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Date : vendredi 25 juin 2021Cible : Sur l'ensemble du texte
Les États généraux de l’alimentation de 2018 qui ont débouché sur la loi Egalim avaient pour ambition de renforcer le revenu des agriculteurs. Il convient de reconnaitre, trois ans plus tard, que si la relance de la guerre des prix a été limitée, le revenu des agriculteurs lui ne s’est pas amélioré.
Je constate pour ma part, en Lozère, que le prix du lait est en nette baisse tandis que les charges ne cessent d'augmenter, que certains produits sont victimes de fraudes comme l'étiquetage frauduleux et qu’à défaut de prix rémunérateurs par rapport aux coûts de production, face à la répétition et à l'aggravation des aléas climatiques et des crises sanitaires, bon nombre d'exploitations agricoles sont en sursis.
Les éleveurs sont particulièrement touchés dans les filières de l'élevage bovin ou ovin, laitier comme allaitant ; près de 2 000 exploitations disparaissent chaque année dans le plus grand silence. Avec elles, ce sont des activités et des services essentiels à une ruralité vivante qui sont en passe de disparaître, car au-delà de la production, les exploitations agricoles regorgent de biodiversité et façonnent les paysages ouverts.
Dès lors, à l’initiative de mon groupe, une commission d’enquête sur les relations commerciales entre les agriculteurs et la grande distribution a été mise en place en 2019 et a formulé des propositions, qui ont été votées à l’unanimité.
Cette proposition de loi reprend certaines mesures telles que la pluriannualité des contrats et leurs contenus et la possibilité d’un mécanisme de règlement des différends, mais néglige la trop forte concentration des centrales d’achat, l’interdiction des pratiques discriminatoires de la grande distribution contre leurs fournisseurs et ne parle pas non plus du consommateur.
En chiffre, il y a 450 000 agriculteurs en France dont le revenu annuel médian est de 11 792€, 17 500 entreprises agroalimentaires, 4 centrales d’achat et 8 grandes enseignes de la grande distribution composées de 800 000 salariés et qui captent 75% des dépenses alimentaires des ménages.
L’enjeu est dès lors immense face à la persistance de négociations commerciales difficiles recherchant une baisse des prix avec des méthodes parfois très contestées (déréférencement, pénalités, pression...).
Le travail parlementaire a permis de sensiblement faire évoluer le texte initial en ajoutant :
- l’interdiction des pratiques d’alignement concurrentiel,
- la précision que l’ensemble des volumes feront l’objet d’un contrat pour les produits agricoles,
- une expérimentation pour un « rémunéra-score »,
- l’interdiction de la publicité mensongère sur l’origine géographique France,
- l’extension à cinq ans de la durée minimale des contrats de vente de produits agricoles au lieu de trois ans s’il n’existe pas d’accord interprofessionnel,
- que les filières puissent se doter de leur propre mécanisme de règlement des différends,
- que lors d’aléas climatiques exceptionnels, aucune pénalité ne peut être imposée à un producteur ne respectant pas les volumes prévus au contrat,
- l’interdiction de pénalités logistiques par les distributeurs au prétexte de l’absence de livraisons de produits, etc.Avec mon groupe nous avons fait voter :
- un seuil, fixé par décret, à partir duquel les matières premières agricoles et les produits transformés entrent dans le dispositif sur la transparence du prix,
- la non-négociabilité du tarif et le fait que les indicateurs de coûts de production soient le socle des négociations commerciales et publiées,
- l’ouverture à expérimentation de la clause dite de « Tunnel de prix »,
- et le principe de la rémunération « ligne à ligne » : chaque rémunération d’un service ou obligation doit pouvoir être identifiée de manière unitaire.Si cette proposition de loi est en mesure d’apporter un certain nombre de réponses, elle doit impérativement être suivie de contrôles renforcés de la direction générale de la concurrence.
De plus, il nous faudra un jour encadrer les pratiques commerciales inacceptables de la grande distribution en faisant évoluer le paradigme qui sous-tend la construction des prix et d’opérer une révolution de notre façon de voir l’alimentation et les prix.
Il est aussi temps que les ménages français acceptent que bien se nourrir et soutenir nos agriculteurs cela a un prix, qui reste minime par rapport aux sommes investies dans certains autres produits de consommation (budget alimentation 34,6% en 1960, 20,4% en 2014).
Pour cela, il faut arrêter, et sanctionner si nécessaire, les discours, notamment de la grande distribution, dévalorisant les produits agricoles et alimentaires qui veulent faire croire que l’on peut se nourrir à prix cassés.
