SOMMAIRE
Présidence de M. Christophe Sirugue
1. Programmation pour la ville et la cohésion urbaine
M. François Brottes, président de la commission des affaires économiques
M. François Lamy, ministre délégué chargé de la ville
M. François Pupponi, rapporteur
Motion de renvoi en commission
M. François Brottes, président de la commission des affaires économiques
M. François Lamy, ministre délégué
M. François Lamy, ministre délégué
M. le président. La séance est ouverte.
(La séance est ouverte à neuf heures trente.)
M. le président. L’ordre du jour appelle la discussion, après engagement de la procédure accélérée, du projet de loi de programmation pour la ville et la cohésion urbaine (nos 1337, 1554, 1542, 1545).
M. le président. La parole est à M. Martial Saddier, pour un rappel au règlement.
M. Martial Saddier. Monsieur le président, monsieur le ministre délégué chargé de la
ville, mes chers collègues, je ne voudrais pas que mon intervention
pèse sur la suite des débats, mais vous comprendrez que nous
voudrions avoir des explications sur le deuxième chamboulement de
l’ordre du jour intervenu cette semaine.
L’ordre du jour de
l’Assemblée nationale a été modifié mardi, en Conférence des
présidents – je crois que cela veut encore dire quelque chose dans
cette maison – pour inscrire le présent texte à la suite du projet
sur les retraites qui devait se terminer hier après-midi, ce qui a
été le cas. Or à notre grande surprise il a été ensuite annoncé que
l’examen du projet sur la ville était décalé à vendredi. Or, il n’y
a pas eu de séance hier après-midi ni cette nuit et nous siégeons
aujourd’hui.
Cela n’enlève rien au plaisir d’être avec vous,
monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues,
mais des rumeurs ont couru que ce serait sous pression du groupe
majoritaire. (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)
Je n’ose y croire.
M. Dominique Baert, rapporteur pour avis de la commission des finances, de l’économie générale et du contrôle budgétaire. Ce n’est pas notre genre !
M. François Pupponi, rapporteur de la commission des affaires économiques. Oh, ce serait honteux ! (Sourires.)
M. Martial Saddier. Pourrions-nous avoir des explications ?
M. le président. La parole est à M. le président de la commission des affaires économiques.
M. François Brottes, président de la commission des affaires
économiques. Monsieur Saddier, vous marquez, au nom de votre groupe, une forme
d’indignation quant à un changement de calendrier qui aurait été
intempestif. Or il était prévu depuis bien longtemps que cette
séance concernant la politique de la ville se déroule en plénière le
vendredi.
Il se trouve que la Conférence des présidents a émis
une autre hypothèse mais que le groupe majoritaire a considéré que
la politique de la ville méritait sa journée.
M. le président. Je confirme que ce point avait été établi pour nos travaux de ce matin.
M. le président. La parole est à M. le ministre délégué chargé de la ville.
M. François Lamy, ministre délégué chargé de la ville. Monsieur le président, monsieur le président de la commission des
affaires économiques, messieurs les rapporteurs, mesdames et messieurs
les députés, les maux dont souffrent nos quartiers populaires exigent
une réponse structurelle forte et une mobilisation permanente de toutes
les politiques publiques.
Le projet de loi de programmation pour la
ville et la cohésion urbaine que j’ai l’honneur de présenter devant
votre assemblée constitue le cadre indispensable permettant à l’ensemble
des acteurs publics de se déployer avec le maximum d’efficacité, pour
remédier bien entendu aux conséquences mais également aux causes des
graves difficultés auxquelles les habitants de nos quartiers populaires
ont à faire face.
Si personne ne doute que nos quartiers populaires
n’auraient pas tenu sans la politique de la ville, chacun peut également
constater qu’elle n’a pas suffi à résorber les difficultés rencontrées
par leurs habitants. Pendant des années, on a donné moins à ceux qui
avaient le moins, au point de traduire ces fractures sociales en de trop
nombreuses fractures territoriales.
Je constate comme vous, tout au
long de mes déplacements sur le terrain, que les phénomènes de
relégation dans lesquels sont plongés de nombreux quartiers n’ont cessé
de s’accentuer malgré le formidable travail mené par les élus locaux et
un monde associatif pourtant durement éprouvé ces dernières
années.
Il nous fallait donc réagir non pas en cherchant
délibérément à marquer les esprits par une succession d’annonces
fortement médiatisées sans lendemain, mais en définissant les modalités
d’action qui nous permettent de commencer enfin à changer la vie de nos
concitoyens dans ces quartiers.
C’est ce qu’ils attendent de nous,
de vous : que leurs quartiers soient des quartiers comme les
autres.
Ce projet de loi, dont les principes ont été posés par le
comité interministériel des villes du 19 février dernier et qui a fait
l’objet d’une large concertation en amont, est la première vraie réforme
d’ampleur de la politique de la ville depuis plus de dix ans.
Au
regard de la situation, cette loi n’est pas un simple aménagement des
dispositifs de la politique de la ville accumulés depuis bientôt trente
ans, elle marque un changement profond de logique, par les objectifs
qu’elle s’assigne, par la méthode qu’elle propose et par les exigences
qu’elle contient.
Elle répond en cela au constat de la Cour des
comptes qui, dans son rapport de juillet 2012, démontrait l’illisibilité
de l’accumulation des zonages et des dispositifs engagés au cours des
dernières années.
Elle vise à corriger l’inefficacité du saupoudrage
des crédits et l’incompréhensible séparation entre les actions sur
l’urbain et les dispositifs de cohésion sociale.
Elle prend en
compte les actions qui ont fait leurs preuves – je pense bien évidemment
aux chantiers du programme de rénovation urbaine engagé par Jean-Louis
Borloo – mais elle ambitionne de repenser le rôle et la place de la
politique de la ville.
Ce texte répond à une ambition, celle de la
promesse d’égalité. Il permet le diagnostic, la reconnaissance des
fractures territoriales en milieu urbain. Il s’appuie sur un principe,
celui de la mobilisation renforcée et conjointe de tous les acteurs. Il
se fixe une exigence, celle de la participation des habitants.
Par
la qualité des travaux menés en commission, par l’investissement
constant des députés, nous avons ainsi pu préciser et enrichir les
dispositions législatives qui le nécessitaient.
Durant tous ces
échanges, l’implication du rapporteur du texte, François
Pupponi,…
M. Dominique Baert, rapporteur pour avis. Remarquable rapporteur !
M. François Lamy, ministre délégué. …a été particulièrement déterminante. Je tiens à le remercier pour le
travail entrepris au cours des derniers mois (Applaudissements
sur les bancs du groupe SRC.)
Mesdames et messieurs
les députés, je parlais de promesse d’égalité parce que ce projet de loi
met la question sociale au cœur de la politique de la
ville.
Conformément aux préconisations des membres de la grande
concertation nationale, il vous est proposé de recentrer la géographie
prioritaire sur les territoires qui répondent à un critère social
incontestable, celui de la concentration de pauvreté, et, par là-même,
d’en finir, par la création de l’unique quartier prioritaire, avec la
multiplication des zonages qui constituaient un frein évident à
l’efficacité et à la visibilité de l’action publique.
C’est un souci
de justice sociale auquel répond le choix d’une nouvelle méthode
statistique – le carroyage – et d’un critère unique, celui de la part de
population à bas revenus.
Avec cette nouvelle méthode, partout où,
sur le territoire national, il y aura des concentrations spatiales de
pauvreté, donc des difficultés sociales, l’État répondra présent par la
levée du droit commun et par les crédits spécifiques de la politique de
la ville qui vont retrouver ainsi leur mission initiale de
levier.
Cette nouvelle méthode ne laissera pas de place au doute et
permettra aussi de rappeler à certains que l’objectif d’un quartier
n’est pas d’être ou de rester en politique de la ville mais bien d’en
sortir. Nous revenons ainsi à l’essence de ce qu’est la politique de la
ville : une politique de cohésion et de solidarité urbaines au service
des territoires les plus paupérisés.
Effective en 2015, cette
réforme de la géographie prioritaire permettra de concentrer nos moyens
sur les quartiers réellement prioritaires tout en mobilisant les crédits
de droit commun sur les territoires qui resteront en veille
active.
En articulation étroite avec les acteurs locaux, un
dispositif spécifique sera instauré pour les collectivités d’outre-mer
car, si elles présentent des problématiques de développement et des
caractéristiques urbaines et sociales malheureusement communes, elles
appellent des réponses différenciées et adaptées à chaque
territoire.
Par ailleurs, je veux affirmer avec force qu’il ne
s’agit en aucune manière d’une refonte de la géographie prioritaire
commandée par la nécessité de réaliser des efforts budgétaires…
M. Martial Saddier. Si, un peu quand même !
M. François Lamy, ministre délégué. …mais bien par le souci de redonner sa pleine ambition à la politique
de la Ville.
En retenant un seul critère, nous privilégions une
méthode transparente et objective qui nous permettra de mieux cibler nos
actions mais aussi d’en assurer la bonne évaluation.
Retenir le seul
critère de concentration de pauvreté, c’est reconnaître et faire jouer
la solidarité nationale dans les territoires où les difficultés et les
besoins sociaux sont les plus importants.
C’est admettre que des
villes situées dans les anciens bassins miniers, dans les territoires
ruraux ou périurbains ont autant de difficultés dans leurs quartiers et
moins de moyens pour agir que d’autres qui ont vu leur situation
profondément évoluer.
C’est considérer que la politique de la ville
n’a pas seulement pour vocation de s’adresser aux seuls grands ensembles
mais qu’elle doit intervenir sur tous les territoires urbains, où qu’ils
se situent, dès qu’ils cumulent des difficultés sociales.
C’est
mettre en œuvre l’égalité des territoires, mission que le Président de
la République a confiée à Cécile Duflot et à moi-même.
L’État a pris
la pleine mesure de ces inégalités qui caractérisent nos territoires en
choisissant de se doter d’un outil administratif unique pour renforcer
son action. Sous l’impulsion du Premier ministre et de Cécile Duflot, le
futur Commissariat général à l’égalité des territoires, le CGET,
regroupera ainsi la Délégation interministérielle à l’aménagement du
territoire et à l’attractivité régionale, le secrétariat général du
Comité interministériel des villes et l’Agence nationale pour la
cohésion sociale et l’égalité des chances.
À l’intérieur de ce CGET,
le pôle ville sera parfaitement identifié pour ne pas diluer ou perdre
l’expérience et le savoir-faire acquis depuis de nombreuses années par
les personnels.
Pour répondre à ce souci d’égalité qui se traduit
par la réforme de la géographie de la politique de la ville, j’ai
souhaité que nous puissions nous appuyer sur un principe, celui d’une
mobilisation conjointe des pouvoirs publics. Au fil des années, la
politique de la ville a été progressivement marginalisée par les
politiques de droit commun. Trop souvent, lorsqu’elle s’est installée
dans un quartier, les autres administrations s’en sont précisément
écartées.
Il fallait sortir de cette logique de substitution entre
les différents crédits pour, au contraire, les articuler au profit des
territoires concernés. C’est précisément l’un des objectifs du contrat
de ville unique et global proposé par ce projet de loi.
Ce contrat
de ville permettra de mobiliser l’ensemble des politiques publiques de
droit commun d’éducation, de transports, de santé, d’emploi, de justice,
de sécurité, de logement ou de culture, afin de rétablir l’égalité
d’accès aux services aux publics dans les quartiers
prioritaires.
C’est le sens des conventions d’objectifs qui ont été
signées avec les ministères et les opérateurs de l’État, afin de
territorialiser spécifiquement le droit commun dans les
quartiers.
Onze conventions sont déjà signées et viendront nourrir
la participation de l’État à ces contrats de ville avec des engagements
concrets pour les quartiers : 20 000 emplois d’avenir cette année et
12 500 supplémentaires dès le premier semestre de 2014 ; 2 500 créations
de postes pour la scolarisation des enfants de deux et trois ans ; un
ciblage des 100 000 nouvelles places de crèche vers les territoires
prioritaires ; le fait que soixante-quatre des soixante-cinq zones de
sécurité prioritaires recouvrent un quartier ; le développement des
centres et maisons de santé ; le désenclavement des quartiers avec des
subventions bonifiées dans le nouvel appel à projet pour les transports
en commun en site propre.
S’y ajoutera prochainement un plan de
soutien à la création d’entreprises qui sera proposé au conseil des
ministres.
Le contrat de ville unique et global aura vocation à
traiter l’ensemble des politiques publiques et à articuler, dans un même
cadre, les actions de cohésion sociale et les actions de cohésion
urbaine.
C’est dans le cadre de cette nouvelle géographie
prioritaire, et en lien avec les contrats de ville, que nous lancerons
au cours de la période 2014-2024 un nouveau programme de renouvellement
urbain, doté à hauteur de 5 milliards d’euros pour l’Agence nationale
pour la rénovation urbaine. (Applaudissements sur les bancs du
groupe SRC.)
Ces 5 milliards lèveront près de
20 milliards d’euros d’investissements mobilisés en faveur des quartiers
prioritaires venant entre autres des bailleurs et des collectivités.
Dans le même temps, nous mènerons à bien et à terme le Programme
national de rénovation urbaine qui n’en est actuellement qu’à la moitié
de sa réalisation.
Ce nouveau programme ne mettra pas en concurrence
les projets. Il visera les territoires présentant les dysfonctionnements
urbains les plus importants en favorisant la mixité de l’habitat, la
qualité de la gestion urbaine de proximité, les objectifs de
développement durable et de lutte contre la précarité
énergétique.
Des moyens importants seront engagés pour développer
l’activité économique dans ces territoires et assurer le désenclavement
des quartiers. De plus, et conformément aux échanges étroits que j’ai
eus avec les élus locaux, un effort spécifique sera engagé en direction
des copropriétés dégradées et de l’habitat indigne, notamment en
outre-mer.
Pour prendre toute la mesure des enjeux de territoires,
le contrat unique s’élaborera non plus à l’échelle du quartier mais à
celle de l’intercommunalité.
Ce contrat deviendra ainsi un véritable
outil de solidarité locale et d’insertion des quartiers prioritaires au
sein de leur bassin de vie. Ce niveau territorial de contractualisation
a été au cœur de nos débats, que ce soit lors de la concertation ou en
commission. L’évolution de la structure administrative de notre pays et
l’obligation d’envisager le devenir des quartiers prioritaires au sein
de leurs agglomérations nécessitent de mener la réflexion globale sur le
contrat de ville à l’échelle intercommunale. Le désenclavement des
quartiers jusqu’à présent relégués passe en effet par leur intégration
dans une dynamique plus large, celle du territoire intercommunal. C’est
à ce niveau que doivent s’exercer des mécanismes de solidarité
financière, comme le prévoient les dispositions inscrites dans le projet
de loi. C’est aussi à cette échelle que nous trouverons les capacités
d’agir concrètement dans le domaine du logement, pour favoriser la
mixité sociale en fixant des objectifs partagés en matière d’attribution
de logements, de mutations comme d’accompagnement social des
locataires.
Je sais également que rien ne pourra se faire au niveau
local sans une reconnaissance du rôle du maire qui reste, le Premier
ministre l’a rappelé au congrès de l’Association des maires de France,
le premier interlocuteur des habitants et le responsable, en dernier
ressort, de la mise en œuvre concrète des engagements. Un amendement
gouvernemental vous sera d’ailleurs présenté, pour préciser le rôle de
chacun dans la conduite de la politique de la ville. N’est-ce pas,
monsieur Goua ?
M. Marc Goua. Absolument !
M. François Lamy, ministre délégué. Déployé dans les agglomérations comptant des quartiers prioritaires,
ce nouveau contrat de ville aura également vocation à l’être dans les
territoires placés en veille active. Mesdames et messieurs les
parlementaires, le projet de loi de programmation pour la ville et la
cohésion urbaine se devait de mettre la question sociale au cœur des
préoccupations de la politique de la ville. Il lui fallait aussi fixer
un cadre d’action rénové mais souple permettant de mobiliser de manière
coordonnée et à la bonne échelle, les moyens nécessaires au
rétablissement de l’égalité entre tous les territoires, mais il se
devait aussi de répondre à une exigence bien plus profonde encore, liée
au regard même que la société porte sur les habitants des quartiers
prioritaires.
Nos quartiers populaires subissent, en vérité, une
double injustice. À l’accumulation des difficultés économiques et
sociales, s’ajoutent des discriminations et des stigmatisations qui sont
tout aussi violentes.
Un député du groupe SRC. Eh oui !
M. François Lamy, ministre délégué. Il nous fallait donc compléter les dispositions législatives en accueillant favorablement l’amendement de Daniel Goldberg et plusieurs parlementaires, visant à reconnaître le lieu de résidence comme nouveau critère légal de discrimination.
M. Dominique Baert, rapporteur pour avis de la commission des finances, de l’économie générale et du contrôle budgétaire. Très bien !
M. François Lamy, ministre délégué. La discrimination en fonction du lieu de résidence deviendra ainsi,
si vous votez en ce sens, le vingtième critère juridiquement opposable.
Il s’agit d’une discrimination majeure des habitants, en particulier de
certains jeunes, qui ne comprennent pas pourquoi la réputation de leur
quartier est un tel frein à l’emploi ou à l’accès au logement. À chacun
de mes déplacements, quelqu’un témoigne de cette injustice
insupportable, mise en évidence par de nombreuses études. Désormais
introduite dans le code pénal et le code du travail, cette
reconnaissance de la discrimination à l’adresse représente une avancée
juridique réelle pour l’égalité des droits. Son adoption à l’unanimité
en commission des affaires économiques, en renforce la portée politique,
car les millions de concitoyens qui résident dans les quartiers
populaires, ne sont pas des citoyens de seconde zone. S’ils subissent
plus que d’autres les effets de la crise, ils constituent aussi des
ressorts dont notre pays a besoin.
Oui, mesdames et messieurs les
parlementaires, le regard sur ces territoires doit changer. Et nos
institutions elles-mêmes doivent remettre au premier plan de leurs
préoccupations l’association et la reconnaissance des habitants des
quartiers. Trop souvent, des projets de rénovation urbaine se sont
affranchis de toute consultation réelle des locataires. Trop souvent,
des actions ont été engagées sans tenir compte de ceux qui allaient en
bénéficier. Comme si la concentration de pauvreté devait inévitablement
s’accompagner d’une concentration d’indifférence ! Il nous fallait donc,
conformément aux travaux de la mission que j’ai confiée à Mohamed
Mechmache et Marie-Hélène Bacque, poser cette exigence de reconnaissance
et de participation des habitants des quartiers au cœur de la politique
de la ville.
Par un travail spécifique à engager sur la mémoire et
l’histoire des quartiers populaires, tout d’abord. Le recueil de la
mémoire des habitants contribue à leur reconnaissance sociale, à celle
de leurs quartiers, à la lutte contre les discriminations, donc au bien
vivre ensemble. Ainsi, et à l’initiative de plusieurs parlementaires
– je veux saluer ici le travail de Pascale Boistard au sein de la
commission de Pascal Blanchard – (Applaudissements sur les
bancs du groupe SRC.), les contrats de ville tiendront
spécifiquement compte de cette question. Cela permettra également de
mettre en relief le rôle et l’importance de cette immigration qui a tant
contribué à notre développement économique et qui continue encore à le
faire, et de rendre hommage à ceux qui nous ont permis de retrouver nos
libertés.
Pour la première fois, le principe de co-construction des
politiques publiques avec les habitants est reconnu par la loi. Des
conseils citoyens, constitués dans chaque quartier, seront associés à
l’ensemble des étapes du contrat de ville. Ces conseils seront tout à la
fois des lieux de dialogue, de formation, d’interpellation, d’amendement
des projets locaux et de participation au sein des quartiers
prioritaires. La personne qui réside dans nos quartiers passera du
statut d’habitant à celui de citoyen associé aux choix qui le
concernent.
Pour le suivi plus spécifique des opérations de
renouvellement urbain, le Gouvernement proposera, par voie d’amendement,
d’instaurer des maisons du projet, conformément aux vœux exprimés par
plusieurs parlementaires, notamment des parlementaires du groupe
écologiste.
L’État entend jouer pleinement son rôle dans la mise en
place de ces outils de participation citoyenne, et assumer ses
responsabilités pour en garantir la pleine autonomie. Il participera aux
besoins de fonctionnement de ces structures, et valorisera les
expérimentations les plus prometteuses. Ces mesures seront accompagnées
d’un renforcement de la formation des habitants, des associations, des
élus et des professionnels au pouvoir d’agir. Compte tenu du rôle
essentiel joué par le tissu associatif dans la vie des quartiers, les
démarches administratives et le financement des associations vont être
simplifiés, notamment avec la mise en place des financements sur trois
ans pour les actions structurantes, car un soutien dans la durée est
toujours un atout pour la réussite des projets.
Si la concentration
des moyens publics peut constituer une réponse à la désespérance
sociale, je suis convaincu que c’est en imposant de nouvelles exigences
démocratiques que nous pourrons répondre à la désespérance politique. Il
y a trente ans maintenant, la marche pour l’égalité et contre le racisme
donnait un visage à des quartiers, à des habitants que la République
avait jusqu’alors décidé d’ignorer. C’est de cette mobilisation
citoyenne, qui doit retrouver sa juste place dans notre mémoire
collective, que les principes de la politique de la ville ont émergé. Ce
sont ces mêmes principes d’égalité, de lutte contre les discriminations,
de mobilisation collective et citoyenne qui forgent le socle du projet
de loi de programmation qui vous est aujourd’hui proposé.
Vous
l’avez compris : cette réforme ne concerne pas les seuls crédits
spécifiques du ministère de la politique de la ville, parce qu’elle
engage l’ensemble des leviers publics dans ce combat pour l’égalité.
Cette réforme ne s’adresse pas seulement à certains territoires
identifiés, parce qu’elle interpelle l’ensemble de la communauté
nationale dans sa capacité à assurer la cohésion de nos territoires.
Cette réforme ne recherche pas seulement à combattre les inégalités dont
sont victimes certains habitants de nos quartiers, elle revendique aussi
un regard différent sur des territoires et des populations qui
constituent des viviers de ressources, d’atouts, de créativité et de
talent indispensables sur le chemin du redressement de notre pays. Cette
loi de programmation n’est donc pas un aboutissement : c’est un point de
départ d’une mobilisation collective en faveur des
quartiers.
Certains voulaient les nettoyer. Moi, je veux leur
redonner leur place au sein de la communauté nationale (« Très
bien ! » et applaudissements sur les bancs du groupe
SRC), pour que l’égalité devienne une réalité dans tous les
territoires, pour que les valeurs de notre République s’inscrivent dans
le quotidien de chacun, et pas seulement au fronton de nos mairies et de
nos écoles. (Applaudissements sur les bancs
du groupe SRC.)
M. le président. La parole est à M. François Pupponi, rapporteur de la commission des affaires économiques.
M. Dominique Baert, rapporteur pour avis. Vous allez voir, il va être excellent !
M. Martial Saddier. Peut-être nous donnera-t-il la liste !
M. Dominique Baert, rapporteur pour avis. En dix minutes, il n’aura pas le temps !
M. François Brottes, président de la commission des affaires économiques. C’est obsessionnel, monsieur Saddier !
M. François Lamy, ministre délégué. C’est un TOC !
M. François Pupponi, rapporteur. Monsieur le président, monsieur le ministre, monsieur le président de
la commission des affaires économiques, messieurs les rapporteurs pour
avis, mes chers collègues, le constat dont nous partons est accablant,
c’est celui de l’échec des politiques publiques à propos de ces
territoires depuis maintenant plus de trente ans. Ce n’est pas l’échec
de la politique de la ville : elle a fait ce qu’elle pouvait, dans ces
périodes troubles et difficiles, c’est surtout un échec dû à l’absence
du droit commun. C’est aussi le résultat du saupoudrage trop longtemps
pratiqué dans ces territoires et un peu partout, y compris dans des
territoires qui ne justifiaient pas qu’on vienne les aider
particulièrement. C’est aussi, monsieur le ministre, l’échec dû à une
absence d’évaluation ; le drame de la politique de la ville, c’est
qu’elle fixait peu d’objectifs et qu’elle n’évaluait pas les
résultats.
Bien sûr, des choses ont été faites, et heureusement !
Heureusement que la politique de la ville était là, durant ces trente
dernières années, pour éviter des catastrophes encore plus importantes
que celle que nous connaissons ! Permettez-moi de citer trois ministres
qui auront marqué ces trente dernières années : Michel Delebarre, Claude
Bartolone et Jean-Louis Borloo, dont je salue la présence, aujourd’hui,
parmi nous.
Devant ce constat accablant, vous avez préféré, monsieur
le ministre, contrairement à d’autres qui, régulièrement, nous
annonçaient des plans Marshall pour les banlieues, travailler
discrètement, dans la concertation, écouter les acteurs, qui, depuis
tant d’années, ont eu des choses à dire pour essayer de trouver des
solutions. Vous avez écouté les gens, et, les ayant entendus, vous avez
décidé de nous proposer le projet de loi que nous examinons
aujourd’hui.
Ce texte permet de répondre à des questions
simples.
De quoi parle-t-on ? Vous nous proposez de redéfinir la
politique de la ville, de bien dire quels en sont les axes prioritaires
et quels sujets il est indispensable de prendre en compte pour s’occuper
des populations concernées.
Deuxième question, de qui parle-t-on ?
Quels sont les quartiers prioritaires sur lesquels la République doit
enfin pouvoir travailler de manière coordonnée et efficace ? Vous avez
entendu, monsieur le ministre, je le salue, les questions légitimes d’un
certain nombre de nos collègues sur les fameux territoires sortants de
cette géographie prioritaire, et vous avez proposé, par voie
d’amendement, que l’on mette en place une veille active, pour faire en
sorte que la sortie, justifiée, de certains ne soit pas trop brutale,
pour qu’on puisse les accompagner.
Troisième question, comment
fait-on ? Vous nous proposez un contrat unique pour qu’ensemble les
acteurs se mettent d’accord, sous la forme d’un même et unique document,
sur ce qu’il faudrait faire pour ces quartiers et définissent comment,
avec le droit commun de chacun, parvenir à une plus grande
efficacité.
Quatrième question, qui fait quoi, et avec quels
moyens ? Vous proposez de réordonner, de modifier complètement la
gouvernance, tant au niveau national qu’au niveau local. Au niveau
national, c’est bien sûr la création d’un commissariat général, fruit de
la fusion de la DATAR, de l’Agence nationale pour la cohésion sociale et
l’égalité des chances et du secrétariat général du comité
interministériel des villes. Mon collègue Dominique Baert, qui a
beaucoup travaillé sur la gouvernance au niveau national, a beaucoup
œuvré pour que l’on aille dans ce sens. Vous proposez également que les
choses soient réorganisées au niveau local, qu’il soit bien précisé ce
que doit faire l’intercommunalité et ce que doit faire le maire. Vous
avez vraiment entendu les inquiétudes des élus locaux, des maires, des
élus territoriaux, qui, depuis tant d’années, mettent en œuvre les
politiques locales et qui ne voudraient pas que le maire soit ainsi
sorti de la politique de la ville ; Marc Goua a été très actif dans ce
domaine-là. Vous avez rassuré tout le monde, et un certain nombre
d’amendements que nous proposons viendront confirmer l’existence d’un
axe intercommunalité-commune au service d’une plus grande
efficacité.
