DÉLÉGATION POUR L'UNION EUROPÉENNE

COMPTE RENDU N° 150

Réunion du jeudi 21 juin 2001 à 9 heures

Présidence de M. Alain Barrau

Echanges de vues avec les députés français du Parlement européen sur l'avenir de l'Union européenne

Le Président Alain Barrau s'est réjoui d'une rencontre qui, au-delà des contacts entre députés au Parlement européen et députés à l'Assemblée nationale noués, notamment, dans le cadre de la COSAC, permettra un échange informel fondé sur l'intérêt commun pour la construction européenne et renforcera la complémentarité des travaux des deux assemblées.

Il a dressé la liste des initiatives prises par la Délégation, avec l'appui du Président de l'Assemblée nationale, pour animer le débat sur les perspectives 2004 :

- organisation d'une série d'auditions de personnalités sur ces perspectives, ouverte par l'audition de M. Jacques Delors le 19 juin ;

- ouverture d'un forum Internet sur l'avenir de l'Europe, auquel sont conviés tous les élus européens et nationaux, les universitaires et la presse ;

- tenue à l'automne, à l'Assemblée nationale, des « Assises de l'Europe », regroupant les participants aux réunions régionales de préparation à 2004, dont les premières sont organisées, au début du mois prochain, à Nantes et à Clermont-Ferrand ;

- constitution, sous sa présidence, au sein de la Délégation pour l'Union européenne, d'un groupe de travail de cinq membres issus de la majorité comme de l'opposition, qui débouchera sur l'établissement de rapports thématiques ;

- développement, dans le cadre de la COSAC, d'une réflexion sur le rôle des parlements nationaux unissant représentants du Parlement européen et des parlements nationaux des Etats membres et des pays candidats ;

- développement des relations bilatérales, d'une part, avec les parlements nationaux, en particulier avec l'Allemagne, en vue d'initiatives communes, et également avec la Grande-Bretagne, l'Espagne et l'Italie et, d'autre part, avec les commissions compétentes en matière européenne des parlements des pays candidats, se traduisant notamment par des échanges de visites et des réunions conjointes avec la Délégation.

M. Alain Lamassoure, député européen, membre de la Commission des affaires constitutionnelles du Parlement européen chargé d'un rapport sur la répartition des compétences entre l'Union européenne et les Etats membres, s'est d'abord réjoui de l'organisation d'une réunion qui permet de faire le point sur les travaux respectifs des assemblées face à la grande perspective de 2004. Tout en indiquant qu'il se trouvait encore dans une phase de réflexion et souhaitait la mener en concertation avec l'Assemblée nationale et sa Délégation pour l'Union européenne, il a déclaré ne pas être sûr que cette question complexe ait une réponse.

On s'interroge depuis dix ans sur l'intérêt d'un catalogue de compétences plus précis que les dispositions du traité, à l'image de ce qui existe dans les constitutions. Le Président Giscard d'Estaing s'était essayé à l'exercice lorsqu'il avait été chargé, en qualité de député européen, d'un rapport sur la répartition des compétences : constatant qu'il était très difficile d'établir une liste des compétences et qu'il valait mieux s'en tenir à ce qui existe dans les traités, il avait finalement orienté sa réflexion vers le principe de subsidiarité, de manière féconde puisque celui-ci avait été repris par le traité de Maastricht. Toutefois, le protocole n° 7 du traité d'Amsterdam sur la mise en _uvre de ce principe s'est révélé inapplicable et le débat a été relancé par les Länder allemands et d'autres régions auxquelles les constitutions nationales ont accordé des délégations de pouvoir législatif.

