée de quatre–vingt–dix jours, provoquant, sur le plan interne un début de panique qui a eu des effets dévastateurs sur une économie profondément désorganisée, mettant notamment en péril les établissements financiers. La fuite devant la monnaie, par l’achat de devises et le stockage des biens, et l’hyperinflation ont réapparu. L’économie pourrait régresser de 6% cette année selon le FMI.

Les perspectives économiques dépendant essentiellement de l’évolution de la situation politique, votre Rapporteur général observera seulement que la résolution des difficultés structurelles de l’économie russe exige que plusieurs conditions soient remplies, dont la première est le rétablissement de la capacité de l’Etat à lever les impôts, ne serait–ce que pour préserver sa capacité d’emprunt.

b) L’Europe de l’Est

En 1997, les pays d’Europe centrale, hors Russie et pays balkaniques, ont bénéficié d’une croissance proche de 5%. Cette performance est assez remarquable, car elle s’est accompagnée de la poursuite de la réduction de l’inflation, laquelle reste cependant élevée en raison du dynamisme de la demande, notamment de la consommation privée et de l’investissement. Ce dynamisme pèse cependant sur les comptes extérieurs, déficitaires, et a même imposé deux plans de stabilisation successifs en République tchèque.

Pour 1998, le taux de croissance devrait être de l’ordre de 4,3% pour l’ensemble de ces pays, la République tchèque faisant exception avec 1,5% environ. Les perspectives de 1999 étaient assez favorables, avant que n’éclate la crise russe.

S’agissant de l’économie des pays balkaniques, 1997 a été marquée par l’inflation et la récession. Pour 1998 et 1999, une certaine amélioration était attendue.

c) La crise financière en Amérique latine

En 1997, l’Amérique latine a connu une croissance de 5,1%, particulièrement remarquable, notamment en Argentine, au Pérou et au Chili.

Le Venezuela a commencé à se relever de la récession de 1996. Ce dynamisme a eu pour contrepartie l’accroissement du déficit courant, comblé heureusement par des entrées de capitaux sans précédent. La croissance a même atteint 7%, poussée par le dynamisme de la demande intérieure privée, ce qui représente un rattrapage de la chute de 1995.

Pour 1998, l’économie des pays d’Amérique du Sud est marquée par un ralentissement qui est la conséquence de la crise asiatique et particulièrement de la baisse des cours des produits de base, notamment du pétrole. La croissance devrait s’établir à 2,8%. Le Brésil est d’autant plus affecté qu’après un resserrement de la politique économique, monétaire et budgétaire, opéré à la fin de 1997, ce qui n’était pas sans influence sur l’Argentine, il a été touché de plein fouet par la crise financière.

Pour 1999, le FMI donne des perspectives de croissance de 2,7%.

4.- Une moindre croissance dans les pays anglo-saxons

Les économies anglo–saxonnes, dont le Royaume–Uni qui présente un décalage conjoncturel avec l’Europe continentale, devraient connaître, en 1999, un ralentissement, pour partie lié à des éléments externes tels que le niveau du dollar et de la livre ainsi que la crise asiatique, qui a restreint leurs débouchés, mais également, à des facteurs internes de réduction du dynamisme de la demande intérieure.

Par ailleurs, on ne manquera pas d’observer que ce ralentissement correspond à la fin d’un cycle d’expansion qui aura été, s’agissant des Etats-Unis, particulièrement long.

a) Le ralentissement de l’économie américaine

L’économie américaine aura connu, en 1998, sa septième année de croissance consécutive. Après un exercice 1997 jugé extrêmement satisfaisant par l’OCDE, en raison d’un taux de croissance de 3,8%, 1998 serait également marqué par une progression de l’ordre de 3,4%, selon le rapport économique, social et financier annexé au projet de loi de finances pour 1999. On notera plus particulièrement la performance du premier trimestre, avec une forte progression correspondant à un taux annuel de 5,5%. La croissance du deuxième trimestre a été plus modeste, avec un rythme annuel estimé de 1,4%, en raison d’un réajustement des stocks, dont le niveau était particulièrement élevé, ainsi que d’une dégradation des résultats du commerce extérieur, marqué par la progression soutenue des importations et le repli des exportations.

Il est remarquable que, malgré des pressions certaines, l’inflation ait été maîtrisée. On observera, en effet, que l’amélioration du marché du travail, avec un taux de chômage, particulièrement bas, de 4,8% en 1998, a entraîné une accélération des gains horaires et des coûts de l’emploi, laquelle a été compensée par un accroissement de la productivité du travail, une expansion rapide des capacités de production et une baisse des prix à l’importation.

L’année 1999 devrait cependant être marquée par un moindre dynamisme, plusieurs facteurs d’ordres interne et externe contribuant à une réduction de la croissance.

Sur le plan externe, les conséquences négatives de la crise asiatique et de la persistance des difficultés du Japon auraient un impact encore significatif. La perte de croissance résultant du premier facteur passerait de 0,5% du PIB en 1998 à 0,7% du PIB en 1999. S’agissant des conséquences de la crise japonaise, les pertes de croissance seraient respectivement de 0,3% et de 0,7%. Ces effets ne seraient que partiellement compensés par ceux, bénéfiques, de la baisse des taux d’intérêt et de la détente monétaire, qui représenteraient un supplément de croissance de 0,6% du PIB en 1999, contre 0,3% en 1998.

Globalement, même si on peut compter sur une relative reprise de certaines exportations de biens avec le rétablissement progressif de la situation en Asie, la contribution du commerce extérieur américain à la croissance serait négative. L’OCDE a ainsi estimé, au printemps dernier (8), que les importations de biens continueraient à croître à un rythme significatif, avec 9,7% en 1999, même si on note un retrait par rapport aux deux années antérieures (13,6% en 1998 et 15% en 1997), alors que les exportations ne croîtraient qu’à un rythme beaucoup plus modéré, de 5,2% en 1998 et 5,4% en 1999, contre 15,1% en 1997 et 9,5% en 1996. Néanmoins, la baisse récente du dollar pourrait faciliter les exportations.

Sur le plan interne, après une année 1998 où elle aura été assez soutenue, la consommation privée devrait connaître un certain ralentissement et s’établir à 3%, en retrait par rapport aux années 1997 et 1998 (respectivement 3,3% et 3,8%). La baisse des prix des produits importés, qui a marqué l’année 1998, n’aurait plus le même effet, et le redressement du taux d’épargne ainsi que la contraction des dépenses financées à l’aide des plus–values réalisées sur le marché boursier contribueraient également à peser sur la consommation. La progression de l’investissement des entreprises devrait également se ralentir après le rythme particulièrement soutenu de ces dernières années, l’OCDE relevant que le stock de capital atteindra, en 1999, un niveau sans précédent depuis vingt ans.

Sur le plan monétaire, la baisse de 0,25% du niveau des fonds fédéraux, observée le 29 septembre dernier, a ramené le taux d’intérêt de 5,50% à 5,25% et constitue ainsi un facteur favorable au soutien de la croissance.

L’importance de la croissance pour 1999 dépend, en outre, de trois facteurs essentiels qui peuvent lourdement peser sur l’évolution de l ’économie américaine dans les prochains mois : l’évolution des marchés financiers, qui affecte les ménages américains ; le niveau du dollar, notamment par rapport à l’euro, qui peut avoir un effet dopant sur le commerce extérieur, une poursuite de la dépréciation favorisant certes la compétitivité des entreprises américaines et un renforcement des exportations, mais pouvant également favoriser les pressions inflationnistes au moment où la demande faiblirait ; le niveau du ralentissement de la consommation, déterminant pour la croissance.

Le rapport économique, social et financier annexé au projet de loi de finances pour 1999 prévoit une croissance de 1,9% pour 1999, ce qui est proche de la plus récente prévision du FMI, publiée à la fin du mois de septembre 1998 (2%).

b) L’affaiblissement de la croissance au Royaume–Uni

Après plusieurs années de croissance satisfaisante depuis 1994, dont l’année 1997 n’aura pas été la moindre avec une progression de 3,3%, l’économie du Royaume–Uni est entrée cette année dans une phase de ralentissement, qui devrait être plus marquée l’an prochain. Le PIB augmenterait de 2,3% en 1998 et de 1,6% en 1999.

Ce ralentissement ne constitue guère une surprise, la croissance ayant entraîné des tensions inflationnistes. Ces dernières se sont notamment manifestées sur le marché du travail : la progression de l’emploi a été de 2% en 1997, le taux de chômage a été réduit à son plus bas niveau depuis 1980 et l’augmentation des gains moyens a été appréciable. Il faut également tenir compte des perspectives liées à l’introduction d’un salaire minimum. Ces pressions sur les prix ont cependant eu des conséquences modérées, sous l’effet de la baisse des prix des produits importés consécutive à l’appréciation de la livre sterling à partir de 1996 et de la baisse des prix des produits de base.

La réduction de l’activité est plus largement le fruit de la manière dont a été orientée la politique économique, policy mix, notamment la politique monétaire, conduite par la Banque d’Angleterre, qui a pris des orientations restrictives depuis deux ans déjà.

Les conditions monétaires ont été durcies dès la mi–1996. Elles ont été renforcées au second semestre 1997. Le taux des prises en pension de la Banque d’Angleterre a ainsi été relevé de manière significative, ce qui s’est traduit par une augmentation des taux d’intérêt à court terme, qui sont passés de 6% en mai 1997 à 7,5% en juin 1998.

La politique budgétaire a également fait l’objet de mesures semblables sur les exercices 1997/1998 et 1998/1999, même si les dépenses publiques devraient augmenter de 4% sur le deuxième exercice. Le déficit des administrations publiques pourrait ainsi être réduit et passer de 1,9% du PIB en 1997 à 0,8% en 1998 et 0,4% en 1999.

S’agissant des facteurs externes, sans qu’il faille négliger, naturellement, l’impact de la crise asiatique, l’appréciation de la livre sterling depuis le milieu de l’année 1996 a érodé la compétitivité des produits britanniques, ce qui a entraîné un ralentissement sensible des flux d’exportation. Leur croissance devrait ainsi passer à 5% en 1998 et 4,8% en 1999, après les taux assez dynamiques de 6,8% en 1996 et 8% en 1997. Les importations se maintiennent, en revanche, à un taux similaire à celui des années précédentes, avec une croissance de 9% en 1998.

S’agissant de la demande interne, les taux de croissance de la consommation et des investissements, encore vigoureux en 1998, avec respectivement 2,1% et 5%, devraient s’établir à des niveaux jugés par l’OCDE proches de leurs moyennes de long terme : 2,1% et 3,5%.

Ce ralentissement de la demande, qui devrait conduire à un apaisement des tensions inflationnistes, pourrait permettre dans le futur un assouplissement de la politique monétaire et un retour à la croissance.

C.- DES PERSPECTIVES PLUS FAVORABLES POUR LA ZONE EURO

Pour 1999, les perspectives des onze pays de la zone euro sont plus favorables que pour le reste du monde, l’activité devant progresser à un rythme assez soutenu après avoir connu une accélération qui s’est amorcée au cours de l’année 1997 et s’est poursuivie cette année.

Cette situation peut sembler paradoxale dans un contexte marqué par la crise asiatique et, plus récemment, par la crise russe.

Elle tient pour l’essentiel au fait que l’Europe continentale se trouve dans une phase de reprise lui permettant de supporter des facteurs négatifs venus du reste du monde dans la mesure où son exposition aux risques extérieurs est assez faible. En effet, le degré d’ouverture de la zone euro n’est que de 10% environ ; son degré d’exposition aux pays émergents d’Asie et au Japon est inférieur à 2% de son PIB et s’établit à 1,4% vis-à-vis de la Russie et des pays de l’Est, si l’on se réfère à la structure des exportations.

En outre, certaines des conséquences de la crise asiatique et de la crise russe, telles que la chute des cours de matières premières et la détente des taux d’intérêt à long terme consécutive à l’afflux de capitaux motivé par les bonnes perspectives de l’euro et la recherche de placements plus sûrs par les investisseurs, compensent, au moins partiellement, la restriction des débouchés à l’exportation.

Cependant, le niveau du dollar, qui a chuté de près de 10% depuis le début du mois d’août, de 6 francs à 5,50 francs, représente un élément d’incertitude notable pour l’ampleur de la reprise européenne.

1.- Une croissance plus ferme, recentrée sur les facteurs internes

Les perspectives des pays de la zone euro sont assez favorables, avec une reprise de la croissance : 2,9% en 1998 et 2,8% en 1999, soit des taux supérieurs à 1997 (2,5%) et à 1996 (1,6%), selon les estimations du rapport économique, social et financier annexé au projet de loi de finances pour 1999. Ce décalage conjoncturel par rapport au reste du monde s’explique par une réorientation de la croissance au profit des facteurs internes.

Ce recentrage s’observe d’abord dans le fait que le commerce extérieur, qui a contribué à la croissance en 1997, à raison de 0,7 point, n’aurait plus d’influence positive sur l’activité en 1998 et en 1999. Après avoir progressé de plus de 8% en 1999, les exportations de la zone euro connaîtraient ainsi une évolution plus modérée de 5% environ par an sur 1998 et 1999. Cette évolution tient d’une part au recul des exportations vers les pays asiatiques et au ralentissement des économies anglo–saxonnes, d’autre part, à la perte de compétitivité consécutive à la dépréciation des monnaies de pays émergents. A l’inverse, les importations provenant de pays extérieurs à la zone resteraient soutenues, en liaison avec le dynamisme de la demande interne.

En contrepartie, la demande intérieure a clairement pris le relais comme facteur de croissance. La consommation privée présente un certain dynamisme, soutenue par plusieurs facteurs : une reprise de l’évolution du pouvoir d’achat, qui connaîtrait une progression de 2,6% en 1998 et de 2,9% en 1999, en net progrès par rapport à 1996 et 1997, au cours desquelles les chiffres de 0,8% et de 1,2% ont été constatés, les salaires réels et l’emploi évoluant favorablement ; un regain de confiance des ménages ; le faible niveau des taux d’intérêt ; le caractère moins restrictif des finances publiques. Les perspectives sont également favorables aux investissements, notamment aux investissements productifs, en raison, d’une part, de la baisse des taux d’intérêt à long terme et, d’autre part, d’une certaine tension sur l’utilisation des capacités de production. Enfin, il faut relever que le développement des échanges à l’intérieur de la zone exercera un effet stabilisateur non négligeable.

Cette conjoncture apparaît ainsi favorable à l’emploi, dont la croissance, assez faible en 1997 à raison de 0,2%, apparaît plus significative dès cette année, avec 1%. Le taux de chômage a ainsi diminué, s’établissant à 11,2% en juin 1998 contre 11,8% un an auparavant.

Au–delà des tendances communes, on observe un décalage conjoncturel qui conduit à opérer la distinction entre les pays, certains d’entre eux étant en avance par rapport au cycle européen. Au coeur de l’économie de la zone euro, on trouve l’Allemagne, la France et l’Italie, qui contribuent de manière prépondérante au cycle économique. A la périphérie, et en avance par rapport au cycle européen, les Pays–Bas, la Finlande, l’Irlande, l’Espagne et le Portugal.

En ce qui concerne l’Allemagne, après plusieurs années de croissance lente, la reprise s’est manifestée avec un taux de 2,2% en 1997 et des perspectives de 2,6% cette année et 2,7% en 1999. La croissance de l’année 1997 a principalement été alimentée par les exportations. L’année 1998 a débuté avec une reprise de l’ensemble des composantes de la demande intérieure, à l’exception des stocks. L’accélération la plus notable a concerné l’investissement privé, qui a cru au rythme de 5,4% au premier trimestre. La consommation privée a notamment bénéficié de la relative décrue du chômage et d’un certain retour à la confiance des ménages. Pour l’année 1999, la croissance devrait être soutenue par les mêmes composantes.

S’agissant de l’Italie, la reprise s’est engagée au second semestre 1997 et a reposé sur la consommation. Au début de l’année 1998, les perspectives sont renforcées par une forte progression des investissements. L’économie devrait connaître une croissance de 2,4% en 1999 contre 1,8% en 1998.

2.- La possibilité de tirer parti de certains des effets

de la crise asiatique

L’impact de la crise asiatique et de l’atonie de l’économie du Japon est estimé par la direction de la prévision, pour la zone euro, à une perte de croissance d’un demi point de PIB en 1998 et de trois quarts de points en 1999.

Si cet impact est réduit, c’est grâce à l’effet significatif de la détente monétaire et de la réduction des prix du pétrole, estimé pour l’ensemble de la zone euro à 0,3 point de croissance en 1998 et 0,8 point en 1999.

a) La réduction des cours des matières premières

La crise asiatique a entraîné de fortes chutes sur les marchés des matières premières et des produits de base, en provoquant une contraction de la demande dans la zone, qui a constitué, au cours des années précédentes, le marché le plus dynamique de ces produits et le principal vecteur de la demande mondiale.

Cette évolution constitue indéniablement un facteur favorable à la croissance en Europe, en entraînant une réduction des coûts de production et une amélioration du pouvoir d’achat des consommateurs. Même si le redressement de certains marchés, comme celui du pétrole, doit être envisagé, les cours devraient rester assez modérés en 1999.

Le prix du pétrole (estimé d’après le panier OPEP) a connu, après octobre 1997, une forte réduction, de 30% en moyenne, les effets négatifs de la chute de la demande consécutive à la crise asiatique venant accentuer la pression sur un marché par ailleurs structurellement sujet à un excès d’offre avec la montée en puissance des pays extérieurs à l’OPEP depuis le milieu des années 1980. Le cours est ainsi passé de 18,8 dollars le baril, en moyenne sur l’année 1997, à 11,5 dollars le baril, avant de remonter légèrement. Il a atteint un niveau inférieur à celui d’avant la crise pétrolière de 1973, hors inflation.

En ce qui concerne la demande, l’effet de la crise des pays d’Extrême–Orient a été d’autant plus fort que ce marché a été le plus dynamique dans les années passées, puisqu’il a représenté, de 1991 à 1997, près du tiers de la demande mondiale de pétrole. En outre, la douceur climatique de l’hiver 1997–1998 a entraîné une faible croissance de la demande des pays de l’OCDE.

L’excès d’offre a trouvé son origine, d’une part, dans la difficulté des pays producteurs à respecter les contingents fixés, ce qui a conduit l’OPEP à prendre acte de cette situation et à les relever en novembre 1997, d’autre part, dans le retour de l’Irak sur le marché après 1996, en application de l’accord « pétrole contre nourriture » conclu avec l’ONU.

Plusieurs engagements ont été récemment conclus entre les pays producteurs de manière à réduire l’excédent de l’offre et à provoquer une remontée des cours.

L’évolution des prix sur le second semestre de l’année 1998 et l’année 1999 dépend donc essentiellement de la capacité des pays producteurs concernés à respecter leurs engagements et de la capacité de l’économie mondiale à résorber les stocks pétroliers, lesquels ont atteint en juillet dernier un niveau particulièrement élevé.

Les prix devraient ainsi remonter. Un cours s’établissant entre 15 et 17 dollars le baril peut donc être envisagé.

Le maintien de l’excédent structurel de l’offre sur la demande devrait, en effet, maintenir les prix à un niveau relativement modéré, mais acceptable pour les producteurs.

S’agissant des autres produits de base, l’ensemble des marchés ont été déséquilibrés par la crise asiatique, qu’il s’agisse des produits agricoles à usage alimentaire tels que le blé ou le sucre, des matières à vocation industrielle comme le coton, ou des métaux. Pour ces derniers, les cours ont chuté de manière assez spectaculaire, une réduction de 42% ayant été enregistrée sur le nickel, de 24% sur l’aluminium de septembre 1997 à août 1998. L’or est également affecté.

Le mouvement d’ajustement des stocks opéré ces derniers mois n’a pas eu de répercussion positive sur les prix. Aussi, malgré de bonnes perspectives de développement de la demande en Europe et aux Etats–Unis, un redressement rapide des cours n’est pas envisagé.

b) La détente des taux d’intérêt

La crise asiatique a entraîné un reflux des capitaux vers les économies occidentales, et particulièrement celles d’Europe continentale, sous l’effet de la « préférence pour la qualité », qui conduit les investisseurs à rechercher la sécurité en période troublée et à préférer les valeurs mobilières - surtout les obligations - des grands pays industrialisés. Ce reflux a permis une réduction des taux d’intérêt à long terme.

De manière générale, la défiance des investisseurs à l’égard de l’ensemble des pays émergents alimente ce phénomène, qui est venu prolonger une tendance de fond à la réduction des taux d’intérêt, engagée à la fin de l’année 1992 et concernant tant les taux courts que les taux longs. Ce mouvement s’est appuyé sur la maîtrise de l’inflation, sur la perspective de l’euro, ainsi que sur la disparition progressive des contraintes liées au financement de la réunification allemande.

Ainsi, le taux moyen à trois mois, pondéré sur la base du PIB de chacun des onze Etats de la zone euro, est passé de 5,8% au début de 1996 à 3,9% en août 1998.

De manière plus concrète, de janvier 1997 à septembre 1998 les taux à dix ans sont passés de près 6% en France et en Allemagne à 4,03% pour le taux des emprunts d’Etat allemand à dix ans et à 4,18% pour les OAT à dix ans en France le 12 septembre 1998.

Pour l’avenir, ce faible niveau des taux ne devrait pas être remis en cause par la politique budgétaire des différents pays concernés, compte tenu de la poursuite de la nette amélioration des finances publiques constatée depuis 1995 et des obligations du pacte de stabilité. En outre, la zone euro est clairement apparue, à l’occasion des turbulences monétaires et financières de ces derniers mois, comme une zone refuge pour les capitaux.

c) Des perspectives d’évolution des prix favorables

Les perspectives d’évolution des prix apparaissent favorables dans les pays de la zone euro. L’inflation a d’ailleurs continué à baisser, avec 1,6% en 1997 et une moyenne annuelle de 1,3% au premier semestre 1998.

Ces perspectives reposent sur plusieurs éléments.

Sur le plan interne, il faut rappeler, d’une part, la modération des évolutions salariales et l’importance des gains de productivité et, d’autre part, l’existence d’un écart d’environ 2% entre le niveau du PIB et le potentiel de production de l’ensemble des pays de la zone, selon le FMI et l’OCDE. Le retard de la demande enregistré depuis le début de la décennie n’a donc pas été comblé.

Sur le plan extérieur, on observe, outre la faiblesse ou la modération des cours des matières premières, une absence de perspectives de reprise de l’inflation chez les principaux partenaires commerciaux des pays de la zone euro. Dans les pays anglo–saxons, les tensions inflationnistes resteraient encore assez modérées avec 2,5% au Royaume-Uni, 2,7% aux Etats–Unis et 1,5% au Canada. S’agissant du Japon, l’importance des pressions déflationnistes fait que l’on peut s’attendre à une baisse des prix au second semestre 1998 et au cours de l’année 1999.

Les perspectives économiques des pays de la zone euro apparaissent ainsi plus favorables que celles des autres pays. Parce qu’elles reposent sur des éléments internes, elles ne sauraient être fondamentalement remise en cause par les évolutions extérieures.

Néanmoins, il convient de rester vigilant face à l’évolution du dollar. Une baisse sensible de son taux de change vis-à-vis de l’euro assombrirait les perspectives économiques européennes et pourrait nuire au maintien d’une forte croissance et au développement de l’emploi.

La bonne santé, à terme, de l’économie européenne repose sur une parité raisonnable entre l’euro et le dollar.

CHAPITRE II

LA CROISSANCE FRANÇAISE RETROUVÉE A BESOIN D’ÊTRE CONFORTÉE

Au vu des comptes du deuxième trimestre de 1998, la situation de notre économie est conforme aux prévisions formulées à l’automne 1997. Si la dégradation de l’environnement extérieur se traduit par un tassement des exportations (+ 0,1% au premier trimestre et au deuxième trimestre de 1998, contre encore + 1,5% au quatrième trimestre de 1997), les facteurs internes ont pris le relais pour nourrir la croissance.

La consommation des ménages s’est notablement accélérée, avec un « acquis de croissance » de 2,9% à la fin du premier semestre de 1998, l’investissement des entreprises enregistrant, de son côté, un acquis de croissance de 5,7%.

Au total, gagnant en autonomie, la croissance devrait, malgré les périls extérieurs, conserver sa vigueur, le consensus des conjoncturistes restant en phase avec la prévision raisonnée -  2,7% - qui sous-tend le présent projet de loi de finances.

Mais, dans un environnement international perturbé, rester sur ce chemin de croissance suppose que les pouvoirs publics ne demeurent pas inertes. La vigueur de la consommation requiert le maintien des orientations définies l’an passé pour soutenir le pouvoir d’achat, particulièrement en direction des classes moyenne et populaire. Le ressort de l’investissement doit être maintenu en faisant bénéficier également les entreprises des baisses d’impôt qu’autorise l’amélioration de la situation de nos finances publiques. Une politique active, et sélective, de la dépense publique doit, enfin, apporter sa contribution au soutien de la demande intérieure.