En ce qui concerne les moyens, monsieur le ministre,
vous m’aviez fait l’honneur, dans le cadre de la concertation nationale,
de me confier la rédaction d’un rapport sur la péréquation dans ces
territoires, et nous avions constaté qu’il n’existait pas, contrairement
à ce que nous pouvions imaginer, de dotation particulière pour la
politique de la ville. Il existe des dotations pour les villes pauvres,
qu’elles soient urbaines ou rurales, il existe de la péréquation en
faveur de territoires en difficulté, mais il n’existait pas de dotations
pour les territoires particuliers de la politique de la ville, sauf
peut-être la dotation de développement urbain, mais celle-ci est plus
une subvention qu’un fonds de péréquation. Vous nous proposez donc de
créer cette fameuse dotation politique de la ville, qui sera le bras
armé financier de l’État dans ces territoires.
Il faut aussi – un
amendement a été adopté en commission, qui le précise – que les
territoires autour des quartiers prioritaires soient aussi exemplaires.
Nous avons malheureusement trop d’exemples de territoires riches, qui
comptent en leur sein des quartiers difficiles et ne sont tout
simplement pas solidaires, ou ne le sont pas suffisamment. Certes, il y
a des territoires vertueux – on peut parler de Toulouse, du Grand Lyon,
du Nord –, il y a des territoires où, effectivement, on prend en compte
les difficultés d’un certain nombre de quartiers, mais il y a
malheureusement encore trop souvent des territoires où les égoïsmes
locaux font que ces quartiers sont abandonnés à la solidarité nationale,
les acteurs locaux ne voulant pas trop les aider. Le pacte financier
proposé dans ce texte va, je le crois, dans le bon sens : il faudra que
les intercommunalités s’engagent. Elles sont maintenant parties
prenantes de la politique de la ville. Il faudra qu’elles prennent des
engagements financiers, pour aider les quartiers les plus en
difficulté.
Cinquième question, que fait-on ? Vous arrivez à faire
enfin ce que nous espérions tous depuis longtemps, que nous nous
occupions, en même temps, de l’urbain et de l’humain. L’urbain, c’est
bien entendu le fait que le programme national de rénovation urbaine 1
soit enfin financé complètement. L’inquiétude était grande parmi les
élus locaux : ce PNRU serait-il financé jusqu’au bout ? On craignait
tous, depuis de nombreuses années, la fameuse « bosse » de l’ANRU. Vous
apportez une réponse très concrète en finançant la fin du PNRU et en
créant ce NPNRU, ce nouveau programme national de renouvellement urbain,
qui va permettre, pour les années à venir, de terminer l’œuvre
importante commencée par l’ANRU. Celle-ci est reconnue unanimement par
les acteurs locaux et vous proposez de lui donner un plus grand rôle. En
effet, elle pourra à la fois agir dans le domaine économique et celui
des commerces, avoir une expertise internationale, et être impliquée
dans le cadre du programme d’investissements d’avenir. C’est là une
reconnaissance de cette agence, qui a fait un travail exceptionnel, que
chacun salue.
Vous répondez aussi, monsieur le ministre, aux
questions « pour qui ? » et « avec qui ? ». C’est aussi une grande
avancée de ce texte. Tout le monde en parle depuis de nombreuses années,
je n’ai jamais rencontré un élu, un acteur, qui ne me dise qu’il faut
associer les habitants, tout le monde le dit, mais les expériences sont
diverses ; certains y arrivent, d’autres n’essaient même pas. Un débat
s’est tenu en commission, en particulier avec notre collègue Bies,
rapporteur pour avis de la commission du développement durable, mais
aussi d’autres députés, notamment du groupe écologiste, qui ont fait de
nombreuses propositions. Nous aurons encore l’occasion d’en discuter
aujourd’hui, puisque le sujet n’est pas clos.
M. Martial Saddier. Et nous ?
M. François Pupponi, rapporteur. Vous avez raison, mon cher collègue ! Je suis d’ailleurs convaincu
que vous allez participer, comme d’autres, au débat d’aujourd’hui, et
vous avez raison de me le rappeler.
On constate également que ce
travail n’est pas abouti, car c’est un sujet sensible. Les élus ont peur
d’être dépossédés de leur légitimité. Certains voudraient aller beaucoup
plus loin. Nous devons continuer à travailler. Je proposerai au
président Bartolone de créer un groupe d’études, nous permettant ainsi
de continuer à progresser collectivement sur cette question cruciale.
Oui, nous devons travailler avec et pour les habitants. Oui, nous devons
travailler avec et pour les acteurs locaux. Nous devons aussi respecter
la légitimité populaire et électorale des élus et poser des règles. Nous
ne devons pas créer une usine à gaz, comme certains le craignent.
Je
suis convaincu que le débat parlementaire qui s’ouvre aujourd’hui nous
permettra d’apporter un certain nombre de précisions. Monsieur le
ministre, nous attendions ce texte et nous l’approuvons. Je suis
convaincu que, s’il est enfin adopté à la fin du débat parlementaire,
dans quelques années, grâce à vous, à ce texte et au travail
parlementaire, la République sera enfin présente sur ces territoires
qu’elle a oubliés. Elle sera, de ce fait, plus forte, car une République
absente des territoires est une République faible. Ces territoires et
leurs habitants seront, enfin, des territoires et des habitants
ordinaires. (Applaudissements sur les bancs du groupe
SRC.)
M. le président. La parole est à M. Philippe Bies, rapporteur pour avis de la commission du développement durable et de l’aménagement du territoire.
M. Philippe Bies, rapporteur pour avis de la commission du développement
durable et de l’aménagement du territoire. Monsieur le président, monsieur le ministre, mesdames, messieurs, il
y a, me semble-t-il, un paradoxe de la politique de la ville. Mal aimée
des politiques publiques, elle fait souvent l’objet de critiques
récurrentes. Au mieux, on lui reproche son manque de moyens, qui n’en
ferait que l’accessoire des politiques de droit commun, au pire, on la
considère inefficace et certains appellent à sa disparition pure et
simple.
Dans son rapport d’évaluation d’une décennie de politique de
la ville, publié en 2012, la Cour des comptes, plus mesurée, a néanmoins
dressé un constat sévère : elle regrette une politique insuffisamment
pilotée, un éclatement entre des zones prioritaires trop nombreuses, des
opérations de rénovation urbaine mal articulées avec le soutien social,
un financement sous-dimensionné du programme national de rénovation
urbaine, des objectifs économiques imparfaitement pris en compte,
l’absence de contrats cohérents et globaux pour l’aménagement de la
ville, et j’en passe.
Pourtant, et là réside le paradoxe, il est
sans doute peu de politiques publiques qui aient été poursuivies, avec
une telle constance par des majorités politiques successives. Il est
donc impératif et urgent de transformer, repenser, réviser et
moderniser. Il faut donc transformer, repenser, réviser, moderniser.
Dans le même temps, nous devons conserver des principes, des méthodes,
des acteurs qui ont progressivement trouvé leur place dans un système
institutionnel complexe et qui, au fil du temps, ont fait la preuve de
leur efficacité. Le projet de loi que vous nous présentez, monsieur le
ministre, et qui a fait l’objet d’une très large concertation saluée, je
le crois, sur tous les bancs, s’essaie avec succès à ce difficile
exercice.
M. Martial Saddier. On n’a pas eu beaucoup de temps pour travailler !
M. Philippe Bies, rapporteur pour avis. Vous n’avez pas eu beaucoup de temps, mais vous n’avez pas beaucoup travaillé non plus ! (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)
M. François Brottes, président de la commission des affaires économiques. Cela m’évitera de le dire ! M. Saddier est à mi-temps !
M. Martial Saddier. Je vais vous répondre !
M. Philippe Bies, rapporteur pour avis. Les dispositions qu’il comprend se déploient en trois axes : tout
d’abord, inscrire la politique de la ville dans une géographie
prioritaire resserrée et unique pour concentrer les moyens publics sur
les territoires les plus en difficulté et sortir d’un zonage archaïque
et vécu comme stigmatisant ; ensuite, réaffirmer ces principes
structurants de la politique de la ville que sont le partenariat de
l’État et des collectivités locales ainsi que la mobilisation
prioritaire des politiques de droit commun dont la territorialisation
nécessite d’être renforcée ; enfin, favoriser une articulation entre les
dimensions urbaine et sociale de cette politique, ce qui suppose
notamment de renforcer les liens entre les personnes et les lieux, entre
les habitants et leurs quartiers.
La commission du développement
durable et de l’aménagement du territoire s’est saisie pour avis de ce
texte et je souhaiterais, en quelques mots, revenir sur ses principaux
apports. S’agissant de la définition de la politique de la ville, notre
commission a souhaité compléter et étendre le périmètre couvert en
intégrant, notamment, une série d’enjeux fondamentaux comme l’emploi,
l’éducation et la culture, la lutte contre la précarité énergétique ou
encore le maillage urbain par les transports en commun.
Elle a
plaidé pour une pérennisation, au-delà de la simple observation des
réalisations de la politique de la ville, de la fonction d’évaluation de
cette politique dans le cadre d’une structure indépendante telle que le
comité d’évaluation et de suivi de l’Agence nationale pour la rénovation
urbaine dont les compétences auraient pu être étendues à l’ensemble de
la politique de la ville.
Notre commission s’est également beaucoup
intéressée aux modalités de participation des habitants à la définition
de la politique de leur quartier. La nécessité d’un renforcement de
cette participation fait, me semble-t-il, consensus : le débat a donc
plutôt porté sur ses modalités, comme l’a rappelé le
rapporteur.
C’est ainsi qu’ont été adoptés des amendements sur la
participation citoyenne des habitants à l’élaboration, la mise en œuvre
et l’évaluation des actions conduites dans les quartiers populaires,
avec la création, à l’initiative de nos collègues du groupe écologiste,
des « maisons de projet » permettant de rendre cette participation plus
effective, nous y reviendrons au cours du débat, ou encore les modalités
de la concertation dans le cadre d’un projet local de renouvellement
urbain.
Je suis heureux que ces propositions aient pu trouver un
écho dans plusieurs amendements du Gouvernement et de notre collègue
François Pupponi, rapporteur au fond. Je ne doute pas que nos débats
permettront d’approfondir encore cette question, laquelle est au cœur du
rapport qui vous a été récemment remis, monsieur le ministre, par
Marie-Hélène Bacqué et Mohamed Mechmache.
M. Daniel Goldberg. Très bien !
M. Philippe Bies, rapporteur pour avis. La question du statut des territoires, également abordée par François
Pupponi, appelés à sortir de la géographie prioritaire de la politique
de la ville a été largement débattue au regard des risques que la
suppression de certains dispositifs de soutien pourrait faire courir à
des quartiers demeurant encore fragiles. Je crois que de nombreux
députés attendent de vous, monsieur le ministre, des éléments de nature
à apaiser leurs inquiétudes.
Par ailleurs, la commission du
développement durable a voté la suppression de l’article 6 du projet de
loi relatif aux contrats spécifiques créés pour réaliser le Grand Paris.
Je pense que nous aurons, là encore, l’occasion d’y revenir lors de
notre débat.
M. Martial Saddier. On y reviendra en commission !
M. François Brottes, président de la commission des affaires économiques. Vous devrez être présent en commission, si vous voulez y revenir !
M. Philippe Bies, rapporteur pour avis. Monsieur le président, mes chers collègues, au terme de ses travaux, la commission du développement durable et de l’aménagement du territoire a émis un avis favorable à l’adoption d’un projet de loi aussi attendu que nécessaire, marquant la volonté du Gouvernement de donner de la clarté, de la transparence et surtout de l’efficacité à une politique inscrite au cœur de nos territoires. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)
M. le président. La parole est à M. Dominique Baert, rapporteur pour avis de la commission des finances, de l’économie générale et du contrôle budgétaire.
M. Dominique Baert, rapporteur pour avis de la commission des finances, de
l’économie générale et du contrôle budgétaire. Monsieur le président, monsieur le ministre, mesdames, messieurs,
juste avant de nommer le Premier ministre de la ville, Michel Delebarre,
François Mitterrand, le 4 décembre 1990, disait à Bron : « Il faut
absolument un membre du Gouvernement qui soit l’animateur, le
pourfendeur, l’avocat, l’intervenant permanent ». Concentration
démographie et urbaine, dégradation du bâti et de la cohésion sociale,
émeutes, l’époque était à l’inquiétude alors qu’approchait l’an 2000.
Depuis trente ans, la politique de la ville aura été de presque tous les
gouvernements. Elle se sera traduite par bien des dispositifs, bien des
organismes, bien des dénominations de zones, bien des sigles.
Elle
n’aura pas manqué, pour autant, d’avoir des effets positifs. Elle a
apaisé des plaies sociales, soutenu des associations, engagé des
péréquations de solidarité favorables aux communes à faibles ressources.
Elle a redessiné en profondeur certains quartiers en détruisant barres
et tours sinistres, en réhabilitant des logements, en ramenant commerces
et services publics dans des quartiers qui en étaient dépourvus. Elle a
des acquis incontestables et nul ne songe, je le crois, à les
mésestimer. Mais elle a aussi des insuffisances.
Chaque année, vous
le savez, je pointe, en tant que rapporteur spécial de la commission des
finances, le contraste existant entre l’ampleur des missions du
ministère chargé de la politique de la ville et la modicité des crédits
budgétaires qu’il gère en propre, contraint qu’il se trouve ainsi de
s’appuyer pour mener ses actions sur des opérateurs externes, l’ANRU et
l’ACSé, notamment. Pour la lisibilité de l’action publique, mais aussi
pour aussi pour éviter de donner à penser qu’elle n’est qu’une politique
de second rang, la politique de la ville mériterait, sans doute,
d’afficher des financements au-delà des seules dotations budgétaires
spécifiques du programme 147 « Politique de la ville ».
En outre,
les quartiers qui bénéficient des interventions financières de la
politique de la ville sont très nombreux, peut-être trop, au point que
d’aucun – et ce n’est pas à tort – n’hésitent pas à parler de
saupoudrage. On compte, en effet, 1 015 zones éligibles aux
interventions de l’ANRU et 751 zones urbaines sensibles. Le programme
ANRU 1 se termine ; c’est le moment de prendre du recul sur la politique
de la ville, de tirer les conséquences de ses insuffisances et de
chercher à la rendre plus efficace. L’enjeu clé d’une véritable
politique de la ville ne se résume pas à doter des programmes
d’intervention sociale à un niveau suffisant pour mettre du liant social
dans le tissu associatif et la vie quotidienne des habitants.
Il ne
peut s’agir seulement d’éteindre un incendie, de répartir un onguent de
quelques milliers ou de quelques dizaines de milliers d’euros à
destination d’un acteur social d’un quartier pour faire s’arrêter une
crise ponctuelle. Vous l’avez bien compris, monsieur le ministre, la
politique de la ville suppose que l’ensemble des politiques de droit
commun, que toutes les politiques publiques privilégient aussi
l’intervention sur ces quartiers et zones géographiques. Qui n’a pas
rêvé d’une politique de la ville qui transcende toutes les compétences
ministérielles, tous les budgets et qui sache mobiliser pour la cause de
cités ou de quartiers où se concentrent de grandes difficultés des
moyens à la hauteur de ces difficultés ?
Imaginons que, affirmée
comme priorité des priorités et comme clairement interministérielle, la
politique de la ville pourrait réunir son autorité et mobiliser des
lignes budgétaires qui relèvent aujourd’hui de l’éducation nationale, du
logement, de la santé, de l’économie, entre autres, et se doter ainsi
d’un budget consistant, d’une assise financière solide ! Imaginons qu’au
lieu d’être une politique « chapeau » en « complément » des politiques
définies par ailleurs, la politique de la ville soit conçue comme un
« socle » de l’action publique pour les quartiers prioritaires socle sur
lequel s’érigeraient toutes les autres politiques de droit
commun !
Même si tel n’est pas le schéma de la nouvelle politique de
la ville du Gouvernement, le projet de loi de programmation pour la
ville et la cohésion urbaine que vous portez, monsieur le ministre, est
une étape très importante. Il crée un nouveau cadre, assez consensuel,
me semble-t-il, afin de clarifier les objectifs et les moyens
d’intervention de la politique de la ville. Il précise les objectifs
poursuivis par cette politique, redéfinit utilement les principes
guidant la redéfinition de sa géographie d’intervention et clarifie
l’ensemble des outils qu’elle mobilise : en particulier, un nouveau
programme de renouvellement urbain et une nouvelle dotation conçue comme
un véritable instrument au service des quartiers défavorisés.
En
réduisant le nombre de quartiers prioritaires, cette loi saura mieux
concentrer les moyens là où c’est nécessaire. En structurant les
interventions au niveau de l’intercommunalité avec un contrat ville
unique, elle fera gagner en cohérence, donc en efficacité. Enfin, en
mobilisant les crédits des autres politiques, dites de droit commun, sur
les mêmes sites que ceux de la politique de la ville, elle saura agir
plus puissamment. Pour que la nouvelle politique de la ville réussisse,
son organisation financière, sa gouvernance aux échelons national et
local et l’évaluation de sa mise en œuvre sont essentielles.
Le
Gouvernement a compris qu’il ne fallait plus baisser la garde
budgétaire, qu’il fallait réorganiser les structures, les procédures,
les gouvernances et la géographie prioritaire. Tout cela va dans le bon
sens. Il vous faut réussir également, monsieur le ministre, le pari de
la mobilisation interministérielle de toutes les politiques
publiques.
Les premières conventions que vous avez préparées et
signées avec plusieurs de vos collègues sont de bon augure, pour autant
qu’eux-mêmes et leurs administrations comprennent bien, au moment de
concrétiser les engagements, leur importance. Dans les villes, les
cités, les quartiers, dans celles de nos banlieues qui sont plus
fortement touchées par la crise économique et sociale, il y a de la
pauvreté, de la désespérance. La peur de l’avenir y nourrit non
seulement les votes extrêmes et protestataires, mais aussi les menaces à
la cohésion sociale et au pacte républicain.
Ce projet de loi est
donc pertinent. Il arrive au bon moment. Il propose une nouvelle méthode
qui rationalise en profondeur la politique de la ville. Voilà pourquoi
ce texte a obtenu un avis favorable de la commission des finances. Je
remercie la commission des affaires économiques et son excellent
rapporteur François Pupponi…
M. François Pupponi, rapporteur. Merci !
M. Dominique Baert, rapporteur pour avis. …d’avoir accepté nos amendements. Ce n’est pas surprenant car, à l’évidence, nous partageons les mêmes ambitions pour la politique de la ville. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)
M. le président. J’ai reçu de M. Christian Jacob et des membres du groupe de l’Union
pour un mouvement populaire une motion de renvoi en commission déposée
en application de l’article 91, alinéa 6, du règlement.
La parole
est à M. Martial Saddier.
M. Martial Saddier. Monsieur le président, monsieur le ministre, monsieur le président de
la commission des affaires économiques, messieurs les rapporteurs pour
avis de la commission des affaires économiques et de la commission du
développement durable, mes chers collègues, je ne serai pas trop
long.
Monsieur le président Brottes, j’ai bien pris de note de votre
réponse à la question que j’ai posée au début de la séance, lors de mon
rappel au règlement. Je répète que l’ordre du jour du Parlement a bel et
bien changé deux fois cette semaine.
M. Christian Assaf. C’est ce qui explique les absences sur les bancs de votre groupe ?
M. Martial Saddier. Les députés du groupe UMP avancent deux autres hypothèses pour expliquer le report de l’examen de ce texte, qui devait débuter hier et a été repoussé à ce matin. Je crois que les députés du groupe UDI partagent cet avis. Peut-être le groupe socialiste avait-il besoin d’un peu plus de temps de réflexion avant de voter la motion de renvoi en commission que je vais vous présenter ? Peut-être M. le ministre avait-il besoin de l’après-midi d’hier et de la nuit pour trouver la liste des quartiers éligibles et de ceux qui ne seront pas retenus ?
M. François Lamy, ministre délégué. J’ai trouvé cette liste, mais dans sa version de 2009 !
M. Martial Saddier. Vous n’aurez pas manqué de remarquer que le groupe UMP n’a pas déposé de motion de rejet préalable. Nous nous en tenons à une motion de renvoi en commission que je vais maintenant étayer sur le fond. J’espère que nous obtiendrons d’autres réponses – je vous dis cela en toute amitié – que les attaques médiocres sur le thème : « vous n’avez pas travaillé, vous n’étiez pas présent en commission. »
M. Jean-Patrick Gille. Ah, il l’a mal pris !
M. Martial Saddier. Nous étions un certain nombre de députés UMP présents aux réunions de la commission du développement durable, tous les mercredis matins jusqu’à quatorze heures, et le jeudi après-midi, où j’étais moi-même présent aux côtés d’Arnaud Richard, de Jean-Marie Tetart ou encore de Valérie Lacroute.
M. François Brottes, président de la commission des affaires économiques. Valérie qui ?
M. Martial Saddier. Monsieur le président Brottes, chers amis de la majorité, nous
souhaitons que nos travaux se déroulent dans un bon état d’esprit :
c’est pour cela que nous n’avons pas déposé de motion de rejet
préalable.
Vous ne pouvez donc pas, ce matin, critiquer ce qui a été
fait avant vous en parlant de saupoudrage des aides, et dans le même
temps saluer – comme je le fais – l’action exemplaire de Jean-Louis
Borloo lorsqu’il était ministre de la ville et de la rénovation urbaine.
M. Borloo est un des grands pères de la politique de la ville dans notre
pays. (Rires sur les bancs du groupe SRC.)
M. Dominique Baert, rapporteur pour avis. Grand père, avec un trait d’union ou sans ?
M. François Brottes, président de la commission des affaires économiques. Ça ne nous rajeunit pas !
M. Martial Saddier. M. Pupponi a dit : heureusement qu’il y a eu la politique de la ville dans notre pays. Vous ne pouvez pas saluer cette politique, saluer l’ANRU, et en même temps justifier ce texte en disant que rien n’a été fait jusqu’ici !
M. François Lamy, ministre délégué. Ce que je n’ai pas fait !
M. Martial Saddier. Je sais que vous ne l’avez pas fait, M. le ministre.
Je tenais à
préciser à nouveau aux membres de la majorité que nous voulons être
constructifs tout au long de cette journée.
L’examen du projet de
loi de programmation pour la ville et la cohésion urbaine avait bien
commencé, pour une fois. Je vous en ai remercié lors des travaux de la
commission, monsieur le ministre, et je vous renouvelle mes
remerciements, car vous avez été jusqu’à présent le seul membre du
Gouvernement à inviter, le 11 juin dernier, l’ensemble des
parlementaires – dont ceux de l’opposition – pour leur présenter la
méthodologie définissant la nouvelle géographie prioritaire de la
politique de la ville, et pour leur annoncer les grandes lignes de ce
futur projet de loi. Cette réunion a eu lieu dans votre ministère ;
j’étais présent ce soir-là. Je tiens à saluer cette démarche
constructive, même s’il est bien dommage que nous soyons contraints,
quelques mois plus tard, d’examiner votre texte selon un programme de
travail particulièrement court, s’étalant sur neuf jours.
Neuf
jours ! Tel le délai très resserré qui nous a été imparti pour
travailler sur votre projet de loi. Commencé en commission du
développement durable saisie pour avis le 13 novembre dernier, l’examen
de ce texte s’est poursuivi dès le lendemain en commission des affaires
économiques. Nous sommes à présent réunis pour l’examiner en séance
publique en fin de semaine, un vendredi : je pense que ce texte aurait
mérité mieux.
M. François Brottes, président de la commission des affaires économiques. C’est vendredi, pas dimanche !
M. Martial Saddier. Il faut bien avouer que cet examen a lieu en catimini. (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.) Je ne dis pas que c’est votre intention, mais en tout cas, c’est le sentiment que vous donnez. Le Gouvernement a pourtant qualifié ce texte de nouvelle étape de la politique de la ville pour la période 2014-2020, ce qui n’est quand même pas rien. Il aurait donc mérité mieux que la procédure d’urgence, et mieux qu’une séance un vendredi.
Mme Jacqueline Maquet. Le vendredi n’est pas un jour chômé !
M. Martial Saddier. De l’aveu même de M. Bies, rapporteur pour avis, les délais de travail qui nous ont été impartis sont relativement courts. Ce n’est pas moi qui l’ai dit, mais lui, en commission du développement durable.
M. François Pupponi, rapporteur. Un travail court, mais efficace !
M. Martial Saddier. Les membres de la commission du développement durable ont eu moins de
15 jours pour étudier ce projet et déposer des amendements, entre les
différents ponts du mois de novembre et l’examen intense des projets de
loi de finances et de loi de financement de la Sécurité sociale. Nous
sommes au cœur de l’examen du projet de loi finances ; de plus, le
congrès des maires a eu lieu cette semaine – c’est symbolique. Eh bien,
le vendredi de cette même semaine, nous nous retrouvons pour examiner ce
texte !
Quel rythme, quel marathon législatif nous est imposé ! Des
délais aussi courts ne sont certainement pas le gage d’un travail
parlementaire efficace sur le fond, d’autant que la procédure accélérée
a été engagée une nouvelle fois par le Gouvernement. D’un côté, le
Gouvernement engage la procédure accélérée au prétexte qu’il est urgent
que ce texte passe au Parlement ; d’un autre côté, M. le ministre ne
cesse de nous dire : « ne vous affolez pas, la liste des quartiers
éligibles et non éligibles sera disponible en avril ou en mai ». Avouez
qu’il est difficile de faire plus incohérent !
Ces délais empêchent
le retour de ce projet de loi devant les commissions concernées. J’y
reviendrai tout à l’heure.
