DÉLÉGATION POUR L'UNION EUROPÉENNE

COMPTE RENDU N° 103

Réunion du jeudi 9 mars à 9 heures

Présidence de M. Alain Barrau

I. Rapport d'information de M. Gérard Fuchs sur la réforme des institutions de l'Union européenne

M. Gérard Fuchs, rapporteur, a fait ressortir l'importance particulière de la Conférence intergouvernementale (CIG), ouverte le 14 février 2000, qui devrait être la dernière avant l'élargissement : du résultat de ses travaux dépendra l'avenir de la construction européenne, qui s'affirmera comme une véritable union politique dotée d'instruments d'action propres ou se diluera dans une vaste zone de libre-échange.

Si certains jugent l'ordre du jour de la CIG trop limité, telle n'est pas l'opinion du rapporteur, car les trois questions qui n'ont pu être résolues à Amsterdam et constitueront l'essentiel du « cahier des charges » des négociateurs sont des sujets essentiels qui conditionnent le bon fonctionnement des institutions : la taille et la composition de la Commission, la repondération des voix et l'extension du champ de la majorité qualifiée au Conseil.

Deux autres points devraient figurer à l'ordre du jour de la CIG : il s'agit, d'une part, du rôle du Parlement européen - qui devrait bénéficier d'une extension du champ de la procédure de codécision aux nouvelles questions soumises à la majorité qualifiée - et, d'autre part, des coopérations renforcées, dont la mise en _uvre devrait être assouplie. Ce dispositif de coopérations renforcées pourrait être utilisé à la fois comme moyen de pression sur les Etats membres qui bloquent une décision au Conseil et comme solution alternative possible en cas d'échec de la CIG.

Bien d'autres questions sont en débat, mais dans un autre cadre que celui de la CIG : la réorganisation des traités, idée à laquelle le rapporteur adhère à titre personnel, mais qui ne devrait pas déboucher sur des résultats significatifs d'ici la fin de l'année 2000 ; l'élaboration d'une Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne, qui s'ajouterait à de nombreux textes en vigueur en ce domaine ; la définition d'une politique de défense commune, qui devrait se traduire par des aménagements institutionnels encore difficiles à définir à l'heure actuelle ; enfin la question de l'Autriche, qui alimente une réflexion sur un éventuel renforcement des dispositions de l'article 7 du traité sur l'Union européenne, applicables en cas de violation grave et persistante des principes fondamentaux de liberté, de démocratie, du respect des droits de l'homme et de l'Etat de droit.

Abordant les propositions du rapport, M. Gérard Fuchs a évoqué la question de la taille de la Commission : si l'option la plus cohérente consiste à stabiliser la Commission au format actuel de vingt membres, elle risque de se heurter à l'opposition des petits Etats ; il semble dès lors plus réaliste de retenir le principe d'un commissaire par Etat membre, d'introduire une hiérarchisation des portefeuilles et de renforcer l'autorité du président.

S'agissant du Conseil, il convient de redonner au Conseil « Affaires générales » une fonction de coordination de l'ensemble des travaux communautaires. Deux solutions peuvent être envisagées : soit séparer l'actuel Conseil « Affaires générales » en deux formations distinctes - l'une pour les questions de la PESC, l'autre pour les affaires générales - soit distinguer deux sessions du Conseil « Affaires générales ». Si le vote à la majorité qualifiée doit être étendu à la quasi-totalité des décisions liées aux politiques communes, il conviendrait de distinguer un certain nombre de dispositions qui continueraient à relever de l'unanimité ou qui passeraient à une majorité superqualifiée. Pour la pondération des voix, il va de soi qu'une application du système actuel à une Union élargie à vingt-sept Etats membres serait insupportable pour les grands Etats, qui pourraient être mis en minorité par une coalition de petits Etats. La mise au point d'un nouveau système de pondération risquant de provoquer des discussions interminables, il est proposé d'instaurer un système de double majorité, selon lequel une décision requérant la majorité qualifiée serait acquise si elle rassemble une majorité d'Etats membres représentant une majorité de la population totale de l'Union. Un tel système présenterait l'avantage d'être lisible pour les citoyens, de préserver la position des grands Etats et d'être facilement adapté à chaque élargissement.