Avant d’aborder l’évolution de l’investissement et de la consommation, qui constituent le moteur de l’actuelle croissance, on rappellera quelle a été l’évolution, au cours de la décennie, des différentes composantes de la croissance française.

CONTRIBUTIONS À LA CROISSANCE DU PIB

aux prix de l’année précédente

Contributions

1990

1991

1992

1993

1994

1995

1996

1997

Consommation finale

– des ménages

– des administrations publiques

– des administrations privées

1,4

0,4

0

0,7

0,5

0

0,8

0,6

0

0

0,6

0

0,8

0,2

0

0,9

0

0

1,1

0,5

0

0,4

0,2

0

Formation brute de capital fixe

dont : – SQS-EI non financières

0,6

0,5

0

0

- 0,7

- 0,2

- 1,3

- 0,9

0,2

0,1

0,4

0,3

- 0,2

0

0

0

Variations de stocks 0,2 - 0,7 - 0,5 - 1,0 1,3 0,4 - 0,6 0,1
Echanges extérieurs de biens et services

dont : – Exportations

        – Importations

- 0,2

1,2

- 1,4

0,3

0,9

- 0,6

0,8

1,1

- 0,3

0,4

- 0,3

0,7

0,1

1,5

- 1,4

0,3

1,3

- 1,0

0,5

1,2

- 0,7

1,5

3,2

- 1,7

Produit intérieur brut 2,4 0,8 1,0 - 1,3 2,6 2,0 1,3 2,2

Source : Comptes de la Nation.

A.- UNE REPRISE DE L’INVESTISSEMENT DANS UN CONTEXTE DE BONNE SANTÉ FINANCIÈRE DES ENTREPRISES

1.- Le réveil de l’investissement

La reprise économique, amorcée en 1996 grâce à la demande extérieure et stimulée ensuite par la demande intérieure, se traduit, à partir du milieu de l’année 1997, par une progression de l’investissement productif, alors que celui-ci était très décevant depuis la récession de 1993. Alors qu’elle avait atteint, en 1992, ce qui apparaît comme un sommet, avec 700 milliards de francs courants, la formation brute de capital fixe (FBCF) des sociétés et quasi-sociétés (SQS) s’est fortement contractée, avec 639 milliards en 1993, avant de progresser médiocrement en 1994 (650 milliards), 1995 (673 milliards) et 1996 (676 milliards).

Le retournement du deuxième trimestre de 1997 ne se traduit pas dans les statistiques annuelles, qu’il s’agisse de cette même FBCF en 1997 (674 milliards), du taux d’investissement (FBCF/valeur ajoutée) ramené pour les SQS de 16,1% en 1996 à 15,5% en 1997 ou de l’investissement productif de l’ensemble des sociétés et quasi-sociétés et entreprises individuelles, dont l’INSEE, a considéré, dans sa note de conjoncture de juin 1998, qu’il n’a pas progressé sur l’ensemble de l’année 1997.

                 

INVESTISSEMENT PRODUCTIF DES ENTREPRISES

(volumes aux prix de l’année précédente, évolutions en %)

Secteurs (et pondérations) (a)

1994

1995

1996

1997

1998 (b)

Grandes entreprises nationales (12%) - 21,8 - 4,9 8,5 4,2 - 2,0
Entreprises du secteur concurrentiel (88,0%) 4,9 4,6 0 - 0,5 7,3
Agriculture (6,0%) 9,9 8,2 3,7 - 1,0 1,1
Industrie (28,7%) 5,4 0,4 2,1 0,6 9,0
Commerce - Services (50,6%) 4,6 7,3 - 1,1 - 1,2 7,0
Bâtiment - Travaux publics (2,7%) - 1,7 - 6,7 - 9 2,2 4,0
Ensemble des SQS et EI (prix de l’année précédente) 0,9 3,5 0,9 0 6,2
Ensemble des SQS et EI (prix de 1980) 1,3 3,8 1,1 0 6,8
(a) Structure de l’investissement en valeur en 1997.

(b) Prévision.

Source : INSEE, Note de conjoncture, juin 1998.

C’est une approche plus fine qui permet de mettre en évidence, comme le fait l’INSEE dans cette dernière note, le retournement de conjoncture du deuxième trimestre de 1997, la reprise des investissements étant ensuite confirmée par les résultats des comptes nationaux pour le deuxième trimestre de 1998.

RESSOURCES ET EMPLOIS DE BIENS ET SERVICES AU PRIX DE 1980 PAR TRIMESTRE

(en pourcentage de variation t/t-1)

 

1996

1997

1998

   

Acquis (b)

 

T1

T2

T3

T4

T1

T2

T3

T4

T1

T2

1996

1997

1998

Produit intérieur brut 1,4 - 0,1 0,8 0,3 0,2 1,1 0,9 0,8 0,6 0,7 1,5 2,3 2,5
FBCF totale - 0,2 0,1 0,0 - 0,1 - 1,1 1,1 0,6 0,2 1,9 0,9 - 0,5 0,0 3,3
dont SQS et EI 0,2 0,9 0,9 - 0,4 - 2,5 1,4 1,1 0,5 3,0 1,8 0,6 - 0,4 5,7
Ménages hors EI - 0,7 1,3 - 2,8 1,1 - 0,6 0,2 0,3 - 0,2 0,1 1,6 - 1,0 - 0,6 1,3
Administrations publiques - 2,1 - 5,2 - 0,2 - 1,7 2,0 1,4 - 0,4 0,0 1,4 - 2,5 - 7,5 0,2 - 0,3
Demande intérieure (a) 0,7 0,1 0,2 0,2 - 0,5 0,5 0,9 0,7 1,3 0,9 0,9 0,8 3,1
(a) La demande intérieure est définie comme le total des ressources moins les exportations.

(b) L’acquis est le taux de croissance annuel qui serait observé si la variable concernée restait au niveau atteint au dernier trimestre connu. Il ne s’agit pas d’une prévision mais d’une indication de l’impact des évolutions passées.

Source : INSEE, Informations rapides, n° 247, septembre 1998.

Ainsi, la FBCF des sociétés et quasi-sociétés et entreprises individuelles a reculé de 0,4% sur l’ensemble de l’année 1997, en raison d’une baisse de 2,5% au premier trimestre qui n’a pas été compensée par la croissance des trimestres suivants. En 1998, la progression de 3% au premier trimestre et de 1,8% au deuxième trimestre témoigne du dynamisme de l’investissement des entreprises : selon la note de conjoncture de juin 1998, qui envisageait pourtant un moindre dynamisme au premier semestre que celle de septembre 1998, la croissance de la FBCF pourrait dépasser 6% pour toute l’année.

S’agissant de l’avenir, l’enquête annuelle de la Banque de France auprès de 8.677 entreprises des secteurs de l’industrie et du bâtiment-génie civil (9) retrace de bonnes prévisions d’investissements pour 1998.

PRÉVISIONS D’INVESTISSEMENTS PHYSIQUES EN 1998

(évolution en pourcentage)

 

Entreprises employant

Ensemble

Secteurs

moins de 100 salariés

de 100 à 499 salariés

500 salariés et plus

des entreprises

Industries agro-alimentaires - 2 1 - 8 - 6
Biens de consommation 15 10 6 8
Industrie automobile 12 3 - 7 - 7
Biens d’équipement 8 18 - 1 4
Biens intermédiaires 20 30 21 24
Industrie 12 18 4 9
Bâtiment - 9 - 2 11 - 3
Génie civil 1 - 12 29 14
Bâtiment-génie civil - 7 - 10 26 5

Source : Banque de France (mars 1998).

Selon cette enquête, l’investissement physique des entreprises industrielles devrait se redresser très nettement en 1998 (+ 9% en valeur, après - 4% en 1997). Ce mouvement devrait surtout concerner les petites et moyennes entreprises, la reprise étant plus modérée pour les grandes entreprises. Les perspectives d’investissement des entreprises de taille moyenne et de petite taille sont ainsi en très forte hausse (+ 18% et + 12%), alors que les grandes entreprises augmenteraient leurs dépenses d’investissement de 4% environ.

S’agissant de l’évolution sectorielle, en 1998, les investissements physiques dans le bâtiment et le génie civil devraient progresser, sous l’effet d’une nette amélioration des perspectives d’investissements dans le génie civil (+ 14%). Une nouvelle baisse des dépenses, de plus faible ampleur, serait enregistrée dans le bâtiment (- 3%), avec une contraction de 16% des investissements physiques dans le gros oeuvre, alors qu’ils seraient en hausse de 3% dans le second oeuvre.

Les variations de stocks ont été décevantes en 1997, avec un déstockage prolongé sur l’ensemble de l’année (- 9,2 milliards de francs 1980), la reconstitution des stocks étant lente au premier semestre 1998 (+3,3 milliards de francs 1980). L’INSEE constate donc que les variations de stocks ont eu une contribution neutre à la croissance du deuxième trimestre, le faible restockage s’expliquant par les perspectives de prix. Cependant, la reconstitution des stocks pourrait s’accélérer au deuxième semestre, compte tenu de la poursuite de l’activité.

Enfin, la reprise de l’investissement s’est accompagnée d’une augmentation très significative du taux d’utilisation des capacités de production. Ce taux s’était dégradé, revenant de 84,8% à l’été 1995 à 82,1% en octobre 1996. Il s’est progressivement relevé, puis plus fortement, gagnant 1,5 point entre janvier 1998 (85,1) et avril 1998 (86,6) (10).

2.- La bonne santé financière des entreprises

Cette reprise de l’investissement est intervenue dans un contexte de bonne santé financière confirmée pour les entreprises.

L’excédent brut d’exploitation (EBE) des sociétés et quasi-sociétés a progressé de 5,57% en 1997, à comparer aux 2,61% d’augmentation de la masse des rémunérations et au 1,23% de croissance des impôts nets de subventions. Ainsi le partage de la valeur ajoutée (+3,44%) a-t-il été particulièrement profitable aux sociétés. Le taux de marge (EBE/valeur ajoutée) a donc augmenté pour atteindre 32,34% au lieu de 31,69% en 1996.

Le taux d’épargne (épargne/VA) des sociétés et quasi-sociétés a lui aussi progressé (18,34% en 1997 au lieu de 18,01% en 1996) ainsi que le taux d’autofinancement (épargne/FBCF) qui, pour la cinquième année consécutive, dépasse 100% (118,31% en 1997, après 112,09% en 1996). En vérité, ce dernier ratio est moins significatif qu’auparavant car, grâce au niveau très bas des taux d’intérêt, les entreprises ont tendance à augmenter leurs emprunts pour le financement de leurs investissements.

Force est donc de constater que les Cassandre se sont lourdement trompés qui, il y a un an, avaient annoncé que la création d’une contribution temporaire et la modification du régime des plus-values des sociétés, prévues par la loi n° 97-1026 du 10 novembre 1997 portant mesures urgentes à caractère fiscal et financier, obéreraient la bonne santé des entreprises et briseraient la reprise naissante. Les grosses sociétés ont facilement supporté le prélèvement supplémentaire, estimé par la Cour des comptes à 19,8 milliards pour 1997, et le choix de la nouvelle majorité s’est révélé des plus pertinents. La reprise de l’investissement, attendue depuis quelques années, a été stimulée, à partir du deuxième semestre de 1997, par une politique économique nouvelle favorisant, pour des raisons sociales autant qu’économiques, la consommation des ménages.

Certes, en ce début du mois d’octobre 1998, les perspectives de croissance, à l’échelle mondiale, semblent obérées par les crises financières asiatique, russe et sud-américaine. S’agissant d’une variable aussi difficilement prévisible que l’investissement, il est délicat de confirmer comme de démentir les pronostics optimistes du premier semestre. Alors que Rexecode considérait, à la mi-septembre, qu’une reprise durable, liée à la psychologie des chefs d’entreprises, était menacée par la crise, la Banque de France constatait qu’en juillet l’activité industrielle s’était maintenue au niveau élevé de juin et que « les projets d’investissements retenus pour 1998 ont été globalement réalisés ».

Un retournement de conjoncture est certes toujours possible, et à craindre, mais les indicateurs d’investissement restent, pour l’instant, excellents, ce dont chacun ne peut que se féliciter.

B.- UNE FORTE CROISSANCE DE LA CONSOMMATION DES MÉNAGES

Soutenant pour une très large part la reprise de l’investissement des entreprises, la consommation des ménages, qui représente 60% du PIB, progresse sensiblement depuis le second semestre 1997. Sa croissance en moyenne annuelle devrait atteindre 2,9% en 1998, alors qu’elle avait enregistré, l’année précédente, l’une de ses plus faibles performances depuis trente ans, avec une augmentation de 0,9%, seulement.

CONSOMMATION TOTALE (Y COMPRIS NON MARCHANDE) ET PRINCIPALES COMPOSANTES
(moyennes annuelles)

(en %)

 

1996

1997

1998 (a)

Consommation totale (b) 2,0 0,9

2,9

- Alimentation (19,5%) 0,1 0,8

0,5

- Energie (8,7%) 3,2 - 1,5

0,8

- Services (41,3%) 2,5 1,9

2,9

- Produits manufacturés (30,5%) 2,1 0,4

5,2

dont : Durables (9,1%) 5,5 - 4,2

8,2

            Textile-cuir (6,0%)

- 0,5 1,1

4,0

            Autres (15,4%)

1,2 2,9

3,8

(a) Prévision.

(b) Les données entre parenthèses donnent la part du poste en 1995.

Source : INSEE, Note de conjoncture, juin 1998, page 61.

La consommation de produits manufacturés illustre tout particulièrement la vigueur de ce facteur, puisqu’en juin 1998 elle marquait une progression de 8,3% par rapport au mois de juin 1997. Au total, la consommation de ces produits devrait croître de plus de 5% en 1998.

La plupart des composantes de la consommation totale sont concernées par la hausse des achats et même la consommation alimentaire, qui s’était rétractée sensiblement au premier trimestre 1998 (- 1%), augmente au deuxième trimestre (+ 1,5%). Les achats d’automobiles devraient croître de près de 10% en volume en 1998, après une médiocre année 1997, liée à l’arrêt, en septembre 1996, de l’octroi de la prime « qualité ».

Parallèlement, l’investissement des ménages se redresse. En particulier, les autorisations de construire des maisons individuelles progressent fortement au deuxième trimestre 1998 par rapport au deuxième trimestre 1997 (+10,6%) et l’investissement, dans son ensemble, est favorisé par le bas niveau des taux d’intérêt.

Cette évolution très favorable de la consommation est imputable à la progression du pouvoir d’achat du revenu disponible, à la modération de l’inflation et, surtout, au regain de confiance des ménages.

1.- Une progression du pouvoir d’achat du revenu disponible liée aux créations d’emplois

Le pouvoir d’achat du revenu disponible brut des ménages devrait progresser en 1998 de 3,1% en moyenne annuelle (contre + 2,5% en 1997) et enregistrer ainsi son meilleur résultat depuis 1990. Cette évolution s’explique principalement par la hausse des revenus d’activités, car, d’une part, la croissance des prestations sociales devrait être plus modérée qu’en 1997 et, d’autre part, les prélèvements obligatoires sur les ménages devraient être légèrement accrus.

EVOLUTION DU POUVOIR D’ACHAT DU REVENU
DISPONIBLE BRUT DES MÉNAGES
(moyennes annuelles)

(en %)

 

1996

1997

1998 (a)

Salaires bruts (54%) (b) 2,9 3,0 3,7
Prestations sociales (36%) 3,7 3,5 2,8
Excédent brut des ménages (26%) 2,5 2,7 3,6
Revenu de la propriété et de l’entreprise et Assurance (7,0%)
2,9

9,1

7,8
Prélèvements sociaux et fiscaux (-23%) 6,2 2,9 3,7
dont : Cotisations des salariés (-9,6%) 4,8 - 3,2 - 20,9
Cotisations des non salariés (-2,4%) 7,9 0,5 - 22,9
Impôts sur le revenu + CSG (-11%) 7,1 8,9 28,9
Revenu disponible brut (100%) 2,4 3,6 3,7
Déflateur : Prix de la consommation des ménages
1,8

1,0

0,6
Pouvoir d’achat du revenu disponible brut 0,6 2,5 3,1
(a) Prévision.

(b) Les chiffres entre parenthèses donnent la structure de l’année 1996.

Source : INSEE, Note de conjoncture, juin 1998, page 59.

a) Une forte accélération des revenus d’activité

Les revenus d’activité devraient s’accroître de 3,4% en 1998, soit une progression plus marquée qu’en 1997 (2,7%).

Les revenus des non salariés devraient profiter de la vigueur de l’activité et, en conséquence, l’excédent brut des entreprises individuelles pourrait croître de 2,3% après 1,5% en 1997.

La croissance de la masse salariale du secteur privé devrait être particulièrement dynamique (+4,3%). Néanmoins, le salaire moyen par tête connaîtrait une croissance moins soutenue qu’en 1997 (+ 2,3% après + 2,7%). En effet, la faible augmentation des prix à la consommation et la perspective du passage aux trente-cinq heures semblent avoir modéré la progression des salaires nominaux. Il convient, toutefois, d’observer que la hausse du SMIC brut devrait être plus sensible (+ 3%), grâce notamment à la revalorisation de 2% intervenue le 1er juillet, qui incluait un « coup de pouce » de 0,5% par rapport au minimum prévu par la loi.

L’excellente évolution de la masse salariale résulte donc principalement des nombreuses créations d’emplois attendues (l’INSEE prévoit que les entreprises non financières non agricoles, hors grandes entreprises nationales, devraient créer 300.000 emplois en 1998, contre 180.000 en 1997).

La masse salariale de la fonction publique bénéficierait, quant à elle, du développement des emplois jeunes, ainsi que des revalorisations de l’indice de traitement brut et des mesures en faveur des bas salaires prévues par le protocole salarial du 10 février 1998. En moyenne annuelle, la valeur du point d’indice augmenterait de 1,3%.

b) Une progression modérée des prestations sociales

En 1998, les prestations sociales devraient croître de 2,8% (11) (pour une prévision de hausse des prix à la consommation de 1% en glissement annuel), soit un résultat sensiblement inférieur à celui de l’année précédente (+ 3,5%).

Cette évolution s’expliquerait d’abord par le ralentissement des prestations familiales versées aux ménages (+ 1,4%, après + 3,7% en moyenne annuelle en 1997), en raison des mesures prises dans le cadre de la loi de financement de la sécurité sociale. Ainsi, les allocations familiales sont attribuées en 1998 sous conditions de ressources et le taux de prise en charge des cotisations sociales pour l’emploi d’une personne à domicile (allocation de garde d’enfant à domicile) a été réduit de moitié à partir du premier trimestre.

Cette décision ne saurait cependant être évoquée sans que soient prises en compte les nombreuses mesures prises depuis la mi-1997 en faveur des familles : on citera en particulier la majoration de l’allocation de rentrée scolaire, ainsi que le maintien, par la loi de finances pour 1998, des réductions d’impôt au titre des frais de scolarité, dont le précédent Gouvernement avait prévu la suppression.

Les prestations de retraite du régime général croîtraient également à un rythme légèrement moins soutenu qu’en 1997 (+ 3,7% après + 4,5%). Ce ralentissement proviendrait surtout de l’évolution démographique, le nombre de salariés atteignant l’âge de la retraite diminuant transitoirement. Par ailleurs, les pensions ont connu une revalorisation en 1998 voisine de celle de l’année précédente (1,1% contre 1,2% en 1997), supérieure à une inflation décroissante.

Le ralentissement des prestations sociales versées aux ménages s’expliquerait également par celui des prestations chômage (+ 2,9% après + 9,3% en 1997), du fait, d’une part, d’une diminution du nombre de demandeurs d’emploi (le taux de chômage passant de 12,2% fin 1997 à 11,5% fin 1998) et, d’autre part, d’une croissance plus modérée du nombre de bénéficiaires de l’allocation de remplacement pour l’emploi (ARPE) (+ 6% environ après + 32% en 1997). On doit, à cet égard, se féliciter du signal fort donné aux partenaires sociaux par le Gouvernement, qui a fait part récemment de sa volonté d’apporter une participation financière substantielle pour permettre de poursuivre et d’amplifier ce dispositif.

Les prestations versées par la branche maladie connaîtraient une progression modérée (+ 2,4% en moyenne annuelle, comme en 1997), conformément aux objectifs de maîtrise des dépenses de santé.

Enfin, les « autres prestations sociales » versées par les administrations publiques progresseraient à un rythme soutenu en raison du dynamisme des aides au logement et du revenu minimum d’insertion.

c) Une évolution des prélèvements obligatoires sur les ménages influencée par l’accélération des revenus d’activité

La croissance nominale des prélèvements obligatoires sur les ménages devrait atteindre 3,7% en 1998, après 2,9% en 1997. Cette progression doit être reliée à celle des revenus d’activité (+3,4%), ce qui permet de constater une pause dans la progression de la pression fiscale pesant sur les ménages.

Cette progression, nominale, d’ailleurs très inférieure à celle observée en 1996 (+ 6,2%), est surtout imputable à la forte accélération des revenus d’activité évoquée précédemment. Elle résulte également, pour partie, de l’extension de la CSG aux revenus du capital dans le cadre du transfert des cotisations maladie, prévu par la loi de financement de la sécurité sociale pour 1998, qui s’est néanmoins traduit par un gain de pouvoir d’achat de 1,1% pour les salariés du régime général.

On observera que les contribuables aux ressources modestes ont vu leur impôt diminué grâce à une série de mesures : rétablissement de la réduction d’impôt pour frais de scolarité, plafonnement à 1.500 francs de la taxe d’habitation, extension du champ d’application du plafonnement de cette taxe en fonction du revenu...

2.- Une inflation maîtrisée

Après avoir augmenté de 1,9% en 1996 et de 1,1% en 1997, les prix à la consommation hors tabac devraient encore ralentir leur progression en 1998, en évoluant de + 0,9%.

Certes, l’inflation sous-jacente, c’est-à-dire l’indice hors tarifs public et produits à prix volatils, devrait légèrement remonter sur l’ensemble de 1998, atteignant 1,3% en fin d’année, mais l’indice d’ensemble serait plus faible, en raison notamment de la baisse des prix de l’énergie. L’INSEE estime, en effet, que l’annonce faite par les principaux pays pétroliers, à la fin du premier trimestre 1998, d’un accord sur la réduction de leur production, ne devrait pas empêcher le maintien des prix des produits pétroliers à un niveau inférieur à celui observé en 1997.

3.- Un regain de confiance des ménages

La maîtrise de l’inflation et la hausse du pouvoir d’achat du revenu disponible des ménages ne sont pas des phénomènes nouveaux. Ces orientations favorables à la consommation pouvaient déjà être constatées en 1997. Pourtant, malgré une augmentation de 2,2% du pouvoir d’achat du revenu disponible, la consommation des ménages n’avait alors connu qu’une faible croissance de 0,9%. Un facteur supplémentaire, très important, est donc intervenu en 1998 : le retour de la confiance.

L’enquête mensuelle de conjoncture auprès des ménages, réalisée par l’INSEE, indique clairement que les anticipations de ceux-ci sur l’évolution du chômage s’améliorent continûment depuis le début de l’année et que, parallèlement, ils sont de plus en plus nombreux à estimer que la période est favorable pour effectuer des achats importants.

Cette confiance nouvelle pourrait conduire les ménages à modifier leur comportement d’épargne. Le taux d’épargne, qui était remonté progressivement tout au long de l’année 1997 (au second semestre, il était de 15%), tendrait ainsi à fléchir, pour s’établir à 14,7% en moyenne sur l’année.

A la fin de 1997, on dénombrait 12 millions de comptes titres ouverts par les personnes physiques ; elles occupent le deuxième rang des détenteurs de valeurs mobilières, après le secteur des entreprises d’assurance et des caisses de retraite. L’encours des portefeuilles des ménages s’élevait à 1.837 milliards de francs.

De la même façon, les ménages accélèrent légèrement leur rythme d’endettement : en mars 1998, les crédits à l’habitat ont progressé de 6% en glissement annuel et les crédits de trésorerie de 8,1%.

Cet optimisme puise probablement sa source dans l’amélioration de la situation de l’emploi, mais il est également conforté par la politique menée par le Gouvernement depuis l’été 1997.

En effet, contrairement à son prédécesseur, qui avait décidé de mettre les ménages à contribution par un relèvement de la TVA en 1995, le nouveau Gouvernement a immédiatement décidé de faire peser prioritairement l’effort d’ajustement du budget de l’Etat sur les grosses sociétés, dont la situation financière est globalement satisfaisante, tout en veillant à ne pas pénaliser les petites entreprises. La loi précitée portant mesures urgentes à caractère fiscal et financier a ainsi institué une contribution temporaire sur l’impôt sur les sociétés pour les entreprises réalisant au moins 50 millions de francs de chiffre d’affaires. Elle a également prévu la taxation au taux normal de la plupart des plus-values qu’elles réalisent.

