DÉLÉGATION POUR L'UNION EUROPÉENNE

COMPTE RENDU N° 116

Réunion du mercredi 28 juin 2000 à 16 heures 15

Présidence de M. Alain Barrau

I. Rapport d'information de M. Gérard Fuchs sur l'avant-projet de budget général des Communautés européennes pour 2001

M. Gérard Fuchs, rapporteur, a souligné que l'avant-projet de budget communautaire pour 2001, présenté tardivement par la Commission européenne, a été de surcroît élaboré sur la base de perspectives financières révisées par rapport à celles prévues dans le cadre de l'Agenda 2000 et formalisées par l'accord interinstitutionnel du 6 mai 1999. Cet accord, fixant des plafonds de dépenses annuels pour les années 2000 à 2006, était fondé sur le souci d'enserrer la progression des dépenses des Quinze dans un cadre pluriannuel admis par les Etats membres et avalisé par les institutions communautaires. Les besoins nouveaux résultant des engagements que l'Union européenne a pris dans les Balkans ont fait apparaître ses limites, dès l'exercice budgétaire 2000, qui a donné lieu à la mise en _uvre de l'instrument de flexibilité.

Face à cette situation, et en préalable de l'avant-projet de budget pour 2001, la Commission européenne a adopté le 3 mai 2000 une proposition de révision pluriannuelle des perspectives financières pour la période 2001-2006, fondée sur les besoins liés à la reconstruction des Balkans. Sur la base d'un montant de référence pouvant aller jusqu'à 5,5 milliards d'euros sur la période 2000-2006, compte tenu des marges permettant selon elle de réduire le plafond des dépenses agricoles (rubrique 1) et des possibilités de redéploiement interne à l'intérieur de la rubrique consacrée aux actions extérieures (rubrique 4), la Commission propose une diminution de 300 millions d'euros du plafond de la rubrique agricole pour les années 2001 et 2002 et un relèvement de 300 millions d'euros du plafond de la rubrique des actions extérieures pour chacune des années de la période 2001-2006.

Cette proposition a été mal accueillie tant par le Parlement européen que par le Conseil, mais pour des raisons différentes : le Parlement conteste le transfert de plafond de la rubrique 1 à la rubrique 4, tandis que le Conseil est hostile au principe même d'une révision des perspectives financières.

Si la reconstruction des Balkans doit constituer une priorité pour l'Union européenne, les moyens choisis par la Commission pour faire face à ces besoins suscitent la critique. Tout d'abord on ne peut accepter que la révision des perspectives financières constitue, comme le demande la Commission, un préalable à la discussion budgétaire. En second lieu, les arguments techniques avancés sont tout à fait insuffisants, le chiffrage du plan d'aide aux Balkans (5,5 milliards d'euros de 2000 à 2006) n'étant pas étayé par les éléments permettant d'évaluer les besoins à couvrir et les capacités d'absorption des pays considérés. En outre, ce chiffrage inclut, pour près de la moitié, des aides destinées à la Serbie, alors que celle-ci ne remplit pas les conditions politiques fixées par les Quinze. Aussi ces aides seront gelées tant que ces conditions ne seront pas remplies. Mais la conditionnalité d'un montant proche de la moitié des sommes à dégager affaiblit sérieusement la justification présentée par la Commission à l'appui de sa demande de révision des perspectives financières. Le dispositif proposé n'est au demeurant pas techniquement acceptable, car le relèvement du plafond de la rubrique 4 envisagé pour les années 2001 à 2006 n'est gagé par une réduction équivalente du plafond de la rubrique 1 que pour les exercices 2001 et 2002. Enfin, la réduction du plafond de la rubrique des dépenses agricoles n'est pas recevable dès lors que la faiblesse de la marge sous plafond qui en résulterait ne permettrait pas de faire face à une crise de marché ou à une évolution défavorable du taux de change euro/dollar.

L'avant-projet de budget pour 2001, qui intègre et traduit en termes budgétaires la proposition de révision des perspectives financières, recèle de nombreuses ambiguïtés et soulève des interrogations. Il comporte néanmoins une nouveauté a priori intéressante : pour la première fois en effet, il est établi, parallèlement à sa présentation traditionnelle, sur la base des activités. Cette technique, qui consiste à regrouper l'ensemble des dépenses de fonctionnement et opérationnelles concourant aux différentes politiques communautaires, fait apparaître le coût global de chacune d'entre elles. Elle devrait rendre plus lisible les actions communautaires et permettre une meilleure adéquation des moyens aux finalités.