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Date : jeudi 17 juin 2021Cible : Sur l'ensemble du texte
Un an après le vote de la loi n° 2020-839 du 3 juillet 2020 portée par mon collègue André CHASSAIGNE et pour laquelle j’avais voté POUR, mon collègue propose par ce texte de poursuivre nos travaux et engagements en faveur d’une meilleure retraite pour nos agriculteurs.
Le texte de 2020 visait à assurer la revalorisation des pensions de retraite agricoles à hauteur de 85 % du SMIC pour une carrière complète de chef d’exploitation, mais il excluait de ses dispositifs les femmes d’exploitants agricoles, les conjoints collaborateurs et aides familiaux, pénalisés aujourd’hui par un système particulièrement complexe d’ouverture de droits et de calcul des pensions.
Cette proposition de loi vise à corriger cette injustice et à renforcer l’égalité des droits et le montant des pensions de retraite pour l’ensemble des bénéficiaires du régime de retraite des non-salariés agricoles.
Ce sujet est régulièrement mis à l’agenda et je m’y suis toujours consacré pleinement. D’abord en 1998 avec la loi Peiro qui instaurait le régime de retraite complémentaire obligatoire (RCO) pour les non‑salariés agricoles, puis en 2014 avec la loi Touraine garantissant un montant minimum de pension à 75% du SMIC et étendus à 85% dans la loi de 2020.
Dans une récente question écrite, j’avais interpellé le ministre de l’Agriculteur sur la situation de nombreux agriculteurs et agricultrices qui vivent toujours avec une retraite dont le montant se situe bien en dessous du seuil de pauvreté alors même qu'ils ont passé leur vie à travailler tous les jours de l'année sans prendre beaucoup de repos pour produire des produits de qualité et nourrir la population française et au-delà. Ce faible montant a des incidences directes sur le pouvoir d'achat des retraités du monde agricole. Revaloriser les retraites agricoles est une nécessité !
Dans sa réponse, le ministre a reconnu que les retraites des agriculteurs étaient bien plus faibles que celles des autres retraités. Le ministre m’a précisé que les pensions de retraite de base ont été revalorisées à hauteur de l'inflation de 0,4 % en 2021 et la valeur du point de RCO a été revalorisée de 1 % pour l'année 2020 et de 0,4 % pour l'année 2021.
Le 17 avril 2021, le Premier ministre a annoncé la mise en œuvre anticipée de la revalorisation à 85% au 1er novembre 2021, en métropole et dans les outre-mer. Ainsi, à cette date, la pension minimale d'un chef d'exploitation ou d'entreprise agricole sera revalorisée à 85 % du SMIC net, soit environ 1 035 € par mois, représentant un gain moyen de 100 € en moyenne pour 227 000 bénéficiaires.
Toutefois, ces dispositifs gardent exclus les non-salariés agricoles. Concrètement, lorsqu’ils font valoir leurs droits à la retraite, pour des carrières complètes, ils touchent en moyenne moins de 600€ de pension mensuelle. Sur ce sujet, il convient de souligner la qualité du rapport sénatorial du 5 juillet 2017, sur « les femmes et l’agriculture : pour l’égalité des territoires ».
Ainsi, le niveau de pension moyenne annualisée pour une carrière complète de non-salarié agricole, incluant le bénéficie de la RCO, était en 2019 de 10 534 € pour les chefs d’exploitation (soit 877 € mensuels), de 7 213 € pour les conjoints collaborateurs (soit 601€ mensuels), de 8 620 € pour les aides familiaux (soit 718 € mensuels).
La proposition de loi examinée vient apporter des réponses très concrètes et budgétisées à cette injustice :
- Alignement de la PMR du minimum contributif (MICO) pour les conjoints collaborateurs et aides familiaux (553,29 €) sur la pension majorée de référence pour les chefs d’exploitations (696,29 €) pour un gain estimé de 62€ mensuellement ;
- Accompagnement renforcé dans la cessation d’activité et le recours à l’allocation de solidarité pour les personnes âgées (ASPA) ;
- Obligation pour la caisse de retraite d’une communication d’information systématique et annuelle à destination des pensionnées susceptibles d’avoir recours à l’ASPA ;
- Limitation à 5 ans du statut de conjoint collaborateur comme c’est déjà le cas pour le statut d’aide familial afin que les personnes qui souhaitent continuer à travailler sur l’exploitation optent pour un statut plus protecteur ;
- Demande d’un rapport du Gouvernement sur la situation des personnes dont l’activité n’est pas déclarée et qui concernerait plusieurs milliers de personnes pouvait travailler dans des exploitations agricoles sans pour autant être prises en compte par les organismes de sécurité sociale.
