DÉLÉGATION POUR L'UNION EUROPÉENNE

COMPTE RENDU N° 151

Réunion du jeudi 28 juin 2001 à 9 heures

Présidence de M. Alain Barrau

I. Rapport d'information de M. Bernard Derosier sur le ciel unique européen, les transports aériens et l'environnement - Adoption d'une proposition de résolution présentée par le rapporteur

Le rapporteur a indiqué qu'il se bornerait à faire état des principales informations qu'il a pu recueillir depuis son rapport d'étape du 7 décembre 2000 sur les deux communications de la Commission européenne concernant la création du Ciel unique européen, les transports aériens et l'environnement.

Il a rappelé que l'objet initial de la première communication visait à porter remède aux inconvénients résultant de la fragmentation de l'espace aérien de l'Europe - en particulier les retards. Selon une démarche analogue à celle qui a conduit à l'instauration de la monnaie unique, la Commission veut parvenir à une gestion unifiée de l'espace aérien, en instituant un régulateur unique, qui pourrait être Eurocontrol. En outre, elle considère que les Etats membres devraient procéder à la séparation entre les fonctions de régulateur et celles de prestataire de services - c'est-à-dire l'organe chargé du contrôle du trafic aérien. Quant à la communication sur les transports aériens et l'environnement, elle propose une stratégie ambitieuse, par laquelle la Commission fait état de son souhait de voir adoptées des normes internationales plus restrictives concernant les bruits d'avion et les émissions de gaz, lors de la tenue, à l'automne prochain de la 33ème assemblée générale de l'OACI (Organisation de l'aviation civile internationale).

S'agissant de la communication sur la création du Ciel unique européen, le groupe à haut niveau - composé d'experts civils et militaires des Etats membres - a rendu ses conclusions à la fin de l'année dernière.

Sur la délicate question de la séparation du régulateur et du prestataire de services, le groupe a conclu à la nécessité de prévoir une séparation au minimum fonctionnelle, et non plus une séparation en deux entités distinctes comme la Commission l'avait préconisé à l'origine.

Le rapporteur a constaté que ces conclusions n'avaient toutefois pas contribué à aplanir les divergences en France. Le ministère de l'équipement s'en est félicité, estimant qu'une séparation fonctionnelle était réalisable, sinon déjà réalisée, au sein de la direction générale de l'aviation civile (DGAC), avec d'une part, la Direction de la navigation aérienne (DNA), dont le rôle est de fixer les orientations, ainsi que d'édicter et de faire appliquer la réglementation, et d'autre part, le Service du contrôle du trafic aérien (SCTA), chargé de l'exploitation opérationnelle.

En revanche, certains des interlocuteurs du rapporteur ont contesté que la séparation fonctionnelle soit totalement effectuée, au motif que le SCTA, qui coordonne l'activité des centres en route est un service de la DNA, et estimé en conséquence que la position du ministère revenait à maintenir la structure unitaire de la DGAC.

D'autres encore ont fait valoir que les conclusions du groupe à haut niveau n'éliminerait pas tout risque de privatisation, se référant à l'exemple des télécommunications où le principe de séparation a débouché, dans plusieurs Etats membres sur la privatisation de l'opérateur historique.

Le rapporteur a jugé nécessaire, dans la troisième partie du rapport, de souligner que le principe de séparation n'était pas un remède aux retards ni n'impliquait ipso facto la privatisation du contrôle du trafic aérien. Il doit être considéré comme un aménagement technique devant lui permettre de faire face aux mutations économiques et technologiques qui l'affectent. Il a précisé que c'était dans cet esprit que plusieurs Etats avaient procédé à la séparation du régulateur et du prestataire de services, tout en ayant écarté la privatisation. De même, est-ce la même démarche qui a inspiré les rapports de la Cour des comptes de 1990 et 1991 et le rapport de M. Charles Josselin - Faut-il une Europe de la navigation aérienne ? (n° 2953) - présenté sous la précédente législature, dont la proposition visant à créer une Agence de la navigation aérienne avait été approuvée par la Délégation.

Le rapporteur a indiqué que la réflexion qu'il préconisait dans la proposition de résolution, en vue de la création d'un établissement public de la navigation aérienne, s'inscrivait dans la ligne de ces diverses réformes. Cet établissement pourrait réunir le SCTA (Service de contrôle du trafic aérien), le SNTA (Service technique de la navigation aérienne) et le Centre d'Etudes de la navigation aérienne.

Pour ce qui est de la gestion unifiée de l'espace européen, le groupe à haut niveau propose de s'appuyer sur la Convention Eurocontrol révisée, signée le 27 juin 1997, d'une part, et, d'autre part, sur l'utilisation dite flexible de l'espace qui a pour objet de supprimer les conflits d'usage par les trafics aériens civil et militaire.

M. Bernard Derosier a souligné que la Convention Eurocontrol révisée, devrait permettre, une fois que la Commission et les Etats membres l'auront ratifiée, de doter le CFMU - c'est-à-dire l'organe chargé de gérer les flux aériens et les créneaux horaires - de contraindre enfin les commandants de bord et les centres de contrôle à mieux respecter les créneaux horaires.

Le rapporteur a également observé que la mise en application de la gestion flexible de l'espace n'entraînerait pas, en France, le développement de la « coimplantation » entre contrôleurs civils et militaires comme c'est le cas dans plusieurs autres pays, car la majorité des syndicats estiment qu'il ne sera pas nécessaire d'aller au-delà des mesures qui aboutiront à une coordination directe automatisée entre contrôleurs civils et militaires en 2002.