Pour le Parlement européen, il semble logique d'étendre la procédure de codécision aux nouveaux domaines passés à la majorité qualifiée. Quant aux coopérations renforcées, leurs conditions de mise en oeuvre devraient être assouplies par la suppression du droit de veto dont dispose chaque Etat membre et par l'autorisation donnée à un groupe d'Etats représentant une majorité de la population totale de l'Union d'instituer une telle coopération.

M. Gérard Fuchs a enfin souhaité que le processus de décision soit démocratisé en permettant aux citoyens européens de peser sur les orientations politiques de l'Union : chaque liste se présentant aux élections européennes choisirait un candidat à la présidence de la Commission ; le Conseil européen désignerait comme Président de la Commission le candidat de la formation politique ou de la coalition électorale victorieuse.

Tout en exprimant le souhait que les travaux de la CIG puissent se conclure sous présidence française, le rapporteur a estimé qu'un travail d'évaluation devra être réalisé d'ici la fin de l'année afin de déterminer si les progrès réalisés par les négociateurs sont suffisants pour garantir un bon fonctionnement de l'Union. C'est la raison pour laquelle le Parlement devra être étroitement tenu informé de l'évolution des négociations.

L'exposé du rapporteur a été suivi d'un débat

M. Pierre Brana a demandé au rapporteur de préciser l'évolution de la position de la France sur l'assouplissement des conditions dans lesquelles les coopérations renforcées peuvent être instituées. Il a exprimé son accord avec lui sur la nécessité de renforcer les dispositions de l'article 7 du Traité sur l'Union européenne, tout en s'interrogeant sur les critères juridiques précis qui pourraient être proposés. S'agissant de la réforme de la Commission, ayant constaté que le rapporteur semblait se rallier, dans un souci de réalisme, à la désignation d'un commissaire par Etat membre à condition de hiérarchiser la structure collégiale, il lui a demandé des précisions sur ce point. Il a approuvé la suggestion du rapporteur consistant à autoriser des coopérations renforcées dans les conditions de la double majorité, c'est-à-dire par une majorité d'Etats membres réunissant une majorité de la population européenne. Evoquant la faible mobilisation électorale lors de l'élection des députés européens et tout en rejoignant les analyses du rapporteur sur les causes de cette désaffectation, il a estimé que cette élection - utilisée sans doute comme une sorte de défouloir - était handicapée par le fait que les électeurs, confrontés à des listes nationales, ne connaissent pas les candidats et n'entretiennent pas de lien personnel avec eux. Dès lors, la mise en place de circonscriptions régionales pour l'élection des députés européens lui semble pouvoir favoriser une meilleure mobilisation des électeurs.

M. Maurice Ligot a regretté que le rapport n'aborde pas la question de la subsidiarité, jugeant que ce principe est au c_ur de la réflexion sur la réorganisation des compétences et donc de la réforme des institutions ; la confusion des compétences entre les Etats et l'Union européenne contribue, en effet, à susciter un sentiment de rejet de la construction européenne. Il a également souhaité que la CIG puisse apporter de la clarté dans le système de décision communautaire, dont les parlements nationaux sont en fait exclus alors qu'ils sont investis de la fonction de législateur.

S'agissant du nombre de commissaires, il s'est déclaré favorable à la désignation d'un commissaire par Etat membre, à la hiérarchisation entre les membres de la Commission et à un renforcement de l'autorité de son président. L'extension du vote à la majorité qualifiée lui paraît revêtir, comme en témoignent d'ailleurs les développements du rapport, un caractère trop complexe pour qu'il lui soit possible de se prononcer dès à présent. Il a estimé qu'une certaine compétition fiscale entre Etats membres constituait un garde fou de nature à prémunir les Etats contre la tentation d'alourdir à l'excès la pression fiscale.

M. Jean-Claude Lefort a posé trois questions au rapporteur :

- comment faire pour que les institutions répondent mieux à la volonté populaire et permettent une alternance démocratique ? La complexité et l'imbrication des traités ne jouent pas en ce sens, pas plus que l'extension de la majorité qualifiée à la quasi-totalité des questions du premier pilier ;

- comment concilier l'extension de la majorité qualifiée avec le souci de ne pas voir remis en cause ce qui a été préservé grâce à l'unanimité ? Autrement dit, faudra-t-il accepter à Genève ce que l'Union a refusé à Seattle ? Et comment ne pas voir que l'Accord multilatéral sur les investissements (AMI), rejeté grâce à l'existence de la règle de l'unanimité, pourrait revenir à la faveur de la majorité qualifiée ?

