DÉLÉGATION POUR L'UNION EUROPÉENNE

COMPTE RENDU N° 98

Réunion du jeudi 27 janvier 2000 à 9 heures

Présidence de M. Alain Barrau

I. Rapport d'information sur des propositions pour la présidence française de l'Union européenne

Le Président Alain Barrau, rapporteur, a souhaité que la Délégation soit en mesure de se prononcer sur des priorités pour la présidence française de l'Union européenne avant que les arbitrages soient rendus par l'Exécutif. Il s'agit donc, non de relayer des réflexions gouvernementales, mais de suggérer des initiatives. Les priorités retenues par les autorités françaises feront ensuite l'objet d'un débat en séance publique, qui devrait avoir lieu les 24 et 25 mai.

Si l'Etat membre exerçant la présidence joue un rôle d'impulsion et de médiation dans le fonctionnement du Conseil, il convient d'aborder cette présidence française, qui commencera le 1er juillet 2000, avec modestie : le principe de rotation semestrielle fait que toute présidence s'inscrit nécessairement dans la continuité des actions définies au cours de la période précédente.

Le Président a évoqué quatre thèmes autour desquels devraient s'organiser, selon lui, les actions susceptibles d'être poursuivies ou entreprises par notre pays : l'adaptation des institutions de l'Union ; la croissance et l'emploi ; les réponses aux préoccupations des citoyens ; le renforcement de la présence de l'Union sur la scène internationale.

S'agissant du premier thème, le Rapporteur a estimé que la réforme des institutions se justifiait par le constat de leurs dysfonctionnements, indépendamment des problèmes nouveaux qui seront soulevés par l'élargissement. Hubert Védrine et Pierre Moscovici ont toutefois raison de faire valoir qu'il s'agit, pour la présidence française, d'une obligation de moyens et non de résultat. De surcroît, même si un accord intervenait sur la réforme des institutions, les travaux de la Conférence intergouvernementale ne suffiront pas à régler tous les problèmes qui se posent aux institutions dans la perspective d'une Europe élargie. Une réflexion devra donc ultérieurement être engagée sur l'architecture institutionnelle d'une Union comprenant 25, 30 ou 35 membres, réflexion à laquelle la Délégation contribuera le moment venu, notamment en présentant des propositions sur le rôle du Conseil. Il conviendra également que la présidence française suive avec vigilance les négociations d'élargissement, qui constituent une priorité politique pour notre pays.

· En second lieu, la présidence française devra, à la suite de la présidence portugaise, qui a pris l'initiative d'organiser les 23 et 24 mars prochain un Conseil européen extraordinaire sur « l'emploi, les réformes économiques et la cohésion sociale », contribuer à la mise en place d'une Europe de la croissance et de l'emploi. Des initiatives devront donc être prises pour favoriser une meilleure coordination des politiques économiques et une plus grande harmonisation fiscale, un renforcement du pacte européen pour l'emploi - qui devrait comporter de nouveaux objectifs quantifiés et vérifiables - et la mise en place d'un véritable espace européen de la recherche, l'avènement d'une communauté de « l'intelligence et du savoir » reposant sur le lancement d'un programme européen d'équipements scientifiques et un développement de la mobilité des chercheurs. La présidence française pourrait également être l'occasion de donner un contenu concret au projet d'emprunt européen pour financer de grands programmes communautaires dans le domaine des infrastructures, des réseaux de communication et des nouvelles technologies.

· Des actions communes devraient répondre aux préoccupations des citoyens. Il s'agit de mener à bien le projet de charte européenne des droits fondamentaux, dont le principe a été décidé lors du Conseil européen de Cologne, mais qui soulève un certain nombre de questions : quels seront les droits politiques, économiques et sociaux inclus dans cet instrument ? Quelle sera la valeur juridique de cette charte ? Quels seront les pouvoirs respectifs de l'Enceinte qui élabore la charte, du Conseil européen, du Parlement européen et de la Commission ? Il s'agit également de poursuivre l'édification de l'espace européen de liberté, de sécurité et de justice, selon un calendrier qui reste à définir. La réalisation d'Eurojust et la mise en place d'équipes conjointes entre Europol et les polices nationales pourraient figurer parmi les actions soutenues par la présidence française. De même, notre pays devrait-il donner une impulsion politique à la mise en place d'une Agence sanitaire européenne, au renforcement des règles de sécurité du transport maritime, au soutien à la mobilité des étudiants et à la reconnaissance d'une exception sportive au niveau européen.