Au-delà de cette proposition de loi, il conviendra également de faire un effort particulier pour toutes les autres petites retraites notamment des artisans et commençants. -
Date : jeudi 17 juin 2021Cible : Sur l'ensemble du texte
Cette loi portant diverses mesures de justice sociale était un texte attendu par de nombreuses personnes fragiles et notamment les bénéficiaires de l’Allocation adulte handicapée (AAH) aux côtés desquels je me bats de longue date.
Le handicap étant une thématique que je porte avec passion, j’ai proposé en 2020 une résolution à l’Assemblée visant à améliorer la condition des personnes en situation de handicap dans laquelle j’aborde les problèmes liés à l’AAH. Je proposais de l’indexer à l’inflation afin qu’elle reste indépendante du revenu universel d’activité. Je proposais déjà également la suppression de la prise en compte des revenus du conjoint dans son calcul et d’augmenter le plafond de 30% à 50% du salaire minimum interprofessionnel.
Aujourd’hui, près de 1,13 million de personnes handicapées, dont 270.000 vivants en couple, perçoivent cette aide dont le montant maximal est de 902,70 euros. Or, elles peuvent perdre leur droit à l’AAH si leur conjoint ou conjointe gagne plus de 19.607 euros par an, soit 1.634 euros par mois. L’article 3 de cette loi visait à corriger cette injustice en désolidarisant du calcul les revenus du conjoint.
Le coût de cette mesure est estimé à 560 millions d’euros par an pour l’État, qui débourse déjà 11 milliards par an pour cette aide. Après un an de « quoi qu’il en coûte », cet effort budgétaire n’a rien d’insurmontable.
En France, la solidarité nationale prime sur la solidarité familiale et cela doit être encore plus vrai pour les personnes dépendantes qui doivent pouvoir être autonomes économiquement et ne pas dépendre de leur conjoint ou conjointe. Il y a derrière cette dépendance une violence de vie dans la cellule familiale qui ne peut être acceptée.
Je suis mobilisé depuis toujours en Lozère puis à l’Assemblée nationale en tant que vice-président du Groupe d’études handicap et inclusion et je n’ai jamais entendu un seul bénéficiaire de l’AAH me dire qu’il supportait cette situation de dépendance. Nous devons les écouter.
J’ai voté avec mes collègues à l’Assemblée nationale pour la suppression de la prise en compte des revenus du conjoint dans le calcul de l’AAH en première lecture de cette loi en février 2020, contre l’avis du Gouvernement et de la majorité. Le Sénat s’est ensuite saisi de ce texte à la faveur de la première pétition sur leur site à dépasser les 100 000 signatures, marque s’il le fallait de l’importance de ce sujet pour nos concitoyens.Revenu à l'Assemblée en juin 2021, la majorité et le Gouvernement ont fait adopter une nouvelle écriture, qui ne me convient pas. Il y est dit dans l’article 3 que « les revenus perçus par le conjoint, concubin ou partenaire lié par un pacte civil de solidarité qui n’est pas allocataire de l’allocation aux adultes handicapés font l’objet d’un abattement forfaitaire dont les modalités sont fixées par décret. »
Ces modalités doivent être décidées par le Parlement et non pas remises à un futur décret. Des milliers de familles et de malheureux non-bénéficiaires sont dans l’attente de cette mesure forte. Nous ignorons aussi si l’abattement sera au niveau de ce qui était initialement proposé ou s’il s’agit d’un simple effet d’annonce.
En outre, un abattement forfaitaire n’est pas équivalent à une proportionnalité des revenus du conjoint. Selon les estimations, si cet abattement forfaitaire était fixé à 5 000 euros, il permettrait que des bénéficiaires de l'AAH dont le conjoint est rémunéré au SMIC puissent conserver l'AAH à taux plein, ce qui correspondrait à un gain moyen de 110 euros/mois pour 120 000 bénéficiaires de l'AAH en couple, pour un coût de 185 millions d'euros. Bien en dessous donc de la volonté initiale du législateur en termes de coût et de personnes visées (120 000 sur 250 000).
Je vais continuer de travailler avec les acteurs concernés afin d’améliorer les conditions de vie des personnes en situation de handicap. Cette prestation manque encore de clarté juridique et demeure assez éloignée des nécessités du quotidien des personnes en situation de handicap. Elle n’est bien souvent pas cumulable avec la retraite et n’est attribuée qu’à travers l’exercice d’une activité professionnelle.
Pourtant, l’arrêt de l’activité professionnelle n’est pas synonyme de la fin de toute mobilité pour les personnes handicapées. Bien souvent, la retraite des personnes handicapées est insuffisante : les coûts médicamenteux et les coûts liés à l’aménagement du quotidien des personnes sont bien supérieurs aux prestations obtenues. Aussi, nous devons faire évoluer les critères d’attribution plus largement, personne ne doit être laissé de côté.