- cette réforme des institutions correspond-elle au souhait exprimé par le commissaire Michel Barnier lors de son audition par la Délégation et selon lequel l'Europe devrait s'occuper de moins de choses pour s'en occuper mieux ?

M. Jacques Myard a exprimé son désaccord avec les orientations du rapport, qui ne peuvent que renforcer l'Europe de la contrainte et donc nourrir le sentiment anti-européen. Plutôt que de pousser à l'extension de la majorité qualifiée et inciter l'Europe à se mêler de tout, la réforme devrait la recentrer sur l'essentiel, c'est-à-dire sur les seules compétences qui doivent être exercée en commun.

Le Président Alain Barrau a rappelé l'importance des trois questions non réglées à Amsterdam et qui sont au c_ur de la nouvelle conférence intergouvernementale. Celle-ci a d'abord pour objectif de faire fonctionner l'Europe à quinze ; de nouvelles réflexions institutionnelles s'avéreront sans doute nécessaires après le premier élargissement. Il a ensuite approuvé les suggestions du rapporteur sur la composition de la Commission, la double majorité au Conseil et l'extension de la majorité qualifiée. Sur ce dernier point, M. Jacques Myard a souligné que, dans les faits, les textes étaient adoptés par consensus plutôt qu'à la majorité qualifiée ; dès lors, le recours formel au vote aboutirait, selon lui, à bloquer le processus de décision communautaire. Pour le Président, le souci pragmatique de faire progresser des questions comme celle de la fiscalité milite en faveur d'une extension de la majorité qualifiée. Evoquant les développements présentés à titre personnel par le rapporteur sur la « politisation » de la Commission - dont le président pourrait être désigné en fonction du rapport de forces résultant des élections au Parlement européen - il s'est demandé s'il convenait de renforcer ainsi la légitimité de la Commission : pour lui, c'est le Conseil qui doit être réorganisé. Il a regretté que le rapport n'aborde pas la question de la place des parlements nationaux dans la construction européenne et du contrôle qu'ils doivent exercer sur les institutions européennes.

Répondant aux intervenants, le rapporteur a notamment apporté les éléments suivants :

- si le Gouvernement souhaitait initialement centrer les travaux de la CIG sur les trois questions laissées sans solution à Amsterdam, il s'est ensuite montré ouvert à l'idée d'y inclure celle des coopérations renforcées, dès lors qu'une majorité d'Etats membres y était favorable ;

- comme il n'est guère possible de délimiter strictement les compétences respectives de l'Union et des Etats membres, le principe de subsidiarité est moins un outil de régulation des compétences qu'un principe d'action s'imposant aux institutions de l'Union. C'est ainsi que toute proposition d'acte communautaire doit être justifiée par la Commission au regard du principe de subsidiarité et que cette appréciation est contrôlée par le Conseil ;

- le système proposé pour la désignation du Président de la Commission tend à créer les conditions d'une véritable alternance politique au sein de l'Union ;

- si l'objectif des travaux de la CIG est d'améliorer la capacité de décision de l'Union, il est inévitable que chaque Etat membre cherche également à conserver une faculté de blocage de décisions contraires à ses intérêts nationaux. Il faut donc souhaiter que les Etats membres privilégient le premier objectif ;

- l'Europe est le niveau pertinent de réponse à la mondialisation ;

- cette conférence intergouvernementale ne sera pas la dernière dans la vie de l'Union ; une réforme était en tout état de cause nécessaire, en dehors même de toute perspective d'élargissement, pour remédier aux dysfonctionnements actuels. L'extension du vote à la majorité qualifiée devrait entraîner celle de la codécision, afin de renforcer le contrôle démocratique sur les décisions du Conseil.

La Délégation a examiné les conclusions proposées par le rapporteur.