En ce qui concerne les propositions de la Commission en matière environnementale, le rapporteur a constaté que l'Union européenne rencontrait de sérieuses difficultés à faire prévaloir ses conceptions à l'OACI, face à la coalition constituée par les Etats-Unis, la Russie et les pays en développement.

S'agissant de la réduction des émissions sonores et du retrait des avions les plus bruyants, la réunion du CAEP (Comité de l'OACI pour la protection de l'environnement dans le domaine de l'aviation) a confirmé, le 17 janvier 2001, qu'un retrait progressif des avions les plus bruyants ne pouvait être envisagé au plan mondial, seuls les Européens ayant soutenu une telle mesure au plan régional. Pour leur part, les Etats-Unis ont défendu une politique de restrictions opérationnelles aéroport par aéroport, craignant qu'une solution régionale ne puisse, d'une part, leur être un jour étendue et, d'autre part, affecter la valeur résiduelle de leur flotte d'avions obsolètes.

Le désaccord n'ayant pu être surmonté, le CAEP a conclu à la nécessité de discussions supplémentaires, afin de replacer ces restrictions dans le cadre d'un programme équilibré de l'OACI, en vue de l'atténuation du bruit.

Pour ce qui est de la nouvelle norme acoustique, le Comité a finalement recommandé une nouvelle norme de - 10db, qui sera applicable à compter du 1er janvier 2006, précisant, d'une part, que la norme viserait uniquement la certification et ne devrait pas être utilisée à des fins opérationnelles et, d'autre part, que des exemptions devraient être accordées aux exploitants des pays en développement lors de la mise en _uvre de toute nouvelle restriction opérationnelle.

Certains Etats européens ont estimé que la mise en _uvre de la norme en 2006 rendrait plus difficile l'application des mesures de retrait des avions les plus bruyants dès le 1er avril 2002, prévues par un règlement du Conseil du 29 avril 1999.

Quant à la réduction des émissions gazeuses, le CAEP a conclu qu'un système ouvert d'échange de droits d'émissions pourrait constituer la solution la plus efficace pour le long terme. Toutefois, il a constaté que cette question restait soumise à la mise en _uvre préalable du Protocole de Kyoto, le rapporteur remarquant, sur ce point, que l'on était renvoyé au différend persistant entre les Etats-Unis, qui jugent le Protocole de Kyoto inadapté aux problèmes des pays industrialisés, et l'Union européenne, dont la stratégie de développement durable arrêtée par le Conseil européen de Göteborg des 15 et 16 juin derniers s'appuie notamment sur cette ratification.

Le rapporteur a relevé la même opposition entre, d'une part, l'Union et d'autre part, les Etats-Unis, soutenus par la Russie et les pays en développement, sur les projets de fiscalité énergétique préconisés par la Commission, tels que l'institution de redevances environnementales.

En conclusion, M. Bernard Derosier a évoqué le dilemme auquel on était confronté du fait de la situation actuelle marquée par une hausse - jugée inexorable - du transport aérien. Ou bien, on fait confiance au marché pour régler les problèmes de retards ou les dommages écologiques liés à la saturation du ciel. Le rapporteur a craint que cette démarche ne permette ni de maîtriser la hausse du trafic, ni de satisfaire l'exigence de développement durable, les compagnies étant d'abord intéressées par les perspectives de profit, comme le montrent l'entrée d'un consortium de compagnies aériennes dans le capital du NATS - l'organe du contrôle du trafic aérien britannique - ou encore l'attitude des compagnies essentiellement préoccupées par les créneaux horaires d'AOM-Air Liberté. Ou bien, selon le rapporteur, on admet la nécessité d'une régulation renforcée pour garantir la sécurité et les droits des passagers, lutter contre l'effet de serre par la promotion notamment de l'intermodalité et favoriser le jeu d'une réelle concurrence.

Il s'est déclaré intimement convaincu que la deuxième voie était préférable à la première, notant que plusieurs projets s'orientaient dans cette direction aux Etats-Unis et en Europe.

Enfin, le rapporteur considère que la Délégation pourrait être de nouveau appelée dans l'avenir à se saisir de nouveau des problèmes évoqués par le rapport, lesquels seront loin d'être réglés malgré les décisions que l'OACI sera susceptible de prendre à l'automne prochain.

En réponse à M. Pierre Lequiller qui souhaitait avoir des précisions sur le système ouvert d'échange de droits d'émissions, M. Bernard Derosier a fait observer que ce système d'échange permettait de considérer un investissement à caractère environnemental comme un moyen de compensation pour les émissions de gaz à effet de serre.

Le Président Alain Barrau s'étant interrogé sur l'action des instances européennes en matière d'installation des grands aéroports internationaux et sur le fonctionnement de l'OACI, le rapporteur a précisé, d'une part, que l'Union européenne disposait d'un statut d'observateur à l'OACI alors que les Etats de l'Union en étaient membres à part entière, d'autre part que les instances européennes n'intervenaient pas dans le choix des implantations aéroportuaires qui relèvent de la responsabilité des Etats. L'opinion publique conduit cependant les gouvernements, par exemple le Gouvernement français, dans le choix du 3ème aéroport de la région parisienne, à demander aux instances européennes des réponses plus fermes en terme de trafic aérien et d'environnement. C'est pourquoi, il est particulièrement important que l'Union européenne défende, à l'OACI, une position unique face aux Etats-Unis et aux pays en voie de développement.