· Le développement de la présence de l'Union sur la scène internationale implique que le rôle du Haut Représentant pour la PESC soit renforcé, afin qu'il ait une capacité de proposition et une fonction de représentation extérieure de l'Union plus affirmées. Une impulsion devra être donnée à la construction d'une Europe de la défense, sachant que la mise en _uvre des décisions prises lors du Conseil européen d'Helsinki soulève des questions sur le degré d'autonomie du nouveau dispositif de l'Union par rapport à l'OTAN, sur l'efficacité d'une politique qui sera nécessairement « à géométrie variable » et sur le degré d'implication des opinions publiques et des Parlements dans la conduite de cette politique.

L'Union européenne devra enfin prendre une part active au développement d'un monde multipolaire. Il s'agit pour l'Union de développer ses relations avec les ensembles régionaux et de participer à la recherche d'une meilleure régulation internationale dans le cadre du FMI, dont la réforme doit être poursuivie, et de l'OMC, dont le rôle doit être renforcé et qui doit mieux associer les PVD et les opinions publiques au déroulement des négociations.

Après l'exposé du rapporteur, M. Gérard Fuchs a souligné l'utilité de ce travail, le Parlement ne pouvant se contenter d'être le spectateur des orientations qui engagent l'Union européenne. Les questions institutionnelles, sur lesquelles il présentera prochainement un rapport d'information devant la Délégation, constitueront un enjeu majeur de la présidence française. Toutefois, même s'il est grand temps de procéder à l'approfondissement de l'Union, la stratégie prudente définie par l'Exécutif lui paraît sage et de nature à éviter une pression excessive sur la présidence française. Parmi les points laissés en suspens par le traité d'Amsterdam, l'extension du vote à la majorité constitue la réforme-clé ; en ce domaine, le débat sera long et difficile, notamment sur la fiscalité de l'épargne, dont l'harmonisation est tenue en échec depuis dix ans. C'est la conception même de l'Europe qui est en jeu.

En cas de blocage, il faudra bien trancher : à cet effet, un assouplissement des conditions d'application des coopérations renforcées serait fort souhaitable. L'expérience montre d'ailleurs qu'une action lancée par un groupe d'Etats membres peut exercer un effet d'entraînement, à l'image de ce qui s'est passé pour la monnaie unique.

Abordant la question de la défense européenne, M. Didier Boulaud a souhaité nuancer l'idée avancée par le rapport, selon laquelle le Royaume-Uni ou la France ne disposeraient plus de marges de réduction de leur budget de défense : une nouvelle loi de programmation militaire est en chantier et il est encore possible de rationaliser les dépenses militaires, grâce, notamment, à des actions de coopération entre Etats. Il a déclaré partager le souci de renforcer l'action communautaire dans le domaine de la recherche et du développement.

Après avoir souligné que le rapport avait le mérite d'exposer les grandes questions sur lesquelles l'Union européenne devra prendre position, M. Jacques Myard a déploré le fait que la Communauté, du fait des compétences toujours plus larges que lui confèrent les traités, se mêle de tout et dans les moindres détails. Il a estimé que l'extension de la règle de la majorité qualifiée, loin de constituer une solution, risquait de conduire l'Europe à l'échec, alors que le thème de la subsidiarité mériterait, lui, un travail approfondi. Quant à la charte des droits fondamentaux, citant Gérard de Nerval, pour qui « Celui qui le premier qualifia une femme de rose était un génie et le second un imbécile », il a souligné qu'une telle charte ne pouvait qu'être redondante, du fait de l'existence d'un grand nombre de déclarations des droits, nationales ou internationales. Il a enfin marqué son désaccord avec l'orientation de la politique étrangère et de sécurité commune, estimant qu'un représentant de l'Union dans ce domaine était inutile et que, comme l'avaient montré les négociations de Seattle, l'on risquait de reconstituer une logique de « blocs » au sein de la communauté internationale.

