DÉLÉGATION POUR L'UNION EUROPÉENNE

COMPTE RENDU N° 90

Réunion du jeudi 4 novembre 1999 à 8 heures

Présidence de M. Alain Barrau

- Examen de textes soumis à l'Assemblée nationale en application de l'article 88-4 de la Constitution

La Délégation a examiné trois textes relatifs à la justice et aux affaires intérieures, dont elle a décidé de lever la réserve d'examen. Présentant les grandes lignes de la proposition de règlement du Conseil concernant la création du système « Eurodac » pour la comparaison des empreintes des demandeurs d'asile et de certains autres étrangers (document E 1286), le Président Alain Barrau a indiqué que ce texte reprenait, comme le permet le traité d'Amsterdam, le texte d'une convention signée dans le cadre du IIIème pilier. Il a rappelé que ce texte, destiné à vérifier si un demandeur d'asile a déjà présenté une demande dans un Etat membre de l'Union européenne, prévoit que les Etats collectent des données dactyloscopiques et les transmettent à une unité centrale, qui les compare avec les données stockées. Eurodac concerne également les données dactyloscopiques des personnes appréhendées à l'occasion du franchissement irrégulier de frontières extérieures, ainsi que les personnes en séjour irrégulier sur le territoire d'un Etat membre. Ce texte devrait être adopté par le Conseil « Justice affaires intérieures » au début du mois de décembre 1999. La date d'entrée en vigueur d'Eurodac - qui exige de longs délais pour être opérationnel - n'est pas fixée, mais il semble difficile de l'envisager avant 2001. M. Gérard Fuchs a regretté que ce texte, qui prévoit l'application du même dispositif aux immigrés entrés irrégulièrement dans l'Union européenne et aux demandeurs d'asile, favorise un amalgame qu'il récuse.

Evoquant l'initiative de la République fédérale d'Allemagne pour une décision-cadre tendant à renforcer le cadre pénal pour la protection contre le faux-monnayage en vue de la mise en circulation de l'euro (document E 1287), le Président Alain Barrau a rappelé que ce texte étendait le champ d'application de la convention internationale du 20 avril 1929 pour la répression du faux monnayage, et laissait une grande marge de man_uvre aux Etats membres pour déterminer les sanctions applicables. Il a regretté que ce texte, qui se borne à tenter de rapprocher les législations des Etats membres alors même que son objet est de protéger la monnaie unique, manque d'ambition. M. Gérard Fuchs a également jugé dommage que l'occasion n'ait pas été saisie d'élaborer une réglementation unique pour préserver l'euro contre le faux monnayage. Il a souhaité que la Délégation consacre dès le début de l'année prochaine un rapport d'information à la mise en _uvre de l'euro.

Le Président Alain Barrau a exposé le contenu de la proposition de règlement du Conseil concernant la compétence judiciaire, la reconnaissance et l'exécution des décisions en matière civile et commerciale (document E 1314) : en uniformisant les règles de droit international privé des Etats membres en matière de compétence judiciaire et en améliorant la reconnaissance et l'exécution des jugements en matière civile et commerciale, cette proposition s'inscrit dans le cadre de l'espace judiciaire européen. Elle transforme en règlement le texte révisé de la convention de Bruxelles, qui avait été examiné par la Délégation le 6 mai dernier. Soulignant que certaines dispositions du texte avaient été reformulées pour tenir compte de l'évolution des techniques de commercialisation, il en a évoqué les incidences sur les contrats passés au moyen d'un site internet interactif accessible dans l'Etat du domicile du consommateur : les entreprises qui ont recours au commerce électronique risquent d'être confrontées à des litiges dans tous les Etats membres, sauf à limiter la diffusion de leurs produits ou services à certains d'entre eux.

Mme Nicole Feidt a suggéré que la Délégation procède à l'audition du Garde des Sceaux sur les questions relevant de l'espace judiciaire européen. Tout en souscrivant à cette suggestion, le Président Alain Barrau a indiqué que la Délégation serait amenée à entendre très régulièrement le ministre délégué chargé des affaires européennes au cours des mois qui précéderont la présidence française de l'Union européenne.

