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Commission des affaires sociales

Mercredi 7 octobre 2015

Séance de 16 heures 15

Compte rendu n° 02

Présidence de Mme Catherine Lemorton, Présidente

– Audition de Mme Marisol Touraine, ministre des affaires sociales, de la santé et des droits des femmes, et de M. Christian Eckert, secrétaire d’État au budget, auprès du ministre des finances et des comptes public, sur le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2016 (n° 3106) (M. Gérard Bapt, Mmes Michèle Delaunay, Joëlle Huillier, MM. Michel Issindou, Denis Jacquat et Mme Marie-Françoise Clergeau, rapporteurs)

– Présences en réunion

COMMISSION DES AFFAIRES SOCIALES

Mercredi 7 octobre 2015

La séance est ouverte à seize heures vingt.

(Présidence de Mme Catherine Lemorton, présidente de la Commission)

La Commission procède à l’audition de Mme Marisol Touraine, ministre des affaires sociales, de la santé et des droits des femmes, et de M. Christian Eckert, secrétaire d’État au budget, auprès du ministre des finances et des comptes public, sur le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2016 (n° 3106) (M. Gérard Bapt, Mmes Michèle Delaunay, Joëlle Huillier, MM. Michel Issindou, Denis Jacquat et Mme Marie-Françoise Clergeau, rapporteurs).

Mme la présidente Catherine Lemorton. La discussion du projet de loi de financement de la sécurité sociale (PLFSS) est un moment attendu. Je voudrais remercier Mme Marisol Touraine, ministre des affaires sociales et de la santé, et M. Christian Eckert, secrétaire d’État au budget, de venir nous présenter ce texte, qu’ils ont bien voulu nous faire parvenir aussitôt après son adoption ce matin en conseil des ministres.

J’ai constaté avec plaisir l’amélioration des taux de réponse aux questionnaires que les rapporteurs ont adressés au Gouvernement en juillet dernier. Ce taux est supérieur à 80 % pour les recettes et l’équilibre général, pour les branches vieillesse et accidents du travail et maladies professionnelles ; il n’avait jamais été atteint depuis des années. En revanche, il reste encore insuffisant pour la famille (70 %), l’assurance maladie (63 %) et le médico-social (60 %). Mais si le rythme de progression de cette année se maintient, ce devrait être parfait l’année prochaine… Il faut le souhaiter, ne serait-ce que pour faciliter le travail des rapporteurs et des gens qui travaillent à leur côté et qui disposent d’à peine deux semaines entre le moment où ils reçoivent le texte et son passage en commission. Ce délai, particulièrement court, implique une bonne réactivité du Gouvernement, surtout cette année où le PLFSS comporte des dispositions techniques particulièrement complexes.

Madame la ministre, monsieur le secrétaire d’État, je compte sur vous, y compris dans cette période séparant le conseil des ministres du passage en commission, pour donner les instructions nécessaires afin que nos rapporteurs disposent des éléments indispensables à leur travail.

Je rappelle que nous examinerons ce texte en commission, le mardi 13 octobre, après-midi et soir, et le mercredi 14 octobre, matin, après-midi et soir.

Mme Marisol Touraine, ministre des affaires sociales, de la santé et des droits des femmes. Madame la présidente, soyez assurée de la mobilisation totale de mes services pour répondre à vos interrogations et à vos préoccupations.

L’examen du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2016 survient à un moment symbolique, celui du soixante-dixième anniversaire de la sécurité sociale. C’est pour nous l’occasion de montrer notre attachement à une politique qui vise à la fois à consolider et à moderniser les droits sociaux de nos concitoyens.

Les résultats sont là. Mais puisque nous avons tendance à ne voir que le rééquilibrage financier de la sécurité sociale, j’insisterai sur un autre chiffre, celui du reste à charge des Français en matière de santé, qui diminue régulièrement depuis 2012. Après avoir augmenté entre 2007 et 2012, il est passé de 9,1 % en 2011 à 8,5 % en 2014. C’est un engagement fort pour le Gouvernement.

Je veux revenir sur cinq avancées majeures.

La première vise à marquer l’aboutissement d’un engagement pris en 1945 : l’instauration d’une véritable la protection universelle maladie.

Chaque année, plusieurs millions de Français doivent engager des démarches administratives pour faire valoir leurs droits à l’assurance maladie, lorsqu’ils changent de situation professionnelle, de situation familiale ou de domicile. Cette rupture n’est pas acceptable.

Il ne s’agit pas de créer un nouveau droit, puisque depuis la mise en place de la couverture maladie universelle (CMU), tous les Français et tous ceux qui résident régulièrement sur notre territoire peuvent bénéficier d’une couverture maladie. En revanche, les changements de situation pouvaient y faire obstacle.

La protection universelle maladie sera instaurée dès 2016. Concrètement, les conditions requises pour ouvrir droit à remboursement seront simplifiées ; mais surtout, les droits seront désormais servis à chaque assuré individuellement. Chaque Français, chaque personne en situation régulière sur notre territoire aura ses propres droits. Il n’y aura donc plus d’ayants droit. C’est la fin d’un système auquel nous étions habitués. C’est là un changement très important : désormais, nous serons individuellement et personnellement porteurs de nos droits.

La carte Vitale aura potentiellement vocation à durer toute la vie de l’assuré. Elle sera proposée dès l’âge de douze ans, ce qui simplifiera l’accès aux soins des enfants : par exemple, des enfants éloignés de leurs parents pour les vacances, en colonie de vacances ou chez leurs grands-parents ; des enfants de famille recomposée qui peuvent tomber malades alors qu’ils sont chez le parent qui n’est pas porteur de leurs droits.

Nous tirons les conséquences de cette réforme majeure sur son financement. Les cotisations minimales maladie que doivent aujourd’hui acquitter les travailleurs indépendants et les exploitants agricoles seront supprimées. Il s’agit d’un allégement qui concernera de très nombreux travailleurs dégageant de très faibles revenus de leur activité.

Cela permet, à prélèvement inchangé, de relever la cotisation minimale vieillesse des travailleurs indépendants de façon à leur garantir que ces travailleurs valident au moins trois trimestres de retraite par année travaillée, même dans les mauvaises années. Je rappelle qu’il y a encore deux ans, un travailleur indépendant connaissant une mauvaise année ne pouvait valider qu’un seul trimestre avec certitude.

Certains annoncent le grand soir de la protection sociale des indépendants… après avoir provoqué les dégâts que l’on connaît au moment de la mise en place du régime social des indépendants (RSI). Nous aurons quant à nous œuvré très concrètement, depuis trois ans, pour offrir aux indépendants une protection sociale renforcée, et plus juste avec des prélèvements qui auront baissé de façon très significative, pour les 70 % d’entre eux qui ont les revenus les moins élevés. J’ai la conviction que le niveau de la couverture sociale des travailleurs indépendants constitue un enjeu d’avenir, alors que les mutations de l’économie peuvent conduire davantage de personnes précaires à travailler dans ce cadre.

La deuxième avancée qui figure dans ce texte est la généralisation de l’accès à une complémentaire santé de qualité pour des catégories de la population en butte à des difficultés.

Il s’agit d’abord de favoriser la complémentaire santé des travailleurs précaires. Vous le savez, à partir du 1er janvier 2016, les employeurs devront apporter une complémentaire santé à leurs salariés. Néanmoins, les salariés qui se trouvent en contrat à durée déterminée très court, ou qui travaillent simultanément chez plusieurs employeurs, pourraient rencontrer des difficultés. C’est pour cela qu’une aide individuelle destinée à faciliter l’acquisition d’une complémentaire santé leur sera versée par leur(s) employeur(s).

Ensuite, nous voulons favoriser l’accès à une complémentaire santé pour les personnes retraitées et celles de plus de soixante-cinq ans, retraitées ou non, qui, avançant en âge, sont confrontées à une hausse du coût de leur complémentaire santé. Deux mesures viennent concrétiser cet engagement de solidarité :

La première consiste à réaménager le dispositif issu de la loi Évin de 1989, qui permet à un ancien salarié de garder la complémentaire santé qu’il avait dans le cadre de son entreprise. Concrètement, après une première année pendant laquelle les salariés auront le droit de conserver cette complémentaire santé à un tarif identique à celui qu’ils avaient en entreprise, le plafond évoluera progressivement, jusqu’à atteindre 150 % du coût qui était payé à l’intérieur de l’entreprise. Le recours à ce dispositif étant trop limité, nous le rendons plus attractif.

Deuxième avancée majeure : la mise en place d’une sélection non fermée de contrats de complémentaire santé par mise en concurrence des contrats, qui permettra aux plus de soixante ans de bénéficier d’une complémentaire moins chère ou apportant de meilleures garanties.

Troisième engagement fort de ce projet de loi, la lutte contre les inégalités de santé dans nos territoires en renforçant la prévention et l’accès aux soins de premier recours.

Nous lançons notamment une expérimentation fondée sur le repérage, par le médecin traitant, d’un risque d’obésité chez les enfants de trois à huit ans et la prise en charge financière de bilans d’activité physique et de l’intervention de diététiciens et de psychologues. Dans le même temps, nous renforçons – dans le prolongement de ce que nous avons déjà engagé – l’accès des mineures à la contraception. La consultation de la prescription et les analyses biologiques liées seront désormais prises en charge à 100 % et dans des conditions de totale confidentialité. Enfin, je l’ai annoncé la semaine dernière à l’occasion du lancement de la campagne « Octobre rose », nous étendons la prise en charge intégrale du dépistage du cancer du sein aux examens supplémentaires pratiqués sur les femmes présentant un risque particulièrement élevé, plus élevé que celui qui justifie la campagne classique d’une mammographie tous les deux ans.

Enfin, toujours en matière de parcours de soins, ce PLFSS prévoit d’accélérer le virage ambulatoire et d’améliorer l’accès aux soins. Concrètement, nous confortons le modèle retenu dans certaines régions pour financer la permanence des soins ambulatoires (PDSA). En outre, nous renforçons le développement de l’offre de soins visuels sans dépassements d’honoraires, en soutenant la modernisation des cabinets d’ophtalmologistes et à la mise en place de binômes entre orthoptiste et ophtalmologiste.

Quatrième avancée de ce PLFSS : la généralisation de la garantie des impayés de pension alimentaire.

Nous avons engagé une expérimentation qui permet de garantir une pension alimentaire minimale de 100 euros par enfant, et nous généralisons ce dispositif qui s’adresse aux parents – dans la pratique, aux femmes seules avec enfants – dont l’ex-conjoint ne verse pas ou verse de manière irrégulière la pension alimentaire qu’il doit. C’est la caisse d’allocations familiales qui versera désormais la pension alimentaire et se retournera ensuite contre l’autre parent défaillant pour obtenir le paiement des sommes dues.

Cinquième avancée, ce texte marque, en cohérence avec la loi d’adaptation de la société au vieillissement, un engagement fort en faveur des personnes âgées et des personnes handicapées, lequel se traduit par une augmentation des moyens médico-sociaux de 405 millions d’euros. Cela permettra de créer de nouvelles places d’accueil : c’est l’engagement que nous avons pris dans le plan « autisme » et le plan « maladies neurodégénératives ». Cela permettra aussi de poursuivre la médicalisation des établissements d’hébergement pour personnes âgées dépendantes (EHPAD).

Parallèlement, depuis 2012, nous avons fait progresser les droits sociaux des Français, tout en parvenant à réduire très fortement les déficits. Le PLFSS pour 2016 marque une nouvelle étape du redressement des comptes.

Entre 2011 et 2015, le déficit du régime général et du FSV aura diminué de plus de 8 milliards d’euros. Si la conjoncture économique a pu ralentir le rythme, la direction est restée la bonne et les résultats sont là : le déficit a été réduit de 40 %. Nous pouvons en être fiers puisque, dans le même temps, nous avons su maîtriser les dépenses, en particulier en matière de santé, alors même que des dépenses inattendues se sont présentées – par exemple d’importantes dépenses liées aux traitements innovants de l’hépatite C. Malgré cela, l’objectif national des dépenses de l’assurance maladie (ONDAM) a été systématiquement respecté. En 2015, dans des conditions de maîtrise renforcée des dépenses et de développement des traitements innovants de l’hépatite C, l’ONDAM sera à nouveau tenu.

Cette dynamique sera poursuivie en 2016. Nous devrions ramener le déficit du régime général et du FSV sous la barre des 10 milliards d’euros. Pour la première fois depuis 2005, la Caisse nationale d’assurance vieillesse (CNAV) devrait revenir à l’équilibre. J’imagine que chacun ici s’en réjouira, car c’est un signe de confiance à adresser à nos concitoyens. Et je ne vois pas l’intérêt qu’il y a à inquiéter les Français en matière de retraite, notamment à un moment où reprennent des négociations difficiles et décisives entre les partenaires sociaux sur les régimes complémentaires.

Comment parviendrons-nous à maîtriser les dépenses en matière de santé ? En poursuivant le travail entamé depuis 2012, c’est-à-dire en ayant le courage d’engager des réformes structurelles, sans jamais recourir aux franchises et aux déremboursements. Pour 2016, nous avons défini une progression de l’ONDAM de 1,75 %, qui représente un effort de 3,4 milliards d’euros, contre 3,2 milliards en 2015. Nous y parviendrons en mobilisant les quatre axes structurants qui nous permettent déjà de tenir le cap depuis 2012.

Premier axe : lutter contre le gaspillage en évitant les actes inutiles ou redondants : examens pré-anesthésiques, examens biologiques, recours aux transports sanitaires. Nous espérons ainsi dégager en 2016, comme en 2015, 1,2 milliard d’euros d’économies.

Deuxième axe : faire baisser les prix des produits de santé et développer les génériques. L’an dernier, nous avons pris l’engagement de stabiliser les dépenses de médicaments remboursés entre 2015 et 2017. Dans ce cadre, nous trouverons les ressources pour développer des traitements innovants et les rendre accessibles à tous les patients.

Pour cela, nous reconduirons en 2016 les dispositifs de régulation des prix adoptés l’an dernier : la clause de sauvegarde permanente, le taux L, et le mécanisme de régulation spécifique aux traitements de l’hépatite C, le taux K. Nous poursuivrons aussi le recours aux génériques. Les médecins, en ville comme à l’hôpital, seront davantage incités à les prescrire, et une campagne de communication sera lancée dans le courant du premier semestre 2016 pour sensibiliser les Français à l’intérêt de ces médicaments. Grâce aux baisses de prix et au développement des génériques, nous attendons 1 milliard d’euros d’économies en 2016, ce qui est proche des économies réalisées l’an dernier.

Troisième axe : accroître l’efficience de la dépense hospitalière grâce aux économies d’échelle. Cette dynamique a été engagée il y a plusieurs années et je veux souligner que, contrairement à ce que l’on entend parfois, les professionnels et les hôpitaux ont engagé un effort sans précédent de réorganisation de leurs pratiques et de leurs structures.

Le projet de loi de modernisation de notre système de santé prévoit, avec les groupements hospitaliers de territoires, de doter les hôpitaux d’outils nouveaux pour accompagner ces évolutions. 700 millions d’euros sont attendus à ce titre en 2016, contre 500 millions d’euros l’an dernier.

Ces économies permettent de maîtriser l’évolution de l’ONDAM hospitalier. Pour la première fois depuis plusieurs années, l’évolution de l’ONDAM hospitalier sera en ligne avec l’évolution de l’ONDAM général, à 1,75 %. Les ressources dédiées à la prise en charge à l’hôpital des personnes précaires seront sensiblement renforcées en 2016, en particulier pour les établissements les plus mobilisés dans ce domaine.

Enfin, je veux dire que la transformation de l’hôpital passe aussi par une réforme profonde de son financement. Cette réforme a été engagée dès 2012, avec des dispositifs de soutien aux activités isolées ou la mise en œuvre d’un financement à la qualité. Je poursuis cette dynamique dans ce PLFSS, avec la mise en place d’un modèle de financement innovant pour les soins de suite et de réadaptation (SSR) : la dotation modulée à l’activité. Concrètement, il s’agit de mettre définitivement un terme au « tout T2A » en instaurant davantage de dotation dans les financements pour plus de stabilité.

