DÉLÉGATION POUR L'UNION EUROPÉENNE

COMPTE RENDU N° 82

Réunion du jeudi 17 juin 1999 à 9 heures 30

Présidence de M. Alain Barrau

I. Rapport d'information sur les relations entre l'Union européenne et le Mercosur (Rapporteur : M. Alain Barrau)

Le Président Alain Barrau, Rapporteur, a rappelé que le Mercosur (Marché commun du Sud) a été constitué en 1991 par le Brésil, l'Argentine, l'Uruguay et le Paraguay, avec le Chili et la Bolivie comme membres associés. Créé à l'origine pour consolider la démocratie, le Mercosur forme, au-delà d'une simple zone de libre-échange, une véritable union douanière et a prévu une intégration renforcée. Comme l'Union européenne, il a vocation à élaborer des politiques communes, voire à envisager la création d'une monnaie commune. Le Mercosur a établi un tarif extérieur commun pour 85 % des produits, avec les exceptions notables de l'informatique et des télécommunications, et libéralisé le commerce intra-zone pour 90 % des produits échangés, avec des régimes spéciaux pour l'automobile et le sucre.

Dans quel contexte s'inscrivent les relations entre l'Europe et cette Union d'Etats ? Quelle articulation établir entre les négociations du nouveau cycle de l'OMC et celles de l'Union européenne avec le Mercosur ? Tels sont les deux points que le Rapporteur a développés.

Dans le prolongement de l'accord-cadre interrégional entre l'Union européenne et le Mercosur de décembre 1995, qui concerne les relations commerciales, économiques et politiques, la Commission européenne a présenté au Conseil, le 22 juillet 1998, des directives de négociation dans lesquelles elle propose la conclusion en 2005 d'un accord de libre-échange entre l'Union européenne et le Mercosur. Toutefois, le Conseil européen de Cologne des 3 et 4 juin 1999 n'a pu parvenir à dégager un accord sur ce mandat ; la question sera à nouveau à l'ordre du jour du Conseil « affaires générales » des 21 et 22 juin prochain.

Parallèlement à ce processus, le Sommet des chefs d'Etats et de Gouvernement des pays de l'Union européenne, de l'Amérique latine et des Caraïbes se tiendra les 28 et 29 juin 1999 à Rio de Janeiro, à l'initiative du Président de la République. Ce sommet aura trois thèmes : le développement du dialogue politique, les questions économiques et commerciales, le renforcement du partenariat dans les domaines culturel, éducatif et humain. La Commission européenne table sur l'acceptation par le Conseil de son mandat de négociation avant le Sommet de Rio et sur un lancement officiel des négociations à cette occasion.

Le Mercosur et ses membres associés représentent près de 65 % du PIB d'Amérique latine et plus de 220 millions d'habitants. Cette union régionale représente le quatrième ensemble commercial au monde en termes de PIB, derrière l'ALENA, l'Union européenne et le Japon, mais devant la Chine. Les pays du Mercosur font partie des pays à forte croissance, même si celle-ci est moins forte que prévu depuis les crises financières de 1997 et 1998. Leur ouverture au commerce mondial dans la décennie 1990 a permis de constituer un formidable marché pour les industries européennes.

La crise asiatique et russe (restriction du crédit, baisse du prix des matières premières) est devenue brésilienne l'an dernier : les déficits publics, l'endettement, le déséquilibre de la balance des paiements, la dévaluation du réal provoquent une forte récession en 1999. Cette crise brésilienne a causé la dévaluation du réal, a réveillé les tentions protectionnistes et a révélé les faiblesses institutionnelles du Mercosur.