Abordant les textes relatifs aux relations extérieures et au commerce extérieur de l'Union européenne, le Président Alain Barrau a présenté les propositions de décision et de règlement destinées à renouveler l'accord de pêche entre la Communauté européenne et l'Angola (E 1290). Le nouveau protocole couvre la période mai 1999-mai 2000 ; comme pour la période précédente, l'accord répartit les possibilités de pêche au large de l'Angola entre les flottes française, espagnole et portugaise.

M. François Guillaume ayant relevé que la diminution du nombre de thoniers français autorisés à pêcher dans la zone couverte par l'accord contrastait avec l'importante flottille espagnole, le Président Alain Barrau a précisé que le nombre de thoniers mentionné par l'accord correspondait, tant pour l'Espagne que pour la France, aux demandes présentées par les Etats après consultation des professions intéressées. La Délégation a levé la réserve d'examen parlementaire.

Elle a pris la même décision pour la proposition de décision du Conseil relative à l'accord avec la Bulgarie sur les produits de la pêche (E 1308). Le Président a exposé que l'échange de lettres entre la Communauté européenne et la Bulgarie était un des nombreux actes résultant de la signature de l'accord européen de 1983, qui prépare l'adhésion de ce pays. Il porte sur les concessions tarifaires réciproquement consenties pour les produits de la pêche, les quantités concernées demeurant limitées.

Elle a également approuvé la proposition de règlement du Conseil relative au contrôle des pêches de l'Atlantique du Nord-Est (E 1312). Ce document est la transposition en droit communautaire des recommandations adoptées par la commission des pêches de l'Atlantique du Nord-Est (CPANE) pour la définition des procédures d'inspection et de contrôle des navires de pêche communautaires opérant dans cette zone, d'où proviennent les deux tiers des poissons pêchés par les Etats membres de l'Espace économique européen.

Il en a été de même pour la proposition de règlement prorogeant la validité du règlement de 1997 relatif aux actions dans le domaine de l'aide aux populations déracinées dans les pays en voie de développement d'Amérique latine et d'Asie (E 1313). Ce document a pour objet de proroger d'un an, jusqu'au 31 décembre 2000, le règlement en vigueur, afin d'aider les populations déracinées des pays en voie de développement d'Amérique latine et d'Asie à s'insérer dans les lieux d'accueil et à se réinsérer dans leur pays d'origine. Les actions prévues, dotées d'un crédit d'engagement de 40 millions d'euros en 2000, couvrent la phase intermédiaire entre celles destinées à couvrir les besoins humanitaires en situation de crise et la coopération au développement.

Le Président a enfin évoqué la proposition du Conseil modifiant le règlement portant ouverture et mode de gestion de contingents tarifaires communautaires autonomes pour certains produits agricoles et industriels (E 1315), qui a fait l'objet d'une procédure d'examen en urgence dans des conditions contestables, puisque la Délégation n'en a été saisie que postérieurement à son adoption par le Coreper. Il a indiqué que ce texte, fruit d'une initiative du gouvernement français, autorisait l'importation à droit nul d'un contingent d'huiles tropicales (huiles de coco et de palme) entrant dans la composition de certains produits chimiques fabriqués en France.

Examinant les textes portant sur les questions budgétaires, fiscales et financières, le Président a présenté les propositions de décision du Conseil autorisant respectivement la Finlande et le Portugal à introduire ou à maintenir des réductions ou des exonérations de droits d'accises sur certaines huiles minérales utilisées à des fins spécifiques (E 1294 et E 1295). Ces deux propositions ne soulèvent pas de difficulté, les mesures demandées consistant, pour la Finlande, en une exonération des droits d'accises applicables au gaz naturel destiné à servir de carburant et, pour le Portugal, en l'application de taux d'accises différenciés au carburant diesel utilisé par les véhicules de transport routier de marchandises. La Délégation a pris acte de la transmission de ces documents, qui n'appellent pas d'observation de sa part.