Le quatrième et dernier axe structurant pour l’assurance maladie consiste à favoriser le virage ambulatoire.

L’innovation permet aujourd’hui de progresser très rapidement dans ce domaine, et aux patients de rester plus longtemps chez eux auprès de leurs proches. Nous avons déjà beaucoup avancé : le taux de chirurgie ambulatoire est passé à 45 % en 2014, contre 40,8 % en 2012. L’objectif d’une intervention chirurgicale sur deux en ambulatoire est en donc en passe d’être atteint.

Nous continuons à soutenir les soins de ville : les ressources effectivement allouées aux soins de ville – et qui montrent notre engagement en faveur du virage ambulatoire – progresseront de 2 %. C’est une progression nettement supérieure à celle de l’ONDAM global, qui témoigne de notre volonté de réorienter notre système de santé.

Nous prévoyons 500 millions d’euros d’économies liées au virage ambulatoire en 2016. C’est un peu plus que les 400 millions d’euros réalisés en 2015.

Mesdames et messieurs les députés, dans les prochaines semaines, vous examinerez ce PLFSS qui, dans la ligne des précédents, est tout à la fois un texte de redressement, de protection et de justice.

Mesdames et messieurs, je vous remercie par avance pour tout l’engagement dont vous ferez preuve lors des prochaines semaines. Je sais que l’examen de projet de loi représente pour chacune et chacun de vous un énorme travail, et je m’engage, madame la présidente, je m’engage à tout faire pour qu’il se déroule dans les meilleures conditions possibles.

M. Christian Eckert, secrétaire d’État au budget, auprès du ministre des finances et des comptes publics. Après le projet de loi de finances (PLF) la semaine dernière, le PLFSS a été déposé aujourd’hui devant votre assemblée. Vous venez d’entendre la présentation qu’en a faite Marisol Touraine ; il me revient maintenant de vous apporter quelques éléments clés sur ce texte, de mon point de vue de secrétaire d’État chargé du budget.

Pour commencer, ce texte est la démonstration de notre crédibilité budgétaire. Nos comptes publics se redressent et nous enregistrons des résultats. Si l’on regarde l’ensemble des administrations publiques, le solde 2014, récemment révisé par l’INSEE, s’établit à 3,9 % du PIB et nous serons à 3,8 % en 2015 – l’avis du Haut conseil des finances publiques sur le PLF ayant confirmé la crédibilité de cet objectif. En 2016, notre objectif est de 3,3 %, et nous stabiliserons le ratio de dette publique pour la première fois.

Le champ de la sécurité sociale contribue fortement à cette amélioration globale : c’est le fruit d’une politique résolue d’économies, sans sacrifier les droits des assurés et en maintenant notre priorité en faveur des Français les plus modestes.

On ne le dira jamais assez et jamais assez fort : le déficit de la sécurité sociale se réduit chaque année depuis le début de la législature. Il était de 21 milliards d’euros en 2011, de plus de 17 milliards en 2012, de plus de 15 milliards en 2013, et de 13 milliards l’année dernière, en 2014. Cette année, il sera de moins de 10 milliards d’euros pour le régime général et de 12,8 milliards d’euros si l’on inclut le FSV. Nonobstant les critiques, ce résultat est le meilleur atteint depuis 2008, c’est-à-dire avant le début de la crise économique.

Non seulement le déficit diminue, mais depuis deux ans, il se réduit plus rapidement que prévu. Le déficit constaté en 2014 a été inférieur de 2 milliards d’euros à notre prévision ; celui de 2015 sera inférieur de 600 millions d’euros à l’objectif fixé dans la LFSS pour 2015.

Le résultat de cette politique, c’est que l’année prochaine, deux branches sur les quatre que compte le régime général seront à l’équilibre : la branche accidents du travail et la branche vieillesse. La branche famille quant à elle se rapprochera nettement de l’équilibre puisque son déficit ne sera plus que de 800 millions, et l’équilibre sera atteint en 2017.

C’est le signe que les efforts paient : ce sont la réforme des retraites et les mesures d’économie prises sur la branche famille ces deux dernières années qui ont permis ces résultats.

Un chiffre permet de mesurer à quel point les résultats sont probants : celui de l’évolution de la dette totale de la sécurité sociale, à la fois celle qui a été transférée à la Caisse d’amortissement de la dette sociale (CADES) et celle qui demeure à l’Agence centrale des organismes de sécurité sociale (ACOSS). En 2015, la CADES devrait rembourser environ 13,6 milliards d’euros de dette accumulée par le régime général et le FSV. Le déficit prévisionnel devrait quant à lui être de 12,7 milliards d’euros. Autrement dit, la dette sociale va baisser en valeur dès 2015 pour la première fois depuis 2002, et ce mouvement va s’amplifier en 2016.

L’horizon de remboursement intégral de la dette sociale est fixé à 2024, et cet horizon ne s’éloigne plus. Dans ce contexte, plutôt qu’attendre encore deux ans, le Gouvernement souhaite anticiper la reprise par la CADES des déficits accumulés à l’ACOSS en transférant dès l’année prochaine 23,6 milliards d’euros de dette à la CADES, pour saturer le plafond de reprise de 62 milliards actuellement en vigueur. Cela permet de tirer profit des taux bas du marché, et de ne pas prendre le risque d’attendre une remontée des taux.

Les mesures de maîtrise des dépenses de la sécurité sociale se poursuivront en 2016 dans le cadre plus général du plan de 50 milliards d’euros d’économies réalisés en trois ans sur l’ensemble des administrations publiques. En 2016, la contribution des administrations de sécurité sociale au plan de 50 milliards d’économies atteindra 7,4 milliards d’euros au total.

L’ONDAM a été respecté pour la cinquième année consécutive en 2014 et nous mettrons tout en œuvre pour respecter l’ONDAM 2015. L’avis du comité d’alerte qui vient d’être publié confirme que ce devrait être le cas, et valide la construction de l’ONDAM 2016. Il montre que c’est un objectif exigeant – le taux de progression de l’ONDAM a été fixé à 1,75 %, le taux le plus bas depuis sa création en 1997 – mais réaliste. Cela permettra de faire une économie de 3,4 milliards d’euros. Marisol Touraine vient de détailler les axes des mesures d’économies prévues en matière d’assurance maladie.

Vous l’avez vu, cette démarche est cohérente, structurée et inscrite dans la durée. Elle ne sacrifie pas les droits des assurés. Bien au contraire, la protection universelle maladie (PUMa) sera l’une des réformes sociales importantes de cette législature, avec la mise en œuvre de la prime d’activité, qui interviendra aussi en 2016.

Le projet de loi de finances présenté la semaine dernière prévoit une réforme des modalités de revalorisation de l’ensemble des prestations sociales. Cette réforme est bien sûr inscrite en miroir dans le PLFSS présenté aujourd’hui pour les prestations relevant du champ de la sécurité sociale.

En effet, au 1er avril 2015, le Gouvernement aurait dû diminuer les prestations familiales de 0,7 point s’il avait appliqué strictement les dispositions législatives actuelles, qui prévoient un mécanisme de correction en cas d’inflation inférieure aux prévisions. Bien sûr, nous avons choisi de ne pas diminuer le montant des prestations, dont certaines bénéficient à des familles modestes. Cela étant, ce système de correction des écarts de prévision l’année suivante n’est pas satisfaisant. En outre, pas moins de cinq dates de revalorisation et autant d’indices de référence coexistent, pour les revalorisations des différentes prestations : ce dispositif est complexe et peu lisible pour les bénéficiaires.

Aussi proposons-nous, d’une part, de clarifier les dates de revalorisations en les regroupant au 1er octobre pour les retraites – ce qui ne change rien – et au 1er avril pour toutes les autres prestations, et, d’autre part, de mettre en place un bouclier garantissant le maintien des prestations à leur niveau antérieur en cas d’inflation négative, dans un cadre général où la revalorisation se fera uniquement en fonction d’évolutions connues, et non plus prévisionnelles, ce qui exclura en conséquence toute nécessité de correction a posteriori.

Cette réforme est neutre à long terme, puisque l’inflation constatée et l’inflation prévisionnelle convergent sur longue période. Elle conduit cependant à des économies temporaires dans un contexte de reprise de l’inflation. L’impact sur l’ensemble des comptes publics sera de l’ordre de 500 M€ en 2016. Je tiens à rappeler qu’en aucun cas, cette réforme ne remet en cause les mesures du plan pauvreté, qui continueront à s’appliquer jusqu’en 2017. Cette mesure transversale n’aura aucun impact sur la revalorisation exceptionnelle du revenu de solidarité active (RSA), toujours prévue au 1er septembre, et qui continuera à s’appliquer chaque année.

J’en viens à mon second point : les mesures concernant les recettes, et notamment celles du Pacte de responsabilité et de solidarité.

Le PLFSS met en œuvre la deuxième étape du Pacte de responsabilité et de responsabilité qui, je le rappelle, prévoit que les entreprises bénéficieront de 9 milliards d’euros d’allégements supplémentaires en 2016. À ce titre, deux mesures sont prévues : premièrement, la baisse de 1,8 point des cotisations sociales pour les salaires jusqu’à 3,5 fois le niveau du SMIC à compter du 1er avril prochain : le décalage de trois mois correspond à la prise en compte des autres mesures décidées en faveur des entreprises, notamment en faveur des très petites entreprises en août, ou bien en faveur de l’actionnariat et de l’épargne salariale. Deuxièmement, la poursuite de baisse de la contribution sociale de solidarité des sociétés (C3S) payée par les entreprises, dont nous avons déjà débattu l’année dernière. Cette contribution, vous le savez, pèse sur le chiffre d’affaires et n’est pas déductible, ce qui signifie qu’une entreprise déficitaire doit tout de même payer la C3S, même lorsqu’elle ne paie pas d’IS, et que seul le chiffre d’affaires réalisé en France est taxé. Je ne reviens pas plus longuement sur les défauts économiques de cet impôt qui expliquent pourquoi c’est sur lui que nous avons concentré nos efforts.

Avec ces mesures, nos objectifs sont clairs : les petites et moyennes entreprises et les secteurs exposés.

Dans cette deuxième étape du pacte, le Gouvernement a choisi de relever le niveau de l’abattement créé l’année dernière, qui sera porté à 19 millions d’euros, soit une baisse de prélèvement de 1 milliard d’euros pour les 100 000 redevables. De cette façon, 80 % des redevables, c’est-à-dire les plus petites entreprises et la très grande majorité des moyennes, seront totalement exonérées.

Ainsi, sur 1 milliard de baisse de C3S, 250 millions d'euros iront aux entreprises industrielles. De même, en ciblant des salaires médians, nous savons que 25 % de la baisse des cotisations famille bénéficiera à notre industrie.

En 2016, le pacte représentera donc un gain de 1 milliard d’euros pour notre industrie, soit 25 % des baisses de prélèvements alors que ces secteurs ne représentent que 14 % de notre valeur ajoutée. En outre, ce milliard d’euros ira principalement vers des PME et des entreprises de taille intermédiaire des secteurs industriels.

Dernier point important : comme l’année dernière, c’est l’État, et non la sécurité sociale, qui supportera intégralement le coût de ces baisses de prélèvements. La compensation à la sécurité sociale sera réalisée à l’euro près et sera pérenne, incluant la baisse de la recette apportée l’an dernier en compensation des premières mesures du pacte par la mesure sur les caisses de congés payés.

Comme l’année dernière, cette compensation sera réalisée principalement par le transfert au budget de l’État de certaines dépenses aujourd’hui retracées dans les comptes de la sécurité sociale, dans une logique de rationalisation et de simplification. Ainsi, l’aide au logement familiale (ALF), actuellement financée par la branche famille, le sera désormais par l’État, sans modification des règles de calcul ou de gestion. Enfin, le financement des mesures de protection des majeurs vulnérables, soit 400 millions d’euros par an, sera également transféré à l’État.

C’est un effort significatif, de plus de 5 milliards d’euros supplémentaires en 2016. Cela explique que l’on ne constate qu’une faible réduction du déficit budgétaire de l’État en 2016, de l’ordre de 1 milliard d’euros, malgré les économies et la réduction de la dépense publique. L’État absorbera par ses seuls efforts d’économie en dépenses les pertes de recettes liées au pacte et l’équilibre de la sécurité sociale sera entièrement préservé.

D’autres mesures de recettes figurent dans ce PLFSS.

Parallèlement à la mise en œuvre du pacte, nous poursuivrons la réduction des niches sociales. Il ne faut pas croire que le Gouvernement serait subitement devenu aveugle ou sourd lorsqu’il apparaît que certaines exonérations sont en réalité des niches dont l’efficacité est remise en cause. Ainsi, dans le cadre du nouveau dispositif de « revue des dépenses », un rapport adressé cet été au Parlement a formulé des critiques pertinentes sur un certain nombre de dispositifs parfois mal ciblés, coûteux, peu efficaces et très complexes dans leurs critères.

En outre, on peut considérer que leur utilité, pour certains, se justifie moins que par le passé puisque, dans le même temps, les exonérations générales de cotisations ont été renforcées. Dans certains cas, on constate même que les dispositifs ciblés sont devenus moins favorables à certains niveaux de salaires que les allégements généraux, tout en coûtant plus cher au global ! Aussi, deux mesures du PLFSS, l’une sur les exonérations applicables en outre-mer, l’autre sur certaines exonérations zonées, contribueront à cet objectif. Je précise que dans les deux cas, c’est uniquement le volet qui concerne les cotisations qui est visé : le volet fiscal de ces dispositifs demeure inchangé.

Enfin, je souhaite revenir sur les suites de l’arrêt "De Ruyter", dont l’importance me semble avoir été sous-estimée.

Instituée en 1991, la contribution sociale généralisée (CSG) est une contribution affectée à la sécurité sociale et payée par tous les contribuables sur tous leurs revenus : revenus d’activité, pensions, revenus du capital, etc. Nous considérons, et le Conseil constitutionnel l’a clairement établi, que cette contribution, qui n’ouvre aucun droit à la protection sociale, est de même nature qu’un impôt.

Or, dans un contentieux engagé par un contribuable qui résidait en France et y payait ses impôts mais qui était affilié à la sécurité sociale dans un autre État membre, la Cour de Justice de l’Union européenne (CJUE) a été amenée à conclure que la CSG sur les revenus du capital ne pouvait pas être affectée aux assurances sociales au motif que, pour faire respecter le principe communautaire de libre circulation des travailleurs, les ressortissants européens ne peuvent être soumis qu’à une seule législation sociale. La CJUE considère donc qu’au vu de son affectation actuelle, la CSG sur les revenus du capital ne peut pas être perçue sur les personnes affiliées dans un autre État membre.

Je voudrais tout d’abord rassurer les personnes concernées par ces contentieux : bien entendu, nous avons pris toutes les dispositions nécessaires afin que celles qui entrent dans le champ de cet arrêt – et elles seules – puissent, pour le passé, bénéficier d’un remboursement des prélèvements effectués à tort, en application de la décision de la Cour de Justice.

Pour l’avenir, cette décision pourrait potentiellement avoir des conséquences lourdes sur le financement de la sécurité sociale, que nous ne souhaitons pas.

En effet, l’analyse de la CJUE tend à faire de la CSG une cotisation, et non plus un impôt. Si l’on admettait ce raisonnement, il faudrait sans doute se demander s’il ne va pas falloir assujettir de nombreuses personnes qui actuellement ne l’acquittent pas, car ils ne résident pas en France – par exemple les retraités français qui résident à l’étranger.

Pour respecter la décision de la CJUE sans dénaturer la CSG et dans un souci d’équité entre l’ensemble des contribuables qui bénéficient de revenus de source française, le PLFSS prévoit d’affecter ces prélèvements au financement de prestations non contributives, dans la sphère sociale, identiques à celles financées par les autres impôts. Cette affectation se fera principalement au FSV et accessoirement à la Caisse nationale de solidarité pour l’autonomie (CNSA), pour financer la dépendance.

Enfin, certains souhaitent profiter de l’occasion pour nous obliger à revenir en arrière sur l’assujettissement aux prélèvements sociaux sur le capital applicable aux non-résidents, mis en place en août 2012. Il n’est évidemment pas question de donner suite à cette demande, non seulement au vu du coût budgétaire, mais aussi parce que ce serait recréer une injustice, une inégalité à l’égard des autres contribuables.