La Délégation a alors examiné la proposition de résolution présentée par le rapporteur.

Elle a adopté sans modification le point I relatif à la communication sur la création du Ciel unique européen et prévoyant notamment la création en France d'un établissement public de la navigation aérienne, l'amélioration des relations entre contrôleurs civils et militaires et la nécessité d'une entrée en vigueur rapide de la Convention révisée d'Eurocontrol.

Au point II relatif à la communication sur les transports aériens et l'environnement la Délégation a adopté sans modification le paragraphe 1 concernant la nécessité d'une démarche de l'Union européenne auprès de la Russie et des pays en développement.

Au paragraphe 2 relatif à la ratification du protocole de Kyoto elle a adopté un amendement rédactionnel proposé par Mme Béatrice Marre, après interventions de M. Pierre Lequiller, du Président Alain Barrau et du rapporteur.

Elle a adopté sans modification :

- le paragraphe 3 demandant la suppression de l'exemption fiscale du kérosène ;

- le paragraphe 4 se félicitant de la stratégie de développement définie au Conseil européen de Göteborg ;

- le paragraphe 5 demandant l'élaboration d'un « cadre communautaire sur la réglementation des vols de nuit » ;

- le paragraphe 6 lié aux modalités d'association du public aux choix importants en matière d'aviation civile ;

le paragraphe 7 qui approuve les observations du rapport pour 2000 de l'ACNUSA (autorité de contrôle des nuisances sonores aéroportuaires).

La Délégation a enfin adopté la proposition de résolution dans le texte suivant :

« L'Assemblée nationale,

Vu l'article 88-4 de la Constitution,

Vu la Communication de la Commission au Conseil et au Parlement européen sur la création du Ciel unique européen, [COM (1999) 614 final, E 1406] ;

Vu la Communication de la Commission au Conseil, au Parlement européen, au Comité économique et social et au Comité des régions sur les transports aériens et l'environnement [COM (1999) 640 final, E 1407] ;

Considérant que la première communication susvisée a pour objet de réduire les retards aériens et la fragmentation des espaces aériens des Etats membres, grâce à un processus analogue à celui qui a conduit à l'instauration de la monnaie unique ; que, dans cette perspective, elle préconise, d'une part, que soit instaurée la séparation des fonctions de régulateur et de prestataire de services et, d'autre part, que soit institué un régulateur unique de l'espace aérien de l'Europe ;

Considérant que cette démarche de la Commission est inspirée de la volonté d'étendre à la navigation aérienne le processus de libéralisation qui a été appliqué dans les autres secteurs, tels que les télécommunications, l'énergie, la poste et les chemins de fer ; qu'elle entraîne le risque d'une mise en concurrence peu praticable des opérateurs de services de contrôle aérien, sans pour autant contribuer à réduire réellement les retards ni à mieux faire face à la croissance du trafic ; que, dès lors, les propositions de la Commission sont de nature à faire prévaloir l'exigence de rentabilité au détriment de celle - prioritaire - de sécurité, dans un domaine au surplus qualifié de service public, par la Cour de Justice des communautés européennes ;

Considérant que les conclusions du groupe à haut niveau se sont prononcées en faveur d'une séparation au moins fonctionnelle entre le régulateur et le prestataire de services et de l'élaboration d'une architecture commune de l'espace aérien de l'Europe reposant sur la mise en _uvre de la Convention Eurocontrol révisée du 27 juin 1997 et sur l'utilisation flexible de l'espace, en vue de supprimer les conflits d'usage par les trafics aériens civil et militaire ;

Considérant qu'il importe que l'Europe s'oriente effectivement vers une gestion unique de son espace aérien ; qu'à cet effet, des réformes, qui ne postulent pas nécessairement la privatisation, soient entreprises au sein des Etats membres, parallèlement à la mise en _uvre de la Convention Eurocontrol révisée du 27 juin 1997 ;

Considérant que la deuxième communication susvisée de la Commission expose une stratégie, par laquelle elle souhaite voir adoptées des normes internationales plus restrictives concernant les bruits d'avion et les émissions de gaz lors de la tenue, à l'automne prochain, de la 33ème assemblée générale de l'OACI ; que, dans le cas où l'OACI ne parviendrait pas à répondre aux exigences de la Communauté, notamment en ce qui concerne les normes de certification acoustique des futurs avions et le retrait des avions les plus bruyants, la Commission pourrait être amenée à proposer l'adoption d'exigences européennes, en étroite coopération avec les autres régions industrialisées ;

Considérant que cette même communication prévoit un volet fiscal destiné à améliorer les performances environnementales du transport aérien ;

Considérant que le CAEP (Comité de l'OACI chargé de la protection de l'environnement dans l'aviation) a recommandé, lors de sa réunion du 17 janvier 2001, qu'une nouvelle norme de bruit de - 10 Db par rapport à la norme actuelle soit applicable aux nouveaux avions ; que le CAEP, faute d'être parvenu à un accord sur un retrait progressif des avions les plus bruyants à l'échelle mondiale, a conclu à la nécessité de discussions supplémentaires, afin de replacer un tel retrait dans le cadre d'un programme équilibré de l'OACI en vue de l'atténuation du bruit ; que le CAEP a adopté - en matière de recertification - des propositions d'amendement à l'Annexe 16 à la Convention relative à l'aviation civile internationale, qui permettront de certifier dans le nouveau chapitre, les nouveaux avions qui n'y sont pas conformes actuellement ;