Nous travaillons et progressons, mais nous devons faire plus et mieux, de façon constante sur la question du handicap. -
Date : jeudi 11 février 2021Cible : Sur l'ensemble du texte
Ce texte présenté par le Gouvernement intervient après les tragiques évènements qui ont marqué le pays, notamment l’assassinat islamiste du professeur Samuel PATY.
L’objectif poursuivi est de lutter contre « l’entrisme communautaire » qui fragilise la République. La plupart des mesures qui y sont présentées ont pour objet le maintien de l’ordre public par le renforcement de l’arsenal juridique permettant de contrôler l’exercice des cultes, empêcher toute affirmation identitaire hostile aux valeurs de la République et de sanctionner plus durement les comportements radicaux ou appelant à la violence.
L’inscription de l’obligation de neutralité et de laïcité à tous ceux qui assument une mission de service public est une mesure nécessaire tout comme celle d’interdire aux salariés d’un service public de manifester leurs opinions politiques ou religieuses. Je me suis prononcé favorablement à l’initiative de mes collègues pour l’instauration d’une formation à la laïcité à destination des enseignants et fonctionnaires ainsi qu’à la mise en place d’un référent laïcité dans toutes les administrations publiques. Former, expliquer avant de sanctionner.
Sanctionner plus durement les personnes faisant l’apologie du terrorisme en renforçant nos fichiers, en créant une nouvelle infraction punissant de cinq ans d’emprisonnement et de 75 000 euros d’amende les menaces, violences ou tout acte d’intimidation à l’encontre d’un agent d’un service public. Avec l’opposition, nous avons souhaité aller plus loin en défendant un délit d’entrave à la fonction d’enseignant.
Cette lutte nécessite aussi de mieux contrôler les subventions reçues par les associations, d’empêcher les pratiques archaïques telles que les certificats de virginité, interdisant la délivrance de titre de séjour aux personnes vivant en état de polygamie, en s’assurant mieux du consentement des époux pour lutter contre les mariages forcés, en endiguant la haine sur internet à travers l’obligation de modération des contenus par les plateformes ou encore en créant un délit de mise en danger de la vie d’autrui par la divulgation d’informations personnelles.
Si les mesures précédentes bénéficient d’un fort consensus, la remise en cause de la liberté d’instruction à domicile (IEF) voulue par le Président de la République vient au contraire stigmatiser. La liberté d’instruction est une liberté fondamentale historique en France. J’ai rencontré des familles et les organisations défenseurs de l’instruction en famille sur ce point.L’école à la maison concerne 50 000 enfants en France, soit 0,4% des enfants instruits en France. Sur ces 0,4% de nos enfants, seul 1,4% des enfants sont instruits à la maison pour des raisons religieuses. Il s’agit ici d’une partie infime des enfants qui ne sont pas ceux souffrant de séparatisme. Les parents qui font le choix de l’instruction en famille sont contrôlés, peut-être doit-on encore accentuer les contrôles. Les enfants en dehors des circuits ne sont pas déclarés, ni en IEF ni ailleurs, ils sont sous les radars.
Par ailleurs, nous dénombrons plus de 700 000 cas de harcèlement et de violence tous les ans dans nos écoles. La scolarité est pour certains de nos enfants une période de souffrance et de mal-être. L’école à la maison, au-delà des bienfaits qui lui sont reconnus, apparaît comme une bulle d’air pour ces enfants en situation de souffrance. Souvent, l’instruction à la maison est passagère et ne concerne pas l’entièreté du parcours scolaire des enfants, elle satisfait ce besoin de souffler, de sortir d’un cycle dangereux dans lequel sont enfermés des milliers d’enfants. Nombreuses sont les personnalités ayant pratiqué l’IEF : André-Marie Ampère, Jean d’Ormesson, Maud Fontenoy, Agatha Christie...
Le cadre juridique existant relatif aux déclarations et aux procédures de contrôle peut être renforcé, mais ne doit pas conduire à limiter ce droit. L’introduction dans la loi de « l’intérêt supérieur de l’enfant » était nécessaire et doit à présent être systématiquement entendu lors des démarches des parents pour qui le système scolaire demeure inadapté à leurs enfants.
Je rejoins au final les objectifs généraux de ce texte pour lutter contre l’islamisme politique et soutiens les mesures telles que le renforcement de la neutralité des services publics, les contrôles financiers des associations culturelles et les propositions pour lutter contre la haine en ligne.