Mme Marie-Hélène Aubert a déclaré partager la philosophie d'ensemble du rapport, tout en regrettant qu'il n'évoque pas la question du développement durable. Selon elle, des objectifs tels que la croissance ou l'emploi sont des objectifs louables, à condition qu'ils s'accompagnent d'un progrès pour l'environnement. Aussi a-t-elle suggéré de préciser dans le rapport que la mise en place d'une Europe de la croissance et de l'emploi s'inscrit dans le cadre d'un développement durable, et de considérer la maîtrise de l'énergie et la préservation des ressources naturelles comme une priorité. Elle a proposé que soient regroupés sous ce même thème la mise en place d'une Agence européenne de sécurité alimentaire, le rappel des principes de multifonctionnalité de l'agriculture et le renforcement des règles de sécurité du transport maritime. De même, pourraient être abordées dans ce chapitre des mesures telles que l'écotaxe et l'analyse critique des permis négociables ; le projet de financement de grandes infrastructures par un emprunt européen relève d'ailleurs du même objectif, puisqu'il s'agit de financer le réseau ferroviaire, dont l'utilisation préserve l'environnement.

Mme Nicole Catala a exprimé, au contraire, son hostilité à l'émission d'un emprunt européen, compte tenu du niveau atteint par la dépense publique et de l'objectif qui consiste à la réduire. En matière de sécurité maritime, elle a jugé inappropriée l'idée consistant à rendre responsable le propriétaire de la cargaison et insisté pour que l'Union européenne ait le courage politique de subordonner l'adhésion de Chypre et de Malte à la régularisation des immatriculations effectuées sous leur pavillon. Elle a rappelé son hostilité totale à l'élaboration d'une charte des droits fondamentaux, qui ferait largement double emploi avec la Convention européenne des droits de l'Homme, affirmerait des droits économiques et sociaux de portée incertaine et menacerait notre ordre juridique constitutionnel fondé sur la Constitution de 1958, la Déclaration de 1789 et le Préambule de 1946.

Après avoir insisté à son tour sur le développement durable, Mme Béatrice Marre a souhaité que le rapport souligne la nécessité d'approfondir l'architecture de l'organisation internationale en faveur d'un monde multipolaire, avant d'évoquer la réforme du FMI et de l'OMC : après l'échec de Seattle, qui est celui des blocs et des zones d'influence, il convient de donner toute leur place aux pays en développement.

Soulignant également l'intérêt d'une synthèse des priorités envisagées pour la présidence française, M. Maurice Ligot a appelé de ses v_ux l'élaboration d'un texte institutionnel distinct des traités, devenus illisibles, afin de permettre aux citoyens de comprendre la répartition des compétences entre l'Union et les Etats et de faire apparaître clairement la nécessité de respecter le principe de subsidiarité. Il a souhaité une réflexion sur les limites de l'Union européenne, laquelle pourrait être bordée par une large frange de pays amis, mais ne participant pas aux décisions internes. Favorable à une meilleure coordination des politiques économiques, il a redouté que l'harmonisation fiscale débouche sur un alourdissement des prélèvements, alors que la concurrence qui peut exister entre les Etats en ce domaine est un facteur de modération.

En matière de commerce international, il conviendrait de réaffirmer, face aux pressions de l'OMC, le principe de la préférence communautaire, autour duquel la Communauté s'est construite ; à défaut, ce sont des pans entiers de notre activité qui seraient condamnés à disparaître.

Jugeant excellente l'initiative du Président, M. Pierre Brana a également souhaité que le rapport mette l'accent sur le développement durable et sur l'aspect qualitatif de la croissance. A cet effet, il a insisté sur la nécessité de prendre en compte les mesures propres à remédier à l'effet de serre et à renforcer la sécurité face aux menaces que font peser les transports maritimes - notamment en raison des pavillons de complaisance - ainsi que les installations nucléaires de certains pays candidats.

M. François Loncle s'est associé aux observations de M. Ligot sur le besoin de simplification institutionnelle et de clarification des limites géographiques de l'Union, ainsi qu'aux interventions relatives au développement durable. En sa qualité de membre de l'Enceinte chargée d'élaborer la charte européenne des droits fondamentaux et qui se réunit une fois par mois à Bruxelles, il s'est engagé à informer régulièrement la Délégation de l'évolution des travaux. Dans le contexte actuel, marqué par les perspectives d'un élargissement flou, qui inquiète les Européens, l'Union doit refonder ses valeurs et indiquer les droits et devoirs qui s'imposent à tous, y compris aux membres actuels de l'Union européenne qui seraient tentés de s'en écarter, dans le respect des constitutions nationales et de la Convention européenne des droits de l'Homme.

A l'issue de ce débat, la Délégation a décidé d'aborder les conclusions du rapport au cours de sa prochaine séance.