Enfin, et j’insiste sur ce point, rien ne nous interdit juridiquement de soumettre les non-résidents aux prélèvements sur le capital. La CJUE nous a seulement demandé de ne pas affecter à la sécurité sociale française les prélèvements sur le capital acquittés par des personnes affiliées dans d’autres pays d’Europe. Ce n’est donc pas en exonérant les non-résidents que nous pourrions nous mettre en conformité.

Je voudrais terminer cette intervention en revenant sur les mesures que nous prenons au sujet de l’organisation et du fonctionnement de la protection sociale des indépendants
– sans en refaire l’historique pour ne mettre mal à l’aise personne…

De nombreuses mesures ont été prises depuis 2012. Avec Marisol Touraine et Martine Pinville, nous avons fixé en juin dernier une nouvelle feuille de route en matière de qualité de service. L’adaptation du calendrier de recouvrement, pour que les cotisations payées correspondent à la réalité des moyens dont disposent les entreprises, la généralisation des médiateurs et, plus récemment, la ré-internalisation de l’accueil téléphonique sont des exemples parmi beaucoup d’autres de réalisations récentes.

Il y a quelques jours, les députés Sylviane Bulteau et Fabrice Verdier ont remis au Premier ministre leur rapport présentant des pistes de réforme plus structurelles.

La première consiste en une refonte du barème des cotisations minimales, afin de le simplifier et d’offrir plus de droits sociaux aux assurés, notamment en matière de retraite. Nous allons y travailler, avec le RSI, dans le sens fixé par le rapport. Certaines mesures, d’ordre réglementaire, ont d’ores et déjà été annoncées.

La seconde est une amélioration substantielle du pilotage et des priorités en termes de gouvernance des systèmes d’information. Ce point sera intégré à la prochaine négociation de la convention d’objectifs et de gestion pour la période allant de 2016 à 2019.

Enfin, un certain nombre de mesures concernent les droits des indépendants
– notamment la réduction du délai de carence pour le bénéfice des indemnités journalières.

En conclusion, vous l’avez compris, le Gouvernement poursuit, dans le domaine de la sécurité sociale, trois objectifs : le rétablissement de l’équilibre financier de notre système de sécurité sociale, qui contribue fortement au redressement des comptes publics ; le renforcement de la compétitivité de notre économie en allégeant les prélèvements sociaux sur les entreprises ; enfin, l’amélioration de la qualité de la protection sociale, qui doit être toujours plus adaptée aux besoins des assurés, notamment dans le domaine de la santé, mais aussi toujours plus efficace, souple et adaptable aux souhaits de nos concitoyens, qu’il s’agisse des salariés, des retraités ou des indépendants, dans sa gestion et son organisation. En 2016, nous poursuivrons notre mobilisation dans ces trois directions.

Nous avons célébré hier en présence du Président de la République les soixante-dix ans de la sécurité sociale. Ce n’est pas qu’un anniversaire ni une fin en soi : c’est surtout l’assurance de vivre plus longtemps et mieux. C’est cet avenir que nous voulons pour cette institution majeure, à laquelle nous sommes tous attachés.

M. Gérard Bapt, rapporteur pour les recettes et l’équilibre général. Le projet de loi de financement de la sécurité sociale que vous nous présentez est un texte responsable, qui poursuit le redressement des comptes sociaux : le déficit cumulé du régime général et du FSV sera ramené à 9,7 milliards en 2016, contre 12,8 en 2015 ; les perspectives de retour à l’équilibre, quoique repoussées du fait de la mauvaise conjoncture économique des dernières années, sont proches puisque les régimes obligatoires de base devraient être excédentaires dès 2019 ; seul le déficit persistant du FSV – 2,8 milliards d’euros – empêche le retour à l’équilibre de l’ensemble des comptes de la sécurité sociale dès cette date.

L’essentiel de l’effort portera sur les dépenses, en particulier celles de l’assurance maladie : l’ONDAM sera fixé à 1,75 %, contre une progression spontanée des dépenses de 3,6 % si nous ne faisions pas les efforts nécessaires.

Mais responsabilité ne rime pas avec austérité : le PLFSS met en œuvre la deuxième vague du Pacte de responsabilité et de solidarité, qui doit redonner des perspectives de croissance à nos entreprises, et d’emploi à nos concitoyens. Et nous prenons acte, monsieur le secrétaire d’État au budget, du point sur lequel la commission, dans son ensemble, avait beaucoup insisté il y a deux ans : la compensation euro pour euro des efforts faits en faveur des entreprises, de la compétitivité et de l’emploi.

Ce PLFSS contient plusieurs articles très longs et complexes. Nous savons, madame la ministre, monsieur le secrétaire d’État, que nous pouvons compter sur l’entière disponibilité de vos services pour éclairer la représentation nationale sur des aspects techniques particulièrement pointus. Je me bornerai donc aujourd’hui à poser quelques questions sur lesquelles certains de nos collègues pourraient s’interroger.

Premièrement, le dispositif proposé par l’article 9 vise à rationaliser les allégements de cotisations sociales dont bénéficient les entreprises des départements d’outre-mer ; vous savez que notre commission est très sensible à la situation sociale et de l’emploi dans ces départements. Disposez-vous d’une ventilation des gagnants et des perdants par catégories d’entreprises ?

Deuxièmement, l’article 10 propose la suppression de trois exonérations dites « zonées » : bassins d’emplois à redynamiser (BER), zones de revitalisation rurale (ZRR), zones de redynamisation de la défense (ZRD). Pourriez-vous nous confirmer que seront en revanche maintenus les avantages fiscaux applicables aux mêmes entreprises ?

Troisièmement, l’article 39 concerne la délégation de la gestion du risque maladie pour certains organismes. L’exposé des motifs cite, en particulier, la catégorie des étudiants et le RSI. Mais pourquoi, notamment pour les fonctionnaires, les enseignants, le personnel hospitalier, le personnel de la fonction publique territoriale, est-il nécessaire de mettre au niveau réglementaire la décision concernant les périmètres de délégation de gestion du risque maladie ? Cela a suscité un certain nombre de craintes de la part des organismes délégataires.

Je terminerai sur la généralisation de la couverture maladie complémentaire à l’ensemble des retraités de plus de soixante-cinq ans. Pouvez-vous nous confirmer que le critère de labellisation des contrats proposés par les différents organismes complémentaires, dit « critère prépondérant selon le prix », ne sera pas exclusif d’un certain nombre d’organismes, notamment mutualistes ? Il s’agit d’éviter toutes tentatives de dumping – en quelque sorte de concurrence déloyale – de la part de certains organismes complémentaires d’assurance maladie (OCAM) n’appartenant pas à la famille mutualiste.

Mme Michèle Delaunay, rapporteure pour l’assurance-maladie. Madame la présidente, madame la ministre des affaires sociales, monsieur le secrétaire d’État au budget, mes chers collègues, le PLFSS pour 2016 propose de fixer l’ONDAM à 185,2 milliards d’euros, en progression de 1,75 % par rapport à la prévision d’exécution de l’ONDAM 2015. Il s’agit d’un objectif ambitieux – vous l’avez vous-même qualifié d’« historiquement contraignant » – dans la mesure où la croissance tendancielle des dépenses est estimée à 3,6 %. Le montant des économies prévues s’élève ainsi à 3,4 milliards d’euros, soit un montant supérieur à l’objectif de 3,2 milliards prévu pour l’ONDAM 2015.

Je ne détaillerai pas les mesures d’économies envisagées, qui s’inscrivent pour la plupart dans le prolongement des efforts d’économies engagés depuis le début du quinquennat avec la maîtrise des médicaments et l’optimisation des établissements de santé avec le développement du « virage ambulatoire ».

Je me félicite tout d’abord qu’à l’occasion des soixante-dix ans de la sécurité sociale, le Gouvernement entreprenne de rendre effective la prise en charge des frais de santé pour nos concitoyens, quel que soit leur statut – salarié, étudiant, sans emploi – dès lors qu’ils résident sur notre territoire de manière stable et régulière. Il n’est pas normal de constater qu’en 2015, dans notre pays, certains de nos concitoyens perdent momentanément leurs droits à la protection maladie parce que les démarches en cas de changement de régime sont trop longues et trop complexes. Nous devrons encore simplifier.

Je me réjouis également de la réforme tant attendue de la tarification des activités de soins de suite et de réadaptation. La mise en place d’une dotation modulée à l’activité comprenant d’ici à 2020 une part fixe de 80 % et une part variable de 20 % permettra de répondre aux enjeux de la prise en charge des patients sans rupture entre le secteur médecine-chirurgie-obstétrique (MCO) et le secteur soins de suite et de réadaptation (SSR). Votre proposition est également cohérente avec l’ensemble des mesures prises à votre initiative, visant à contrecarrer les effets négatifs de la T2A : dégressivité tarifaire et financement des activités isolées en LFSS pour 2014, dotation liée à l’amélioration de la qualité des soins et financement spécifique des hôpitaux locaux en LFSS pour 2015.

L’instauration d’un contrat unique entre agences régionales de santé (ARS) et établissements de santé va également dans le sens de la simplification. Elle allégera la charge tant des ARS que des hôpitaux et permettra d’améliorer davantage la qualité des relations entre ces acteurs.

Je salue enfin la généralisation de l’expérimentation relative à la permanence des soins ambulatoires actuellement menée dans les Pays de la Loire. Je m’en félicite d’autant qu’elle fait suite à une recommandation du rapport de la mission d’information de la présidente de notre commission, Mme Lemorton, et de M. Door.

Ma première question concerne la création d’une couverture complémentaire santé à destination des plus de soixante-cinq ans. Cette mesure vise, trois ans après la loi de sécurisation de l’emploi, à généraliser l’accès des Français à une couverture complémentaire santé de qualité. Mais je m’interroge sur la prépondérance du critère « prix » dans la sélection des contrats au terme de la procédure de mise en concurrence. Donner la priorité au prix ne risque-t-il pas d’inciter les organismes complémentaires à développer une offre « low cost » pour les personnes âgées, au détriment de la qualité des prestations servies ?

Ma deuxième question concerne la maîtrise des dépenses de transport sanitaire. Dans son dernier rapport « charges et produits », la Caisse nationale d’assurance maladie des travailleurs salariés a proposé d’expérimenter une enveloppe fermée dédiée aux transports dans le cadre des contrats d’amélioration de la qualité et de l’organisation des soins. Qu’en pensez-vous ?

Dans un souci de responsabilisation du médecin, seul habilité à apprécier l’état du malade, que pensez-vous de la mise en place d’une mesure visant à subordonner la prise en charge des frais de transport à l’identification du prescripteur exerçant dans un établissement de santé ?

Ma troisième question porte sur l’expérimentation prévue par l’article 42. Le texte prévoit que seuls les enfants de trois à huit ans sont concernés. Or la prévalence du risque d’obésité concerne aussi des enfants plus âgés. Ne pourrait-on pas supprimer toute référence à une tranche d’âge pour ne garder simplement que le terme « enfant » ?

Ma quatrième question a trait à la prise en charge des consultations pluridisciplinaires dont la valorisation actuelle est peu incitative pour les experts qui y sont engagés comme pour les établissements. Êtes-vous favorable à une meilleure prise en charge de ces consultations qui génèrent, par ailleurs, des économies sur d’autres postes ?

Mme Joëlle Huillier, rapporteure pour le secteur médico-social. Le secteur médico-social est l’une des grandes priorités de ce quinquennat et l’année 2015 aura vu la poursuite de chantiers d’envergure, comme celle des plans de création de places dans les établissements pour personnes handicapées, et de la médicalisation des places dans les établissements pour personnes âgées. Dans le PLFSS pour 2015, nous avons choisi d’affecter une partie du produit de la contribution de solidarité pour l’autonomie (CASA) au soutien à l’investissement en faveur des établissements du secteur.

Par ailleurs, le projet de loi d’adaptation de la société au vieillissement attribue directement les ressources de la CASA au financement des mesures de prise en charge de la perte d’autonomie, comme la revalorisation de l’allocation personnalisée d’autonomie (APA). C’est ce qui explique le nombre modeste de dispositions spécifiquement dévolues au secteur médico-social dans ce PLFSS.

En attendant l’adoption de ces dispositions, une grande partie du produit de la CASA a abondé cette année les réserves de la CNSA. Pourriez-vous nous indiquer ce que ces réserves ont vocation à financer, en 2016 et pour les années suivantes ? Il me semblerait positif de les mobiliser pour de l’investissement, notamment dans le secteur des personnes handicapées.

S’agissant de ce PLFSS, l’article 55 porte le sous-ONDAM médico-social à 18,2 milliards d’euros – 8,9 en faveur des établissements et services pour personnes âgées, 9,3 en faveur des établissements et services pour personnes handicapées –, en hausse par rapport à 2015. Je tiens à saluer la poursuite de l’effort pour un secteur dont les besoins croissent rapidement.

Les mesures proposées portent sur la modernisation du secteur des personnes handicapées. L’article 46 organise le transfert du financement des dépenses de fonctionnement des établissements et services d’aide par le travail (ESAT) du budget de l’État vers l’ONDAM. Une compensation est prévue en 2017 : qu’en sera-t-il les années suivantes ? L’article 47 généralise les contrats pluriannuels d’objectifs et de moyens (CPOM) aux établissements et services pour personnes handicapées. Quel régime s’appliquera aux établissements non visés par cet article, et notamment les ESAT et les FAM (foyers d’accueil médicalisé) jusqu’à présent visés par l’article L. 313-12-2 du code de l’action sociale et des familles ?

Au-delà de ce projet de loi, je souhaite me faire l’écho d’interrogations et d’attentes relevées au cours des auditions que j’ai menées.

S’agissant du plan « autisme », l’encouragement au dépistage précoce accroît la demande : comment le Gouvernement envisage-t-il de répondre à ces besoins supplémentaires ? Comment se concrétiseront les annonces de la secrétaire d’État sur le renforcement de la formation initiale et continue des personnels accompagnant les enfants souffrant d’autisme ? Comment améliorer l’accompagnement des parents, toujours très démunis face à ces situations ?

Nous devons aussi nous interroger sur le fonctionnement des Maisons départementales des personnes handicapées (MDPH), qui rendent un service incomparable aux personnes handicapées et à leurs aidants, mais qui peinent à faire face à l’accroissement des demandes. Pourriez-vous nous indiquer quelles mesures de simplification le Gouvernement envisage afin d’alléger leur charge de travail ? Des crédits de la CNSA sont mobilisés pour le soutien aux systèmes d’information : y aura-t-il en 2016 une impulsion particulière en la matière, afin de sortir d’une situation dans laquelle nous ne parvenons pas à connaître les besoins au niveau national ?

Enfin, je souhaite vous faire part de notre tristesse de constater le nombre important de Français en situation de handicap accueillis dans des établissements en Belgique, faute de places en France. Cela concernerait 1 520 enfants et 4 500 adultes. L’assurance maladie alloue des centaines de millions d’euros chaque année aux établissements belges. Cette situation ne peut plus durer. Quelles initiatives compte prendre le Gouvernement en la matière ? Nous devons proposer des solutions, places en établissements ou accompagnement à domicile, et il me semble qu’une partie de ces dépenses d’investissement pourrait être abondée, sur une base pluriannuelle, par les réserves de la CNSA.

M. Michel Issindou, rapporteur pour l’assurance vieillesse. Un mot sur ce soixante-dixième anniversaire de cette formidable sécurité sociale que tout le monde s’accorde à louer : le système de protection sociale française, on le sait, est un des plus performants au monde alors que 60 % des habitants de cette planète n’ont pas de système de retraite. Malgré ses quelques imperfections, notre système a du bon ! Le sort des retraités de notre pays s’améliore même constamment, et leur niveau de vie qui progresse depuis plusieurs années, est désormais équivalent, voire légèrement supérieur, à celui des actifs. Nous avons à cœur de stabiliser cette situation.

