DÉLÉGATION POUR L'UNION EUROPÉENNE

COMPTE RENDU N° 101

Réunion du jeudi 24 février 2000 à 9 heures

Présidence de M. Alain Barrau

I. Examen de textes soumis à l'Assemblée nationale en application de l'article 88-4 de la Constitution

Sur le rapport du Président Alain Barrau, la Délégation a examiné des projets de textes relatifs respectivement à la fiscalité, aux transports, aux relations extérieures et à des questions diverses. Elle a levé la réserve pour l'ensemble de ces textes.

Questions fiscales

Le Président Alain Barrau a présenté la proposition de directive modifiant la sixième directive TVA du 17 mai 1977 et la proposition de règlement prévoyant les mesures de contrôle de restitution et de coopération administrative nécessaires à l'application de la future directive (document E 1119).

Ces textes tendent à remplacer le système actuel de remboursement de la TVA pour les assujettis non-résidents par un mécanisme de déduction. Si le régime actuel est critiqué, la réforme proposée par la Commission européenne suscite des réticences en raison de la lourdeur du système de déduction envisagé et de la remise en cause des exclusions totales du droit à déduction, qui entraînerait pour plusieurs Etats membres des pertes de recettes budgétaires. Le Rapporteur a également regretté l'absence d'étude d'impact préalable de nature à éclairer les Etats membres sur le rapport coût-avantages de la réforme présentée.

M. Gérard Fuchs a considéré que la proposition de directive constituait pour la Commission européenne un moyen de rouvrir le débat sur le futur régime définitif de TVA, en ce sens qu'elle prévoit un mécanisme de déduction de la TVA dans l'Etat de résidence, logiquement assorti d'un mécanisme de compensation entre les Etats membres. Une étude d'impact préalable est d'autant plus nécessaire que le système est complexe et qu'il comporterait pour la France des incidences non négligeables.

A M. Pierre Brana, qui s'est associé à ce propos et a demandé des précisions sur le dispositif prévu, le Rapporteur a indiqué que les difficultés financières qui pourraient en résulter pour les Etats membres étaient liées à la suppression des exclusions totales du droit à déduction envisagée par le texte.

En conclusion de l'examen de celui-ci, la Délégation a donc demandé au Gouvernement d'obtenir une étude d'impact sur les incidences du nouveau mécanisme de déduction.

Le Président Alain Barrau a ensuite évoqué quatre lettres de la Commission européenne en date du 11 novembre 1999, présentant des demandes de dérogation à la sixième directive TVA formulées respectivement : par l'Irlande, pour continuer à appliquer un taux réduit en matière d'acquisition de biens immobiliers (document E 1383) ; par le Royaume-Uni, pour proroger jusqu'au 31 décembre 2003 le régime spécifique de calcul de la TVA applicable lorsque le fournisseur et l'acquéreur d'une marchandise ont des liens particuliers et que l'acquéreur ne peut récupérer la totalité de la taxe (document E 1384) ; par les Pays-Bas, pour la prorogation d'une dérogation du régime de TVA permettant de percevoir, dans le secteur de la confection, la taxe auprès de l'entrepreneur principal et non du sous-traitant, et pour l'application d'un régime particulier au secteur des matériaux usagés et des déchets (document E 1385), texte à propos duquel le Rapporteur s'est étonné de l'absence d'indication de la durée de la dérogation sollicitée et a exprimé le souhait que le dispositif soit précisé sur ce point ; par le Royaume-Uni, pour la prorogation du régime optionnel de calcul de la taxe sur la base des décaissements et des encaissements en espèces, avec relèvement du plafond de chiffre d'affaires applicable à ce régime (document E 1386).

Le Rapporteur a rappelé que ces quatre demandes de dérogation seraient réputées acceptées si, dans les deux mois suivant leur présentation, ni la Commission, ni un Etat membre n'en demandent l'évocation par le Conseil. Or ces documents ont été transmis à la Délégation avec un retard tel que ce délai est très largement écoulé, ce qui porte préjudice à l'examen de leur contenu. La Délégation a donc demandé que ce type de textes soit désormais transmis au Parlement dans un délai de quinze jours après leur envoi par la Commission à la Représentation permanente.