Depuis l'Acte unique, les Länder et les communautés autonomes espagnoles, qui disposent d'une délégation de pouvoir législatif dans des conditions définies par les constitutions nationales, s'irritent que les Etats membres acceptent des transferts à l'Union dans leurs domaines de compétences. Ils demandent à avoir leur mot à dire lors de la ratification de traités européens prévoyant de nouveaux transferts de compétences et lors de l'élaboration des textes communautaires mettant en _uvre ces compétences. C'est ainsi qu'ils revendiquent la possibilité de siéger au Conseil des ministres lorsque ce dernier examine les textes de droit dérivé en question. La liste de la présidence des Conseils durant la présidence belge est à cet égard éclairante puisqu'ils seront présidés dans la moitié des cas par les autorités flamandes ou wallonnes et non par le gouvernement fédéral belge. Ces régions à caractère constitutionnel ont donc demandé fort logiquement un réexamen de l'ensemble des compétences.

Il existe déjà un catalogue de compétences dans le traité actuel, mais la comparaison avec les constitutions montre qu'il a été rédigé dans un esprit différent, sans parler des variations de style et de volume au fil des ajouts successifs. Ainsi, l'article 3 du traité instituant la Communauté européenne, relatif aux compétences communautaires dans le domaine du marché intérieur, ne dit pas seulement ce que l'Union doit faire, mais aussi les orientations politiques qu'elle doit suivre dans l'exercice de ses compétences. Les dispositions sur l'environnement sont également très révélatrices.

Une harmonisation améliorant l'homogénéité, la souplesse et la lisibilité des textes serait du plus haut intérêt, comme le souligne également la comparaison entre la charte des droits fondamentaux, parfaitement claire, et les traités européens, totalement incompréhensibles. De même conviendrait-il de pouvoir modifier les textes, notamment les dispositions sur les orientations à suivre, plus facilement que par la procédure classique, extrêmement lourde, de révision des traités.

Quatre questions fondamentales se posent auxquelles il est encore prématuré de répondre de manière précise.

Que fait-on vis-à-vis de l'acquis communautaire ? Il ne faudrait pas y toucher de peur de l'affaiblir, mais à quoi sert la mise à jour si l'on s'impose une telle contrainte ? L'Union européenne a instauré un fédéralisme à l'envers en matière de compétences en commençant par les plus faciles pour aborder ensuite la monnaie et la PESC, mais rien ne lui interdit d'examiner l'utilité des politiques communes comme la politique régionale et la politique agricole commune. Toutefois, le « détricotage » de l'acquis communautaire risque d'aller trop loin sous la pression d'Etats membres comme le Royaume-Uni ou le Danemark.

Ensuite, la mise à jour de la répartition des compétences devrait conduire à inviter les Etats candidats à l'adhésion à l'Union et les opinions publiques à participer au débat public décidé à Nice. Saluant l'initiative prise par l'Assemblée nationale d'ouvrir un forum de discussion sur l'avenir de l'Union, M. Alain Lamassoure a approuvé l'idée de faire réagir l'opinion publique sur les vrais sujets à partir d'un questionnaire, à condition de recueillir les votes et de chiffrer les réponses même si la démarche ne peut garantir un échantillonnage significatif.

La troisième question concerne la sanction du respect des compétences et la transformation envisageable de la Cour de justice des Communautés européennes en Cour suprême pour statuer sur ce point.

Enfin, le droit communautaire constitutionnel doit-il prendre en compte les régions ? Le principe de subsidiarité implique que l'Union européenne ne doit pas de mêler de l'organisation régionale des Etats membres. Mais il faut également prendre en considération que les régions ont lancé le débat sur la répartition des compétences, qu'elles ont des droits vis-à-vis de l'Union qu'elles exercent à travers des représentations auprès des autorités communautaires, notamment dans le domaine de la politique régionale, et qu'elles sont des partenaires de l'Union dans les traités. M. Alain Lamassoure a donc proposé de reconnaître dans les traités l'existence de régions bénéficiant du statut de « partenaires de l'Union » et ayant vocation à participer seuls au Comité des régions, dont la composition actuelle ressemble à un patchwork. Ce comité pourrait également se voir reconnaître le droit de saisir la Cour de justice pour non-respect des compétences régionales.

Il convient, en revanche, de laisser à chaque Etat membre le soin de désigner les régions « partenaires de l'Union ». Un tel dispositif inciterait chaque Etat à décentraliser son organisation politique et administrative.