La politique de la ville est pour notre
société un sujet essentiel, qui devrait être la priorité de votre
Gouvernement comme il a été celle de notre majorité. Un meilleur
calendrier, permettant des conditions de travail sereines et optimales,
aurait dû s’imposer. C’est d’autant plus vrai que, monsieur le ministre,
vous avez vous-même déclaré devant notre assemblée, le 21 mars dernier,
que « le débat sur la politique de la ville est fondamental pour notre
société. Son enjeu excède largement le seul sort des quartiers en
difficulté. Tout d’abord, il nous interroge sur l’idée que nous devons
nous faire de la ville de demain, de sa construction, de son
organisation fonctionnelle et sociale, et des liens qu’elle doit
organiser avec son territoire. Ensuite, il met également en lumière le
défi que nous devons collectivement relever, le défi de la cohésion
sociale et territoriale. Enfin, il doit aussi permettre de réfléchir sur
l’architecture, l’urbanisme et, bien entendu, les outils nécessaires à
la transformation écologique de nos villes. »
Vous poursuiviez
ainsi, monsieur le ministre : « Mais la politique de la ville est aussi
une méthodologie de l’action publique. C’est en fait la seule politique
partenariale et contractuelle, qui démontre au quotidien que le
décloisonnement des pratiques et l’échange d’expériences sont des
facteurs d’efficacité au service des habitants. C’est également
certainement la seule politique publique qui pense le citoyen dans sa
globalité, dans toutes les dimensions de sa vie quotidienne, qu’il
s’agisse de santé, de sécurité, de logement, d’éducation, de formation,
de culture ou d’emploi. »
Je suis d’accord avec tout cela, monsieur
le ministre ! Ne pensez-vous pas, mes chers collègues, que les idées
exprimées par ces propos méritaient mieux qu’un texte examiné dans
l’urgence, sans retour possible en commission ? Mieux qu’un texte dont
l’examen a été décalé deux fois en une semaine, pour être examiné en
catimini un vendredi ?
Compte tenu des enjeux de la politique de la
ville et de son impact pour les élus et, surtout, pour nos concitoyens,
il est bien dommage que vous ne laissiez pas aux députés le temps de
débattre tranquillement, pendant plusieurs jours, de votre texte et des
amendements déposés.
M. Daniel Goldberg. Mais si, nous avons tout le temps : vendredi, samedi, et dimanche !
M. Martial Saddier. Je vous confirme qu’aujourd’hui, j’ai tout mon temps !
Une telle
précipitation nous laisse penser que malgré les multiples annonces du
Gouvernement, la politique de la ville n’est absolument pas une de ses
priorités. Plus posément, je suis persuadé que ce texte est loin d’être
abouti, et mérite autre chose que l’urgence. Nous voyons depuis une
semaine que de nombreux collègues partagent cet avis.
M. Jean-Marc Germain. Venez-en au fait ! Vous nous ennuyez !
M. Martial Saddier. Mes chers collègues, voilà la première raison justifiant le vote de
cette motion de renvoi en commission, pour que nous cessions
immédiatement nos travaux dans cet hémicycle et que nous poursuivions le
travail dont ce texte a besoin en commission des affaires
économiques.
Le calendrier parlementaire n’est pas propice à une
parfaite analyse de ce projet de loi.
M. Jean-Marc Germain. Vous êtes lent : c’est sans doute pour cela que vous n’avez rien fait pendant dix ans !
M. Martial Saddier. Nos réunions de travail ont aussi laissé subsister de nombreuses interrogations, de nombreuses incertitudes, à propos de deux points centraux du texte : la nouvelle géographie prioritaire de la politique de la ville et la conclusion des contrats de ville. Malgré nos inquiétudes – sur lesquelles je reviendrai par la suite – mes collègues du groupe UMP et moi avons pu constater que le projet de loi de programmation pour la ville et la cohésion urbaine comportait certains points positifs. Je vous remercie d’abord, monsieur le rapporteur pour avis de la commission du développement durable, d’avoir accepté de rectifier un de vos amendements en réponse à l’une de nos demandes. C’est la preuve que nous avons travaillé, monsieur le rapporteur.
M. Alexis Bachelay. Quel effort ! Bravo !
M. Marc Goua. Vous avez travaillé, mais avec parcimonie !
M. Martial Saddier. La qualité de l’air intérieur a ainsi été introduite parmi les
objectifs de la rénovation des bâtiments des quartiers prioritaires.
Cela signifie, monsieur le ministre, que vous pouvez accepter de faire
de votre projet de loi le laboratoire de la qualité de l’air intérieur
dans notre pays. Vous savez que c’est important, car nous sommes en
contentieux avec l’Union européenne sur la qualité de l’air extérieur.
Ces enjeux sont extrêmement importants : je vous le dis en tant que
président du Conseil national de l’air. Nous considérons donc qu’il
s’agit là d’une avancée importante.
Autre point : l’article 2
propose de prolonger de deux ans, jusqu’à fin 2015, le programme
national de rénovation urbaine pour la période 2004-2013 institué par la
loi du 1eraoût 2003. C’est la preuve, s’il en était
besoin, qu’il n’est pas nécessaire de remettre en cause systématiquement
ce que les précédentes majorités ont fait ! Ce PNRU a déjà permis
d’engager la restructuration de près de 600 quartiers sensibles. Il
représente environ 27 000 opérations de logement, d’aménagement,
d’équipement, de financement de l’ingénierie, de l’habitat privé et
d’espaces commerciaux. Les zones franches sont tout particulièrement
importantes ; je sais que mon collègue Arnaud Richard y reviendra. Grâce
à ces zones franches, il y a vraiment eu des avancées significatives
dans les quartiers les plus défavorisés.
En plus de la prolongation
d’un dispositif que nous avions mis en place, nous sommes heureux de
constater qu’un nouveau programme, qui s’intitulera « programme national
de renouvellement urbain » sera lancé pour la période 2014-2024. Il
s’agit, certes, d’un changement de dénomination, mais pas d’un
changement de caractéristiques. Celles de ce programme sont identiques à
celles que nous avons prévues en 2004. Voilà encore une belle preuve de
l’efficacité de notre dispositif. Je crois que cela justifierait qu’on
nous laisse travailler un peu plus en commission.
Nous avions
consacré 45 milliards d’euros aux investissements du PNRU, dont
12 milliards provenant de l’ANRU. L’étude d’impact de ce projet évalue
les investissements nécessaires pour votre programme national de
renouvellement urbain à 20 milliards d’euros seulement. C’est
inquiétant ! Les enjeux et les attentes de nos concitoyens en matière de
politique de la ville sont de plus en plus importants. Le premier PNRU a
été plébiscité par les élus. Quels seront donc, en réalité, les moyens
financiers que vous utiliserez pour parvenir à transformer les quartiers
les plus fragiles ? L’enveloppe que vous proposez est inférieure à la
moitié de celle du PNRU actuel ! Il y aura moins de quartiers éligibles,
soi-disant pour que les moyens soient plus concentrés. Nous voyons bien
cependant que, in fine, ce projet de loi aboutira à
une diminution drastique des moyens financiers alloués par l’État, par
le Gouvernement, à la politique de la ville. Voilà une autre question
qui mériterait d’être examinée à nouveau en commission des affaires
économiques.
Mes collègues du groupe UMP et moi nous posons
également, depuis le début des travaux parlementaires sur ce projet,
beaucoup de questions sur la réforme de la géographie prioritaire de la
ville. Il est indéniablement nécessaire de rationaliser et simplifier le
mille-feuille des zonages actuels – il y a, à l’heure actuelle, 751
zones urbaines sensibles, 416 zones de redynamisation urbaine et 497
contrats urbains de cohésion sociale – et de le réorganiser autour d’une
seule notion. Cependant nous souhaitons vivement approfondir cette
notion. Je suis convaincu que seul le renvoi de ce texte en commission
des affaires économiques nous permettrait d’obtenir davantage
d’informations, afin de mieux cerner l’impact de cette évolution,
monsieur le ministre.
Permettez-moi de revenir sur la suppression de
ces fameuses zones franches.
Quid de l’impact de cette
décision sur les territoires concernés ?
M. François Lamy, ministre délégué. Vous aviez déjà pris cette décision. C’est vous qui avez décidé de supprimer les zones franches !
M. Martial Saddier. L’article 4 donne une définition peu claire et succincte des nouveaux « quartiers prioritaires de la politique de la ville », qui remplaceront les zonages existants. Un quartier prioritaire sera défini par un nombre minimal d’habitants et par un écart de développement économique et social apprécié selon un critère de revenu des habitants. Aucune autre indication ne figure dans le projet de loi, ni dans l’étude d’impact. Ce n’est que trois jours avant l’examen de ce texte par notre Assemblée que nous avons enfin pris connaissance des détails de la méthodologie qui sera retenue, grâce à un entretien accordé par M. le ministre au Journal du Dimanche ! C’est une étrange manière d’informer les parlementaires.
M. Dominique Baert, rapporteur pour avis. Chirac avait bien annoncé sa candidature dans la presse quotidienne régionale !
M. Martial Saddier. De surcroît, ces éléments sont communiqués tardivement, alors que ce volet du projet de loi suscite déjà de vives interrogations.
M. Jean-Marc Germain. Fallait lire les rapports !
M. Martial Saddier. Je sais que cela a aussi suscité beaucoup d’interrogations parmi les
députés de la majorité, même s’ils sont sages et disciplinés ce
matin !
D’après les éléments dont nous disposons, le seuil retenu
pour le critère de revenu devrait être de 60 % du revenu fiscal médian
de référence, soit 11 250 euros.
M. François Lamy, ministre délégué. Je vous l’ai expliqué lors de la réunion au ministère de la ville !
M. Martial Saddier. Oui, mais nous n’avons que cet élément : c’est un peu court ! En effet, comme je l’ai dit, je l’ai appris le 11 juin, mais vous conviendrez que c’est un peu court pour expliquer l’ensemble d’un projet de loi sur la politique de la ville qui définit un programme sur une période allant de 2014 à 2020.
M. Jean-Marc Germain. L’Assemblée nationale légifère en fixant les principes, monsieur le député, pas les détails !
M. Martial Saddier. Avec cette nouvelle grille de calcul, toutes les zones concernées
actuellement par la politique de la ville seront réévaluées, et de
nouveaux quartiers seront définis comme prioritaires. On nous dit que la
liste des zones relevant de la politique de la ville devrait compter
seulement 1 300 quartiers, contre 2 500 aujourd’hui.
Quid des quartiers qui
disparaîtront ainsi de la géographie prioritaire ? L’opposition a
beaucoup insisté, lors des travaux en commission, pour que ces quartiers
soient pris en compte, ce qui n’est pas le cas actuellement. Quelle
politique allez-vous conduire à leur égard ? Allez-vous leur proposer
des dispositifs transitoires ? Si oui, pendant combien de temps ? C’est
là encore un problème fondamental, qui justifie que nous recommencions
nos travaux en commission. Je vois M. Brottes sourire : c’est qu’il
acquiesce ! (Sourires.)
En appliquant la règle
mathématique que vous avez présentée au Journal du
dimanche, vous devriez être enfin en mesure de nous
présenter aujourd’hui une liste claire des quartiers concernés par la
nouvelle géographie prioritaire, cette fameuse liste…
M. François Lamy, ministre délégué. J’ai apporté celle de 2009…
M. Martial Saddier. C’est cela, monsieur le ministre, lâchez-vous : présentez donc la
liste de 2009 ! Mais si vous voulez être crédible et transparent,
présentez aussi la liste de cette année ! Dites-nous quels quartiers ne
seront plus éligibles à la politique de la ville, et quels quartiers le
deviendront : nous n’attendons que cela !
Je vous réitère ici ma
demande solennelle, déjà formulée en commission du développement durable
et de l’aménagement du territoire, puis en commission des affaires
économique : pouvez-vous, monsieur le ministre, nous communiquer cette
fameuse liste ?
Pouvez-vous nous donner la liste des quartiers des
territoires qui seront concernés ? Pour pouvoir poursuivre sereinement
et en toute clarté nos débats en séance publique, notre assemblée a
besoin d’être éclairée, mes chers collègues.
M. Jean-Marc Germain. Vous connaissez déjà les critères !
M. Martial Saddier. Nous avons besoin de transparence sur ce texte. Vous n’avez cessé, en
commission des affaires économiques, de nous inviter à la transparence
vis-à-vis de nos concitoyens, et je suis d’accord avec vous. Mais cette
transparence vaut également pour la représentation nationale.
Nous
avons besoin d’ici à ce soir, monsieur le ministre, de connaître la
liste des quartiers éligibles et celle des quartiers qui feront l’objet
d’un dispositif d’accompagnement sur plusieurs années pour sortir de la
politique de la ville.
Avec mes collègues du groupe UMP, nous savons
pertinemment que le renvoi de la communication de cette liste après les
élections municipales n’est qu’une pure manœuvre politicienne.
M. François Lamy, ministre délégué. Moi, faire des manœuvres politiciennes ?
M. Martial Saddier. Toutefois, comment voulez-vous approfondir le débat, alors que nous n’avons aucune visibilité quant aux quartiers qui pourraient être concernés par cette nouvelle géographie prioritaire, ou ne plus l’être ?
M. Jean-Marc Germain. Vous êtes obsédés par cette question !
M. Martial Saddier. Vous l’avez compris, monsieur le ministre, pendant toute la journée
et toute la durée de nos travaux, le groupe UMP vous demandera de nous
donner la liste ! Et je pense que nos amis sénateurs auront le même
réflexe.
Vous ne pouvez pas décréter l’urgence et refuser de
renvoyer le texte en commission, tout en disant que la liste ne sera
dévoilée qu’au mois d’avril, mai ou juin – je n’en sais rien.
M. Jean-Marc Germain. C’est la noblesse du Parlement que de légiférer sur des principes !
M. Martial Saddier. Si nous poursuivons nos travaux et si le texte est voté tel quel, le
Gouvernement aura une marge de manœuvre particulièrement large, et nous
ne savons absolument pas à quoi nous attendre.
Monsieur le ministre,
des milliers d’élus, des milliers de maires, des millions de nos
concitoyens nous suivent en ce moment sur internet. Ils ne demandent
qu’une chose : connaître la liste des quartiers éligibles et ceux qui ne
le seront plus. (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)
Plusieurs députés du groupe SRC. Allons !
M. Martial Saddier. J’ai bien peur que nous soyons une nouvelle fois, quelle que soit la place que nous occupons au sein de cet hémicycle, désagréablement surpris lorsque cette fameuse liste nous sera communiquée.
M. Jean-Marc Germain. Ce n’est pas un renvoi en commission, mais un renvoi au ministère, que vous demandez !
M. Martial Saddier. Je vous en conjure donc, mes chers collègues, nous devons cesser nos travaux tant que le Gouvernement ne fera pas acte de transparence concernant la liste des quartiers concernés.
M. Philippe Bies, rapporteur pour avis. À bientôt !
M. Martial Saddier. Mes chers collègues, votez ce renvoi en commission.
M. Alexis Bachelay. Vous êtes à côté de la plaque !
M. Martial Saddier. Interrogez-vous également sur l’utilité de nos débats et de nos travaux, alors que nous n’avons et n’aurons sans doute aucune information précise – même si j’ai encore l’espoir de l’obtenir d’ici à cette nuit – sur les nouveaux quartiers prioritaires.
M. Alexis Bachelay. D’ici à dimanche !
M. Martial Saddier. Autant signer tout de suite un blanc-seing au Gouvernement en matière
d’aménagement du territoire et de politique de la ville.
Devant ces
incertitudes et ce flou qui entourent le devenir des quartiers qui vont
sortir de la géographie prioritaire et l’accompagnement dont vont
bénéficier les élus, nous devons reprendre nos travaux au sein de nos
différentes commissions.
Par ailleurs, qu’en est-il de la
transversalité qui est l’apanage d’une bonne politique de la ville ? Si
des avancées ont pu être obtenues lors de nos travaux en commission,
avec la prise en compte du développement économique et de la création
d’emplois au cœur de la politique de la ville, il manque toujours une
vision transversale avec les autres politiques menées par votre
Gouvernement.
M. Philippe Bies, rapporteur pour avis. Vous n’avez rien compris !
M. Martial Saddier. Le projet de loi de programmation pour la ville et la cohésion urbaine mériterait donc d’être retravaillé en commission. Comment va-t-il s’articuler avec les programmes de réussite éducative du ministère de l’éducation nationale, notamment avec la refonte des rythmes scolaires, que les inspecteurs nous demandent d’organiser dans les prochaines semaines ? (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)
M. François Lamy, ministre délégué. Cela n’a rien à voir !
M. Philippe Bies, rapporteur pour avis. C’est vous qui devez retourner sur les bancs de l’école !
M. Alexis Bachelay. C’est un cavalier !
M. Martial Saddier. Comment ce projet va-t-il s’articuler avec les zones de sécurité
prioritaire mises en œuvre par le ministère de l’intérieur, et qui sont
choisies de manière aléatoire ? Comment va-t-il s’articuler avec les
zonages prévus dans le projet de loi de Cécile Duflot ? Sur ce sujet
également, les préfets nous sollicitent en nous demandant des avis. Cela
mériterait un peu plus de cohérence et de transversalité, monsieur le
ministre.
J’en viens aux outils de concertation qui sont introduits
dans ce projet de loi. Nous sommes favorables à la concertation, tout
d’abord parce que c’est une pratique déjà utilisée par les maires. On
peut toujours améliorer les outils de concertation, mais nous avons
refusé en commission de stigmatiser les maires de France, en prétendant
qu’ils n’ont jamais mené de concertation sur la politique de la
ville.
La création des conseils de citoyens a débouché sur de vifs
et intenses débats en commission des affaires économiques, tant sur la
terminologie employée que sur la nécessité réelle de créer de telles
structures. S’il est vrai que la concertation doit sans doute être
améliorée, il ne faudrait pas pénaliser les élus qui font déjà un grand
travail auprès de nos citoyens.
Il ne faudrait pas non plus que
cette nouvelle structure se superpose à celles qui existent déjà dans un
certain nombre de quartiers, surtout si leur fonctionnement s’est avéré
opérant – mais nous sommes d’accord qu’il faut en mettre en place
lorsqu’il n’y en a pas.
Je vous le disais déjà en commission des
affaires économiques, il est impératif que le texte ménage de la
souplesse, monsieur le ministre, et surtout qu’un équilibre soit trouvé
entre la nécessité de la concertation et le souci de ne pas alourdir les
procédures.
Par exemple, quand vous superposez un conseil de
quartier à un conseil de citoyen, à un conseil municipal et à un conseil
intercommunal…
M. François Lamy, ministre délégué. Quelle horreur ! (Sourires.)
M. Martial Saddier. …on a vraiment l’impression que, la main sur le cœur, vous souhaitez donner la parole à nos concitoyens,…
M. Christian Assaf. Cela vous fait peur !
M. Martial Saddier. …mais, d’un autre côté, vous leur mettez dans les pattes deux
structures dans le même quartier, dont vous rêvez qu’elles s’annulent
– je le pense, sans oser le dire – pour pouvoir continuer à faire ce que
vous souhaitez faire.(Exclamations sur les bancs du groupe
SRC.)
M. Philippe Bies, rapporteur pour avis. C’est petit !
M. Martial Saddier. Cela n’est pas notre vision. Nous souhaitons, nous, donner la parole à nos concitoyens. Monsieur le ministre, faites preuve de souplesse et ne cassez pas ce qui fonctionne.
M. Jérôme Guedj. Il n’est que souplesse !
M. Martial Saddier. À titre d’exemple, j’ai personnellement déjà réhabilité trois
quartiers, qui n’ont pas été éligibles à l’ANRU – on ne me fera donc
aucun procès politique. Je délibère lundi soir sur la réhabilitation du
quatrième. Tout au long de la mise en œuvre de la réhabilitation de ces
quartiers, nous avons associé les habitants en organisant plus d’une
dizaine de réunions, dans le cadre desquelles chaque habitant était
invité à exprimer ses attentes, que nous avons écoutées.
J’ajoute
que, lorsque la rénovation intérieure avait un impact sur le loyer, les
habitants ont été amenés à voter. Les bailleurs sociaux ont demandé un
avis. Ces dispositions sont donc déjà dans la loi. Par ailleurs, je
rappelle qu’on ne peut pas démolir un quartier sans que le préfet signe
et donne son accord.
Donc, soit les préfets ne font pas leur
travail, soit ils s’assurent quand même d’informer les habitants. En
commission des affaires économiques, on a osé nous faire croire qu’on
avait démoli des immeubles sans tenir les gens au courant.
M. François Pupponi, rapporteur. C’est vrai !
M. Martial Saddier. Il faut peut-être améliorer la concertation, mais oser dire qu’on a
démoli des quartiers sans tenir les habitants au courant, excusez-moi,
c’est déraisonnable !
Il existe donc bien des maires qui savent
placer leurs habitants au cœur de la concertation.
Par ailleurs, et
je m’exprime là au nom des commissaires au développement
durable,…
M. Philippe Bies, rapporteur pour avis. C’est à moi de m’exprimer au nom des commissaires au développement durable !
M. Martial Saddier. …nous avons été étonnés de n’avoir pas pu davantage approfondir la
question de la participation des habitants, sous prétexte qu’un
amendement du Gouvernement allait être présenté sur ce sujet, le
lendemain, en commission des affaires économiques. Quel manque de
concertation !
Je vais faire un clin d’œil au rapporteur de la
commission du développement durable, que j’apprécie, mais qui n’a pas
été très agréable avec moi toute à l’heure.
M. Dominique Baert, rapporteur pour avis. C’est l’amour vache !
M. Martial Saddier. D’habitude, c’est le président Brottes, mais je pense que sa réponse sera de même nature !
M. Jean-Marc Germain. Il faut dire qu’avec votre finesse…
M. Martial Saddier. Je voudrais lui rappeler amicalement que le Gouvernement n’avait pas
présenté d’amendements en commission du développement durable, le
mercredi matin. On nous a dit qu’ils seraient discutés le lendemain, en
commission des affaires économiques. Ces derniers, qui, comme celui sur
l’intercommunalité, modifient quand même le cœur du projet, n’ont pas
été présentés en commission du développement durable et de l’aménagement
du territoire.
Nous avons donc poursuivi le travail en deuxième
séance de la commission des affaires économiques. On ne peut d’ailleurs
pas me reprocher mon travail en commission, car je suis beaucoup
intervenu dans le cadre du débat sur l’intercommunalité, et il semble
que je n’ai pas posé que de questions stupides.
M. François Brottes, président de la commission des affaires économiques. Pas toutes… (Sourires.)
M. Jean-Marc Germain. Nous sommes polis !
M. Martial Saddier. Après trois ou quatre heures de discussion, le ministre, ainsi
qu’Arnaud Richard, reconnaît avec bon sens que cela pose un problème :
le ministre retire donc les amendements du Gouvernement pour les
représenter en séance.
Avouez donc que nous allons étudier
aujourd’hui le cœur du projet concernant la politique de la ville,
notamment le rôle des maires et des intercommunalités, sans que les
amendements du Gouvernement n’aient été étudiés en commission. Si ce
n’est pas une raison de renvoyer le texte en commission, décidément, je
ne comprends plus rien au fonctionnement de notre institution !
M. Christian Assaf. Je suis d’accord avec vous sur ce point ! (Sourires.)
M. Martial Saddier. Remplaçants des contrats urbains de cohésion nationale, les contrats de villes seront conclus entre l’État et les collectivités territoriales et constitueront le cadre local de mise en œuvre de la politique de la ville. Si je suis, avec mes collègues du groupe UMP, favorable à un renforcement de l’intercommunalité en matière de politique de la ville, nous n’avons toujours pas compris – et espérons obtenir aujourd’hui des éclaircissements – le partage des compétences entre le maire et le l’EPCI.
M. François Brottes, président de la commission des affaires économiques. La motion est censée durer trois heures, monsieur le président ?
M. Philippe Bies, rapporteur pour avis. C’est long !
M. Martial Saddier. Les élus ont besoin de souplesse et il est impératif de leur laisser
le libre choix, en raison des considérations locales, du niveau de
collectivités le plus à même de contracter avec l’État. Selon les
spécificités des territoires, si le texte de loi est ambigu sur le
partage des rôles entre la commune et l’intercommunalité, sa mise en
œuvre entraînera inévitablement des situations qui seraient d’un point
de vue juridique particulièrement complexes, et impossibles à mettre en
œuvre sur le terrain.
Un risque de blocage de certaines initiatives
communales est fort probable, lorsque l’intercommunalité refuse la
signature d’un contrat de ville, alors que les élus communaux souhaitent
en bénéficier, car un ou plusieurs quartiers seraient, à travers la
méthode du carroyage, éventuellement éligibles.
Bien que
l’amendement du rapporteur prévoyant une sanction applicable aux EPCI
non-signataires ait été adopté, il ne répond cependant pas à tous les
cas de figures que nous pourrons rencontrer. Il ne prend en compte, en
effet, que le cas des EPCI ayant sur leur territoire un ou plusieurs
quartiers prioritaires.
Qu’en est-il donc des quartiers qui sortent
de la nouvelle géographie prioritaire et qui peuvent également utiliser
ce nouvel outil de contractualisation ? Sur ce sujet également, les
1 500 quartiers qui vont sortir de la politique de la ville
mériteraient, à eux seuls, qu’on leur consacre une séance de la
commission des affaires économiques. Qu’en est-il, monsieur le ministre,
de ces quartiers « sortants », dont je tiens à repréciser que nous ne
connaissons toujours pas la liste ?
M. François Lamy, ministre délégué. Cela bien relève du TOC !
M. Martial Saddier. Sur ce point, aucune réponse ne nous a, pour l’heure, été apportée.
Il est donc impératif, si nous voulons éviter tout blocage dans la
pratique, que nous poursuivions tout d’abord nos travaux en commission
des affaires économiques avant de revenir dans cet hémicycle.
Par
ailleurs, il n’est selon nous pas opportun de programmer la conclusion
des contrats de ville et l’actualisation de la liste des quartiers
prioritaires de la politique de la ville en fonction des échéances
municipales. C’est bien cela le fond du problème : vous présentez en
catimini le texte dans l’hémicycle, et vous dévoilerez la liste après
les élections municipales.
M. Marc Goua. En catimini, non !
M. Martial Saddier. Ce sont sûrement les députés et sénateurs socialistes cumulards – qui
votent dans nos hémicycles contre le cumul, mais qui veulent se
représenter aux élections municipales – qui ne veulent absolument pas
que la liste soit publiée avant les élections.
Chaque collectivité
devrait pouvoir déterminer à quel moment il est pertinent pour elle de
signer un contrat de ville en tenant compte des considérations locales
et des objectifs de ce contrat, plutôt que d’éventuelles considérations
politiciennes liées aux échéances électorales. Ces considérations ne
devraient pas interagir avec la mise en œuvre de la politique de la
ville.
Pensez aux maires, monsieur le ministre et mes chers
collègues ! La main sur le cœur, vous nous dites que cela doit
correspondre au mandat 2014-2020. Mais, appliquez vos propres
principes ! Nous sommes en train de préparer les budgets municipaux pour
2014 ; si vous voulez que les maires de France s’adaptent aux nouveaux
critères d’éligibilité, il faut les leur donner maintenant, afin qu’ils
les intègrent dans le budget 2014. (Exclamations sur les bancs
du groupe SRC.)
M. François Lamy, ministre délégué. Vous n’avez pas lu la loi !
M. Dominique Baert, rapporteur pour avis. Ne mélangez pas les dates !
M. Martial Saddier. Ils seraient ainsi en mesure de mettre en œuvre la politique
d’éligibilité ou non des quartiers à la politique la ville dès la
première année de mandat ! À défaut, cela va être pénalisant pour
eux.