Toutefois, je crains que ce texte manque sa cible dans son axe relatif à l’éducation et plus particulièrement sur l’IEF. Ce texte n’aborde pas non plus les questions sociales et les carences de l’État en la matière qui fournissent un terreau aux idées radicales notamment en termes de fractures territoriales. -
Date : mercredi 30 septembre 2020Cible : Sur l'ensemble du texte
L’objectif louable de cette proposition de loi est de vouloir faciliter la vie des françaises et des français. Le Gouvernement affirme, en effet, que ce texte s’appuie sur les attentes majeures des français mises en lumière dans le grand débat national.
Tout ceci est fort sympathique, mais en réalité nous n’avons pas attendu ici à l’Assemblée Nationale pour dénoncer la complexité et la lourdeur administrative et plusieurs lois de simplification ont été proposées il y a quelques années par nos collègues Jean-Luc WARSMANN et Etienne BLANC ; moi-même auteur d’un grand rapport sur l’adaptation des normes aux réalités locales.
Il est à noter tout de même un certain nombre de bonnes mesures que prévoit ce texte à travers la suppression ou le regroupement de près de 80 commissions consultatives ; une plus forte déconcentration des décisions administratives individuelles ; la possibilité pour les établissements publics qui exercent, en vertu des textes qui les instituent, des missions similaires sur des périmètres géographiques différents, de mutualiser leurs fonctions support ; de nombreux ajouts pour faire évoluer les procédures environnementales et urbanistiques ; et enfin des propositions venant directement d’amendements que j’ai déposés avec mon Groupe visant à sécuriser les droits des assurés, faciliter l’accès au permis de conduire, faciliter les procédures contre les squatteurs de logement, favoriser l’accueil des enfants en situation de handicap en milieu scolaire…
Cependant, la présence de quelques hirondelles ne fait pas le printemps. Nous sommes face à un texte fourre-tout, sans cohérence d’ensemble, allant même jusqu’à autoriser la Monnaie de Paris à valoriser son foncier, bien loin donc d’un grand soir de la simplification administrative. Le texte met en réalité en exergue l’hyper administration de notre pays et la prolifération de la complexité administrative.
Le mal français perdure :
- Services publics locaux qui ne reçoivent plus le citoyen ;
- Culture administrative basée sur le contrôle et non l’accompagnement ;
- Délais administratifs souvent trop longs ;
- Difficulté d’obtenir un document administratif et ce, malgré la CADA ;
- La lenteur de la juridiction administrative ;
- L’irresponsabilité de fait d’un agent public, qui peut commettre une erreur d’analyse ;
- La dématérialisation galopante, source de déshumanisation.
Il est regrettable qu’une fois encore le Gouvernement se soit opposé à la majorité des ajouts du Sénat, revenant au texte dans sa version initiale. Pourtant le mal est profond et certains points n’ont pas été satisfaits :
- Sur la nécessaire consultation des populations locales et des Maires en matière d’éolien ;
- Sur la nécessaire préservation des enquêtes publiques comme le souhaitent les Commissaires enquêteurs ;
- La préservation des spécificités de l’Office National des forêts ;
- La clarification de la règle « le silence de l’administration vaut acceptation », règle qui s’avère dans les faits complexe voire incompréhensible ;
- La nécessaire réforme de la justice administrative qui statue trop souvent tardivement sur la légalité d’un acte administratif ;
- La nécessaire réforme de la procédure de communicabilité d’un acte administratif avec des pouvoirs d’injonction et de sanction au profit de la CADA.
Enfin, et surtout, sur la nécessaire réforme de la culture même de l’administration qui doit être en position d’accompagnement du citoyen et plus uniquement en position de contrôle. -
Date : mercredi 23 septembre 2020Cible : Sur l'ensemble du texte
Ce projet de loi de programmation de la recherche pour les années 2021 à 2030 était très attendu par les acteurs du monde de la recherche et de l’enseignement supérieur. D’abord annoncé aux prémices de 2019, le projet sera repoussé à plusieurs reprises jusqu’à septembre 2020.
Ce projet de loi avait pour objectif de replacer la France comme un pays leader en matière de recherche en s’alignant sur l’objectif de Lisbonne, c’est-à-dire d’allouer 3% de notre PIB à la recherche. À ce jour, nous étions bien en deçà de la moyenne européenne avec environ 2,1% de notre PIB seulement.
Or ce manque d’investissement se ressent fortement depuis quelques années et la capacité d’innovation de la France et de nos entreprises est à l’arrêt, constamment en retard sur nos pays voisins, les États-Unis et la Chine. Si ces retards impactent directement notre souveraineté sur des sujets pourtant majeurs comme le numérique, l’économie notamment verte, les énergies de demain, la mobilité, cela se traduit aussi par des sous-investissements dans les carrières scientifiques, sur les salaires de nos chercheurs qui préfèrent aller travailler à l’étranger.