S'agissant en revanche de la proposition de règlement du Conseil concernant la discipline budgétaire (E 1297), le Président a indiqué que ce texte réalisait une refonte des règles de discipline budgétaire actuellement contenues dans la décision du Conseil du 31 octobre 1994, qui portent sur les dotations du FEOGA-Garantie et sur les réserves liées à des actions extérieures. A côté de dispositions de pure et simple reprise du droit antérieur ou d'adaptation technique (conséquences de l'évolution de la nomenclature budgétaire ou de l'introduction de l'euro), le texte modifie de façon sensible les règles applicables à la prise en compte d'éventuels dépassements des plafonds de dépenses agricoles au cours de l'élaboration des différents documents budgétaires et la procédure de suivi de l'exécution de ces dépenses.

Sur ces deux points, le texte s'est heurté à une forte opposition de la part de certains Etats membres, dont la France, dans la mesure où il donne à la Commission, sous couvert d'un élargissement de ses pouvoirs de gestion, le moyen de lier la compétence du Conseil en lui imposant des délais et en restreignant sa latitude de choix des mesures propres à prévenir ou à limiter les dépassements de prévisions budgétaires.

Le texte de compromis qui devait être présenté au comité budgétaire à la suite de ces oppositions n'a pas encore été transmis aux Etats membres en vue de son examen par ledit comité. Dans ces conditions, le Président Alain Barrau a suggéré que la Délégation, sans maintenir la réserve, exprime clairement sa position sur les deux points précédemment évoqués.

M. François Guillaume a jugé inacceptable que la Commission puisse, en cas de dépassement des prévisions financières consécutif aux décisions du Conseil, imposer à celui-ci de tenir une réunion supplémentaire aux fins de prendre des mesures conservatoires incluant la limitation des remboursements. Pour lui, le pouvoir administratif et de gestion ne doit pas l'emporter sur le pouvoir politique, qui est celui du Conseil.

M. Gérard Fuchs, tout en observant que les dispositions du projet de règlement traduisaient davantage des préoccupations de calendrier et de gestion qu'un véritable déplacement de l'équilibre des pouvoirs, a souligné que la Commission devait disposer d'un pouvoir d'initiative et non de décision. Pour M. François Guillaume, le projet de règlement ne laisserait au Conseil, saisi par la Commission en cas de dépassement des prévisions budgétaires FEOGA, aucun choix des mesures à prendre.

Le Président Alain Barrau a suggéré à la Délégation, qui l'a suivi, d'exprimer dans ses conclusions son opposition à toute modification de l'équilibre des pouvoirs respectifs de la Commission et du Conseil.

La Délégation a enfin examiné la proposition de règlement du Conseil sur la procédure concernant les déficits excessifs (E 1310). Le Président a indiqué que ce texte prenait en compte, pour les statistiques servant de base de calcul pour les déficits et dettes publiés des Etats membres, le nouveau système européen des comptes nationaux et régionaux. Aucun changement majeur n'est apporté ni à la définition de la dette publique, ni à sa base d'évaluation. Les composantes de la dette publique sont cependant ajustées pour prendre en compte les nouvelles catégories d'actifs financiers, notamment les produits financiers dérivés. Le mode de calcul des dépenses d'intérêt est revu pour fournir des données sur une base consolidée. La définition du PIB est révisée pour se conformer au nouveau système européen des comptes nationaux (SEC95).

M. Gérard Fuchs a jugé nécessaire de mesurer avec précision l'incidence du nouveau traitement statistique sur l'évolution d'indicateurs ayant une portée aussi grande. Il a donc souhaité que la Délégation soit parfaitement informée sur les nouveaux éléments de calcul du ratio d'endettement, tant en ce qui concerne le numérateur (composantes de la dette) que le dénominateur (définition du PIB).