Considérant qu'en ce qui concerne, la réduction des émissions gazeuses, l'Assemblée générale de l'OACI devrait, au vu de la réflexion menée par le CAEP, se prononcer, d'une part, sur les moyens opérationnels qui permettront de réduire le temps de vol et d'optimiser les altitudes et, d'autre part sur les modalités d'échange des droits d'émission ;

Considérant que la compétence exclusive de l'OACI dans la protection de l'environnement dans le domaine de l'aviation ne doit pas faire obstacle à une attitude offensive de l'Union et des Etats membres au sein de l'OACI ; qu'elle doit être prolongée à l'échelle communautaire et au sein des Etats membres ;

I - Sur la communication sur la création du Ciel unique européen :

1. Juge indispensable qu'en ce qui concerne la France, une réflexion soit d'urgence engagée en vue de créer un établissement public de la navigation aérienne, pour permettre au contrôle du trafic aérien d'être en mesure d'affronter les mutations économiques et technologiques qui l'affectent, tout en satisfaisant à l'exigence - prioritaire - de sécurité ;

2. Estime nécessaire que soit poursuivie l'amélioration des relations entre contrôleurs civils et militaires ;

3. Estime souhaitable que la Convention révisée d'Eurocontrol entre en vigueur le plus rapidement possible, afin de doter l'Europe d'une gestion unifiée de son espace aérien et d'harmoniser sa politique en matière de normalisation des équipements.

II - Sur la communication sur les transports aériens et l'environnement :

1. Juge indispensable que l'Union européenne entreprenne une démarche en direction de la Fédération de Russie et des pays en développement, afin de leur souligner la nécessité pour l'Europe de trouver une solution appropriée à la question des émissions sonores des aéronefs, à défaut de laquelle le développement de l'aviation civile risquerait d'y être freiné ;

2. Estime nécessaire que l'Union européenne s'efforce d'obtenir confirmation par le plus grand nombre de pays industrialisés de leur engagement à procéder à la ratification du Protocole de Kyoto, sans laquelle l'OACI ne peut poursuivre ses travaux ;

3. Estime nécessaire que les Etats de l'Union européenne demandent l'abrogation de l'article 24 de la Convention relative à l'aviation civile internationale, qui prévoit l'exemption fiscale du kérosène ;

4. Se félicite de la stratégie de développement durable arrêtée par le Conseil européen de Göteborg des 15-16 juin 2001, qui met notamment l'accent sur le développement de l'intermodalité ainsi que sur l'internalisation complète des coûts sociaux et environnementaux ;

5. Demande qu'un cadre communautaire sur la réglementation des vols de nuit puisse être élaboré ;

6. Juge nécessaire que les choix importants - tels que la construction du troisième aéroport ou l'ouverture de couloirs aériens - satisfassent à l'exigence de transparence ;

7. Approuve les observations du rapport pour 2000 de l'ACNUSA (Autorité de contrôle des nuisances sonores aéroportuaires) par lesquelles cette dernière appelle les pouvoirs publics à être particulièrement vigilants pour éviter les problèmes déjà rencontrés du fait d'un urbanisme mal maîtrisé. »

II. Rapport d'information de Mme Béatrice Marre sur la sécurité alimentaire

En introduction à la présentation de son rapport, Mme Béatrice Marre a rappelé que le projet de règlement présenté par la Commission comportait deux grands volets : la refonte des principes fondateurs de la législation alimentaire européenne et la création d'une Autorité alimentaire européenne. Elle a précisé que son attention s'était essentiellement portée sur ce deuxième volet.

Après avoir fait le point sur l'état d'avancement des travaux des institutions européennes en vue de l'adoption de ce règlement, elle a examiné le projet de texte sous deux angles : la pertinence de ses objectifs internes et internationaux, l'adéquation de son organisation à ces objectifs.

Rappelant les graves conséquences des différentes crises alimentaires - interrogations des consommateurs sur l'innocuité des produits qu'ils consomment et déstabilisation de pans entiers de notre économie, notamment la filière bovine, la rapporteure a précisé que le retour de la confiance des acteurs économiques visé par le règlement passait par deux voies : d'une part, la rénovation de la législation alimentaire communautaire grâce à l'adoption d'une démarche horizontale et l'application de principes généraux à l'ensemble des produits à tous les stades de la chaîne alimentaire, tels que la mise en avant du principe de précaution, la traçabilité ou le droit à l'information des consommateurs - la protection d'un niveau élevé de la santé étant un objectif primant sur le bon fonctionnement du marché -, d'autre part, la mise en place d'une Autorité alimentaire européenne indépendante, transparente et de haut niveau.

Le projet de création de cette Autorité est le résultat d'une longue évolution amorcée par la Commission en 1997 avec la publication d'un Livre vert sur les principes généraux de la législation alimentaire européenne et la réforme des comités scientifiques, rendus plus transparents, suivie de l'adoption, en janvier 2000, d'un Livre blanc sur la sécurité alimentaire.

Le principe de précaution est désormais placé au c_ur du dispositif de protection de la sécurité alimentaire européenne, mais la rapporteure a souligné combien les règles commerciales internationales limitaient les marges de man_uvre de l'Union européenne, notamment l'accord SPS sur l'application des mesures sanitaires et phytosanitaires signé à Marrakech en 1994.

Plaidant pour le maintien de la spécificité des échanges agricoles et la défense du modèle alimentaire européen qui prend appui sur le principe de précaution, elle a estimé que la mise en place d'un outil d'évaluation des risques de grande qualité constituerait un progrès important pour faire prévaloir l'approche européenne en matière alimentaire au sein d'instances telles que la commission du Codex Alimentarius.