L'Union européenne, qui est aujourd'hui le première partenaire économique du Mercosur, en est aussi le premier fournisseur et le premier client, devant les Etats-Unis. Les importations du Mercosur ont fortement augmenté pendant la décennie 1990, alors que ses exportations stagnaient ; la conséquence en est l'apparition d'un fort déficit commercial avec le reste du monde, et corrélativement un fort excédent commercial pour l'Union européenne. La France, de son côté, dégage également un fort excédent commercial avec le Mercosur depuis 1996. A la faveur de l'ouverture économique décidée au début de la décennie, l'Union européenne est devenue le premier investisseur du Mercosur, en termes de flux, même si les Etats-Unis restent dominants en termes de stocks.

Les pays du Mercosur sont des puissances agricoles, dont les principales productions sont directement concurrentes de celles de l'Union : le Brésil, l'Argentine et l'Uruguay figurent parmi les huit premiers exportateurs mondiaux de viande bovine, l'Argentine exporte la moitié de sa production de céréales, le Brésil est le deuxième exportateur mondial de volailles. Ces productions disposent, de surcroît, d'une compétitivité indéniable : les prix sud-américains sont inférieurs à ceux de la Communauté de 12 % pour le blé argentin, de plus de la moitié pour le sucre brésilien, de 30 % pour le poulet brésilien et de près de 50 % pour la viande argentine pour ne prendre que ces exemples.

Il n'en reste pas moins vrai que les pays de l'Union européenne et ceux du Mercosur ont des affinités profondes, issues de l'histoire : idéaux de la révolution française, droit napoléonien, culture latine. Les deux zones convergent également dans leur approche de la question sociale, partageant le souci que la mondialisation des échanges ne porte pas atteinte aux principes de justice sociale et de solidarité et que la lutte contre la pauvreté reste une priorité. Elles peuvent se retrouver dans le refus de l'acceptation de la toute puissance des marchés et du néo-libéralisme du modèle américain. De surcroît, l'Union européenne a un intérêt stratégique à dialoguer avec le Mercosur pour instaurer un monde réellement multipolaire. Au-delà de la conquête de parts de marchés, il s'agit de défendre ensemble une certaine vision du monde, qui n'est pas exactement celle que les Etats-Unis souhaiteraient voir diffusée sur l'ensemble de la planète. Les deux partenaires ont besoin l'un et l'autre, pour construire un monde plus équilibré. Dans le « triangle atlantique » ainsi constitué, il faut consolider le troisième côté par une relation forte entre Union européenne et Mercosur.

Les pays du Mercosur souhaitent vivement le développement des échanges avec l'Union européenne, pour compenser le projet des Etats-Unis de créer, à l'horizon 2005, une zone de libre-échange couvrant l'ensemble du continent américain (ALCA). Union européenne et Mercosur se retrouvent pour que les pays latino-américains ne se réduisent pas à une « chasse gardée » américaine. Le précédent de l'intégration du Mexique à l'ALENA, avec ses conséquences très négatives sur le niveau des échanges entre l'Union européenne et le Mexique, doit nous encourager à aller de l'avant dans la relation avec le Mercosur. Ainsi, quand le Mexique est entré dans l'ALENA, l'Union européenne a perdu la moitié de ses parts de marché en deux ans. A terme, l'enjeu est celui de la capacité d'influer sur la régulation économique du monde. Si l'Union européenne laisse le champ libre aux Etats-Unis pour établir des alliances avec les pays du continent américain (ALCA) et ceux d'Asie (APEC), l'influence de l'Europe s'en trouvera réduite.

Mais l'Union européenne et le Mercosur auront des intérêts en partie opposés dans les prochaines négociations commerciales de l'OMC : agriculture, textile, propriété intellectuelle, environnement. Les pays du « groupe de Cairns » (Brésil, Argentine et Paraguay) adoptent une attitude particulièrement agressive en matière agricole et réclament un démantèlement rapide des barrières tarifaires et de notre « politique de subventions agricoles ». Les deux régions, qui prônent un « régionalisme ouvert », peuvent cependant converger pour souhaiter un renforcement des institutions multilatérales afin de diminuer l'imperium américain et dénoncer leur protectionnisme, notamment en matière agricole, pour défendre la diversité culturelle et une approche plus « sociale » de la mondialisation ; elles peuvent aussi se rejoindre sur des questions telles que la biodiversité et le commerce des organismes génétiquement modifiés (OGM). Dans ce contexte, la création de l'euro apporte un élément de stabilité dans les relations entre les deux zones, limite la tentation de « dollarisation » du continent sud-américain et peut servir de modèle au Mercosur.