Monsieur le ministre, je vous le dis avec le cœur : nous sommes
en train de préparer les budgets 2014 et avons besoin de savoir si nous
devons conforter l’action de l’État car nous sommes éligibles, ou si
nous devons palier le retrait de l’État.
M. Alexis Bachelay. Vous n’y arriverez pas avec cet argument !
M. Martial Saddier. Manque de transparence dans la détermination des nouveaux quartiers prioritaires de la politique de la ville – car vous ne voulez pas nous donner la liste –, absence de transversalité entre les différentes politiques du Gouvernement,…
M. François Lamy, ministre délégué. Vous ne manquez pas de mauvaise foi !
M. Martial Saddier. …flou qui entoure la conclusion des contrats de ville, risque d’un
alourdissement et d’une complexification des procédures de concertation,
alors que nous souhaitons tous sincèrement le contraire.
Voilà
toutes les raisons pour lesquelles, je vous invite, sans ambiguïté, à
renvoyer nos travaux en commission. Nous pouvons rester disponibles
jusqu’à dimanche, pour travailler le texte ce week-end en commission et
revenir l’examiner lundi ou mardi dans l’hémicycle.
(Exclamations sur les bancs du groupe
SRC.)
M. Jean-Marc Germain. Nous ne travaillerons pas le dimanche !
M. Martial Saddier. Je m’engage à rester là dimanche, avec mes collègues Valérie Lacroute, Jean-Marie Tetard, et Arnaud Richard…
M. Dominique Baert, rapporteur pour avis. Avec Jean-Louis Borloo ?
M. Martial Saddier. …pour travailler en commission et améliorer le texte de la politique de la ville.
M. Dominique Baert, rapporteur pour avis. Cela irait plus vite de compter les présents !
M. Jean-Marc Germain. On est assez nombreux pour travailler !
M. Martial Saddier. Je pense que notre démonstration est implacable et je vous invite à voter cette motion de renvoi en commission, qui permettra ainsi un meilleur examen du texte, une clarification des zones d’ombre qui l’entourent, et une divulgation par le ministre de la fameuse liste, dont nous avons absolument besoin. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)
M. Jean-Marc Germain. Déjà qu’à vingt vous n’arrivez pas à suivre, à trois, on ne va pas y arriver !
M. le président. La parole est à M. le président de la commission des affaires économiques.
M. François Brottes, président de la commission des affaires
économiques. Monsieur le président, mes chers collègues, monsieur Saddier, c’est
un grand jour pour vous. Vous rentrez dans l’histoire de cette maison :
on vous appellera désormais « le catimini du vendredi ».
Il ne vous
a pas échappé que catimini signifie : « manière d’agir secrète et
mystérieuse. » Pourtant, vous nous disiez que des millions de personnes
nous suivaient sur internet et attendaient un certain nombre de
réponses. Il est légitime que vous posiez ces questions, mais il est
contradictoire de dire que des millions de personnes nous suivent et que
nous légiférons en catimini. Cette contradiction dans vos propos ne vous
aura pas échappé.
Je note aussi que vous avez un problème avec les
jours de la semaine. Vous êtes pour le travail le dimanche pour tous,
contre les cinq jours à l’école, et contre le travail le vendredi à
l’Assemblée nationale. Il faut quand même que vous revoyiez un peu vos
tablettes. (Applaudissements sur les bancs du groupe
SRC.)
M. Martial Saddier. J’ai parlé des rythmes scolaires ! Mais essayez quand même de parler du texte !
M. François Brottes, président de la commission des affaires
économiques. Je reviens très sérieusement sur le choix du vendredi : le congrès
des maires s’est terminé hier, examiner aujourd’hui ce texte dans
l’hémicycle permet donc à tous les maires effectivement intéressés par
ces questions de suivre nos travaux, ce qu’ils n’auraient pas pu faire
hier, alors qu’ils étaient en congrès. Cela aurait donc été
irrespectueux de notre part.
Notez cette intention, car elle est non
seulement louable,…
M. Jean-Marie Tetart. C’est un peu fort !
M. François Brottes, président de la commission des affaires économiques. …mais elle nous permet également d’être transparents, comme vous le souhaitez, à l’égard de tous les maires qui attendent avec impatience cette politique de la ville. Je voulais vous préciser ce calendrier, avec lequel j’ai bien compris que vous aviez un petit problème.
M. François Lamy, ministre délégué. Il n’a que des problèmes, en fait !
M. François Brottes, président de la commission des affaires économiques. Par ailleurs, vous avez été à mi-temps en commission du développement durable et à mi-temps en commission des affaires économiques, ce qui fait un plein-temps, je vous l’accorde.
M. Martial Saddier. Je n’ai pas été à mi-temps en commission du développement durable !
M. François Brottes, président de la commission des affaires
économiques. Je ne vous reprocherai pas du tout votre manque de participation,
puisque vous avez été présent.
Mais je veux vous rappeler que la
commission des finances, celle du développement durable et celle des
affaires économiques ont travaillé en tout seize heures sur ce texte, un
temps tout de même significatif vu le nombre d’articles.
M. Martial Saddier. Sans avoir examiné les amendements du Gouvernement !
M. François Brottes, président de la commission des affaires
économiques. S’agissant des amendements, sur les 194 amendements déposés,
soixante-treize ont été acceptés, et puis quarante-neuf autres tout à
l’heure lors de l’examen au titre de l’article 88. Cela veut dire que la
contribution des députés a été abondante et le travail en commission
réel – vous en avez été témoin, ne soyez pas de mauvaise foi. Je vous
rappelle qu’à plusieurs moments nous avons même suspendu nos travaux
parce que nous avions besoin de mener la concertation encore plus avant
au sein des différents groupes. Le travail en commission a donc été
exceptionnellement important. C’est la raison pour laquelle je ne vois
pas du tout l’intérêt de le recommencer.
Ce projet de loi est un
grand texte parce qu’il pose le mot respect en lettres de lumière à
l’entrée des quartiers en posant comme principes le droit à l’attention,
le droit à la dignité, le droit à la considération. Que cette politique
de la ville renvoie ces quartiers à de réelles perspectives d’avenir est
vraiment l’objectif que nous poursuivons et je vous remercie, monsieur
le ministre, d’avoir tenu, dans le cadre d’une très large concertation
que vous avez soulignée, à entraîner tout le monde pour y parvenir.
Leurs habitants le méritent bien.
La co-construction avec les
habitants, qui a fait l’objet d’un long débat en commission, sera
certainement la clef du succès de l’adhésion au projet commun et à sa
réussite : sans co-construction, sans adhésion, aucun projet ne pourra
réussir.
Monsieur le ministre, il y a un très beau portrait de vous
dans un grand journal du matin – ce matin, c’était « Lamy et les
croissants » – avec un très joli texte sur votre histoire, sur votre
implication dans les quartiers, une implication de longue date et
soulignée à juste titre. Cela montre que ceux qui font de la politique à
haut niveau ne viennent pas de nulle part, ce que je tiens à souligner
car on leur reproche parfois de ne pas être issus du terrain. Les choix
du Gouvernement nous honorent car ils sont porteurs non seulement de
symboles mais aussi de la réalité de l’implication des personnes qui
incarnent les politiques de la ville. Le titre du portrait que vous
consacre Libération, « Marche à l’ombre », est une
façon de rappeler que si vous marchez à l’ombre, vous mettez en lumière
les quartiers, ce que je trouve formidable. Je me souviens d’un slogan
que j’ai vu écrit sur un mur à Montréal : « Tous ceux qui y rentrent
s’en sortent ». Il pourrait être le titre de votre projet de
loi.
Chers collègues, vous l’aurez compris, je ne vois pas du tout
l’intérêt de voter cette motion de renvoi en commission.
(Applaudissements sur les bancs du groupe
SRC.)
M. Martial Saddier. Aucune réponse sur le fond !
M. le président. La parole est à M. le ministre délégué.
M. François Lamy, ministre délégué. Monsieur le président de la commission des affaires économiques, je vous remercie pour cet hommage. Quant à M. Saddier, il me semble que ses propos s’apparentent à un TOC puisqu’il revient sans cesse sur la même question.
M. Martial Saddier. Je me soigne !
M. Philippe Bies, rapporteur pour avis. Ça n’a pas l’air efficace !
M. François Lamy, ministre délégué. Si je peux participer à votre guérison, je vais m’y efforcer
maintenant. (Sourires.)
S’agissant de l’examen
du texte en urgence, vous avez vous-même souligné, monsieur Saddier, que
ce texte a fait l’objet d’une très longue concertation en
amont,…
M. Dominique Baert, rapporteur pour avis. Oui ! Il l’a reconnu lui-même !
M. François Lamy, ministre délégué. …engagée depuis le mois d’octobre 2012 avec les maires, les
parlementaires, le monde associatif, les professionnels de la politique
de la ville, les acteurs économiques. Il a fait l’objet d’un millier de
cahiers d’observations rédigés par les acteurs, qui ont tous été
analysés, et un tel travail a permis que se tienne une réunion à
laquelle ont été invités tous les parlementaires en juin dernier. Vous
avez alors eu le mode d’emploi, j’ai même illustré la question du
critère unique par un exemple. Ainsi, pour ce qui concerne la future
carte de la géographie prioritaire, dès le 11 juin au soir, tout était
clair, vous ne deviez plus avoir de problèmes pour comprendre le
mécanisme.
De plus, vous savez qu’énormément de textes attendent de
passer au Parlement, et le Gouvernement a choisi la procédure accélérée
parce qu’il a estimé que le gros du travail avait déjà été entrepris
depuis plusieurs mois et qu’il était important de le voter avant les
élections municipales. Il est important qu’au sortir de ces élections,
les maires et les présidents d’intercommunalités puissent tout de suite
engager la dynamique en établissant un diagnostic de territoire…
M. Martial Saddier. Mais les budgets sont déjà votés !
M. François Lamy, ministre délégué. …de façon à pouvoir signer un contrat de ville le plus tôt possible
pour pouvoir mettre en œuvre les actions à déterminer dans le projet de
territoire. Il faut donc que le projet de loi soit promulgué
avant.
Quant à la composition de la liste des quartiers concernés,
je respecte le Parlement : il est entendu que mon ministère a fait des
simulations, mais quel choix pourrais-je faire alors que les
parlementaires n’ont pas encore voté le critère unique ? C’est une
première étape indispensable.
M. Jean-Marc Germain. Pensons à l’intérêt général, pas à toutes nos circonscriptions !
M. François Lamy, ministre délégué. Bien sûr, monsieur Germain. Après la promulgation de la loi, la seconde étape consistera à procéder à des allers et retours indispensables entre les préfets et les élus pour vérifier que les simulations sont bien opérationnelles sur le terrain afin de n’oublier aucun quartier ou morceau de quartier. Par exemple, dans le bassin minier du Pas-de-Calais, il y a des friches, et la technique employée, le carroyage, aboutit à ce qu’une friche importante au milieu d’un quartier en difficulté risque de masquer celui-ci. On a donc besoin de faire ces allers et retours.
M. Martial Saddier. On veut la liste !
M. François Lamy, ministre délégué. Aucun quartier ne sera oublié par la politique de la ville.
Telle
est la méthodologie et la façon dont nous allons travailler pour mettre
en œuvre ce texte, et je l’ai dit en commission. Tout parlementaire,
tout maire, qui souhaite voir des simulations pour son territoire, peut
bien entendu venir au ministère de la ville. Tous ceux qui sont déjà
venus le savent : nous montrons les cartes et commençons à comparer et à
déterminer les difficultés. Vous pouvez dire aux membres de votre groupe
qu’il n’y a aucune difficulté à ce sujet.
En outre, j’ai précisé en
commission que je propose un groupe de suivi paritaire députés et
sénateurs, d’opposition comme de la majorité, qui constate lui-même
l’objectivité et la transparence des allers et retours entre les préfets
et les maires.
J’espère vous avoir rassuré et que nous allons passer
à d’autres sujets importants et pas seulement…
M. Martial Saddier. Le fait du prince !
M. François Lamy, ministre délégué. …résumer ce débat sur le politique de la ville à une question de liste qui n’a pas de raison d’être aujourd’hui. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)
M. le président. Nous en venons aux explications de vote.
La parole est à
Mme Laurence Abeille, pour le groupe écologiste.
Mme Laurence Abeille. Je pense que tout a été dit dans les interventions du président
Brottes et de M. Le ministre. Je ne vois pas bien pourquoi on remettrait
à plus tard l’examen d’un projet de loi dont on sait l’urgence. C’est un
bon texte. Il a été élaboré longuement ; la concertation a eu lieu ;
nous avons reçu le rapport tout à fait intéressant de Mme Bacqué et de
M. Mecmache dont on parlera au cours du débat : tout cela montre combien
il ne faut pas traîner sur un tel sujet.
Je sais bien les
difficultés auxquelles nous sommes confrontés. Ce n’est pas faux de le
rappeler.
M. Martial Saddier. Je vous remercie, ma chère collègue ! Écoutez-la, monsieur le ministre, elle a raison !
Mme Laurence Abeille. Il est souvent compliqué pour les parlementaires de travailler dans de bonnes conditions, nous avons déjà eu l’occasion de le dire, mais nous sommes malgré tout présents aujourd’hui. Des gens nous regardent dans les tribunes, nous ne sommes pas ici en catimini et le vendredi est un jour comme les autres. Je vous invite, mes chers collègues, à ne pas voter cette motion de renvoi en commission et à poursuivre l’examen d’un texte qui me semble essentiel. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)
M. le président. La parole est à M. Thierry Braillard, pour le groupe radical, républicain, démocrate et progressiste.
M. Thierry Braillard. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, je ne sais si c’est parce qu’il a prévu de rester jusqu’à dimanche que M. Saddier a été un peu long.
M. Jean-Marc Germain. Surtout pour ne rien dire !
M. Thierry Braillard. Il est vrai que parler plus de quarante minutes pour, à la fin des
fins, ne demander qu’une liste, montre que les plus longs discours ne
sont pas toujours les plus percutants. On peut d’ailleurs voir l’intérêt
que porte le groupe UMP à un texte essentiel pour l’homogénéité de notre
pays à la présence assidue de ses élus. Je reconnais que je n’ai pas
participé aux travaux de la commission, mais les radicaux de gauche qui
y étaient présents m’ont demandé de louer publiquement le grand esprit
de concertation qui a animé le ministre dans l’élaboration de ce texte
et depuis. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)
Certains disent que le Parlement n’a pas été respecté, mais
mes collègues m’ont dit qu’il y avait eu plusieurs réunions de travail,
des allers-retours, et que les propositions d’amendements ont fait
l’objet d’un grand respect – il est vrai que sous l’autorité du
président Brottes, c’est presque une obligation.
(Sourires.)
Dernier point : vous parlez
sans cesse de liste, monsieur Saddier, mais je peux vous renverser
l’argument car pourquoi la voudriez-vous avant les élections
municipales ? Ne serait-ce pas pour vous en servir comme argument
électoral dans les endroits où vous êtes en difficulté ?
(Exclamations sur les bancs du groupe
UMP.)
Pour
conclure, s’il y a une chose dont on ne peut pas accuser ce texte, c’est
l’absence de volonté de transparence dans la définition de la géographie
prioritaire. Il est fini le temps d’un certain copinage en matière de
politique de la ville – ce que je dis vaut aussi bien pour la droite que
pour la gauche – et on va enfin avoir de la transparence. Ainsi, on ne
discutera plus des critères de la géographie prioritaire.
(Applaudissements sur les bancs du groupe
SRC.)
Mme Laurence Abeille. Très bien !
M. le président. Je rappelle que le temps de parole est de trente minutes pour les motions de procédure en première lecture, et M. Saddier ne les a pas dépassées.
M. Jean-Marc Germain. C’était long quand même !
M. François Lamy, ministre délégué. En effet !
M. le président. La parole est à Mme Jacqueline Maquet, pour le groupe socialiste, républicain et citoyen.
Mme Jacqueline Maquet. Toute la journée de jeudi dernier, nous avons accompli un travail important en commission des affaires économiques, a rappelé le président Brottes, en examinant presque 200 amendements, et certains amendements de fond ont été adoptés.
M. Jean-Luc Laurent. Eh oui !
M. Jean-Marie Tetart. Ça dépend desquels !
Mme Jacqueline Maquet. Le ministre et le rapporteur ont très bien expliqué que ce projet de loi
de programmation pour la ville et la cohésion urbaine traduit les
engagements pris par le Président de la République pendant sa campagne
présidentielle. J’ajoute que ce texte est le fruit d’une large concertation
entre les parlementaires, et j’en profite pour souligner la forte
mobilisation des députés du groupe socialiste mais aussi celle de nombreux
élus locaux, de professionnels de la politique de la ville et d’associations
de représentants d’habitants.
Ce projet de loi, dont l’objectif est de
redéfinir sur une base claire et lisible les territoires sur lesquels la
politique de la ville doit être menée, vise à instaurer un cadre local
d’actions plus efficace et à créer de nouveaux outils pour favoriser la
participation des habitants. Il va pouvoir être discuté et adopté par
L’Assemblée nationale.
Pourquoi le groupe SRC ne votera-t-il pas le
renvoi en commission ? Tout d’abord parce que ce texte met en place une
nouvelle géographie prioritaire se fondant sur un critère unique pour
pouvoir identifier les concentrations de pauvreté sur les territoires. Cette
conjugaison de la simplification et de l’efficacité permettra de raccrocher
à la politique de la ville des territoires urbains et ruraux auparavant
complètement oubliés. Je peux témoigner, étant élue du Pas-de-Calais, qu’il
y avait jusqu’ici, dans le basin minier, des poches pas du tout intégrées à
la politique de la ville alors qu’elles présentent les mêmes difficultés que
les quartiers populaires des grandes agglomérations.
Ce texte instaure
une solidarité nationale à destination des collectivités locales mais
également une solidarité financière entre les territoires, et crée notamment
une dotation de politique de la ville. Il permet l’achèvement du programme
national de rénovation urbaine, qui est prolongé de deux ans, en parallèle à
un nouveau plan de renouvellement urbain. Enfin, il favorise une
mobilisation citoyenne de toutes sortes, que les habitants de ces quartiers
populaires soient informés, consultés, associés mais aussi engagés dans un
processus de co-construction des contrats de ville et des opérations de
renouvellement urbain.
Monsieur Saddier, il y a urgence pour les
habitants des quartiers, il est urgent de voter le texte pour connaître la
liste des quartiers.
Pour toutes ces raisons, le groupe SRC ne votera
pas cette motion de renvoi en commission. (Applaudissements sur
les bancs des groupes SRC,
écologiste et RRDP.)
M. le président. La parole est à M. Jean-Marie Tetart, pour le groupe UMP.
M. Jean-Marie Tetart. Monsieur le ministre, M. Saddier a expliqué, sans dépasser trente
minutes, les objectifs qui sont les nôtres en proposant cette motion de
renvoi en commission.
Vous avez souligné que les concertations
préalables avaient été exhaustives. Ce n’est pas parce qu’elles sont
exhaustives que le produit livré en commission permet un travail de
qualité, et je voudrais souligner simplement trois points.
D’abord,
nous avons passé beaucoup de temps en commission à rendre très bavard
l’alinéa 4 de l’article 1er, phrase de près de 150
mots qui essaient de rendre tous les aspects que viserait une politique
de la ville. C’était bien inutile.
Ensuite, nous avons eu plus que
sur tout autre texte des interrogations qui vous ont fait dire que nous
aurions de nouvelles propositions en séance, ce qui montre aussi le
manque de préparation du texte.
Enfin, il subsiste encore des
articles prévoyant qu’ « il est envisagé d’instituer ». Vous devez, je
crois, apporter des correctifs en séance mais cela ne figure pas dans le
texte tel qu’il résulte des travaux de la commission.
Ce sont des
signes que les travaux n’étaient pas les plus aboutis et, pour ces trois
arguments, sans même reprendre le problème de la liste, nous allons
voter cette motion de renvoi en commission.
M. Martial Saddier. Très bien !
M. le président. La parole est à M. Arnaud Richard, pour le groupe UDI.
M. Arnaud Richard. Le terme de catimini n’est effectivement pas approprié, mieux vaut parler de discrétion. Travailler le vendredi sur un sujet aussi grave et aussi important, selon les propos qui ont été ceux du Président de la République pendant la campagne présidentielle, n’est pas très opportun. Dire que l’un de nos collègues est atteint de TOC, monsieur le ministre, je ne suis pas sûr que ce soit très délicat, cela augure mal de la qualité de nos travaux.
M. François Lamy, ministre délégué. Il ne le prend pas mal !
M. Arnaud Richard. Certes, mais je ne pense pas qu’il ait des troubles de la
personnalité.
En commission, nous avons eu un travail de qualité,
avec tout de même beaucoup de flou sur de nombreux sujets. Je ne
reviendrai pas sur la liste des quartiers. Nous avons bien compris qu’il
y aurait une distinction entre ceux qui seront éligibles et ceux qui
seront élus, il y a donc vraiment un choix subjectif.
Vous nous avez
expliqué que cette géographie prioritaire s’appliquerait en 2015. Par
conséquent, s’il y a urgence pour les quartiers, je vous l’accorde, vous
auriez pu en revanche ne pas déclarer l’urgence pour l’examen de ce
texte.
Il règne un flou certain sur la dotation de la politique de
la ville, la période de transition, la situation actuelle et la
situation de demain, on l’a vu pour les ZSP, l’éducation, la NBI, les
différents types de zonage.
Quid aussi
de ce contrat unique entre l’intercommunalité et la commune ?
Au vu
tout ce flou qui persiste, qui n’a pas été, je crois, levé pendant les
travaux en commission, il nous paraît de bon aloi de retourner
travailler, dans un climat de qualité, je vous l’accorde. Nous voterons
donc cette motion de renvoi en commission. (Applaudissements
sur les bancs du groupe UMP.)
(La motion de renvoi en commission, mise aux voix, n’est pas
adoptée.)
M. le président. Dans la discussion générale, la parole est à Mme Laurence Abeille.
Mme Laurence Abeille. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, le
groupe écologiste se félicite que ce nécessaire projet de loi sur la
politique de la ville et la cohésion urbaine soit examiné aujourd’hui
devant notre Assemblée. Nous partageons pleinement l’esprit de ce texte,
même si nous souhaitons aller plus loin sur certains points, j’y
reviendrai.
Quel est d’abord l’objectif même à assigner à la
politique de la ville ?
Un premier objectif est l’amélioration de la
qualité de vie dans les quartiers. C’est dans cet esprit que j’avais
proposé en commission du développement durable de modifier le titre de
la loi. Parler de cohésion urbaine me semble trop technocratique et trop
éloigné des préoccupations directes des habitants. Intégrer l’idée de
bien-vivre dans les quartiers dans le titre aurait été préférable. Cela
peut sembler anecdotique, mais les mots ont un sens et permettent très
souvent une appropriation ou non par les habitants des politiques
menées. Qui plus est, l’objectif principal des programmes de rénovation
urbaine et d’aide aux associations est justement de favoriser ce
bien-vivre en ville.
Néanmoins, se focaliser sur cet objectif de
cohésion urbaine, de mieux-vivre en ville, c’est, me semble-t-il,
traiter les conséquences et non les causes d’un problème central que
sont la précarité des habitants et le manque d’activité économique
durable.
C’est pourquoi il serait nécessaire de donner à la
politique de la ville un autre objectif, qui est d’améliorer la
situation économique, sociale et environnementale du quartier. Comme
pour la fiscalité comportementale, dont l’objectif est de réduire la
base fiscale, l’objectif de la politique de la ville est de réduire le
nombre de quartiers prioritaires, en améliorant le niveau de vie des
habitants. Pourtant, lors de la dernière décennie, aucun quartier entré
dans le périmètre de la politique de la ville n’en est sorti, et ce
projet de loi ne va une nouvelle fois pas assez loin dans la recherche
de solutions pour traiter les causes du problème, donc combattre les
inégalités et les discriminations, qui ne doivent pas être considérées
comme irréversibles. Je voulais le rappeler mais, je le sais bien, la
politique de la ville ne peut pas tout.
Venons-en aux dispositions
de ce projet.
La concentration des moyens, donc la réduction du
nombre de quartiers prioritaires, mesure phare de ce projet de loi, est
une nécessité budgétaire. Deux questions se posent cependant.
La
première porte sur les territoires qui sortent de la géographie
prioritaire, plus de 1 000. Le statut de territoire de veille a été
adopté en commission, et c’est une avancée essentielle, mais la question
demeure du soutien à apporter à certaines associations qui œuvraient
dans ces quartiers et qui n’auront plus de financements spécifiques.
Avec de faibles sommes investies, la politique de la ville peut
déboucher sur de grands résultats, utiles, compte tenu, notamment, de ce
qui se produirait si elle n’existait pas. Je pense notamment aux
associations qui œuvrent dans le domaine de l’éducation, de
l’alphabétisation ou à celles qui aident à l’apprentissage du
français.
Il n’est pas anodin, dans certains quartiers, de supprimer
des « petits financements » aux associations. Si un territoire
fraîchement sorti de la géographie prioritaire y retombait quelques
années après car sa situation se serait dégradée, ce serait un échec de
la politique de la ville. C’est pourquoi cette stratégie de territoire
de veille devra être réellement active, et surtout réactive, en cas de
dégradation des indicateurs sociaux et économiques.
De même, qu’en
est-il des dispositifs de droit commun qui s’appliquent prioritairement
dans les quartiers prioritaires ? Je pense aux emplois d’avenir, pour
lesquels les conditions d’attribution sont plus souples pour les
habitants de ces quartiers, mais d’autres dispositifs s’y appliquent
spécifiquement ou avec des dérogations. Quel sera l’impact de l’abandon
de dispositifs de droit commun dans les quartiers qui sortiront de la
politique de la ville ?
La seconde question porte sur le
financement : le recentrage des crédits ne doit évidemment pas déboucher
sur une baisse globale de la dotation allouée à la politique de la
ville. S’agit-il donc de faire mieux avec moins ou beaucoup mieux avec
autant ?
L’inscription à l’article 2 d’un nouveau plan de rénovation
urbaine est une bonne chose. Certes, le financement prévu est moindre
que pour le premier programme de rénovation, mais, avec 5 milliards
d’euros, il permet au final de lever 20 milliards d’euros, ce qui est
loin d’être négligeable pour une deuxième phase.
Si ces opérations
sont nécessaires pour améliorer la qualité de vie, elles ne doivent pas
aboutir à une gentrification de certains quartiers, c’est-à-dire à
l’arrivée de personnes moins précaires, qui profiteraient d’un cadre de
vie amélioré, reléguant les habitants d’origine dans d’autres quartiers
moins agréables. Sur cette question, on est, me semble-t-il, face à un
dilemme. Si l’on veut ramener de la mixité sociale dans ces quartiers,
l’arrivée de nouveaux habitants est une solution, mais on peut également
favoriser la mixité sociale en améliorant la situation économique des
habitants originaire de ces quartiers. L’équilibre est donc subtil, mais
la seconde solution est clairement à privilégier. Il s’agit, avant tout,
d’aider les habitants dans ces quartiers plutôt que d’améliorer de façon
trompeuse les indicateurs économiques du quartier.