Votre rapporteur pour l’assurance vieillesse estime que 2016 est une très belle année : après avoir frôlé l’équilibre en 2015, nous le retrouvons. Ce n’était pas gagné si l’on considère les profondeurs abyssales qu’atteignait le déficit de la branche en 2010. C’est grâce à la réforme de 2014…

M. Denis Jacquat, rapporteur pour les accidents du travail et les maladies professionnelles (AT-MP). Il y en avait eu d’autres auparavant !

M. Michel Issindou, rapporteur pour l’assurance vieillesse. C’est vrai, soyons beaux joueurs, même s’il faut saluer les recettes nouvelles générées par la réforme de 2014. Quoi qu’il en soit, cela prouve que les déficits ne sont pas inéluctables. Ils peuvent parfaitement être réduits si l’on s’attelle sérieusement à la tâche comme le Gouvernement le fait depuis 2012.

À ce jour, 91 % des décrets d’application de la réforme de 2014 sont en vigueur. Je rends hommage à notre collègue Christophe Sirugue qui a su trouver les bons ajustements pour la mise en œuvre des dispositions relatives à la pénibilité. Nous pouvons être fiers de cette belle mesure de justice dont la mise en œuvre ne semble plus poser problème. Le droit opposable à la retraite est en vigueur depuis la parution du décret du 19 août 2015 : les personnes ayant déposé un dossier complet quatre mois avant de cesser leur activité percevront leur pension dans le mois qui suit leur départ à la retraite. D’autres mesures prendront effet progressivement en faveur des jeunes, des femmes, des étudiants, des handicapés, ou des agriculteurs. Elles bénéficieront à chaque personne concernée au moment où elle liquidera sa retraite. Au 1er janvier 2017, la CNAV jouera son rôle de guichet unique permettant à chacun de disposer d’un seul interlocuteur. Le dernier employeur aura sans doute la mission de reconstituer la carrière du salarié, ce qui facilitera considérablement les démarches des polypensionnés contraints jusqu’à présent de s’adresser à toutes les caisses de retraites auxquelles ils ont cotisé.

Je me réjouis que le niveau des retraites soit maintenu, que l’on progresse en matière de simplification et que le versement des pensions se fasse plus tôt. Je m’inquiète cependant des incertitudes qui pèsent sur les négociations sur les retraites complémentaires des cadres (AGIRC) et des non-cadres (ARRCO).

Madame la ministre, la Cour des comptes constate « une aggravation préoccupante du déficit » du fonds de solidarité vieillesse qui, selon elle, ne bénéficie pas de ressources pérennes. Que comptez-vous faire à ce sujet ?

Enfin, sera-t-il possible d’avancer dans l’harmonisation des règles relatives aux pensions de réversion ?

M. Denis Jacquat, rapporteur pour les accidents du travail et les maladies professionnelles (AT-MP). Madame la ministre, monsieur le secrétaire d’État, un remerciement pour commencer à l’adresse de vos services : 91 % des questions que j’ai adressées à vos services au mois de juillet, et 100 % de celles posées en septembre ont reçu une réponse.

Cette année, le montant du versement de la branche AT-MP à la branche maladie au titre de la sous-déclaration des accidents du travail et des maladies professionnelles a été fixé à 1 milliard d’euros, soit près de dix fois le montant du versement initial de 137 millions d’euros en 1997.

Lors des auditions, nombre des personnes entendues ont insisté sur la nécessité de rendre plus objectifs et plus transparents les critères utilisés pour déterminer le montant de ce versement, surévalué selon certains, tout en regrettant qu’il ne soit pas en partie utilisé au sein de la branche AT-MP pour développer des actions de prévention. Quelles sont les données précises, objectives et chiffrées qui vous ont conduit à fixer son montant à 1 milliard d’euros ?

Lors des débats en nouvelle lecture de la loi du 17 août 2015 relative au dialogue social et à l’emploi, notre excellent collègue Michel Issindou a défendu des amendements destinés à réformer la médecine du travail, dans le prolongement des propositions formulées en mai dernier dans le rapport du groupe de travail « Aptitude et médecine du travail » auquel il appartenait. Ces amendements ont été déclarés irrecevables pour des motifs ayant trait aux règles de la procédure législative, et plus précisément à celle dite « de l’entonnoir ». M. François Rebsamen, alors ministère du travail, de l’emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social, avait toutefois indiqué que le Gouvernement aurait soutenu ces amendements s’ils étaient venus en discussion. À quel horizon et par quel véhicule législatif le Gouvernement entend-il donner des suites aux réformes préconisées par ce groupe de travail, notamment celle relative au suivi de l’état de santé des salariés ?

Le projet de loi portant application des mesures relatives à la justice du XXIsiècle, déposé sur le bureau du Sénat le 31 juillet dernier, comprend des mesures législatives pour regrouper les contentieux aujourd’hui traités par les tribunaux des affaires de sécurité sociale (TASS) et ceux concernant l’incapacité – traités par les tribunaux du contentieux de l’incapacité (TCI) – auprès des pôles sociaux des tribunaux de grande instance (TGI). Le Gouvernement peut-il dès aujourd’hui garantir que cette réforme ne remettra en cause ni le caractère écheviné et paritaire des juridictions amenées à connaître des litiges aujourd’hui tranchés par les TASS et les TCI ni le principe de gratuité du recours au tribunal en ces matières ?

Enfin, madame la ministre, je constate que, pour la première fois vous venez nous présenter un PLFSS sans vos secrétaires d’État, l’une d’entre elles se trouve d’ailleurs aujourd’hui même dans ma circonscription…

Mme la ministre. Ceci explique donc parfaitement cela ! (Sourires.)

Mme Marie-Françoise Clergeau, rapporteure pour la branche famille. L’année 2015 se caractérise par la mise en œuvre de réformes importantes pour la branche famille. Je pense en particulier à la modulation du montant des allocations familiales, dont les auditions que j’ai conduites indiquent qu’elle entre en vigueur sans difficulté. Les déplacements sur le terrain – je pense notamment à ma visite de la caisse d’allocations familiales (CAF) de Saint-Quentin dans l’Aisne – ont montré que nous étions effectivement parvenus à protéger les populations fragiles ainsi que les classes moyennes. Il faut s’en féliciter. Madame la ministre, quels sont les effets budgétaires de cette réforme attendus en 2016 ?

L’année 2015 est également marquée par des changements de périmètres pour la branche famille, qui résultent en particulier de la mise en place du pacte de responsabilité. Le Gouvernement honore strictement son engagement de compenser les mesures d’allégement de cotisations patronales : c’est ainsi que l’État a pris en charge le financement de l’aide personnelle au logement destinée aux familles. Pour 2016, l’article 21 du projet de loi de finances prévoit la prise en charge de l’allocation de logement familial par l’État. Pourriez-vous détailler l’ensemble des mesures de compensation des allégements de charges prévues pour 2016 ?

Plus généralement, je salue un PLFSS qui maintient l’effort de la nation pour la politique familiale. À périmètre constant, les crédits de la branche famille sont stables. Mis à part l’objectif de dépenses, plusieurs articles concernent directement les dépenses de la branche famille.

L’article 31 généralise le dispositif de garantie des impayés de pensions alimentaire. Il met en place le principe d’une allocation de soutien familial différentielle. Il s’agit d’une avancée majeure que nous serons unanimes à saluer. Elle sera un précieux secours pour les plus fragiles, notamment pour les femmes.

L’article 32 prévoit le transfert aux caisses d’allocations familiales de la gestion des prestations familiales versées aux fonctionnaires en poste dans les DOM. Il s’agit d’une mesure de simplification bienvenue dix ans après le transfert opéré vers les CAF pour les fonctionnaires en poste en métropole.

L’article 33 fait suite à un engagement précis du Président de la République qui permet d’étendre enfin à la collectivité de Saint-Pierre-et-Miquelon l’allocation de soutien familial et le complément de mode de garde. Il s’agit là encore d’une disposition dont nous nous réjouirons tous.

Le décalage de la date de versement de la prime de naissance semble entraîner un certain nombre de demandes d’avance. Les CAF y répondent, mais au cas par cas. Des dispositions sont-elles envisagées afin de proposer une solution unifiée ?

Concernant les modes de garde des jeunes enfants, quelles réponses pouvons-nous apporter à la situation des nombreuses assistantes maternelles qui peinent à trouver des enfants à garder ? Que pensez-vous du développement très dynamique des micro-crèches ? Considérez-vous qu’il faille renforcer les schémas départementaux des services aux familles ?

Une mission IGAS-IGF doit rendre ses conclusions relatives au fonctionnement du réseau des CAF afin d’analyser en particulier ses capacités à tenir les objectifs de la convention d’objectifs et de gestion (COG) en matière de ressources humaines. Il me semble que la pente de réduction des effectifs doit être « reprofilée » à court terme afin de permettre au réseau d’absorber les pics d’activité attendus en début d’année prochaine. Quel est le sentiment du Gouvernement sur cette question ? Pouvez-vous faire le point sur les mesures de simplification envisagées en la matière ? Elles seraient de nature à faciliter, à terme, la mise en œuvre de la COG.

Mme la présidente Catherine Lemorton. Nous en venons aux orateurs des groupes.

M. Christophe Sirugue. Madame la ministre, comme vous le disiez en substance lors des questions au Gouvernement, il y a quelques instants : défendre la sécurité sociale, c’est assurer son avenir. Cet avenir sera d’autant plus ouvert que les déficits seront maîtrisés.

Un engagement avait été pris en ce sens ; c’est aujourd’hui une réalité. Le déficit du régime général a été réduit de 40 % en trois ans. Cette évolution, qui vaut pour l’ensemble des branches, montre qu’il est possible d’agir sans dérembourser et sans mettre en place des franchises supplémentaires. Il s’agit d’une réponse forte à ceux qui ne cessent de dénoncer le gouffre du déficit de la sécurité sociale, faussement engagés à le réduire pour, de fait, mieux remettre en cause notre modèle social.

L’avenir de ce dernier passe par une adaptation permanente aux besoins de nos concitoyens. Le groupe Socialiste, républicain et citoyen se réjouit des mesures nouvelles et des avancées qui viennent d’être présentées sur l’extension et la généralisation de l’accès à une couverture complémentaire de santé, sur le renforcement de l’accès des mineurs à la contraception, sur la prévention de l’obésité chez l’enfant, sur l’augmentation des moyens médico-sociaux ou sur la généralisation d’une garantie contre les impayés de pension alimentaire. Nous nous réjouissons également de la poursuite du deuxième acte du pacte de responsabilité et de solidarité avec des engagements forts.

Si ces éléments sont encourageants, il n’en demeure pas moins que la progression de l’ONDAM fixée à 1,75 % constitue un choix d’exigence qui soulève des interrogations, notamment pour le secteur hospitalier dont chacun connaît les difficultés et les tensions. Dans de telles conditions, madame la ministre, quels éléments peuvent nous assurer que nous n’accroîtrons pas les tensions qui existent déjà dans de nombreux établissements ?

Le regroupement des revalorisations des prestations de sécurité sociale aux mois d’avril et d’octobre peut aussi nous inquiéter. Monsieur le secrétaire d’État, au-delà de votre engagement fort pour respecter le plan de lutte contre la pauvreté, pouvez-vous compléter ce que vous nous avez déjà dit sur cette évolution ? Quels impératifs amènent à faire de tels choix ? Il faut répéter ici combien on aurait tort d’y voir une remise en cause de l’accompagnement des plus précaires.

En matière de couverture complémentaire santé, la coexistence de contrats collectifs pour ceux qui disposent d’un emploi, et de contrats individuels pour les retraités et les personnes précaires pose aussi un problème. Le passage d’un régime à l’autre constitue un enjeu important. Cela étayant, madame la ministre, des inquiétudes se font jour sur les conditions de sélection des intervenants : mise en concurrence ou appel d’offres. Ces deux procédures ne sont pas équivalentes, et la charge que représentent ces complémentaires pour les mutuelles, les institutions de prévoyance ou les assurances n’est pas identique. Les craintes de notre rapporteure pour l’assurance maladie, Mme Michèle Delaunay, d’une éventuelle prépondérance du critère du coût pour la sélection des contrats sont partagées. Pouvez-vous nous rassurer à ce sujet ?

Certes, il y a encore beaucoup de chemins à faire, mais il y a dans ce PLFSS de réelles avancées : nous tenons à la dire, et à vous soutenir dans votre démarche.

M. Jean-Pierre Door. Avec 472,8 milliards d’euros de recettes et 478,3 milliards de dépenses, les masses financières du PLFSS pour 2016 restent beaucoup plus importantes que celles du budget de l’État. Le déficit prévisionnel de 5,6 milliards monte à 9,3 milliards si l’on tient compte du déficit du FSV.

Cette année encore, la Cour des comptes nous rappelle les menaces qui pèsent sur notre système social. Le retour à l’équilibre est pourtant renvoyé à 2020 : nous sommes bien loin des promesses du Gouvernement ! Vous reportez sur vos successeurs la charge d’équilibrer les comptes et de faire les réformes structurelles nécessaires tant sur le plan du financement que de l’organisation.

Nous ne contestons ni la poursuite de la bonne prise en charge des assurés par la sécurité sociale ni la modestie du reste à charge dans notre pays, l’un des plus faibles d’Europe. Nous ne contestons pas non plus la bonne maîtrise médicalisée avec un ONDAM respecté qui confirme que les professionnels, en particulier les médecins de ville, prennent bien leurs responsabilités.

Nous estimons cependant que ce PLFSS, très peu ambitieux, est un PLFSS de renoncement, alors même que c’est le dernier de votre législature. La Cour des comptes souligne que l’équilibre des comptes ne pourra être atteint que par des efforts plus ambitieux et par des efforts structurels : ils ne viennent pas. Je rappelle que la commission des comptes de la sécurité sociale constate que l’amélioration de la situation de la branche vieillesse s’explique par le relèvement de l’âge légal du départ à la retraite voté dans la loi dite Fillon du 9 novembre 2010. Quant à affirmer que le déficit de la branche maladie se réduit, c’est aller assez vite en besogne car, s’il s’élève à 7,2 milliards d’euros en 2015, puis à moins de 7 milliards en 2016, il était de 5,9 milliards en 2012, et de 6,4 milliards en 2014 !

La moitié des 4,3 milliards d’euros d’économies que vous souhaitez réaliser proviennent du médicament. Vous mettez en danger l’industrie pharmaceutique française et vous voulez même taxer la croissance négative du chiffre d’affaires : du jamais vu ! Taxer une croissance négative, il fallait le faire, surtout après avoir déjà pris 1,4 milliard d’euros au secteur dans le PLFSS pour 2015 !

J’espère me tromper mais il me semble que vous souhaitez supprimer les exonérations sociales applicables aux zones de revitalisation rurale (ZRR). Si c’est bien le cas, cela posera un véritable problème pour les territoires ruraux.

Comme Gérard Bapt, je relève que l’article 39 ne comporte pas moins de seize pages : lecture indigeste pour le parlementaire que je suis !

Confirmez-vous l’absence d’effets négatifs de la suppression de la prise en charge par la CNAM des cotisations d’assurance maladie des médecins du secteur 1 ? Si ces médecins sont restés dans le secteur à honoraires fixes, c’est précisément en raison de cet avantage.

Des organisations syndicales et la mutualité s’inquiètent du nouveau dispositif d’accès à la complémentaire santé pour les personnes de plus de soixante-cinq ans, qui repose sur des appels d’offres. Nous sommes très loin de ce que nous appelions clause de désignation lors de nos débats sur l’accord national interprofessionnel (ANI). Que leur répondez-vous ?

Le transfert à la CADES d’une partie de la dette de l’ACOSS correspond seulement à ce qui a été financé sous la précédente majorité. J’imagine que ce qui reste des 30 milliards d’euros non financés sera une sorte de cadeau que vous laisserez à vos successeurs, ce qui augure d’un mouvement à venir sur la CRDS ou la CSG. Vous cachez sous le tapis les mauvaises nouvelles que devra annoncer le prochain gouvernement. Ce PLFSS ressemble parfois à une sorte d’exercice d’acrobatie budgétaire.

