L'élection des députés

[extrait de la brochure "L'Assemblée nationale, organisation et fonctionnement",
publiée dans la Collection "Connaissance de l'Assemblée"]

Sommaire
§1 - L’ÉLECTION DES DÉPUTÉS
-1. Le mode de scrutin
-2. L’élection
-3. La suppléance
§2 - LE CONTENTIEUX ÉLECTORAL
-1. La requête
-2. La portée de la décision
§3 - LA CESSATION DU MANDAT
§4 - LE FINANCEMENT ET LE CONTRÔLE DES DÉPENSES ÉLECTORALES
-1. Les interdictions
-2. Les dépenses
-3. Les recettes
-4. L’obligation de tenir un compte de campagne
-5. La déclaration de patrimoine

§ 1 - L'ÉLECTION DES DÉPUTÉS

Quatre différences principales distinguent le régime électoral des députés de celui des sénateurs.
· Les députés à l'Assemblée nationale sont élus au suffrage (universel) direct, les sénateurs au suffrage indirect (article 24, alinéas 2 et 3, de la Constitution).
· La Constitution renvoie à une loi organique la fixation de la durée du mandat des parlementaires. Dans sa rédaction la plus récente, le texte organique dispose que "les pouvoirs de l'Assemblée nationale expirent le troisième mardi de juin de la cinquième année qui suit son élection". La durée effective d'une législature peut être abrégée par la dissolution ; selon la date de la dissolution, la législature suivante peut également être abrégée. Le mandat des sénateurs est de neuf ans.
· L'Assemblée nationale est renouvelée intégralement ; le Sénat l'est par tiers, tous les trois ans.
· Le Président de la République peut dissoudre l'Assemblée nationale, non le Sénat.

-1. Le mode de scrutin.
La Ve République est revenue au scrutin dominant sous la IIIème République, le scrutin majoritaire uninominal à deux tours, dans le cadre du département.
La loi électorale actuellement en vigueur, qui a rétabli le scrutin majoritaire uninominal après une parenthèse proportionnelle, est la loi n° 86-825 du 11 juillet 1986. Le nombre de députés est de 577, qui se répartissent ainsi :
Métropole 555,
Départements d'Outre-Mer 15 (Guyane, Guadeloupe, Martinique, Réunion),
Collectivités territoriales d'Outre-Mer 2 (Mayotte, Saint-Pierre-et-Miquelon),
Territoires d’Outre-Mer 5 (Nouvelle-Calédonie, Polynésie française, Wallis et Futuna).
· Sont électeurs les Français des deux sexes, majeurs de 18 ans, jouissant de leurs droits civiques. La fixation de la majorité électorale à 18 ans date de la loi du 5 juillet 1974.
· Sont éligibles les Français des deux sexes âgés d'au moins 23 ans.
En même temps que le candidat ou la candidate se présente obligatoirement un "remplaçant éventuel" appelé à le suppléer dans un certain nombre d’éventualités.

-2. L'élection.
·
Pour être élu au premier tour, le candidat doit recueillir la majorité absolue des suffrages exprimés et un nombre de suffrages égal au quart du nombre des électeurs inscrits.
Le second tour a lieu le dimanche qui suit le premier tour.
· Pour être candidat au second tour, il faut : avoir été candidat au premier tour ; avoir obtenu un nombre de suffrages égal à 12,5 % des électeurs inscrits.
· Au second tour, la majorité relative suffit.

-3. La suppléance.
L'incompatibilité entre une fonction gouvernementale et le mandat parlementaire résultant de l’article 23 de la Constitution a nécessité l'établissement d'un système de suppléance.
Les articles L.O. 176-1 et L.O. 319 et 320 du code électoral ont prévu que les parlementaires dont le siège deviendrait vacant par suite de leur nomination au Gouvernement seraient remplacés jusqu'à l'expiration de leur mandat par des personnes désignées à cet effet. La suppléance joue également en cas de décès du titulaire du siège, de sa nomination au Conseil constitutionnel ou de poursuite d'une mission confiée par le Gouvernement au-delà de six mois. Elle ne joue pas en cas de démission, laquelle entraîne une élection partielle.
Le suppléant devenu parlementaire ne peut se présenter contre l'ancien titulaire du siège lors du renouvellement des assemblées.