En outre, un certain nombre de mesures ciblées ont été prises pour soutenir la consommation : revalorisations du SMIC aux 1er juillet 1997 et 1998 supérieures au minimum légal ; élévation à 1.600 francs de l’allocation de rentrée scolaire, alors qu’elle avait été fixée à 1.000 francs en 1996 ; création d’un crédit d’impôt sur le revenu, remboursable pour les personnes non imposables, pour les dépenses d’entretien afférentes à l’habitation principale, plafonnement à 1.500 francs de la taxe d’habitation pour les redevables aux ressources très faibles...

Cet effort de soutien à la consommation des ménages doit être poursuivi, d’autant que la conjugaison des crises asiatique, russe et sud-américaine pourrait entamer leur confiance en l’avenir, d’une part, et mettre fin à la forte hausse de la valeur du patrimoine financier des ménages constatée au cours des premiers mois de cette année, d’autre part.

Le Gouvernement s’est déjà engagé dans cette voie en prenant l’engagement de stabiliser et, si possible, de baisser les prélèvements obligatoires, engagement dont la concrétisation commence à être perceptible (le projet de loi de finances pour 1999 supprime cinq taxes, allège la TVA sur certains produits, diminue les impôts sur les ventes de locaux d’habitation...). En outre, ayant conscience que l’amélioration du marché du travail est un déterminant essentiel de la confiance des ménages, il propose dans le présent projet de loi de finances une fiscalité plus favorable à l’emploi grâce, en particulier, à une profonde réforme de la taxe professionnelle visant à exclure les salaires de sa base.

C.- LES BUDGETS ÉCONOMIQUES POUR 1999

La Commission des comptes de la Nation s’est réunie le 1er octobre 1998 afin d’examiner les budgets économiques pour 1999. Cette séance a été précédée, comme il est d’usage, par la réunion d’un groupe technique, destinée à confronter les prévisions du ministère de l'économie, des finances et de l'industrie à celles des principaux instituts de conjoncture et d’importantes institutions financières.

L’écart qui peut être observé entre les prévisions moyennes du groupe technique et le résultat des modélisations économétriques effectuées par la direction de la prévision, reflète essentiellement les différences d’appréciation portées sur l’environnement international. En revanche, l’accord est général sur la vigueur de la demande intérieure, française et européenne, en 1999, qui devrait, en tout état de cause, préserver largement le potentiel de croissance de la zone euro.

1.- Un scénario international « gris et contrasté » (12)

a) Crise asiatique et conjoncture mondiale :
récession, dépression ou effondrement ?

Comme la plupart des analystes, la direction de la prévision table, pour 1999, sur un ralentissement prononcé de la croissance mondiale, en concordance avec les perspectives publiées récemment par le Fonds monétaire international. Après une récession sévère en Asie en 1998, marquée par une diminution du PIB de 7%, 1999 serait une année à peine meilleure, avec un nouvel effritement du PIB (– 1% en moyenne sur la zone). Cette opinion est largement partagée : Paribas voit le « creux » d’activité en Asie en 1999, de même que Morgan Stanley, qui estime que seuls les pays les mieux placés dans la phase d’ajustement macroéconomique, comme la Corée, pourraient éventuellement redémarrer en 1999. L’importance du commerce intra-zone, qui représente près de 40% des échanges totaux des pays d’Extrême-Orient, exerce pour l’heure un effet néfaste en transmettant rapidement, au sein du secteur réel, les influences récessives qui affectent successivement ou simultanément chaque pays.

· Bien que n’ayant pas intégré les effets de ce schéma à leurs évaluations chiffrées, la plupart des analystes envisagent très sérieusement la possibilité qu’une nouvelle crise se déclenche en Asie. Les deux acteurs principaux de ce scénario sont la Chine et le Japon.

Les statistiques officielles chinoises sont peu fiables en ce qui concerne la production industrielle ; il est difficile de croire, selon Morgan Stanley, que la Chine puisse connaître une croissance de 7% en 1998. Les importations chinoises seraient un indicateur plus significatif du dynamisme de l’activité intérieure, sachant que l’économie chinoise a un degré d’ouverture sur l’extérieur d’environ 20%. Or les importations chinoises ont tendance à diminuer depuis quelque temps. La BNP estime également que les indications d’un ralentissement de l’activité en Chine se font de plus en plus évidentes.

Dans ces conditions, il n’est pas exclu que le niveau de change du yuan, bien que non convertible sur les marchés, s’avère surévalué et qu’un ajustement ne doive se produire dans quelque temps. Le yuan a déjà baissé de près de 40% sur le marché parallèle de Shanghai, remarque L’Expansion. Le dollar de Hong Kong subirait alors de vives tensions, perturbant à nouveau les relations financières de la zone du fait du rôle de Hong Kong comme place financière et commerciale dans la région.

Aux yeux de la totalité des membres du groupe technique, la clef de la stabilisation ou du décrochage en Asie se trouve au Japon. Frappé par un immobilisme politique qui empêche, jusqu’ici, d’engager la restructuration du secteur bancaire avec toute la détermination nécessaire, le Japon est, selon les termes de la Société française d’assurance crédit (SFAC), « un risque systémique majeur ». La tendance haussière du taux d’épargne traduit l’impossible reprise de la consommation des ménages, sans que l’annonce d’un allégement de la fiscalité, dans le cadre du septième plan de relance depuis le début de la crise en 1990, ait provoqué, pour l’instant, quelque frémissement de cette composante majeure de l’activité économique. L’abaissement des taux d’intérêt a si peu d’effet sur l’activité que certains se demandent si le Japon ne se trouve pas aujourd’hui dans un cas typique de « trappe à liquidité », tel que décrit par la théorie keynésienne de la monnaie (13).

La direction de la prévision estime, malgré tout, que le plan de relance devrait donner à l’économie un « stimulus » d’environ 3 points de PIB et que l’engagement de la réforme bancaire devrait permettre de commencer à apurer le stock immense des créances douteuses. Le Japon pourrait, dans ces conditions, connaître une légère reprise en 1999.

· Les analyses divergent sur le point de savoir si la propagation aux autres zones géographiques d’une nouvelle crise, qui naîtrait en Asie, est inévitable.

Sur la base de la comparaison des taux de change réels au cours des dernières années, Paribas fait valoir que, pour une base 100 en 1993-1995, les pays asiatiques ont aujourd’hui un taux de change de 80 environ, tandis que les pays d’Europe centrale et orientale ainsi que l’Amérique latine auraient des taux de change de 110 à 120 environ. Une telle distorsion, de près de 40 points en quatre ans, n’est évidemment pas tenable. En sens inverse, la SFAC estime que le risque de crise « en dominos » n’est pas certain ; on peut penser, au contraire, que les pays les plus atteints ont déjà « touché le fond ».

La BNP souligne une distinction importante : la certitude qu’un processus récessif se déclenche actuellement au sein de l’économie mondiale ne signifie pas pour autant qu’un scénario catastrophe est inévitable. A ce titre, l’Association française des économistes d’entreprise (AFEDE) juge que, bien gérée, la dévaluation vraisemblable du real brésilien peut permettre de limiter les effets potentiellement dévastateurs d’une crise des changes en Amérique latine.

La situation financière de l’Amérique latine a, ces dernières semaines, été fragilisée par des mouvements de capitaux déstabilisateurs. Pourtant, la majeure partie des membres du groupe technique a souligné la vigueur sous-jacente des indicateurs économiques dans cette zone pendant les derniers semestres (14). Le Centre d’observation économique de la chambre de commerce et d’industrie de Paris (COE) note que la forte croissance qu’ont connue les pays d’Amérique latine ces dernières années devrait être seulement atténuée par la crise actuelle. En revanche, l’Observatoire français des conjonctures économiques (OFCE) estime que l’Amérique latine devrait connaître une chute de 5 points de croissance en 1999. Pour la SFAC, le Brésil représente l’inconnue essentielle dans la zone, sans pour autant constituer un risque systémique.

Tous s’accordent cependant à reconnaître que l’efficacité des politiques économiques, en cas de déclenchement d’une nouvelle phase aiguë de la crise actuelle, est un paramètre difficilement appréciable pour juger du danger réel de récession. La BNP estime qu’en Asie, les politiques économiques n’ont pas été d’une efficacité flagrante et que les assouplissements monétaires et budgétaires, lorsqu’ils ont eu lieu, n’ont pas donné de résultats convaincants jusqu’ici. Cependant, l’aggravation des risques a facilité les efforts de coordination entre les gouvernements, comme en témoignent les concertations mises en œuvre pour protéger l’Amérique latine. L’Expansion, cependant, est convaincue que la partie encore dynamique du « centre » économique du monde – les États-Unis et l’Europe – subira plus qu’elle n’agira.

En tout état de cause, la crise devrait durer : « régler des problèmes de surinvestissement est toujours long », selon l’AFEDE. La BNP estime que la reconstitution des passifs, dans les bilans bancaires, sera le premier investissement des pays asiatiques pendant plusieurs mois, ce qui pèsera sur la croissance.

Le panorama de l’économie mondiale auquel se sont livrés les organismes participant au groupe technique suggère que la frontière est aujourd’hui ténue entre la récession (15), qui paraît désormais certaine, la dépression, qui s’inscrit dans une durée plus étendue, et l’effondrement, dont l’occurrence dépend d’aléas clairement identifiés. Selon le mot de Goldman Sachs, « le scénario dit “ central ”, sur lequel sont bâties les évaluations chiffrées, est en fait optimiste. Nous espérons que la réalité en sera proche… ».

Dans ce contexte, la dynamique économique qui sera observée aux États-Unis aura une influence renforcée sur la croissance en Europe.

b) Une sortie de cycle insaisissable aux États-Unis

La croissance du PIB américain, évaluée à 3,3% ou 3,4% en 1998, reviendrait en 1999 à un niveau très sensiblement inférieur : 1,9% pour la direction de la prévision, 1,9% en moyenne pour les institutions financières participant au groupe technique, 1,5% en moyenne pour les instituts de conjoncture.

L’intervalle important qui sépare les estimations fournies par les membres du groupe technique traduit, au-delà de l’assentiment partagé sur la tendance générale, une certaine perplexité sur la façon dont le cycle devrait s’achever aux États-Unis. En un sens, pas plus que l’on n’a su expliquer la vigueur surprenante de la croissance américaine durant les derniers semestres, pas plus on ne semble savoir, aujourd’hui, exprimer précisément les déterminants et les répercussions des phénomènes économiques qui gouvernent le ralentissement programmé de la première puissance mondiale.

· Les indicateurs avancés suggèrent cependant que « le compte à rebours de la récession a commencé », pour l’OFCE, qui voit l’évolution trimestrielle du PIB devenir négative au milieu du printemps 1999.

La vulnérabilité de la consommation à un krach boursier, ou, plus simplement, à une correction sérieuse et prolongée de Wall Street, a été une nouvelle fois soulignée. Cependant, la Caisse des dépôts et consignations a relevé qu’il semble subsister, dans les portefeuilles boursiers des ménages, un potentiel de plus-values latentes encore suffisamment important pour « lisser » l’impact d’un éventuel choc boursier sur la consommation.

L’Expansion remarque dans la majorité des indicateurs conjoncturels les prémices de la fin du cycle : la demande extérieure adressée aux États-Unis est en diminution, conséquence directe de la réduction des débouchés en Asie et au Japon ; le prix des matières premières diminue, ce qui dissuade le stockage et constitue « l’un des canaux de la déflation » ; l’investissement donne l’impression d’être à un point de retournement ; enfin la chute du taux d’épargne des ménages, dans le courant de l’été, au niveau très surprenant de 0% du revenu disponible ne peut conduire qu’à un relèvement, qui, par effet de miroir, pèsera mécaniquement sur la consommation. Avec une prévision de 1% de croissance en 1999, L’Expansion est cependant deux fois plus optimiste que l’OFCE, qui affiche 0,5% seulement dans ses prévisions.

L’OFCE souligne, par ailleurs, les effets potentiellement déstabilisateurs, à moyen terme, de la politique monétaire conduite par la Réserve fédérale. L’aplatissement, puis l’inversion de la courbe des taux ne s’est pas faite, comme on aurait pu s’y attendre, par une augmentation des taux courts conjuguée à une stabilité des taux longs, mais par une diminution des taux longs. La Réserve fédérale semble avoir voulu développer une action expansive sur le compartiment du long terme tout en conservant sa garde sur le compartiment du court terme. Cela a pu contribuer à développer des sentiments d’aversion envers le risque.

Dans ces conditions, la diminution du taux directeur de la Réserve fédérale, le 29 septembre 1998, à hauteur d’un quart de point, ne devrait pas avoir beaucoup d’influence. Les taux courts nominaux devraient, en effet, baisser jusqu’à 3,5% pour avoir une influence bénéfique sur l’activité.

Enfin, le parallèle entre la situation du Japon au début des années quatre-vingt-dix et la situation des États-Unis aujourd’hui ne peut manquer de susciter des questions. Comme le Japon à l’époque, les États-Unis connaissent en 1998-1999 une inflation faible, un excédent budgétaire et des surcapacités de production. Connaîtront-ils la même dépression rampante, qui sape l’économie de l’archipel nippon depuis bientôt huit ans, s’interroge l’OFCE, qui ne semble cependant pas croire à un fort ralentissement de la croissance aux Etats-Unis.

· D’autres membres du groupe technique remarquent cependant que les facteurs de résistance sont nombreux. Certes, estime le COE, la diminution des taux à court terme est modeste et était anticipée par les marchés. Elle intervient cependant à un instant inhabituel dans le cycle, très tôt par rapport au déclenchement de la phase baissière. La gestion de la politique monétaire a permis de lisser correctement les à-coups conjoncturels ces toutes dernières années. Il n’est pas impossible que l’action précoce de la Réserve fédérale, même si elle est essentiellement motivée par la situation financière internationale, ait les mêmes vertus contra-cycliques qu’auparavant.

D’ailleurs, si, comme le remarque la Caisse des dépôts, 80% de l’activité aux États-Unis provient des services, qui obéissent à une dynamique propre, le ralentissement pourrait ne pas être aussi fort que ce que suggèrent les indicateurs industriels classiques.

Au demeurant, les exportations seraient soutenues par la diminution prévue du taux de change du dollar, sur laquelle les membres du groupe technique ont des évaluations convergentes. L’estimation effectuée par la direction de la prévision, qui a, comme les années précédentes, retenu l’hypothèse conventionnelle d’une stabilisation du taux de change au niveau observé pendant l’été 1998, se traduit ainsi par un décalage sensible avec les prévisions moyennes du groupe technique : là où la direction de la prévision voit un taux de change du dollar à 6 francs en 1999, les instituts de conjoncture comme les institutions financières l’estiment à 5,50 francs.

Enfin, la SFAC estime que les États-Unis ne sont peut-être pas à la fin du « cycle long » d’investissement dans les nouvelles technologies d’information et de communication, qui ont fortement contribué à l’évolution favorable de cet agrégat durant les derniers semestres.

Les plus optimistes des conjoncturistes, la Caisse des dépôts, GAMA, la BNP, le Crédit agricole, Morgan Stanley, Goldman Sachs et Paribas, prévoient une croissance au moins égale à 2% en 1999 aux États-Unis.

Au-delà de ces divergences quantitatives, qui ne remettent pas en cause la validité du diagnostic porté sur les États-Unis, il apparaît que le contexte international amène à prévoir une décélération de la demande mondiale adressée à la France en 1999. Après avoir crû de 7,3% en 1998, elle ne croîtrait plus que de 5,4% en 1999, selon les évaluations de la direction de la prévision. Les conjoncturistes sont, pour leur part, plus pessimistes : leur prévision s’établit à 4,4% en moyenne. Il est vrai que le point de départ qu’ils retiennent, pour l’année 1998, est également plus bas : 6,1% de croissance, à comparer à 7,3% selon la direction de la prévision.

2.- La zone euro : un pôle de croissance
dans un environnement instable

Le dynamisme persistant évoqué par la direction de la prévision pour l’ensemble de la zone euro repose essentiellement sur la vigueur de la demande intérieure, qui, dans une large mesure, contribue à immuniser l’activité économique contre les turbulences financières et commerciales observées à l’extérieur. Après avoir crû légèrement de 1997 à 1998, passant de +2,5% à +2,8%, la croissance resterait stable en 1999 à ce même niveau.

a) L’Allemagne au cœur de la zone euro

Le jugement de la direction de la prévision se fonde sur une amélioration de la situation de l’emploi, y compris en Allemagne, sur les effets bénéfiques de la désinflation importée – qui entraîne une augmentation du revenu réel de la zone – et sur le caractère favorable des conditions monétaires et financières. A cet égard, la direction de la prévision table sur une baisse des taux d’intérêt en France et en Allemagne (16).

Si, dans ses grandes lignes, le scénario construit par les services du ministère de l'économie, des finances et de l'industrie est comparable à ceux développés par les autres membres du groupe technique, les différences d’appréciation au sein de ce groupe ne sont pas mineures.

L’évaluation numérique de la croissance en Allemagne montre, en premier lieu, un décalage de 0,4 point entre la direction de la prévision (+2,7% en 1999) et la moyenne du groupe technique (+2,3%). Pour le ministère de l'économie, des finances et de l'industrie, la croissance allemande connaîtrait ainsi une légère accélération, après avoir réalisé +2,6% en 1998 ; pour les membres du groupe technique, au contraire, l’économie allemande ralentirait, à partir du même niveau de 2,6% en 1998.

La majeure partie des conjoncturistes prévoit une légère diminution de la croissance du PIB allemand, de 0,4 point de PIB environ ; Morgan Stanley et L’Expansion sont les moins optimistes, retenant une croissance du PIB limitée à 1,5% en 1999 ; la Caisse des dépôts et consignations, Rexecode, la BNP et le Crédit agricole envisagent une stabilité entre 1998 et 1999, à un niveau compris, selon l’organisme, dans une fourchette de 2,5% à 2,7% ; seul le Bureau d’informations et de prévisions économiques (BIPE) est en phase avec la prévision gouvernementale, en estimant que la croissance allemande passera de 2,9% en 1998 à 3% en 1999.

Le principal facteur d’incertitude pour les prévisions relatives à l’Allemagne porte sur le comportement du marché du travail et sur la consommation. Le retournement positif sur le marché du travail s’est produit, en France, il y a bientôt deux ans, alors qu’il semble n’intervenir que depuis quelques mois en Allemagne, selon Goldman Sachs. Ce retournement, s’il est confirmé par l’enclenchement d’une véritable tendance à la baisse du chômage – ou tout au moins à une reprise du marché de l’emploi – est un facteur essentiel de la reprise de la consommation. L’Expansion estime également que la consommation est déprimée par la situation encore fragile du marché du travail, et évoque des incertitudes dues au résultat des élections législatives et au changement de gouvernement.

La Caisse des dépôts et consignations fait, à cet égard, observer, à juste titre, que le nouveau gouvernement devrait être plus sensible que le précédent au nécessaire soutien à la demande intérieure.

Pour l’ensemble de la zone euro, la quasi totalité des participants soulignent l’importance de la politique monétaire et ses interactions avec la politique de change. L’AFEDE rappelle que, si les effets directs d’une baisse du dollar peuvent toujours être envisagés avec quelque certitude (impact sur l’équilibre commercial, impact sur les évolutions des taux d’intérêt), l’avènement de la zone euro élimine un certain nombre d’effets indirects, en particulier l’instabilité des taux de change et le biais général vers le resserrement des politiques monétaires, que l’on observait antérieurement. La diminution prévue de 100 points de base pour les taux à court terme aux États-Unis est, en elle-même, un puissant facteur de baisse des mêmes taux au sein de l’Euroland. Il conviendrait donc, selon cet institut, de relativiser, aujourd’hui plus qu’hier, les effets allégués de la baisse du dollar.

Ceci permettrait certainement d’amortir le choc sur l’économie allemande de la crise russe, qui se transmettrait par l’intermédiaire des pays d’Europe centrale et orientale. Sur l’ampleur de ce choc, les avis divergent. Certains, comme Morgan Stanley, estiment que l’on n’a pas encore vu tous les effets induits de la crise russe en Allemagne et en Europe centrale et orientale. Une partie des débouchés commerciaux de ces derniers pays se réduit et les primes de risque augmentent, rendant ainsi plus coûteux les financements extérieurs. L’Expansion met en avant l’exposition financière de l’Allemagne en Russie et son exposition commerciale, via les pays d’Europe centrale. A l’inverse, la Caisse des dépôts et consignations estime que l’amalgame entre la Russie et les pays d’Europe centrale et orientale est peu pertinent : ces derniers sont de plus en plus associés aux pays d’Europe occidentale, au plan économique et financier.

De l’avis général, le risque principal pour la zone euro provient des pays qui n’ont pas encore clairement amorcé le relais de la demande extérieure par la demande intérieure : l’Allemagne et l’Italie. Pour autant, selon Goldman Sachs, le relâchement des efforts gouvernementaux en matière de réduction des déficits structurels sera le bienvenu dans les mois qui viennent, car la politique monétaire sera, selon cette institution financière, fortement contrainte par les impératifs et les conséquences de la convergence. D’ailleurs, ce relâchement ne devrait pas marquer la fin des efforts d’ajustement ; il doit, selon Goldman Sachs, s’interpréter comme une réaction intelligente de la politique économique aux conditions nouvelles de la croissance en Europe.

La France, à l’évidence, ne peut échapper à cet assombrissement des perspectives de croissance, mais elle semble avoir la capacité de le gérer avec succès.

b) Une France touchée par l’influence du ralentissement mondial,
mais solidement portée par sa demande intérieure

Le consensus des conjoncturistes prévoit une réduction marquée du taux de croissance du PIB français, qui passerait de 3% environ en 1998 à 2,4% en 1999. Pour sa part, la direction de la prévision est plus optimiste et n’envisage qu’une diminution de 0,4 point, le taux de croissance annuelle du PIB revenant de 3,1% en 1998 à 2,7% en 1999.

Si les évaluations des prévisionnistes sont, de façon générale, assez concordantes, L’Expansion et Morgan Stanley se distinguent par une prévision particulièrement pessimiste de 2%. L’Expansion envisage une forte chute du rythme de croissance de la consommation des ménages, qui reviendrait de 3,1% en 1998 à 2,1% en 1999, associée à un freinage brutal de l’investissement des entreprises, dont le taux de croissance passerait de 6,5% en 1998 à 4% en 1999. Dans le même temps, la moyenne des analystes envisage un ralentissement de la consommation des ménages limité à 0,8 point (2,6% en 1999 au lieu de 3,4% en 1998) et un simple infléchissement de la formation brute de capital fixe des entreprises (5,4% en 1999 au lieu de 6,7% en 1998). De plus, en moyenne, la formation brute de capital fixe des ménages accélérerait de 1,5 point, passant de +2,1% en 1998 à +3,6% en 1999.

La majeure partie des instituts de conjoncture et des institutions financières adhère donc à l’idée d’une demande intérieure robuste face au choc de demande provoqué par la récession en Asie et les incertitudes dans les pays anglo-saxons, et au choc de compétitivité provoqué par la chute des taux de change hors zone euro et, notamment, la baisse prévue du dollar.

L’analyse détaillée des prévisions chiffrées fournies par les membres du groupe technique montre, en fait, une assez bonne concordance sur certains déterminants de la demande intérieure, mais une variabilité beaucoup plus élevée sur les échanges extérieurs, tant pour les importations que pour les exportations. Cette variabilité traduit clairement les incertitudes évoquées ci-avant sur l’ampleur effective du ralentissement mondial et les conséquences de celui-ci pour l’économie française.

Par ailleurs, les prévisions relatives à l’investissement des entreprises montrent également des écarts assez sensibles. Là où la direction de la prévision envisage une stabilité entre 1998 et 1999, avec un taux de croissance identique de 5,7%, certains prévoient un décrochage brutal (GAMA, L’Expansion, Morgan Stanley, Paribas) tandis que d’autres estiment qu’une augmentation – certes légère – est possible (BIPE, Goldman Sachs).

Les chefs d’entreprise resteraient confiants dans les bonnes perspectives de croissance à moyen terme en France et en Europe, selon la majeure partie des membres du groupe technique, malgré les inflexions qui pourraient être apportées au cours des prochains trimestres du fait de la dégradation des anticipations sur les perspectives à court terme. Ainsi, Morgan Stanley juge que l’investissement réagirait fortement, mais uniquement de façon transitoire, aux mauvaises nouvelles en provenance de l’international ; la révision en baisse des plans d’investissement serait rapide (plus que les années précédentes car les chefs d’entreprise sont aujourd’hui plus réactifs), mais ceux-ci seraient à nouveau mis en œuvre après l’absorption du choc. Cette vision du comportement des chefs d’entreprise est globalement partagée par Goldman Sachs et plusieurs autres organismes.