M. Francis Vercamer. Madame la ministre, monsieur le secrétaire d’État, je veux saluer le difficile exercice auquel vous venez de vous livrer devant nous. Nous avons assisté à une représentation très particulière…

Nous avons d’abord eu droit à un numéro de jonglage avec les chiffres, destiné à cacher deux décalages : l’un, entre les ambitions affichées et la réalité budgétaire, l’autre, plus inquiétant, entre les défis de la protection sociale et les réponses que vous y apportez.

Est venu ensuite un numéro de funambule autour de la sincérité budgétaire émaillé de tours de passe-passe entre les crédits, les gels budgétaires, et même les années budgétaires. Dans l’esprit de la discussion budgétaire et de la LOLF, il faudrait aujourd’hui davantage de transparence afin que les parlementaires assurent un meilleur contrôle du PLFSS.

Nous avons aussi assisté à numéro d’illusionniste sur la réduction des déficits pour tenter de faire oublier la promesse d’un retour à l’équilibre en 2017 – perspective repoussée à l’horizon 2020 ou 2021. Il faut bien avouer, madame la ministre, que, comme magicienne, vous êtes assez forte : pour 2017, vous sortez de votre chapeau les soins de suite sur lesquels aucune étude d’impact n’a été menée. Vous laissez évidemment vos successeurs subir les conséquences budgétaires de cette décision.

Mais vous êtes également contorsionniste, madame la ministre : vous prenez de façon originale le virage de l’ambulatoire en y consacrant seulement 500 millions d’euros, loin des préconisations de la Cour des comptes.

Je salue aussi votre numéro de voltige. (Sourires.) Il est vrai que l’équilibre était difficile à trouver car, en France, la croissance est atone en raison de la politique désastreuse menée par le Gouvernement. Sans croissance ni emplois, l’assiette des cotisations se rétrécit. La Cour des comptes a rappelé que la réduction du déficit était due à la hausse des prélèvements et non à vos choix. J’ai apprécié votre rétablissement à l’issue du saut périlleux relatif au retour à l’équilibre de la branche vieillesse… Je rappelle qu’il s’explique notamment par des mesures prises par l’ancienne majorité, comme la loi sur les retraites de 2010.

Malheureusement, vos numéros de dompteur concernent toujours les mêmes : le médicament, ses fabricants et ses prescripteurs qui sont une nouvelle fois malmenés par ce PLFSS. Pourtant les déserts médicaux sont aujourd’hui rattrapés par les déserts pharmaceutiques et, dans notre pays, une pharmacie ferme tous les deux jours, principalement en milieu rural. Ces déserts médicaux et pharmaceutiques, et l’absence de mesures en faveur de la permanence des soins font progresser les services de premier recours de l’hôpital de 6 % par an. Parce qu’ils sont beaucoup plus onéreux que les soins de ville, cette progression aggrave les déficits.

En ce soixante-dixième anniversaire de la sécurité sociale, votre spectacle n’a pas masqué l’absence de cap, l’absence de choix, l’absence de courage pour traiter les défis de notre protection sociale.

Mme la présidente Catherine Lemorton. Il manquait que le numéro de comique, monsieur Vercamer… Vous l’avez joué, merci, le cirque est complet ! (Sourires.)

M. Jean-Louis Roumegas. Dans un contexte de contraintes budgétaires et de crise sanitaire liée à l’explosion des maladies chroniques, la pérennité de notre modèle social constitue bien l’enjeu de ce PLFSS.

Le groupe Écologiste a soutenu la politique de réduction des déficits et de maîtrise des dépenses dans la mesure où elle était menée dans un souci de justice et où elle préservait les droits des plus fragiles. Mais la donne a changé depuis la mise en œuvre du pacte de responsabilité : le Gouvernement s’est engagé dans un politique de relance exonérant les entreprises de cotisations sociales à hauteur de 6,3 milliards d’euros sans aucune contrepartie ni condition. Nous avons contesté ces choix : selon nous, ils ne sont ni justes ni efficaces. Les enquêtes d’opinion montrent d’ailleurs que la majorité des Français partage notre avis. Ces mesures n’ont surtout à ce jour produit aucun résultat. Cette politique d’exonération se poursuit cette année. L’impact de la baisse de la contribution sociale de solidarité des sociétés (C3S) sera de 1 milliard d’euros pour la sécurité sociale, montant que l’État s’engage à compenser en ponctionnant sans aucun doute des budgets utiles aux politiques sociales de solidarité.

Les maladies chroniques grèvent durablement et de manière de plus en plus massive les comptes de l’assurance maladie. Il faut prendre en compte ces réalités sanitaires et les prévenir, y compris sur le plan comptable. Si nous n’en faisons rien, toutes les mesures prises pour faire des économies ne parviendront pas à compenser les surcoûts dus à la prise en charge de l’épidémie de maladies chroniques.

Nous devons tenir compte de l’impact des questions de santé environnementale. Je pense par exemple aux conséquences des choix de mode de transport. Le coût de la pollution de l’air a été évalué à 90 milliards d’euros par an. L’Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail (ANSES) estime que le coût social de la pollution de l’air intérieur s’élève à 19 milliards d’euros. Pour la seule sécurité sociale, le coût des maladies causées par la pollution atmosphérique a été chiffré à 3 milliards d’euros. Ces réalités appellent des mesures concrètes qui exigent des moyens, y compris dans le budget de la sécurité sociale. Il est dommage que les choix budgétaires globaux du Gouvernement, au-delà de ce PLFSS, empêchent ces investissements qui seraient pourtant la seule solution pour résoudre la crise sanitaire, c’est-à-dire, in fine, pour réduire le déficit de l’assurance maladie.

Nous saluons certaines des mesures de ce PLFSS comme celles qui visent à lutter contre l’abus de médicaments, à promouvoir les génériques, à développer l’ambulatoire, à éviter la redondance des examens médicaux et des diagnostics, ou à favoriser l’autonomie des personnes handicapées. Sur le principe, nous réagissons positivement à la perspective d’une protection universelle annoncée par le Président de la République. Un débat est néanmoins nécessaire sur les moyens de mettre en œuvre une telle réforme. Nous prenons acte de votre volonté de faciliter l’accès à la contraception et de favoriser l’autonomie des femmes, notamment des mineures. La pérennisation du versement mensuel, par la CAF, de 100 euros aux mères isolées constitue à nos yeux une mesure de solidarité positive. Nous nous interrogeons sur les modalités du transfert du financement des aides personnalisées au logement (APL) vers le budget de l’État.

Malgré nos appréciations positives, nous abordons la discussion avec l’esprit pragmatique qui doit nous animer alors que nous commémorons la naissance d’un modèle qui doit certes évoluer mais dont nous devons préserver les acquis, le principal d’entre eux étant d’assurer une protection pour tous.

Mme la présidente Catherine Lemorton. La protection pour tous, c’est peu ou prou le sens de l’article 39… Je le résume, puisque M. Door a des difficultés pour le lire !

Mme Jacqueline Fraysse. Le PLF pour 2016 ne nous réserve malheureusement aucune surprise : la démarche comptable qui préside désormais à son élaboration est une nouvelle fois à l’œuvre. On peut sans doute se féliciter de la diminution du déficit mais l’on ne peut prétendre qu’elle a lieu sans un recul des droits. La réforme des retraites et celles des allocations familiales en sont autant d’exemples. (Protestations sur les bancs du groupe Socialiste, républicain et citoyen.) C’est pourtant une évidence ! J’entends dire que Mme la ministre serait une magicienne ; je regrette que cela ne soit pas le cas. Elle ne peut tout simplement pas faire de miracles !

Tout cela est d’autant plus regrettable que le déficit pourrait être assez aisément comblé en luttant résolument contre la fraude, et en mettant en place des recettes nouvelles que ce PLFSS ne propose absolument pas. Au contraire, les mesures prises dans le cadre du crédit d’impôt pour la compétitivité et l’emploi (CICE) et dans celui du pacte de responsabilité s’appliquent à élargir encore le champ des exonérations de cotisations sociales patronales, ce qui ne crée pas d’emplois et diminue les moyens dont dispose la collectivité, qu’il s’agisse du budget de l’État ou de la protection sociale.

La diminution du déficit et le retour à l’équilibre sont des objectifs légitimes, mais ils ne peuvent être atteints par les moyens que vous proposez à moins de réduire l’accès aux soins et les droits. Finalement, ce déficit est devenu un argument formidable pour justifier les restrictions imposées dans ce PLFSS. Non seulement ce texte ne propose aucune recette nouvelle, mais il prévoit 3,5 milliards d’euros d’économies sur l’assurance maladie et il fixe la progression de l’ONDAM à 1,75 %, seuil historiquement bas. Ce dernier choix aggravera encore les difficultés que rencontrent nos concitoyens pour accéder aux soins ainsi que les problèmes de l’hôpital public, aujourd’hui à la limite de la rupture.

Quelques mesures positives peuvent toutefois être relevées, comme l’accès à l’assurance complémentaire santé pour les salariés en CDD court, la généralisation du dispositif de garantie contre les impayés de pension alimentaire, la prévention de l’obésité, la gratuité de consultation de prescription de contraceptif pour les jeunes filles, le soutien de l’accès à la complémentaire pour les retraités fragiles. Mais ces dispositions demeurent véritablement à la marge d’un texte dont ressortent avant tout les 10 milliards d’euros d’économies prévues en trois ans, dont 3,4 milliards en 2016.

Ainsi, plutôt que de raisonner en cherchant à répondre aux besoins de santé, vous commencez par poser des restrictions budgétaires, pour examiner ensuite quelle offre de santé peut être proposée avec ces moyens aussi réduits. Cette véritable spirale de régression ne permet pas d’aller de l’avant pour faire face aux grands défis de notre temps comme les besoins nouveaux liés au vieillissement ou au développement des soins palliatifs.

Le PLFSS pour 2015 prévoyait de récupérer 76 millions d’euros sur le montant des fraudes aux cotisations sociales. Où en sommes-nous ? Combien envisagez-vous de récupérer en 2016 ?

Mme la présidente Catherine Lemorton. Madame la ministre, monsieur le secrétaire d’État, un certain nombre de députés souhaitent maintenant vous interroger.

Mme Martine Carrillon-Couvreur. L’article 46 transfère le financement des dépenses de fonctionnement des établissements et services d’aide par le travail (ESAT) de l’État à la sécurité sociale et permet une meilleure adaptation des ressources au sein des établissements en fonction des parcours de vie des personnes. Nous nous en félicitons ; cette mesure était attendue.

L’article 47 modifie le financement des services et établissements sociaux et médico-sociaux (ESMS), qui passe en dotation globale. La contractualisation entre les agences régionales de santé (ARS) et les ESMS par le biais des contrats pluriannuels d’objectifs et de moyens (CPOM) est une bonne mesure, nécessaire pour favoriser les parcours des personnes en situation de handicap. Elle s’inscrit dans le droit fil des préconisations du rapport intitulé Zéro sans solution, remis en juin 2014 par M. Denis Piveteau, ainsi que de celles d’autres travaux antérieurs. Elle constitue une étape préalable à la réforme de la tarification engagée par le Gouvernement depuis le mois de janvier 2015, sous la houlette de Mme Marie-Sophie Desaulle. Est-il possible d’aller plus loin dans l’assouplissement de ces modes de financement ? Une étape supplémentaire serait nécessaire afin d’assurer la fongibilité d’une partie des enveloppes médico-sociales consacrées aux personnes âgées et aux personnes handicapées. Elle permettrait de répondre, par exemple, aux besoins des personnes handicapées vieillissantes. Madame la ministre, pouvez-vous nous indiquer dans quelle mesure une telle disposition pourrait compléter celles proposées dans le PLFSS ?

M. Gilles Lurton. Madame la ministre, le PLFSS traduit budgétairement les choix politiques de votre gouvernement en matière sociale. Pas plus tard que lundi après-midi, dans l’hémicycle, en réponse à une demande exprimée sur tous les bancs de l’Assemblée lors de la discussion de la proposition de loi créant de nouveaux droits pour les personnes malades en fin de vie, vous avez pris des engagements très précis sur le développement des soins palliatifs qui doivent faire l’objet d’un plan national triennal. Pourtant je ne trouve nulle part, ni dans ce PLFSS ni dans la mission « Santé » du projet de loi de finances, la traduction financière de ces engagements, alors que, depuis trois ans, tous les projets dans ce secteur ont été suspendus au profit d’un débat mené, dans vos rangs, sur l’euthanasie active, débat que nous avons tranché cette semaine. Le compte n’y est pas !

Entre les premiers trimestres de 2014 et de 2015, le nombre de naissances est passé de 191 800 à 183 100. Près de 10 000 bébés en moins ce n’est pas forcément significatif en soi, mais cela aura pour conséquence une perte de 28 milliards d’euros de PIB dans les décennies à venir. Il est difficile de corréler cette baisse de la natalité avec les nombreux coups de rabots infligés à la politique familiale depuis 2012 mais, si nous voulons maintenir le taux de fécondité élevé qui était le nôtre depuis de nombreuses années, il nous appartient de nous interroger.

La possibilité pour les caisses d’allocations familiales et la mutualité sociale agricole (MSA) de verser les pensions alimentaires dues aux parents isolés qui ne parviendraient pas à l’obtenir de leur ex-conjoint constitue à mon sens une mesure juste. Trop de femmes, et d’hommes parfois, sont victimes de ces situations.

L’article 18 prévoit l’affiliation obligatoire à la sécurité sociale de marins résidant en France et travaillant à bord de navires immatriculés à l’étranger. Je suis heureux de voir se concrétiser la réponse qui m’avait été apportée à ce sujet, au mois de février, lors d’une séance de questions orales sans débat.

Mme Sylviane Bulteau. Monsieur le secrétaire d’État, vous avez évoqué le rapport sur le fonctionnement du régime social des indépendants (RSI) dans sa relation avec les usagers, que M. Fabrice Verdier et moi-même avons remis le 21 septembre dernier au Premier ministre. L’origine de la catastrophe industrielle du RSI remonte au décret créant ce régime, signé en 2006 par MM. Dominique de Villepin, Xavier Bertrand, Thierry Breton, Renaud Dutreil, Jean-François Copé et Philippe Bas.

Notre rapport comprend plusieurs propositions visant à une simplification, à l’enrichissement des prestations, à l’amélioration de la relation avec les usagers, ou à l’évolution des systèmes d’information. Nous surveillerons leur mise en œuvre. Je me réjouis que vous ayez déjà validé certaines de nos préconisations et que vous ayez annoncé une étude du système informatique du RSI qui pose de réels problèmes.

Madame la ministre, j’appelle votre attention sur la nécessité d’instaurer un temps partiel thérapeutique pour les travailleurs indépendants comme cela existe déjà pour les salariés. Cette disposition constituerait une véritable mesure de justice sociale.

Mme Isabelle Le Callennec. Madame la ministre, monsieur le secrétaire d’État, quelles mesures prenez-vous dans ce PLFSS pour résister efficacement aux évolutions d’une démographie médicale aujourd’hui totalement défavorable aux zones rurales ?

Quel dispositif de ce texte serait à même de soutenir la médecine au travail, aujourd’hui en souffrance ?

Quels financements propose le PLFSS pour doter les maisons médicales de garde, dont la situation est très inégale d’une région à l’autre, des moyens nécessaires à leur contribution à la permanence des soins ?

Quel montant est dévolu dans ce texte aux soins palliatifs dont vous nous avez confirmé lundi, en séance publique, qu’ils feraient l’objet d’un plan national triennal ?

Quelles dotations du PLFSS permettent d’abonder les services de soins de suite et de réadaptation censés épauler les établissements de santé pénalisés par la tarification à l’activité ? Je pense aux ex-hôpitaux locaux, mais aussi aux hôpitaux de villes moyennes.

Quel est l’impact financier de la fusion de la prime pour l’emploi et du RSA activité, pour le PLFSS et pour les bénéficiaires en termes de pouvoir d’achat ?

M. Gérard Sebaoun. Madame la ministre, comme vous, je veux me féliciter de la baisse du reste à charge. Même si elle est modeste, elle marque un fléchissement salvateur de l’évolution que nous avons connue ces dernières années.