§ 2. LE CONTENTIEUX ÉLECTORAL

La Constitution de 1958 a retiré aux assemblées la validation de l'élection de leurs membres et a confié au Conseil constitutionnel, non, comme dans le système précédent, la "vérification des pouvoirs" de tous les élus, mais seulement le jugement des seules opérations électorales faisant l’objet d’une contestation.
Uniquement contentieuses, les attributions du Conseil constitutionnel sont moins étendues pour les élections législatives que pour les élections présidentielles et les référendums, où il doit non seulement statuer sur les réclamations mais aussi veiller à la régularité des opérations électorales et en proclamer les résultats.

-1. La requête.
Elle doit émaner d'un électeur de la circonscription ou d'un candidat, à l'exclusion du représentant de l'Etat ou d'une association. Elle doit être adressée dans "les dix jours qui suivent la proclamation des résultats du scrutin", soit au Secrétariat général du Conseil constitutionnel, soit au préfet, soit au représentant de l’Etat dans le cas d’un Territoire d’outre-mer. Elle doit préciser les moyens d'annulation invoqués ; la plupart d'entre eux sont tirés des conditions de la propagande électorale.
La requête n'a pas d'effet suspensif et ne fait pas obstacle à l'exercice du mandat. Tant que le Conseil constitutionnel n'a pas statué, l'application des règles relatives aux incompatibilités, aux limitations de cumul des mandats, en est différée.
Le règlement du contentieux électoral n'est enfermé dans aucun délai.

-2. La portée de la décision.
L'article 41 de l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 portant loi organique relative au Conseil constitutionnel prévoit deux types de décision sur une contestation d'élection. Le Conseil constitutionnel peut annuler l'élection contestée ou réformer la proclamation faite par la commission de recensement et proclamer le candidat qui a été régulièrement élu. Mais le Conseil constitutionnel n'a jamais usé de sa faculté de substituer un autre candidat à celui qui a été proclamé élu.
Sans annuler ni substituer, le Conseil peut se borner à rectifier les résultats.

§ 3. LA CESSATION DU MANDAT

Les causes de cessation du mandat en cours de législature sont :
· Le décès : lorsqu'un député décède, le ministre de l'Intérieur adresse une lettre au Président de l'Assemblée, par laquelle il lui indique la date à laquelle le siège est devenu vacant, ainsi que, s'il y a lieu, le nom de la personne appelée à remplacer le parlementaire décédé.
· L'acceptation de fonctions incompatibles, telles que des fonctions gouvernementales ou la fonction de membre du Conseil constitutionnel.
Un parlementaire nommé membre du Gouvernement est réputé avoir opté pour cette fonction s'il n'a pas exprimé la volonté contraire dans le délai d'un mois après sa nomination (article L.O. 153 du code électoral). Pendant ce délai, il ne peut prendre part à aucun scrutin. En cas de nomination au Conseil constitutionnel, le délai d'option est de huit jours (article L.O. 152).
· La prolongation au-delà de six mois d'une mission temporaire confiée par le Gouvernement. Le siège est considéré comme vacant à compter de la décision de prolongation (article L.O. 144).
· L'annulation d'une élection prononcée par le Conseil constitutionnel, qui prend effet par la notification de la décision à l’Assemblée.
· La démission volontaire, qui ne peut avoir effet que pour un député dont l’élection n’est pas contestée.
· La déchéance constatée par le Conseil constitutionnel, saisi par le Bureau de l’Assemblée ou par le Garde des Sceaux, quand une cause d'inéligibilité se révèle postérieurement à l'élection (article L.O. 136).
· La démission d'office prononcée par le Conseil constitutionnel à la requête du bureau de l'Assemblée ou du Garde des Sceaux, en application des règles sur les incompatibilités parlementaires (article L.O. 151). Le Conseil constitutionnel déclare également démissionnaire d'office un candidat qui aurait été proclamé élu alors qu'il n'aurait pas procédé au dépôt de sa déclaration de situation patrimoniale ou bien à celui de son compte de campagne ou qui aurait dépassé le plafond des dépenses électorales (articles L.O. 128, L.O. 135-1 et L.O. 136-1).
· L'élection d'un député au Sénat. Toutefois, en cas de contestation, la vacance du siège n'est proclamée qu'après décision du Conseil constitutionnel confirmant l'élection. En cas d'annulation de l'élection, le mandat initial est restauré.