Cette démarche pourrait finalement aboutir à un catalogue un peu étrange comprenant trois types de compétences : des compétences exclusives de l'Union, peu nombreuses, dans les domaines de la politique commerciale extérieure et de la monnaie, sachant que la PAC n'a jamais été de compétence exclusive, de même que la politique régionale ou des transports ; des compétences nationales exclusives, très peu nombreuses, en matière de sécurité sociale, d'organisation régionale et peut-être de fiscalité directe ; enfin, une vaste zone grise de compétences partagées, comprenant des domaines comme l'éducation, la santé et la culture qui relèvent de la compétence nationale essentiellement mais pas exclusivement. La manière d'interpréter et de sanctionner l'application de ce partage de compétences aurait donc une grande importance.

M. Olivier Duhamel, député européen, après avoir félicité M. Alain Lamassoure pour son exposé clair et dense sur un sujet aussi complexe, s'est interrogé sur la nécessité d'élaborer un catalogue des compétences distinguant les compétences exclusives - qu'elles soient européennes ou nationales - et les compétences partagées. La réponse de ceux qui connaissent le fonctionnement réel du système fédéral allemand est de dire qu'un tel exercice n'est d'aucune utilité parce que l'essentiel des compétences sont exercées sur un mode coopératif entre l'Etat fédéral et les Länder. On peut certes considérer que la mise au point d'un tel catalogue aurait une vertu symbolique importante, mais ne risque-t-on pas alors de construire un système inutile qui n'aurait pas de portée précise ?

M. Olivier Duhamel a ensuite estimé que, si un catalogue devait être toutefois établi, la liste des compétences nationales ne devait pas être aussi réduite que celle proposée par Alain Lamassoure. A contrario, l'intérêt d'un tel catalogue peut être de montrer que le champ des compétences exclusives de l'Union est finalement assez restreint.

M. Olivier Duhamel a déclaré qu'il fallait alors s'interroger sur la mise en _uvre des compétences dans la zone « grise » - qui est partagée entre l'Union et les Etats membres - et sur les moyens de sanctionner le respect du principe de subsidiarité. La Cour de Justice semble l'institution appropriée pour en contrôler l'application, comme en témoigne une affaire récente où elle a considéré que l'Union avait excédé ses compétences. On pourrait envisager d'ouvrir les voies d'accès à la Cour, mais aussi d'instaurer des mécanismes politiques complémentaires.

M. Olivier Duhamel a ensuite évoqué son sentiment de solitude dans l'exercice de son mandat européen, et les difficultés qu'il rencontre parfois à connaître le point de vue des autorités politiques de son pays sur certains dossiers, ainsi qu'à communiquer avec les parlementaires nationaux. Est-il normal qu'un parlementaire européen ne soit jamais en situation de « rappel à l'ordre » lorsqu'il contrevient à la subsidiarité ? S'il convient donc de renforcer les liens entre le Parlement européen et les parlements nationaux, ne serait-ce que pour parvenir à une meilleure mise en _uvre du principe de subsidiarité, il reste à savoir suivant quelles modalités : le Premier ministre a avancé une idée qui doit être précisée de créer un congrès - ou conférence permanente - des parlements.

Il a conclu en soulignant la nécessité de réfléchir à l'instauration d'une hiérarchie des normes au niveau communautaire, qui limite la compétence législative de l'Union à l'adoption de textes « cadre ».

Après avoir remercié le Président Alain Barrau d'avoir organisé cet échange de vues, M. Pierre Lellouche a fait part de son sentiment parallèle d'une diminution croissante du champ de compétence du Parlement français et des contradictions parfois existantes entre les lois votées à Paris et le droit communautaire existant - ce qui rend d'autant plus nécessaire des échanges réguliers entre parlementaires nationaux et députés européens.

S'agissant des compétences des régions - sujet sur lequel il avait proposé que la Délégation réfléchisse - il s'est interrogé sur la nécessité d'ouvrir les instances européennes à d'autres acteurs, qui pourraient revendiquer des droits nouveaux.