Je l’ai souligné,
le texte ne me semble pas aller suffisamment loin sur cette question de
l’emploi et de l’activité économique dans ces quartiers. Qu’est-il prévu
par le Gouvernement pour développer l’activité économique ? Le critère
économique est le seul que l’on utilise pour distinguer ces quartiers
prioritaires mais, au final on n’agit pas vraiment sur ce critère, ce
qui semble paradoxal. Une activité économique durable est nécessaire
pour que ces quartiers ne soient pas des quartiers de relégation pour
inactifs, des zones que les habitants quitteraient une fois un travail
décroché ailleurs.
La seule façon d’inciter les habitants dont le
niveau de vie s’améliore à rester dans les quartiers est de leur offrir
un emploi dans le quartier, donc de développer une vie économique
locale, exercice complexe, je vous l’accorde.
J’en viens à un point
essentiel pour notre groupe, la participation des citoyens à la
politique de la ville, qui a fait l’objet de plusieurs amendements en
commission et en séance et de débats très intéressants.
Sur ce
sujet, l’excellent rapport Mechmache-Bacqué a fait plusieurs
propositions très volontaristes, qui, à notre avis, n’ont pas été
suffisamment prises en compte et que nous souhaitons voir introduites
dans le texte.
Nous avions ainsi proposé en commission l’idée de
co-construction, qui a été retenue. Il est nécessaire, en effet, d’aller
plus loin que de simples consultations ou concertations, en intégrant
clairement dans la politique de la ville les souhaits des habitants. Un
amendement a été déposé pour aller plus loin dans cette co-construction,
avec l’idée qu’elle puisse déboucher sur un référendum d’initiative
locale, qui porterait sur le contrat de ville ou sur certaines modalités
du contrat de ville. Pour que les habitants s’approprient le plus
possible cette démarche de co-élaboration, ils doivent être
décisionnaires au final.
Certains diront qu’il ne faut pas remplacer
la démocratie participative par la démocratie directe. Je pense au
contraire qu’une véritable démocratie participative ne doit pas faire
semblant d’écouter, mais qu’elle doit permettre, après une phase
d’échange, de laisser au citoyen la possibilité d’arbitrer telle ou
telle disposition. Ce n’est qu’avec des mesures fortes de ce type qu’on
réussira la politique de la ville.
Malheureusement, l’amendement a
fait l’objet de la sévérité et de la rigidité de la commission des
finances. C’est dommage puisque cette censure nous empêchera d’avoir un
débat sur le fond du sujet, c’est-à-dire sur le pouvoir de décision des
habitants. Censurer une discussion sur la démocratie dans les quartiers
au regard de considérations financières assez spécieuses me semble très
dommageable pour nos travaux. J’espère que le Gouvernement proposera des
éléments sur cette idée de référendums locaux.
Concernant le
dispositif des conseils de citoyens, il est nécessaire de revenir à la
désignation proposée initialement par le Gouvernement. Il s’agit d’un
conseil de citoyens et non d’un conseil citoyen. Ce conseil de citoyens,
c’est l’instance de dialogue avec tous les habitants du quartier. Le
choix des mots a dans ce domaine une forte portée symbolique, s’agissant
de quartiers et de populations qui souffrent bien souvent d’un sentiment
de relégation, voire d’abandon. Il est particulièrement important
d’affirmer la qualité de citoyen des habitants et des habitantes qui se
mobilisent dans la conduite et l’animation des contrats de ville et dont
l’engagement sera décisif pour la réussite des actions
entreprises.
Dernier point, la prise en compte de la transition
écologique et du développement durable dans la politique de la ville.
Les opérations d’aménagement urbain, menées notamment dans le cadre de
l’ANRU, doivent intégrer des objectifs de lutte contre la précarité
énergétique, de transition énergétique et écologique de la société. De
même, la mise en place des trames vertes et bleues est souvent difficile
dans ces quartiers. La prise en compte de la biodiversité, de la nature
en ville est également un impératif pour rendre ces quartiers agréables
à vivre pour tous.
Si nous espérons des avancées, notamment sur la
participation, nous soutiendrons bien sûr ce projet de loi.
(Applaudissements sur les bancs du groupe
SRC.)
M. le président. La parole est à M. Thierry Braillard.
M. Thierry Braillard. « Je suis la ville et n’en peux plus
« je fus bâtie je suis
battue
« je fus aimée à mes saisons
« je fus maison je suis
prison »
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers
collègues, cet extrait du poème d’Henri Gougaud, qui date de 1977, « Je
suis la ville », inspire parfaitement la problématique qu’ont eue les
villes modernes, problématique apparue à cette époque avec le début de
concentrations urbaines.
En 1991, il y a un peu plus de vingt ans,
cette prise de conscience a mené à la création du ministère de la ville.
Ce ministère a souvent été confronté aux limites de la transversalité,
de nombreuses actions étant menées par des ministères différents dans le
cadre de leurs propres politiques, ainsi qu’aux limites de la
verticalité, car les partenariats avec les collectivités locales
concernées sont essentiels.
Le ministère de la ville doit également
être au cœur de la lutte contre les différentes fractures apparues ces
dernières années dans notre société, qu’elles soient sociales ou
spatiales. Car, avec le temps, les quartiers concernés ont eu de
nombreux qualificatifs : ils ont été « difficiles », « fragiles », ou
bien encore « sensibles ». En fait, il s’agit surtout de quartiers
composés de grands ensembles ou d’habitats dégradés avec des difficultés
sociales fortes et parfois un manque de services publics et de services
au public.
Une première véritable impulsion a été donnée en 1996,
avec la création des ZUS, les fameuses zones urbaines sensibles, qui
comprenaient des zones de redynamisation urbaine et les zones franches
urbaines. Il y en avait quarante-quatre au démarrage, puis quarante et
une de plus sept ans après. En 2003, le programme national de rénovation
urbaine a permis de créer l’ANRU, l’Agence nationale pour la rénovation
urbaine, et a donné une impulsion pour restructurer des quartiers
classés obligatoirement en zone urbaine sensible. Ensuite, en 2007, les
contrats urbains de cohésion sociale ont remplacé les vieux contrats de
ville.
Avec l’ancien président, on allait rompre avec le passé, on
allait voir ce qu’on allait voir. Il y a eu beaucoup d’effets de manche,
beaucoup de promesses, des expressions ronflantes et parfois
contradictoires – « Espoir Banlieue » et puis, derrière, « nettoyage au
karcher » ! –, et à la fin un bilan calamiteux : la pauvreté en banlieue
a augmenté, le chômage aussi, et rien ne s’est amélioré, au
contraire.
Cette réalité politique nous conduit à penser qu’il y a
dorénavant une certaine urgence à agir ou plutôt à réagir. C’est
pourquoi les députés radicaux de gauche et apparentés apprécient
particulièrement le texte que vous nous présentez, monsieur le ministre.
Car les progrès de la politique de rénovation urbaine ne peuvent
produire des effets positifs qu’à la condition d’être accompagnés par la
mobilisation de tous les acteurs : les collectivités, bien sûr, les
habitants et les élus.
La rénovation d’un quartier ne doit pas se
limiter à l’urbanisme, même si c’est important. La réussite de la
politique de la ville passe avant tout par l’emploi. À cet égard, la
politique actuellement menée par le Gouvernement en direction des jeunes
avec les emplois d’avenir, nous paraît une réponse adaptée.
La
réussite de la politique de la ville passe également par le logement, et
le projet de loi actuellement en discussion pour l’accès au logement et
à un urbanisme rénové est également une réponse adaptée.
La réussite
de la politique de la ville passe aussi par l’éducation. La loi de
refondation de l’école de la République du 8 juillet 2013 apporte des
réponses en termes de moyens et fixe des objectifs pour lutter contre
l’échec scolaire, et surtout pour faire en sorte que l’école, même dans
des quartiers difficiles, reste un vecteur de mobilité sociale.
La
réussite de la politique de la ville passe encore par la sécurité,
liberté publique essentielle pour le « vivre ensemble » ; les zones de
sécurité prioritaires créées par Manuel Valls en sont une expression
rassurante, qui donne déjà des résultats tangibles.
Et puis il y a
l’encouragement économique, le sport et la culture, la vie associative
encouragée et le développement des infrastructures de transport pour que
ces quartiers ne soient pas trop enclavés.
L’assemblage de toutes
ces initiatives montre que le Gouvernement agit, dans le droit fil des
priorités fixées par le Président de la République.
Je n’oublie pas
le rôle crucial joué par les collectivités territoriales et les élus
locaux qui, dans des conditions parfois difficiles, maintiennent ce que
j’appelle le lien républicain, restent à l’écoute, au contact de la
population, pour qu’elle ne se sente pas trop exclue.
Le projet de
loi de programmation pour la ville et la cohésion urbaine vise à
clarifier et à rendre plus lisible l’action de l’État dans les
territoires concernés par la politique de la ville. Monsieur le
ministre, vous vous êtes engagé à trouver des moyens pour que la phase
de transition vers la nouvelle géographie prioritaire soit lissée sur
plusieurs années, en prorogeant le terme fixé pour le programme national
de rénovation urbaine. Nous ne pouvons que nous satisfaire de cette
démarche, car on ne peut donner un coup d’arrêt brutal aux réalisations
en cours de municipalités qui tiennent à honorer leurs promesses.
Un
des constats que vous faites dans ce projet de loi concerne justement la
nécessité de remplacer la dotation de développement urbain par une
dotation spécifique « politique de la ville » à partir de 2015 – 2015
afin de préparer au mieux le fléchage le plus adéquat de cette
dotation.
La politique de la ville s’est souvent perdue par le passé
dans les travers du saupoudrage, de l’éparpillement des moyens, de la
dispersion des crédits, de l’empilage des dispositifs : les ZUS, les
CUCS, les ZRU, les ZFU, et je dois en oublier ! C’est pourquoi, monsieur
le ministre, nous soutenons sans ambages votre volonté de mettre en
place une géographie prioritaire unique avec un critère objectif,
indiscutable, transparent et, je dirai même, impartial : le revenu des
habitants. Cette géographie prioritaire unique est un point essentiel du
projet de loi. Il nous permettra de concentrer les efforts sur les
poches de grande pauvreté. II fixera les zones véritablement
prioritaires avec un critère simple mais terriblement réaliste et
efficace. Et puis nous aurons l’occasion de réviser ces zones afin
d’apprécier les évolutions urbaines, dans le dialogue que vous avez
proposé et dont nous nous félicitons.
À côté des dotations
spécifiques, vous proposez de mettre en œuvre des contrats de ville
« nouvelle génération » d’une durée de six ans ; il vous appartiendra de
créer les conditions d’une bonne articulation entre les différents
dispositifs pour ne pas perdre en efficacité. De même, avec le conseil
citoyen, il vous faudra démontrer que cette instance aura une utilité
citoyenne pour le dialogue, sans concurrencer ce qui reste l’âme de la
République, le conseil municipal. Les radicaux éprouvent une méfiance
naturelle envers ces instances participatives qui, si elles ont toujours
pour origine une bonne intention, sont parfois détournées de leur
objectif initial. Rien ne vaut le dialogue avec l’élu local, qui peut
très bien écouter, entendre, discuter et créer les conditions
matérielles du dialogue citoyen. C’est ce qui se fait la plupart du
temps dans les quartiers en question.
Le projet de loi s’adapte
également à l’évolution intercommunale de nos territoires, en renforçant
les EPCI pour mettre en œuvre une meilleure solidarité urbaine, par un
mécanisme de péréquation financière, et il met fin à de nombreux
dispositifs devenus aujourd’hui inopérants, notamment dans les zones de
redynamisation urbaine, qui sont supprimées.
Pas d’angélisme, ni de
cynisme. Le mal-être dans ces quartiers tire son origine de causes
sociales et d’un processus de stigmatisation, puis de dévalorisation, et
enfin de marginalisation, qui provoque le désespoir, la révolte et
parfois la haine. C’est un vieux travers auquel il faudra bien un jour
tordre le cou, car la solidarité nationale en faveur de nos quartiers ne
pourra pas les sortir d’une forme d’impasse si la peur, la délinquance
ou le désordre prévalent sur la confiance, la paisibilité ou le respect
du droit avec sa contrepartie, le respect des devoirs du
citoyen.
Pour conclure, nous pensons que ce projet de loi est à la
hauteur de l’ambition qui est la nôtre de lutter contre l’exclusion et
la ghettoïsation, avec beaucoup de courage et de
concertation.
Monsieur le ministre, vous avez su répondre, avec ce
courage politique, aux critiques de l’extension et de l’enchevêtrement
des zonages, de l’organisation dispersée de la gouvernance, de
l’évaluation peu fiable et de l’éparpillement des moyens ainsi que,
parfois, de leur affectation partiale. Nous avons apprécié votre
méthode, qui a consisté dans une longue et vaste concertation nationale,
dans la visite dans de nombreux quartiers pour mieux appréhender la
nécessité d’une meilleure efficacité de la politique de la ville, et
dans le dialogue avec la représentation nationale qui, comme l’ont
rappelé mes collègues radicaux de gauche, a été fécond.
Vous l’aurez
compris, les députés radicaux de gauche et apparentés voteront ce projet
de loi. (Applaudissements sur les bancs du groupe
SRC.)
M. le président. La parole est à M. François Asensi.
M. François Asensi. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, ils
sont l’avenir de la France, ces quartiers populaires et la formidable
richesse de leurs six millions d’habitants. Pourtant, malgré trente et
même quarante années de politique de la ville, notre société n’a pas
réussi à inverser les logiques de ségrégation et de paupérisation qui
les frappent. L’anniversaire, cette année, de la marche pour l’égalité
de 1983 nous le rappelle cruellement.
Avant de parler de l’urbain,
je voudrais parler des habitants de ces villes populaires. La mal-vie y
a considérablement progressé : 36 % des habitants vivent sous le seuil
de pauvreté. Ce taux a augmenté de six points depuis 2006, à un rythme
six fois supérieur au reste du territoire. Le chômage s’est enraciné
dans les familles, sapant l’autorité des parents, minant la confiance au
sein de la jeunesse, jusqu’à faire perdre espoir dans l’avenir. Car
comment faire vivre la promesse républicaine dans des quartiers où le
chômage touche près de 40 % des jeunes ?
Le droit au logement a
reculé, du fait de la flambée des loyers et des charges, la pénurie de
logements. Le droit à l’éducation, le droit aux transports, le droit à
la santé se sont fissurés et, avec eux, le fondement du pacte social.
Dans cette extension du domaine de la mal-vie, à qui la faute ? Au
capitalisme financier prédateur qui, à force de malmener le travail, de
le libéraliser, de le flexibiliser, de le démanteler, a tout simplement
fait disparaître les emplois, mais aussi aux politiques d’austérité, qui
ont fragilisé les plus faibles et ont rogné le peu de pouvoir d’achat
des moins fortunés ces dernières années : hausse de la TVA, baisse des
prestations, inflation des produits de première nécessité.
Les
fractures urbaines et sociales que subissent les villes populaires ont
une histoire. Elles sont le fruit de processus guidés par la main libre
du marché, encouragés par l’État. Le développement insoutenable des
activités productives a pris pour terrain de jeu nos banlieues. Les
nuisances ont été rejetées par les villes-centres vers leurs périphéries
et, avec elles, les classes laborieuses, jugées dangereuses, qui ont en
fait été privées du droit à la ville.
Nous avons assisté à la hausse
du foncier, à une politique d’étalement urbain anarchique, à la
constitution de véritables ghettos sociaux. Aujourd’hui, l’ouest
parisien accapare d’immenses richesses, quand l’est de la capitale
accueille la masse des travailleurs, avec ses ressources modestes.
Comment accepter que le produit intérieur brut par habitant soit trois
fois moindre en Seine-Saint-Denis que dans les Hauts-de-Seine ? Comment
accepter que, dans ce département, il y ait six fois moins de librairies
qu’à Paris, six fois moins de magistrats, quatre fois moins de médecins
spécialistes ? Comment accepter que la taxe foncière des habitants de
Sevran soit dix fois plus élevée – dix fois ! – que celle de
Neuilly-sur-Seine, et la taxe d’habitation cinq fois supérieure à celle
de Courbevoie ?
L’État a refusé de s’opposer à ces logiques funestes
et explosives, tous gouvernements confondus. La spécialisation des
territoires se poursuit, et le projet gouvernemental de métropole en
sera un nouveau chapitre. Je redoute qu’avec lui reprenne la politique
d’imposition des grands ensembles. Quel paradoxe, alors que la politique
de la ville travaille encore à réparer les erreurs urbanistiques des
années soixante et soixante-dix !
Monsieur le ministre, je dois le
dire, nous sommes satisfaits d’examiner votre projet de loi de
programmation pour la ville et la cohésion urbaine, après plusieurs
années de désengagement de l’État. Les professionnels, les acteurs de
terrains, les habitants qui désespéraient de l’absence de volonté
politique, peuvent également être satisfaits.
Ce projet de loi
affiche une ambition de qualité urbaine, élaborée en étroite relation
avec les habitants, et vise à remédier à plusieurs travers de la
politique de la ville. Nous ne pouvons que souscrire à ces objectifs.
Malgré l’utilité des dispositifs existants, certaines injustices étaient
flagrantes, concernant le zonage et les aides ANRU. L’accent avait été
mis, sous le précédent gouvernement, sur le bâti, souvent au détriment
de l’humain, même si, cela a été dit, un effort important a eu lieu dans
ces zones grâce au ministre Jean-Louis Borloo.
Plusieurs avancées
sont à relever dans ce projet de loi. Enfin, un engagement est pris pour
la poursuite de la rénovation urbaine. Le PNRU 2 est une nécessité
absolue pour achever les projets engagés. L’amélioration du bâti ne
résout pas toutes les difficultés mais les citoyens de banlieue ont
droit à un cadre de vie valorisant.
Au plan démocratique, plusieurs
propositions décisives du très bon rapport de Mohamed Mechmache et
Marie-Hélène Bacqué ont été retenues. La création de conseils citoyens,
le renforcement de la concertation et de la capacité de contre-expertise
apporteront une nouvelle dimension pour que les habitants prennent le
pouvoir sur leur lieu de vie et fassent vivre la mémoire de leurs
quartiers.
La contractualisation entre les collectivités, l’État et
les autres partenaires, au moyen de contrats de ville, permettra une
meilleure collaboration et une plus grande efficacité, si les moyens
sont au rendez-vous.
Autre avancée, la reconnaissance dans la loi
des discriminations territoriales, qui permettra de protéger les
citoyens victimes, très souvent, parce qu’ils habitent tel quartier ou
tel département, de stigmatisations véritablement odieuses dans les
médias.
J’avais déposé, dès 2010, une proposition de loi pour
sanctionner les discriminations liées à l’adresse, à la suite des
recommandations de la HALDE. Je me félicite qu’après plusieurs années de
mobilisation des élus de banlieue, notamment de l’Académie des
banlieues, que je préside, et des chercheurs, ce phénomène soit enfin
reconnu.
Mais votre projet de loi, monsieur le ministre, traduit
aussi des incertitudes, des renoncements, si ce n’est des reculs. De
fait, la logique de sélection des territoires demeure. L’objectif de
mixité sociale est posé par la loi, sans que l’on se donne des moyens
convaincants pour la rétablir entre les territoires. Vous renforcez les
mécanismes de solidarité intercommunale : ce serait en soi une
excellente mesure, si elle n’avait pas pour conséquence
l’affaiblissement de la solidarité nationale. Nous redisons notre
attachement à la péréquation verticale, seule à même d’éviter le
développement à deux vitesses de territoires, même s’il est évident
qu’il faut également envisager la solidarité des villes qui en ont les
moyens.
Concernant une réforme de la fiscalité locale et un
véritable partage des richesses, le chantier piétine : le 1 % des
communes les plus riches dispose de quarante-cinq fois plus de pouvoir
d’achat que le 1 % des plus défavorisées. La logique de désengagement de
l’État demeure, car il est impossible de considérer ce projet de loi en
dehors des politiques d’austérité qui irriguent l’ensemble des mesures
gouvernementales et mènent à mon sens la France dans l’impasse, et en
premier lieu ses banlieues. L’argumentaire sur le saupoudrage et
l’illisibilité de la géographie prioritaire ne masque pas la véritable
préoccupation de réduire le nombre de quartiers aidés pour en réduire le
coût. La disparition annoncée des zones franches urbaines au prétexte
d’effets d’aubaine bien réels doit s’accompagner au plus vite de
nouveaux dispositifs de soutien à la création et au maintien des
entreprises, des services et des commerces dans ces quartiers – je pense
notamment au problème de la santé.
La création utile d’une dotation
de la politique de la ville s’annonce comme un simple jeu d’écriture en
recyclant l’actuelle dotation de développement urbain, certes bancale.
La dotation affichée de 5 milliards d’euros sur dix ans pour le plan de
renouvellement urbain représente en réalité un engagement quasi nul de
l’État, puisque l’on s’apprête à poursuivre le siphonnage du 1 %
logement, c’est-à-dire des cotisations pour le logement des salariés –
j’y reviendrai tout à l’heure dans quelques amendements.
Il y a par
ailleurs une contradiction forte à vouloir un partage des richesses au
niveau local tout en asséchant le budget des collectivités locales. Je
vous rappelle que leurs dotations sont réduites de 4,5 milliards d’euros
pendant trois ans, soit l’équivalent du volume du PNRU 2. Leurs marges
de manœuvre vont diminuer et le risque est grand que la politique de la
ville en fasse les frais.
Enfin, et il s’agit du plus grand écueil,
votre projet de loi s’appuie sur le droit commun tant malmené dans cette
période d’austérité budgétaire. Dans son rapport de 2012, la Cour des
comptes dénonçait déjà « une faible mobilisation du droit commun ». Avec
une baisse historique des dépenses publiques de 10 milliards d’euros
dans le projet de loi de finances, la mise à contribution du droit
commun sera une coquille quasiment vide. Un seul exemple : Le
Parisien révélait hier qu’en
Seine-Saint-Denis, les policiers en départ à la fin de l’année ne
seraient pas tous remplacés. C’est inadmissible au regard de la
situation de ce département ! Si ces conséquences touchent un budget
épargné par les coupes budgétaires, qu’en sera-t-il des autres services
publics ? Tous les élus locaux connaissent le recul de ces services dans
les quartiers : la fermeture des CAF, des centres de Sécurité sociale ou
de La Poste.
Les élus communistes et républicains attachent, pour
leur part, une grande importance au respect de plusieurs priorités : le
maintien de la compétence communale – et partant, l’importance des
maires – en matière de politique de la ville avec des mutualisations
possibles au niveau intercommunal ; des dispositifs cohérents et
durables pour les villes qui sortiront de la géographie prioritaire ; la
création de mécanismes favorisant l’intervention citoyenne dans le
pilotage des politiques publiques, mais aussi le renforcement du tissu
associatif ; un haut niveau d’ambition pour l’application du droit
commun dans ces territoires, à l’opposé des discriminations
territoriales actuelles ; un partage des richesses au sein des
agglomérations par une refonte de la fiscalité locale et une péréquation
verticale épargnée par les baisses de dotations.
Nous serons par
conséquent attentifs à l’évolution des débats et nous y participerons de
manière constructive, en soutenant plusieurs amendements visant à
améliorer la vie des habitants. Nous œuvrerons aussi pour que les
quartiers populaires ne soient plus en marge, mais au cœur de la
République. Nous soutiendrons l’ambition de voir cesser les
discriminations insupportables contre leurs habitants, pour leur
garantir le droit à la ville et à un environnement de qualité. Nous ne
voterons donc pas, monsieur le ministre, contre votre projet de
loi.
M. le président. La parole est à M. Yves Blein.
M. Yves Blein. Monsieur le président, monsieur le ministre, monsieur le rapporteur,
mes chers collègues, dans le préambule de son livre La
Marche, Christian Delorme, connu comme étant le curé des
Minguettes, rappelle une réalité qui n’est sans aucun doute pas propre
au quartier des Minguettes, à Vénissieux : « Certes des transformations
importantes sont en cours. Néanmoins, la lutte contre la ghettoïsation
de cette zone est loin d’être gagnée. Malgré les avenues remodelées, les
tours réhabilitées, les nouvelles constructions, les nouveaux espaces
créés, les Minguettes de Vénissieux portent les marques d’une histoire
mouvementée. Une histoire empreinte d’espoirs déçus, de discriminations,
de violences racistes, mais aussi d’actions de solidarité. »
C’est
là effectivement, en 1983, qu’est née la Marche pour l’égalité et contre
le racisme, dont je veux ici saluer le trentième anniversaire cette
année.
M. Christian Assaf. Très bien !
M. Yves Blein. C’était une belle aventure – partis à dix-sept de Marseille, ils sont
arrivés 100 000 à Paris – une aventure fraternelle pour une France
fraternelle, comme le dit le curé des Minguettes, qui nous laissera en
héritage – car c’est bien là qu’elle est née – ce que l’on appelle
aujourd’hui la politique de la ville. Cette politique, à laquelle
François Mitterrand donnera corps, se matérialisera d’abord par cette
espèce d’OVNI institutionnel, un ministère sans administration, auquel
beaucoup ne donnèrent que peu d’avenir. C’était il y a plus de vingt
ans. La démonstration de son utilité et de la pertinence de la vision
qui avait alors conduit à sa création est désormais faite. Cependant,
les gouvernements successifs ont complexifié cette politique, jusqu’à la
rendre quelque peu inaudible et incompréhensible. C’est ce qu’indique la
Cour des comptes, qui dresse un sévère bilan des dix dernières années en
matière de politique de la ville. Elle insiste en particulier sur « la
très grande complexité des zonages et la multiplication des procédures
mal articulées ».
Le constat est donc clair : la politique de la
ville, celle menée en particulier cette dernière décennie, n’a pas porté
ses fruits et n’a pas permis de réduire les inégalités territoriales,
sociales et économiques dans notre pays. Par conséquent, aujourd’hui,
dans les zones urbaines sensibles, le taux de chômage est le double de
la moyenne nationale, un habitant sur trois vit sous le seuil de
pauvreté, un sur quatre renonce à se soigner pour des raisons
financières et les jeunes sont particulièrement victimes de
discriminations. L’urgence est donc là : rétablir l’égalité républicaine
entre tous les territoires, améliorer les conditions de vie des
habitants des quartiers défavorisés et concentrer les moyens là où ils
sont le plus nécessaires. C’est l’objet de votre projet de loi, monsieur
le ministre, qui s’articule autour de plusieurs axes ambitieux, mais
dont le premier mérite est sans aucun doute d’être, en soi, un grand
choc de simplification.
Il se donne pour objectif de refonder la
politique de la ville ; de réformer sa géographie prioritaire ; de
renforcer sa dimension partenariale ; de mener à bien un nouveau
programme national de renouvellement urbain ; enfin, de renforcer la
solidarité nationale et territoriale. Je voudrais développer
quelques-uns de ses aspects qui me semblent fondateurs.