Présentant la proposition de décision du Conseil autorisant le Royaume des Pays-Bas à appliquer une mesure dérogatoire à l'article 11 de la sixième directive TVA de 1977 (document E 1389), le Président Alain Barrau a précisé qu'elle autoriserait les Pays-Bas, jusqu'au 31 décembre 2004, à retenir, pour le calcul de la taxe due sur les travaux de transformation portant sur de l'or d'investissement exonéré, la valeur de l'or contenu dans le produit fini, correspondant au prix auquel cet or d'investissement a été acheté. La Délégation a ensuite pris acte de la proposition de décision du Conseil autorisant l'Allemagne à appliquer, à des fins écologiques, un taux réduit de droit d'accises à certaines huiles minérales destinées à des usages spécifiques (E 1390).

Transports

La Délégation a approuvé les propositions de décisions du Conseil concernant deux accords conclus respectivement avec la Bulgarie et la Hongrie sur le transport de marchandises par route et le transport combiné (documents E 1391 et E 1392). Ces projets d'accords tendent à résoudre le problème des liaisons routières entre la Grèce et les autres membres de l'Union européenne. A l'initiative de M. Pierre Brana, la Délégation s'est interrogée sur les raisons pour lesquelles les négociations avec la Roumanie n'avaient pas atteint le même stade, la Commission s'étant bornée à indiquer, dans l'exposé des motifs de la proposition de décision, « qu'il n'était pas encore possible de déterminer quand les négociations avec la Roumanie arriveront à leur terme ».

Commerce et relations extérieures

La Délégation a demandé au Gouvernement, après les observations de MM. Pierre Brana et Gabriel Montcharmont, de s'opposer à l'adoption de la proposition de décision du Conseil relative à un accord avec la Suisse (document E 1387). Une entreprise suisse spécialisée dans la fabrication de sodas fait subir à des entreprises françaises un préjudice anormal résultant du fait que l'entreprise suisse achète le sucre nécessaire à sa production au prix mondial. Si le compromis négocié par la Commission n'est pas satisfaisant, les partenaires de la France ne semblent pas favorables à des mesures plus vigoureuses.

S'agissant de la proposition de règlement du Conseil modifiant le régime d'échanges applicable à des produits agricoles transformés (document E 1388), le Président Alain Barrau a souligné que l'accord conclu à Marrakech en 1994 avait limité le montant des paiements au titre des restitutions afférentes à certains produits agricoles exportés et que la Commission proposait de réaliser des économies sur le montant des restitutions et d'élargir le régime du « trafic de perfectionnement actif » dont bénéficient certains produits transformés. Il s'agit du régime douanier qui permet aux exportateurs d'être exemptés de droits de douane pour les matières premières importées aux fins d'exportations ultérieures. Appliqué aux produits agricoles, ce régime permettrait de garantir aux industries agro-alimentaires un approvisionnement en matières premières dans de bonnes conditions de compétitivité. Mais, constituant une brèche dans le système de préférence communautaire, il ne devrait être admis que de manière temporaire. La France demande donc, outre un certain nombre de garanties, l'étude de solutions alternatives et des prévisions relatives à l'évolution des restitutions. Pour M. Gérard Fuchs, la question importante est celle du rythme d'évolution du régime d'aide, les subventions aux producteurs étant appelées à se substituer aux aides liées à la production agricole. Il ne s'agit donc pas de freiner l'application des modifications décidées à Berlin en 1999, mais d'exercer une vigilance sur le rythme de leur mise en _uvre.

La Délégation a ensuite approuvé la proposition du Conseil relative à la conclusion d'un accord modifiant l'accord d'association avec le Maroc (document E 1400). Cet accord a été conclu à la demande du Maroc, qui souhaitait accélérer son ouverture commerciale à certains produits et la ralentir pour d'autres, le volume des échanges concernés étant très modeste.