Sur la question des listes de compétences, il a estimé que le schéma proposé par M. Alain Lamassoure aurait pour conséquence de placer la quasi-totalité des matières dans le domaine partagé. Le problème est alors de savoir qui serait l'arbitre pour l'exercice de ces compétences partagées entre l'Union et les Etats membres.

Mais cette question difficile peut - et doit - être abordée d'une autre manière, a poursuivi M. Pierre Lellouche, qui a estimé que la finalité de l'exercice était d'abord politique : faut-il mettre en place une autorité politique transnationale compétente pour traiter l'ensemble des questions de vie quotidienne - auquel cas une démarche constitutionnelle est la plus adaptée - ou faut-il au contraire en rester à un modèle coopératif d'Etats exerçant en commun certaines compétences - et dans cette hypothèse, il faut que l'Union continue à être régie par des traités. Ce débat n'est pas tranché et il est pour le moins étonnant que tout le monde se rallie au concept de Fédération d'Etats nations, alors que ce concept n'a pas de signification précise.

M. Pierre Lellouche a donc estimé que, plutôt que d'élaborer des listes de compétence, il vaudrait mieux confier à un comité politique de sages le soin de définir le modèle politique de l'Union - au risque, si on ne le fait pas, de créer des situations de conflits permanents.

M. Georges Berthu, Député européen, a proposé une autre grille de lecture, consistant à distinguer, d'une part, le niveau d'exercice des compétences, d'autre part, l'autorité exerçant ces compétences. Un tel schéma amènerait à faire la distinction entre des compétences européennes exercées par une autorité européenne, des compétences nationales exercées par les autorités nationales et des compétences européennes exercées par les autorités nationales. Ce dispositif constituerait une réponse aux préoccupations de la population - manifestées dans différentes enquêtes d'opinion - qui souhaite qu'il y ait un bloc important de compétences européennes, mais aussi que ces compétences s'exercent au niveau national. La solution réside moins dans l'établissement de listes de compétences - exercice à l'égard duquel M. Georges Berthu s'est déclaré sceptique - que dans la définition d'un nouveau dispositif organisé par les traités et permettant aux autorités nationales d'exercer des compétences européennes.

M. Georges Berthu a considéré que le vrai problème était celui du contrôle de la subsidiarité, qui ne saurait, de son point de vue, être assuré par la Cour de Justice : la Cour est en effet partie prenante au débat européen, au même titre que les institutions communautaires. La subsidiarité ne peut être contrôlée que par ceux qui ont signé et ratifié les traités. Des mécanismes de contrôle nouveaux peuvent alors être mis en place, comme la création d'une assemblée composée de représentants des parlements nationaux, ou l'octroi d'un droit de veto ou de « rappel » à ces mêmes parlements nationaux.

M. Georges Berthu a conclu en se déclarant hostile à la reconnaissance par les traités des régions constitutionnelles.

Le Président Alain Barrau a considéré qu'il revenait aux Etats membres de se mettre d'accord sur une répartition des compétences, qui soit mieux acceptée des opinions publiques. Il faut dire « qui fait quoi » et éviter le développement de zones intermédiaires de compétence, tout en permettant à l'Union de traiter les questions qui relèvent de son niveau.

Estimant que la fonction de la Cour de Justice ne pouvait être négligée, il a marqué son soutien à l'idée avancée par le Premier ministre de constituer un Congrès des parlements dont la fonction serait de débattre de l'ensemble des questions européennes et de participer à la mise en _uvre de la subsidiarité.

Le Président Alain Barrau s'est ensuite déclaré très favorable à l'idée de constituer une nouvelle convention pour préparer la prochaine révision des traités, ce dispositif devant permettre de procéder, avec la participation pleine et entière des parlements nationaux et du Parlement européen, à une remise à plat de l'architecture de l'Union.

Il s'est enfin montré sceptique sur la possibilité d'asseoir plus étroitement les régions au fonctionnement des institutions européennes.