Dans son projet de mandat de négociation de juillet 1998, la Commission européenne propose la préparation d'un accord d'association interrégionale entre les parties. Cet accord prévoirait ainsi l'établissement du libre-échange, dans les conditions prévues par les règles de l'OMC, c'est-à-dire un accord qui couvrirait « l'essentiel des échanges » et qui serait assorti de périodes de transition n'excédant pas dix ans. Mais ce projet a jusqu'à présent été refusé par la France, puis renvoyé par le Conseil « affaires générales » du 31 mai au Conseil européen de Cologne, qui l'a lui-même écarté, car ce projet suggère une ouverture immédiate des négociations commerciales, alors que les négociations de l'OMC ne sont même pas lancées, et qu'il reste très flou sur les secteurs « sensibles », qu'il faudra protéger. L'instauration brutale d'une zone de libre échange entre l'Union européenne et le Mercosur, comme le demandent les pays sud-américains et ainsi que semble le souhaiter la Commission européenne, serait susceptible d'affaiblir gravement la politique agricole commune.

Le Rapporteur a enfin évoqué les raisons pour lesquelles un compromis demeure envisageable et fort souhaitable avant le sommet de Rio.

La pression concurrentielle engendrée par un éventuel dispositif de libre-échange entre l'union européenne et le Mercosur ne doit pas être surestimée : les écarts de prix agricoles devraient diminuer avec la mise en _uvre des décisions prises au Conseil européen de Berlin et l'élévation du niveau de vie en Amérique du Sud. D'autre part, le potentiel d'exportation agricole des pays sud-américains vers l'Europe devrait s'atténuer du fait de la croissance prévisible des échanges agricoles entre pays membres du Mercosur et leurs exportations vers les marchés asiatiques. Il faut considérer que la libéralisation des échanges agricoles, si elle était décidée, s'étalerait, à partir de la signature de l'accord de libre-échange prévue en 2005, sur une dizaine d'année, c'est-à-dire jusqu'en l'an 2015. Les conséquences d'une certaine diminution des tarifs douaniers pourraient donc ne pas être aussi déstabilisatrices que certains experts semblent le redouter.

Les négociations avec le Mercosur devraient commencer par les aspects non tarifaires, qui permettront de lever de nombreux obstacles aux échanges. Il faudrait utiliser à plein les règles de l'OMC pour protéger les secteurs sensibles, de part et d'autre, et s'assurer que le mandat de négociation de la Commission européenne prévoit une articulation avec les négociations de l'OMC et que rien ne soit conclu avec le Mercosur avant que ces négociations de l'OMC n'aient elles-mêmes abouti.

C'est dans cet esprit que le Rapporteur a proposé à la Délégation d'adopter des conclusions destinées à sensibiliser le Gouvernement aux préoccupations ainsi exprimées.

M. Joseph Parrenin a souligné que les négociations commerciales allaient être rendues plus difficiles par les questions de sécurité sanitaire, 70 % de la viande d'Amérique latine étant traité aux hormones. Or, si nous instaurions une zone de libre-échange avec cette région, il faudrait que nous commercialisions aussi de la viande aux hormones, ce qui n'est pas admissible à l'égard des consommateurs. Le problème posé est donc moins de savoir quelles compensations commerciales on souhaite que le type de produits que l'on choisit de commercialiser. Il s'est enfin demandé si l'exigence de compensation des revenus agricoles ne risquait pas de réintroduire le cofinancement des dépenses agricoles, alors que la France a obtenu qu'il soit écarté lors des discussions sur la réforme de la PAC.