Enfin, sur le front des prix, JP Morgan écarte catégoriquement l’idée d’une déflation. La diminution du prix des matières premières n’a, depuis plusieurs années, que peu d’impact sur l’évolution des prix à la consommation. Une déflation supposerait un enchaînement mécanique entre baisse des prix, baisse des revenus, puis baisse des dépenses. Or la zone euro est importatrice nette de matières premières : toute diminution du prix des matières premières entraîne une hausse du revenu de la zone. Par ailleurs, l’inflation étant déjà très basse, il faudrait que l’impact déflationniste de la baisse du prix des matières premières passe par le canal des salaires pour que s’amorce un processus auto-entretenu ; ceci est peu probable, compte tenu de la modération salariale déjà constatée aujourd’hui. Enfin, la demande intérieure semble se déplacer, depuis quelque temps, vers des biens et services peu soumis à la concurrence étrangère, par exemple vers le secteur de la construction. Ce processus paraît autrement plus déterminant dans l’appréciation des évolutions à venir de l’indice des prix à la consommation.

La SFAC estime même, pour sa part, que le faible niveau du prix des matières premières peut être un facteur de soutien de l’activité, sinon de reprise, via les comportements de stockage. Relevant que, dans le système industriel actuel, les stocks sont désormais en majeure partie concentrés à l’amont des filières, donc que la part des matières premières ou peu transformées y est plus importante qu’auparavant, la SFAC juge que les comportements de stockage et de déstockage sont désormais plus largement gouvernés par les évolutions des prix des matières premières. Or il est probable que l’on a atteint un point bas, après les baisses de ces derniers mois, ce qui pourrait inciter les entreprises à engager un restockage qui viendrait apporter une contribution positive à la croissance.

Les budgets économiques prévoient, comme l’annonçait par ailleurs le Gouvernement lors de la présentation du projet de loi de finances pour 1999, une diminution du besoin de financement des administrations publiques à 2,3% du PIB en 1999. Les instituts de conjoncture et les institutions financières ont une vision plus pessimiste des finances publiques puisque, en moyenne, le besoin de financement des administrations publiques ne serait réduit que jusqu’à 2,5% du PIB.

Ce léger décalage s’explique aisément par les différences, déjà relevées, entre les membres du groupe technique et la direction de la prévision portant, d’une part, sur la consommation des ménages, d’autre part sur l’évolution globale du PIB. Il ne remet cependant pas en cause, aux yeux de votre Rapporteur général, la cohérence des évaluations effectuées par le Gouvernement à l’appui du cadrage macroéconomique associé au projet de loi de finances pour 1999.

                                                   

PRÉVISIONS MACROÉCONOMIQUES DES ORGANISMES DE PRÉVISION

 

Budgets

économiques

Oct. 1998

B.I.P.E.
Oct. 1998

C.D.C.
Oct. 1998

C.O.E.
Oct. 1998

 

1998

1999

1998

1999

1998

1999

1998

1999

I.- Environnement international                

    1. Parité du dollar en francs

6,0 6,0 5,83 5,6 5,9 5,3 5,93 5,58

    2. Taux à 3 mois en Allemagne (%)

3,5 3,75 3,6 3,7 3,5 3,5

    3. Croissance du PIB aux Etats-Unis (%)

3,4 1,9 2,8 1,4 3,3 2,0 3,3 1,7

    4. Croissance du PIB en Allemagne (%)

2,6 2,7 2,9 3,0 2,5 2,5 2,7 2,2

    5. Croissance de la demande mondiale adressée à la France (%)

7,3 5,4 6,0 5,1 6,8 5,0
II.- Équilibre des biens et services                

Évolution (%)

               

    6. P.I.B.

3,1 2,7 3,2 2,8 2,9 2,5 3,0 2,5

    7. Importations

8,3 5,2 9,3 7,4 7,2 3,7 7,7 5,4

    8. Consommation des ménages

3,1 2,7 3,0 2,8 3,5 2,7 3,5 2,6

    9. Investissement des entreprises

5,7 5,7 6,5 7,0 6,7 5,0 7,1 6,6

    10. Exportations

6,8 4,2 7,8 6,0 4,7 3,0 5,0 3,5

    11. Variation des stocks (b)

0,3 0,0 0,4 - 0,1 0,4 0,1 0,5 0,2
III.- Prix, salaires, emploi                

Évolution (%)

               

    12. Prix à la consommation (c)

0,9 1,3 0,8 1,0 0,7 0,9 0,8 0,9

    13. Emploi salarié

1,8 (e) 1,8 (e) 1,4 (f) 1,4 (f) 1,9 (g) 1,1 (g) 2,0 (g) 1,5 (g)

    14. Taux de salaire horaire

1,4 1,5 1,4 1,2 1,7 1,5 1,4 1,2
IV.- Comptes d’agents                

    15. Taux de marge des sociétés et quasi-sociétés non financières (%)

31,6 (f) 31,4 (f) 31,5 (h) 31,7 (h) 31,1 31,4 32,1 32,0

    16. Pouvoir d’achat du revenu disponible brut des ménages (évolution en %)

2,8 2,5 2,6 2,5 3,1 2,2 3,1 2,4

    17. Besoin de financement des administrations publiques (en % du PIB)

- 2,9 - 2,3 - 2,6 - 2,0 - 3,0 - 2,6 - 2,9 - 2,5
V.- Commerce extérieur                

    18. Solde FAB-FAB des échanges de marchandises (d)

164

149

170

170

(a) Taux au jour le jour.
(b) Contribution à la croissance du PIB (en point de PIB).
(c) Déflateur de la consommation des ménages (en moyenne annuelle).
(d) Chiffres douaniers, en milliards de francs.
(e) Branches marchandes non agricoles.
(f) Secteur non financier non agricole, hors grandes entreprises nationales.
(g) Secteur marchand non agricole.
(h) Y compris entreprises individuelles.

PRÉVISIONS MACROÉCONOMIQUES DES ORGANISMES DE PRÉVISION

G.A.M.A.
Oct. 1998

REXECODE
Oct. 1998

O.F.C.E.
Oct. 1998

A.F.E.D.E.
Oct. 1998

EXPANSION
Oct. 1998

 

1998

1999

1998

1999

1998

1999

1998

1999

1998

1999

 
                    I.- Environnement international
5,92(a) 5,47(a) 5,94 5,53 5,9 5,4 5,92 5,7 5,9 5,35

    1. Parité du dollar (en francs)

3,4 3,7 3,5 3,5 3,5 3,5 3,52 3,5 3,6 3,4

    2. Taux à 3 mois en Allemagne (%)

3,3 2,0 3,3 1,3 3,2 0,5 3,5 1,8 3,3 1,0

    3. Croissance du PIB aux Etats-Unis (%)

2,7 2,4 2,5 2,5 2,6 2,4 2,4 2,2 2,6 1,5

    4. Croissance du PIB en Allemagne (%)

5,2 4,2 6,4 4,9 6,0 4,6 6,0 3,0

    5. Croissance de la demande mondiale adressée à la France (%)

                    II.- Équilibre des biens et services
                   

Évolution (%)

3,1 2,3 2,9 2,3 3,0 2,7 2,9 2,3 2,8 2,0

    6. P.I.B.

7,4 3,4 7,6 5,3 8,0 8,0 7,2 4,8 6,8 2,5

    7. Importations

3,4 2,3 3,6 2,7 3,5 3,1 3,2 2,5 3,1 2,1

    8. Consommation des ménages

6,8 4,2 7,0 5,6 6,3 5,9 6,2 5,0 6,5 4,0

    9. Investissement des entreprises

4,0 2,6 4,8 3,6 5,8 6,4 5,7 4,4 4,5 2,5

    10. Exportations

1,0 0,2 0,4 0,0 0,6 0,2 0,4 - 0,2 0,4 0,0

    11. Variation des stocks (b)

                    III.- Prix, salaires, emploi
                   

Évolution (%)

0,7 1,4 0,8 1,1 0,7 0,9 0,8 1,0 0,8 0,6

    12. Prix à la consommation (c)

1,6 (g) 0,2 (g) 1,8 (f) 1,5 (f) 1,4 (f) 1,2 (f) 1,6 (f) 1,0 (f)

    13. Emploi salarié

1,6 1,3 1,5 1,7 1,7 2,2 1,4 1,4

1,7

1,5

    14. Taux de salaire horaire

                    IV.- Comptes d’agents
40,9(h) 41,0(h) 31,9 31,7 32,5(h) 32,4(h)

    15. Taux de marge des sociétés et quasi-sociétés non financières (%)

2,1 1,9 2,8 2,2 2,3 2,2 2,5 2,1

    16. Pouvoir d’achat du revenu disponible brut des ménages (évolution en %)

- 2,8

- 2,4

- 2,9 - 2,5 - 2,9 - 2,8

    17. Besoin de financement des administrations publiques (en % du PIB)

                    V.- Commerce extérieur

165

150

160

140

    18. Solde FAB-FAB des échanges de marchandises (d)

B.I.P.E. : Bureau d’informations et de prévisions économiques.

C.D.C. : Caisse des dépôts et consignations.

C.O.E. : Centre d’observation économique (chambre de commerce et d’industrie de Paris).

G.A.M.A. : Groupe d’analyse macro-économique appliquée (université de Paris Nanterre et C.N.R.S.).

REXECODE : Centre de recherches pour l’expansion de l’économie et le développement des entreprises.

O.F.C.E. : Observatoire français des conjonctures économiques (pour l’environnement international : département des diagnostics).

A.F.E.D.E. : Association française des économistes d’entreprises.

EXPANSION : Groupe de l’Expansion.

CHAPITRE III

LE BUDGET POUR 1999 DOIT MARQUER L’ENTRÉE RÉUSSIE

DE LA FRANCE DANS LA ZONE EURO

Souhaitable, le soutien de la croissance paraît possible, dans la mesure où la constitution de la zone euro accroît nos marges de manoeuvre.

L’évolution structurelle de notre commerce extérieur, orienté de façon privilégiée vers l’Europe occidentale, a conduit, par rapport à la situation des années quatre-vingt, à un desserrement de la contrainte commerciale.

Dans le même temps, la contrainte financière a changé de nature : avant même la mise en oeuvre effective de la monnaie unique, il est déjà possible d’en mesurer les effets favorables. Ainsi, les onze Etats de la zone euro ont-ils été largement épargnés par les conséquences des crises financières qui se sont succédées au cours des derniers mois.

Mais, pour bénéficier à plein de l’« effet euro », il convient de veiller à la compétitivité de nos entreprises, largement intégrées à l’espace économique européen.

En outre, l’entrée dans la zone euro implique, en matière de finances publiques, des disciplines que rend, en tout état de cause, indispensable la nécessité de reconstituer, en période de croissance, les marges budgétaires qui permettront de faire face, le moment venu, à un éventuel retournement de la conjoncture.

Le desserrement de la contrainte commerciale et le changement de nature de la contrainte financière doivent ainsi permettre tant d’accompagner l’intégration des entreprises françaises dans l’espace économique européen que de poursuivre l’assainissement de nos finances publiques.

A.- LE DESSERREMENT DE LA CONTRAINTE COMMERCIALE

En 1997, pour la sixième année consécutive, les résultats du commerce extérieur ont été spectaculaires : l’excédent a pratiquement doublé par rapport à 1996, près des deux tiers des échanges ayant été réalisés avec des pays de l’Union européenne.

Ces performances autorisent la France à mener, plus librement que par le passé, une politique de soutien de la demande interne et, partant, de la croissance. Le succès de cette stratégie peut lui permettre, par ailleurs, de résister à un éventuel ralentissement du commerce mondial, qui aurait été insupportable il y a seulement un an. La contrainte extérieure a donc diminué de façon significative.

Ainsi, il est possible d’envisager plus sereinement une stabilisation de l’excédent commercial en 1998, voire un repli progressif en 1999, évolution caractéristique d’une croissance désormais davantage fondée sur la consommation et sur l’investissement que sur les exportations.

1.– Une nouvelle amélioration des échanges extérieurs

a) Un excédent commercial sans précédent

Chaque année, depuis 1992, la balance française des échanges extérieurs de marchandises réalise un nouveau record. 1997 ne fait pas exception : l’excédent commercial est passé de 85 milliards de francs en 1996 à 169 milliards de francs (17). La performance est d’autant plus remarquable qu’elle s’accompagne d’une forte progression des flux.

En effet, les exportations et les importations ont nettement progressé. Dès lors, les explications structurelles de l’excédent extérieur (amélioration de la compétitivité-prix, de l’image et de la qualité des produits français, bonne orientation géographique, etc.) tendent à prendre le pas sur les facteurs conjoncturels qui étaient invoqués, avec raison, lorsque l’écart de croissance était important entre la demande mondiale et la demande intérieure. La contribution du commerce extérieur à la croissance économique et à l’emploi a été d’autant plus forte.

COMMERCE EXTÉRIEUR FRANÇAIS : 1988-1997

(résultats bruts FAB-FAB y compris matériel militaire, en milliards de francs)

 

1988

1989

1990

1991

1992

1993

1994

1995

1996

1997

Évolution97/96 (en %)

Importations 1.035 1.193 1.235 1.263 1.230 1.115 1.244 1.358 1.395 1.524 9,2
Exportations 981 1.124 1.159 1.199 1.235 1.175 1.293 1.420 1.480 1.693 14,4
Solde - 54 - 69 - 76 - 64 5 60 49 62 85 169 98,8

Source : Direction générale des douanes et droits indirects.

Au premier semestre de 1998, l’excédent s’est élevé à 83,2 milliards de francs, marquant une baisse par rapport au précédent semestre (91,4 milliards de francs), mais une hausse par rapport aux six premiers mois de 1997 (77,8 milliards de francs).

Ces performances résultent, en 1997, d’une progression de l’ensemble des secteurs économiques, à l’exception de l’énergie. L’automobile mise à part, les améliorations s’accompagnent d’une forte reprise des échanges. Au premier semestre de 1998, l’allégement de la facture énergétique compense les évolutions, plus contrastées, des autres secteurs.

·   Le secteur de l’équipement professionnel affiche sans doute, en 1997, les meilleurs résultats. Les ventes de construction aéronautique et le commerce des machines de bureau et du matériel électronique y ont particulièrement contribué, le dynamisme des échanges ayant été sans précédent depuis dix ans. L’excédent a atteint 63,3 milliards de francs. Dès lors, il n’est pas étonnant que le premier semestre de 1998 ait été marqué par un léger repli (l’excédent est de 28,5 milliards de francs), les flux d’échanges au sein de la branche poursuivant leur mouvement de hausse, mais à un rythme plus mesuré.

·   Les échanges de biens intermédiaires, et notamment ceux du secteur des demi-produits non métalliques, sont redevenus dynamiques après la stagnation, voire le recul, de 1996 : les exportations ont progressé de 10,8% et les importations de 8,9%. Au cours des premiers mois de 1998 cependant, seule la branche des métaux a progressé.

·   La diminution du déficit des biens de consommation se poursuit également : il n’était plus que de 10,2 milliards de francs en 1997. Le déficit des sous-secteurs « biens de consommation courante » et « électroménager-électronique grand public » a encore baissé par rapport à 1996. Au premier semestre de 1998, les échanges d’électronique ménager ont atteint de nouveaux sommets : la coupe du monde de football explique en partie la hausse des importations de 32% et des exportations de 19%. Le secteur dans son ensemble évolue favorablement.

·   L’agro-alimentaire est à l’origine, comme toujours, du plus gros excédent : 64,9 milliards de francs en 1997, soit la plus forte progression depuis dix ans (+ 13 milliards de francs), avec une hausse des exportations de 10% et des importations de 5%. L’excédent a cependant nettement diminué au premier semestre de 1998 et les tensions qui persistent sur le marché des céréales continuent de peser sur les exportations françaises.

·   La plus forte progression, en 1997, a été celle du secteur automobiles et transports terrestres, l’excédent atteignant le niveau record de 64 milliards de francs. Certes, cette évolution s’explique en partie par un décalage de conjoncture, le recul du marché français contrastant avec la vigueur de la demande étrangère liée, notamment, aux primes gouvernementales instaurées en Italie et en Espagne. Au premier semestre de 1998, le dynamisme persistant des exportations (+6%) s’est néanmoins conjugué avec une reprise sensible des immatriculations en France.

·   L’énergie aura finalement été le seul secteur à se dégrader en 1997 : le déficit a dépassé les 85 milliards de francs. La hausse des achats de pétrole brut, en valeur, compte tenu de l’appréciation du dollar qui a plus que compensé la baisse des cours mondiaux, a provoqué une aggravation du déficit de ce poste, qui a atteint 72,1 milliards de francs. Cependant, au premier semestre de 1998, la facture énergétique s’est allégée de 10 milliards de francs (31,8 milliards de francs, contre 42,4 milliards de francs au semestre précédent), sous l’effet, notamment, d’une baisse du prix du pétrole brut de 25% par rapport aux six derniers mois de 1997.

                     

ÉVOLUTION DES ÉCHANGES EXTÉRIEURS PAR GROUPE DE PRODUITS

(résultats bruts CAF/FAB hors matériel militaire, en milliards de francs)

 

1990

1991

1992

1993

1994

1995

1996

1997

1998 (a)

Produits agricoles 35,2 29,2 33,8 32,3 18,4 20,3 24,7 30,0 13,5
Produits des industries agro-
alimentaires

13,3

12,3

16,1

20,3

22,5

26,4

26,9

34,9

12,9
Énergie - 95,4 - 96,4 - 81,6 - 70,8 - 67,2 - 60,8 - 79,1 - 85,8 - 31,8
Biens intermédiaires - 44,0 - 34,1 - 29,5 - 4,8 - 17,5 - 23,3 - 8,4 - 4,7 - 8,9
Équipement professionnel - 30,8 - 18,6 13,0 28,5 27,1 48,6 48,6 63,3 28,5
Automobile et transports terrestres
21,6

29,5

28,6

25,6

26,7

20,3

24,5

64,0

36,1
Biens de consommation - 54,7 - 56,1 - 44,9 - 33,3 - 26,7 - 25,1 - 16,9 - 10,2 - 4,4
Divers 3,4 2,7 2,5 3,2 3,1 2,7 2,9 2,5 1
Total - 151,4 - 131,5 - 62,0 1 - 13,6 9,1 23,2 94,0 46,9
(a) Résultats du premier semestre.

Source : Direction générale des douanes et droits indirects.

b) Des transactions courantes de nouveau en hausse

Cette progression des échanges de marchandises explique largement comment le compte de transactions courantes a pu enregistrer, en 1997, un excédent de 230 milliards de francs, en hausse de plus de 100 milliards de francs par rapport à 1996, ce qui place la France au deuxième rang mondial derrière le Japon. Mais les services y ont également contribué : les échanges de biens et services ont été excédentaires de 266,9 milliards de francs (159,8 milliards de francs en 1996). Sur les six premiers mois de 1998, le solde du compte de transactions courantes a dégagé un excédent pratiquement identique à celui du premier semestre de 1997 (+ 107 milliards de francs).

·   Le solde des échanges de marchandises, en données FAB-FAB et en méthodologie balance des paiements, s’établit à 154,7 milliards de francs, en hausse de près de 90 milliards de francs par rapport à 1996 (18). Le solde des échanges de biens atteint 164,3 milliards de francs (en tenant compte de l’excédent dégagé par les opérations d’avitaillement et de travail à façon et par les réparations).

·   Le solde des services a également évolué favorablement, bien que de façon moins spectaculaire, passant de + 77,3 milliards de francs en 1996 à + 102,6 milliards de francs en 1997. Après trois années de déclin, le solde des voyages s’est amélioré et a atteint le niveau record de + 66,7 milliards de francs (+ 54,3 milliards de francs en 1996). Des phénomènes monétaires (appréciation du dollar, de la livre et de la lire) ont contribué à cette évolution et la France s’est située, en 1997, à la troisième place sur le marché du tourisme international, derrière les Etats-Unis et l’Italie. Le solde touristique devrait se maintenir à un niveau très élevé en 1998, voire progresser grâce aux recettes supplémentaires engendrées par l’organisation de la coupe du monde de football. Cette évolution pourrait compenser un léger repli du solde des échanges de services liés aux échanges extérieurs.

·   Les revenus ont été excédentaires, en 1997, pour la première fois depuis le début des années 1990 : + 19,2 milliards de francs, en hausse de 30 milliards de francs par rapport à 1996. Les revenus d’investissements directs nets ont sensiblement progressé et si cette tendance pourrait désormais s’inverser, du fait des difficultés économiques qui affectent les pays émergents d’Asie, la dégradation devrait néanmoins rester modérée.

·   Le déficit structurel des transferts courants, en revanche, a augmenté, en 1997, de 11 milliards de francs par rapport à 1996, pour atteindre 56 milliards de francs (19).

LES COMPOSANTES DES TRANSACTIONS COURANTES

(en millions de francs)

 

1995

1996

1997

 

Recettes

Dépenses

Solde

Recettes

Dépenses

Solde

Recettes

Dépenses

Solde

Transactions courantes 2.147.425 2.092.931 54.494 2.230.888 2.125.903 104.985 2.562.467 2.332.351 230.116
Biens 1.390.483 1.335.561 54.922 1.441.872 1.365.357 76.515 1.658.118 1.493.820 164.298
Services 393.630 322.066 71.564 418.796 341.514 77.282 474.542 371.920 102.622
Autres biens et services 25.748 7.839 17.909 8.544 2.579 5.965 0 0 0
Biens et Services 1.809.861 1.665.466 144.395 1.869.212 1.709.450 159.762 2.132.660 1.865.740 266.920
Revenus 230.846 271.800 - 40.954 249.480 259.499 - 10.019 312.306 293.145 19.161
Transferts courants 106.718 155.665 - 48.947 112.196 156.954 - 44.758 117.501 173.466 - 55.965

Source : Banque de France.

2.- Une progression des importations liée à la reprise économique

Depuis 1990, la progression des importations restait limitée, du fait de l’atonie de la demande interne. En 1994 notamment, puis de nouveau entre 1996 et la mi-1997, les bonnes performances des échanges extérieurs résultaient largement d’un décalage de conjoncture, amplifié par la politique du précédent Gouvernement, entre la France et ses partenaires.

Dans ce contexte, une politique économique de soutien de la demande interne permettant d’accélérer la croissance et de lutter efficacement contre le chômage s’imposait. Il pouvait en résulter une reprise des importations, mais le risque était contrebalancé par le dynamisme structurel et persistant des exportations. En tout état de cause, une contraction de l’excédent commercial n’a rien d’inquiétant en soi, dès lors qu’elle reste mesurée et surtout qu’elle reflète une résorption corrélative du déficit de croissance et d’emploi.

Cette analyse, déjà esquissée dans le précédent rapport général, est confortée par les résultats obtenus depuis lors : la progression des importations accompagne désormais celle des exportations.

·   En 1997, la progression du pouvoir d’achat des ménages et l’amélioration de la conjoncture ont favorisé un redémarrage progressif de la demande interne. En termes de stocks, de consommation des ménages ou d’investissement productif, la reprise se manifeste dans la seconde partie de l’année : la croissance des achats a fait un bond au troisième trimestre et sur l’ensemble de l’année, les importations ont augmenté de 9,2%.

ÉVOLUTION DES IMPORTATIONS : 1996-1998

(résultats corrigés des variations saisonnières et des jours ouvrables, FAB-FAB, y compris matériel militaire, en millions de francs)

 

1996

1997

1998

 

3e trim.

4e trim.

1er trim.

2e trim.

3e trim.

4e trim.

1er trim.

2e trim.

Importations 347.841 356.311 362.685 370.757 391.375 398.790 406.603 405.120

Source : Direction générale des douanes et droits indirects.

·   Au cours des six premiers mois de 1998, le caractère soutenu de la consommation des ménages et de l’investissement des entreprises s’est confirmé. L’augmentation des importations, qui se sont élevées à 812 milliards de francs, ne s’est donc pas démentie, malgré le léger recul du deuxième trimestre. Ainsi, l’évolution à la hausse constatée fin 1997 n’était pas conjoncturelle : la progression des importations est de 10% par rapport au premier semestre de 1997, malgré la baisse de la facture énergétique (- 16%). Elle est à l’origine de la diminution de l’excédent avec la Communauté européenne, celui-ci continuant néanmoins à se situer à un niveau élevé (+ 37,1 milliards de francs). La poussée des achats et la dégradation de la balance commerciale sont particulièrement nettes avec l’Allemagne : le retour au déficit résulte d’une hausse des importations de 6,3%.

La progression des importations n’a pas eu de répercussion sur l’équilibre des échanges extérieurs, les exportations restant dynamiques. La dégradation de l’environnement international pourrait mettre fin à cette situation mais ses répercussions sont pour l’instant limitées, et l’ampleur de l’excédent commercial rend supportable l’hypothèse d’une légère baisse des exportations.