Face à cette fuite en avant de nos cerveaux, mais aussi à des carrières scientifiques qui attirent de moins en moins les étudiants il était important qu’une loi forte vienne corriger le tir.
Néanmoins, ce texte n’est pas suffisamment à la hauteur du retard accumulé. Cela est d’autant plus surprenant au sortir de la crise de la Covid-19 dont les leçons semblent ne pas avoir été suffisamment tirées. Notre incapacité à répondre seul en matière de recherche interroge sur notre capacité souveraine en cas de crise, ce d’autant que l’Europe n’était pas supposée avoir un mandat sanitaire. C’était, jusqu’à ce jour, une prérogative de chaque État.
Concrètement, la hausse d’une enveloppe de 5 milliards sur 10 ans n’est pas assez ambitieuse. D’autant que la plupart de l’enveloppe sera créditée sur les dernières années ce qui pourrait donc ne jamais avoir lieu selon les conjonctures politiques futures. De plus, la concentration de 1 milliard d’euros de cette enveloppe à l’Agence nationale de recherche (ANR) pour financer des appels à projet interroge sur la place laissée par l’État à la recherche ambitieuse et autonome, celle qui souvent permet les plus grandes avancées. La recherche orientée a largement montré ses limites au cours de la crise Covid.
Nous noterons néanmoins avec satisfaction l’ajout de 3 milliards supplémentaires pour la recherche dans le plan de relance, en appelant de mes vœux que ces fonds supplémentaires ne viennent pas amputer l’objectif de 5 milliards et permettent au contraire d’arriver à 8 milliards.
Ensuite, ce projet propose la création des « chairs » de professeur junior, chemin de titularisation alternatif. Or nous le constatons partout à l’étranger, cela précarise le chercheur pendant ses premières années, sans certitude d’être reconnu et titularisé après par ses pairs. Une telle mesure risque d’accentuer la fuite en avant de nos jeunes chercheurs. La possibilité d’effectuer 20% des recrutements de cette manière dès la mise en place de la loi semble excessive. Initialement prévu à 25%, nos nombreux amendements ont permis de réduire ce pourcentage. Pour autant, une évaluation après les premières années apparait comme nécessaire pour évaluer tout le bien fondé de cette mesure.
Au regard des nouveaux contrats, des mesures de sécurisation et d’équilibre avec les titulaires seraient aussi de bonnes mesures. Le référent, c’est l’égalité dans la recherche et celui-ci est actuellement majoritairement représenté par le Conseil National des Universités. Sans cela, les chercheurs perdront pour beaucoup leur autonomie, déjà grandement affaiblie, ainsi que leur indépendance. Nous devons faire confiance comme ce le fut lors de chacun des grandes avancées, pour que nos chercheurs choisissent les objets et les orientations qui selon eux façonneront le monde de demain.
Par ailleurs, des dispositions dans la loi entérinant les revalorisations salariales sembleraient utile. La revalorisation à hauteur de 30 % pour les nouveaux contrats doctoraux est certes actée, mais qu’en est-il des anciens ?
Enfin, il n’est fait aucune mention dans la loi du sort des enseignants vacataires, alors que leur situation est alarmante. Une vive amélioration de leurs conditions, notamment salariales est urgente. -
Date : samedi 21 mars 2020Cible : Sur l'ensemble du texte
La présente loi vise en réalité à corriger les décisions qui n’ont pas été prises en temps voulu par le Gouvernement, je le regrette profondément. En modifiant les dispositions électorales afin d’organiser le report du second tour des élections municipales et communautaires, tout en maintenant valides les résultats du premier tour, je le dis très clairement ici, nous entrons dans une période d’incertitude juridique qui n’est absolument pas nécessaire dans le contexte de crise sanitaire et économique que nous traversons.
Il eut été de la responsabilité du Président de la République et du Gouvernement de ne pas procéder aux élections municipales et aujourd’hui nous colmatons comme on peut la situation impossible qui est née de ce premier tour, puis du confinement avec report du second tour.
A ce jour les discussions au Parlement ont permis de corriger certaines aberrations telles que la tenue des Conseils Municipaux en pleine période de confinement. Le report des élections des Maires et des adjoints à une date ultérieure entre dans le contexte global du confinement.