S’agissant
de la réforme de la géographie prioritaire, organisée autour d’un nombre
minimal d’habitants et de l’écart de développement économique et social,
selon le critère du revenu des habitants par rapport à une référence
locale et nationale, il était essentiel d’identifier des critères
simples et transparents, comme l’est celui-ci. Nous serons néanmoins
attentifs à la nature des dispositions transitoires pour les quartiers
sortant du dispositif, afin que l’action de l’État, notamment dans les
domaines éducatifs, de la santé et de la prévention de la délinquance,
se poursuive sans relâche, car nous savons tous que, sur ce sujet, seuls
les efforts de long terme paient.
Mon deuxième point est relatif à
la mobilisation effective des moyens de droit commun de l’État : le
ciblage des emplois d’avenir, la création de postes dans l’éducation
nationale, l’affectation de fonctionnaires expérimentés, la création des
ZSP, soit autant de moyens dont nous pouvons nous réjouir et qui fixent
les moyens humains et financiers mobilisés au titre des politiques de
droit commun.
M. Martial Saddier. Mais ils ne sont pas coordonnés !
M. Yves Blein. Enfin, l’un des aspects importants de ce texte est la question de la participation des habitants. Le projet de loi crée un conseil citoyen dans chacun des quartiers prioritaires de la ville. Il s’agit là d’un premier pas intéressant mais qui doit se poursuivre et constituer un véritable travail de long terme. Ces quartiers sont souvent marqués par des taux d’abstention records lors des élections. Leurs habitants ont besoin de retrouver le chemin de l’exercice de la citoyenneté. Pour autant, leur participation ne doit pas introduire de confusion, ni être mise en concurrence avec les missions légitimes des élus du suffrage universel, seuls à même de décider in fine au nom de l’intérêt général.
M. Jean-Luc Laurent. Très bien ! Il fallait que ce soit dit !
M. Yves Blein. Mes chers collègues, nous écrivons aujourd’hui, à plusieurs mains, la feuille de route d’un grand nombre de quartiers de nos villes. C’est une belle partition, qui s’adresse à un très grand nombre de nos concitoyens pour qui la société moderne n’est pas tendre, pour qui la vie est rude, dure, jusqu’à les conduire, trop souvent, au désespoir et à la démission. Nous ne saurons que dans dix ans, dans quinze ans ou vingt ans si notre vision était la bonne mais une chose est sûre : ceux qui vivent dans nos quartiers ne peuvent pas attendre. C’est pourquoi, monsieur le ministre, nous voterons votre texte et appelons à sa mise en œuvre au plus tôt. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)
M. le président. La parole est à M. Jean-Marie Tetart.
M. Jean-Marie Tetart. Hélas ! M. le président de la commission des affaires économiques est absent. (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.) J’aurais voulu lui rappeler qu’il y a une semaine, j’ai eu l’occasion de lui dire combien nous regrettions les conditions qui nous sont imposées, en commission des affaires économiques comme en séance publique, pour l’examen des projets de loi.
M. Martial Saddier. Très bien !
M. Jean-Marie Tetart. Celui que vous nous présentez aujourd’hui, monsieur le ministre, n’échappe pas à la règle, puisqu’il a été adopté en Conseil des ministres le 2 août et qu’il fait l’objet d’une procédure accélérée. Mais la procédure accélérée n’implique pas que l’on doive régler en huit jours l’examen du texte en commission et en séance publique. Entre le 2 août et maintenant, vous aviez largement le temps de faire en sorte que l’examen en commission nous laisse suffisamment de temps avant la séance publique. Ce délai aurait été d’autant plus nécessaire que vous n’étiez pas totalement prêt, puisque le travail en commission vous a amené à renvoyer à de nombreuses reprises à la discussion en séance publique la définition de nouveaux engagements et de nouvelles propositions, ainsi que certaines clarifications, autant de mesures qui feront l’objet de nouveaux amendements du Gouvernement. Un tel comportement n’est pas respectueux de l’opposition ni même de votre majorité, contrainte comme nous à examiner le texte un jeudi en commission et le vendredi suivant en séance, après que vous avez laissé penser durant quelques heures que cet examen se ferait peut-être le jeudi.
M. François Pupponi, rapporteur. Ce n’était pas un problème !
M. Jean-Marie Tetart. Par contre, depuis le 2 août, vous avez mis tout ce temps à profit pour préciser le mode opératoire qui permettra de définir les nouveaux quartiers prioritaires de la politique de la ville et de préfigurer la fameuse liste de ces quartiers.
M. Martial Saddier. Eh oui !
M. Jean-Marie Tetart. Pourquoi ne pas en avoir réservé la primeur aux membres de la commission comme un complément à l’étude d’impact ? Pourquoi en avoir donné l’exclusivité à un journal dans une interview du 10 novembre ? Ce n’étaient pas des indiscrétions de journalistes, monsieur le ministre, mais bien une interview !
M. Martial Saddier. C’est incroyable !
M. Jean-Marie Tetart. Si nous adhérons à l’adoption d’un critère unique mesurant la
pauvreté pour sélectionner les quartiers prioritaires, nous regrettons
beaucoup que les modalités selon lesquelles elle sera mesurée n’aient
pas donné lieu à une discussion en commission. Nous regrettons aussi que
la liste des quartiers prioritaires, a priori 1300,
n’ait pas été donnée à connaître en commission et qu’elle soit gardée
sous le coude jusqu’à l’après-municipales. Pourquoi ne pas nous donner
votre liste indicative maintenant ? Pourquoi voulez-vous négocier après
les municipales, comme vous l’avez dit au Journal du
dimanche, ce qui résulte pourtant d’une évidence
mathématique ? Nous souhaitons d’autant plus que le contenu des décrets
qui détermineront les modalités de l’application du chapitre
Ier du projet de loi puisse faire l’objet d’une
présentation préalable en commission. Nous insistons également une fois
encore sur l’attention particulière qui devra être apportée au suivi des
quartiers qui ne seront plus prioritaires et au maintien à leur bénéfice
des crédits de droits commun de l’État.
Monsieur le ministre, nous
avons bien compris que l’essentiel se passe ailleurs qu’en
commission.
M. Martial Saddier. Nous voulons de la transparence !
M. Jean-Marie Tetart. On peut certes comprendre que l’on s’y occupe en passant beaucoup de temps à rendre le projet de loi encore plus bavard qu’il ne l’était, en transformant, dans l’article 1er, une phrase de 90 mots en une phase de plus de 150 mots pour expliquer l’objectif de la politique de la ville. Je me demande d’ailleurs pourquoi on a oublié d’y mentionner qu’elle visait aussi à maintenir la biodiversité dans les zones de friches…
M. François Pupponi, rapporteur. Cela va venir ! Vous ne serez pas déçu ! (Sourires.)
M. Jean-Marie Tetart. …et à encourager l’économie circulaire ! Cependant, comme si cette
phrase ne suffisait pas, on la complète par quatre alinéas qui la
paraphrasent. On finit par oublier que si l’on a choisi la pauvreté
comme critère unique pour sélectionner les quartiers, c’est bien
l’amélioration des revenus des populations par le développement
économique qui doit être le moteur de la politique de la ville. Or dans
votre projet, la stimulation du développement économique – je dis bien
la « stimulation » – n’est que l’une des mesures d’accompagnement de la
politique de la ville, alors que le développement économique et l’accès
à l’emploi des habitants de ces quartiers devraient en constituer le
coeur.
Je suis heureux d’avoir soutenu l’amendement du rapporteur
qui a permis l’addition d’un article 1er
bis qui inclut le lieu de résidence comme un
facteur de discrimination répréhensible. Mais ce n’est pas cette mesure
qui crée l’emploi dans ces quartiers, ce ne sont pas non plus les
emplois d’avenir que vous réservez à leurs habitants qui leur assureront
des emplois pérennes,…
M. François Lamy, ministre délégué. Si ! Venez donc voir !
M. Jean-Marie Tetart. …c’est le retour de la croissance et de vraies mesures favorables à
l’emploi dans les entreprises.
Oui, la politique de la ville est un
sujet majeur qui est directement ou indirectement au cœur de l’actualité
quotidienne et des dysfonctionnements et dérives de notre société et qui
donne lieu à des déplacements ministériels répétés dans certaines
agglomérations. Elle a mérité l’attention et l’engagement des
gouvernements successifs et nous prenons acte que votre projet, en dépit
de déclarations faites à la tribune, ne prône pas la rupture avec les
politiques précédentes. Ainsi, vous prolongez jusqu’en 2015 le programme
national de rénovation urbaine, initié en 2003. C’est une bonne
nouvelle. Son sigle est même conservé, puisque vous ne faites que
remplacer « rénovation » par « renouvellement » !
M. François Lamy, ministre délégué. C’est important !
M. Jean-Marie Tetart. Cette évolution sémantique rend effectivement compte du fait que la
rénovation a été largement conduite et qu’il faut maintenant accompagner
de manière plus marquée les quartiers au-delà de la rénovation.
Le
PNRU a mobilisé près de 45 milliards d’euros. Il a permis de rénover
près de 600 quartiers et je peux constater, dans des villes comme Les
Mureaux ou comme Mantes-la-Jolie, les profonds changements positifs que
ce programme a provoqués dans le cadre de vie, l’appropriation des
quartiers par leurs habitants et l’offre de meilleurs services
Cela
étant, nous avons un doute concernant les moyens de l’ANRU prévus par
l’article 2. On parle de lui affecter 5 milliards d’euros pour la
période 2014-2024. Pensez-vous que cela soit suffisant pour donner une
crédibilité à cette prolongation ? C’est une vraie question. En 2003,
nous avions affecté 2,5 milliards à l’ANRU, mais nous avions dû
augmenter ces crédits jusqu’à 12 milliards en 2009.
Nous notons avec
satisfaction que l’Observatoire national de la politique de la ville est
susceptible d’améliorer l’évaluation de cette politique, tout en
simplifiant les strates administratives. Nous approuvons aussi le
renforcement de l’ANRU, qui peut accorder ses concours aux collectivités
locales et qui peut également agir en co-investisseur en prenant des
participations dans des sociétés dédiées.
Le projet de loi fait du
contrat de ville l’outil de mise en œuvre de la politique de la ville.
Je crains que la durée de six années, qui est affectée à ces contrats,
ne soit réservée qu’à quelques collectivités initiées. Si nous réclamons
cette liste, c’est aussi pour pouvoir préparer les contrats. Faute de
quoi, leur durée ne sera que de cinq ans.
M. Martial Saddier. Levez l’ambiguïté, monsieur le ministre, donnez-nous la liste !
M. Jean-Marie Tetart. Le contrat de ville donne une base légale aux anciens CUCS – les
contrats urbains de cohésion sociale. Il fait de l’intercommunalité la
collectivité clé de sa négociation et de sa mise en œuvre.
Je suis
personnellement très favorable à un rôle accru des intercommunalités à
fiscalité propre, à la bonne échelle territoriale, dans les politiques
de développement économique, d’aménagement du territoire, de logement et
naturellement de la ville ! Mais pourquoi donc, dans cette loi comme
dans d’autres – je pense à la loi ALUR, notamment – imposer
l’intercommunalité comme s’il suffisait de l’obligation et de l’amende
pour faire de bonnes politiques et avoir de bonnes pratiques ? Pourquoi
ne pas laisser la possibilité de décider au niveau local du niveau le
plus pertinent ? Pourquoi ne pas laisser la chance à la négociation
locale ? Loin de faire ce choix, vous prélèverez jusqu’à 1 % des
dépenses réelles de fonctionnement d’une intercommunalité qui n’est pas
signataire du contrat de ville, alors qu’elle a dans son territoire des
quartiers prioritaires, sans même prévoir – à ce stade du dossier et de
ce que j’en connais – un dispositif d’arbitrage qui puisse tenir compte
des causes de ce blocage. Monsieur le ministre, nous attendons que vous
nous donniez des explications au cours de cette séance.
Entre baisse
des dotations de l’État et obligations détaillées imposées aux
collectivités pour exercer leurs compétences, l’exercice de la
décentralisation devient, sous ce gouvernement, une figure
imposée.
Dans la même ligne, vous obligez les communautés urbaines
ou métropoles partenaires d’un contrat de ville à signer avec leurs
communes membres un pacte volontaire financier et fiscal de solidarité.
Faute de quoi, vous les contraignez à créer une dotation de solidarité
intercommunale. On est loin de la libre administration des collectivités
locales ! Comme dans bien d’autres domaines, on a l’impression d’une
mise au pas, d’une reprise en main des collectivités locales et d’une
recentralisation non assumée.
M. Martial Saddier. C’est vrai !
M. Jean-Marie Tetart. Monsieur le ministre, votre projet de loi entend également renforcer la concertation avec les habitants et tous les acteurs locaux en vue de la coconstruction et de la coévaluation des résultats. Vous proposez l’obligation d’associer un conseil citoyen – je me réjouis que la commission ait permis de passer d’un conseil des citoyens à un conseil citoyen – à l’élaboration d’un contrat de ville. Nous approuvons les efforts envisagés, qui se traduisent par l’affectation de locaux dédiés, une formation et quelques moyens financiers, pour permettre à ces conseils de jouer leur rôle d’une manière pertinente.
M. François Lamy, ministre délégué. C’est dans le texte !
Je m’en réjouis, monsieur le
ministre.
M. Jean-Marie Tetart. Mais de grâce, ne les formalisons pas trop pour que, là encore, la
souplesse permette la transition ou la cohabitation avec les structures
de comités de quartiers existants, les maisons de quartiers notamment,
qui n’ont pas attendu ce texte pour se développer et être
efficaces.
Monsieur le ministre, vous l’avez constaté, nous
partageons bien des propositions contenues dans ce projet de loi. Mais
cela ne peut compenser le manque de transparence avec lequel vous
étalonnez les modalités de sélection des futurs quartiers prioritaires
et la mise à disposition de la liste de ces quartiers. Cela ne peut
compenser les atteintes que vous voulez porter à la liberté des communes
et des intercommunalités et cette habitude d’assortir cette restriction
de liberté de sanctions et d’amendes.
Vous nous avez promis de
nombreuses clarifications et propositions nouvelles en séance
publique.
M. Martial Saddier. Et la liste !
M. Jean-Marie Tetart. Peut-être pourront-elles nous faire oublier le manque de considération pour le travail parlementaire, particulièrement celui de la commission. Nous espérons qu’elles apporteront les réponses adaptées aux inquiétudes que j’ai exprimées et à celles de mon collègue Martial Saddier. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)
M. le président. La parole est à M. Arnaud Richard.
M. Arnaud Richard. Monsieur le président, monsieur le ministre, monsieur le rapporteur,
mes chers collègues, la politique de la ville est un espoir pour la
République. À cette heure importante, je pense à toutes celles et à tous
ceux qui ont contribué, en 2003, à l’élaboration du grand projet de loi
sur la rénovation urbaine – projet de loi qui avait été qualifié de
programmation à bon escient. Je pense à Cécile Gallez, à Pierre
Bourguignon, Éric Raoult – qui était à votre place, monsieur le
président –, à Jean-Christophe Lagarde, à Jean-Yves Le Bouillonnec, à
Janine Jambu. Nous avons vécu des moments émouvants, achevant l’examen
de ce texte à l’aube du 11 juillet 2003 – un certain nombre d’entre vous
étaient présents.
Je crois que cette « promesse de l’aube » a été en
partie tenue et j’espère, monsieur le ministre, que le projet qui nous
est soumis aujourd’hui tiendra, lui aussi, ses promesses.
Car dans
ces quartiers, que ce soit à La Duchère, à Trélazé, où est élu Marc
Goua, à Chanteloup dont votre serviteur est l’élu, ou aux Blagis, les
difficultés existent toujours. Ces quartiers continuent à s’embraser –
et notre collègue Francis Vercamer est aujourd’hui au chevet d’un de ces
quartiers fragiles. La concentration de la pauvreté, l’explosion du
chômage, l’insalubrité de l’habitat, même si beaucoup a été fait – je
vais en parler –, la tentation du repli communautaire liée au sentiment
d’exclusion sont autant de symptômes de notre difficulté collective à
trouver un chemin pour ces quartiers. Cela étant, je ne remets pas en
cause, monsieur le ministre, votre volonté sincère d’avancer dans
l’intérêt de nos compatriotes.
Cette situation de rupture sociale et
territoriale est porteuse de risques très lourds pour la communauté
nationale. Elle a donné lieu, il y a de nombreuses années – plus de
vingt-cinq ans maintenant – à l’émergence d’une problématique, celle de
la politique de la ville, caractérisée par une approche très globale des
sujets.
Les quartiers ont reçu divers qualificatifs :
« populaires », « défavorisés », « sensibles », « stigmatisés »,
« relégués » ou encore « très fragiles » – personne n’a jamais été très
à l’aise sur ce sujet. Pour ma part, j’ai envie de vous dire que ce sont
des quartiers d’avenir, du fait de la jeunesse qui y vit et qui a besoin
qu’on lui envoie un signal. Notre seule responsabilité, aujourd’hui,
c’est de donner un espoir à cette jeunesse.
Beaucoup a été fait, en
2003 – François Pupponi, notamment, l’a fort bien dit –, avec la
dotation de solidarité urbaine et l’ANRU – François Lamy siégeait déjà
sur ces bancs à l’époque, mais pas encore au Gouvernement – qui se sont
traduites par près de 300 000 réhabilitations, 12 millions d’heures
d’insertion et 150 000 emplois créés, directement ou indirectement,
130 000 démolitions et 130 000 reconstructions. On ne peut donc pas
parler de saupoudrage. Ce programme majeur a été un succès pour la
nation tout entière, puisque l’ensemble des acteurs y ont participé :
les collectivités locales, les partenaires sociaux et, bien sûr, l’État.
Vous connaissez la sensibilité du groupe UDI et de nombre de ses élus
sur ce sujet. Nous sommes fiers de ce qui a été réalisé ces dernières
années dans ce domaine délicat, même si nous n’avons pas la prétention
de considérer qu’à l’époque, nous avions tout compris, tout vu et tout
ressenti.
Beaucoup reste donc à faire, et nous croyons en votre
volontarisme, monsieur le ministre. Notre inquiétude, c’est que la
simplification prônée par la Cour des comptes le Sénat ou encore par le
rapport de Pierre André et de Gérard Hamel soit synonyme de
désengagement. En commission et lors de la concertation à laquelle j’ai
eu le plaisir de participer, j’ai parlé de réforme de « lolfienne » ou
« bercyenne ». Nous avons besoin d’être convaincus. Nous vous accordons
le bénéfice du doute, mais nous avons des doutes sur les bénéfices que
peuvent en tirer les quartiers de ce pays.
La première étape de 2003
fut plutôt un succès, qui a été salué sur tous les bancs de cet
hémicycle. À nous d’écrire l’étape suivante ! Je ne crois pas que le
projet de loi soit suffisant pour franchir cette nouvelle étape ;
d’ailleurs, vous l’avez dit vous-même, monsieur le ministre. Nous avons
besoin d’objectivité, de débats avec l’ensemble des acteurs dans les
territoires. Pour cela, nous avons besoin d’outils tels que des
indicateurs statistiques très précis en matière de scolarité, de santé,
d’apprentissage et de logement, pour que l’ensemble des acteurs soient
bien conscients de ce qu’ils réalisent réellement dans ces
quartiers.
En la matière, vous avez fait une erreur en mettant à mal
le conseil de surveillance de l’ANRU, qui était un organisme indépendant
– une sorte de poil à gratter – qui rappelait à chacun des membres du
Gouvernement ce que son département ministériel faisait ou ne faisait
pas. Sur ces sujets, nous avons besoin d’objectivité.
S’agissant de
la fusion des dispositifs, empilés depuis de nombreuses années, vous
avez raison de favoriser la cohérence de l’action publique, mais le
changement de géographie prioritaire suscite quelques inquiétudes quant
au zonage, qui existe depuis longtemps dans notre pays.
Quid de
la réussite éducative ? Quid de l’ensemble des
exonérations fiscales et sociales liées en particulier à l’accession à
la propriété ? Avec cette nouvelle géographie, 1 300 quartiers
disparaîtront des radars gouvernementaux. Or, vous le savez fort bien,
monsieur le ministre, un quartier éligible à la politique de la ville
est observé attentivement par les structures étatiques locales et par le
Gouvernement. Qu’en sera-t-il de la veille active que vous avez eu
l’habileté de nous proposer ? Soit il s’agit de contrats de ville comme
les autres, maintenant le même suivi par l’État local mais incluant en
sus des dispositifs de droit commun. Soit elle traduit votre souci de
vous retirer une épine du pied concernant le changement de géographie
prioritaire, ce que je ne peux croire. En tout état de cause, la période
de transition suscite une véritable inquiétude chez de nombreux élus qui
se représenteront pour la plupart aux élections municipales de mars
prochain.
Concernant la suppression des ZFU, M. Sordi et M. Jibrayel
ont rendu un rapport démontrant leur intérêt. Sur cette question, les
positions du parti socialiste ont été assez discordantes, de Martine
Aubry à vous, aujourd’hui, monsieur le ministre. Quoi qu’il en soit, il
faut sortir des postures et être capable d’analyser le dispositif sans
faire perdre espoir à celles et ceux qui s’implantent dans ces
quartiers, qu’ils exercent une activité économique ou une activité d’un
autre type.
Nous sommes convaincus que l’emploi et l’éducation
seront déterminants. Mon expérience de la politique de la ville m’amène
à penser que beaucoup a été fait. On a toujours comparé l’humain et
l’urbain. Notre grande responsabilité, aujourd’hui, outre qu’elle est
d’envoyer un signal à la jeunesse de nos quartiers, est d’agir dans le
domaine de l’éducation. C’est très certainement le sujet qui est devant
nous. Nous avons en effet mené une action très importante pour
l’habitat, et il faudra continuer en ce sens. Jean-Louis Borloo avait
imaginé que ce programme mettrait cinq ans à se réaliser ; il en faudra
quinze en réalité, parce que tout est plus long, même si l’ANRU est un
succès. Je le répète donc, l’éducation sera un enjeu majeur, pour que
ces quartiers restent pleinement dans la République.
La place du
maire est importante, monsieur le ministre ; or votre texte était flou
sur ce point. Rattacher la politique de la ville à l’intercommunalité
peut paraître sensé, mais il nous semble nécessaire de réaffirmer le
rôle et la mission du maire dans la gestion de cette politique, car il
est le seul qui soit apte à connaître les attentes et les difficultés
des quartiers de sa commune.
Pour ce qui est de l’ANRU,
l’implication de l’État ne nous paraît pas à la hauteur des enjeux. Vous
travaillez avec les partenaires sociaux, pour trouver des fonds pour le
nouveau programme de rénovation urbaine. Gageons que vous trouverez, au
sein des finances de l’État, suffisamment de moyens pour ce nouveau
programme !
Les députés du groupe UDI participeront au débat, même
si nous sommes un vendredi. Nous appelons de nos vœux la mise en place
d’une association active des acteurs locaux. Le succès de l’ANRU
provient en effet de leur réunion au sein d’une unité administrative
commune, d’une instance commune de financement, qui a mis un terme aux
difficultés endurées par les maires pour trouver des financements auprès
du conseil général, de la région ou de l’État. Ce succès, il ne faut pas
le mettre à mal, car l’attente est encore forte même si les réalisations
ont été nombreuses.
Comme je le disais en introduction, monsieur le
ministre, nous ne doutons pas de votre volonté mais bien de la réalité
de l’investissement de l’État dans les quartiers concernés après le
changement de géographie prioritaire. Celui-ci, comme l’a dit mon
collègue Tétart, suscite le doute de nombreux élus locaux quant à votre
volonté d’investir réellement dans les quartiers demain.
(Applaudissements sur les bancs du groupe
UMP.)
M. le président. La parole est à M. Michel Liebgott.
M. Michel Liebgott. Monsieur le président, monsieur le ministre, messieurs les rapporteurs, chers collègues, nous nous souvenons tous de la citation du général de Gaulle selon laquelle il est inutile d’invoquer l’Europe en sautant sur sa chaise comme un cabri. C’est bien tout ce qu’il reste de gaulliste à l’UMP, si j’en juge par l’intervention de M. Saddier invoquant la liste, la liste, la liste !
M. François Lamy, ministre délégué. Ils sautent moins bien !
M. Martial Saddier. Merci !
M. Dominique Baert, rapporteur pour avis. C’est votre seule constance !
M. Michel Liebgott. S’agissait-il de la liste municipale ? En tout cas, son intervention est un aveu finalement bienvenu pour nous. En effet, une fois n’est pas coutume, on ne se fondera pas sur une liste de demandes des élus locaux, éventuellement fondée sur des affinités, des amitiés voire des intérêts, mais sur un critère simple et unique, qui a de surcroît le mérite d’être validé par l’INSEE par la méthode du carroyage, la pauvreté.
M. Martial Saddier. Si tout est si transparent, que l’on nous donne la liste !
M. Michel Liebgott. Si vous aviez participé avec nous à la phase de concertation organisée par M. le ministre, monsieur Saddier, vous auriez pu vérifier sur place, au ministère, à partir de l’exemple d’une commune, Amiens, que la nouvelle méthode produit des résultats. Comme on vous l’a proposé tout à l’heure, allez donc vérifier si telle ou telle commune en relève ou non !
M. Martial Saddier. Tous les maires de France n’ont pas un accès aisé au ministère !
M. Michel Liebgott. Je note aussi que l’UMP ne propose malheureusement aucune solution alternative, sinon le statu quo.
M. Martial Saddier. Voyez avec l’UDI !
M. Michel Liebgott. Ce n’est pas brillant, mais conforme au recul des dernières années. En effet, et c’est grave, la politique de la ville des dernières années a consisté en une rétraction des politiques publiques, par exemple une diminution des effectifs dans l’éducation nationale. Cela ne vous paraît peut-être pas important mais pour les enfants c’est fondamental.
M. Arnaud Richard. En effet !
M. Michel Liebgott. Évoquons aussi la diminution des effectifs de la police de proximité, jusqu’à sa disparition. Je suis bien placé pour en parler, car la ville que j’administre et la ville voisine sont aujourd’hui des communes ZSP. L’ancienne majorité et l’ancien président de la République en particulier tenaient des discours caractérisés par la volonté de taper fort, usant de termes comme « kärcher », « racaille » et « plan Marshall », et on a vu ce qu’il en résultait, lorsque les banlieues ont flambé en 2005 en particulier. En réalité, on faisait reculer les services publics de proximité. Vous ne pouvez pas dire, mesdames et messieurs les députés de l’opposition, que vous défendez les quartiers en difficulté alors même que vous les déshabillez petit à petit de leurs services publics. Au problème du retrait des territoires s’ajoutait un problème de méthode.