L’article 23 aborde la question de la contribution des organismes complémentaires d’assurance maladie (OCAM), qui a permis de financer à hauteur de 150 millions d’euros par an de nouveaux modes de rémunération des médecins dans le cadre de l’avenant 8 de la convention médicale, et d’encadrer les dépassements d’honoraires. Les OCAM sont appelés à contribuer en 2016 jusqu’au terme de la convention médicale. J’imagine qu’ils ont donné leur accord ; Mme la ministre nous dira s’ils l’ont fait avec enthousiasme.

Afin de lutter contre l’obésité dès l’enfance, l’article 42 permet des expérimentations de prise en charge dans des centres et des maisons de santé qui bénéficient d’une rémunération forfaitaire. Comment intégrera-t-elle la diversité des statuts des intervenants : médecins, psychologues, diététiciens… ?

La présentation d’un taux de croissance du sous-objectif « soins de ville » corrigé pour atteindre +2 % s’apparente, de l’avis de certains syndicats médicaux, à un tour de passe-passe et à un pur effet d’affichage. Elle s’appuie, pour un montant de 270 millions d’euros, sur une réduction de la cotisation d’assurance maladie des professionnels de santé prise en charge par l’assurance maladie dans le cadre conventionnel, afin d’aligner leur taux de cotisation sur celui des autres travailleurs indépendants – cette mesure étant évidemment neutre pour les professionnels. Monsieur le secrétaire d’État, estimez-vous que cette niche sociale ancienne qui bénéficie aux médecins de secteur 1 est encore justifiée ? Que répondez-vous à ceux qui parlent d’un tour de magie, pour filer la métaphore utilisée par M. Vercamer ?

M. Bernard Perrut. Madame la ministre, vous avez évoqué « les quatre axes structurants » qui permettent de maîtriser les dépenses de l’assurance maladie. Nous partageons vos objectifs en matière de lutte contre les actes inutiles et redondants, de développement des médicaments génériques, d’efficience des dépenses hospitalières, et de virage ambulatoire.

Pour favoriser l’efficience de la dépense hospitalière, la mutualisation des ressources et les économies d’échelle à l’hôpital sont essentielles. Les futurs groupements hospitaliers de territoire contribueront à cette dynamique. Comment et quand seront-ils mis en place ? Où en sont les ARS dans leur relation avec les hôpitaux ? Combien d’entre elles se sont-elles déjà engagées dans l’application d’une loi qui n’est pas encore votée ?

Le virage ambulatoire doit permettre aux patients de rester moins longtemps à l’hôpital. L’objectif d’une intervention chirurgicale sur deux effectuée en ambulatoire sans hospitalisation de nuit sera-t-il atteint en 2016 ? Dans quelles conditions ?

Disposez-vous réellement des moyens de développer le programme d’accompagnement au retour à domicile (PRADO) pour organiser une coordination entre la ville et l’hôpital en appui du médecin traitant ? Quelle politique incitative menez-vous pour encourager le développement de la réhabilitation améliorée après chirurgie, qui garantit la sécurité et la qualité des soins ?

Vous attendez 160 millions d’euros d’économies du développement de la chirurgie ambulatoire. Disposez-vous d’un modèle d’organisation optimale intégrant les évolutions techniques chirurgicales et anesthésiques et ajustant les tarifs en conséquence ? Comment ce modèle d’organisation est-il défini ?

Pour conclure, je rappelle que l’UNAPEI, qui fédère des associations françaises de représentation et de défense des intérêts des personnes handicapées mentales et de leurs familles, vient de recenser 47 428 personnes handicapées auxquelles aucune solution n’est aujourd’hui offerte en termes d’accueil dans notre pays. Les 8 310 places qui doivent encore être créées dans le cadre du plan initié en 2008, selon les chiffres de CNSA, seront en conséquence insuffisantes pour répondre aux besoins. Madame la ministre, lancerez-vous un nouveau plan ? Aurez-vous les moyens réels qui permettront d’accueillir toutes les personnes handicapées, enfants et adultes, dans de meilleures conditions ?

Mme Annie Le Houerou. L’article 10 supprime un dispositif bénéficiant aux zones de revitalisation rurale (ZRR) qu’utilisent en particulier les organismes d’intérêt général (OIG) dont les exonérations de cotisations sociales ont progressivement été recentrées et réduites. Pour les entreprises, l’abrogation de l’article L. 131-4-3 du code de la sécurité sociale s’accompagne de la mise en place d’un dispositif d’extinction progressive, qui n’a pas été prévu pour les OIG.

Ces dispositions me semblent contradictoires avec l’exposé des motifs de l’article selon lequel : « L’exonération applicable aux organismes d’intérêt général installés en ZRR n’est pas modifiée par le présent article. » Le dossier de presse évoque « la rationalisation des dispositifs d’exonération zonée au bénéfice des allégements généraux de cotisation » que sont les exonérations de droit commun comme le CICE, mais ces dernières dispositions ne concernent que les entreprises et pas les organismes d’intérêt général. Tout cela mérite une clarification. Le dispositif d’exonération est-il maintenu pour les OIG ?

Si ce n’était pas le cas, les conséquences seraient catastrophiques pour certains organismes déjà fragilisés, par exemple, par les décisions relatives au financement des établissements de santé mentale, et il faudrait trouver un mécanisme de compensation. Ces organismes ne peuvent être écartés des réductions de charges. Dans ma circonscription, l’impact financier pour l’association hospitalière de Bretagne, pour ne prendre que cet exemple, serait considérable. Les répercussions sur l’emploi seraient inéluctables dans une zone dont la situation économique est déjà très fragilisée par les crises agricole et agroalimentaire, et dans laquelle le besoin de services rendus par les établissements médico-sociaux est très fort.

Le traitement différencié et incitatif des ZRR me paraît justifié, tant pour les entreprises que pour les OIG.

M. Jean-Pierre Barbier. Madame la ministre, monsieur le secrétaire d’État, vous demandez au secteur du médicament de faire 1,7 milliard d’euros d’économies et d’accomplir 50 % de l’ensemble des efforts demandés alors qu’il ne représente que 15 % des dépenses d’assurance maladie.

Madame la ministre, vous venez de prononcer dans l’hémicycle, lors des questions au Gouvernement, un vibrant plaidoyer en faveur de l’innovation en santé et notamment de l’innovation thérapeutique. Comment comptez-vous la promouvoir alors que vous taxez la croissance négative de laboratoires qui finissent par fuir notre pays ? Comment comptez-vous la promouvoir alors que la recherche et le développement sont en berne et que le financement des produits innovants n’est pas plus assuré cette année que l’année dernière ? Parmi les trente-deux molécules innovantes produites dernièrement, seules huit sont issues de la recherche de laboratoires français.

Vous ne connaissez qu’un mode unique de financement de l’innovation : la baisse du prix du médicament. Or ces prix se trouvent aujourd’hui dans la moyenne basse des prix européens, ce qui a deux conséquences : des ruptures de stocks d’abord, parce que les laboratoires préfèrent vendre à nos partenaires européens, une désertification pharmaceutique ensuite. Nul doute que, d’ici à quelques années, nous serons amenés à subventionner l’installation de pharmaciens auxquels nous donnerons des primes pour qu’ils ne délivrent surtout pas de médicaments – les médicaments ne servent à rien, c’est bien connu !

Le plus inquiétant reste la situation significative de la CADES. J’ai le sentiment que l’on vide les caisses avant de partir. Dans ces conditions, comment financerez-vous, l’année prochaine, l’augmentation du découvert de l’ACOSS ? Peut-être laisserez-vous la tâche à vos successeurs d’augmenter la CRDS ou la CSG puisque ces deux contributions financent la CADES avec le fonds de réserve pour les retraites ?

Mme la présidente Catherine Lemorton. Monsieur Barbier, les successeurs que vous évoquez pourraient être les mêmes que ceux qui sont aux manettes aujourd’hui. On ne sait jamais !

M. Jean-Pierre Barbier. Ne parlez pas de malheur ! (Sourires.)

Mme Françoise Dumas. L’accueil des jeunes enfants âgés de zéro à trois ans est un pilier de la politique familiale, dont il fait la force et la vitalité. Son développement est en effet essentiel pour faciliter la conciliation de la vie professionnelle, dans laquelle j’inclus la recherche d’un emploi, et la vie familiale, pour faciliter l’éveil et la socialisation des enfants mais aussi la réduction des inégalités. Je sais que vous faites beaucoup pour soutenir des solutions innovantes adaptées aux territoires et aux besoins des parents, et vous allez intensifier les efforts en ce sens. J’ai notamment retenu le développement des places de crèche à vocation d’insertion professionnelle qui permettent le plus souvent aux mères élevant seules leurs enfants d’accéder à un emploi. Depuis 2010, les assistantes ou assistants maternelles ont la possibilité de se regrouper en maison pour exercer leur profession en dehors de leur domicile. Ces maisons d’assistants maternels peuvent en accueillir de deux à quatre, chacun étant agréé pour l’accueil de quatre enfants au maximum. Pouvez-vous nous confirmer que ces lieux forts intéressants qui allient accueil individuel et un exercice collectif de cette activité seront soutenus et nous préciser selon quelles modalités ?

M. Denis Jacquat, rapporteur pour les accidents du travail et maladies professionnelles (AT-MP). Je ne crois pas que l’on puisse accuser tel ou tel élu d’être responsable des dysfonctionnements du RSI. Pour avoir examiné cela ici même, nous savons qu’il y a eu, premièrement, un problème de gouvernance extrêmement important et, deuxièmement, un problème d’informatique plus qu’important. Et je rappellerai que la création du RSI répondait à une demande.

Ma deuxième remarque concerne la CNAV. J’ai noté avec satisfaction, madame la ministre, que vous prévoyiez le retour à l’équilibre des comptes. Il est évident que cela est principalement dû au texte législatif qui a repoussé l’âge de départ à la retraite, mais je me souviens de la vigueur avec laquelle vous le dénonciez. Est-ce à croire que vous vous en repentez ? Je voudrais le savoir.

Ma troisième remarque concerne la question des veuves. Même si nous n’en avons pas encore parlé, c’est un sujet extrêmement important. Dans cette salle même, nous, membres de cette commission des affaires sociales, nous avons toujours été contre la suppression de la demi-part dont elles bénéficiaient. En revanche, la commission des finances a toujours été majoritairement pour sa suppression. Malheureusement, nous ne l’avons jamais emporté. L’an dernier, dans cette salle même, certains nous ont annoncé qu’elle serait rétablie, mais cela n’a pas été le cas.

Hier, les veuves manifestaient devant l’Assemblée, avec la Fédération des associations de conjoints survivants et parents d’orphelins (FAVEC), pour que nous rétablissions cette demi-part. Dans l’ensemble, ces personnes ne sont pas riches, et elles ont besoin d’être considérées. Surtout, n’oublions pas, lorsque nous les désignons comme des « personnes isolées », qu’il faut les distinguer d’autres « personnes isolées » : on peut se retrouver seul à la suite d’un divorce, mais dans ce cas, il y a encore un papa et une maman, et des ressources financières ailleurs. Or dans le cas d’un veuvage, au drame moral incommensurable peut venir s’ajouter un drame financier, surtout si la veuve est jeune. Il est de notre devoir de nous pencher de nouveau sur cette question.

M. Jean-Louis Touraine. Je me limiterai à quelques réflexions sur le tabac. Tout d’abord, je félicite Mme la ministre pour sa détermination et la remercie pour les différentes actions menées pour limiter les drames provoqués, chaque jour, par le fléau du tabagisme. Ce n’est bien sûr que par une conjonction de mesures, dont plusieurs sont déjà prises, que nous pourrons aboutir aux résultats espérés.

Avec Mme Delaunay, je voudrais proposer deux mesures supplémentaires.

Premièrement, le bénéfice du forfait de prise en charge des substituts nicotiniques pour aider au sevrage pourrait être étendu, notamment, aux personnes de moins cinquante ans ayant subi un accident vasculaire cérébral précoce ou un infarctus du myocarde. Nous savons en effet qu’en cas d’arrêt du tabagisme, les pathologies citées ne récidivent pas.

Deuxièmement, que pensez-vous, madame Touraine, monsieur Eckert, de la mesure que le Président de la République a présentée comme la plus efficace dans la lutte contre le tabagisme lors de son discours de présentation du plan cancer III en février 2014 ? C’est, bien sûr, l’augmentation forte du prix des cigarettes et du tabac à rouler. Sans elle, on ne peut espérer une quelconque efficacité des autres mesures. Cette augmentation peut survenir moins souvent, mais elle doit à chaque fois être très significative. La hauteur de la marche conditionne effectivement l’effet dissuasif. Ainsi pourrait-on plus efficacement et plus rapidement espérer limiter l’effroyable coût humain et le très important coût économique du tabac dans notre pays.

M. Fernand Siré. C’est bien de faire des projets pour la Sécurité sociale, pour la prise en charge des soins par la branche maladie, mais il y a quand même un gros malaise. On nous dit qu’il y a assez de médecins, mais allez sur le terrain : les jeunes diplômés ne veulent plus s’installer ! Et de l’autre côté, les médecins les plus âgés en ont marre et veulent se dépêcher de partir en retraite… Il serait temps d’y réfléchir et de se poser la question dans le cadre d’un dialogue social : pourquoi cette situation ? On peut faire tout ce qu’on veut avec de l’argent, mais faire de la médecine sans médecins, ce n’est pas possible.

Il en est de même pour les auxiliaires médicaux, souvent indispensables pour permettre le retour et le maintien à domicile. Toutes les agences de services pour le maintien à domicile, notamment les aides ménagères, sont en déficit.

Je reviens aux médecins. C’est déplorable : alors que nous connaissons une telle pénurie, on ne compte plus les fils de famille qui, voulant faire médecine, sont obligés, à cause d’un numerus clausus trop bas, de partir en Roumanie, en Espagne et en Belgique. Puisque certains ne veulent pas s’installer, formons donc plus de médecins, formons ceux qui ont la vocation et qui, eux, s’installeront, plutôt que de chercher à sélectionner des gens sur leurs aptitudes en mathématique, comme s’ils passaient Polytechnique ! Pour être médecin, il faut d’abord être humain, faire acte d’humanité. Il est dommage de se priver de tous ces gens qui essaient de se former à l’étranger, ces jeunes dont les familles consacrent des efforts considérables pour financer leur formation.

Réfléchissez donc. La médecine ne peut pas se faire sans les médecins et sans les organisations de santé, les professions paramédicales, ainsi que les pharmaciens. Vous êtes en train de détruire tout cela ! Vous nous présentez votre projet de budget de la Sécurité sociale, mais vous détruisez les médecins. Il faut dix ans pour former un médecin ! Tout cela est très dommage pour la France et pour l’avenir.

Mme la présidente Catherine Lemorton. Vous avez parlé des fils de famille, mais n’oubliez pas les filles de famille, monsieur Siré. Elles sont de plus en plus nombreuses à faire médecine !

Mme Monique Orphé. Permettez-moi tout d’abord de saluer un certain nombre de mesures qui vont dans le bon sens.

Tout d’abord, deux mesures vont améliorer les conditions de vie des familles, notamment les plus touchées par la précarité. Je veux tout d’abord parler de la généralisation de la garantie contre les impayés des pensions alimentaires, qui va améliorer le pouvoir d’achat de ces familles. Il faut s’en féliciter car, lorsqu’on s’attaque à la pauvreté des familles, on s’attaque aussi à celle des enfants, dont je rappelle qu’un sur cinq vit sous le seuil de pauvreté – à la Réunion, la proportion est de six sur dix. Je veux saluer également l’extension de l’allocation de soutien familial et du complément de libre choix de mode de garde à Saint-Pierre-et-Miquelon, collectivité ultramarine. Cette extension va dans le bon sens, dans le sens, en tout cas, de plus d’égalité entre les territoires français.