3.- Une contraction relative des exportations

La réorientation géographique du commerce extérieur de la France, engagée au cours de la précédente décennie, est désormais achevée : près des deux tiers de ses exportations sont dirigées vers l’Union européenne, et plus des trois quarts vers l’OCDE.

Cette restructuration lui permet de profiter pleinement de la hausse du commerce mondial.

En 1997, la progression des exportations a été particulièrement forte : +14,4% par rapport à 1996. Tous les pays industrialisés, à l’exception du Japon, ont en effet connu globalement une croissance soutenue. La demande des pays émergents est restée ferme, au moins au cours du premier semestre : les effets de la crise financière asiatique qui a affecté, à l’été, l’Indonésie, la Thaïlande, la Malaisie, les Philippines et la Corée, n’ont été perceptibles qu’à la fin de l’année. Le taux de progression en volume du commerce mondial de marchandises a été de +9,9%, soit la deuxième plus forte hausse depuis vingt ans, mais après, il est vrai, un ralentissement en 1996. La France a bénéficié de cet environnement en tirant profit de la bonne compétitivité de ses entreprises et d’une dépréciation de son taux de change effectif (au regard du dollar, de la livre et de la lire). Sa part de marché, par rapport à ses principaux partenaires de l’OCDE, est désormais stabilisée (20). Les exportations françaises ont par ailleurs bénéficié, en 1997, d’un montant exceptionnel de grosses opérations : Airbus-Industrie a dépassé son précédent record de 1995, en exportant, à partir de la France, 107 appareils, pour 46,5 milliards de francs (107 appareils pour 42,6 milliards de francs en 1995, 90 appareils pour 36 milliards de francs en 1996).

·   La part de l’Union européenne est en légère baisse, la hausse des flux avec les Etats membres restant inférieure à l’augmentation globale des échanges. Mais l’excédent était proche de 90 milliards de francs en 1997, soit une progression de plus de 60 milliards de francs par rapport à 1996. L’Allemagne est de loin le premier client et le premier fournisseur de la France. Le Royaume-Uni est toujours son premier excédent bilatéral.

LE COMMERCE EXTÉRIEUR DE LA FRANCE EN 1997 PAR ZONES GÉO-ÉCONOMIQUES

 

1997
(en milliards de francs)

Evolution 97/96
(en %)

Taux de

 

Importations

Exportations

Solde

Importations

Exportations

Couverture (en %)

Union européenne 948,1 1.037,7 89,6 4,9 11,3 109,4
UEBL (a) 124,8 133,1 8,3 3 6,4 106,6
Pays-Bas 77,9 77,4 - 0,6 4,2 15,1 99,3
Allemagne 257,2 262,3 5,2 3,2 3,9 102
Italie 151,8 153,4 1,5 3,6 12,9 101
Royaume-Uni 129,6 167 37,4 8,6 20,7 128,9
Espagne 103,3 132,7 29,4 4,3 14,1 128,4
OCDE hors UE 280,9 249,1 - 31,8 15,2 16,2 88,7
Etats-Unis 136,1 107,5 - 28,7 18,1 21,5 78,9
Japon 52 28,4 - 23,6 12,7 3,8 54,6
Suisse 36,9 58,1 21,2 5,4 2,5 157,4
Pays de l’Est 50,3 61,7 11,4 8,1 29,8 122,7
Russie 20,3 14,8 - 5,5 - 1,7 44,3 72,8
Pays d’Asie à économie en développement rapide
103,8

109,8

6

18,5

31,6

105,7
Chine 38,7 20 - 18,7 24,4 60,9 51,6
Moyen-Orient 33,7 41,9 8,2 10,4 20,1 124,4
Afrique 67,3 87,4 20,1 9,3 5,9 129,9
Reste du monde 69,9 64,7 - 5,2 16,7 1,8 92,5
Total CAF/FAB hors matériel militaire
1.554

1.652,3

98,3

8,4

13,3

106,3
(a) Union économique Belgique-Luxembourg.

Source : Direction générale des douanes et droits indirects.

·   Les échanges ont été plus dynamiques avec les pays de l’OCDE hors Union européenne, mais le déficit commercial, qui a légèrement progressé, est resté important. Le solde s’est aggravé avec le Japon (second déficit bilatéral de la France) et, dans une moindre mesure, avec les Etats-Unis et la Norvège qui sont, respectivement, nos premier et troisième déficits bilatéraux.

·   Les pays tiers ont joué un rôle essentiel en 1997 : la hausse des échanges a été plus forte avec la plupart d’entre eux et le solde a été excédentaire avec le Moyen-Orient et les pays de l’Est, mais également avec les pays d’Asie à développement économique rapide : l’impact de la crise financière qui a affecté la région n’apparaît sur les exportations qu’en fin d’année et reste donc très limité sur l’ensemble de 1997.

Incontestablement, le contexte international est moins favorable depuis que la crise financière de l’été 1997 s’est propagée, durant l’hiver, à la sphère réelle des économies asiatiques. L’ensemble de la région est affecté, dans des proportions certes variables, ainsi que, par contagion, l’Amérique latine et les autres pays émergents. L’Afrique subit, quant à elle, les effets de la chute des cours du pétrole et des matières premières. Le commerce mondial pourrait ralentir de quelque deux points en 1998, en raison d’une baisse des importations des pays émergents d’Asie, mais aussi des pays de l’OPEP. De même, la demande mondiale de produits manufacturés adressée à la France passerait de 9,4% en 1997 à environ 7,4% en 1998 (21).

Pour autant, l’impact de cette dégradation doit être nuancé.

En premier lieu, on constate que, sur les six premiers mois de l’année en cours, les exportations se sont maintenues à un niveau très élevé, même si le ralentissement est sensible par rapport au second semestre de 1997, sous l’effet de la décélération de la demande mondiale.

ÉVOLUTION DES EXPORTATIONS : 1996-1998

(résultats corrigés des variations saisonnières et des jours ouvrables, FAB-FAB, y compris matériel militaire, en millions de francs)

 

1996

1997

1998

 

3e trim.

4e trim.

1er trim.

2e trim.

3e trim.

4e trim.

1er trim.

2e trim.

Exportations 371.007 382.980 394.587 416.613 436.492 445.058 447.449 447.508

Source : Direction générale des douanes et droits indirects.

En second lieu, un recul des exportations serait certes fâcheux mais pourrait n’avoir que des conséquences limitées. L’excédent est tel que la France dispose, au niveau de l’équilibre de ses échanges extérieurs, d’une marge confortable.

Surtout, la concentration géographique des échanges extérieurs de la France vers les pays industrialisés limite, pour l’instant, les répercussions directes de la crise asiatique. Certes, les exportations vers les pays d’Asie en développement rapide ont fortement reculé au premier semestre de 1998 (-26,5%, après une hausse importante au second semestre de 1997), et le retour au déficit est spectaculaire : le solde est redevenu négatif (-11,9 milliards de francs, soit la moins bonne performance au cours des dix dernières années). Mais l’Asie ne représente finalement que 7% des exportations françaises, et les cinq pays les plus touchés seulement 3% : l’impact est donc limité en valeur absolue. Quant à la Russie, elle n’est la destination que d’un peu moins de 1% des exportations françaises.

Enfin, on observera que les pays du Sud-Est asiatique conservent malgré tout des perspectives de croissance à moyen et long termes.

Dans l’immédiat, les conséquences négatives, pour la France, de la crise asiatique sont inégales selon les secteurs. La baisse des exportations vers l’Asie en développement touche durement les biens de luxe. Les alcools et les parfums ont fortement reculé au premier semestre de 1998. L’habillement, l’horlogerie et l’électronique grand public risquent également d’être affectés. Mais au niveau global, la France a l’avantage de commercer d’abord avec des pays industrialisés, et l’ampleur de son excédent commercial paraît lui permettre d’envisager sans crainte, en termes d’équilibre, une légère détérioration de son environnement extérieur.

Il reste que l’impact à moyen terme pourrait être plus important. La décroissance des exportations risque de s’accompagner d’une baisse de compétitivité vis-à-vis des pays en crise (du fait de la dépréciation de leurs monnaies) et d’une tentation, de leur part, de privilégier la recherche de débouchés extérieurs indépendamment des seules considérations de coût et de prix. L’effet des ajustements en cours, le risque d’un élargissement de la crise, avec les turbulences qui affectent actuellement les autres pays émergents, les difficultés de la Russie, sans compter un éventuel ralentissement américain et la possible rechute du dollar, rendent la situation difficile à appréhender : une certaine prudence s’impose de toute évidence. Dans l’immédiat, la seule certitude est donc que des marchés qui constituaient, incontestablement, un fort potentiel de développement, sont en train de se refermer : l’un des moteurs de la croissance des échanges français étant en train de se gripper, la vigueur de la demande interne n’en est que plus essentielle pour contrebalancer les aléas extérieurs.

*

* *

Au terme de cette brève analyse, on constate que la contrainte extérieure a très sensiblement diminué :

– un recul des exportations serait supportable, sous réserve qu’il reste limité et contrebalancé par une consommation intérieure dynamique ;

– la reprise de la demande interne doit être confortée, le niveau actuel de l’excédent commercial permettant d’envisager sans trop d’inquiétude une hausse des importations.

Compte tenu des résultats du premier semestre et de la baisse de la facture énergétique, qui devrait compenser un tassement du solde manufacturier, on peut penser qu’en 1998, les excédents de la balance commerciale et de la balance des transactions courantes devraient se stabiliser autour de leur niveau historique de 1997.

En 1999, l’excédent extérieur pourrait se contracter : une demande intérieure soutenue se conjuguerait avec un ralentissement de la demande étrangère adressée à la France, dans le cadre d’un rééquilibrage de la croissance au profit de la demande interne.

B.– LE CHANGEMENT DE NATURE DE LA CONTRAINTE FINANCIÈRE

Parce qu’il repose sur un transfert des compétences monétaires, sur le plan institutionnel et politique, et qu’il réduit le nombre des instruments de régulation conjoncturelle à la disposition du Gouvernement, le choix de la monnaie unique a été, en son temps, particulièrement contesté.

La mise en oeuvre de l’Union économique et monétaire présente, en apparence, des désavantages, car elle supprime, au plan interne, deux outils de politique économique, à savoir l’action sur le taux d’intérêt et celle sur le taux de change, et elle impose des contraintes à la politique budgétaire.

Cependant, l’expérience récente montre que ce choix a été pertinent, car il a, jusqu’à présent, permis à notre pays de rester à l’abri des perturbations monétaires internationales tout en lui offrant des perspectives de réduction des taux d’intérêt, alors que l’exercice de sa souveraineté monétaire était progressivement devenu illusoire.

1.- La « nouvelle donne » monétaire

Dans le cadre de la « marche à l’euro », le taux d’intérêt et le taux de change ont progressivement perdu leur statut d’instruments nationaux de politique économique.

a) Le rôle du taux d’intérêt et du taux de change comme instruments de politique économique, selon la théorie économique

Selon la théorie économique, le rôle du taux d’intérêt est essentiel à la conduite de la politique économique, car il permet, sur le plan interne, de réguler la demande, par le biais des incidences du coût du crédit sur l’investissement, sur la construction de logements et sur la consommation privée, notamment la consommation de biens durables, ainsi que de jouer sur l’arbitrage entre la consommation et l’épargne. En outre, ses conséquences sur le cours des valeurs mobilières doivent être prises en compte dans le cadre des effets de richesses, les variations de la valeur de ces actifs n’étant pas sans influence sur la consommation des ménages, qui utilisent à des fins de consommation ou d’acquisition de logement une partie des plus–values qu’ils réalisent.

Sur le plan externe, le taux d’intérêt permet également de faire varier la liquidité de l’économie et joue un rôle dans la détermination ou le maintien du taux de change par son influence sur les capitaux internationalement mobiles.

S’agissant du taux de change, l’intérêt d’une dévaluation ou d’une dépréciation est, de manière générale, de relancer les exportations et de réorienter la demande sur les produits non importés en favorisant la compétitivité des produits nationaux dans une perspective de réduction d’un déficit de la balance commerciale (22). Sur le plan financier, une variation du taux de change permet de fixer un taux d’intérêt compatible avec les objectifs retenus pour l’évolution de la masse monétaire, du crédit, de l’investissement et de la croissance.

b) La question de l’autonomie de la politique budgétaire

En arrière plan, les réflexions sur le rôle du taux d’intérêt et du taux de change introduisent le débat sur l’autonomie de la politique budgétaire, sur lequel votre Rapporteur général reviendra de façon plus détaillée dans la deuxième partie du présent volume.

En privant la politique économique des deux instruments qui permettent de corriger les conséquences des écarts d’inflation entre l’économie nationale et celles de ses partenaires, la monnaie unique exerce sur la politique budgétaire une contrainte forte. Elle consacre l’interdiction de la monétisation des déficits et exige ainsi un cadre coordonné au plan européen.

Pour l’euro, ce cadre a été fixé par le pacte de stabilité et de croissance adopté en juin 1997 lors du Conseil européen tenu à Amsterdam. Ce pacte précise les dispositions du traité de Maastricht sur le suivi des politiques budgétaires après l’adoption de la monnaie unique, afin que les Etats membres retrouvent une situation budgétaire où les fluctuations cycliques habituelles n’entraînent pas de déficits excessifs.

Le pacte repose sur deux éléments :

– la surveillance multilatérale des politiques budgétaires, chaque Etat soumettant chaque année au Conseil un programme de stabilité expliquant les moyens qu’il compte mettre en oeuvre pour atteindre l’objectif d’une situation des administrations publiques proche de l’équilibre à moyen terme, ou dégageant un excédent. Le Conseil pourra, le cas échéant, adopter des recommandations sur les programmes qu’il ne jugerait pas satisfaisants et assurera un suivi de la mise en oeuvre de ces programmes ;

– des sanctions financières dans le cas où le déficit des administrations publiques s’élèverait au-dessus de 3% du PIB, autrement qu’à titre exceptionnel, temporaire, et limité.

c) La perte progressive de son autonomie monétaire par la France

Le contexte de la construction européenne, qui veut que le développement des échanges ait lieu dans un cadre stable reposant essentiellement sur une intégration économique et commerciale, a conduit à la mise en place du système de changes fixes et ajustables du SME. En pratique, la combinaison de cette évolution et de l’importance de l’ouverture financière de notre pays sur l’extérieur à la suite de la libéralisation des changes, a fait progressivement disparaître les marges de manoeuvre théoriquement permises par la politique du taux d’intérêt et par les variations du change, qui sont devenues illusoires :

– la dévaluation est apparue comme un instrument de correction des erreurs et comme la sanction d’une incapacité à maîtriser l’inflation et non comme un instrument de souplesse et d’arbitrage de la politique économique ;

– les variations du taux d’intérêt ont été imposées par les arbitrages opérés par les opérateurs internationaux : la politique du franc fort a rendu nécessaire, au début de la présente décennie, des taux de court terme particulièrement élevés ;

– la défense de la parité du franc vis–à–vis des autres monnaies, essentiellement du mark, s’est avérée très coûteuse en termes de réserves de change et particulièrement difficile s’agissant de la coordination de l’action des banques centrales, lors des attaques spéculatives fondées sur les rumeurs ou des anticipations de dévaluation ;

– les nécessités de la convergence économique ont limité la latitude de la politique budgétaire.

Globalement, les impératifs de la stabilité des relations commerciales et du développement de l’économie réelle, de même que la nécessité de tenir compte des comportements des opérateurs financiers, ont contraint notre pays à entrer dans un système mixte reposant sur l’addition des contraintes : celles résultant de la fixité des parités ; celles induites par l’obligation de parer à la défiance des marchés financiers internationaux.

2.- Les effets bénéfiques de l’union monétaire

L’évolution monétaire de ces dernières années et la crise financière font clairement apparaître les avantages de l’euro.

La perspective très proche de la mise en place de l’euro, dès le 1er janvier 1999, a montré ces derniers mois, et plus encore ces dernières semaines, que la monnaie unique présentait deux avantages majeurs immédiatement perceptibles : une protection contre la spéculation internationale ; un alignement des taux d’intérêt au plan européen.

a) La protection contre les crises financières et monétaires internationales

Lors de la crise russe, l’effet « bouclier » de l’euro, selon les termes de M. Yves-Thibault de Silguy, membre de la Commission européenne, a parfaitement fonctionné. Aucune des monnaies de la zone euro n’a fait l’objet d’attaques spéculatives. La preuve en est fournie avec éclat par la situation du « markka », resté remarquablement stable malgré l’importance des relations de la Finlande avec la Russie, alors que la couronne suédoise a fait l’objet d’une forte dépréciation. De même, après une certaine stabilité, la livre sterling a été affectée. Enfin, alors que le reflux du dollar créait habituellement des remous parmi les monnaies européennes, en raison de la préférence des opérateurs pour les monnaies structurellement fortes comme le mark allemand, la chute du dollar intervenue en septembre dernier n’a entraîné aucune tension.

A l’origine de cette protection, quatre facteurs principaux semblent avoir joué chacun un rôle étroitement complémentaire :

– la confiance des opérateurs vis–à–vis de l’euro et de sa solidité, qui apparaît clairement depuis les débuts de la crise asiatique. Les marchés européens, plus même que le marché américain, sont apparus pour les opérateurs comme un lieu privilégié d’investissement en une période de « recherche de la qualité » sous forme d’avoirs à faibles risques, le pacte de stabilité constituant sans doute l’un des supports essentiels de cette confiance ;

– la capacité d’intervention des pays concernés, dans la mesure où il est difficile de s’opposer à un front uni comprenant onze banques centrales ;

– les perspectives d’une croissance endogène et sans tension inflationniste dans les pays de la zone euro ;

– la prise en compte de la faible dépendance des pays de la zone euro vis–à–vis de l’extérieur, leurs exportations vers le reste du monde ne représentant que 10% de son PIB, alors que chacune des économies qui la composent est beaucoup plus ouverte compte tenu de l’importance du commerce intra–zone.

b) L’unification et la réduction des taux d’intérêt

S’agissant des taux d’intérêt, l’avantage de l’euro apparaît clairement, car il conduit à leur unification ainsi qu’à leur alignement sur les taux les plus bas. La surprime dont souffraient les pays à monnaie faible a presque disparu, dès maintenant, et disparaîtra totalement dès la mise en place de la monnaie unique.

Le graphique suivant, qui représente l’évolution des taux nominaux à long terme depuis 1996 aux Etats–Unis, au Japon et dans les principaux Etats de l’Union européenne fait apparaître clairement cet effet : les taux des quatre pays intégrés dans la zone euro (France, Allemagne, Italie, Espagne) ont convergé vers le taux allemand le plus bas, ce qui n’a pas été le cas du taux du Royaume–Uni.

    Source : Bulletin mensuel de la Banque de France.

Cette convergence est particulièrement favorable à l’activité économique, car elle bénéficie à l’ensemble des acteurs et permet de développer dans des conditions et selon des modalités parfaitement saines l’offre de crédit et l’appel à l’épargne publique. Elle profite ainsi non seulement aux banques, mais également aux institutions financières, aux entreprises, aux ménages et à l’Etat.

c) La reconquête de la souveraineté monétaire dans un cadre collectif

Enfin, et cet élément n’est pas le moindre, l’euro permet de reconquérir, dans un cadre collectif, une souveraineté perdue par les Etats, grâce à leur participation aux instances de décisions. La France ne sera plus, ainsi, contrainte d’aligner ses paramètres monétaires en fonction de la stratégie de la Bundesbank, sous la pression des opérateurs internationaux, et n’aura plus non plus à faire l’expérience des difficultés de la coordination entre plusieurs banques centrales, dans l’urgence des crises monétaires et financières.

D’une part, la composition des instances dirigeantes de la Banque centrale européenne (BCE), lesquelles dirigent le système européen des banques centrales (SEBC), assure la représentation de la France. Le gouverneur de la Banque de France est membre de droit du Conseil des gouverneurs de la BCE, composé des membres du Directoire de la banque et des gouverneurs des banques centrales européennes.

D’autre part, il convient de rappeler que la France a obtenu lors du Conseil européen d’Amsterdam en juin 1997 la création du Conseil de l’euro qui pourra se réunir, en tant que de besoin, avant les réunions du Conseil « économie et finances » et devrait équilibrer le rôle de la BCE.

Cependant, pour tirer le meilleur parti de la réalisation de l’euro, il conviendra que la BCE, dans le cadre de son indépendance, ait pour objectifs la coordination et l’optimisation de la gestion du cycle économique et de la croissance et ne succombe pas à la « tentation du bunker » en s’arc-boutant sur le seul objectif de la réduction de l’inflation et de la défense de la monnaie dans une lecture trop stricte de l’article 105 du traité instituant la Communauté européenne, qui prévoit, dans le cadre du chapitre sur la politique monétaire, que l’objectif principal du système européen des banques centrales est la stabilité des prix. Elle devra, en effet, tenir compte des orientations économiques fixées par le Conseil.

Au regard de ces éléments, la garantie d’une sécurité accrue, dans un monde en crise financière, conduit, d’ores et déjà, à un bilan indéniablement favorable à l’euro.

C.- LE NÉCESSAIRE SOUTIEN À L’INTÉGRATION DES ENTREPRISES FRANÇAISES DANS L’ESPACE ÉCONOMIQUE EUROPÉEN

1.- L’internationalisation de l’économie française

La mise en place de la zone euro le 1er janvier 1999, par la fixation du taux de change de l’euro avec chacune des monnaies des onze Etats membres, dont les parités bilatérales ont déjà été arrêtées par le Conseil de Bruxelles des 2 et 3 mai 1998, ne constituera pas un bouleversement pour les entreprises françaises. Leur intégration à l’espace économique européen est ancienne, puisque l’un des fondements de la Communauté est la libre circulation des marchandises et que l’union économique, avec la liberté d’établissement et la libre prestation de services, a précédé l’union monétaire.

On constate, en effet, que l’économie française est ouverte sur l’extérieur et que plus de la moitié de ses échanges avec l’étranger concerne des pays de la zone euro.

On observe également l’internationalisation croissante des entreprises françaises dès le stade de la production, puisque les flux d’investissement entre la France et l’étranger sont en forte progression.

La compétitivité des entreprises françaises ne dépendra plus des variations de change dans la zone euro, mais elle pourra être encore affectée par des écarts dans la formation des prix. Les positions compétitives en Europe à la veille de l’union monétaire sont donc importantes pour l’avenir des entreprises françaises.

Le tableau ci-après retrace, pour chacun des pays de la zone euro, le degré d’ouverture à l’économie internationale.

L’OUVERTURE DES PAYS DE LA ZONE EURO À L’INTERNATIONAL

(en %)

 

Part des importations de biens et services dans le PIB en 1995

Part des exportations de biens et services dans le PIB en 1995

 

Tous pays

Hors
zone euro

Tous pays

Hors
zone euro

    Allemagne

22,9 12,8 23,6 13,2

    Autriche

39,0 13,0 36,8 15,7

    UEBL (a)

62,7 22,9 67,3 23,9

    Espagne

23,9 10,7 24,0 9,2

    Finlande

29,3 19,2 37,7 25,4

    France

21,2 9,9 23,5 11,3

    Irlande

68,2 55,5 79,8 45,4

    Italie

22,2 10,8 25,1 13,3

    Pays-Bas

46,6 24,9 53,3 20,2

    Portugal

40,5 13,9 33,3 11,7

    Zone euro

  13,0   13,7

    Etats-Unis

12,4   11,3  

    Japon

7,9   9,4  
(a) Union économique Belgique-Luxembourg.

Source : OCDE et INSEE.

On constate que la part des importations comme des exportations dans le PIB est plus forte pour chacun des pays de la zone que pour les Etats-Unis et, surtout, que pour le Japon. Dans cet ensemble, l’économie française semble la moins ouverte. On observera cependant qu’en 1997, les importations ont représenté 27,5% du PIB marchand et les exportations 32,2% (23).

La forte progression des flux d’investissement entre la France et l’étranger constitue un autre indicateur de l’internationalisation des entreprises françaises. Depuis 1985, sauf en 1995 à cause des pertes d’une filiale à l’étranger, la France a été constamment exportatrice nette de capitaux au titre des investissements directs. Les stocks des investissements directs étrangers en France et des investissements directs de la France à l’étranger au 31 décembre 1996 ont été recensés par la Banque de France (24). Ils portent sur toutes les entreprises résidentes détenant au moins 10% du capital d’un non résident et recensent les capitaux propres, y compris les bénéfices réinvestis sur place par un non résident et les prêts à long terme, les prêts à court terme n’étant pas pris en compte.

Sur ces bases, au 31 décembre 1996, la France était le cinquième investisseur à l’étranger du monde, avec 1.010,6 milliards de francs d’investissements, à comparer avec ceux des Etats-Unis (4.171,2 milliards de francs), du Royaume-Uni (1.861,1 milliards de francs), du Japon (1.354,3 milliards de francs) et de l’Allemagne (1.149,4 milliards de francs).