M. Maurice Ligot a demandé comment la Commission pouvait recevoir un mandat de négociation, alors que, depuis sa démission, elle ne fait qu'expédier les affaires courantes. Par ailleurs, ayant rappelé le choix qui avait été fait de réformer la PAC préalablement aux négociations de l'OMC, il a souligné que la poursuite d'une modification de celle-ci, pour tenir compte des négociations avec le Mercosur, ne pourrait qu'entraîner des incertitudes préjudiciables aux agriculteurs, notamment en paralysant les décisions d'investissement.

Le Président Alain Barrau a indiqué, en réponse, que la date des deux rencontres prévues - entre l'Union européenne et les pays d'Amérique latine, d'une part, et entre l'Union européenne et le Mercosur, d'autre part - avait été fixée antérieurement à la démission de la Commission, avant de rappeler que ni le Conseil « affaires générales » du 31 mai dernier, ni le Conseil européen de Cologne, n'avaient adopté de mandat de négociation pour la Commission. Il a souligné par ailleurs que, si l'on avait choisi de réformer la PAC avant les négociations de l'OMC, c'était précisément pour être dans une meilleure position pour aborder celles-ci en s'appuyant sur une position européenne unifiée. Toutefois, les Etats-Unis pourraient convaincre nombre de pays que l'aide communautaire aux exportations agricoles est excessive et fait obstacle à la libéralisation du commerce, ce qui compliquerait notre partenariat avec ces pays.

Mme Nicole Catala, ayant déclaré rejoindre les analyses du Rapporteur, a insisté sur les efforts à consentir pour maintenir et développer nos relations avec les pays d'Amérique latine, qui sont culturellement proches de nous et pourraient être nos alliés vis-à-vis des Etats-Unis. Elle a demandé s'il n'était pas possible d'enrichir les négociations avec ces pays par des propositions relevant d'autres domaines que l'agriculture, tels que la recherche et la technologie, et de les aider à trouver d'autres débouchés, notamment en Asie et en Afrique. Elle a estimé que la suggestion du Rapporteur relative au mandat de négociation de la Commission était satisfaisante, sous réserve qu'elle puisse être effectivement mise en _uvre.

Le Président Alain Barrau a précisé que cette suggestion n'avait donné lieu, pour l'instant, à aucune réaction négative. Il a ajouté qu'une stratégie tournée vers l'Asie du Sud-Est avait été entreprise avec les organisations professionnelles, et que cette démarche devait être poursuivie. Il a estimé que, même si la diversification du contenu des discussions est souhaitable, le problème agricole restera posé.

Après avoir salué la qualité et l'objectivité du rapport, M. Pierre Lellouche a considéré qu'il convenait d'en revenir à l'objectif politique, mais aussi économique, de la politique européenne, à savoir établir un dialogue et une zone de libre-échange avec le Mercosur dans la perspective des négociations de l'OMC et de la mondialisation. Cette stratégie est d'autant plus souhaitable que les Etats-Unis tentent clairement d'obtenir le démantèlement des politiques communautaires, tant dans le domaine agricole que dans d'autres secteurs, comme l'aéronautique ou les biens culturels, et qu'ils utiliseront les règles du commerce international à cet effet. Or, la position du Président de la République consiste à promouvoir des zones de libre-échange sans démantèlement des dispositifs communautaires. Toutefois, l'agriculture reste une pierre d'achoppement, compte tenu à la fois des résultats du Conseil européen de Berlin et de l'absence de mandat donné à la Commission par le Conseil européen de Cologne. A cela s'ajoutent les questions de sécurité alimentaire.