En revanche, bien que je souscrive aux conclusions du rapport évaluant la situation sanitaire remis au Parlement le 10 mai 2020, l’organisation d’un second tour au mois de juin 2020, soit 3 mois après le 1er tour va poser d’importants problèmes administratifs, juridiques voire constitutionnels et peut fausser totalement les résultats de l’élection populaire. Je souhaite soulever ici nombre de cas précis :
Peut-on rouvrir les listes à de nouveaux candidats ? Que se passe-t-il dans le cas tragique d’un décès de candidat dans l’entre-deux tour ? Va-t-on rouvrir les inscriptions aux listes électorales ? Que se passe-t-il si un Tribunal Administratif, suite à un recours, annule une élection au motif de la crise sanitaire ? Quelle sera la décision du Conseil d’État et comment apprécier telle ou telle décision par rapport à l’ensemble des élections du premier tour sur l’ensemble du territoire ?
De plus, si les conclusions du rapport en mai, évaluant la situation sanitaire, ne permettent pas l’organisation du second tour en juin, que se passe-t-il par rapport au premier tour ? N’y a-t-il pas un véritable imbroglio juridique ? Certains anciens élus vont continuer à siéger avec des nouveaux, des EPCI mélangés entre nouveaux et anciens à titre provisoire. Comment le Gouvernement souhaite sortir de cette impasse et quelle est la place réservée au Parlement ? Je m’opposerai à toute décision qui porte atteinte à l’égalité des citoyens et au respect des institutions.
Enfin, je suis favorable à la mise en place de l’état d’urgence sanitaire de deux mois prolongeables sur le même modèle que l’état d’urgence « classique ». La vitesse de propagation du virus impose de prendre des mesures rapides pour lesquelles les ordonnances sont plus adaptées.
Cependant, ces pouvoirs exceptionnels accordés par le Parlement au Gouvernement doivent rester exceptionnels et contrôlés. Je souhaiterais que les parlementaires soient associés à la rédaction des ordonnances comme cela a pu être le cas sur certains sujets auparavant. Face à la limitation des libertés publiques, l’urgence d’agir ne doit pas empêcher les contrôles pour en limiter les abus.
C’est pourquoi je souhaiterais qu’immédiatement après l’état d’urgence sanitaire des débats soient engagés au Parlement pour tirer toutes les conséquences de cette situation. À travers une commission d’enquête dans un premier temps, puis en instaurant une base légale claire, précise et limitée pour apporter une réponse proportionnée lors de la prochaine crise sanitaire.
Il me semble que l’instauration d’un « état de catastrophe sanitaire », sur la base de l’état de catastrophe naturelle, serait plus appropriée et mesurée.
Je soutiens très largement l’ensemble des mesures prises à travers la mise en place d’un état d’urgence sanitaire, de la protection de nos entreprises, du contrôle des parlementaires et des autres mesures d’urgence.
Cependant, depuis le mois de janvier, des indicateurs faisaient apparaitre que la crise serait mondiale et pendant ce temps, le Président de la République et le Gouvernement ont pris des mesures inadaptées allant jusqu’à autoriser le premier tour des municipales. Au vu du corps électoral, ce dernier a fait déplacer entre 4 et 5 français sur 10, c’est-à-dire plus de 20 millions de personnes avec tous les risques que cela comportait. Le lendemain est annoncé le confinement général. Je ne peux, en tant que Parlementaire, accepter cette incohérence qui crée un obscurcissement juridique incommensurable sur lequel aucun constitutionnaliste ne sait apporter une réponse. Nous mettons également en danger tous les pans de l’économie française. -
Date : samedi 21 mars 2020Cible : Sur l'ensemble du texte
Le présent projet de loi organique vise à suspendre le délai de transmission des QPC afin que l’interruption de l’activité des juridictions due à l’épidémie de Covid-19 n’entraine pas le dessaisissement de la Cour de cassation et du Conseil d’Etat qui ont normalement trois mois pour statuer sur la demande.
J’avais souhaité que soient exclues de cette suspension les QPC portant sur ce texte, il en va du bon sens et de contrôle démocratique. Dans le cas contraire, je regrette cette opposition gouvernementale. En réalité, le Gouvernement a peur que le Conseil Constitutionnel puisse demander l’annulation de toutes les élections municipales. La réalité est qu’il est lui-même responsable de cette situation.
Ce texte exceptionnel, discuté dans l’urgence, qui parle de libertés publiques, individuelles et démocratiques doit être évidemment soumis à contrôle et c’est l’objet même des QPC. -
Date : vendredi 20 mars 2020Cible : Sur l'ensemble du texte
Ce projet de loi de finances rectificative pour 2020, qui complète les initiatives décidées en lien avec nos partenaires européens et de la Banque Centrale Européenne, vise à une ouverture de 6,2 Mds € pour une nouvelle mission « Plan d’urgence face à la crise sanitaire » (article 2) et au lancement par l'Etat d’une garantie de 300 milliards d'euros pour tous les nouveaux prêts bancaires aux entreprises (article 4).