La France occupait le troisième rang pour l’accueil des investissements directs étrangers avec 753,8 milliards de francs, derrière les Etats-Unis (3.299,5 milliards de francs) et le Royaume-Uni (1.370,7 milliards de francs).

En 1997, les investissements directs de la France à l’étranger ont atteint 181,2 milliards de francs et ceux des étrangers en France 122,5 milliards de francs, le solde net des investissements directs s’élevant à 58,7 milliards (25). Ces montants, à la différence de ceux relatifs aux stocks d’investissements, comprennent les prêts à court terme et les flux de trésorerie, conformément aux recommandations du FMI. Au-delà de la rupture statistique qui en résulte, on peut considérer que les flux intra-groupes à court terme, qui ont fortement progressé depuis 1989 par la localisation de sièges de holdings et de centrales de trésorerie dans des pays offrant une fiscalité avantageuse, traduisent, certes, le développement de transactions financières mais sont éloignés de la notion d’investissement direct (26). Sans ces mouvements à court terme, le montant des investissements français à l’étranger s’est élevé en 1997 à 113,7 milliards de francs et celui des investissements étrangers en France à 74,4 milliards de francs (solde positif de 39,3 milliards de francs).

L’OFCE observe à juste titre que le fort développement des investissements français à l’étranger traduit l’internationalisation des firmes françaises, rendue nécessaire par la captation de certains marchés ou par la volonté de bénéficier de conditions de production plus favorables. La simultanéité des fluctuations de l’investissement étranger en France et français à l’étranger illustre cette internationalisation, alors que le déficit structurel du solde des investissements avec l’étranger est la règle générale pour les pays développés. Sur 175,2 milliards de francs investis (hors bénéfices réinvestis) par la France à l’étranger en 1997, 152,5 l’ont été dans dix pays, dont neuf développés, le Brésil faisant exception pour 6,9 milliards. Contrairement à une idée reçue, les destinataires des investissements français à l’étranger restent majoritairement des pays développés : le coût de production n’est donc qu’une variable expliquant la localisation des investissements.

FLUX D’INVESTISSEMENTS DIRECTS DE LA FRANCE AVEC L’ÉTRANGER de 1988 à 1997 *

(en milliards de francs)

 

1988

1989

1990

1991

1992

1993

1994

1995

1996

1997

Flux d’investissements directs français à l’étranger
- 99,2

- 132,1

- 197,3

- 141,8

- 161,0

- 111,8

- 135,3

- 78,6

- 155,6

- 181,2

    Capital social

- 61,8 - 100,9 - 131,1 - 104,6 - 89,4 - 58,2 - 55,5 - 40,0 - 78,0 - 95,9

    Bénéfices réinvestis

- 12,2 - 7,9 - 6,2 - 6,6 4,8 5,8 - 8,1 15,3 - 7,0 - 6,0

    Autres opérations

- 25,2 - 23,3 - 60,0 - 30,6 - 76,4 - 59,4 - 71,7 - 53,9 - 70,6 - 79,3

    Long terme

- 14,7 - 14,9 - 16,3 - 11,8 - 12,3 - 11,6 - 5,9 - 13,9 - 15,2 - 11,8

    Court terme

- 10,5 - 8,4 - 43,7 - 18,8 - 64,1 - 47,8 - 65,8 - 40,0 - 55,4 - 67,5
Flux d’investissements directs français en pourcentage du PIB
1,73

2,14

3,03

2,09

2,30

1,58

1,83

1,02

2,03

2,23
Flux d’investissements directs étrangers en France
50,8

83,3

85,0

85,6

94,5

93,1

86,5

118,2

112,3

122,5

    Capital social

40,1 53,5 38,0 55,4 75,4 65,1 51,0 59,1 51,1 73,9

    Bénéfices réinvestis

nd 18,6 14,1 1,0 - 21,7 - 25,1 - 4,6 - 3,6 - 5,4 - 7,9

    Autres opérations

10,7 11,2 32,9 29,2 40,8 53,1 40,1 62,7 66,6 56,6

    Long terme

2,8 7,4 11,2 7,1 8,9 3,7 7,1 11,2 2,7 8,5

    Court terme

7,9 3,8 21,7 22,1 31,9 49,4 33,0 51,5 63,9 48,1
Flux d’investissements directs étrangers en pourcentage du PIB
0,89

1,35

1,31

1,26

1,35

1,32

1,17

1,54

1,43

1,51
Solde net des investissements directs - 48,4 - 48,8 - 112,3 - 56,2 - 66,5 - 18,7 - 48,8 39,6 - 43,3 - 58,7
Signe négatif : Investissements nets des entreprises résidentes à l’étranger ou désinvestissements nets des non-résidents en France.

Sans signe : Investissements nets des entreprises non résidentes en France ou désinvestissements nets français à l’étranger.

* Chiffres provisoires pour 1997.

Source : Banque de France.

L’internationalisation de l’économie française témoigne de l’adaptation des entreprises à un système mondial d’échange de biens et services et de capitaux plus libre qu’il y a un demi-siècle, compte tenu des accords internationaux sur le commerce, et également de l’approfondissement de l’union économique dans le cadre européen.

Pour autant, l’OFCE considère (27) qu’en matière de flux d’investissements, les résultats de 1997 traduisent une stabilisation des investissements français à l’étranger et un accroissement des investissements étrangers en France, ce qu’elle analyse comme une « dégradation française ». Rexecode (28) constate, pour sa part, un affaiblissement de la position française sur les marchés d’exportation (part des exportations de la France dans les exportations totales des 25 principaux pays exportateurs) avec la perte de deux points de parts de marché depuis les années 1970 (de 9% à 7%). Cette évolution confirme l’observation selon laquelle les succès commerciaux de notre pays résultent davantage de la faiblesse de la croissance que d’une amélioration des positions françaises sur les marchés d’exportation. La contrainte de compétitivité reste donc significative, même si la création de la zone euro permettra d’éviter les manipulations de taux de change qui, au sein du système monétaire européen, avaient empêché la France d’améliorer sa compétitivité après le milieu de 1992 et jusqu’en 1995.

2.- La nécessaire amélioration de la compétitivité de nos entreprises

L’entrée de la France dans la zone euro doit être accompagnée du maintien, voire de l’amélioration de la compétitivité de ses entreprises.

a) Compétitivité prix et compétitivité coût

Si la compétitivité est « la capacité d’une entreprise, d’une région ou d’une nation à conserver ou à améliorer sa position face à la concurrence des autres unités comparables [...] son aptitude à produire des biens et des services qui satisfont au test de la concurrence sur les marchés internationaux, et à augmenter simultanément et de façon durable le niveau de vie de la population » (29), ce concept est d’une telle richesse qu’il est malaisément réductible à des agrégats statistiques, puisqu’il fait intervenir des éléments difficilement quantifiables, comme les choix des entreprises en termes de stratégie commerciale, les pratiques de crédit interentreprises ou les comportements des administrations. Pour autant, on distingue habituellement, comme le fait le rapport sur les comptes de la Nation, qui utilise les travaux de la direction de la prévision, la compétitivité-prix et la compétitivité-coût.


INDICATEURS : COMPÉTITIVITÉ-PRIX ET
COMPÉTITIVITÉ-COÛT

    La compétitivité-prix à l’exportation des produits manufacturés est égale au rapport du prix à l’exportation des étrangers et du prix à l’exportation en France. Le prix à l’exportation des étrangers est une moyenne pondérée des prix, convertis en francs, des principaux partenaires commerciaux de la France, la pondération dépendant elle-même de la part de chacun d’eux dans les importations des pays où les industriels français réalisaient leurs ventes en 1990.

    On calcule deux indicateurs de compétitivité-prix à l’exportation : l’un par rapport aux six principaux partenaires européens (Allemagne, Royaume-Uni, Italie, Pays-Bas, Belgique et Espagne), l’autre par rapport aux huit principaux partenaires mondiaux (les six européens, les Etats-Unis et le Japon).

    Toutefois, c’est le second indicateur qu’il faut prendre en compte pour mesurer l’incidence de l’évolution des prix sur le commerce extérieur. Si le prix français progresse moins vite que le prix étranger en raison d’une inflation moindre, ou d’une dépréciation du change, ou d’une combinaison des deux, alors la compétitivité de la France s’améliore.

    La compétitivité-coût est calculée avec les mêmes pondérations. Par coût, on désigne ici le coût salarial unitaire (CSU) pour lequel on dispose de sources d’information statistiques qui permettent des comparaisons internationales. A court terme, les compétitivités-coût et prix peuvent diverger. Par exemple, une situation où la compétitivité-coût se détériore et la compétitivité-prix reste stable traduit un effort de compression des marges.

Source : Rapport sur les comptes de la Nation annexé
au projet de loi de finances pour 1999.

Il existe des indicateurs de compétitivité plus élaborés. Ainsi les organismes internationaux procèdent à des calculs de parités de pouvoirs d’achat et à une appréciation de la dynamique concurrentielle qui repose sur le calcul du taux de change nominal pondéré par la part de chaque marché où s’exerce la concurrence et du poids de chaque concurrent sur chacun des marchés. Le croisement des deux approches (parités de pouvoirs d’achat donc « prix de PIB » et dynamique concurrentielle) suppose des travaux lourds qui ne permettent pas de disposer d’une information à jour au moment de la mise en place de l’euro. Dans une étude récente, l’OFCE (30) présente une série d’indicateurs élaborés à partir des statistiques de la direction générale des affaires économiques et financières de la Commission européenne. Ce travail a permis d’établir, pour les quatorze zones économiques communautaires (31), trois catégories d’estimations :

– des prix relatifs des PIB nationaux en 1997, compte tenu des taux de change, des parités de pouvoir d’achat et de la dynamique concurrentielle précédemment évoquée. Il s’agit donc de la position compétitive de chaque zone en 1997 ;

– de l’évolution des taux de change réels depuis 1987, calculés sur la base du taux de change nominal déflaté par les prix du PIB, les prix d’exportation ou les coûts salariaux unitaires de l’ensemble de l’économie (une élévation du taux de change réel correspond à l’appréciation de la monnaie nationale et à la détérioration de la compétitivité) ;

– de l’évolution des taux de change réels depuis 1987, en retenant comme déflateur les coûts salariaux unitaires de l’industrie manufacturière.

b) La situation française : des progrès encore insuffisants

Le tableau ci-après synthétise ces estimations pour 1997. La première colonne mesure les écarts de compétitivité par rapport à la moyenne communautaire en termes de prix de PIB et les deux autres colonnes présentent l’évolution depuis 1987 pour chaque pays selon le déflateur appliqué au taux de change nominal. A titre d’exemple, le Portugal apparaît comme le pays le plus compétitif, alors que l’augmentation de son taux de change réel a entraîné une dégradation de sa compétitivité depuis 1987.

CLASSEMENT DES PAYS DE L’UNION EUROPÉENNE SELON LE NIVEAU ET L’ÉVOLUTION DE LEURS TAUX DE CHANGE RÉELS

 


Niveau relatif du prix du PIB

Taux de change réel selon les coûts salariaux unitaires en 1997, base 100 en 1987 (b)

 

en 1997 (a)

Ensemble de l’économie

Industrie manufacturière

Portugal 65 148 142
Grèce 78 143 137
Espagne 81 104 113
Italie 88 92 90
Irlande 89 80 68
Belgique/Lux. 95 105 101
Pays-Bas 96 92 88
Finlande 102 78 76
Royaume-Uni 103 126 118
France 104 95 91
Autriche 105 99 101
Allemagne 110 95 105
Suède 113 100 89
Danemark 121 98 112
(a) Estimés à partir des parités de pouvoir d’achat 1995 et des évolutions des déflateurs du PIB. Pour chaque pays, la référence 100 correspond à la moyenne pondérée des autres membres de l’Union européenne. Le niveau de prix relatif du PIB ainsi obtenu pour chaque pays a été utilisé pour classer les pays dans ce tableau, du moins cher vers le plus cher.

(b) La compétitivité des coûts salariaux unitaires, de chaque pays par rapport à ses partenaires de l’Union, est ici appréciée par l’évolution, entre 1987 et 1997, du taux de change réel correspondant. Elle s’est détériorée lorsque ce taux de change s’est élevé.

Source : Commission européenne, OCDE, calculs OFCE.

La situation de la France s’est améliorée avec l’affaiblissement de son taux de change réel, donc un renforcement de sa compétitivité, depuis 1987, l’étude estimant le prix du PIB français à 104% du PIB moyen communautaire. Cependant, les progrès n’ont pas été continus : selon la formule de l’OFCE, « la France est l’archétype de la désinflation compétitive ». De 1987, jusqu’aux dévaluations de la mi-1992, elle améliore sa compétitivité mais la crise du SME de 1992-1993 affaiblit sa position face aux concurrents dont les devises ont été dévaluées (principalement le Royaume-Uni et l’Italie). A partir de 1995, la hausse du dollar facilite l’amélioration d’ensemble de la compétitivité européenne et la perspective de l’euro oblige les pays du sud destinés à entrer finalement dans la zone (Italie, Espagne, Portugal) à des efforts de convergence. En 1996-1997, la normalisation monétaire en Europe et la poursuite de la désinflation compétitive en France redonnent à notre pays un avantage modéré de compétitivité et le placent, selon l’OFCE « à mi-chemin du point de départ de 1987 et de la position avantageuse de la mi-1992 ».

On observe cependant que la position compétitive de la France est affectée par deux éléments négatifs. D’abord, comme le met en évidence le tableau ci-avant, les pays du sud européen (Italie, Espagne, Portugal) entrent dans l’union monétaire avec un avantage compétitif substantiel. Ensuite, alors que, sur l’ensemble de l’année 1997, la relative maîtrise des coûts salariaux unitaires en France a contribué à la progression de sa compétitivité-coût par rapport aux concurrents de l’OCDE, on relève que cette compétitivité s’est dégradée avec l’Allemagne, qui, depuis 1995, a restauré la compétitivité de ses coûts salariaux unitaires, fortement dégradée entre 1991 et 1995.

Faut-il en conclure, comme Rexecode (32), que « la France est dans le groupe des économies industrialisées aux coûts salariaux les plus élevés » et donc souhaiter une correction dans ce domaine ? On peut ne pas en être convaincu, compte tenu de la modération salariale déjà évoquée, qui a permis aux exportateurs une reconstitution de leurs marges en 1997. En outre, une telle affirmation pêche manifestement par son caractère trop général. Qu’il existe un problème de coût du travail pour les bas salaires est indéniable. Encore faut-il préserver la rémunération nette des salariés peu qualifiés, sauf à se résigner à glisser vers un type de société manifestement rejeté par la majorité des salariés et, sans doute aussi, des entrepreneurs.

Pour autant, la dépréciation des devises de la plupart des pays émergents d’Asie et celle, plus récente, du dollar, montrent que la France, en dépit de la zone euro, n’est pas à l’abri de dévaluations compétitives opérées hors de cette zone. Les mesures annoncées dans le cadre du projet de loi de finances pour 1999, avec notamment des dispositions fiscales en faveur de l’innovation et la suppression progressive de la part salariale incluse dans la base d’imposition de la taxe professionnelle, participent de la volonté du Gouvernement de favoriser l’amélioration de la compétitivité des entreprises françaises.

D.- LA POURSUITE DE L’ASSAINISSEMENT DE NOS FINANCES PUBLIQUES

Votre Rapporteur général ne reviendra pas longuement sur les observations qu’il a déjà pu formuler à de nombreuses reprises, et tout dernièrement lors du débat d’orientation budgétaire de juin dernier, sur la nécessité de poursuivre dans la durée l’effort d’assainissement des finances publiques.

Le rétablissement engagé à la suite de l’audit des finances publiques réalisé en juillet 1997 a d’ailleurs très largement porté ses fruits, puisque la France a pu se « qualifier » dans la première vague des onze Etats membres participant à l’euro. Le dynamisme des recettes en 1998, qui traduit avant tout une croissance davantage tirée par la consommation, et donc porteuse de recettes de TVA plus importantes que prévu, a de surcroît permis de réviser très légèrement la prévision initiale des déficits publics au sens du traité de Maastricht. Ceux-ci passeraient ainsi de 3% à 2,9%, principalement sous l’effet d’une diminution du besoin de financement de l’Etat.

CAPACITÉ (+) OU BESOIN (-) DE FINANCEMENT DES SOUS-SECTEURS DES ADMINISTRATIONS PUBLIQUES AU SENS DE LA COMPTABILITÉ EUROPÉENNE

(en % du PIB)

 

1996 (a)

1997 (a)

1998 (b)

1999 (b)

Etat - 3,7% - 3,3% - 3,05 % - 2,7%
Administrations de sécurité sociale - 0,6% - 0,6% - 0,15% 0,15%
Autres administrations :        
- Organismes divers d’administration centrale (y compris soulte France-Télécom)
0,1%

0,65%

0,15%

0,1 %
- Administrations publiques locales 0% 0,2% 0,15% 0,15%
Total des administrations publiques - 4,1% - 3,0% - 2,9 %(c) - 2,3%
(a) Exécution.

(b) Prévision.

(c) Prévision initiale : 3%.

Source : Ministère de l’économie, des finances et de l’industrie.

Avoir atteint l’objectif fixé pour 1998 ne signifie pas pour autant que les déficits publics peuvent désormais rester au niveau de 3%. Un tel statu quo n’est pas tenable pour plusieurs raisons.

Tout d’abord, il faut prendre en compte le caractère cyclique de l’évolution économique. Les économies ne sont pas à l’abri d’éventuels retournements de conjoncture. Ceux-ci se traduisent par une dégradation presque instantanée des rentrées fiscales, par une progression des dépenses (indemnisation du chômage...) et donc des déficits publics. Sans l’existence d’une marge suffisante, le risque serait grand de dépasser rapidement la limite de 3% de déficits publics, de connaître à nouveau un cycle d’endettement et de s’exposer aux mesures prévues par le pacte de stabilité et de croissance. Ce dernier est en quelque sorte un code de bonne conduite, nécessaire au bon fonctionnement de l’UEM, qui incite à gérer de façon saine les finances publiques en mettant à profit les phases de croissance pour reconstituer des marges de manoeuvre.

Par ailleurs, retrouver la possibilité de financer de nouvelles actions utiles à la croissance et à l’emploi implique la maîtrise du besoin de financement des administrations publiques. Les déficits publics nourrissent, en effet, la plus improductive des dépenses, la dette, laquelle n’est pas acceptable si elle intervient pour financer des dépenses courantes, et non pour reporter, conformément à ce qui est traditionnellement admis, sur les générations futures la charge d’investissements dont elles vont directement bénéficier.

Or, la dette publique a beaucoup progressé ces dernières années, passant de 45,3% du PIB en 1993, à 58% en 1997. Cette croissance ne peut être entravée que si un excédent primaire est dégagé (33).

Comme l’indique le tableau ci-après, le projet de loi de finances pour 1999 représente une étape importante dans l’assainissement des finances publiques, puisque pour la première fois depuis bien longtemps, le solde primaire n’est plus négatif.

                         

ÉVOLUTION DU DÉFICIT PRIMAIRE DE L’ETAT

(en milliards de francs)

 

1992

1993

1994

1995

1996

1997

Prévisions
1998

PLF 1999

            LFI Exécution    
Solde total du budget de l’Etat - 234,7 - 346 - 349,1 - 322,9 - 295,4 - 284,8 - 267,7 - 257,8 - 236,5
Charges nettes de la dette (hors FSC)
157,1

162,9

186,0

208,6

220,2

232,6

222,8

234,8

237,2
Solde primaire - 77,6 - 183,1 - 163,1 - 114,3 - 75,2 - 52,2 - 44,9 - 23 0,7
(en % du PIB) - 1,1 - 2,6 - 2,1 - 1,5 - 1 - 0,6 - 0,6 - 0,3 0

Source : Cour des comptes.

Pourtant, la charge de la dette devrait encore progresser l’an prochain : elle atteindrait 237,2 milliards de francs, mais sa croissance est réduite à 1%, au lieu de 2,2% en 1998. En effet, si le solde primaire est l’un des déterminants de l’évolution de la dette, il n’est pas le seul. Ainsi, même en présence d’un solde primaire nul, le ratio dette/PIB s’accroît dès lors que le taux apparent de la dette est supérieur au taux de croissance du PIB en valeur. En tout état de cause, le bon résultat en matière de solde primaire et la baisse des taux d’intérêt contribueront à limiter la progression de la part de la dette par rapport au PIB, qui devrait atteindre 58,7% en 1999 contre 58,2% en 1998. Le but reste de stabiliser le poids de la dette publique en l’an 2000.

L’objectif en matière de besoin de financement des administrations publiques n’a, quant à lui, pas varié au regard de ce qui avait été annoncé lors du débat d’orientation budgétaire. Il devrait atteindre 2,3% en 1999.

Ainsi, sur les marges de manoeuvre offertes par la croissance retrouvée, 21 milliards de francs sont affectés à la réduction du besoin de financement.

Une des variables déterminantes de cette prévision d’ensemble de 2,3% concerne les administrations de sécurité sociale, l’objectif visé supposant un retour à l’équilibre du régime général en 1999. Son déficit pour 1998 devrait s’établir à environ 13 milliards de francs selon les dernières estimations disponibles. Pour 1999, ce régime serait légèrement excédentaire, à hauteur de 500 millions de francs. Ainsi, grâce à une amélioration de la situation de l’emploi, le Gouvernement a légèrement modifié sa prévision de juin s’agissant du besoin de financement des administrations de sécurité sociale, en portant l’excédent prévu de 0,1 à 0,15%. Si la croissance des recettes permet de prévoir de tels résultats, il n’en reste pas moins que l’effort pour maîtriser la progression de la dépense ne doit pas se relâcher.

Certains ont pu déplorer que l’intégralité des « fruits de la croissance » ne soit pas affectée à la réduction des déficits. On remarquera qu’à trop vouloir comprimer la dépense publique, certains ressorts de la croissance peuvent se détendre, comme le montre l’exemple du Japon, et, au bout du compte, l’on aboutirait à une aggravation de la situation des finances publiques. La voie choisie est donc équilibrée, car elle concilie un assainissement à un rythme soutenable, un financement de priorités du Gouvernement, notamment en matière d’emploi, et la diminution de certains impôts.

CHAPITRE IV

LE BUDGET DOIT ÉGALEMENT FAVORISER LE RENFORCEMENT DE LA COHÉSION SOCIALE, ENCORE TROP FRAGILE

Si, grâce à la croissance retrouvée, la situation de l’emploi connaît une première amélioration significative, l’on ne saurait se satisfaire d’une situation où un français sur neuf est tenu à l’écart du marché du travail : un jeune actif sur quatre connaît le chômage, tandis que nombre d’hommes et de femmes plus âgés subissent un chômage de longue durée, qui exclut.

Il convient donc d’enrichir le contenu en emploi de cette croissance, par une politique de l’emploi ambitieuse, ce qui a été entrepris dès l’an passé, avec d’abord le programme « nouvelles activités, nouveaux emplois » pour les jeunes, avec ensuite la réduction du temps de travail qui, par-delà les textes, repose sur un dialogue renouvelé entre les partenaires sociaux, avec, enfin, la recherche d’une meilleure prise en compte des impératifs de la reconquête de l’emploi dans notre système de charges sociales.

Par ailleurs, la croissance économique retrouvée doit contribuer à développer une solidarité plus active et plus forte. Trop de nos compatriotes se trouvent exposés à des situations d’exclusion sociale, et des inégalités multiformes perdurent dans notre société, qui appellent une double action. Action par la dépense d’abord, en portant à un niveau plus satisfaisant les dotations qui peuvent concourir à une meilleure justice sociale, à une plus grande égalité des chances et à l’amélioration des conditions de vie quotidienne : santé, ville, logement, éducation. Action par la fiscalité ensuite, en accentuant l’effort de rééquilibrage entre celle pesant sur le travail et celle affectant le capital et en allégeant les impôts indirects, qui, proportionnellement, affectent plus lourdement les ménages les moins favorisés.

A.- LE MARCHÉ ET LA POLITIQUE DE L’EMPLOI : DES PROGRÈS QUI RESTENT À AMPLIFIER

En 1997 et 1998, les créations nettes d’emplois auront été significatives, y compris dans le secteur manufacturier. Il devrait en être de même en 1999.

Dans sa note de conjoncture de juin 1998, l’INSEE a estimé à 385.000 postes de travail supplémentaires, les créations nettes qui devraient être réalisées en 1998, soit une progression de 1,7% en glissement annuel.

1.- La contribution des différents secteurs d’activité à l’amélioration de l’emploi

Le fait marquant de l’année 1998 est en effet qu’une telle amélioration concerne désormais les différents secteurs d’activité, y compris ceux qui, comme l’industrie manufacturière et le bâtiment, ont connu auparavant les évolutions les plus défavorables.

