Fabrication de la liasse
Rejeté
(vendredi 17 mai 2019)
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Supprimer cet article.

Exposé sommaire

Par cet amendement, nous refusons d’encourager le pantouflage dans le secteur privé en diminuant les compétences effectives de la Commission de déontologie de la fonction publique.

En effet, cet article 16 prévoit que :

- La saisine de la Commission de déontologie (qui prononce des avis contraignants) n’est plus le principe mais devient l’exception après 3 étapes (l’agent saisit son supérieur, qui selon son appréciation peut saisir le référent déontologie, qui selon son appréciation peut enfin saisir la Commission… soit un « cérémonial chinois » pour qu’elle ne soit jamais saisie) pour les cas de cessation de fonctions et de recrutement de personnes extérieures envisageant ou ayant travaillé dans le privé (3° a) III)) ;

- La Commission de déontologie voit ses  cas d’autosaisine un peu élargis (quand ni l’agent public ne l’administration ne l’a saisie), avec un problème qui reste entier ; elle dispose d’un délai de trois mois pour le faire, mais comment peut-elle en être informée autrement que par des fuites - presse ou lanceur d’alerte - ? (3° b) VII) ;  

- Les déclarations d’intérêts circulent moins bien entre autorité hiérarchique de départ, d’arrivée et HATVP (1°) ;

- Le fait que seuls certains fonctionnaires seront désormais soumis à un avis de la commission de déontologie lorsqu’ils créent ou reprennent une entreprise est favorisé, alors que c’était le cas pour tous avant (même si cela doit toujours être autorisé par le supérieur hiérarchique (1) b°).

Nous estimons que le Gouvernement souhaite faciliter le pantouflage partiel des fonctionnaires en limitant le contrôle de la Commission de déontologie, notamment pour des fonctionnaires ou agents qui créent ou reprennent une entreprise, mais aussi en lui enlevant de fait son pouvoir de « recommandation » sur les situations individuelles (qui n’arriverait qu’en bout de chaîne…). Ceci va mécaniquement augmenter les conflits d’intérêts !

A noter aussi qu’on peut s’interroger sur les motivations profondes de cette réforme. En effet, rappelons que l’actuel Secrétaire général de l’Elysée Alexis Kohler (alors directeur adjoint au cabinet de Moscovici, et directeur de Cabinet de Macron) a vu ses plans de pantouflage partiellement génés par la Commission de déontologie *1*. Par ailleurs ceci concerne aussi Benalla et son supérieur hiérarchique, qui auraient du saisir tant la Commission de déontologie de ses activités lucratives annexes quand il était en poste à l’Elysée après l’Elysée *2*… Le rognage des compétences actuelles de cette Commission doit-il être appréhendé à l’aune des cas Kohler et Benalla ?

Notons ainsi que l’octroi à la Commission de déontologie d’un pouvoir d’autosaisine de 3 mois à compter de la découverte d’un défaut de saisine aurait ainsi éviter à la Présidence de la République que l’ancien proche du chef de l’État Alexandre Benalla doive lui-même saisir la Commission de déontologie, celle-ci ne pouvant le faire elle même...

 

En détail :

 

Une moins bonne circulation de la déclaration d’intérêts car, celle requise a priori pour la nominations à certaines fonctions hiérarchiques (liste établie par décret en Conseil d’État) est directement transmise à la Haute autorité pour la transparence de la vie publique (HATVP) - et non plus à l’autorité qui envisage de le nommer (1°) ;

Le contrôle de la Commission de déontologie de la fonction publique est restreint concernant les demandes d’autorisation de travail à temps partiel - ou de reconduction de celles-ci pour créer ou reprendre une entreprise (cela ne concernerait plus tous les fonctionnaires mais une partie seulement) (2°).