Toutefois, la rapporteure a estimé, qu'en l'état actuel, le projet souffrait de deux lacunes importantes : le flou de ses missions et une organisation ambiguë.

La Commission européenne a choisi de séparer l'évaluation et la gestion du risque. Sur cette question, la France et la Grande-Bretagne ont donné une réponse différente lors de la mise en place de leur structure de veille sanitaire nationale - la France optant pour la séparation et la Grande-Bretagne pour le regroupement. Cependant, le dispositif de traitement des risques alimentaires proposé comporte une contradiction. Il est en effet prévu de confier le fonctionnement du Système d'Alerte Rapide (SAR) à la future Autorité, ce qui, du point de vue de la rapporteure, crée une confusion pour les interlocuteurs concernés que sont les opérateurs et les administrations nationales ; elle a donc proposé de maintenir la gestion du SAR au sein de la Commission.

La deuxième faiblesse du dispositif au regard de ses ambitions réside dans son mode de saisine qui reste très restreint. Le droit de saisine sera ouvert à l'Autorité elle-même, à la Commission, aux Etats membres et à leurs agences nationales et au Parlement européen sans que l'on sache bien selon quelles modalités. En revanche, ni les associations de consommateurs, ni les opérateurs économiques, pourtant organisés au niveau européen, ne pourront saisir l'Autorité alimentaire européenne.

Sans nier la nécessité d'un filtre sous peine d'engorgement et d'inefficacité, la rapporteure a souhaité une poursuite de la réflexion sur ce point et la mise en place d'un droit de saisine ouvert aux acteurs économiques.

Le projet de la Commission pêche également par le mode d'organisation prévu.

Au lieu de tenter de faire de la future Autorité alimentaire européenne une tête de réseau des pôles d'excellence scientifiques reconnus dans l'Union européenne, et parfois au delà, et qui sont souvent dans les agences nationales mises en place par les Etats membres, la Commission s'est contentée de transférer à l'Autorité les comités scientifiques existants au sein de la Direction Générale de la Santé et de la Consommation, y compris le comité scientifique directeur dont le mode de fonctionnement durant la crise de la vache folle a fait l'objet de polémiques en raison de sa prééminence de fait vis à vis des autres comités scientifiques européens et vis à vis des comités scientifiques des agences nationales. La rapporteure a regretté cette simple externalisation de l'existant.

Quant au conseil d'administration, sa composition fait l'objet de débats non encore aboutis entre la Commission et les Etats membres. La rapporteure a souhaité qu'en tout état de cause, l'ensemble de la chaîne alimentaire y soit représentée (agriculteurs, producteurs, distributeurs et consommateurs) et que sa composition reste restreinte.

Mme Béatrice Marre a enfin abordé la question du choix du siège de l'Autorité qui sera un des éléments de son bon fonctionnement. Tout en reconnaissant la vocation de tous les Etats membres à accueillir un organe communautaire, elle a observé que l'Autorité réunirait de façon régulière un nombre important d'experts, ce qui plaide en faveur d'un siège desservi par de bons moyens de communication.

En conclusion Mme Béatrice Marre s'est félicitée de l'initiative prise par la Commission, même si elle est tardive et trop peu innovante ; elle a cependant souhaité que les incertitudes qu'elle recèle soient levées soit de façon formelle, lors de l'adoption définitive du texte, soit au fur et à mesure du fonctionnement de l'Autorité.

M. Didier Boulaud s'est demandé si, compte tenu du très court laps de temps qui s'est écoulé entre la création des agences française (1998) et britannique (2000) et la mise en place de l'Autorité européenne, il n'aurait pas été plus judicieux de faire l'économie d'initiatives nationales qui risquent de rendre plus complexe l'articulation entre l'action de l'Autorité européenne et les initiatives nationales dont la plupart sont encore en devenir. Il a estimé que cette démarche traduisait un défaut de vigilance politique des institutions communautaires.

M. Jacques Myard a considéré que pour assurer la sécurité alimentaire, domaine transnational par nature, une loi uniforme était nécessaire pour éviter certains fonctionnements pervers du marché. Il a déploré que, pour réparer les conséquences d'un échec qui est celui d'une politique et non d'une institution - la Commission - on n'ait pas purement et simplement mis effectivement en application le principe, posé par le traité de Rome, que les Etats ont la responsabilité de mettre en _uvre les normes européennes. Au demeurant, le parti pris est analogue à la tendance au démembrement de l'action de l'Etat que l'on constate, notamment, en France où, au mépris de l'article 21 de la Constitution, on multiplie les agences et autorités autonomes.

Se déclarant d'accord avec la conception d'une autorité tête d'un réseau de comités scientifiques nationaux il a estimé que, pour le surplus, l'action qu'on semble vouloir attribuer à l'Autorité alimentaire européenne aurait dû relever de la direction générale compétente des services de la Commission - mais avec une orientation politique différente de l'ultralibéralisme actuel. C'est en ce sens que l'on peut parler, sur ce point, d'un véritable démantèlement de l'Union européenne.

Le Président Alain Barrau a souhaité des précisions sur la manière dont l'Autorité alimentaire européenne sera appelée à intervenir dans les situations de crise, et notamment sur les possibilités de saisine directe de cette Autorité.