Il a estimé que, si l'on tardait à engager les négociations avec le Mercosur, les règles multilatérales relatives aux zones de libre-échange pourraient être rendues plus contraignantes encore après les négociations de l'OMC. Il a donc suggéré qu'un mandat de négociation soit donné à la Commission sous deux conditions : la préservation du système de compensation des revenus agricoles et l'affirmation du principe de la sécurité sanitaire dans les règles du commerce international. Ces conditions permettraient de répondre aux inquiétudes actuelles de l'opinion publique, d'aborder dans de bonnes conditions les négociations avec le Mercosur et d'éviter que les règles de l'OMC ne soient, comme le souhaitent les Etats-Unis, une simple transposition de celles de l'ALENA. En outre, Amérique latine et Europe ont la même attitude vis-à-vis de la domination américaine.

Approuvant la suggestion de M. Pierre Lellouche relative à la clause de sécurité alimentaire et sanitaire, le Président Alain Barrau a rappelé les divergences entre les Etats européens sur le calendrier des négociations. Il a suggéré que les négociations non tarifaires avec le Mercosur soient commencées dès 1999 et qu'elles incluent le principe de sécurité sanitaire ; quant aux négociations tarifaires, l'Union européenne pourrait les engager postérieurement. Il a enfin précisé que les règles de l'OMC permettent à l'Union européenne d'exclure du libre-échange 10 % des produits échangés, alors que 12 % des produits agricoles et 3 % des produits industriels étaient sensibles pour l'Union européenne.

Abordant le texte des conclusions du Rapporteur, la Délégation en a adopté le point 1, relatif aux suites de l'accord-cadre de 1995 et au dialogue interrégional avec le Mercosur.

Le point 2, dans lequel le Rapporteur regrettait que la stratégie de la Commission européenne ait privilégié les aspects commerciaux au détriment des aspects politique, économique et financier, a été modifié après les interventions de MM. Pierre Lellouche, Pierre Lequiller, Maurice Ligot, de Mme Nicole Catala et du Président Alain Barrau.

Le point 3, soulignant que cette stratégie peut avoir pour conséquence, compte tenu de la compétitivité et de la concurrence potentielle des pays du Mercosur dans l'agriculture, de porter gravement atteinte à la politique agricole commune, a été adopté sans modification.

Le point 4, insistant sur la nécessité pour le Conseil d'adopter, avant le sommet de Rio des 28 et 29 juin, un mandat de la Commission européenne pour négocier des accords d'association avec le Mercosur et le Chili, a été modifié pour tenir compte des observations de M. Pierre Lellouche, qui a souhaité que le mandat de la Commission soit défini sur la base des conclusions du Conseil européen de Berlin.

Au point 5, relatif au contenu du mandat de la Commission et à la dissociation entre les négociations tarifaires et non tarifaires, la Délégation a adopté, après interventions du Président Alain Barrau et de MM. Pierre Lequiller, Pierre Lellouche et Joseph Parrenin, une disposition prévoyant l'insertion dans tous les accords multilatéraux d'une clause relative à la sécurité sanitaire et alimentaire. La question de l'articulation entre les négociations avec le Mercosur et celles de l'OMC a ensuite fait l'objet d'un débat. M. Pierre Lellouche ayant souligné les risques de blocage auxquels peut conduire la rédaction proposée, le Président Alain Barrau a insisté sur les deux points qui lui paraissent devoir être affirmés sans ambiguïté : d'une part, la volonté de l'Union européenne de créer les conditions pour l'établissement de liens avec le Mercosur ; d'autre part, le refus de donner le moindre signe d'une acceptation par l'Union européenne d'un démantèlement de la politique agricole commune. Ayant approuvé la dissociation du calendrier des négociations tarifaires et non tarifaires - ces dernières devant être engagées sans tarder, tandis que la conclusion des premières devrait intervenir après l'achèvement du nouveau cycle de l'OMC - la Délégation a modifié, à l'initiative de Mme Nicole Catala, la rédaction du paragraphe afin de ne pas subordonner à celui-ci la coopération entre l'Union européenne et le Mercosur.