La Commission de déontologie serait également réformée (3°) :

- la Commission n’a plus à formuler de recommandations (juste émettre un avis) sur les projets de création ou de reprise d’entreprise par un fonctionnaire ou agent public (article 25 septies de la loi du 13 juillet 1983), sur l’activité lucrative exercée après la cessation temporaire ou définitive de fonctions ou un avis sur la réintégration d’un fonctionnaire ou le recrutement d’un contractuel. Avec une telle modification, Alexandre BENALLA aurait pu créer une entreprise durant ses fonctions, avoir un temps partiel sans contrôle de la commission de déontologie et il aurait pu exercer une activité lucrative après ses fonctions avec un simple avis de la commission de déontologie, mais sans recommandations ;

- l’obligation pour l’employeur de saisir la Commission de manière préalable quand un agent souhaite exercer une fonction lucrative après cessation définitive ou temporaire de ses fonctions est supprimée. La demande est transmise au seul supérieur hiérarchique par l’intéressé, et celui-ci s’il a un doute saisit le référent déontologue, puis si celui-ci ne s’estime pas en mesure d’apprécier la situation il saisit la Commission de déontologie... Une dérogation est prévue pour certains « emplois dont le niveau hiérarchique ou la nature des fonctions le justifient » où la saisine est obligatoire, mais sans précision. Ceci réduit presque à néant la saisine de la Commission de déontologie pour des cas de pantouflage. Ici encore le cas de l’affaire Benalla illustre bien le problème d’une telle réforme car cela renvoie directement au fait que Patrick STZRODA n’ait pas saisi la Commission de déontologie alors qu’il aurait dû ;

- il est prévu que pour tout recrutement de fonctionnaire ou agent contractuel qui a vocation à être nommé ou recruté en qualité de directeur d’administration centrale (nommé en Conseil des ministres) ou de dirigeant d’un établissement public de l’État par décret en conseil des ministres et qui a exercé une activité privée lucrative durant les 3 dernières années, l’autorité dont relèvera l’agent saisit la Commission de déontologie (qui a un « temps bref » fixé par décret). S’il existe un doute sérieux, elle doit saisir le référent déontologue.

- La Commission de déontologie n’est donc plus automatiquement saisie pour vérifier si « l’activité qu’exerce le fonctionnaire risque de compromettre ou de mettre en cause le fonctionnement normal, l’indépendance ou la neutralité du service, de méconnaître tout principe déontologique mentionné à l’article 25 ou de placer l’intéressé en situation de commettre l’infraction prévue à l’article 432‑12 ou à l’article 432‑13 du code pénal. », puisque cela dépend à la fois du niveau de responsabilités estimé de la personne, ainsi que de la réaction de l’autorité hiérarchique et du référent déontologue.

- la Commission ne peut plus demander des « explications », mais des « informations »... (c du 3°).

Désormais, le contrôle de la commission de déontologie serait limité non pas à tous les fonctionnaires mais à une liste limitée - ceux qui doivent actuellement remplir une déclaration d’intérêts) (ici : https ://www.legifrance.gouv.fr/eli/decret/2016/12/28/RDFF1631110D/jo/texte : souvent directeur ou directeur adjoints, corps d’inspection, les chefs de service, les emplois qui concernent la signature de contrat, etc).

NB les avis de la Commission de déontologie de la fonction publique (25 octies loi 1983, « compatibilité », « compatibilité avec réserves », « incompatibilité ») s’imposent à l’agent public (article 25 nonies de la loi de 1983 : applicables aux membres des cabinets ministériels, aux collaborateurs du Président de la République ainsi qu’aux collaborateurs de cabinet des autorités territoriales.)

=> Seuls sont publics les avis et recommandations ne concernant pas des situations individuelles.. (dernier alinéa du I du 25 octies de la loi de 1983).

*1* https ://www.mediapart.fr/journal/france/060818/msc-les-preuves-du-mensonge-d-alexis-kohler-numero-2-de-l-elysee ?onglet=full

*2* https ://www.europe1.fr/politique/contrat-russe-alexandre-benalla-a-saisi-la-commission-de-deontologie-de-la-fonction-publique-3857324