En réponse, Mme Béatrice Marre a notamment apporté les précisions suivantes :

- c'est l'urgence des risques constatés qui a conduit les Etats membres à prendre des mesures rapides, au prix de certaines erreurs de conception. Les cinq ans qui séparent la publication du Livre vert de la création de l'Autorité alimentaire sont un délai très court au regard des caractéristiques des procédures communautaires. L'important est que les initiatives nationales actuelles ou à venir soient coordonnées avec la mise en place de l'Autorité européenne à qui il incombe d'assurer l'articulation d'ensemble ;

- l'Autorité alimentaire européenne n'est pas appelée à devenir une structure très importante. Sa création correspond au souci de faire sortir de l'administration de la Commission les comités d'experts pour en assurer visiblement l'autonomie. Elle doit tenir compte du fait que l'opinion majoritaire dans les Etats membres ne considère pas l'insertion dans le cadre administratif traditionnel comme un gage d'indépendance ;

- la création de l'Autorité européenne transformera la gestion du système d'alerte alimentaire, qui se caractérise dans son état actuel par la transmission, aux services de la Commission, des informations venant des Etats membres selon des procédures internes dépourvues de transparence. L'autonomie de l'Autorité renforce le poids de ses avis scientifiques. Il sera possible de la saisir directement, au demeurant l'élargissement de sa saisine est un facteur d'accélération de son intervention.

La Délégation a ensuite examiné les propositions de conclusions présentées par la rapporteure.

Aux points 1 et 2, en réponse à M. Maurice Ligot et à M. Jacques Myard, la rapporteure a précisé qu'il lui paraissait plus logique de définir le champ des compétences de l'Autorité alimentaire européenne avant d'envisager les missions confiées à cet organisme dans le cadre de ses compétences.

Au point 4, la rapporteure a indiqué, à la demande de M. Jacques Myard, que les associations de consommateurs, ainsi que les organisations de producteurs, devraient faire partie des acteurs de la sécurité alimentaire habilités à saisir l'Autorité alimentaire européenne.

Sur la suggestion du Président Alain Barrau, qui a rappelé l'importance du rôle joué par la commission du Codex alimentarius, et après les interventions de MM. Maurice Ligot et Jacques Myard et de la rapporteure, la Délégation a modifié le point 6 en précisant que la Commission du Codex alimentarius est un organe commun à l'OMS et à l'OAA.

A l'issue de ce débat, la Délégation a adopté les conclusions suivantes :

« La Délégation,

Vu l'article 88-4 de la Constitution,

Vu la proposition de règlement établissant les principes généraux et les prescriptions générales de la législation alimentaire, instituant l'Autorité alimentaire européenne et fixant des procédures relatives à la sécurité des denrées alimentaires (COM[2000]716 final/ n° E 1627),

Vu les résolutions des Conseils européens de Nice et Göteborg,

Considérant le désarroi des consommateurs européens né de la récente succession des crises alimentaires et la nécessité de rétablir leur confiance dans la sûreté des produits comme dans la crédibilité des autorités publiques et scientifiques en charge de la sécurité alimentaire ;

Considérant les graves difficultés ainsi provoquées pour les opérateurs économiques de la chaîne alimentaire - agriculteurs, industriels de l'agro-alimentaire, distributeurs ;

Considérant que cette perte de confiance résulte de l'absence d'un cadre juridique européen clair et harmonisé, d'une expertise du risque sanitaire incontestable, d'un mode de gestion des crises lisible et transparent et d'une communication cohérente ;

Considérant que l'Union européenne doit mettre en place un haut niveau de protection de la santé, au travers d'une législation communautaire privilégiant la sécurité alimentaire par rapport à la libre circulation des produits ;

Considérant que le respect des traités internationaux relatifs au commerce international expose l'Union européenne, faute de l'existence d'une instance d'expertise européenne internationalement reconnue, à un degré de protection sanitaire inférieur à celui qu'elle souhaite mettre en _uvre ;

Se félicite de la décision de l'Union européenne de créer une Autorité Alimentaire européenne indépendante et de haut niveau scientifique.

Invite le Gouvernement, dans le cadre de la finalisation de ce projet, à peser pour que l'Autorité Alimentaire européenne :

1. Soit dotée d'un champ de compétence large, couvrant tous les maillons de la chaîne alimentaire, depuis la qualité de l'eau, la santé des plantes, l'alimentation et le bien-être animal, jusqu'à l'innocuité des produits mis sur le marché ;

2. Soit chargée de la veille et de l'expertise sanitaire à l'exclusion de toute mission de gestion du risque ;

3. Soit conçue comme une tête de réseaux des structures d'expertise existantes dans l'Union, regroupant par consensus les pôles d'excellence scientifiques nationaux ;

4. Soit accessible à tous les acteurs de la sécurité alimentaire au travers d'un mode de saisine ouvert et transparent, mais garantissant son efficacité ;

5. Soit un véritable outil d'assistance à l'orientation des politiques publiques de sécurité sanitaire européennes grâce à un conseil d'administration qui doit être restreint en nombre mais ouvert à tous les maillons de la chaîne alimentaire ;

6. Soit en mesure de promouvoir le modèle européen de protection de la santé, fondé sur le principe de précaution, au sein des organisations internationales telles la commission du Codex alimentarius, (organe commun de l'OMS et de l'OAA),ou l'OMC. »