Après l'adoption des points 6 et 7, relatifs à l'évaluation des accords de libre-échange, la Délégation a adopté l'ensemble des conclusions dans le texte suivant :

« La Délégation,

Vu la décision du Conseil du 22 mars 1999 concernant la conclusion, au nom de la Communauté européenne, de l'accord-cadre interrégional de coopération entre la Communauté européenne et ses Etats membres, d'une part, et le MERCOSUR et ses Etats parties, d'autre part, signé à Madrid en décembre 1995 ; vu la décision du Conseil du 20 novembre 1995 concernant l'application provisoire de certaines dispositions de cet accord-cadre,

Vu la décision du Conseil du 25 janvier 1999 relative à la conclusion de l'accord-cadre de coopération destiné à préparer, comme objectif final, une association à caractère politique et économique entre la Communauté européenne et ses Etats membres, d'une part, et la République du Chili, d'autre part, signé à Florence le 21 juin 1996 ; vu la décision du Conseil du 18 juin 1996 concernant l'application provisoire de certaines dispositions de cet accord-cadre (document n° E 636),

Vu les deux recommandations du 22 juillet 1998 de la Commission européenne en vue de décisions du Conseil autorisant la Commission à négocier :

- un accord d'association interrégional entre la Communauté européenne et ses Etats membres, d'une part, et le MERCOSUR et ses Etats parties, d'autre part (SEC[1998]1335 final),

- une association économique et politique entre la Communauté européenne et ses Etats membres, d'une part, et la République du Chili, d'autre part (SEC[1998]1336 final),

Vu la Communication du 9 mars 1999 de la Commission européenne au Conseil, au Parlement européen et au Comité économique et social sur un nouveau partenariat Union européenne / Amérique latine à l'aube du XXIème siècle (COM[1999]105 final),

Considérant que le Brésil, l'Argentine, l'Uruguay et le Paraguay ont conclu, en 1991, un accord instituant le Marché commun du Sud (MERCOSUR) ; que, depuis lors, le Chili et la Bolivie sont devenus membres associés du MERCOSUR ; que le MERCOSUR constitue la tentative d'intégration régionale la plus avancée du continent latino-américain qui, allant au delà de la simple zone de libre-échange, se rapproche le plus du modèle européen,

Considérant que l'Union européenne est le premier partenaire commercial et le premier investisseur au MERCOSUR et qu'elle bénéficie largement de l'ouverture commerciale pratiquée par les pays du MERCOSUR depuis le début de la décennie 1990,

Considérant l'importance des enjeux d'une coopération entre l'Union européenne et le MERCOSUR pour :

- constituer un réseau d'alliance de l'Union européenne en vue des prochaines négociations commerciales qui débuteront en janvier 2000 à l'Organisation mondiale du commerce (OMC),

- s'opposer, notamment depuis la création de l'euro le 1er janvier 1999, aux tentatives des Etats-Unis de « dollarisation » du continent américain et de domination régionale et mondiale,

- défendre une vision du monde qui soit réellement multipolaire et où le « triangle atlantique » constitué par l'Union européenne, les Etats-Unis et le MERCOSUR soit équilibré,

Considérant les affinités historiques entre les pays d'Europe et d'Amérique latine dans les domaines économique, politique et culturel, notamment sur l'importance de la question sociale et pour refuser une vision purement libre-échangiste,

Considérant qu'à l'initiative du Président de la République, doit se tenir à Rio de Janeiro, les 28 et 29 juin 1999, le Sommet des chefs d'Etat et de gouvernements d'Europe, d'Amérique latine et des Caraïbes,

Considérant le projet de zone de libre-échange des Amériques (ALCA) impulsé par les Etats-Unis et qui doit aboutir, en 2005, à la signature d'un accord de libre-échange couvrant l'ensemble du continent américain ;