Au vu de l’estimation de croissance qui a été revue à la baisse à -1,0% au lieu de +1,3%, les prévisions de déficit public pour 2020 ont été modifiées passant de -2,2% du PIB à -3,9%. De ce fait, le déficit prévisionnel de l’État augmente à 108,5 Mds € suite aux dépenses et à la baisse de recettes envisagées.
Il me semble essentiel de relever l’avis du Haut Conseil des finances publiques qui rappelle que ces prévisions reposent sur deux hypothèses : d’abord que le confinement ne dure pas plus de 1 mois, ensuite qu’un retour rapide de la demande française et étrangère se produise. Or il n’y a aucune certitude à ce jour sur ces éléments laissant présager des projections optimistes, pour rappel, en 2008, nous étions tombés à 7% de déficit public. Néanmoins, l’urgence diffère. La crise actuelle impacte immédiatement et directement les petites entreprises, artisans et leur trésorerie, demandant une réponse rapide et forte pour les soutenir.
Je souhaite ici appeler toutes les entreprises à réunir dans les délais les plus brefs leur Comité social et économique pour discuter des conditions de protections de la santé, de la sécurité et des conditions de travail dans l'entreprise des salariés.
Je souscris totalement à l’ouverture de 6,2 Mds € pour un Plan d’urgence face à la crise sanitaire divisé en 2 programmes : le premier de 5,5 Mds € sur la prise en charge du dispositif exceptionnel de chômage partiel ; le second de 0,75 Md € pour le fonds de solidarité pour les entreprises.
Le premier dispositif, cofinancé par l’Unédic, permettant aux salariés placés en activité partielle de toucher 70% de leur salaire brut, doit permettre de diminuer le reste à charge pour l’entreprise et ainsi éviter tout licenciement. Le second dispositif prévoit un soutien exceptionnel aux entreprises subissant une baisse de leur chiffre d’affaire d’au moins 70% et aux entreprises concernées par des mesures de fermeture et dont la pérennité est menacée.
Néanmoins, des interrogations demeurent. Sur les charges des entreprises, parlons-nous d’un report des charges ou d’une annulation des charges ? Le fond d’indemnisation, tel qu’il est présenté aujourd’hui exclut les conjoints collaborateurs, les présidents de SAS, mais aussi les entreprises dont la baisse de chiffre d’affaire n’atteint pas les 70%. Je regrette que ces cas ne puissent bénéficier de l’automatisation de la procédure et doivent être traités au cas-par-cas dans des délais pourtant très contraints.
Enfin, je serai attentif à ce que les engagements du Gouvernement quant à l’ouverture de l’ensemble de ces mesures aux associations employeuses, et à la mise en place de plateformes numériques pour permettre aux artisans de continuer à livrer leurs produits soient bien mis en place.
Je souscris également au lancement par l'Etat d’une garantie de 300 milliards d'euros pour tous les nouveaux prêts bancaires aux entreprises. Cette garantie est considérable et à la hauteur de l’enjeu, c’est 50% de plus qu’en 2008 lors de la crise financière.
Incontestablement, notre déficit va plonger et le niveau de la dette publique devrait durablement dépasser les 100% du PIB. Il faudra en tirer rapidement toutes les conséquences. Les hausses de dépenses portent principalement sur l’Etat, avec une hausse de 6,25 Mds € et sur la sécurité sociale, avec 2 Mds € de dépenses supplémentaires dans le domaine de la santé, permettant de couvrir les achats de matériel (masques), l’augmentation des indemnités journalières et la reconnaissance de l'engagement des personnels hospitaliers.
Il est de notre devoir en tant que Parlementaire d’être vigilant à ce que ces dispositifs d’urgence conservent toute leur agilité pour s’adapter à une crise qui peut encore évoluer rapidement. La priorité étant de sauver nos entreprises en préservant leur trésorerie, le temps est à l’urgence. Pourtant, il ne doit pas occulter le temps de la relance, qui va arriver rapidement et où nous devrons être à la hauteur de l’enjeu. Cette relance doit d’ores et déjà commencer par des discussions avec tous les acteurs qui devront prendre leurs responsabilités, et je pense ici notamment aux assurances dont nous attendons beaucoup.
Tout en restant attentif à son efficacité et aux suites données, ce projet de loi de finances rectificative répond à la sincérité financière attendue et je voterai en faveur.
M. Pierre Morel-À-L'Huissier
Libertés, Indépendants, Outre-mer et Territoires Secrétaire de l'Assemblée nationale
Lozère (1re circonscription)
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