M. Martial Saddier. Parlez plutôt du texte !
M. Michel Liebgott. En effet, vous annonciez un soutien sous forme d’emplois aidés. Mais
comme je le disais ici même à M. Borloo, les adultes-relais censés aider
les quartiers défavorisés, sur le terrain, ils n’existaient pas. Nous
allons, quant à nous, faire des efforts particuliers, comme le montre un
amendement de notre collègue Jean-Marc Germain visant à promouvoir
l’emploi dans ces quartiers, en particulier les emplois
d’avenir.
Bien entendu, vous dites qu’il faut maintenir les
dispositifs spécifiques pour développer l’emploi. Mais en réalité, les
quartiers dont il est question et que nous connaissons tous sont avant
tout des quartiers résidentiels. Les gens qui y vivent, et c’est
heureux, travaillent ailleurs. Dès lors, nous avons raison de nous
pencher sur les problèmes de discrimination. Il s’agit sans doute d’un
point essentiel. Je note d’ailleurs, avec le recul, que c’est la gauche
qui a toujours fait progresser ces quartiers. Ainsi, la politique DSQ a
prolongé la politique HVS, bien insuffisante car elle ne portait que sur
l’habitat.
M. Martial Saddier. Ah bon, M. Borloo est de gauche ?
M. Christian Assaf. On se pose la question !
M. François Lamy, ministre délégué. Il le mériterait ! (Sourires.)
M. Michel Liebgott. La politique DSQ date de 1981 et ne peut donc être due à M. Borloo,
même si vous en avez fait tout à l’heure un papy, monsieur Saddier, à
tort sans doute !
Plus récemment encore, la DSU a aussi été mise en
place par la gauche.
M. Arnaud Richard. Non ! Non !
M. Michel Liebgott. Si, elle date de 1991.
M. Martial Saddier. Qui l’a maintenue et développée ?
M. Michel Liebgott. Certes, mais j’étais maire en 1991 et je me souviens avec certitude avoir perçu la DSU à cette époque.
M. Martial Saddier. Cumulard ! (Sourires.)
M. Michel Liebgott. Nous appliquons maintenant une stratégie nouvelle et je m’en félicite. Elle consiste en un recentrage clair, net et précis. Il existe une dotation spécifique pour la ville – on sait donc de quoi on parle – ainsi qu’une vraie péréquation à l’échelon intercommunal qui contraindra les communautés de communes et les communautés d’agglomération à prendre en compte ce critère dans le cadre de la DSC. Il importe que tout le monde y mette du sien. Je terminerai en indiquant, en ma qualité de député de la circonscription de Florange et Gandrange, qu’il faudra vérifier si les nouveaux critères s’appliquent parfaitement aux difficultés de ces communes. La pauvreté me semble en effet être le bon critère.
M. Jean-Marie Tetart. Nous sommes d’accord, mais ce n’est pas le problème !
M. Michel Liebgott. Je suis simplement soucieux ici de vérifier que le dispositif de veille fonctionne effectivement et donne satisfaction.
M. Martial Saddier. Et la liste ?
M. Jean-Luc Laurent. Attention, monsieur Saddier, l’obsession vous guette !
M. Michel Liebgott. Ce n’est pas une question de liste mais d’honnêteté intellectuelle, monsieur Saddier, dont on ne peut pas dire que vous fassiez preuve car vous n’avez rien écouté de mon intervention, interpellant sans cesse les autres membres de cette assemblée. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)
M. Dominique Baert, rapporteur pour avis. Très bien ! Voilà qui remet les pendules à l’heure !
M. le président. La parole est à Mme Valérie Lacroute.
Mme Valérie Lacroute. Monsieur le président, monsieur le ministre, messieurs les
rapporteurs, chers collègues, la politique de la ville et la rénovation
urbaine constituent deux problématiques essentielles à l’avenir de notre
société. Comme nous le savons, elles ne peuvent à elles seules régler le
problème essentiel des quartiers, celui du chômage. Mais elles ont
montré la voie et donné l’élan indispensable. Dans cet esprit, la
précédente majorité a réalisé le plus grand programme de rénovation
urbaine jamais entrepris dans notre pays et mené une politique
courageuse et volontaire donnant accès au plus grand nombre de
territoires à des outils et des crédits.
Aujourd’hui, deux points
essentiels du texte continuent de faire débat. Le premier porte sur
l’article 4, qui crée et définit les quartiers prioritaires ayant
vocation à remplacer les quartiers existants. La nouvelle définition
s’appuie sur un nombre minimal d’habitants et sur un écart de
développement économique et social évalué selon le revenu des habitants.
L’étude d’impact ne donne malheureusement aucune information
supplémentaire.
M. Martial Saddier. Elle a raison !
Mme Valérie Lacroute. Il a fallu, monsieur le ministre, qu’un hebdomadaire dominical vous consacre la semaine dernière une interview pour que l’on découvre enfin les détails de la méthodologie retenue.
M. Martial Saddier. Ce n’est pas sérieux !
M. Philippe Bies, rapporteur pour avis de la commission du développement durable, de l’aménagement du territoire, M. Dominique Baert et rapporteur pour avis de la commission des finances de l’économie générale et du contrôle budgétaire. Et la réunion au ministère ?
M. Martial Saddier. Et les maires de province ?
M. François Lamy, ministre délégué. Je vais les voir !
M. Martial Saddier. Surtout s’ils sont de gauche !
Mme Valérie Lacroute. L’application de la règle mathématique de 60 du revenu médian
devrait aboutir à une liste de 1 300 quartiers entrant dans la nouvelle
géographie prioritaire, pour 1 200 qui en sortent. À l’issue des débats
en commission, nous n’avons toujours pas connaissance de cette liste,
dont la publication est ajournée jusqu’aux échéances municipales de
2014. Pourquoi un tel délai ? Est-ce le signe d’une nouvelle reculade du
Gouvernement ? Le critère proposé parait en effet insuffisant, car il ne
prend pas en compte les spécificités ni les disparités de certains
territoires. Craignez-vous à ce point, monsieur le ministre, la vive
réaction des centaines de maires dont le territoire sortira
prématurément du dispositif ? Quel sera le devenir des quartiers qui
sortiront de la géographie prioritaire ? De quel accompagnement
bénéficieront les communes ?
J’en viens à un exemple précis. Je suis
maire d’une commune de 13 000 habitants, la seule de ma circonscription
bénéficiant d’un dispositif d’aide. Grâce à l’ANRU, nous avons rénové
aux quatre cinquièmes un quartier de plus de 5 000 habitants. De
nombreuses actions accompagnent la politique de la ville : contrat local
de santé, adultes-relais, contrat local d’accompagnement social,
programme de réussite éducative. Toutes ces actions indispensables
représentent plus de 300 000 euros d’aide annuelle. À quelques centaines
de mètres de ce quartier, un autre plus petit, qui compte un millier
d’habitants, malheureusement en souffrance, ne bénéficie d’aucune
action, hormis bien évidemment celles que j’ai mises en place grâce aux
finances de la ville.
Ma question est donc très simple et se pose
pour un certain nombre de communes : si cette commune sort du
dispositif, qu’adviendra-t-il de toute l’ingénierie que nous n’aurions
pu mettre en place seuls ? Comment financer des dispositifs qui
représentent à ce jour plus de 2 % du budget de fonctionnement de la
ville ? L’addition sera salée ! Nous subirons une double peine, car les
collectivités verront leur dotation baisser et les taux de TVA flamber !
Malheureusement, d’après les premières discussions de ce matin, nous
avons peu de chances d’obtenir la liste.
M. Philippe Bies, rapporteur pour avis. Vous aussi ? Cela tourne à l’épidémie !
Mme Valérie Lacroute. Vous avez néanmoins annoncé, monsieur le ministre, qu’il était possible de la consulter au ministère en toute transparence. Me voici, devant vous : est-il possible de connaître le sort de ma commune ? (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)
M. François Lamy, ministre délégué. Vous n’êtes pas députée de votre commune, mais de la nation !
M. Alexis Bachelay. On est à l’Assemblée Nationale, ici !
M. Dominique Baert, rapporteur pour avis. Nous ne sommes pas au conseil municipal !
M. Martial Saddier. Elle a raison !
Mme Valérie Lacroute. Comme vous le savez, de nombreuses communes préparent leurs budgets. Dès lors que le budget de ma commune est en cours d’élaboration, est-il possible d’avoir connaissance de la liste…
M. Jean-Philippe Mallé. Vous n’êtes pas députée de votre commune !
Mme Valérie Lacroute. … – je me fais ici le porte-parole d’un certain nombre de maires –, afin que chacun puisse préparer son budget en toute transparence ? (Applaudissements sur les bancs des groupes UMP et UDI.)
M. Martial Saddier. Elle a raison !
Mme Valérie Lacroute. Le second point, par lequel je terminerai, c’est la base légale des contrats de ville ayant vocation à remplacer le CUCS. Il serait plus opportun de laisser plus de souplesse à la conclusion des contrats de ville et de laisser le choix localement du niveau de collectivité le plus pertinent pour co-contracter avec l’État. Restreindre la conclusion des contrats au niveau de l’EPCI risque de bloquer certaines initiatives communales pour lesquelles les élus espèrent bénéficier d’un contrat de ville. Voter le texte, monsieur le ministre, équivaudrait à donner un chèque en blanc au Gouvernement, ce que nous ne pouvons nous résoudre à faire. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)
M. Martial Saddier. Bravo !
M. Philippe Bies, rapporteur pour avis. Cela vous changera des chèques en bois !
M. le président. La parole est à Mme Hélène Geoffroy.
Mme Hélène Geoffroy. Monsieur le président, monsieur le ministre, messieurs les
rapporteurs, chers collègues, je suis députée d’une circonscription
marquée par la politique de la ville. C’est en effet à Vaulx-en-Velin
qu’eurent lieu en octobre 1990 les premières émeutes urbaines, qui
plongèrent la France dans la tétanie. C’est à Bron, le 4 décembre 1990,
que François Mitterrand annonça la création d’un ministère de la ville.
Enfin, Renaud Gauquelin, maire de Rillieux-la-pape, troisième ville de
ma circonscription, est le président de l’association des maires de
ville et banlieue. Vous comprendrez, monsieur le ministre, combien le
projet de loi était attendu et même espéré et à quel point nous nous en
réjouissons tous.
Plus de vingt ans après le démarrage de la
politique de la ville, le bilan est contrasté. Certes, elle a permis la
mise en œuvre de chantiers bénéficiant de moyens importants, comme
l’amélioration du bâti et du cadre de vie Mais elle a également empilé
les dispositifs d’exception, égrenés comme une litanie : ZUP, ZUS, ZEP,
ZFU, ZRU, CUCS, GPU, GPV, DDU, DSU, le tout nous donnant le sentiment de
vivre dans des terres d’exception. La première grande force de votre
projet, monsieur le ministre, est d’affirmer que les villes concernées
ont vocation à sortir des dispositifs d’exception et à intégrer le droit
commun. La République n’a pas vocation à gérer des lieux de relégation
mais à faire nation commune. Il n’y a pas « eux » et « nous », mais bien
des citoyens de notre grand pays, comme le rappelle avec force l’article
1er du texte.
Deuxième grande force de ce
texte, il prévoit que la rénovation du bâti s’accompagnera d’une
politique tournée vers l’humain et l’insertion professionnelle – c’est
l’objectif des emplois d’avenir – et il affirme que c’est dans les lieux
de vie communs que se construit le « vivre ensemble » et qu’il faut donc
consacrer les moyens nécessaires à la réhabilitation des équipements
publics.
Le projet de loi précise également que la politique de
cohésion urbaine ne peut faire table rase du passé et que nos villes ont
une histoire, celle de l’immigration, bien sûr, qu’elle soit italienne,
espagnole, portugaise, maghrébine, d’Afrique noire ou d’Europe de l’est,
mais aussi une histoire ouvrière, avec des usines, des friches
industrielles et des combats syndicaux qui forgent une identité.
La
troisième grande force de votre projet, monsieur le ministre, est
d’inscrire dans la loi la nécessité de la participation des habitants.
Le rapport que vous aviez demandé à Marie-Hélène Bacqué et Mohammed
Mechmache au sujet de la participation citoyenne dans la politique de la
ville a été très remarqué ; votre texte reprend un certain nombre de ses
préconisations. Nous devrons, bien sûr, approfondir et rendre vivant ce
qui n’existe que sous la forme d’un article, mais déjà, lors du dernier
conseil d’administration de l’ACSé, dont je suis membre, sa présidente,
Naïma Charaïa, a souligné l’avancée considérable que constitue ce
texte.
Je le dis souvent, la politique de la ville ne peut être
réussie uniquement par les techniciens, censés être les seuls experts en
la matière. Ceux qui font la politique de la ville doivent vivre la
ville, et les citoyens sont les experts de leur propre vie. Ils sont
reconnus en tant que tels grâce aux conseils citoyens, disposant de
budgets participatifs qui vont permettre de co-construire, à toutes les
étapes d’un contrat de ville, le projet pour les quartiers
populaires.
J’ai été, à titre personnel, profondément marquée par
deux faits. Le premier est lié aux émeutes qui ont éclaté à
Vaulx-en-Velin alors que le quartier du Mas-du-Taureau venait d’être
réhabilité ; une semaine avant, tout Lyon s’était déplacé pour une
inauguration en grande pompe.
Le second, c’est ma réélection comme
conseillère générale du canton de Vaulx-en-Velin en 2011. Au premier
tour, je suis arrivée en tête avec près de 30 %, mais seulement 1 570
voix pour une ville de 42 000 habitants, et je me suis retrouvée face au
FN au second tour – cela montre bien que nous sommes face à un problème
profond. En décembre 1990, François Mitterrand avait prononcé ces mots
si justes : « L’urbanisme ne transformera pas la ville et encore moins
la vie si on ne fait pas appel à ceux qui sont là. […] On ne réussira
pas si l’on prétend se substituer aux habitants des quartiers parce
qu’il faut que chaque habitant, autant qu’il est possible, se sente le
propre auteur de l’œuvre, son propre créateur […] Tout homme a besoin
d’avoir part à la création, sinon il ne s’y reconnaît pas. »
La
démocratie participative ne pourra que vivifier et redonner toute sa
légitimité à la démocratie représentative. Lorsque les citoyens sont
pénétrés de la conviction que leur vote ne sert à rien, la désespérance
s’installe et de la désespérance naissent le repli sur soi et le
fascisme. Je me félicite donc que notre rapporteur annonce que la
réflexion se poursuivra au sein d’un groupe d’étude dont il demande la
création.
Pour conclure, je souhaite partager avec vous ces mots du
grand poète Aimé Césaire, prononcés ici même, en 1946, lors du débat sur
la départementalisation ; si nous parvenons à les faire nôtres, c’est
que notre projet aura réussi. Aimé Césaire disait : « Par ce projet,
nous aurons contribué à établir une fraternité agissante au terme de
laquelle il y aura une France plus que jamais unie et diverse, multiple
et harmonieuse, dont il est permis d’attendre les plus hautes
révélations. » (Applaudissements sur les bancs du groupe
SRC.)
M. le président. La parole est à M. Jean-Luc Laurent.
M. Jean-Luc Laurent. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, y a-t-il besoin d’une politique de la ville ? Couverte de critiques, en particulier celle, technocratique, de la Cour des comptes, elle est condamnée au tribunal de l’opinion. Faut-il maintenir une politique de la ville ? La politique des villes, à l’heure où nous célébrons l’anniversaire de la marche pour l’égalité de 1983, est-elle encore utile ? Évidemment, oui ! La politique de la ville, pour l’égalité sociale et territoriale, pour faire du commun, pour faire entrer dans la réalité partout et pour tous la République…
M. François Pupponi, rapporteur. La res publica !
M. Jean-Luc Laurent. …est une nécessité et une exigence.
Il y a d’abord une illusion
statistique que je veux souligner. Le solide appareil statistique qui
accompagne la politique de la ville mesure le décrochage des lieux et
des quartiers, mais laisse échapper les individus, alors même que ces
quartiers sont d’une grande mobilité. Il n’y aurait rien de plus faux
que de souscrire à l’image de quartiers immobiles, où les générations
s’entasseraient comme dans des ghettos. En réalité, des individus, des
familles en sortent, d’autres arrivent, en général moins bien dotés en
capital économique, culturel et social.
Au cours des trente années
écoulées depuis 1983, la France a subi un mouvement continu de
désindustrialisation et de mutation du travail, qui a frappé non
seulement la France de l’est, mais aussi les grandes agglomérations,
l’urbain et le périurbain, à commencer par Paris et sa région. Ces
trente années ont aussi été marquées par le recul des grandes
institutions, très verticales, très républicaines, hautement nécessaires
et utiles. Je pense à l’École – que j’écris avec un grand E – mais aussi
à l’armée, avec la suppression du service national ; je pense à la
rationalisation des services publics qui, trop souvent, a marqué leur
recul dans les communes et surtout dans les quartiers populaires.
La
politique de la ville ne peut pas être jugée indépendamment de ce
contexte plus large. Pendant ce temps, les fractures ont certes perduré,
mais ces quartiers n’ont pas sombré pour autant. Autour de la politique
de la ville, des acteurs locaux se sont mobilisés, obtenant de nombreux
succès auxquels il faut rendre hommage. Souvent à l’initiative de maires
entrepreneurs et soucieux de la cohésion sociale et urbaine, ces
quartiers ont bénéficié d’investissements importants du bloc communal –
auquel j’inclus les intercommunalités depuis la loi
Chevènement.
Aujourd’hui, monsieur le ministre, vous nous proposez
non pas une refondation, mais une rénovation profonde. Elle est
nécessaire. Tirée à hue et à dia, la politique de la ville s’est
complexifiée jusqu’à la confusion en juxtaposant des dispositifs et en
produisant une machinerie, en aboutissant à une ingénierie complexe –
trop complexe. On entend déjà la critique reprochant au critère unique
de la pauvreté de diluer la spécificité de la politique de la
ville.
À entendre certains, la politique de la ville ne devrait
viser que des quartiers décrochés dans des zones dynamiques. Mais les
décrochages urbains et les inégalités ne sont pas moins violents dans
les petites agglomérations moins dynamiques que les métropoles. Il est
essentiel, à mes yeux, de prendre en compte les poches de pauvreté
urbaine qui échappent au paysage traditionnel des cités HLM faites de
tours et de barres. Cette pauvreté peut aussi être située en
centre-ville, concerner des copropriétés et du parc social de fait, ou
des espaces pavillonnaires.
Il faut saluer cette révolution mentale
qui rapproche les représentations, la réalité et les politiques
publiques, qui ont pour ambition de saisir le réel pour le transformer.
Bien sûr, les enjeux seront toujours plus forts dans les métropoles. Le
projet de loi dont nous discutons aujourd’hui doit s’articuler avec le
texte sur les métropoles, afin de traiter de ces enjeux. La légitimité
d’une politique nationale de la ville sera renforcée par cette nouvelle
géographie qui regarde la France telle qu’elle est ou, pour reprendre le
titre d’un documentaire important diffusé récemment par le service
public, qui regarde « la France en face ».
Nous avons besoin
d’utiliser tous les leviers disponibles pour sortir notre nation de la
crise que nous traversons – et, j’ose le dire devant la représentation
nationale, pour « faire France ». Monsieur le ministre, votre projet de
loi nous invite à aller de l’avant et c’est pourquoi nous le
soutiendrons. (Applaudissements sur les bancs du groupe
SRC.)
M. le président. La parole est à Mme Pascale Boistard.
Mme Pascale Boistard. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues,
nous sommes nombreux ici à partager une même conviction, un même
attachement au modèle sociétal français. Ce modèle constitue une part
essentielle de notre histoire et de notre identité. Il se confond avec
ce que nous sommes. Il fait la force et la cohésion de notre pays. Au
cœur de ce modèle, il y a un principe d’égalité, auquel nos concitoyens
sont profondément attachés. Oui, les Français veulent que la France
avance rassemblée. Ils veulent une société unie qui fasse sa place à
chacun.
Dans son discours du Bourget, le Président de la République,
François Hollande, a dit : « Chaque nation a une âme et l’âme de la
France, c’est l’égalité ». L’engagement no 27 du
Président de la République, visant à faire de l’égalité républicaine
entre les territoires une priorité de l’action de l’État, a donc conduit
le Gouvernement à engager une nouvelle étape de la politique de la
ville. Car l’égalité est bien la raison d’être et la colonne vertébrale
de ce projet de loi de programmation pour la ville et la cohésion
urbaine.
Depuis dix-huit mois, nous avons déjà beaucoup fait.
Prenant l’exact contre-pied de nos prédécesseurs, nous avons fait
clairement le choix de passer d’une logique de confrontation à une
logique de concertation et de négociation. La bonne méthode est bien de
rechercher ensemble des solutions en partant de l’analyse des problèmes,
en faisant le bon diagnostic avant de se fixer un plan d’action. Il
faut, de ce point de vue, saluer votre engagement, monsieur le ministre,
et votre choix de renforcer la dimension partenariale de la politique de
la ville par une gouvernance locale clarifiée, donc plus efficace, et
par l’association des habitants aux projets. Outre le gage d’efficience
que cela représente pour les actions mises en œuvre, c’est là une
contribution essentielle à la vie démocratique de notre
pays.
Changer le visage de dizaines de quartiers sans pour autant
redonner le sourire à leurs habitants, cela ne pouvait nous satisfaire !
N’ayons de cesse de saluer le courage et la volonté dont les habitants
des quartiers populaires font preuve quotidiennement, ces quartiers que
j’ai à l’esprit en m’exprimant à cette tribune et que vous connaissez
bien, monsieur le ministre : Pigeonnier, Messager, Mozart,
Fafet-Brossolette-la-Cité, Balzac, Léo Lagrange-Schweitzer,
Saint-Maurice.
Nous le savons tous : pour les habitants des
territoires ciblés au titre de la politique de la ville, la clé, comme
pour tous les Français, c’est l’emploi. Il est donc de notre
responsabilité de permettre aux publics les plus fragiles de ne pas
perdre l’espoir de trouver un travail. Nous ne pouvons nous résoudre à
ce que les dizaines de milliers de jeunes qui sortent chaque année du
système scolaire et universitaire sans diplôme ni qualification
subissent, tout au long de leur vie, les conséquences de ce handicap.
Pour lutter contre la précarité que connaissent aujourd’hui beaucoup de
jeunes, il faut donner à chacun les outils pour tracer lui-même son
propre chemin, en valorisant le mérite.
Dans ce combat, l’angélisme
et l’hypocrisie sont nos ennemis. Nombreux sont ceux qui sont confrontés
à des discriminations en raison de leur origine, de leur nom ou de leur
lieu de résidence. Laissons de côté les origines, laissons de côté les
préjugés. Faisons une place aux talents. La diversité de la France est
une force pour la France.
Nous avons pu constater, depuis deux ans,
l’appétit de changement qui existe dans notre pays. Il faut du courage
et de la détermination pour que la France se retrouve. Cela est à notre
portée, pourvu que nous nous en donnions les moyens. C’est ce que
Jean-Marc Ayrault et vous-même, monsieur le ministre, avez fait, ainsi
que les membres de la commission des affaires économiques. Nous ne
pouvons, nous autres législateurs et responsables politiques, assister
impuissants et inactifs au dramatique effilochage du lien
social.
Pour vous inviter à voter ce projet de loi, permettez-moi de
citer Victor Hugo s’adressant ici même à nos illustres prédécesseurs :
« Vous n’avez rien fait, rien fait, tant que dans cette œuvre de
destruction et de ténèbres, qui se continue souterrainement, l’homme
méchant a pour collaborateur fatal l’homme malheureux ! ».
(Applaudissements sur les bancs du groupe
SRC.)
M. Dominique Baert, rapporteur pour avis. Superbe !
M. le président. La discussion générale est close.
La parole est à M. le ministre
délégué.
M. François Lamy, ministre délégué. Avant que nous n’entamions l’examen des articles, je veux d’abord
dire quelques mots pour remercier l’ensemble des députés de la majorité
qui ont exprimé leur soutien à ce texte, à savoir Mme Abeille,
M. Braillard, M. Blein, M. Liebgott, Mme Geoffroy, M. Laurent et
Mme Boistard. Ce sont tous des élus engagés depuis de nombreuses années
dans la politique de la ville, et leur aide dans la rédaction initiale
du projet, puis dans les modifications qui y ont été apportées, a été
précieuse.
J’ai entendu ce qu’a dit M. Asensi au sujet de ses
incertitudes en matière de mixité sociale et de ce qu’il considère comme
un désengagement de l’État.
Ce projet de loi contient des
dispositions majeures sur la mixité sociale, largement enrichies,
d’ailleurs, par le débat en commission. Nous savons que c’est la
question la plus difficile. Comme cela a été dit, certains quartiers
sont l’objet d’une forte mobilité : dès que quelqu’un va mieux, il en
sort et est remplacé par quelqu’un qui rencontre des difficultés
supérieures. La rénovation urbaine a permis de régler, en partie, les
problèmes affectant certaines localités, mais il faut aller plus loin.
Comme je le disais tout à l’heure, ce projet de loi fixe un cadre qui
nous permet de continuer à travailler sur la mixité sociale.
Ce
sujet mérite que l’on engage à nouveau un débat. En effet, l’on entend
une petite musique, émanant de spécialistes, de sociologues, qui
affirment qu’il y a toujours eu des quartiers populaires, que c’est
normal, l’essentiel étant de permettre la mobilité résidentielle,
c’est-à-dire de rendre possible le passage d’un quartier à un autre en
cas d’ascension sociale. Ces quartiers populaires joueraient ainsi le
rôle de sas. Or, la réalité, vous la connaissez : ce sont toujours les
mêmes qui partent et toujours les mêmes qui restent ! Il est donc
nécessaire de relancer le débat, faute de quoi tous nos efforts seront
vains. Certes, les milliards engagés en faveur de la rénovation urbaine
sont utiles, car ils permettent d’améliorer l’espace public et
l’habitat, et réduisent parfois le désenclavement des quartiers. Mais
cela ne suffira pas si l’on ne s’attaque pas aussi – je n’ai jamais eu
peur du mot – à la question des politiques de peuplement. Il s’agit de
voir comment nous pouvons favoriser la mixité sociale, petit à petit,
sans stigmatiser les populations, par des mécanismes liés au prix du
foncier, à l’attribution de logements, et, plus généralement, par tous
les outils à notre disposition.
Cela implique aussi, parfois, un
changement d’image : les classes moyennes ne veulent plus aller dans ces
quartiers parce qu’ils ont tout simplement mauvaise réputation, comme
dirait Brassens. Le travail sur la mémoire et la concertation citoyenne
doivent aussi contribuer au changement d’image des quartiers
populaires.