Deux autres mesures vont améliorer l’accès au droit et, en ce qui concerne mon département, contribuer à une meilleure prise en compte de deux problèmes de santé publique. La première, qui s’appliquera de fait et contribuera à la prévention des grossesses précoces, c’est la prise en charge des consultations faites en vue de la prescription d’un contraceptif ainsi que des examens de biologie pour les jeunes filles. Cette mesure ne peut qu’être accueillie favorablement dans mon département, où le nombre de grossesses précoces est très supérieur à la moyenne nationale. La deuxième, qui s’appliquera à titre expérimental, vise à lutter contre l’obésité infantile. Madame la ministre, La Réunion est le premier département touché par le diabète, avec un taux de prévalence de 8 %, contre 3 % en France métropolitaine. Les causes sont identifiées : le surpoids et l’obésité. Une étude menée conjointement par l’ARS et l’éducation nationale montre que les enfants âgés de cinq à quinze ans sont les plus touchés : à La Réunion, 27 % des enfants souffrent de surpoids ou d’obésité, contre 15 % dans l’Hexagone. Par conséquent, il est urgent de s’attaquer au problème. Ma demande est donc la suivante : La Réunion peut-elle faire partie des territoires d’expérimentation afin de prévenir ce fléau qu’est le diabète ?

Mme Bernadette Laclais. Comme beaucoup de mes collègues l’ont dit, ce PLFSS pour l’année 2016 présente de nombreux points positifs et permet de nombreuses avancées. Nous l’examinons au mois d’octobre, ce mois d’octobre rose, comme vous l’avez souligné en évoquant une mesure qu’il faut saluer, qui concerne les femmes présentant une prédisposition au cancer du sein.

Permettez-moi néanmoins d’insister sur la question des restes à charge pour les femmes. Les chiffres que révèle une étude de la Ligue contre le cancer parue au début de l’année 2015 doivent nous interroger : 228 euros de reste à charge en moyenne, pour les prothèses dites externes, 539 euros en moyenne pour la chirurgie postopératoire, 89 % de femmes qui ont eu un reste à charge – neuf femmes sur dix ! –, pour certaines d’entre elles toute leur vie. Compte tenu de l’espérance de survie qui, fort heureusement, s’allonge chaque année, on imagine les sommes que cela peut représenter pour certains publics très précaires !

La baisse du nombre de reconstructions doit aussi nous inciter à la réflexion. Elles étaient 5 % à y renoncer en 2007 pour des raisons financières, elles sont trois fois plus en 2014 ! Les chiffres peuvent être vérifiés auprès de nos caisses primaires d’assurance maladie. Je voudrais donc savoir, en ce mois d’octobre rose, s’il ne serait pas possible, comme le préconisait le rapport Grünfeld pour encourager la signature de conventions entre les établissements et certains chirurgiens plasticiens en vue d’arrêter des tarifs raisonnables et de fixer un prix limite de vente correspondant aux montants remboursés par l’assurance maladie – pour certaines prothèses, ils n’ont pas évolué depuis 1981, c’est-à-dire depuis plus de trente-trois ans.

Mme la présidente Catherine Lemorton. Les questions étaient diverses, variées, nombreuses. Peut-être ne pourrez-vous répondre à toutes les questions aujourd’hui, madame la ministre ; je vous en excuse par avance, sachant que vous en aurez encore l’occasion dans l’hémicycle, où elles ne manqueront pas d’être réitérées.

Mme Marisol Touraine, ministre des affaires sociales, de la santé et des droits des femmes. Je suis à la disposition de la commission, et je m’efforcerai, mesdames et messieurs les députés, de répondre à toutes vos questions. J’essaierai cependant d’être synthétique et laisserai peut-être certains points pour le débat en séance.

Tout d’abord, je ne suis pas magicienne, et pas davantage une adepte de la multiplication des pains ni de la repentance. Il y a quand même un certain nombre de contre-vérités qu’il est difficile d’entendre ! Je veux bien que l’on m’explique que, PLFSS après PLFSS, nous ne faisons pas assez bien, mais il faudra expliquer aux Français comment un déficit inférieur à 10 milliards d’euros 2016 est pire, « beaucoup plus pire » comme disent les enfants, qu’un déficit de plus de 21 milliards d’euros, comme celui que nous avons trouvé en arrivant aux responsabilités. Et la loi de 2010 est tellement magnifique qu’elle serait responsable de toutes les avancées ! Je ne nie pas qu’elle a eu un impact, ce n’est absolument pas la question, mais il faut que vous choisissiez votre terrain de jeu, mesdames et messieurs les députés du groupe Les Républicains : ou nous ne réduisons pas suffisamment le déficit, et les chiffres que nous donnons sont « pipeau », ou ces chiffres sont uniquement dus à la loi de 2010 ! Il faudra que vous choisissiez votre angle d’attaque : ce ne peut pas être les deux à la fois.

Nous rétablissons les comptes de la branche vieillesse grâce à un ensemble de mesures. La loi de 2010 a apporté des financements, et nous ne le contestons pas. Ce que nous critiquons, c’est la manière dont elle les apporte. Nous sommes cohérents avec la ligne que nous avons adoptée l’opposition, qui reste la nôtre dans la majorité, qui était la mienne dans l’opposition et qui reste la mienne, aujourd’hui, au Gouvernement. L’objectif de faire travailler les Français ou la majorité d’entre eux n’est pas en cause, puisque nous avons allongé la durée de cotisation ; ce qui est en cause, c’est la manière de le faire. Et la durée de cotisation est, quoi qu’en dise M. Jacquat, un critère plus juste que le report de l’âge légal. Quand vous commencez à travailler à vingt-deux ans et qu’on vous dit qu’il faut travailler quarante-trois ans, vous arrivez à soixante-cinq ans ; mais, avec votre système, celui qui commence à travailler à vingt ans ira jusqu’à soixante-cinq ans : au total, il aura travaillé quarante-cinq ans, contre quarante ans pour celui qui n’aura commencé qu’à vingt-cinq ans, et dans des métiers en général moins pénibles… C’est donc une question de justice.

Et je me permets de vous rappeler que notre loi, qui, selon vous, n’aurait rien apporté, a quand même procuré 5 milliards d’euros de recettes supplémentaires au fonds vieillesse. À ce propos, comment peut-on dire que nous aurions « vidé les caisses » ? M. Barbier n’est plus là, mais c’est ce qu’il a prétendu. C’est quand même un peu fort de café ! Oui, c’est de la prestidigitation version Les Républicains, ça.

Dois-je rappeler ce qui est arrivé au fonds de réserve pour les retraites lorsque vous étiez au pouvoir ? Et la réforme de 2010, comment a-t-elle fonctionné ? Vingt-neuf milliards d’euros piqués, oui, piqués, à ce moment-là ! Le fonds de réserve pour les retraites était un excellent dispositif, et la réforme des retraites de 2010 a consisté à dériver les ressources de ce fonds de réserve des retraites et à dilapider au cours des années qui ont suivi une partie de l’argent accumulé.

M. Denis Jacquat. Les années qui ont suivi, cela ne fait que deux ans, madame la ministre…

Mme Marisol Touraine, ministre des affaires sociales, de la santé et des droits des femmes. Nous, nous ne faisons pas cela, et le montant des actifs du fonds de réserve pour les retraites s’élève aujourd’hui à 35 milliards d’euros.

Je ne peux pas laisser dire que nous avons vidé les caisses. En ce qui concerne le fonds de réserve pour les retraites, les faits sont extrêmement limpides, mais s’il faut y aller bilan contre bilan, nous irons bilan contre bilan. Et je ne doute pas que nos successeurs seront convaincus de la pertinence de notre politique – à plus forte raison s’ils viennent de nos propres rangs, comme l’a souligné la présidente de la commission !

Je tiens donc à remettre un certain nombre de pendules à l’heure. Que vous disiez que cela ne va pas assez vite et que vous auriez souhaité que nous effacions en l’espace de quelques semaines la dette que vous aviez accumulée au cours de vos années de gouvernement, je peux le comprendre, mais de là à expliquer que nous ne rétablissons pas les comptes, franchement ! Puis-je vous rappeler que votre bilan à vous, c’est le creusement du déficit et l’augmentation des franchises médicales pour les Français ! Vous aurez du mal à expliquer que ce modèle-là est plus tentant, plus porteur d’avenir et plus digne de confiance que la réduction du déficit et l’amélioration du reste à charge pour nos concitoyens !

Vous le voyez : je ne suis pas fatiguée. Après l’examen de la loi de santé au Sénat et l’examen en deuxième lecture de la proposition de loi fin de vie ici, je suis en forme au moment d’aborder ce PLFSS !

M. Denis Jacquat. Il y a de nombreux médecins dans la salle, qui pourront vous secourir en cas de problème !

Mme Marisol Touraine, ministre des affaires sociales, de la santé et des droits des femmes. Si les médecins sont prêts à me soigner, c’est formidable… Cela prouve qu’on progresse ! (Sourires.)

Je vous parlerai donc, sans transition, des soins palliatifs. Oui, monsieur Lurton, les soins palliatifs figurent dans ce qu’on appelle la construction du projet de loi de financement de la Sécurité sociale pour 2016. Je présenterai prochainement le plan triennal dans le détail, mais je peux d’ores et déjà vous indiquer que l’effort supplémentaire représentera, en 2016, 40 millions d’euros d’engagement de l’État, qui permettront de soutenir le développement des équipes mobiles de soins palliatifs pour intervenir en proximité. Au moins trente équipes seront financées au titre des ressources 2016. Nous avons également la volonté, dans le cadre de ce budget 2016, de développer le recours à une compétence infirmière, de développer la présence infirmière dans les EHPAD et de consacrer des ressources à de l’accompagnement à domicile pour éviter les hospitalisations de personnes en fin de vie. Enfin, bien sûr, pour réduire les inégalités territoriales, nous ferons en sorte de développer l’offre spécialisée en soins palliatifs prioritairement dans les territoires qui présentent des manques en la matière. Quant à la formation et à la recherche, elles ne relèvent pas directement du budget du PLFSS mais des actions en ce sens sont prévues. Je voudrais lever toute ambiguïté à cet égard : ce sujet, dont nous avons débattu il y a deux jours, est suffisamment grave pour que nous puissions nous rassembler.

Mme Huillier et Mme Carrillon-Couvreur m’ont interpellée sur le médico-social. Je n’y répondrai pas dans le détail, mais il est un point sur lequel je veux insister : il n’y a aucune raison – je dis bien : aucune – d’éprouver quelque inquiétude à propos des maisons départementales des personnes handicapées ou des maisons départementales de l’autonomie, selon la terminologie adoptée par les départements. Notre volonté est de faciliter leur travail, de simplifier les procédures, mais je veux rassurer ceux qui ont besoin d’être rassurés : notre projet n’emporte aucune remise en cause de ces structures institutionnelles.

Je vous confirme, madame Huillier, que la CASA sera intégralement affectée à la CNSA et viendra en particulier soutenir des priorités du secteur médico-social, comme l’investissement dans les établissements pour personnes handicapées. En ce qui concerne le transfert de financement des dépenses de fonctionnement des ESAT du budget de l’État vers l’ONDAM, mesure soutenue par l’ensemble du Gouvernement avec enthousiasme, l’objectif est de permettre aux différents types d’établissements gérés par un même organisme gestionnaire de bénéficier d’un seul financeur. Cette mesure entrera en vigueur en 2017 via un transfert de crédits – c’est donc une mesure financièrement neutre et la compensation est pérenne. La généralisation des contrats pluriannuels d’objectifs et de moyens permet que le financement des établissements et services passe en dotation globale annuelle, ce qui répond à une attente.

Autre question sensible, celle du soutien au système d’information : je vous confirme simplement que des travaux sont bien engagés. Ce système, dont la réalisation est prévue par la loi d’adaptation de la société au vieillissement, défendue par Laurence Rossignol, doit nous permettre une meilleure connaissance des publics et des orientations proposées. En 2016, le projet entrera dans sa phase de réalisation. Le déploiement de cet outil prendra du temps, mais le processus est engagé.

Je veux répondre sur la question douloureuse et sensible de l’accueil de personnes en situation de handicap dans des établissements en Belgique, qui concerne environ 1 500 enfants et 4 500 adultes handicapés, originaires de nombreux départements français, même si, à l’évidence, pour des raisons que chacun comprendra, le phénomène touche plus particulièrement les régions frontalières et l’Île-de-France. Avec Ségolène Neuville, nous avons pris l’engagement d’apporter des réponses en priorité, en proximité, en France afin de faire cesser ce mouvement. Notre volonté est de faire en sorte qu’il n’y ait aucun départ contraint. Des personnes peuvent souhaiter, pour des raisons diverses, aller en Belgique – ce choix leur appartient –, mais, en lien avec les associations de personnes handicapées et les gestionnaires, nous sommes en train de travailler à la mise en place d’un dispositif permanent d’orientation. Un amendement du Gouvernement au projet de loi de modernisation de notre système de santé lors de l’examen de ce texte au Sénat, prévoit, pour les MDPH précisément, d’offrir la possibilité aux personnes concernées ou leur famille de co-construire un plan d’accompagnement global avec les établissements, les services et les financeurs, et nous envisageons d’y consacrer une enveloppe financière spécifiquement dédiée.

Pour ce qui est de la branche vieillesse, je vous remercie, monsieur Issindou, d’avoir rappelé la mesure importante annoncée avant l’été, confirmée à la fin de l’été, et qui a fait l’objet d’un décret au début du mois de septembre : la mise en place d’un dispositif d’opposabilité pour le versement des retraites. Ainsi va l’actualité, une nouvelle en chasse une autre, mais c’est une avancée majeure. Désormais, toute personne qui part à la retraite et qui, comme c’est aujourd’hui prévu, a déposé son dossier complet quatre mois avant la date à laquelle elle souhaite arrêter de travailler est certaine de percevoir sa pension dès le premier mois de cessation d’activité. Et si, pour telles ou telles raisons, la caisse n’a pas pu traiter son dossier, elle versera une estimation du montant de la retraite, dont le montant sera calculé grâce à de nouveaux logiciels.

Le déficit du FSV est évidemment largement lié à la situation de l’emploi. Le FSV verse aujourd’hui plus de 10 milliards d’euros par an pour valider les trimestres pour la retraite des chômeurs, ce qui représente un gros effort de solidarité. Son redressement est sans doute trop lent, mais c’est directement lié au taux de chômage. Le Gouvernement veille à apporter de nouvelles recettes pérennes au FSV, à travers la CSG notamment.

Pour ce qui est des pensions de réversion, je reconnais votre constance et votre cohérence en la matière, et je comprends bien votre démarche. Les conditions d’âge et de ressources, ainsi que celles liées à la situation maritale de la personne veuve, peuvent notablement différer d’un régime à l’autre, si bien que le système est peu lisible. La réponse que je vais vous faire ne va sans doute pas vous satisfaire mais, à partir du moment où nous procédons à une remise à plat complète, il y aura – il faut l’assumer – des perdants et des gagnants. Dans un moment que nous pourrons qualifier de difficile, ce n’est pas toujours évident, parce que la pension de réversion joue encore un rôle important pour beaucoup de femmes. Nous parlons, en l’occurrence, de générations qui pour certaines dépendent encore beaucoup de la pension de réversion. Nous devons donc avancer avec prudence sur ce chemin, et je sais que vous y êtes tout à fait sensible.

Plusieurs questions ont porté sur la complémentaire santé pour les retraités et sur les cotisations des médecins.

Il n’y a aucun changement pour les médecins. Avouez qu’il était un peu paradoxal que l’assurance maladie supporte des coûts plus élevés pour les professionnels de santé que pour d’autres professions libérales – car c’est elle qui vient payer ou compenser aux médecins les cotisations que certains d’entre eux versent à la Sécurité sociale. Mais, pour le médecin lui-même, l’opération est neutre : dans la mesure où nous réduisons les cotisations prises en charge par l’assurance maladie, non les prestations, il n’y a aucun changement pour les cotisations qui ne sont pas prises en charge. Pour les médecins dont les cotisations ne sont pas prises en charge, par exemple en raison de dépassements d’honoraires, parce que tel était l’enjeu, il n’y a aucun changement. Deux cas de figure se présentent donc : si les cotisations sociales sont prises en charge par l’assurance maladie, il n’y a aucun changement pour le médecin ; simplement, la compensation par la sécurité sociale suit exactement l’évolution de ce qui est en théorie prélevé au médecin – je dis bien « en théorie », puisque, dans la pratique, c’est compensé. Et puis, pour les cotisations qui ne sont pas prises en charge, il n’y a aucun changement. Il n’y a donc pas matière à inquiétude, mais je suis prête à expliquer et à réexpliquer cela, comme nous l’avons déjà largement fait auprès des professionnels. Cela ne change rigoureusement rien pour eux.