La Délégation a donc décidé de maintenir la réserve d'examen et de poursuivre l'étude de la proposition de règlement lors de sa prochaine réunion.

Le Président Alain Barrau a ensuite présenté une série de textes relatifs à divers aspects du droit communautaire. Il a invité la Délégation a procéder à un nouvel examen de la proposition de directive relative au rapprochement des régimes juridiques de protection des inventions par le modèle d'utilité (E 1006). Ce texte tend à harmoniser les législations relatives au modèle d'utilité et à introduire ce titre de propriété industrielle dans celles des Etats membres où il n'existe pas encore. Il a fait l'objet d'un premier examen par la Délégation le 26 février 1998, mais la Commission a adopté depuis lors une proposition modifiée pour tenir compte de certains des amendements du Parlement européen. Le Président Alain Barrau a évoqué les améliorations apportées au texte par le compromis de la présidence finlandaise et qui répondent aux préoccupations françaises, ainsi que les points de désaccord qui subsistent. Il a donc proposé à la Délégation, qui l'a suivi, de lever la réserve d'examen.

Il a ensuite présenté deux propositions de règlement, l'une modifiant le règlement relatif à la protection des forêts contre la pollution atmosphérique, l'autre modifiant celui relatif à la protection des forêts dans la Communauté contre les incendies (E 1289). Ces deux propositions reprennent le contenu de deux règlements précédemment annulés par la Cour de justice des Communautés européennes, à la demande du Parlement européen, en raison d'une base juridique inappropriée - et donc d'une procédure inadéquate - et dont l'objet était de proroger jusqu'au 31 décembre 2001 les programmes relatifs à la protection des forêts. M. François Guillaume a estimé que la Délégation, en approuvant ces textes, conforterait le Parlement européen dans sa volonté d'exercer un droit de regard dans les domaines qu'ils traitent. Il a jugé préférable de maintenir dans la catégorie des dépenses obligatoires les crédits destinés à la protection des forêts contre les incendies et la pollution. Le Président Alain Barrau, tout en confirmant son souci de maintenir le respect de la distinction en vigueur entre dépenses obligatoires et non obligatoires, a considéré que ces textes, qui tendent à combler un vide juridique, ne soulèvent pas de difficulté de ce point de vue.

La Délégation a ensuite examiné le Livre Vert de la Commission sur la responsabilité du fait des produits défectueux (E 1296). Le Président Alain Barrau a rappelé que la France avait été le dernier Etat membre à avoir transposé, par la loi du 19 mai 1998, la directive 85/37/CEE sur la responsabilité civile du fait des produits défectueux, dont l'entrée en vigueur avait été fixée au 30 juillet 1988. Ce retard a été essentiellement dû aux débats qui ont porté sur l'opportunité d'introduire l'exonération de la responsabilité du producteur pour risque de développement. La Commission a, en outre, adressé le 6 août 1999 un avis motivé à la France lui reprochant d'avoir édicté des dispositions plus strictes que celles prévues par la directive. Le présent Livre Vert est destiné à préparer le rapport sur la mise en _uvre de la directive, que la Commission doit adresser, en application de l'article 21 de celle-ci, au Conseil et au Parlement avant la fin de l'an 2000. M. Gérard Fuchs s'est interrogé sur la portée du principe de la responsabilité des distributeurs ou des utilisateurs intermédiaires d'un produit défectueux - comme, par exemple, les éleveurs - qui ne peuvent connaître les défauts qui affectent celui-ci.

Le Président Alain Barrau a suggéré, en raison de l'importance des enjeux, que la Délégation élabore un rapport d'information et une proposition de résolution, afin de faire connaître la position de la représentation nationale sur les nouvelles orientations de la Commission.

La Délégation a enfin pris acte de la proposition de directive instituant un code communautaire relatif aux médicaments vétérinaires (E 1311), qui, réalisant une codification à droit constant des dispositions en vigueur, n'appelle pas d'observation.

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