Après avoir remercié le Président Alain Barrau pour l'organisation de cet échange de vues et rappelé qu'il serait souhaitable que la Délégation invite plus souvent à ses travaux des députés européens en fonction des thèmes retenus, Mme Pervenche Berès, députée européenne, a considéré que, dans le cadre du débat sur la répartition des compétences, il convenait également d'intégrer l'exercice mené par le Président de la Commission, M. Romano Prodi, sur la gouvernance. Le débat sur la répartition des compétences est lié à la crise de croissance que connaît l'Union européenne depuis que l'Acte unique a conduit à une « massification » du pouvoir normatif communautaire.

Elle a alors indiqué que le Parlement européen était un avocat inconditionnel de l'instauration d'une Convention pour préparer la prochaine révision des traités et demandé le soutien des parlements nationaux sur ce sujet. Elle a rappelé que la question de la place des régions avait été posée par l'Allemagne, qui doit résoudre un problème interne de fédéralisme et de répartition des compétences entre l'Etat et les Länder.

Mme Pervenche Berès a observé que l'acquis communautaire ne pouvait pas être considéré comme un bloc intangible et qu'il était déjà remis en cause par le mécanisme des coopérations renforcées, l'exemple de l'euro montrant qu'il était possible d'organiser une coopération dans un domaine clé de cet acquis.

Partageant l'analyse de M. Georges Berthu sur la répartition des compétences, elle a estimé que dans des domaines comme l'éducation ou le social, il était impossible de distinguer les notions de coopération et de coordination. De même, elle a considéré que l'élaboration d'un catalogue des compétences était une fausse bonne solution puisqu'il ne constituait pas une réponse à la coexistence, à l'intérieur d'une même matière, de plusieurs modes d'élaboration de la norme juridique.

Enfin, évoquant le droit de famille, traditionnellement réservé à la compétence nationale, elle s'est demandée si, pour résoudre la question des enfants de couples séparés, il ne conviendrait pas de proposer pour les couples ressortissants de deux pays de l'Union un droit européen optionnel, qui pourrait être élaboré par protocole.

M. Alain Lamassoure a souligné qu'il fallait se demander pourquoi aucune instance européenne ne souhaitait appliquer le principe de subsidiarité : ni la Commission, ni le Parlement européen, encore moins le Conseil où les ministres peuvent prendre des décisions sans avoir à requérir des arbitrages interministériels. Si un contrôle juridictionnel du principe de subsidiarité est indispensable, il serait également nécessaire de prévoir des « rendez-vous » politiques périodiques sous la forme d'un congrès ou d'une conférence, pour débattre de la répartition des compétences : ce type de rendez-vous manque aujourd'hui aux Etats fédéraux comme les Etats-Unis ou l'Allemagne, qui ont progressivement évolué vers plus de centralisation sans que la répartition des compétences ait été mise à jour.

Il a indiqué que l'un des mérites d'un catalogue des compétences était d'organiser le travail législatif et la répartition des tâches : un tel catalogue n'aurait pas moins d'utilité que les articles 34 et 37 de notre Constitution. La première question à poser peut se résumer à « Est-on satisfait des listes de compétence énumérées par les traités ? » et la réponse est clairement « non » : l'établissement d'un nouveau catalogue serait alors un moyen de renvoyer au niveau national certaines compétences et de simplifier la rédaction des traités afin de les rendre davantage compréhensibles par les acteurs et par les citoyens. L'exercice, qui apparaît quelquefois théorique au début, prend tout son sens au bout de quelques années.

A propos de la grille de lecture proposé par M. Georges Berthu, il a rappelé que la quasi-totalité des compétences communautaires était déjà exercée par des administrations nationales, l'Union ne disposant pas de services extérieurs : si ce système permet de limiter la bureaucratie communautaire, il a pour inconvénient que les citoyens ne se rendent pas compte qu'il s'agit de politiques communautaires, et il a indiqué à ce titre qu'il faudrait mieux définir la hiérarchie des normes et la nature des autorités responsables de leur mise en _uvre.