Présenté comme placé sous le signe de la rigueur budgétaire, l'avant-projet de budget pour 2001 fait apparaître en réalité une forte augmentation des crédits pour engagement, qui s'élèveraient à 96,9 milliards d'euros (+ 3,9 %), et une hausse encore plus forte des crédits pour paiement, qui seraient portés à 93,8 milliards d'euros (+ 5 %), cette progression n'étant pas comparable à celle des dépenses publiques des Etats membres. La priorité politique que constitue l'aide au processus de reconstruction et de stabilisation des Balkans paraît mal maîtrisée dans l'avant-projet de budget pour 2001. Sur les 815 millions d'euros destinés à la coopération avec les pays des Balkans, 240 sont prévus pour la Serbie, dont 200 sous forme conditionnelle, leur déblocage devant intervenir en fonction de l'évolution démocratique du pays. Le principe même de cette dotation et son montant peuvent étonner, dans la mesure où les Quinze n'ont encore arrêté aucune décision en la matière. Quant à l'importance de la dotation prévue pour le Kosovo (350 millions d'euros), elle conduit à s'interroger sur sa capacité réelle d'absorption des crédits qui lui sont destinés. On constate enfin que la priorité accordée aux Balkans a conduit à des réductions sensibles des dotations affectées à la plupart des autres actions extérieures de l'Union.

Les autres orientations de l'avant-projet de budget se caractérisent par leur manque de lisibilité. Les dépenses agricoles connaissent une augmentation importante (+ 7,6 %) résultant de la mise en _uvre de l'Agenda 2000. Alors que les actions structurelles bénéficient de crédits en très légère augmentation, ceux des politiques internes ne semblent pas répondre à des orientations bien définies. Si l'on peut se féliciter de l'augmentation de 8 % prévue pour la recherche, on regrette l'absence de dotation destinée au financement d'actions nouvelles, en particulier dans le domaine de l'espace et des biotechnologies.

Enfin, l'avant-projet de budget pour 2001 prévoit une « croissance zéro » des effectifs, qui pourrait compromettre la bonne exécution de plusieurs programmes, notamment dans le secteur de l'emploi, de l'environnement, de la fiscalité et de l'Union douanière. Il est regrettable que l'insuffisance des ressources humaines risque de nuire à la cohérence et à la crédibilité de l'action de l'Union européenne dans les secteurs concernés.

En conclusion, le rapporteur a déploré le caractère tardif de la transmission de l'avant-projet de budget de la Commission au Conseil, qui réduit à l'excès le délai d'examen dont dispose la Délégation. Il a suggéré à la Délégation de se prononcer par une proposition de résolution reprenant les principaux points de son analyse.

Mme Béatrice Marre a souhaité que la proposition de résolution motive, dans son dispositif même, le rejet de la révision des perspectives financières et évoque par ailleurs le caractère positif que revêt la présentation des crédits par activité. Elle s'est interrogée sur l'incidence du transfert de plafond des crédits de la PAC, eu égard, notamment, aux dépenses de préadhésion dans le domaine agricole.

M. Maurice Ligot a évoqué la rumeur courant dans les milieux agricoles, selon laquelle la Communauté, au mépris de ses promesses, ponctionnerait les dépenses agricoles pour financer l'action de l'Europe dans les Balkans et au Kosovo. Les agriculteurs accueillent désagréablement une telle perspective, au moment où l'INSEE fait d'ailleurs état d'une baisse du revenu agricole. Pourtant l'évolution respective des crédits des rubriques 1 et 4 ne traduit pas une telle ponction. Il a donc demandé au rapporteur de lui indiquer son sentiment sur ce point.

Le Président Alain Barrau, a exprimé son accord avec les observations présentées par Mme Béatrice Marre, avant de demander au rapporteur des précisions sur l'état des dépenses afférentes à l'aide au Kosovo en 2000 et de saluer le changement d'attitude du Parlement européen, qui semble avoir abandonné l'idée de faire des dépenses agricoles une variable d'ajustement.