En réponse à M. Jean-Claude Lefort, qui estimait nécessaire de mettre davantage l'accent sur le lien entre les risques de paralysie des institutions de l'Union et l'entrée de nouveaux membres, dans le premier considérant, le rapporteur a fait valoir qu'il fallait également tenir compte des dysfonctionnements actuels des institutions. Evoquant le dernier considérant, Mme Béatrice Marre s'est demandée si la faculté ainsi ouverte d'inscrire de nouveaux points à l'ordre du jour ne porterait pas préjudice au caractère préalable de l'examen des trois questions laissées en suspens à Amsterdam.

S'inquiétant de l'ordre suivi par les conclusions, Mme Marie-Hélène Aubert, rejointe par M. Jacques Myard, a suggéré que celles-ci s'attachent d'abord à évoquer les finalités de l'Union européenne. Partageant ce point de vue, le rapporteur a proposé d'introduire au début des conclusions un nouveau point répondant à cette préoccupation.

Sur proposition de son rapporteur, la Délégation a précisé la finalité de la repondération des voix, qui est de mieux tenir compte de la réalité démographique des Etats. M. Jean-Claude Lefort a regretté que l'on n'intègre pas dans les paragraphes relatifs au Conseil la suggestion de M. Michel Barnier consistant à scinder le Conseil « Affaires générales » en un conseil des ministres des affaires étrangères, habilité à traiter de la politique étrangère et de sécurité commune, et un conseil des ministres des affaires européennes. A l'initiative de Mme Béatrice Marre et du rapporteur, la Délégation a clarifié le dispositif proposé pour la double majorité.

Un débat s'est engagé ensuite sur l'extension du vote à la majorité qualifiée au sein du Conseil. Malgré les observations de Mme Béatrice Marre et M. Maurice Ligot, qui jugeaient la formulation choisie trop générale, la Délégation n'a pas jugé possible de détailler dans les conclusions l'extension proposée, le rapporteur ayant sur ce point renvoyé aux tableaux figurant dans son rapport. Mme Marie-Hélène Aubert a également jugé imprécise la détermination des questions qui ne doivent pas être comprises dans le champ de la majorité qualifiée. Elle a souligné que, si le projet politique de l'Union européenne était clair, le problème de la définition du champ de la majorité qualifiée serait plus aisé à résoudre. Elle a ajouté que la vision libérale dominante de l'organisation économique sortirait renforcée de l'extension de la majorité qualifiée, avec les risques qui en résultent, pour la France, dans certains domaines, comme celui des services publics. M. Jean-Claude Lefort a fait observer que, si la majorité qualifiée devait être étendue, cette extension méritait d'être soigneusement pesée ; loin d'être un simple instrument technique destiné à faciliter la prise de décisions, elle constitue un élément politique de grande portée.

Le rapporteur a justifié le recours à une formulation générale, seule de nature à figurer dans un texte de ce genre. L'unanimité conduit au blocage, avec toutes les conséquences qui en résultent dans des domaines où les Etats membres ne peuvent efficacement agir de manière isolée. Les conclusions précisent d'ailleurs certains des domaines qui devraient faire l'objet de décisions prises à la majorité qualifiée.

M. Pierre Brana et Mme Marie-Hélène Aubert ont souhaité que les questions énergétiques ne soient pas traitées sous le seul angle de l'environnement, puisqu'elles revêtent également des aspects stratégiques, politiques et militaires. Le rapporteur a indiqué que cet ordonnancement était celui du traité lui-même, avant de rappeler que, si les décisions en matière d'environnement relevaient de plus en plus de la règle de la majorité qualifiée, l'unanimité devrait subsister pour préserver le recours à l'énergie nucléaire.

Evoquant le cas de la sécurité sociale, M. Jean-Claude Lefort a rappelé que, selon l'avis de la Commission, le passage à la majorité qualifiée ne pourrait être réalisé que lorsque l'harmonisation de la réglementation aurait été effectuée et que, dès lors, la plupart des mesures liées à cette matière devrait continuer à relever de la procédure du vote à l'unanimité. Pour répondre à cette observation, le rapporteur a suggéré d'insérer un point supplémentaire, soulignant que l'objectif en matière sociale était de pouvoir décider à la majorité qualifiée des normes minimales à respecter.

S'agissant des questions fiscales, Mme Béatrice Marre a suggéré de supprimer le qualificatif d'« exagérée » à propos de la compétition fiscale entre Etats. M. Jean-Claude Lefort a proposé de lui substituer l'adjectif de « déloyale », modification qui a été adoptée.