Se déclarant très favorable à la création d'une Convention, il s'est prononcé pour un système qui exclut les régions et les organisations non gouvernementales, dont la représentativité ne peut être comparée à celle des élus nationaux ou des élus européens.

Enfin, il a soutenu la proposition faite par Mme Pervenche Berès d'instaurer un système optionnel de droit du mariage européen à l'attention des couples mixtes.

Mme Geneviève Fraisse, députée européenne, a salué l'initiative de la Délégation pour l'Union européenne et remercié M. Alain Lamassoure pour la clarté de son exposé. Elle a estimé que la « zone grise » qu'il avait évoquée était évolutive. Elle a constaté le développement d'une identité européenne en matière de culture, d'éducation, de santé ou de droits des femmes. Elle a fait part du sentiment d'isolement de la délégation française au Parlement européen, notamment en raison d'une insuffisante assiduité de ses membres. Prenant l'exemple de la transposition des directives relatives à la société de l'information, elle a souligné la nécessité d'un travail commun entre le Parlement européen et l'Assemblée nationale.

Mme Béatrice Marre a souhaité que le débat sur l'articulation entre les compétences européennes et les compétences nationales soit complété par une réflexion sur la place de l'Europe dans le monde. Elle s'est interrogée sur l'incidence croissante des traités internationaux sur les politiques nationales et européennes, notamment en matière d'environnement. Elle a mis l'accent sur trois problèmes à régler en priorité à l'occasion des prochains débats relatifs à l'évolution des institutions européennes : le juste partage des compétences, les modalités du contrôle de leur mise en _uvre, le poids insuffisant du budget communautaire. Elle a estimé qu'on ne pourrait écarter les O.N.G. et la société civile de la Convention évoquée par M. Alain Lamassoure.

M. Jacques Myard a jugé utile et nécessaire la rencontre entre députés français et parlementaires européens. Il s'est déclaré opposé à une approche technique et juridique de la construction européenne, souhaitant privilégier une vision historique de l'évolution de l'Europe et de l'idéal démocratique. Il a constaté que la construction européenne avait constitué un facteur de progrès jusqu'à l'adoption de l'Acte unique, qui a entraîné une inflation des normes communautaires. Il a estimé que l'élargissement n'était pas envisageable dans les conditions actuelles, et que la globalisation croissante des échanges remettait en cause les liens de proximité traditionnels entre nations européennes. Il a déclaré que l'Europe ne pouvait pas intervenir sur tous les sujets et qu'elle devait se contenter de réguler le marché et d'assurer la libre circulation des biens et des services.

Regrettant l'insuffisance de leurs relations de travail avec le Parlement européen, Mme Françoise Grossetête, députée européenne, a souhaité que les parlements nationaux s'investissent davantage dans le contrôle de l'application du principe de subsidiarité. Elle a jugé que l'influence des pays nordiques expliquait souvent le débordement des normes européennes par rapport aux compétences nationales.

Mme Catherine Lalumière, députée européenne, a souhaité que l'on conserve une certaine flexibilité dans la répartition des compétences, grâce à l'article 235 du traité instituant la Communauté européenne, qui permet à l'Union d'accroître le champ de ses compétences en fonction des nécessités. Une toilette des textes actuels étant insuffisante, elle a proposé la rédaction d'une liste des compétences de l'Union européenne.

Elle a également précisé que la mise au point de cette liste ne pourrait faire abstraction d'une réflexion sur la hiérarchie des normes et la nature des autorités qui mettront en _uvre les différents niveaux de compétences. Elle a enfin suggéré que la Cour de justice des Communautés européennes devienne l'organisme régulateur de la répartition des compétences, en se transformant sur le modèle de la Cour constitutionnelle de Karlsruhe.

En conclusion, le Président Alain Barrau a proposé l'organisation d'une nouvelle rencontre, au dernier trimestre de cette année, sur le rôle respectif du Parlement européen et des parlements nationaux.