Monsieur Asensi, s’agissant du prétendu désengagement de
l’État et de la création d’une nouvelle géographie prioritaire qui y
répondrait, je veux vous rappeler que les budgets 2013 et 2014 de la
politique de la ville ont été sanctuarisés. J’ai augmenté l’année
dernière, et je le referai cette année, les subventions de soutien aux
actions locales et associatives dans les département prioritaires, dont
le vôtre, mais également dans les Bouches-du-Rhône, dans le Nord et dans
le Pas-de-Calais ; ce sera le cas, l’année prochaine, des départements
de la région Languedoc-Roussillon – qui éprouvent, comme j’ai pu
constater, de grandes difficultés et ont besoin de soutien – mais
également, madame Boistard, de la Somme. C’est une réponse à la demande
de rééquilibrage qui avait été faite par la Cour des comptes, et qui
revêt, à mes yeux, une importance majeure car, au cours des dernières
années, on en a fait moins dans ces départements que dans
d’autres.
Je veux répondre aux interrogations de MM. Tetart et
Richard, ce qui nous permettra d’aller plus vite dans la suite du débat.
Monsieur Tetart, vous avez demandé pourquoi on ne laissait pas à
l’échelon local le choix entre l’échelon communal et l’échelon
intercommunal pour la conclusion des contrats de ville. Tout simplement
parce que l’expérience nous montre que, si les deux niveaux ont leur
utilité, le fait de renvoyer systématiquement à l’échelon local fait
courir le risque de reproduire certaines erreurs passées. Vous savez, en
effet, que l’on a parfois « construit » des territoires pour en écarter
d’autres. Si on laissait le pouvoir de décision au niveau local, je ne
vois pas qui irait travailler – pour prendre deux exemples en région
Île-de-France – avec Clichy et Montfermeil, eu égard à leur
environnement. Je pourrai également citer d’autres territoires en
régions. En outre, le cadre intercommunal permet de dresser un
diagnostic, de travailler sur les questions de peuplement, à travers la
reconstitution et l’élargissement de l’offre d’habitat, de contribuer au
désenclavement des quartiers et de fournir aux élus des plus petites
communes l’ingénierie humaine la plus compétente possible, tout en
laissant aux maires la capacité de travailler au plus près de la
population.
M. Jean-Marie Tetart. De là à prévoir des amendes !
M. François Lamy, ministre délégué. Je connais le sujet pour avoir été maire pendant onze ans et président d’une intercommunalité pendant dix ans. Dès lors que les membres de l’intercommunalité font preuve de bonne volonté – ce qui est le cas général –, chacun exerce les prérogatives relevant de son niveau et cela démultiplie, lorsque la répartition du travail est bien faite, la capacité d’action des maires. Il n’y a donc pas d’inquiétude à avoir, à partir du moment où la loi définit clairement les rôles des uns et des autres.
M. Jean-Marie Tetart. S’il n’y a pas d’inquiétude, il n’y a pas besoin d’amendes !
M. François Lamy, ministre délégué. La loi doit clarifier les choses, et cela répond d’ailleurs à l’une
de vos demandes.
M. Richard a demandé si la réforme de la géographie
prioritaire était liée à une forme de désengagement financier de l’État.
J’ai déjà répondu à M. Asensi à ce sujet. Il faut dépasser le comique de
répétition consistant à réclamer : « La liste, la liste, la
liste ! »
M. Martial Saddier. Je n’ai encore rien dit !
M. François Lamy, ministre délégué. Non, mais vous allez sans doute bientôt y revenir ! (Sourires).
M. Martial Saddier. Cela ne devrait en effet pas tarder !
M. François Lamy, ministre délégué. Monsieur Saddier, au-delà du comique de répétition, dont je suis féru, je veux dire que la grande différence avec la période précédente réside dans le fait que ce n’est plus le ministre qui dresse la liste.
M. Martial Saddier. Si !
M. François Lamy, ministre délégué. Ce n’est pas le ministre qui déplace les curseurs pour faire entrer untel ou untel.
M. Martial Saddier. Mais si, c’est écrit dans le projet de loi !
M. François Lamy, ministre délégué. Non, c’est la situation sociale du quartier qui permet de déterminer son inclusion ou non dans la liste. Vous savez bien comment cela se passait auparavant. Si je voulais être cruel, je pourrais vous expliquer pourquoi, à une certaine époque, certaines villes ont bénéficié de la politique de la ville, et pourquoi d’autres en ont été exclues.
M. Martial Saddier. Dont la mienne !
M. François Lamy, ministre délégué. On modifient les coefficients et les critères et, soudain, ô miracle ! la ville entre dans le périmètre de la politique de la ville. C’est comme cela que l’on est arrivé à 2 400 ou 2 500 contrats urbains de cohésion sociale.
M. Martial Saddier. Vous ne pouvez pas me dire cela à moi, ma ville n’en a pas bénéficié !
M. François Lamy, ministre délégué. Je vous dis simplement que c’est ainsi que cela s’est passé, mais
vous aurez l’occasion de revenir sur le sujet dans la suite du
débat.
Le critère unique permettant de déterminer le caractère
prioritaire d’un quartier est objectif. Il n’en demeure pas moins
nécessaire de travailler avec les maires afin que l’on dessine
correctement les contours. Je ne voudrais pas, toutefois, que l’on s’en
tienne à la question des quartiers, car, à partir du moment où l’on a
défini la liste des quartiers prioritaires, l’objectif est d’en sortir.
Je veux dire, par exemple, au député-maire d’Auch, ici présent, que l’on
va non seulement travailler sur le quartier du Garros, mais également
sur le lien que ce dernier entretient avec la ville et le territoire
environnant. C’est donc une nouvelle philosophie qui va nous
inspirer.
M. Richard, qui connaît bien ces sujets, a exprimé une
grande inquiétude au sujet de la baisse du nombre de quartiers
prioritaires.
M. Martial Saddier. Eh oui !
M. François Lamy, ministre délégué. Or, à quoi sert cette catégorisation ? À appliquer un certain nombre
de dispositifs d’exonération fiscale, de bonification indiciaire pour
les fonctionnaires voire, éventuellement, de réduction du taux de TVA.
Cette loi rendra possible l’application de tous ces dispositifs en zone
urbaine sensible ; ces derniers seront donc applicables dans tous les
quartiers prioritaires de la politique de la ville.
Le changement
essentiel tient au fait que l’on concentre l’ensemble des moyens de
l’État et des disponibilités vers les quartiers les plus en
difficulté.
Mme Valérie Lacroute et M. Martial Saddier. Quels quartiers ?
M. François Lamy, ministre délégué. Je vais vous dire quels quartiers ne seront plus jugés prioritaires.
M. Martial Saddier. C’est la question que nous vous posons depuis ce matin !
M. François Lamy, ministre délégué. Ils appartiennent à deux catégories. Il y a d’abord ceux qui n’auraient jamais dû entrer dans le périmètre de la politique de la ville, mais qui y sont entrés grâce aux bonnes relations entre le maire et le préfet ou à la capacité du ministre à faire bouger les curseurs. Je n’aurai pas la cruauté de vous communiquer cette liste !
M. Martial Saddier. Mais si !
M. François Lamy, ministre délégué. Cela vous ferait mal. Il y a ensuite les quartiers de certaines villes, où le travail des élus a permis que ces quartiers aillent mieux : c’est le cas de ma commune, Palaiseau.
M. François Pupponi, rapporteur. Eh oui, car elle a un bon maire !
M. François Lamy, ministre délégué. Nous avons eu besoin, à un moment donné, des crédits de l’État, pour permettre aux collectivités du territoire, dont ma ville, de faire évoluer la situation dans quelques quartiers. Mais nous n’en avons aujourd’hui plus besoin. Les maires dont les villes relèvent de cette deuxième catégorie pourront se présenter à l’élection municipale en affichant leur satisfaction que leur commune soit sortie de la politique de la ville, ou leur espoir qu’elle en sorte bientôt, car cela signifie qu’ils ont bien travaillé au cours des dernières années.
M. Martial Saddier. Mais vous mettez en place un dispositif de sanctions !
M. François Lamy, ministre délégué. Pourquoi certaines villes resteront-elles prises en charge ? Parce
qu’elles concentrent des difficultés importantes et ont encore besoin du
soutien actif de l’État et des autres collectivités pour essayer
d’améliorer la vie de leur population.
Monsieur Richard, comme
l’indique le texte, les villes qui demeureront dans le périmètre de
veille active pourront encore contractualiser avec l’État, avec les
moyens de droit commun, mais je répète ce que j’ai dit en commission :
pour 2014, les crédits seront maintenus, car il s’agit d’une année
transitoire.
Par ailleurs, je serai très attentif à ce que l’on
n’arrête pas certains dispositifs qui ont fait leur preuve dans les
quartiers et qui doivent s’inscrire dans la durée – je pense tout
particulièrement aux programmes de réussite éducative engagés par les
communes. Dès que la liste sera publiée, à la fin du printemps, nous
nous mettrons au travail avec les élus.
Comme je l’ai dit dans mon
intervention liminaire, nous posons un cadre, mais l’application de
cette politique nécessitera l’engagement de tous au service des
habitants de nos quartiers. (Applaudissements sur les bancs
des groupes SRC et écologiste.)
M. le président. Je vous propose une suspension de séance de cinq minutes.
M. le président. La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à douze heures quarante-deux, est
reprise à douze heures quarante-sept.)
M. le président. La séance est reprise.
M. le président. J’appelle maintenant, dans le texte de la commission, les articles du projet de loi.
M. le président. La parole est à M. Alexis Bachelay, inscrit sur l’article 1er.
M. Alexis Bachelay. Monsieur le président, monsieur le ministre délégué chargé de la
ville, mes chers collègues, le présent projet de loi marque une
étape décisive pour l’avenir et la crédibilité de la politique de la
ville dans notre pays.
L’article 1er que
nous sommes sur le point d’examiner propose une refondation de la
politique de la ville à l’heure où notre pays traverse une crise
importante. Il est fondamental de travailler à la solidarité
nationale envers les quartiers les plus défavorisés, et la politique
de la ville en est un outil fondamental. Renforcer son efficacité
est une priorité à l’heure où les moyens budgétaires de l’État sont
contraints.
Monsieur le ministre, je veux saluer le travail
considérable que vous avez réalisé à travers les « 3 C » :
concertation, courage et cohérence. Une large concertation a permis
tout d’abord d’associer en amont les acteurs principaux de la
politique de la ville. Vous avez ensuite fait preuve de courage, car
il en faut pour remettre à plat la géographie prioritaire et
affronter tous les égoïsmes. Il était enfin nécessaire de renforcer
la cohérence de cette politique.
Dans l’article
1er, nous réaffirmons certains principes
fondateurs de la politique de la ville que nous devons améliorer et
renforcer. Nous réaffirmons tout d’abord qu’il s’agit d’une
politique contractualisée menée par les acteurs – État,
collectivités locales, associations et citoyens – et que c’est par
cet échange et ces expériences partagées que les projets menés
pourront répondre aux besoins spécifiques et en évolution constante
de nos quartiers.
Nous souhaitons ensuite que cette politique
soit capable de mobiliser des crédits de droit commun afin de
rétablir une présence forte des services publics dans les quartiers,
en particulier pour l’éducation et la sécurité. Ces politiques
doivent en effet mobiliser tous les crédits nécessaires.
La
politique de la ville que nous voulons est également une politique
évaluée qui s’attache non seulement aux quartiers ciblés, mais aussi
aux trajectoires des résidents de ces quartiers, c’est-à-dire non
pas uniquement à l’urbain mais aussi à l’humain, qui est au cœur de
la politique menée. La création de l’observatoire national de la
politique de la ville répondra à cette préoccupation.
Enfin,
nous voulons que la politique de la ville s’appuie sur l’initiative
des habitants et sur la mémoire de ces derniers. Les quartiers
populaires sont riches d’expériences, de formes de solidarité
nouvelles, de mobilisation militante et associative sur lesquelles
nous pouvons nous appuyer.
Chers collègues, c’est par la mise en
œuvre de cette politique courageuse et coordonnée que nous pourrons
favoriser la pleine intégration des quartiers défavorisés et des
femmes et des hommes qui y vivent.
M. Christian Assaf. Très bien !
M. le président. La parole est à M. Christophe Borgel.
M. Christophe Borgel. Monsieur le ministre, messieurs les rapporteurs,
l’article 1er constitue le cœur du projet
de loi que nous examinons aujourd’hui.
Il affirme tout d’abord
que si la toujours nécessaire rénovation urbaine doit être
poursuivie, elle doit également être accompagnée, voire complétée
par une réhabilitation humaine. S’il faut bien sûr continuer de
s’occuper des pierres dans ces quartiers, il faut également penser
davantage aux hommes et aux femmes qui y vivent. Il est évident
qu’il est plus agréable de quitter son immeuble le matin en
traversant un hall propre qu’un hall où des jeunes qui ont bu la
nuit précédente ont vomi. Mais quand on est au chômage, que le hall
soit propre ou sale, on le traverse chômeur. S’occuper des hommes et
des femmes est donc tout à fait essentiel, et c’est ce qu’affirme
l’article 1er.
Le deuxième élément qui
me paraît essentiel dans cet article qui, certes, balaie large – nos
collègues de l’UMP ont d’ailleurs moqué la longueur de
l’alinéa 4 –,…
M. Martial Saddier. C’est un problème de lisibilité !
M. Christophe Borgel. …est l’inscription du développement économique et de l’emploi au
cœur des priorités aux alinéas 5 et 6. Telle est la force de cet
article, qui dépasse le simple cadre de la rénovation urbaine en
prenant bien en compte le fait que ces quartiers, nous le savons,
rencontrent des problèmes dans tous les secteurs et sont parfois en
retard dans tous les domaines.
Enfin, au début de l’article, les
élus communaux et intercommunaux sont bien reconnus comme étant
coresponsables, avec l’État, de cette politique. Pour autant, si
celle-ci ne s’inscrit pas dans une démarche de coconstruction avec
les habitants, pour reprendre le terme de l’article, si elle
n’implique pas ces derniers, ils n’en seront pas les premiers
soutiens. Or, nous avons besoin qu’ils le soient si nous voulons que
cette politique réussisse. (Applaudissements sur plusieurs
bancs du groupe SRC.)
M. le président. La parole est à M. Christian Assaf.
M. Christian Assaf. Monsieur le ministre, messieurs les rapporteurs, mes chers
collègues, il est un constat amer que nous pouvons partager sur les
bancs de cette assemblée : celui d’une forme d’échec de la politique
de la ville qui, à coup d’effets d’annonce, de mesurettes, de
revirements et même de réformes, a été vidée de son sens originel, à
tel point que les citoyens n’y croient plus et ont le sentiment que
cette politique qui a suscité tant d’espoirs n’est qu’un miroir aux
alouettes.
Face à cette résignation, et compte tenu des
inégalités territoriales et sociales croissantes, il y a une
urgence : réagir ! Réagir justement, réagir fortement, réagir
efficacement ! Faire plus, faire mieux pour ceux qui ont moins. Il
me semble que c’est le sens que le ministre François Lamy et le
Gouvernement ont souhaité donner à cette réforme.
Ce texte, en
particulier dans son article 1er, marque une
volonté claire : refonder la politique de la ville et évaluer le
plus judicieusement possible cette refondation afin d’en accroître
l’efficacité et l’efficience.
L’article 1er
vise à donner une meilleure lisibilité à la politique de la ville en
redéfinissant le cadre général de cette politique et en l’inscrivant
dans un corpus unique dans le but de réduire les inégalités et
d’améliorer les conditions de vie des habitants. Car c’est d’abord
aux habitants qu’il faut penser ! À cet égard, reconnaissons à ce
projet une innovation majeure : l’association de la population. Rien
ne s’invente, rien ne se décrète, tout se construit collectivement.
Et tout s’évalue ! Car là aussi, ce texte permet d’innover : une
instance nationale de l’évaluation est créée afin que nous puissions
nous assurer que les objectifs fixés seront atteints et, le cas
échéant, de modifier, moderniser et compléter les dispositions que
nous sommes appelés à voter.
Je vous invite donc à voter
l’article 1er, mes chers collègues.
Refondons la politique de la ville au service des territoires et de
leurs habitants ! (Applaudissements sur les bancs du
groupe SRC.)
M. Dominique Baert, rapporteur pour avis. Très bien !
M. le président. La parole est à M. Martial Saddier.
M. Martial Saddier. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, la navette entre l’Assemblée nationale et le Sénat, puis le cas échéant la réunion d’une commission mixte paritaire permettront de clarifier la définition inscrite dans l’article 1er. En effet, pour être lisible, une politique doit être portée par un message clair, court. Très sincèrement, et je m’adresse ici calmement et sereinement à ceux de nos collègues qui étaient présents en commission des affaires économiques, à commencer par son président, M. Brottes, il y avait unanimité sur le besoin de retravailler cette définition.
M. François Pupponi, rapporteur. C’est fait !
M. Martial Saddier. Monsieur le président, je tenais dans la deuxième partie de mon
intervention à vous remercier, car vous avez rappelé ce matin que le
temps de parole imparti au défenseur d’une motion de renvoi en
commission était de trente minutes. Alors que j’ai scrupuleusement
respecté cette consigne en intervenant vingt-cinq minutes ce matin,
j’ai subi des attaques vraiment blessantes. (Rires
et exclamations sur
les bancs du groupe SRC.)
M. Christian Assaf. Vous vous en remettrez !
M. Martial Saddier. Comme nous approchons de l’heure du déjeuner, je vais un peu mieux, même si j’ai accusé le coup…
M. Philippe Bies, rapporteur pour avis. Nous voilà rassurés !
M. Alexis Bachelay. Tout va bien, alors !
M. Martial Saddier. …et j’ai retrouvé quelques forces, monsieur le ministre, pour
vous demander la liste.
Je souhaiterais pour cela vous donner
deux arguments, sur lesquels j’aurai l’occasion de revenir cet
après-midi. Tout d’abord, j’ai senti ce matin que vous portiez un
poids, et je voudrais vous soulager : vous avez dit que le
Gouvernement ne voulait pas offusquer la représentation nationale en
présentant la liste alors qu’elle ne s’est pas exprimée sur le
texte. Monsieur le ministre, le texte que nous examinons aujourd’hui
n’est plus le vôtre, c’est celui de la commission ; vous voilà donc
libéré. Lâchez-vous, présentez-nous la liste !
Par ailleurs, je
voudrais vous donner lecture de l’alinéa 15 de l’article 2 où,
contrairement à ce que vous venez d’affirmer, il est précisé : « Le
ministre chargé de la ville arrête, sur proposition de l’Agence
nationale pour la rénovation urbaine, la liste des quartiers qui
présentent les dysfonctionnements urbains les plus importants. »
C’est donc bien le ministre qui arrête la liste ; c’est ce qui est
écrit, chers collègues !
M. François Lamy, ministre délégué chargé de la ville. Oui, pour l’ANRU !
M. Philippe Bies, rapporteur pour avis. Pour les quartiers prioritaires !
M. Martial Saddier. Puisque c’est le ministre qui arrête,…
M. Daniel Goldberg. C’est vous qui feriez mieux de vous arrêter !
M. Martial Saddier. …et puisque depuis deux ans nous travaillons ensemble, puisque tout est transparent, je pense que mes collègues et moi-même allons nous rendre au ministère pendant la pause du déjeuner pour nous procurer la liste.
M. le président. La parole est à Mme Valérie Lacroute.
Mme Valérie Lacroute. L’article 1er est louable et rassurant dans
la mesure où vous avez pris le temps d’énoncer l’ensemble des
missions de la politique de la ville. Je vous donnerai régulièrement
au cours de cette journée des exemples s’appuyant sur la politique
de la ville qui a pu être mise en place dans la commune dont je suis
l’élue.
Je suis rassurée parce que je retrouve dans cet article
le détail de tout ce que nous faisons déjà et de tout ce que la
précédente majorité a pu mettre en place en matière de politique de
la ville.
À cet égard, je suis un peu étonnée des propos
contradictoires tenus par la majorité, car certains d’entre vous
louent la politique de la ville qui a été mise en place par
Jean-Louis Borloo…
M. François Pupponi, rapporteur. Oui !
Mme Valérie Lacroute. … en précisant que certaines choses doivent être améliorées, tandis que d’autres jugent cette politique catastrophique.
M. François Pupponi, rapporteur. Non ! Nous avons qualifié comme telles les politiques publiques ! Ce n’est pas la même chose !
Mme Valérie Lacroute. Pourriez-vous donc vous mettre d’accord ? Vous pourriez peut-être simplement affirmer que cette politique a le mérite d’exister, que certaines améliorations doivent être apportées ou que certains éléments doivent être modifiés, mais cessez donc de dire qu’elle est catastrophique.
M. François Pupponi, rapporteur. Nous avons toujours dit la même chose !
Mme Valérie Lacroute. Les actions que j’ai mises en œuvre dans ma commune suffisent à démentir une telle affirmation ! Et j’imagine que les habitants de ma commune sont déçus de vous entendre établir un constat aussi catastrophique de ce qui existe.
M. Jean-Marie Tetart et M. Martial Saddier. Très bien !
M. le président. La parole est à M. Michel Liebgott.
M. Michel Liebgott. En ce qui me concerne, je ne verserai pas dans le catastrophisme.
Ce projet de loi, qui nous arrive dans un texte revu par la
commission, ce qui est tout à fait logique – la commission a
d’ailleurs produit un texte, non pas fondamentalement différent,
mais amélioré –, consacre à travers
l’article 1er trois idées qui nous
paraissent tout à fait essentielles.
Premièrement, il faut en
quelque sorte une coproduction entre toutes les collectivités
territoriales. Il est important que les régions, les départements,
les communautés de communes et d’agglomérations, sans oublier les
villes, bien entendu, s’impliquent aux côtés de l’État. On ne voit
pas très bien non plus comment un club de prévention pourrait ne pas
être inclus dans la politique de la ville.
Deuxièmement, il faut
que l’ensemble des habitants soient associés, ce qui est déjà
souvent le cas, par exemple avec les réunions de quartier. Les
régies de quartier sont également de bons exemples d’implication des
habitants dans la gestion de leur quartier : des gens sont rémunérés
pour faire un travail qui concerne leur quartier et qui est, en
général, respecté par les habitants.
Troisièmement – c’est là
une remarque toute simple, mais qui me semble importante, notamment
parce que je suis l’élu d’un territoire dit d’après-mines –, il ne
faut pas négliger les crédits de droit commun dans la politique de
la ville. Ce n’est pas parce qu’un quartier entre dans le périmètre
de la politique de la ville qu’il ne bénéficie pas également de
crédits ordinaires.
M. le président. La parole est à M. Jean-Patrick Gille.
M. Jean-Patrick Gille. Avec cette nouvelle loi sur la politique de la ville et la
cohésion urbaine, nous allons écrire, je n’en doute pas, un nouveau
chapitre d’une histoire commencée il y a plus de trente ans.
Ce
projet de loi est clair et précis – cela mérite d’être souligné, car
ce n’est pas toujours le cas, malheureusement, des textes qui sont
produits –, même si je crains que nous ayons un peu alourdi en
commission l’alinéa 4 de l’article 1er…
M. Jean-Marie Tetart. Vous voulez dire : beaucoup. Il faut couper à la serpe !
M. Jean-Patrick Gille. …notamment sur les questions d’emploi. Sur ce point, le texte me
paraît très redondant, et cela d’autant plus qu’on y revient à
l’alinéa 6. En l’espèce, il est pertinent d’insister, quand bien
même on ne précise pas si les aides spécifiques sont destinées aux
territoires, à savoir les zones franches, ou aux personnes,
c’est-à-dire aux emplois francs – j’en déduis que les uns comme les
autres sont concernés.
Je voudrais rappeler que la politique de
la ville est aussi un laboratoire des politiques urbaines : c’est là
que s’invente l’avenir, parfois pour l’ensemble des villes et des
quartiers. Il s’agit de mettre en œuvre une politique de rattrapage,
de remise à niveau par rapport aux autres quartiers, mais il faut
aussi, pour cela, adopter une approche transversale, chercher à
innover et impliquer les habitants.
À cet égard, je me félicite
que la participation des habitants soit fortement inscrite dans le
texte avec l’obligation, à l’article 5 bis, de
mettre en œuvre des conseils citoyens. C’est donc plus qu’une
thématique : c’est une volonté politique, mais aussi une question de
méthode. Or qui dit méthode dit également nécessité d’une ingénierie
dont j’aurais souhaité qu’elle soit reconnue par la loi, notamment à
travers les centres de ressources régionaux politique de la ville.
J’avais d’ailleurs présenté un amendement, lequel fut déclaré
irrecevable au regard de l’article 40 de la Constitution – il est
toujours difficile d’y échapper et, parfois, je n’y arrive pas !
Quoi qu’il en soit, l’article 5 dit quelques mots sur l’ingénierie.
La participation des habitants ne se décrète pas ; elle nécessite un
peu de méthode. C’est là quelque chose d’essentiel, car la politique
de la ville suppose d’associer trois légitimités : celle des élus
– c’est la démocratie –, celle des techniciens et des services, mais
aussi celle des habitants, dont l’expertise découle de
l’usage.
M. le président. La parole est à M. Arnaud Richard, dernier orateur inscrit sur l’article 1er.
M. Arnaud Richard. L’article 1er de ce texte présente une
différence énorme par rapport à l’article 1er
de la loi de 2003 : à l’époque, nous avions annexé un document,
lequel avait d’ailleurs donné lieu à beaucoup de débats. Cette
annexe citait les sujets sur lesquels il fallait arriver à réduire
les écarts entre les quartiers, car c’est bien de cela qu’il s’agit
si l’on veut bien abandonner le verbiage et utiliser des mots
compréhensibles pour tout le monde. Les domaines concernés étaient
l’habitat, évidemment, mais aussi l’emploi, la santé et la réussite
éducative. Il y avait un ensemble de critères et d’indicateurs très
complets et compréhensibles pour tous les acteurs sur le
terrain.
Au contraire, le quatrième alinéa du présent article
dit tout. Certes, certains domaines faisaient défaut auparavant en
matière de politique de la ville. Nos collègues Verts ont ainsi
ajouté la préservation de la biodiversité, ce qui est très
important ; les habitants des quartiers y seront extrêmement
sensibles. Toutefois, à force de mettre trop de choses dans la loi,
on perd le bénéfice de l’annexe de la loi de 2003 qui, grâce à des
critères très précis, obligeait l’ensemble des administrations et
des collectivités à regarder où l’on en était s’agissant des
différences entre les quartiers. Ce dispositif était tout à fait
opérationnel ; il permettait d’avoir un état des lieux parfait. Là,
vous nous proposez un catalogue de choses – tout ou presque figure
dans le quatrième alinéa – auxquelles on peut difficilement
s’opposer, mais dont la conséquence risque d’être un manque de
visibilité. Au final, selon moi, le texte ne sera pas
opérationnel.
M. le président. La suite de la discussion est renvoyée à la prochaine séance.
M. le président. Prochaine séance, cet après-midi, à quinze heures :
Suite de la
discussion du projet de loi de programmation pour la ville et la cohésion
urbaine.
La séance est levée.
(La séance est levée à treize heures cinq.)
Le Directeur du service du compte rendu de la séance
de l’Assemblée nationale
Nicolas Véron