III. Rapport d'information de M. Alain Barrau sur les relations entre l'Union européenne et les entités régionales

Le Président Alain Barrau a indiqué que ce rapport d'information avait pour objet de prolonger et d'élargir la réflexion qu'il avait entamée par ses précédents travaux sur les négociations entre l'Union européenne et le Mercosur. Il a rappelé que l'Union européenne avait lancé au cours des années 1990 trois initiatives régionales majeures, concernant respectivement le pourtour Sud de la Méditerranée, le Mercosur et l'Asie. Ces initiatives marquent une ambition, qui est de faire de l'Europe une « Europe puissance » dont l'influence politique dans des régions essentielles pour la stabilité du monde soit à la mesure de son poids économique et financier. Elles reflètent également la spécificité de l'approche européenne en matière de relations internationales. Pour l'Europe, les défis du monde d'aujourd'hui ne peuvent qu'être relevés dans le cadre de partenariats conclus entre égaux et accordant une importance équivalente aux questions de sécurité, aux questions économiques et à la coopération culturelle et sociale. Ces partenariats reposent d'ailleurs sur trois volets complémentaires : le volet politique, le volet économique et le volet humain.

Ce modèle européen de régulation est en concurrence avec le modèle américain, qui accorde une place limitée aux valeurs non marchandes et fait peu de cas du multilatéralisme. Face aux Etats-Unis, l'Europe doit agir en compétiteur, car ses réponses en matière de régulation sont le plus souvent celles qui répondent le mieux aux préoccupations de ses partenaires. Le rapporteur a alors estimé que, dans ces conditions, l'Union européenne devait approfondir ses relations avec les entités régionales, afin de constituer de véritables alliances, à caractère politique, économique et social. Cependant, cette stratégie a un prix sur lequel on peut s'interroger.

Le dialogue politique entre l'Europe et ses partenaires doit donner toute son importance aux questions de sécurité et de développement durable. Il serait souhaitable que l'Europe définisse un corps de doctrine sur les mesures de confiance, à partir duquel elle pourrait faire des propositions concrètes à chacun de ses partenaires. La coopération dans le domaine de la lutte contre le crime organisé avec les partenaires doit être formalisée et systématisée afin de donner aux conclusions du Conseil européen de Tampere d'octobre 1999 toute leur portée. Le développement durable doit devenir l'autre priorité du dialogue politique entre l'Union et les entités régionales, d'autant que l'Europe a pris la tête de la coalition défendant le protocole de Kyoto, suite à la décision américaine de ne pas le ratifier.

Ensuite, le dialogue économique avec les partenaires doit porter sur toutes les questions ayant trait à la réforme de l'architecture financière internationale, notamment la redéfinition des missions des institutions financières internationales, la démocratisation de leurs instances de décision et la mise en place de mécanismes permettant d'encadrer les mouvements de capitaux spéculatifs.

Enfin, le troisième volet des partenariats, c'est-à-dire la coopération culturelle et sociale doit s'attacher à promouvoir les droits fondamentaux des travailleurs, identifiés par la Déclaration de juin 1998 de l'Organisation internationale du travail, par le biais de mécanismes de coopération incitatifs.

Le rapporteur a ensuite considéré que ces alliances devaient contribuer à l'émergence d'une mondialisation maîtrisée.

Dans ce but, l'Europe doit renforcer l'échelon régional de la régulation, en encourageant l'intégration commerciale entre les pays du Sud, qui est indispensable à leur développement. Mais l'Union européenne doit également négocier de bons accords de libre-échange Nord/Sud avec les pays tiers méditerranéens et le Mercosur. Ces accords doivent aller au-delà des questions d'accès au marché, c'est-à-dire jeter les règles de base en matière d'investissement et de concurrence, deux sujets essentiels pour le développement de nos partenaires. Cependant, ces négociations ne pourront réussir que si les parties en présence parviennent à surmonter leurs divergences concernant la question agricole, en établissant un dialogue franc sur la multifonctionnalité de l'agriculture.

Le rapporteur a toutefois souligné que le renforcement de l'échelon régional de la régulation ne devait pas se faire au détriment des règles de l'OMC. Il reste que les règles du régionalisme, telles qu'elles sont fixées par le GATT, doivent évoluer ; elles imposent en effet la libéralisation de l'essentiel des échanges commerciaux, sans définir ce qu'il faut entendre par l'essentiel. Le manque de précision dans ce domaine rend difficile une libéralisation commerciale maîtrisée, qui tienne compte de la sensibilité de certains produits et de l'impact social du libre-échange. Dans ces conditions, l'Union pourrait arrêter avec ses partenaires une position commune sur la clarification des règles du GATT relatives à la constitution des zones de libre-échange, qui serait ensuite défendue à l'OMC.

Enfin, le rapporteur a indiqué que l'Europe devait convaincre ses partenaires de la nécessité de défendre les valeurs non marchandes à l'OMC, ces valeurs étant essentielles pour la cohésion des sociétés. A cet effet, l'Europe doit s'attacher à promouvoir avec ses partenaires le respect des biens publics mondiaux, tels que l'environnement et la santé, à l'OMC. L'Europe doit également instituer un dialogue avec ses partenaires sur le principe de précaution afin qu'il soit reconnu à l'OMC. L'Europe doit enfin s'attacher à promouvoir avec ses partenaires l'existence des services d'intérêt général à l'OMC, ces services étant appelés à jouer un rôle fondamental dans les pays en développement.