La Délégation a approuvé le projet de décision de la Commission prévoyant des restrictions aux importations de produits sidérurgiques russes (document E 1401). Il s'agit de mesures de rétorsion face à l'instauration par la Russie d'un droit de douane de 15% sur certains produits sidérurgiques, en infraction aux stipulations de l'accord de partenariat de 1997. Le Président Alain Barrau a observé que l'impact de la sanction paraissait très inférieur au montant du préjudice subi par la Communauté. Pour lui, la Russie semble compter sur l'assistance inconditionnelle des Européens et leur absence de réaction, quels que soient ses agissements. Ayant rappelé l'ampleur des remises de dettes dont la Russie a bénéficié, M. Pierre Brana s'est déclaré choqué par l'attitude de ce pays, qui se comporte comme s'il bénéficiait d'une totale impunité. Dans le contexte de la guerre en Tchétchénie, il a estimé que la Communauté devrait exprimer une attitude très ferme. Cette appréciation a été partagée par la Délégation.

Celle-ci a ensuite approuvé la proposition de décision du Conseil prorogeant la décision d'association des pays et territoires d'outre-mer à la Communauté européenne (document E 1411). Après avoir exposé la portée de ce texte, le Président a déploré les conditions dans lesquelles la Commission européenne a attendu le dernier moment pour présenter la prorogation de l'accord d'association, dont l'échéance était pourtant prévisible.

Compte tenu des observations de MM. Pierre Brana et Gérard Fuchs, la Délégation a par ailleurs approuvé la position commune du Conseil suspendant l'embargo aérien à l'encontre de la République fédérale de Yougoslavie. Le Président a exposé que ce projet répondait aux demandes de certaines municipalités tenues par l'opposition démocratique en Serbie, qui estime que ce type de sanctions pénalise davantage les populations que les dirigeants yougoslaves.

Autres questions

La Délégation a débattu de la proposition de règlement du Conseil tendant à modifier sur un point précis l'organisation des marchés dans le secteur du lait et des produits laitiers (document E 1381) : afin de diminuer le coût du dispositif de soutien communautaire à la distribution des produits laitiers dans les écoles, la Commission propose d'instaurer un cofinancement pour moitié par les Etats membres. La France s'est opposée à une mesure qui s'analyse comme la « renationalisation » d'un dispositif communautaire. La Délégation a donc décidé de soutenir la position des autorités françaises sur ce texte.

Elle a enfin accepté la proposition de décision du Conseil relative à l'adhésion de la Communauté européenne au règlement n° 13 H de la Commission économique pour l'Europe des Nations Unies concernant l'homologation des voitures particulières en ce qui concerne le freinage (document E 1382). Ce règlement, qui fait l'objet d'une appréciation unanime tend à éliminer les entraves techniques au commerce de véhicules à moteur entre les parties contractantes tout en assurant un degré élevé de sécurité et de protection de l'environnement.

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II. Informations relatives à la Délégation

· Le mardi 28 mars 2000 sera organisée, à l'initiative de la Délégation, une journée de débats sur la présidence française de l'Union européenne. A ce forum, qui sera ouvert par le Président Laurent Fabius, participeront des membres du Gouvernement, des assemblées, du Parlement européen et des représentants de la société civile.

· Dans le cadre de la coopération parlementaire franco-allemande, un groupe de travail créé à l'initiative de M. Jean-Marie Bockel et de son homologue allemand, M. Andreas Schockenhoff, se réunira à Paris les 1er et 2 mars 2000 pour débattre des priorités de la présidence française. Les députés allemands participeront en outre à la réunion de la Délégation du jeudi 2 mars.

· Une délégation de six députés est invitée par M. Friedbert Pflüger, Président de la Commission des affaires européennes du Bundestag, à participer, les 19 et 20 mars 2000 à Berlin, à une rencontre germano-franco-polonaise, qui prolonge sur le plan parlementaire le triangle de Weimar. Le Président Alain Barrau a demandé aux membres de la Délégation de faire connaître leur candidature à cette rencontre.