II. Audition de M. Jean-Claude Trichet, gouverneur de la Banque de France, sur le fonctionnement et les perspectives de la monnaie unique

L'euro un an après : tel est le thème que le Président Alain Barrau a souhaité voir développer à l'occasion de l'audition du gouverneur de la Banque de France, membre du Conseil des gouverneurs de la Banque centrale européenne. Il a rappelé que la Délégation avait été à l'origine d'une résolution adoptée par l'Assemblée nationale en séance publique sur le passage à l'euro, et qu'elle était donc vigilante à l'égard des suites du processus.

M. Jean-Claude Trichet a souligné que la création de l'euro était une réussite exceptionnelle sur le plan technique : tous les marchés des onze places financières ont fonctionné avec la nouvelle monnaie dès le 4 janvier 1999. L'on pouvait craindre des différences importantes entre les places financières compte tenu de la décentralisation qui marque le système européen des banques centrales (SEBC). Or, le fonctionnement du marché a été immédiatement excellent et la volatilité des taux d'intérêt à court terme s'est avérée moindre que celle constatée avant la création de l'euro. Dans le système retenu, la Banque centrale européenne joue le rôle de l'entraîneur d'une équipe formée par les onze banques centrales nationales, qui conservent les comptes des banques commerciales et assurent leur refinancement. Les banques centrales nationales et les conseils de politique monétaire ne sont donc pas devenus inutiles. Bien au contraire, le système totalement décentralisé qu'est le SEBC ne pourrait pas fonctionner sans eux, car ce sont eux qui mettent en _uvre la monnaie unique.

L'objectif principal de la Banque de France est de conserver au bénéfice de l'euro la même crédibilité que celle acquise par le franc au terme d'une politique monétaire et économique poursuivie sur une longue période par les majorités politiques successives, ainsi que par la Banque de France lorsqu'elle est devenue indépendante. Au moment de la création de l'euro, le franc était une monnaie très crédible, au meilleur niveau européen avec le florin, le deutsche mark et quelques autres monnaies. Il fallait éviter que l'Union monétaire se traduise par un euro qui eût été moins crédible et eût moins inspiré confiance que le franc.

Or, l'euro se situe fort heureusement au même niveau de crédibilité que celui atteint par les meilleures anciennes monnaies nationales. La grande mission du SEBC est de maintenir cette crédibilité.

La politique de communication de la Banque centrale européenne (BCE) a été injustement critiquée. Or, depuis sa création, la BCE a poursuivi la même politique de communication consistant en un diagnostic mensuel et complet sur la situation, qui est transmis en temps réel et rend compte de l'analyse précise du Conseil des Gouverneurs.

En ce qui concerne la position de l'euro sur le marché des changes, la BCE a adopté une position simple, partagée par tous les Gouverneurs membres du Conseil des Gouverneurs. L'eurosystème indique ainsi clairement aux épargnants, observateurs et investisseurs européens et du monde entier : « Nous poursuivons une politique de solidité et de stabilité monétaire. L'euro dispose d'un important potentiel d'appréciation ».

Les résultats de l'économie française sont encourageants. Sur quatre ans (1997, 98, 99, 2000), la France devrait réaliser une remarquable performance en ayant une croissance supérieure à celle des autres grands pays européens. Par ailleurs, au cours de chacune de ces quatre années, la France a enregistré ou devrait enregistrer le deuxième plus important excédent mondial pour sa balance de paiements courants, ce qui prouve que sa croissance est saine.

La politique multipartisane de compétitivité menée sur longue période explique en partie ces performances très encourageantes, la Banque de France insistant particulièrement sur le critère des coûts unitaires de production qui ont nettement moins augmenté en France que dans la moyenne de la zone euro depuis 1987. Mais nous pourrions faire encore mieux en France, comme en Allemagne, en Italie, en Espagne en engageant résolument des réformes structurelles.

Après l'exposé de M. Jean-Claude Trichet, M. François Loncle a observé que l'économie française obtenait des résultats plutôt meilleurs que ceux de nos partenaires, ce qui indiquerait que la flexibilité n'est pas une recette miracle. Il a fait part des inquiétudes que lui inspirent la parité actuelle de l'euro face au dollar, ainsi que la tension inflationniste provoquée par la récente flambée des cours du pétrole. Comment la Banque de France estime-t-elle possible de dissiper ces nuages ? S'agissant du Conseil de l'euro, poursuit-il une démarche commune avec la Banque centrale européenne ? Dans la perspective actuelle de l'élargissement, la mise en place de l'euro ne va-t-elle pas conduire à l'apparition d'une Europe à deux vitesses, avec un noyau formé par l'Europe des onze ?