Le rapporteur a enfin estimé que l'Europe devait tenir un rôle de premier plan dans la définition de la régulation dont le monde a besoin, tout en agissant de concert avec ses partenaires d'autant que les Etats-Unis semblent vouloir refuser d'assumer leurs responsabilités en la matière. Certes, l'approfondissement des relations entre l'Union européenne et les entités régionales est un processus de long terme, qui se heurtera à des difficultés. Mais nos partenaires doivent comprendre que cette alliance avec l'Europe sert leurs intérêts, car elle donne à chacun d'entre eux la possibilité de jouer son rôle dans le cadre d'une société internationale ouverte et solidaire.

M. Alain Barrau a enfin présenté les conclusions qu'il a proposées à la Délégation d'adopter.

M. Jacques Myard a estimé qu'il était difficile de savoir quelle serait l'évolution de la société internationale dans les années à venir. Il a douté que l'on se dirige vers un monde où prédominent les entités régionales. Si les Etats-Unis ont une forte influence en Amérique latine, ils pourraient, selon lui, connaître bientôt des modifications considérables, la majorité de leur population devant être hispanique dans les vingt ans qui viennent.

Il a indiqué que la réalité internationale était trop complexe pour être résumée à une organisation multipolaire. Il a rappelé que les relations internationales de bloc à bloc, auxquelles celle-ci pouvait conduire, présentaient des limites, comme l'a montré l'échec de la conférence de Seattle. La France doit, à ses yeux, garder une totale indépendance de jugement sur ces questions.

Evoquant les conclusions présentées par le rapporteur, il a estimé que si la communauté internationale doit poursuivre son action dans certains domaines comme les droits de l'Homme, il ne faut pas aliéner pour autant la souveraineté des Etats par une extension excessive des règles de l'OMC et il a jugé très ambitieux de demander que le dialogue économique avec les entités régionales aborde toutes les questions ayant trait à la réforme de l'architecture financière internationale. Il s'est demandé, en définitive, s'il y avait lieu de déposer des conclusions à ce stade.

Le Président Alain Barrau a indiqué que ces conclusions avaient l'avantage de résumer le contenu du rapport, qui doit être considéré comme un rapport d'étape. Au sujet du rôle de la France, il a considéré qu'elle pouvait exprimer son point de vue et défendre ses intérêts dans le cadre des discussions communautaires portant sur le mandat de négociation commerciale confié à la Commission.

Mme Béatrice Marre a souligné l'intérêt du rapport, qui a, selon elle, le mérite de s'attacher à un sujet insuffisamment étudié. Elle a estimé également que la négociation de bloc à bloc n'était pas satisfaisante, mais que les relations régionales constituaient un enjeu majeur pour l'Europe si elle voulait, par exemple, accroître son influence dans une Asie en pleine expansion, renforcer ses liens avec l'Amérique latine ou mieux défendre ses intérêts vis-à-vis des Etats-Unis.

Sur les conclusions, elle a suggéré de supprimer la référence à la notion d'« OMC plus », dont le sens reste trop vague à ses yeux. Elle a également proposé de mieux distinguer, dans la présentation des conclusions, l'organisation d'un système multilatéral en général et les questions propres à l'OMC. Elle a proposé de préciser que les accords régionaux doivent conforter l'OMC en renforçant notamment son rôle de régulation.

M. Maurice Ligot a suggéré que les conclusions fassent mieux ressortir le rôle des entités régionales et qu'elles les distinguent plus nettement des questions relatives à l'OMC.

M. Alain Barrau a proposé de tenir compte des observations formulées, en modifiant les conclusions en conséquence.

A la suite de ce débat, la Délégation a adopté les conclusions suivantes.

« La Délégation,

Considérant que l'Union européenne a établi un partenariat approfondi, comprenant un volet politique, un volet économique et un volet humain, avec respectivement douze pays tiers méditerranéens et dix pays asiatiques ;

Considérant que l'Union européenne négocie avec le Mercosur un accord d'association interrégionale ;

Considérant que les relations avec ces trois ensembles régionaux traduisent la volonté politique de l'Union européenne de s'affirmer comme une « Europe puissance », qui soit un facteur d'équilibre dans le monde ;

Considérant que les accords d'association entre l'Union européenne et le Mercosur, d'une part, et l'Union européenne et chaque pays tiers méditerranéen, d'autre part, prévoient l'établissement d'une zone de libre-échange entre les partenaires ;

Considérant que la prochaine conférence ministérielle de l'OMC, qui se tiendra à Doha (Qatar) du 9 au 13 novembre 2001, doit marquer le lancement d'un nouveau cycle de négociations commerciales multilatérales ;

1. Demande que la négociation des accords d'association avec les pays tiers méditerranéens et le Mercosur débouche sur la conclusion d'accords équilibrés, allant au-delà des questions d'accès au marché et traitant les « nouveaux sujets » de l'investissement et de la concurrence ;

2. Rappelle que les accords régionaux ne doivent pas se substituer au cadre défini par le système commercial multilatéral ;

3. Souhaite que ces accords aident notamment l'Union européenne et ses partenaires à compléter le volet régulation de l'OMC par la prise en compte des valeurs non marchandes ;

4. Demande que le dialogue économique avec les entités régionales aborde toutes les questions ayant trait à la réforme de l'architecture financière internationale et débouche, le moment venu, sur la définition de positions communes sur la réforme des institutions financières internationales et la régulation des capitaux spéculatifs. »

*

* *

Enfin, après les observations de Mme Béatrice Marre, le Président Alain Barrau a indiqué que la Délégation suivrait de près la préparation de la Conférence ministérielle de l'OMC de Doha, qui se réunira du 9 au 13 novembre 2001.