         

EVOLUTION DE L’EMPLOI PAR SECTEUR D’ACTIVITÉ
DE LA FIN DE 1996 À LA FIN DE 1998
TAUX D’ÉVOLUTION EN GLISSEMENT

 

1996
(en %)

1997
(en %)

1998
(en %)

Effectifs
occupés au
31 déc. 1998
(en milliers)

Salariés des secteurs marchands non agricoles 0,0 1,2 2,0 15.035
Industrie (y compris bâtiment) - 2,1 - 0,8 0,6 5.267
Industries agro-alimentaires - 0,4 1,1 0,7 533
Energie - 0,9 - 1,1 - 1,4 238
Bâtiment-génie civil et agricole - 3,7 -1,8 0,3 1.104
Industries manufacturières - 2,0 - 0,8 0,8 3.392

    dont :

    biens intermédiaires

- 1,5 - 0,7 - -

    biens d’équipement

- 1,6 - 0,7 - -
Automobile - 2,0 - 1,0   -
Biens de consommation - 2,9 - 0,9   -

    Tertiaire marchand

1,2 2,2 2,8 9.768

    dont :

       

    Commerces

1,0 1,7 - -

    Transports-télécom.

- 0,5 0,5 - -

    Services marchands (y compris intérim)

2,1 3,4 - -

    Banques-assurances

- 1,1 - 2,1 - -

    Tertiaire non marchand

0,4 1,0 2,4 5.026
EMPLOI TOTAL (y compris salariés agricoles et non salariés)
- 0,1

0,8

1,7

22.746

Source : INSEE, Note de conjoncture, juin 1998.

En 1997, la reprise de l’activité économique avait déjà entraîné une amélioration de l’emploi salarié dans le secteur privé, en progression de 1,2%, c’est-à-dire de 160.000 emplois supplémentaires.

La note de conjoncture de l’INSEE du mois de juin 1998 montre que le secteur tertiaire marchand a enregistré un gain net de plus du double du volume observé en 1996 (2,2%, soit 200.000 créations nettes). Si les pertes d’emplois ont diminué dans l’industrie et le bâtiment, ce dernier secteur a encore perdu 5.000 emplois chaque trimestre en 1997, soit une baisse annuelle de 1,8%. Les branches industrielles ont, de même, globalement détruit plus d’emplois qu’elles n’en ont créés, 1% environ dans chaque secteur, sauf pour les industries agricoles et alimentaires où le volume net des créations a progressé de 1,1%.

La progression a atteint 3,4% dans les services marchands, cette évolution étant surtout due à l’activité du travail temporaire. Les commerces et les transports ont également été créateurs nets d’emplois en 1997, avec des taux de croissance de respectivement 1,7% et 0,5%. L’emploi salarié dans le secteur tertiaire non marchand (administration, éducation, santé et action sociale) a crû de 0,8% en raison du démarrage des « emplois jeunes » et de la prolongation de nombreux contrats emploi-solidarité par des contrats emplois consolidés.

Ces résultats sont corroborés par ceux de l’enquête annuelle sur l’emploi menée par l’INSEE sur la période allant de mars 1997 à mars 1998. Il en ressort que le nombre de personnes ayant un emploi a augmenté de 275.000 pour atteindre un niveau de population active occupée de 22,7 millions.

POPULATION ACTIVE ET STATUT DES EMPLOIS

(en milliers)

 

Mars 1996

Mars 1997

Mars 1998

Population active

Ensemble 25.590 25.582 25.755
Hommes 14.070 14.075 14.088
Femmes 11.520 11.507 11.667

Population active occupée

Ensemble 22.492 22.430 22.705
Hommes 12.611 12.552 12.651
Femmes 9.881 9.878 10.054

Proportion d’actifs occupés à temps partiel (%)

Ensemble 15,8 16,6 17,1
Hommes 5,2 5,4 5,6
Femmes 29,5 30,9 31,6

Statut des emplois

Non salariés 2.932 2.864 2.802
Salariés 19.561 19.566 19.904

    dont :

     

    Intérimaires

273 330 413

    CDD

790 849 906

    Apprentis

219 234 257

    Contrats aidés

451 417 405

Source : INSEE Première, n° 593, juin 1998.

Comme les enquêtes précédentes, cette enquête annuelle a mis en évidence une poursuite de la progression des formes particulières d’emploi salarié. Plus de la moitié de la hausse de l’emploi est due à des emplois à durée limitée. Entre mars 1997 et mars 1998, le nombre de personnes occupant une telle forme d’emploi a augmenté de 151.000 pour atteindre un niveau proche des 2 millions. 44% des jeunes ayant un emploi sont, par exemple, intérimaires, apprentis, en contrat à durée déterminée ou en contrat aidé.

Les services marchands aux entreprises, qui constituent la composante la plus dynamique de l’emploi, comportent une forte part de travail intérimaire. En mars 1998, le nombre de salariés intérimaires a été estimé à 83.000, soit une augmentation de 25% en un an et de 51% depuis le mois de mars 1996. A la même date, le nombre des apprentis avait augmenté de plus de 23.000 (soit + 10% en un an) pour atteindre 257.000 personnes, et celui des contrats à durée déterminée avait progressé de 57.000 (+ 7%).

Ces données devraient conduire à relativiser les discours, quelque peu convenus, sur l’insuffisante « flexibilité » du marché français du travail par rapport à celui de certains de ses concurrents. Pour autant, ces résultats devraient être appréciés en distinguant les « stocks » et les « flux ». Autant il serait dommageable que puisse durablement se créer une situation dans laquelle certains travailleurs ne pourraient bénéficier d’emplois à durée indéterminée, autant il est préférable qu’entre l’activité traditionnelle et le non-emploi, une forme de transition existe, qui contribue à éviter que certains soient trop longtemps écartés du marché du travail.

L’amélioration de l’emploi s’est poursuivie en 1998, comme il ressort des estimations réalisées par l’INSEE d’après les résultats des enquêtes trimestrielles ACEMO qui portent sur l’ensemble des salariés des établissements de 10 salariés et plus des secteurs concurrentiels.

On observe quelques évolutions encourageantes. Ainsi, l’industrie aura créé des emplois pour la première fois depuis trois ans (8.000 emplois, soit une progression de 0,2%). Le bâtiment, secteur dans lequel les suppressions nettes d’emplois l’emportent, depuis 1995, suivant un rythme de suppressions de 10.000 emplois par trimestre en 1996 et de 5.000 emplois par trimestre en 1997, a clos le premier trimestre 1998 avec la création de 1.200 emplois supplémentaires.

Le secteur tertiaire marchand a vu une progression de ses emplois de l’ordre de 86.000 (+ 1%), soit son meilleur chiffre depuis dix ans.

Au total, le secteur privé a créé 95.200 emplois supplémentaires (+ 0,7%) au premier trimestre 1998, ce qui marque une accélération par rapport au dernier trimestre de 1997.

Au deuxième trimestre de 1998, l’emploi salarié a augmenté de 64.000 postes (+ 0,5%) dans les secteurs privé et semi-public (hors agriculture, administrations et santé). Sur un an, le secteur privé aura ainsi créé 279.000 emplois (+ 2,1%).

Un ralentissement important observé dans le secteur de l’intérim est analysé comme l’indice que le secteur de l’industrie embaucherait désormais directement, c’est-à-dire que se réaliserait un commencement de transfert des emplois de courte durée vers des emplois de plus longue durée. Plus de 90% des emplois supplémentaires créés au deuxième trimestre l’ont été dans le secteur tertiaire (58.900). Il convient de relever que la hausse des effectifs du secteur de la construction s’est interrompue au deuxième trimestre (- 0,5%).

Selon les chiffres de l’UNEDIC, 168.600 emplois ont été créés au premier semestre de 1998, soit presque autant que pour toute l’année 1997 (188.200).

Ces créations d’emplois ont permis de faire reculer le taux de chômage après deux années consécutives de hausse. Après avoir fortement augmenté en 1993 et au début de l’année 1994, le chômage a décru au cours du deuxième semestre de 1994 et au premier semestre de 1995. Il n’avait cessé de progresser depuis le troisième trimestre de 1995 (11,3% en mars 1993, 12,5% en mars 1994, 11,7% en mars 1995, 12,3% en mars 1996, 12,5% en mars 1997 et 11,8% en mars 1998).

2.- Une diminution globale du nombre des chômeurs en 1998

Le chômage correspond à la différence entre la population active totale et la population active occupée. Selon l’enquête annuelle sur l’emploi, le nombre des chômeurs a diminué de 102.000 entre mars 1997 et mars 1998. Le taux de chômage au sens du BIT a ainsi décru de 0,5 point en un an pour revenir à 11,8% de la population active, ce qui correspond à 3.050.000 demandeurs d’emplois inscrits à l’ANPE. Une telle diminution fait suite à deux années d’augmentation (3.099.000 en 1996 et 3.152.000 en 1997).

La note de conjoncture de l’INSEE de juin 1998 prévoit que le taux de chômage devrait continuer à fléchir, pour s’établir à 11,5% de la population active à la fin de l’année.

Si l’on considère les demandeurs d’emplois inscrits à l’ANPE au titre de la catégorie 1 (34), leur nombre a été ramené à 2.889.800 au mois de mars 1998, alors qu’il avait à nouveau franchi la barre des 3 millions en 1996 et 1997.

       

EVOLUTION MENSUELLE DES DEMANDES D’EMPLOI EN FIN DE MOIS (CATÉGORIE 1)

(en milliers)

 

1996

1997

1998

Janvier + 10,5 + 4,4 - 11,9
Février + 20,5 - 6,2 - 8
Mars + 7,4 +8,1 - 25,3
Avril - 1,4 - 3,3 - 11,4
Mai + 17,8 + 18,3 - 14,9
Juin + 16,5 +10,1 - 27,2
Juillet - 0,7 - 13 - 0,8
Août + 19 +4,9 + 33
Septembre + 18,9 - 9,8 -
Octobre - 8,8 - 7,5 -
Novembre + 6,7 - 11,4 -
Décembre

- 5,8

- 39,6

-

Source : INSEE-DARES, Premières informations, 30 juin 1998.

En une année, d’août 1997 à août 1998, 130.000 chômeurs de moins ont été comptabilisés dans la catégorie 1.

L’amélioration doit être saluée, autant par ses résultats que par les promesses qu’elle contient, car le recul du chômage contribue fortement à l’amélioration des anticipations des ménages. La remontée du nombre de demandeurs d’emploi de catégorie 1 au mois d’août semble beaucoup tenir au poids de l’intérim sur le marché de l’emploi. Le mois d’août est traditionnellement un mois de fins de mission d’intérim. Il n’en demeure pas moins qu’en termes de comparaisons internationales, la France reste dans une situation toujours défavorable par rapport à la moyenne de l’Union européenne (10,9% soit un point de moins que le résultat français), des pays européens de l’OCDE (9,9%, soit deux points de moins que le résultat français) ou de l’OCDE (7,1%, soit 4,8 points au-dessous du résultat français).

         

COMPARAISON INTERNATIONALE DES TAUX DE CHÔMAGE

(en % de la population active)

 

1996

1997

1998 (a)

1999 (a)

France 12,3 12,4 11,9 11,3
Allemagne 11,4 11,4 11,5 11,1
Royaume-Uni 8,0 6,9 6,8 7,2
Pays-Bas 6,7 5,6 5,1 4,8
Italie 12,1 12,3 12,0 11,8
Suède 8,1 8,0 6,7 6,2
Union européenne 11,4 11,2 10,9 10,5
OCDE Europe 10,5 10,2 9,9 9,5
Etats-Unis 5,4 4,9 4,8 5,0
Japon 3,4 3,4 3,5 3,6
OCDE 7,5 7,2 7,1 7,0
(a) Prévisions.

Source : OCDE, Perspectives de l’emploi, 1998.

3.- Une amélioration encore trop inégale selon les catégories de demandeurs d’emploi

Au premier trimestre de 1998, l’amélioration de la situation du marché du travail a principalement bénéficié aux chômeurs de moins de 25 ans (- 3,9% pour les demandes d’emploi de catégorie 1), la situation s’étant à nouveau dégradée pour les demandeurs d’emplois âgés de 50 ans et plus (+ 4,7%). Les inscriptions résultant d’un licenciement économique ont, elles, continué de baisser (- 21,5%).

Le chômage de longue durée n’est donc pas encore touché par le fléchissement du niveau du chômage.

L’ancienneté moyenne dans le chômage s’est accrue, passant de 15 à 16 mois, et la proportion des personnes en chômage de longue durée a continué de progresser : 41,1% des demandeurs d’emploi après 38,9% en 1997 et 36,9% en 1996.

Or, le chômage de longue durée est le facteur le plus générateur d’exclusion sociale. Dès lors qu’un fléchissement des niveaux du chômage ne s’accompagne pas immédiatement d’un recul du chômage de longue durée, il convient de maintenir et d’adapter les politiques spécifiques ciblées sur les catégories de chômeurs qui sont le plus écartées du marché du travail en raison de son fonctionnement de plus en plus sélectif.

4.- La nécessité d’accroître l’efficacité des politiques spécifiques de l’emploi

Ces dispositifs ont pour objectif la création d’emplois pour des publics particulièrement vulnérables ou la diminution directe du chômage par le biais de retraits d’activité définitifs (pré-retraites) ou transitoires (stages de formation professionnelle).

En 1997, 10% des salariés étaient employés au titre d’un des dispositifs d’emploi aidé. Le nombre de bénéficiaires présents en fin d’année s’élevait à 2,4 millions, soit un chiffre quasiment stable par rapport à 1996. L’année 1997 a toutefois été marquée par un nouveau recul des entrées dans les dispositifs spécifiques de la politique de l’emploi, ce qui témoigne de leur « recentrage » au bénéfice des personnes ayant le plus de difficultés à accéder au marché du travail. En 1997 enfin, les dispositifs généraux d’allégement du coût salarial ont eu une place importante dans la politique de l’emploi. Mais leur coût important (43 milliards de francs pour le dispositif d’allégement des charges sociales sur les bas salaires) doit inciter à rechercher les moyens par lesquels leurs conditions de financement pourraient être améliorées en termes économiques et budgétaires (35)

Si le nombre des jeunes recrutés dans le cadre des mesures d’alternance a sensiblement augmenté, le lancement du programme « nouveaux services, nouveaux emplois » (emplois jeunes) a permis de stabiliser les entrées dans les dispositifs des emplois aidés du secteur non marchand, malgré le recul du nombre des contrats emploi-solidarité.

Les chiffres globaux recouvrent des évolutions différentes selon les catégories d’emplois en cause. Une progression de l’emploi aidé dans le secteur marchand (+ 4,2%) a accompagné une quasi-stabilité des emplois non marchands (0,1%).

Si l’on considère les entrées dans les dispositifs spécifiques, les mesures d’aide à l’emploi marchand ont reculé de 4,7%. Cette diminution résulte de la contraction des contrats initiative emploi. Ces contrats visent à faciliter l’insertion professionnelle des personnes les plus éloignées de l’emploi, comme les chômeurs de longue durée ou les allocataires du revenu minimum d’insertion. L’aide à laquelle ils ouvrent droit est modulée en fonction de la situation des personnes embauchées. Si cette modulation, instituée au milieu de l’année 1996, a fait diminuer le nombre global des entrées dans le dispositif, elle a contribué à augmenter la part des bénéficiaires inscrits à l’ANPE depuis plus de trois ans ou des allocataires du RMI.

Pour leur part, les embauches ou transformations d’emploi ouvrant droit à l’abattement de charges sociales pour l’emploi à temps partiel ont progressé en relation avec les fortes créations d’emplois intervenues dans le secteur tertiaire.

L’exonération de charges sociales pour l’embauche d’un premier salarié a également progressé. Environ 77.000 salariés ont été recrutés à ce titre, la très grande majorité d’entre eux sous contrat à durée indéterminée (96,5%) et, pour les trois quarts des embauches, à temps plein. Les demandeurs d’emploi au moment de l’embauche occupent 51% des emplois offerts.

Il convient de relever également l’importante progression des entrées en conventions de coopération, qui assurent une aide à l’embauche des demandeurs d’emploi inscrits depuis plus de huit mois à l’ANPE (+ 46,5%, soit 24.580 personnes).

Les embauches aidées dans le secteur non marchand ont été marquées par un redéploiement, des contrats emploi-solidarité vers les contrats emplois consolidés et le programme « nouveaux services, nouveaux emplois ».

Selon les estimations de la Direction de l’animation de la recherche et des études statistiques du ministère de l’emploi et de la solidarité (DARES), au total, près de 20.000 emplois supplémentaires ont été créés en 1997 grâce aux politiques spécifiques à l’emploi.

La ristourne unique dégressive a concerné près de 5 millions de salariés, et toujours selon la DARES, aurait, sans prise en compte du financement de la mesure, créé ou préservé 40.000 emplois.

                     

NOMBRE D’ENTRÉES ET DE PERSONNES PRÉSENTES
DANS LES DISPOSITIFS SPÉCIFIQUES

 

1995

1996

1997

 

Entrées

Effectifs au 31/12

Entrées

Varia-tion 96/95 (%)

Effectifs au 31/12

Varia-tions 96/95 (%)

Entrées

Varia-tions 97/96

(%)

Effectifs au 31/12

Varia-tions 97/96 (%)

Emploi marchand aidé 1.053.332 1.399.573 1.026.912 - 2,5 1.525.300 9,5 978.541 - 4,7 1.596.900 4,2
Emploi marchand non aidé 699.907 444.860 627.429 - 10,4 410.455 - 7,7 629.145 - 0,3 410.729 0,1
Actions de formation 443.944 116.200 432.046 - 2,7 117.800 1,4 404.448 - 6,4 119.700 1,6
Actions de restructurations et préretraites (avec ARPE) 208.499 277.607 278.784 33,7 339.759 22,4 250.879 - 10,0 323.209 - 4,9
Ensemble 2.405.682 2.238.240 2.364.871 - 1,7 2.400.314 7,2 2.263.013 - 4,3 2.450.538 2,1

Source : Ministère de l’emploi et de la solidarité.

Selon les données provisoires établies par la DARES, pour le premier trimestre de 1998, en ce qui concerne les entrées dans les dispositifs spécifiques de la politique de l’emploi, les nouveaux bénéficiaires augmentent pour le deuxième trimestre consécutif (+ 2,5% au premier trimestre 1998, après 4,8% au quatrième trimestre de 1997). Un tel résultat résulte d’abord des entrées dans les dispositifs d’aide à l’emploi dans le secteur marchand (+ 7,8% au premier trimestre de 1998 par rapport au premier trimestre de 1997).

5.- Le choix d’une politique de l’emploi ambitieuse

L’action du Gouvernement s’est exercée à la fois à l’échelon européen et sur le plan national.

Au niveau communautaire, il a fortement contribué au choix fait, lors du Conseil européen extraordinaire de Luxembourg sur l’emploi des 20 et 21 novembre 1997, d’appliquer, par anticipation, les stipulations du traité d’Amsterdam sur l’emploi, en particulier le nouvel article 128 du Traité CE.

Ces dispositions tendent à organiser une surveillance, par les instances communautaires, du respect, par chaque Etat membre, d’engagements pris au regard d’objectifs fixés en commun, au niveau communautaire, et qualifiés de « lignes directrices ». Ces engagements ne constituent pas des obligations de résultat, sanctionnées comme le sont celles fixées, en matière monétaire, dans la surveillance multilatérale organisée par le traité de Maastricht. Une réelle surveillance résulte néanmoins de l’examen annuel du plan national pour l’emploi transmis, chaque année également, à la Commission et au Conseil par chaque Etat membre avec un rapport sur les conditions de sa mise en œuvre. Des recommandations individuelles pourront être adoptées, à l’unanimité, jusqu’à l’entrée en vigueur du Traité d’Amsterdam, à la majorité du Conseil après celle-ci.

Comme ces « lignes directrices » s’inspireront des « bonnes pratiques », c’est-à-dire des mesures considérées, dans un rapport conjoint de la Commission et du Conseil, comme ayant fait la preuve de leur efficacité pour améliorer l’emploi dans les pays où elles ont été appliquées, il devrait en résulter une amélioration progressive du marché de l’emploi en Europe.

Les lignes directrices pour 1998 fixent quatre objectifs généraux :

- l’amélioration de la capacité d’insertion professionnelle,

- le développement de l’esprit d’entreprise,

- l’encouragement de la capacité d’adaptation des travailleurs et des entreprises,

- le renforcement des politiques visant à l’égalité des chances.

Au niveau national, la stratégie suivie par le Gouvernement et sa majorité a été exprimée ainsi dans le plan national d’action pour l’emploi présenté en application des lignes directrices européennes précitées : « la stratégie française pour l’emploi se développe autour de trois axes : une croissance plus forte, une croissance plus riche en emplois, une croissance qui puisse profiter à tous ».

Par ses choix de politique économique, le Gouvernement a contribué à garantir la croissance la plus élevée possible et s’est attaché à engager un ensemble cohérent de réformes qui, dans le domaine budgétaire, fiscal et social, apparaissent de nature à contribuer au maintien d’une croissance durable.

La politique de l’emploi est un élément fondamental de cet ensemble. Ses objectifs sont :

- la négociation par les entreprises et les représentants des salariés des formes novatrices d’organisation du travail et de la production qui permettront à ces entreprises de s’adapter plus facilement aux changements qui affectent leurs marchés, tout en préservant l’emploi de leurs salariés. C’est le sens de la loi d’orientation et d’incitation à la réduction du temps de travail ;

- l’incitation à la reprise d’un emploi par ceux qui sont le plus désavantagés par la sélectivité du marché du travail. C’est le sens de la loi d’orientation relative à la lutte contre les exclusions, en particulier par la création du programme TRACE (Trajectoire d’accès à l’emploi) et la possibilité de cumuler, dans certaines conditions, les minima sociaux avec les revenus tirés d’une activité professionnelle ;

- l’allégement du coût du travail, en particulier pour les salaires les moins élevés. D’ores et déjà, la loi de finances pour 1998 a reconduit le dispositif d’allégement des charges sociales sur les bas salaires dit « ristourne dégressive ». La loi de financement de la sécurité sociale pour 1998 a remplacé la part salariale des cotisations sociales d’assurance maladie par une augmentation de la contribution sociale généralisée. D’autres dispositions vont dans le même sens, comme, par exemple, le caractère forfaitaire de l’abattement de charges patronales prévu par l’article 3 de la loi d’orientation et d’incitation à la réduction du temps de travail.

Le projet budget de l’emploi pour 1999 traduit lui-même cette volonté de modifier l’approche traditionnelle du traitement social du chômage. Compte tenu des acquis d’une croissance économique consolidée, il s’agit d’aider la création d’emplois et d’affecter prioritairement les moyens publics à l’accompagnement vers l’emploi des personnes qui en sont aujourd’hui le plus éloignées. Le montant global du budget de l’emploi s’élèvera à 161,85 milliards de francs en 1999, hors dépenses pour les emplois-jeunes dans les DOM, soit une augmentation de 4% par rapport à 1998 (+ 6,26 milliards de francs), ce qui traduit son caractère prioritaire.

Le développement de l’emploi, au-delà des effets de la croissance économique, passe par la réduction du temps de travail, le programme « nouveaux services, nouveaux emplois » et l’allégement des charges sociales sur les bas salaires. Le niveau excessif de celles-ci doit être corrigé. Mais il convient de trouver une formule qui n’ait pas d’effets pervers. Le système de la « ristourne dégressive » montre d’ailleurs un certain nombre d’erreurs à ne pas commettre : inciter au maintien de bas salaires et casser la reprise par un financement inadapté.

L’aide incitative à la réduction du temps de travail est prévue pour un montant de 3,7 milliards de francs, à laquelle s’ajouteront les reports sur la provision inscrite, en 1998, au budget des charges communes. Ce montant pourra faire l’objet d’ajustements en fonction du rythme d’avancement des négociations qui organiseront le passage anticipé aux 35 heures.

Le programme « nouveaux services, nouveaux emplois » (emplois jeunes) a d’ores et déjà permis le développement de nouveaux services. Les engagements de recrutements ont atteint environ 120.000 personnes au début du mois de septembre 1998. 14,3 milliards de francs sont inscrits dans le projet de budget pour 1999, dont 13,9 milliards au titre de celui de l’emploi. 20% des emplois créés en 1999 et en 2000 concerneront les jeunes des quartiers en difficulté.

Le dispositif d’allégement des charges sociales sur les bas salaires, dit « ristourne dégressive », serait reconduit pour un montant de 43 milliards de francs. Par ailleurs, les réflexions sur la réforme de l’assiette des cotisations sociales patronales, pour les rendre plus favorables à l’emploi, ont été relancées. Enfin, l’article 29 du présent projet prévoit de supprimer la fraction des salaires incluse dans la base d’imposition de la taxe professionnelle.