Considérant que le Président des Etats-Unis ne dispose actuellement pas d'une habilitation générale (fast track) pour les négociations commerciales internationales,

1. Se félicite que la conclusion de l'accord-cadre de 1995 ait permis d'établir les bases d'un dialogue interrégional et rappelle la nécessité de concrétiser cet accord-cadre en renforçant les relations économiques et commerciales et en intensifiant la coopération dans les domaines politique, culturel, scientifique, technique et éducatif ;

2. Souhaite que le Conseil de l'Union européenne insiste sur le respect, dans ces relations interrégionales, d'un équilibre entre les volets commercial, économique, financier et politique ;

3  Estime que la Commission européenne défend en la matière une stratégie qui peut avoir pour conséquence, compte tenu de la compétitivité et de la concurrence potentielle des pays du MERCOSUR dans l'agriculture, de porter gravement atteinte à la politique agricole commune ;

4. Insiste pour que le Conseil adopte, sur la base des conclusions du Conseil européen de Berlin des 24 et 25 mai 1999 et avant le Sommet de Rio des 28 et 29 juin 1999, un mandat pour la Commission européenne en vue de négocier des accords d'association avec le MERCOSUR et le Chili ;

5. Demande que ce mandat prévoie :

    - que soit insérée dans cet accord d'association, comme d'ailleurs dans tous les accords commerciaux multilatéraux, une clause relative à la sécurité sanitaire et alimentaire,

    - que des négociations soient engagées sans tarder sur les aspects non tarifaires afin de parvenir à une élimination des obstacles techniques aux échanges,

    - que les négociations sur les aspects tarifaires soient en revanche engagées à une date permettant de tenir compte du déroulement des prochaines négociations de l'OMC, sachant que ces négociations tarifaires n'ont vocation à se conclure qu'après l'achèvement du nouveau cycle de l'OMC,

    - que ces négociations débouchent sur la conclusion d'un accord qui s'accompagne de périodes de transition et prenne en compte la vulnérabilité de certains secteurs de part et d'autre ;

6. demande que la Commission européenne établisse un rapport annuel évaluant l'impact des accords de libre-échange conclus avec des pays tiers ; demande que le Conseil veille à ce que les accords de libre-échange négociés par la Commission soient coordonnés entre eux et soient compatibles avec les politiques communes de l'Union ;

7. Demande que cette évaluation tienne compte de la négociation multilatérale qui va se dérouler dans le cadre de l'OMC. »

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II. Examen de textes soumis à l'Assemblée nationale en application de l'article 88-4 de la Constitution

La Délégation a examiné, sur le rapport du Président Alain Barrau, trois propositions d'actes communautaires.

Elle a estimé que la proposition de règlement du Conseil établissant certaines mesures concernant l'importation de produits agricoles transformés de Suisse n'appelait pas d'examen plus approfondi (document E 1252).

Elle a approuvé la levée de la réserve d'examen parlementaire sur la proposition de règlement du Conseil portant ouverture d'un contingent tarifaire communautaire pour l'orge de brasserie (E 1258), qui avait fait l'objet d'une demande d'examen en urgence par le Gouvernement. Le Président Alain Barrau a rappelé que l'Assemblée nationale avait adopté à l'initiative de la Délégation, en mai 1998, une résolution demandant le rejet du précédent contingent tarifaire d'orge de brasserie destiné à un producteur américain. Après avoir souligné que le nouveau contingent suscitait la même opposition, il a précisé que la levée de la réserve d'examen parlementaire avait permis au Gouvernement d'exprimer au Conseil l'hostilité de la France à ce texte.

La Délégation a considéré que la proposition de décision du Conseil relative à sept accords avec la Suisse dans les secteurs de la libre circulation des personnes, du transport aérien et terrestre, des marchés publics, de la coopération scientifique, de la reconnaissance mutuelle, de l'évaluation de la conformité et de l'agriculture, ne suscitait pas d'opposition (E 1260).