Lorsqu’un siège devient vacant, il y a lieu à élection partielle pour le pourvoir. Dans deux cas, il est fait exception à cette règle : il n’est procédé à aucune élection partielle dans les douze mois qui précèdent l’expiration des pouvoirs de l’Assemblée nationale (article L.O. 178, alinéa 2) ; lorsque, solution déjà évoquée, il y a lieu à remplacement par le suppléant (en cas de décès, nomination à une fonction ministérielle ou au Conseil constitutionnel, prolongation d’une mission temporaire confiée par le Gouvernement au-delà de six mois).

§ 4. LE FINANCEMENT ET LE CONTRÔLE DES DÉPENSES ÉLECTORALES

Le financement des campagnes électorales, comme celui des partis, est encadré par une législation qui s'est progressivement renforcée depuis une dizaine d'années(*).

-1. Les interdictions.
La loi interdit un certain nombre de dépenses électorales. Celle du 11 mars 1988 a prohibé la publicité politique à la radio et à la télévision. La loi du 15 janvier 1990, relative à la limitation des dépenses électorales et à la clarification du financement des activités politiques, a interdit pendant les trois mois qui précèdent l'élection "l'utilisation à des fins de propagande électorale de tout procédé de publicité commerciale par la voie de la presse ou par tout moyen de communication audiovisuelle" (article L.52-1 du code électoral). Il en est de même pour le marketing télématique ou téléphonique (article L.50-1).

-2. Les dépenses.
S'agissant des élections législatives, elles comportent en premier lieu les dépenses de propagande. Celles-ci sont directement prises en charge par l'Etat (coût du papier, impressions des bulletins de vote et des affiches, frais d’affichage). Le plafond des autres dépenses est fixé à 38 000 € (250 000 F) par candidat, somme majorée de 0,15 € (1 F) par habitant de la circonscription. Ce plafond est actualisé tous les trois ans : il a été multiplié par le coefficient de 1,12 par le décret no 2002-350 du 14 mars 2002.

-3. Les recettes.
- Le financement privé.
La loi du 19 janvier 1995 relative au financement de la vie politique a interdit les dons des personnes morales (c'est-à-dire essentiellement des entreprises). Les personnes physiques peuvent contribuer au financement de la campagne d'un candidat dans la limite de 4 600 € (30 000 F).
- Le financement public.
La loi du 11 mars 1988 a ajouté au remboursement traditionnel par l'Etat des dépenses de propagande un remboursement forfaitaire. Celui-ci, en 1988, avait été fixé à 10 % du montant des dépenses électorales. Pour compenser les effets de l'interdiction du financement par les personnes morales, la loi du 19 janvier 1995 a porté le remboursement à 50 % du plafond.
Pour avoir droit au remboursement, il faut avoir obtenu au moins 5 % des suffrages exprimés au premier tour de scrutin. Sont exclus du remboursement, outre les candidats qui n'ont pas obtenu ces 5 % : ceux qui ont dépassé le plafond ; ceux qui n'ont pas respecté les prescriptions relatives au compte de campagne (voir ci-dessous) ; ceux dont le compte a été rejeté ; ceux qui n'ont pas déposé, alors qu’ils y étaient astreints, leur déclaration de patrimoine.