Répondant aux intervenants, le rapporteur a approuvé les suggestions de Mme Béatrice Marre et précisé que l'avant-projet de budget proposait un transfert de plafonds entre les rubriques 1 et 4, ayant pour effet de réduire la marge de man_uvre budgétaire de la PAC. S'agissant des dépenses liées à l'action extérieure dans les Balkans, l'interrogation sur les besoins naît de l'incertitude sur le principe et les modalités d'une aide à la Serbie et non sur les autres actions dans les Balkans, qui ne sont pas remises en cause. Quant à la position du Parlement européen, elle est motivée, au premier chef, par la volonté d'afficher la priorité au renforcement des actions extérieures.

La Délégation a ensuite décidé de déposer la proposition de résolution du rapporteur, modifiée et complétée conformément aux suggestions de Mme Béatrice Marre.

« L'Assemblée nationale,

- Vu l'article 88-4 de la Constitution,

- Vu l'avant-projet de budget général des Communautés européennes pour l'exercice 2001 (n° E 1464) ;

- Vu la communication de la Commission au Conseil et au Parlement européen concernant la révision des perspectives financières 2001-2006 (n° E 1466) ;

- Considérant que les engagements pris par l'Union européenne à l'égard des Balkans occidentaux ont fait apparaître les limites de l'accord interinstitutionnel conclu le 6 mai 1999 entre le Parlement européen, le Conseil et la Commission sur la discipline budgétaire et l'amélioration de la procédure budgétaire ;

- Considérant que la nécessaire adaptation du dispositif résultant de cet accord ne doit remettre en cause ni le principe d'un cadre financier pluriannuel des dépenses de l'Union, ni les grands équilibres prévus pour la période 2000-2006 ;

- Considérant que le budget communautaire doit traduire le respect par l'Union de ses engagements extérieurs ainsi que les priorités internes qu'elle fixe à son action :

1. Demande au Gouvernement de rejeter la proposition de révision des perspectives financières 2001-2006 présentée par la Commission : son volume paraît exagéré compte tenu de la situation continuant malheureusement de prévaloir en Serbie ; ses modalités paraissent dangereuses au regard des engagements agricoles d'Agenda 2000 qui doivent être respectés.

2. Souhaite que soient recherchés les moyens d'assurer une plus grande flexibilité de la programmation pluriannuelle de façon à permettre à l'Union de faire face à des besoins nouveaux sans compromettre le respect de ses engagements antérieurs.

3. Se félicite de la présentation du budget par activités qui permettra de mieux discuter à l'avenir des priorités politiques de l'Union.

4. Regrette la faiblesse de la progression des crédits affectés aux politiques internes et l'absence de dotation destinée au financement d'actions nouvelles dans les secteurs de l'espace et des biotechnologies. »

* *

*

II. Examen d'un texte soumis à l'Assemblée nationale en application de l'article 88-4 de la Constitution

La Délégation a ensuite examiné, sur le rapport de M. Gérard Fuchs, l'avant-projet de budget rectificatif n°2 /2000 (section I (Parlement) et section II (Conseil)), (document E 1463, annexe II).

Le rapporteur a exposé que le deuxième budget rectificatif et supplémentaire pour 2000 avait pour objet de compléter les crédits du Parlement européen et du Conseil. S'agissant du Parlement européen, le texte correspond aux demandes d'ouvertures de crédits à hauteur de 15 millions d'euros pour l'acquisition des immeubles que cette assemblée juge nécessaires à l'exercice de ses missions. Pour le Conseil, l'avant-projet prévoit des ouvertures de crédits à hauteur de 6,6 millions d'euros afin de permettre : la location et la mise en état des locaux nécessaires au renforcement du secrétariat général du Conseil par des experts militaires détachés par les Etats membres ; le recrutement de 45 experts militaires appelés à contribuer à la définition de la politique européenne de sécurité et de défense.

Les demandes du Parlement européen conduisent à porter le montant total des crédits au-delà du plafond correspondant au cinquième du total des dépenses de la rubrique 5 tel qu'il est déterminé par les perspectives financières. Le comité budgétaire a cependant proposé de les accueillir favorablement, compte tenu du caractère très modeste du dépassement (0,4 point).

La Délégation a accepté de lever la réserve d'examen parlementaire sur cet avant-projet de budget rectificatif et supplémentaire.

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