Pour ce qui est de la complémentaire santé. Je veux quand même le rappeler : s’il y a une baisse du reste à charge pour les Français, la part prise en charge par l’assurance maladie a augmenté par rapport à la part prise en charge par les complémentaires santé. On m’a accusée de vouloir livrer le système de santé aux assureurs privés – c’est ce que j’ai entendu notamment pour justifier le refus du tiers payant généralisé. Mais les faits sont têtus et que les chiffres sont là : depuis 2012, la part des complémentaires a diminué. Cela veut donc dire qu’elles ont des marges de manœuvre. Je ne prétends pas qu’elles soient flamboyantes – elles varient d’ailleurs beaucoup selon les organismes – mais il est difficile de soutenir que leurs marges se sont réduites.

Quelle est la logique de la complémentaire santé pour les retraités ? C’est de proposer un appel d’offres ouvert. Nous ne postulons pas qu’un nombre donné de contrats sera retenu, contrairement à ce que nous avons fait pour l’aide à la complémentaire santé. Toute une série de critères seront posés, qui permettront aux contrats ainsi identifiés d’être labellisés et de bénéficier d’une baisse de fiscalité. Il sera donc plus facile de souscrire ou bien un contrat de complémentaire santé ou bien un contrat de meilleure qualité. Ce faisant, nous poursuivons deux objectifs différents : premièrement, permettre à des gens qui n’ont pas de couverture complémentaire d’en acquérir une – il faut savoir que le nombre de personnes sans couverture complémentaire augmente avec l’âge : 4 % des personnes âgées de plus de 65 ans et 6 % des personnes âgées de plus de quatre-vingts ans sont dans ce cas, alors que c’est précisément à ces âges que l’on a le plus besoin d’une couverture santé. Deuxièmement, faire en sorte que la qualité des prestations réponde mieux aux attentes des personnes retraitées, autrement dit que le rapport qualité/coût ou prestation/coût soit amélioré.

Certains ont exprimé une préoccupation : le critère de labellisation ne doit pas être exclusivement financier. Le texte retient le qualificatif de « prépondérant », mais nous pouvons en discuter, je l’ai dit. L’enjeu n’est pas que la sélection se fasse exclusivement ou même principalement sur des enjeux de prix, même si personne ne peut concevoir que des gens qui n’adhèrent pas, pour des raisons financières, à une complémentaire santé soient totalement indifférents au prix. Cela étant, le prix ne peut pas être le seul critère. Si le terme « prépondérant » doit être modifié, nous le modifierons, je le confirme à Mme Delaunay, M. Bapt et M. Sirugue.

En ce qui concerne l’obésité, pourquoi avoir retenu, pour l’expérimentation que nous lançons, la tranche d’âge de trois à huit ans ? Parce que c’est à cet âge, nous le savons, que s’installe l’obésité. Cette tranche d’âge doit donc être l’objet d’efforts particuliers, mais je vous rappelle, madame Delaunay, qu’il s’agit d’une une expérimentation. Nous verrons bien ce qu’elle donnera ; je suis moi-même très ouverte. La construction du financement est aussi un sujet de l’expérimentation. C’est pourquoi je ne puis pas vous faire une réponse complète à ce stade.

En quoi consiste cette expérimentation ? Un médecin repère un risque, adresse l’enfant à tel et tel professionnel, et, à ce moment-là, les prestations seront prises en charge à 100 %. On peut même imaginer que soient prises en charge des prestations qui, aujourd’hui, ne font pas nécessairement l’objet d’une cotation. Il s’agira d’apprécier et de définir ce qu’est le protocole personnalisé de prise en charge. C’est à cela que nous devons travailler. Et, puisqu’il est prévu, madame Orphé, que l’expérimentation se déroule dans des régions, je ne vois que des avantages à ce qu’elle puisse également prendre place dans un département particulièrement touché, comme La Réunion.

Les délégations de gestion des mutuelles ne sont aucunement remises en cause. Je l’ai dit devant la Commission des comptes de la Sécurité sociale, je le redis devant vous : l’article 39 du PLFSS n’a aucunement pour objet de remettre en cause de manière unilatérale les délégations de gestion. Il s’agit de permettre de mettre fin à la délégation d’un gestionnaire qui serait défaillant, ce qui peut arriver, et non pas de mettre fin aux dispositifs de délégation dans leur ensemble. Pour lever toute ambiguïté, j’indique que je ne suis pas opposée à ce que le texte puisse être précisé si besoin est lors du débat parlementaire.

Monsieur Touraine, je suis extrêmement attentive à ce que dit le Président de la République en général, et sur ce qu’il a dit en particulier dans le cadre du plan cancer III. Vous pensez donc bien que le plan national de réduction du tabagisme que j’ai présenté a fait l’objet d’un examen très attentif de sa part, ce qui l’a amené à valider la proposition de paquet neutre et quelques autres. Je suis certaine que nous aurons l’occasion de débattre à nouveau de tout cela dans l’hémicycle.

M. Jacquat aurait le sentiment d’être marginalisé, ostracisé, si je ne lui répondais pas, alors qu’il est un rapporteur fidèle et attentif de la branche AT-MP. Vous vous interrogez, monsieur le député, sur la raison pour laquelle nous avons fixé à 1 milliard d’euros le montant du versement de la branche AT-MP à la branche maladie au titre de la sous-déclaration. Vous le savez, ce versement fait l’objet d’un réexamen régulier tous les trois ans, afin d’actualiser les dépenses effectivement supportées par la branche maladie au titre de la sous-déclaration : un rapport a été remis l’an dernier. L’augmentation en question tient à trois principaux facteurs : l’augmentation globale de l’effectif des asthmatiques, sur la base d’études plus approfondies, avec un quintuplement du nombre de cas identifiés ; l’augmentation des cas identifiés de cancer, qui résulte d’une détection plus précoce des maladies et de l’allongement de l’espérance de survie ; les affections du rachis lombaire enfin, dont le nombre a, cette fois, pu être évalué, ce qui n’avait pas été possible jusque-là.

Quant à la réforme de la médecine du travail, à laquelle M. Issindou avait travaillé, elle trouve une première traduction législative dans l’article 26 de la loi du 17 août 2015 relative au dialogue social et à l’emploi. La médecine du travail n’entre pas dans le champ du PLFSS, puisqu’elle ne relève pas du ministère de la santé.

Quant à la politique familiale, nous aurons l’occasion de revenir sur l’ensemble des questions qui ont été posées.

J’ai déjà été assez longue, sans être exhaustive, ce dont je m’excuse.

M. Christian Eckert, secrétaire d’État chargé du budget. Comme vous l’avez rappelé tout à l’heure, le Gouvernement est toujours solidaire, même sur les questions compliquées.

M. Bapt nous a interpellés sur les allégements de cotisations sociales dont bénéficient les entreprises dans les outre-mer. Nous aurons, à l’évidence, cette discussion pendant l’examen en séance, mais je vous donne néanmoins quelques indications. En ce qui concerne les plus petites entreprises, celles de moins de onze salariés, le niveau d’alignement restera identique pour les plus bas salaires, qui représentent l’essentiel des enjeux en termes d’emploi. En ce qui concerne les secteurs exposés à la concurrence, qui bénéficient déjà d’une exonération renforcée, l’article en question permettra un gain d’exonération – il s’agit des secteurs de la recherche, de l’innovation, du tourisme, des technologies de l’information, de l’agroalimentaire et des énergies renouvelables. Cependant, comme je l’indiquais tout à l’heure, des dispositifs dits de droit commun deviennent parfois plus favorables que les exonérations spécifiques. Il s’agit donc de remettre un peu d’ordre dans tout cela, pour le dire d’une manière un peu familière. Je vous indique néanmoins que certaines des exonérations concernent des salaires de plus de 6 500 euros, ce qui me semble, en termes d’effets sur l’emploi, relativement contestable. Nous aurons l’occasion d’y revenir.

Pour ce qui est des exonérations dites « zonées » – ZRR, BER, ZRD –, je l’ai dit dans mon propos liminaire : seuls les dispositifs sociaux sont concernés. Les dispositifs fiscaux sont maintenus.

Plusieurs d’entre vous ont fait allusion à la question du niveau de compensation et des méthodes de compensation. J’irai un peu plus loin que dans mon propos liminaire. Les aides au logement familiales représentent 4,7 milliards d’euros ; ces dépenses sont transférées au budget de l’État. De même, les mesures de protection des majeurs vulnérables, qui représentent 400 millions d’euros, sont également transférées à l’État. Le solde est constitué par des reversements de TVA. Nous aurons l’occasion d’y revenir en détail si vous le souhaitez. Cette compensation concerne aussi quelques mesures qui ont été prises dans la loi dite Macron, puisque certaines des mesures prises dans ce cadre entraînaient des pertes de recettes fiscales pour la Sécurité sociale.

Je ne veux pas trop revenir sur les polémiques. Qui a fait la dette ? Qui va la laisser aux autres ? À moins que vous n’insistiez, monsieur Jacquat…

M. Denis Jacquat. Non, non ! Nous avons perdu les élections, c’est bon !

M. Christian Eckert, secrétaire d’État chargé du budget. Ce débat ne me gêne pas. M. Barbier est parti, j’aurais quand même voulu lui rappeler le montant du déficit de l’ACOSS en 2010 : 60 milliards d’euros ! Aujourd’hui, il n’est plus que de 30 milliards. Alors, je ne sais pas qui en laissera le plus… Je peux continuer sur la question, j’en ai quelques pages. En voulez-vous encore, monsieur Jacquat ?

M. Denis Jacquat. Non, merci, cela suffira !

M. Christian Eckert, secrétaire d’État chargé du budget. M. Sebaoun m’a interpellé assez directement sur cette affaire de la réduction de la cotisation d’assurance maladie des professionnels de santé prise en charge par l’assurance maladie en me demandant ce que j’en pensais. Pour commencer, il est bon de le rappeler, parce que je ne sais pas si beaucoup le savaient, en tout cas en dehors de ces murs : une partie des cotisations des médecins sont prises en charge par l’assurance maladie. Répétez-le autour de vous…

Est-ce que cette mesure aura un effet ? Soyons clairs. En ce qui concerne les médecins, Marisol Touraine a été claire, je n’y reviens pas. Pour la sphère publique, à l’évidence, cela facilitera un peu la réalisation de l’ONDAM, puisque nous allons, d’une certaine manière, supprimer des dépenses. Nous pouvons nous le dire entre nous, mais nous n’irons pas forcément le répéter bien fort ailleurs : voilà une mesure qui pourra faciliter un ONDAM dont chacun ici, même le secrétaire d’État au budget, reconnaît le caractère ambitieux.

En ce qui concerne la lutte contre la fraude, madame Fraysse, nous avons, en 2014, recouvré 850 millions d’euros correspondant à des cotisations non versées et à des prestations indûment perçues. Cela représente une progression de 30 % par rapport à 2013, et à l’intérieur de cette enveloppe, la lutte contre le travail illégal est en très nette augmentation, puisque nous avons recouvré 420 millions d’euros en 2014, soit environ la moitié des 850 que j’évoquais à l’instant.

Sur les revalorisations, j’ai bien entendu, monsieur Sirugue, vos questions, même si mon propos liminaire y répondait par anticipation. Il n’y a bien sûr aucune remise en cause du plan pauvreté. Vous l’avez souhaité, vous l’avez eu et maintenant vous pouvez vous en réjouir. Effectivement, l’harmonisation des dates n’est pas toujours défavorable, par exemple concernant l’AAH, dont la date de revalorisation est avancée. D’autres revalorisations sont repoussées, mais cela nous donnera quand même un peu plus de fiabilité et de lisibilité qu’auparavant.

Une question a été posée sur la suppression du dispositif applicable aux zones de revitalisation rurale. Je tiens à vous rassurer : les exonérations dont bénéficient les organismes d’intérêt général ne sont pas concernées. Cela ne vaut que pour les autres exonérations sociales. Nous aurons l’occasion, si vous le souhaitez, de préciser cela lors du débat budgétaire. Nous pourrons ainsi rassurer tout le monde.

Mme la ministre des affaires sociales, de la santé et des droits des femmes a été à peu près exhaustive, même si elle avait dit qu’elle ne le serait pas. À cette heure tardive, je m’en tiendrai donc là, et nous nous retrouverons dans l’hémicycle.

Mme Marisol Touraine, ministre des affaires sociales, de la santé et des droits des femmes. J’ai oublié de répondre à Mme Bulteau sur l’instauration d’un temps partiel thérapeutique pour les travailleurs indépendants. Je lui indique d’ores et déjà que le Gouvernement donnera un avis favorable à l’amendement qu’elle a prévu de déposer et fera en sorte qu’il franchisse l’obstacle de l’article 40 de la Constitution. Suis-je assez claire ?

Mme la présidente Catherine Lemorton. Tout à fait, madame la ministre.

J’ai deux remarques à faire. Nous ne nous sommes pas du tout arrêtés sur l’article 40 du PLFSS, qui me paraît quand même très important. Il porte sur la prise en charge des victimes d’un acte de terrorisme pendant les dix années qui suivent l’acte qui les a touchés. Elles auront deux années à choisir dans ces dix années et les ascendants et descendants de troisième degré par rapport aux victimes seront pris en charge. Je crois que c’est important, même si je préfère que nous n’ayons pas à utiliser ce mécanisme. On parle toujours des auteurs des actes de terrorisme, de la lutte contre le terrorisme, mais on ne pense pas assez aux victimes et à ce qu’elles vivent ensuite, ni à leurs ascendants et leurs descendants.

Ensuite, en ce qui concerne l’obésité, je me félicite de la reconnaissance du rôle de deux professions : les psychologues et les diététiciens. Je songe notamment au CHU de Toulouse, où le service du professeur Ritz, fait vraiment fonctionner ce couple psychologue-diététicien dans la prise en charge du patient à côté des médecins et des infirmières. À l’hôpital de Purpan, pour les tout-petits, dès l’âge de trois ans, sont en effet organisés des ateliers diététiques sur les troubles du comportement alimentaires, sous la forme de jeux, puisque ces enfants sont déscolarisés. Ce que vous faites, madame la ministre, est très important pour ces deux professions.

La séance est levée à dix-neuf heures dix.

——fpfp——

Présences en réunion

Réunion du mercredi 7 octobre 2015 à 16 heures 15

Présents. – M. Pierre Aylagas, M. Gérard Bapt, M. Jean-Pierre Barbier, Mme Gisèle Biémouret, Mme Kheira Bouziane-Laroussi, Mme Sylviane Bulteau, Mme Martine Carrillon-Couvreur, Mme Marie-Françoise Clergeau, M. Philip Cordery, Mme Michèle Delaunay, M. Jean-Pierre Door, Mme Françoise Dumas, Mme Jacqueline Fraysse, Mme Hélène Geoffroy, M. Jean-Patrick Gille, M. David Habib, Mme Joëlle Huillier, M. Christian Hutin, Mme Monique Iborra, M. Michel Issindou, M. Denis Jacquat, Mme Chaynesse Khirouni, Mme Isabelle Le Callennec, Mme Annie Le Houerou, Mme Catherine Lemorton, Mme Geneviève Levy, M. Gilles Lurton, Mme Véronique Massonneau, M. Pierre Morange, M. Robert Olive, Mme Monique Orphé, M. Bernard Perrut, Mme Bérengère Poletti, M. Arnaud Richard, M. Denys Robiliard, M. Arnaud Robinet, M. Jean-Louis Roumegas, M. Gérard Sebaoun, M. Fernand Siré, M. Christophe Sirugue, M. Jean-Louis Touraine, M. Francis Vercamer, M. Arnaud Viala

Excusés. – M. Stéphane Claireaux, M. Rémi Delatte, Mme Dominique Orliac, M. Jean-Sébastien Vialatte

Assistaient également à la réunion. – Mme Fanélie Carrey-Conte, Mme Bernadette Laclais, Mme Claudine Schmid