-4. L'obligation de tenir un compte de campagne.
Chaque candidat est tenu d'établir un compte de campagne, retraçant selon leur nature l'ensemble des recettes perçues et des dépenses effectuées par lui-même ou pour son compte pendant l'année qui précède l'élection.
Pour recueillir des fonds en vue du financement de sa campagne, le candidat désigne un mandataire financier unique, qui ouvre un compte bancaire ou postal centralisant toutes les opérations financières de la campagne.
Le compte de campagne -des élus comme des battus- est transmis dans les deux mois à la commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques, qui se prononce dans les six mois. Elle approuve, rejette, ou réforme le compte.
Trois types de sanctions sont prévues : pécuniaire (non remboursement par l'Etat de la part remboursable) ; pénale (amende) ; électorale. Dans ce dernier cas, le candidat proclamé député perd son siège et il est déclaré inéligible pendant un an par le Conseil constitutionnel si ce dernier, sur saisine de la Commission nationale des comptes de campagne, constate qu'il n'a pas présenté son compte de campagne ou que ce compte a été rejeté à bon droit par la Commission. Le Conseil peut déclarer inéligible, pour la même durée, tout candidat qui a dépassé le plafond légal des dépenses électorales (loi organique du 10 mai 1990).

-5. La déclaration de patrimoine.
Aux termes de l'article L.O. 135-1, introduit dans le code électoral par une loi organique du 11 mars 1988, modifiée par une autre loi organique du 19 janvier 1995, chaque député proclamé élu est tenu d'établir une déclaration de sa situation patrimoniale, certifiée sur l'honneur exacte et sincère, concernant la totalité de ses biens propres ainsi que, éventuellement, ceux de la communauté ou les biens réputés indivis en application de l'article 1538 du code civil, c'est-à-dire tous les biens sur lesquels le déclarant a un pouvoir d'administration, de jouissance et de libre disposition ou de disposition conjointe.
Une première déclaration doit être déposée par le député auprès de la Commission pour la transparence financière de la vie politique dans les deux mois qui suivent son entrée en fonction. Une nouvelle déclaration doit être déposée deux mois au plus tôt et un mois au plus tard avant l'expiration du mandat du député ou, en cas de dissolution de l'Assemblée ou de cessation du mandat du député pour une cause autre que le décès, dans les deux mois qui suivent la fin de ses fonctions. Toutefois, cette nouvelle déclaration n'est pas exigée si l'intéressé a déjà déposé, à un autre titre, une déclaration de sa situation patrimoniale depuis moins de six mois.
La Commission pour la transparence financière de la vie politique saisit le Bureau de l'Assemblée nationale du cas de tout député qui ne se serait pas acquitté de l'obligation de déposer l'une des deux déclarations patrimoniales prévues à l'article L.O. 135-1. Le Conseil constitutionnel, saisi par le Bureau de l'Assemblée nationale, constate, le cas échéant, l'inéligibilité -sanction qui, en application de l'article L.O. 128, est d'une durée d'un an- et, par la même décision, déclare, s'il y a lieu, le député démissionnaire d'office. Dans le cas où la Commission a relevé, après que l'intéressé aura été mis en mesure de présenter ses observations, des évolutions de patrimoine pour lesquelles elle ne dispose pas d'explications, elle transmet le dossier au parquet.


De 1871 à 1940, les élections législatives furent le seul mode d'expression de la volonté populaire. Depuis 1958, elles coexistent avec deux autres modes de consultation du suffrage universel : le référendum (qui peut être constituant ou législatif) et l'élection du Président de la République (à partir de 1965). Ainsi, le corps électoral tout entier est-il amené à s’exprimer à de fréquentes reprises au niveau national.

En cas d’élection présidentielle ou de référendum intervenant pendant une période de session, les travaux parlementaires sont le plus généralement suspendus pour que les députés puissent participer à la campagne préalable au vote. Tel est également le cas à l’occasion des élections municipales.