Pour M. Jacques Myard, ce qui a réussi, c'est la création « informatique » de l'euro, qui confirme le fait que l'euro demeure une monnaie virtuelle, ne fonctionnant que dans les échanges internationaux et arbitrée par les intervenants sur les marchés.

La dépréciation de l'euro par rapport au dollar, liée à la croissance actuelle de l'économie américaine, provoque une certaine euphorie économique et facilite la mise en place de l'euro. Mais la divergence des économies européennes, les écarts de développement et d'inflation qui les séparent suscitent le doute sur la viabilité d'une monnaie unique, d'une politique monétaire unique et sur la solidité de cette Europe monétaire en cas de choc asymétrique. La disparition du marché à terme d'instruments financiers (MATIF) est une conséquence de l'avènement de l'euro, la place de Francfort ayant supplanté ce secteur du marché français.

Ne pourrait-on décider d'en rester au statu quo, celui de l'euro virtuel, et d'éviter un passage à la mise en circulation des signes monétaires ? Quant au caractère attractif de Paris, on peut penser qu'il n'est pas favorisé par certaines décisions politiques, comme celles relatives à l'application des 35 heures.

M. Jacques Myard s'est enfin demandé comment le gouverneur de la Banque de France pouvait défendre l'idée d'un rôle propre de cette institution, alors qu'il s'est antérieurement présenté comme le fidèle exécutant des décisions de la Banque centrale européenne. Sans doute la Banque de France conserve-t-elle une utilité comme relais de la BCE, ne serait-ce que pour des raisons linguistiques ; mais elle n'est qu'un instrument pour la mise en _uvre des décisions de celle-ci.

M. Pierre Brana a demandé des précisions sur l'évaluation des incidences économiques des tempêtes de décembre 1999. Il a en outre fait état de l'inquiétude des services compétents de la Commission européenne à l'égard des risques de contrefaçon de l'euro, les Etats membres ayant conservé la tâche de fabriquer les signes monétaires.

Evoquant les propos de M. Jean-Claude Trichet sur la flexibilité, le Président Alain Barrau a estimé que celle-ci ne pouvait constituer un facteur de croissance, puisque la Grande-Bretagne, qui la met en pratique, n'obtient pas d'aussi bons résultats que la France. Il s'est également interrogé sur l'opportunité d'un appel aussi insistant à la vigilance à l'égard de l'inflation : est-il aussi nécessaire aujourd'hui qu'à l'époque de l'inflation à deux chiffres ? Enfin, il a souhaité avoir des précisions sur les conditions de fonctionnement du Conseil de l'euro, auquel la France est légitimement attachée, et sur son articulation avec le Conseil Ecofin, qui semble satisfaisante, contrairement aux prévisions de certains.

M. Maurice Ligot a souhaité savoir si le taux de change euro-dollar traduisait plutôt une dépréciation de l'euro ou une appréciation du dollar. Rappelant les craintes exprimées par les responsables allemands de voir la création de l'euro provoquer un affaiblissement monétaire lié aux économies de certains pays participants à la monnaie unique, il a interrogé le Gouverneur sur la coordination des politiques économiques dans la zone euro et lui a demandé si une réduction de la pression fiscale et un assouplissement de certaines règles trop contraignantes ne constitueraient pas une meilleure réponse que la ligne politique suivie actuellement en France.

M. Jean-Bernard Raimond a souhaité que le Gouverneur de la Banque de France développe, au-delà de l'expression de regrets, son analyse des différences entre les places de Londres et de Paris.

Mme Béatrice Marre a demandé si la tonalité des relations entre le Conseil de l'euro et le Conseil des gouverneurs de la Banque centrale européenne était bien celle qui avait été envisagée lors de la création de cette instance politique. Elle a également souhaité des précisions sur la responsabilité que pourrait prendre l'Europe des Onze dans la réflexion sur la réforme du système monétaire international. Elle s'est demandée si l'avantage qu'aurait pris, selon M. Trichet, la place de Londres sur celle de Paris ne serait pas de nature à fournir un argument à ceux qui estiment qu'il est préférable de rester en dehors de la zone euro.