S'agissant des coopérations renforcées, Mme Marie-Hélène Aubert a douté de l'intérêt d'étendre à la PESC le dispositif des coopérations renforcées : cette politique, dont l'existence est embryonnaire, lui paraît mériter un meilleur traitement. Le rapporteur a justifié sa position en rappelant que, du fait de l'impossibilité de recourir aux coopérations renforcées en ce domaine, les actions de politique étrangère commune étaient aujourd'hui conduites en dehors du cadre de la PESC.

Conformément aux observations de Mme Hélène Aubert, la Délégation a regroupé, après les avoir modifiés à l'initiative du rapporteur, les derniers points des conclusions sous le thème du renforcement du contrôle démocratique.

A l'issue de ce débat, la Délégation a adopté l'ensemble des conclusions dans le texte suivant :

« La Délégation,

Vu les conclusions des Conseils européens de Cologne (3 juin 1999) et d'Helsinki (10 décembre 1999),

Vu le rapport de la Commission européenne du 2 décembre 1999 et son avis du 26 janvier 2000 (« Adapter les institutions pour réussir l'élargissement » - COM (2000) 34),

Vu les résolutions du Parlement européen du 8 novembre 1999 et du 3 février 2000 sur la réforme des traités et la convocation de la Conférence intergouvernementale,

Vu les conclusions adoptées par la Délégation le 3 février 2000 sur des propositions pour la présidence française de l'Union européenne ;

Considérant les dysfonctionnements actuels des institutions de l'Union et les risques de paralysie liés à l'entrée de nouveaux Etats membres ;

Considérant qu'une réforme des institutions est nécessaire pour améliorer la capacité d'impulsion et de décision et rendre le système institutionnel plus efficace ;

Considérant que la Conférence intergouvernementale a pour mandat d'examiner les questions institutionnelles laissées sans solution à Amsterdam (taille et composition de la Commission européenne ; pondération des voix au Conseil ; extension éventuelle du vote à la majorité qualifiée), ainsi que les questions connexes aux trois principales (extension éventuelle de la procédure de codécision, organisation de la Cour de justice, abaissement du seuil de la majorité qualifiée) ;

Considérant que la présidence portugaise pourra proposer au Conseil européen d'inscrire de nouveaux points à l'ordre du jour de la CIG.

1. Rappelle la raison d'être de l'Union européenne : faire à plusieurs ce qu'un Etat membre ne peut faire seul, et souligne en conséquence la nécessité d'avancer de pair dans l'efficacité, la transparence et la démocratie de la décision ;

2. Souhaite que la présidence française engage tous les efforts nécessaires pour que la CIG aboutisse d'ici décembre 2000 à un accord sur la réforme indispensable des institutions ;

Sur la taille et la composition de la Commission européenne

3. Demande que, dans l'hypothèse où chaque Etat membre conserverait le droit de désigner au moins un commissaire, la France ne renonce à son deuxième commissaire qu'en échange d'une repondération des voix plus représentative des réalités démographiques des Etats ;

4. Estime que, dans l'hypothèse précédente, il conviendrait d'instaurer une hiérarchie entre commissaires et de formaliser l'engagement pris par les membres de la Commission de démissionner si le Président en faisait la demande ;

Sur la pondération des voix au Conseil

5. Apporte son soutien à la réforme du fonctionnement du Conseil engagée par le Conseil européen d'Helsinki et insiste sur la nécessité de renforcer le rôle du Conseil « Affaires générales » dans la coordination des travaux communautaires ;

6. Juge indispensable de réviser le système actuel de pondération des voix dans le sens d'une meilleure prise en compte de l'importance démographique des Etats membres afin de garantir ainsi la légitimité démocratique des décisions prises par le Conseil ;

7. Considère qu'une première solution serait d'introduire une nouvelle pondération (augmentation générale du nombre de voix mais plus forte pour les Etats les plus peuplés) et d'abaisser le seuil de la majorité qualifiée ;

8. Juge cependant que doit être sérieusement envisagée l'instauration, à la place de la procédure actuelle de majorité qualifiée, d'un système de double majorité selon lequel une décision est prise si elle rassemble une majorité d'Etats représentant une majorité de la population de l'Union ; estime qu'un tel système aurait le mérite d'être plus lisible pour les citoyens, de pouvoir être adapté aux élargissements successifs sans qu'il soit besoin de revoir les pondérations et de refléter la double nature de l'Union qui est à la fois une Union des peuples et des Etats ;