Le renforcement de l’aide apportée pour l’emploi et l’insertion des catégories de chômeurs dont « l’employabilité » apparaît faible ou qui risquent de demeurer à l’écart des effets de la reprise économique, chômeurs de longue durée, demandeurs d’emploi sans diplôme ou titulaires de minima sociaux, se traduira par la mise en œuvre de l’engagement, qui figure dans le plan national d’action pour l’emploi, d’offrir un « nouveau départ » aux jeunes, avant leur sixième mois de chômage, et aux autres demandeurs d’emplois, avant leur douzième mois de chômage. Ce « nouveau départ » se traduira par des entretiens de diagnostic et de suivi permettant des propositions individualisées soit d’offres d’emplois, soit de formation qualifiante, soit d’accompagnement personnalisé, au moyen d’actions de formation pour une durée de six mois contractualisée avec l’ANPE ou l’AFPA, soit, enfin, d’accompagnement social individualisé en cas de problèmes personnels ou de handicaps sociaux faisant lourdement obstacle à l’emploi.

6.- Un dialogue social renforcé

Il est exact que le besoin de compétitivité indispensable dans un marché unifié aux dimensions d’un continent, lui même soumis aux effets de la mondialisation, impose aux entreprises une continuelle modernisation.

Rien n’impose, en revanche, que ce nouvel état du marché soit nécessairement cruel au salarié, passé l’épisode des « Trente Glorieuses », comme s’il lui revenait, par essence, de prendre sur soi pour supporter, désormais, tout le poids des efforts d’adaptation, et que le propre de cette bonne « gouvernance », tant invoquée dans le langage à la mode, consiste à répartir cette charge en donnant les chances de dividendes à quelques-uns et les risques de licenciements à tous les autres.

Au contraire, la compétitivité comportera une dimension sociale croissante. Dès lors qu’une meilleure organisation du travail devient un impératif même de cette compétitivité, il est impensable que les salariés, qu’elle implique au premier chef, puissent demeurer plus longtemps en dehors du processus de décision qui la concerne.

Il fallait donc tendre à changer les pratiques françaises de concertation sociale pour que les conditions de cette modernisation indispensable soient généralement discutées, et pas seulement lorsque ses conséquences se font sentir, et pour que la considération croissante exigée des dirigeants d’entreprises par les actionnaires et les clients ne les dispense pas de maintenir celle due aux salariés.

Au reste, rien n’empêche de souhaiter que les actionnaires eux-mêmes considèrent mieux que la bonne marche sociale de la société dont ils ont la propriété, est de nature à rendre celle-ci plus compétitive et qu’ils en fassent un élément supplémentaire dans la mise en œuvre de la responsabilité des dirigeants qui leur appartient statutairement. Pour le salarié lui-même, la réorganisation du travail peut, d’ailleurs, aller de pair avec l’enrichissement de son contenu, enrichissement qui peut, lui-même, être légitimement considéré comme un progrès social.

C’est pourquoi il faut se réjouir que la loi d’orientation et d’incitation à la réduction du temps de travail aboutisse à généraliser une négociation effective sur l’organisation du travail et que, passé le temps des déclarations péremptoires, ces négociations se soient ouvertes dans de nombreuses branches professionnelles et dans de nombreuses entreprises.

De la même façon que le marché et la monnaie uniques ne doivent pas impliquer une régression sociale dans l’entreprise, ils n’imposent aucune paupérisation de l’action et de la fonction publiques, du fait de la mise en compétition des systèmes de prélèvements obligatoires.

Autant les réformes de l’Etat et des modes d’action publique sont indispensables, autant il est évident que cet effort d’adaptation sera facilité si les agents des trois fonctions publiques ont le sentiment d’être considérés et d’y être encouragés plutôt que « punis ». Il faut d’ailleurs relever, contrairement à certaines analyses sommaires, que le propre d’une fonction publique de carrière, telle qu’elle a été organisée, en France, en 1946, notion réaffirmée en 1983, 1984 et 1986, est bien de favoriser la progression des individus et leur adaptation, par rapport à une fonction publique d’emploi qui se bornerait à pourvoir, au jour le jour, les postes disponibles.

C’est pourquoi l’accord sur le relevé de conclusions concernant le dispositif salarié 1998-1999 dans les trois fonctions publiques, qui prévoit une mesure générale de revalorisation salariale de 2,6% sur deux ans et des mesures en faveur des bas salaires, peut être considéré comme le préalable nécessaire au développement d’une stratégie de plus grande adaptation aux besoins des usagers et aux changements qui affectent l’environnement dans lequel se déploie l’action des collectivités publiques. En ce qui concerne le temps de travail, ce relevé prévoit ainsi que l’approche en la matière sera « liée à l’organisation administrative et à la qualité des services rendus à l’usager ». Une mission de recensement de ces pratiques et de la réglementation, secteur par secteur, est d’ores et déjà engagée.

B.- LA LUTTE CONTRE LES INÉGALITÉS DANS LA SOCIÉTÉ FRANÇAISE : UN CHANTIER TOUJOURS RENOUVELÉ

Alors que nous nous apprêtons à célébrer le cinquantième anniversaire de la Déclaration universelle des droits de l’homme, adoptée le 10 décembre 1948 par l’Assemblée générale des Nations Unies, il faut bien constater que, si notre pays garantit de façon satisfaisante l’égalité juridique et l’égalité politique de tous les citoyens, des progrès sensibles sont encore à accomplir pour réaliser la troisième étape discernée par Tocqueville dans la marche des sociétés vers une plus grande égalité : celle qui touche aux conditions matérielles de l’existence. On ne saurait affirmer, en effet, que la France - comme les autres Etats d’ailleurs - ait totalement atteint « l’idéal commun » fixé par l’article 25 de la Déclaration précitée : « Toute personne a droit à un niveau de vie suffisant pour assurer sa santé, son bien-être et ceux de sa famille, notamment pour l’alimentation, l’habillement, le logement, les soins médicaux, ainsi que pour les services sociaux nécessaires ».

Il nous appartient donc de mettre à profit le retour de la croissance pour lutter contre la précarité, veiller au respect des droits fondamentaux et favoriser l’égalité des chances. On peut, à cet égard, se réjouir que les crédits consacrés à la lutte contre l’exclusion passent de 2,4 milliards de francs en 1998 à 7,7 milliards de francs dans le projet de loi de finances pour 1999.

1.- Lutter contre la précarité

L’indicateur le plus net des inégalités est celui des écarts de revenus. Or, tous emplois confondus, la dispersion des salaires a augmenté dans des proportions importantes entre 1983 et 1997 : l’écart de salaires entre les 10% de salariés les mieux rémunérés et les 10% les moins bien payés est ainsi passé de 2,8 à 4 entre ces deux dates (36). Cette évolution est surtout imputable à l’accroissement du nombre des salariés percevant des bas salaires, puisque, durant cette période, la proportion des salariés occupant des emplois à bas salaires (salaires inférieurs ou égaux aux deux tiers du salaire médian, soit, en 1997, 4.867 francs net) est passée de 11,4% à 15,1%.

Cet accroissement des inégalités salariales, n’est pas sans conséquences sur le développement de la pauvreté qui touche moins désormais les ménages de retraités, mais qui affecte de plus en plus les ménages d’actifs, en particulier les jeunes, dont le taux de pauvreté a doublé entre 1984 et 1994, passant de 9,3% à 18,5%.

Dans mon précédent rapport général sur le projet de loi de finances pour 1998, j’ai déjà eu l’occasion de consacrer un développement aux populations en situation de précarité (37). Je me contenterai donc de rappeler que, selon diverses enquêtes menées par l’INSEE (38) ou par l’institut statistique européen EUROSTAT (39), 10% des ménages français, soit près de 6 millions de personnes, vivraient en dessous du seuil de pauvreté, fixé par convention à 50% de la valeur médiane des revenus en France, soit 3.800 francs pour une personne seule. Les individus menacés par la pauvreté sont cependant bien plus nombreux et, dans un rapport, publié en 1993, « Précarité et risque d’exclusion en France », le Centre d’étude des revenus et des coûts (CERC) affirmait : « Au total, le nombre de personnes qui échappent à la pauvreté ou à une précarité financière grâce aux différents mécanismes de notre protection sociale est probablement de l’ordre de douze à treize millions ».

La loi d’orientation du 29 juillet 1998 relative à la lutte contre les exclusions contient plusieurs dispositions destinées à garantir les moyens d’existence des plus démunis. Elle prévoit, en particulier, une interdiction de la saisie des revenus assurant un niveau de vie minimal (fixation d’un minimum de revenu salarial insaisissable, caractère insaisissable de l’allocation de solidarité spécifique, de l’allocation d’insertion, ainsi que des prestations d’assurance maladie en nature...) et des mesures pour les ménages durablement insolvables.

Le chômage ne saurait être confondu avec la pauvreté, mais les chômeurs forment le groupe de la population le plus exposé. Entre 1984 et 1994, la part des pauvres chez les ménages de chômeurs est ainsi passée de 32 à 39% et ceux-ci représentent désormais un quart des personnes pauvres.

De même, la pauvreté liée aux emplois peu stables (contrats à durée déterminée, intérim, stages, temps partiel subi...) est de plus en plus fréquente. Plus de 300.000 ménages seraient concernés.

Dans ces conditions, on ne peut qu’approuver les mesures pour l’emploi contenues dans la loi d’orientation du 29 juillet 1998 précitée, prévoyant notamment un accompagnement personnalisé en faveur des jeunes de 16 à 25 ans confrontés à un risque d’exclusion professionnelle (le dispositif TRACE) ou encore la possibilité de cumuler certains minima sociaux avec les revenus procurés par la reprise d’une activité professionnelle, afin que, globalement, notre dispositif reste incitatif.

Les mesures prévues par le présent projet de loi de finances (lutte contre l’évasion fiscale des grandes fortunes, intégration de la majoration de 10% dans le barème de cet impôt, relèvement du taux maximum d’imposition) apparaissent également très opportunes pour contribuer à l’effort de solidarité nationale. Dans son récent rapport d’information sur la fiscalité du patrimoine et de l’épargne (40), votre Rapporteur général a déjà insisté sur la persistante concentration des patrimoines. Il ressort, en effet, du seizième rapport du Conseil des impôts que plus de la moitié du patrimoine est détenu par 10% des ménages. Cette concentration bénéficie, en outre, aux ménages disposant, par ailleurs, des plus hauts revenus, puisque les 10% de ménages aux plus hauts revenus détiennent plus du tiers du patrimoine. Même si on observe une baisse - relative - de la concentration et une diminution des inégalités de patrimoine depuis la fin des années quatre-vingt, votre Rapporteur général tient à réaffirmer qu’« il n’est pas besoin d’être un “partageux”, pour estimer nécessaire la poursuite de ce mouvement », d’autant que d’importants moyens financiers sont nécessaires pour veiller au respect des droits fondamentaux.

2.- Veiller au respect des droits fondamentaux

Les inégalités ne se traduisent pas uniquement en termes d’insuffisance de ressources. Des personnes que les statistiques situent au-dessus du seuil de pauvreté peuvent malheureusement souffrir d’inégalités dans des domaines aussi vitaux que l’accès aux soins, l’alimentation et/ou le logement.

a) L’accès aux soins

Selon une récente enquête du Centre de recherche, d’étude et de documentation en économie de la santé (CREDES), l’inégalité dans l’accès aux soins s’est aggravée au cours des années quatre-vingt, alors que la progression du niveau de couverture d’assurance maladie de la population progressait sensiblement sur la même période (toutefois 100.000 à 200.000 personnes ne bénéficieraient d’aucune couverture sociale). Cette étude montre également qu’un quart des Français renoncent régulièrement à des soins de santé pour des motifs financiers. Il est également significatif que la mortalité des bénéficiaires du RMI soit deux à trois fois plus élevée que celle de l’ensemble de la population, à âge égal.

La loi d’orientation relative à la lutte contre les exclusions a déjà prévu la mise en place, dans tous les hôpitaux, de permanences d’accès aux soins de santé (PASS) et leur a imposé un devoir de suivi des traitements. S’appuyant sur les conclusions du rapport de notre collègue Jean-Claude Boulard, « Pour une couverture maladie universelle – base et complémentaire », un projet de loi sur le droit à un égal accès à la prévention et aux soins devrait être soumis prochainement au Parlement, afin d’offrir une couverture maladie universelle et une couverture complémentaire, sous condition de ressources, visant à éviter les avances de frais pour les plus démunis. Le présent projet de loi de finances favorise également l’accès aux soins en prévoyant une baisse de la TVA sur les appareillages très onéreux destinés aux diabétiques et à certains handicapés.

b) Les problèmes alimentaires

On assiste, depuis les années quatre-vingt, à une résurgence des problèmes alimentaires dans l’ensemble des pays développés occidentaux. En France, selon les derniers chiffres rendus publics, la valeur des denrées alimentaires distribuées par plus de 3.000 associations a atteint 490 millions de francs en 1994, soit l’équivalent de 63,6 millions de repas.

A cet égard, après que le décret d’avance du 9 juillet 1997 eut ouvert 145 millions de francs au profit du budget de l’enseignement scolaire, afin de faciliter l’accès des enfants défavorisés aux cantines scolaires, la loi d’orientation relative à la lutte contre les exclusions a rétabli les bourses des collèges, prévoyant un mécanisme de précompte automatique des frais de cantine.

c) Le droit au logement

La notion de droit au logement est apparue pour la première fois dans notre législation dans l’article premier de la loi n° 89-462 du 6 juillet 1989 tendant à améliorer les rapports locatifs. Dans sa décision relative à la loi n° 95-74 du 2 janvier 1995 relative à la diversité de l’habitat, le Conseil constitutionnel a même considéré « que la possibilité pour toute personne de disposer d’un logement décent est un objectif de valeur constitutionnelle ».

Pourtant, le Haut comité pour le logement des personnes défavorisées évalue à environ 200.000 le nombre de personnes exclues du logement.

En outre, même si ces quinze dernières années le confort des logements s’est nettement amélioré (en 1996, 89% des ménages pauvres disposent dans leur logement des équipements sanitaires de base, contre 69% en 1984), plus d’un ménage pauvre sur quatre vit dans un logement que l’on peut considérer comme surpeuplé (41). Cette situation est liée notamment à la diminution régulière des logements à bas loyer, imputable, entre autres, à la modernisation et à la réhabilitation du parc HLM ou du parc privé.

En ce domaine également, la loi relative à la lutte contre les exclusions a prévu des mesures importantes : création, dans chaque département, d’un dispositif de veille sociale chargé de gérer les capacités d’hébergement disponibles pour les personnes en difficulté ; prévention des expulsions ; modernisation du régime de réquisition des logements ; institution d’une taxe sur les logements vacants ; réforme du système d’attribution des logements locatifs sociaux... Plusieurs autres dispositions pourraient figurer dans le prochain projet de loi sur l’habitat, mais, d’ores et déjà, le présent projet de loi de finances propose de baisser la TVA sur les travaux d’amélioration réalisés par les bailleurs privés de logements sociaux et de mettre en place un statut du bailleur conventionné, accessible aux propriétaires bailleurs acceptant une contrepartie sociale.

3.- Favoriser l’égalité des chances

La société des Égaux préconisée par Gracchus Babeuf est illusoire, mais du moins faut-il que tout individu, quelles que soient ses origines sociales ou géographiques, puisse faire valoir ses mérites. Il convient donc de promouvoir l’égalité des chances en permettant à tous l’accès à l’éducation et à la culture, ainsi que le plein exercice de la citoyenneté, et en réduisant les inégalités territoriales.

a) L’accès à l’éducation et à la culture

Dans son introduction au rapport d’information décrivant les dispositifs de la loi relative à la lutte contre les exclusions, M. Jean Le Garrec précise que « 53.000 jeunes sortent toujours chaque année du système scolaire sans qualification » et qu’« un enfant de cadre a trois fois plus de chances d’obtenir le baccalauréat qu’un enfant d’ouvrier » (42). On peut ajouter qu’en 1996, plus d’un jeune homme sur dix se présentant à la sélection dans le cadre du service national avait des problèmes de lecture (43).

La « charte pour bâtir l’école du XXIe siècle » présentée récemment par le ministre de l’éducation nationale, de la recherche et de la technologie, de même que la hausse de 29,1% des crédits d’action sociale du budget de l’enseignement scolaire dans le projet de loi de finances pour 1999 constituent une première réponse à ces défis. Par ailleurs, comme l’observe notre collègue sénateur Franck Sérusclat, dans son rapport sur les techniques des apprentissages essentiels pour une bonne insertion dans la société de l’information (44), la mise à disposition d’ordinateurs dans les écoles est un « impérieux devoir du système éducatif » pour permettre à tous les enfants d’accéder à cet outil.

b) Le plein exercice de la citoyenneté

En la matière, la loi sur l’exclusion a déjà simplifié l’inscription des personnes sans domicile fixe sur les listes électorales. Il convient également de garantir l’égalité des droits des hommes et des femmes. Même si la part des femmes parmi les cadres et professions intellectuelles supérieures est passée de 27% à 34% entre 1986 et 1996, des mesures devront être prises pour assurer une répartition plus équilibrée des responsabilités (rappelons d’ailleurs qu’en 1995, une femme cadre gagnait 24% de moins que son collègue masculin (45)). Ce rééquilibrage pourra s’appliquer aussi à l’exercice des mandats électifs, grâce au projet de loi constitutionnelle relatif à l’égalité entre les femmes et les hommes.

c) La réduction des inégalités territoriales

Comme l’indique l’exposé des motifs du projet de loi d’orientation pour l’aménagement et le développement durable du territoire, « l’acuité des inégalités entre les régions ou en leur sein s’est renforcée dans les dernières décennies ». Le niveau de vie des Parisiens et, dans une moindre mesure, des habitants du reste de l’agglomération parisienne est ainsi largement supérieur à celui des autres Français (46). Le projet de loi précité devrait pouvoir permettre de compenser les handicaps territoriaux des zones défavorisées, zones rurales et de montagne notamment, et favoriser l’émergence de nouveaux pôles de développement.

 

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() Outre la France, les pays de la zone euro sont l’Allemagne, l’Autriche, la Belgique, l’Espagne, la Finlande, l’Irlande, l’Italie, le Luxembourg, les Pays–Bas et le Portugal.

() Perspectives économiques, n° 63, juin 1998.

() NDLR : 0,75%.

() Perspectives économiques, n° 63, juin 1998.

() Allemagne (Deutsche Bundesbank), Belgique, Canada, Etats-Unis, France, Italie, Japon, Pays-Bas, Royaume-Uni, Suède (Sveriges Rikzbank), Suisse (Banque nationale suisse).

() Entretien accordé à l’hebdomadaire Le Nouvel Observateur (n° 1766, semaine du 10 au 16 septembre 1998).

() On observera que la décision des autorités japonaises d’inclure les portefeuilles boursiers dans les fonds propres, au sens du Comité de Bâle, constituait en elle-même un facteur profondément pro-cyclique.

() Perspectives économiques, n° 63, juin 1998.

() Enquête sur le comportement des entreprises en 1997, Bulletin de la Banque de France, n°52, avril 1998.

() INSEE, Informations rapides, n°229, 17 août 1998.

() En moyenne annelle.

() Selon les termes employés par les représentants de la direction de la prévision au cours de la réunion du groupe technique.

() L’analyse keynésienne de la monnaie distingue deux motivations pour la demande de monnaie émanant des agents économiques : la demande de monnaie à des fins de « transaction », qui vise à permettre les échanges courants de la vie économique ; la demande de monnaie à des fins de « spéculation », qui traduit les termes de l’arbitrage entre actifs financiers et actifs purement monétaires comme réserve de valeur. Dans une conjoncture très déprimée, la demande de monnaie à des fins de « transaction » est quasi nulle. Dans ce cas, la monnaie est demandée aux seules fins de la « spéculation ». Or, si la politique monétaire est très accommodante, le taux d’intérêt peut devenir si faible que chacun s’attend à son augmentation prochaine, donc à la baisse du prix des actifs financiers. Le taux d’intérêt est insuffisant pour rémunérer correctement l’immobilisation de la valeur dans des actifs financiers et compenser le risque de perte en capital que cette immobilisation représente. Les agents économiques sont alors incités à thésauriser, et tout supplément de monnaie apporté par les autorités à l’économie est immédiatement absorbé dans les encaisses oisives des agents. La politique monétaire est totalement inefficace : l’économie est prise dans une « trappe à liquidité ».

() A l’exception, peut-être du Brésil, qui a été touché par la mise en œuvre d’une politique restrictive.

() Hors États-Unis et Europe occidentale.

() Même si le tableau récapitulant les prévisions de l’ensemble des membres du groupe technique ne porte pas d’indication sur ces prévisions de taux dans la colonne relative aux budgets économiques.

() Les données relatives au commerce extérieur proviennent de la direction générale des douanes et droits indirects. Elles sont établies sur une base FAB-FAB (franco à bord) pour les synthèses, ce qui signifie qu’elles comprennent le coût départ-usine et le coût du transport du lieu de production au poste frontière. Les résultats par produits et par pays sont calculés CAF (coût, assurance, fret : la valeur FAB des marchandises est majorée du coût du transport et des assurances) à l’importation et FAB à l’exportation. On rappellera par ailleurs que, depuis le 1er janvier 1997, la balance commerciale ne comprend plus les échanges de la métropole avec les DOM, mais intègre les opérations de ces derniers avec le reste du monde : les données antérieures à cette réforme ont été mises en conformité avec la nouvelle présentation.

() Certaines opérations sans paiement et une partie des échanges liés à l’activité spatiale de la base de Kourou en Guyane sont reclassés en échanges de services dans la balance des paiements, conformément à la méthodologie internationale.

() Les transferts avec les institutions de l’Union européenne représentent la majeure partie des transferts courants des administrations publiques et plus de la moitié des recettes et des dépenses imputées à la rubrique des transactions courantes.

() La part de marché mondiale en valeur de la France était de 5,4% en 1997, contre 5,5% en 1996, cette quasi-stabilité constituant une bonne performance dans la mesure où la hausse du dollar réduit mécaniquement la part des échanges intra-européens dans le commerce mondial. Dans l’ensemble des pays industrialisés, la part de marché en valeur de la France était de 8,3%, contre 8,2% en 1996 (Source : FMI).

() Direction de la prévision, Note de conjoncture internationale, juin 1998. L’OCDE prévoit pour sa part une contraction du commerce mondial plus importante, de l’ordre de 2,7 points. Voir Perspectives économiques, n° 63, juin 1998.

() Plus rarement, l’objectif est inverse dans le cadre d’une réévaluation, lorsqu’il s’agit de limiter l’excédent de la balance commerciale.

() Rapport sur les comptes de la Nation de l’année 1997, tome II, tableau 01.03.

() Bulletins de la Banque de France, n°51, mars 1998 et 52, avril 1998.

() Bulletin de la Banque de France, n°53, mai 1998.

() Lettre de l’OFCE, n°173, du 26 mars 1998.

() Lettre de l’OFCE, n°173, du 26 mars 1998.

() « La compétitivité industrielle de la France à la veille de l’euro », juin 1998.

() Rexecode, op. cit.

() Lettre de l’OFCE, n°176, du 22 juin 1998 : « Les positions compétitives en Europe à la veille de l’Union monétaire ».

() L’Union monétaire belgo-luxembourgeoise est traitée comme un seul pays.

() « La compétitivité industrielle de la France à la veille de l’euro », op. cit.

() Le solde primaire du budget de l’Etat est le résultat de la différence entre le solde total de ce budget et la charge nette de la dette.

() La catégorie 1 correspond aux personnes déclarant être à la recherche d’un emploi à temps plein et à durée déterminée et n’ayant pas exercé une activité de plus de 78 heures dans le mois.

() A cette masse, il convient d’ajouter les exonérations de cotisations sociales accompagnant les dispositifs d’insertion professionnelle des publics prioritaires, tels que les contrats initiatives-emplois (10,7 milliards de francs en 1997).

() Pierre Concialdi et Sophie Ponthieux, « Les bas salaires : quels changements depuis 15 ans ? », reproduit in Problèmes économiques, 11 février 1998, pages 1 à 7.

() Rapport général n° 305, tome I, volume 1, page 83.

() Economie et statistique, « Mesurer la pauvreté aujourd’hui », 1997.

() Statistics in focus, n° 6, 1997.

() Rapport d’information n° 1065 sur la fiscalité du patrimoine et de l’épargne.

() INSEE Première, « Le logement des ménages pauvres en 1996 », juin 1998.

() Rapport d’information n° 1062 sur la loi d’orientation relative à la lutte contre les exclusions, page 12.

() INSEE Première, septembre 1997.

() Rapport de l’Office parlementaire d’évaluation des choix scientifiques et technologiques, Sénat n° 383, 1996/1997.

() INSEE Résultats, « Séries longues sur les salaires », avril 1998, page 12.

() INSEE Première, « La géographie du niveau de vie : évolutions récentes », septembre 1997.

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