Dans ses réponses, M. Jean-Claude Trichet a donné les précisions suivantes :

- Le taux de change est un important indicateur pour la politique monétaire de l'eurosystème, qui est, conformément à ce qui a été dit par Wim Duisenberg, porte-parole du Conseil des Gouverneurs, inspiré par la vigilance.

- Le fonctionnement du Conseil de l'euro repose, pour une large part, sur la dynamique de groupe impulsée par les onze ministres des finances et la Commission européenne. Le traité et le pacte de stabilité et de croissance donnent au Conseil un véritable pouvoir en matière budgétaire. C'est pourquoi l'idée d'un déséquilibre entre une « fédération monétaire » très avancée et une Europe politique ne paraît pas conforme à la réalité. Le Conseil qui délibère à quinze mais vote à onze, pour infliger, en cas de non-respect du pacte de stabilité budgétaire, des sanctions à l'égard des Etats membres, pouvant prendre la forme d'admonestation, d'une inégibilité aux crédits communautaires et enfin d'amendes. Ces prérogatives marquent l'instauration d'un pouvoir politique fort en matière budgétaire au centre de l'Union européenne, doté de prérogatives plus importantes que celles dont disposent généralement les fédérations politiques vis-à-vis des Etats fédérés en matière de politique budgétaire.

- La vigilance de la BCE à l'égard de l'inflation résulte des clauses du traité de Maastricht, qui a été ratifié par le peuple souverain. De surcroît, les enquêtes d'opinion montrent l'attachement des citoyens au maintien de la stabilité des prix et leur satisfaction à l'égard du rôle joué par l'eurosystème dans le respect de cet objectif.

- La place de Paris possède de nombreux atouts. S'agissant de la flexibilité, la France, qui conduit depuis des années, dans le consensus, une politique macro-économique de compétitivité, pourrait aller plus loin dans le domaine des réformes structurelles, en particulier si l'opinion publique accompagnait plus résolument une telle démarche. D'où l'importance d'une pédagogie adaptée, expliquant les causes structurelles du chômage. Cette observation s'applique d'ailleurs aux autres grands pays de la zone euro, comme l'Allemagne ou l'Italie.

- Les conséquences de la tempête sur la croissance de l'économie française seront vraisemblablement positives, la comptabilité nationale n'étant pas une comptabilité patrimoniale ; la reconstitution du capital détruit pourrait donc avoir pour effet d'augmenter le PIB et la croissance en volume. On risque toutefois de se heurter au phénomène de rareté du travail dans certains secteurs, qui est susceptible de bloquer la croissance, ce qui devrait inciter à lever certains obstacles au fonctionnement efficace du marché du travail.

- Sur les effets de la législation relative aux 35 heures, le Conseil de la politique monétaire a indiqué officiellement il y a deux ans qu'il n'était ni pour ni contre les 35 heures, ne voulant se substituer ni au Parlement, ni au gouvernement, ni aux syndicats, ni aux entreprises. Il avait, par ailleurs, fait cinq remarques valables pour toute législation nouvelle quelle qu'elle soit, parmi lesquelles la nécessaire souplesse dans l'utilisation des heures supplémentaires. Le Président Alain Barrau a regretté, sur ce point, que la flexibilité soit ainsi présentée comme le seul moyen d'atteindre des objectifs économiques légitimes. M. Jean-Claude Trichet a souligné qu'il existait, à sa connaissance, en Europe, un consensus sur l'opportunité de réformes structurelles. La combinaison de telles réformes avec une bonne politique macro-économique produit d'heureux résultats, comme le montre l'exemple des Pays-Bas dont la croissance a été nettement plus importante que la nôtre et où le chômage est inférieur à 4 %, alors que ces réformes ont toutes été consensuelles politiquement et socialement.

- Les pays du G7 travaillent à la définition d'une nouvelle architecture financière internationale. Les pays industrialisés réfléchissent à la meilleure articulation possible entre les institutions financières internationales - le FMI, la Banque mondiale, la Banque des règlements internationaux - et les institutions responsables des systèmes prudentiels pour les banques, les assurances et les marchés financiers. Ce travail, conduit en liaison étroite avec les pays émergents et en transition, comme la Russie, la Chine, l'Inde, le Brésil et le Mexique, reflète l'intégration financière dans laquelle nous vivons.

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