Sur l'extension du vote à la majorité qualifiée au sein du Conseil

9. Juge indispensable d'étendre le champ de la majorité qualifiée afin de faciliter la prise de décision et de conjurer ainsi les risques d'immobilisme dans une Union élargie ;

10. Estime qu'un certain nombre de dispositions, notamment celles qui impliquent une ratification par les Etats membres, doivent demeurer à l'unanimité ;

11. Considère aussi que les décisions affectant le choix d'un Etat membre entre les différentes sources d'énergie doivent continuer à être prises à l'unanimité ;

12. Estime que les mesures liées à la coopération policière et judiciaire en matière pénale doivent faire l'objet de décisions acceptant « l'abstention constructive », comme c'est déjà le cas pour la PESC ;

13. Estime qu'en matière sociale, l'objectif doit être non d'harmoniser les systèmes existants de protection sociale, mais de pouvoir décider à la majorité qualifiée des normes sociales minimales à respecter ;

14. Estime qu'en matière fiscale, l'objectif doit être, non d'uniformiser les réglementations nationales, mais de mettre en place un ensemble de règles communes susceptibles de limiter les effets d'une compétition fiscale déloyale entre Etats ; suggère, à ce titre, que la fixation de taux minima, pour la TVA, la fiscalité de l'épargne et l'impôt sur les sociétés puisse être décidée à la majorité qualifiée ;

Sur les coopérations renforcées

15. Estime essentiel que l'ordre du jour de la CIG soit élargi aux coopérations renforcées pour permettre à un nombre limité de pays d'aller plus loin et plus vite dans le cadre de l'Union ;

16. Estime également que le droit de veto dont dispose aujourd'hui tout Etat membre sur le lancement d'une coopération renforcée doit être supprimé et la clause des coopérations renforcées étendue à la politique extérieure et de sécurité commune ;

17. Suggère également qu'une coopération renforcée puisse être lancée si elle réunit une majorité d'Etats membres (situation actuelle) ou un nombre d'Etats réunissant une majorité de la population totale de l'Union (condition alternative nouvelle) ;

Sur le renforcement du contrôle démocratique

18. Souhaite que la CIG envisage un renforcement de l'article 7 du traité sur l'Union européenne qui prévoit la possibilité pour le Conseil de suspendre les droits de vote d'un Etat membre en cas de violation grave et persistante des principes fondamentaux ; suggère, à ce titre, l'introduction d'une clause prévoyant la possibilité pour l'Union d'exclure un Etat membre sur la base de critères précis ;

19. Juge intéressante l'idée consistant à distinguer un traité de base comprenant les objectifs de l'Union, les principes et orientations générales, la citoyenneté européenne et le cadre institutionnel - qui ne pourrait être modifié qu'à l'unanimité des Etats membres et après ratification par chacun d'entre eux - et un texte comprenant les dispositions relatives aux politiques communes qui pourrait être révisé sur décision du Conseil prise à une majorité qualifiée et après avis du Parlement européen ; estime qu'une telle proposition permettrait de conférer un caractère souple et évolutif aux traités et de rendre les engagements souscrits par les Etats plus lisibles pour les citoyens ;

20. Estime que la procédure de codécision des textes législatifs entre le Conseil et le Parlement européen devrait être étendue aux nouvelles questions relevant de la majorité qualifiée, tandis que l'implication des parlements nationaux dans le contrôle des affaires communautaires serait renforcée ;

21. Considère enfin qu'une meilleure implication des citoyens européens dans la vie de l'Union implique que soit introduite la possibilité d'une alternance politique fondée sur une alternative de projets dans le cadre de l'application des Traités ;

Conclusion

22. Attend de la Présidence française une évaluation régulière des travaux de la CIG ; considère que si les avancées de celle-ci apparaissaient insuffisantes au regard des objectifs poursuivis, la recherche d'un accord à tout prix hypothéquerait gravement l'avenir de l'Union européenne. »

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II. Informations relatives à la Délégation

M. Jacques Myard a été nommé rapporteur d'information sur les compétences externes de l'Union européenne.