DÉLÉGATION POUR L'UNION EUROPÉENNE

COMPTE RENDU N° 155

Réunion du jeudi 11 octobre 2001 à 9 heures

Présidence de M. Alain Barrau

I. Adoption d'une proposition de résolution sur l'ouverture à la concurrence des services postaux, présentée par le Président Alain Barrau

Le Président Alain Barrau a informé les membres de la Délégation que la directive postale proposée par la Commission européenne figurait à l'ordre du jour du prochain Conseil « Télécom » du 15 octobre 2001. Après avoir rappelé que la Délégation s'était déjà prononcée une première fois sur ce texte en adoptant le 9 novembre 2000 la proposition de résolution de M. Didier Boulaud, il a plaidé pour l'adoption d'une seconde proposition de résolution qui permette à la France de peser plus efficacement sur les négociations en cours. En cas d'adoption par la Délégation, cette proposition de résolution sera immédiatement transmise à la Commission de la production et des échanges qui sera ainsi en mesure d'adopter un texte qui sera transmis au Gouvernement avant le Conseil européen du 15 octobre.

Le rapporteur a alors exposé les principaux enjeux des négociations, rappelant que la Commission européenne avait proposé le 30 mai 2000 une nouvelle directive visant à ouvrir à la concurrence, d'ici à 2003, un pan important du marché des services postaux. Cette proposition de directive vise à répondre au mandat de la directive 97/67/CE concernant la poursuite d'une libéralisation du marché postal pour une entrée en vigueur à partir du 1er janvier 2003. Le rapporteur a fait état de la position du Parlement européen qui défend le principe d'une libéralisation beaucoup plus graduelle et contrôlée que celle envisagée par la Commission européenne. Le vote des députés européens a conduit la Commission à présenter le 21 mars 2001 une proposition modifiée de directive qui, tout en reprenant certains amendements du Parlement européen, ne remet toutefois pas en cause l'orientation excessivement libérale de la proposition initiale.

Autour de la notion de service postal universel et de sa promotion, le rapporteur a évoqué les points suivants :

Sur le calendrier de la libéralisation, il a indiqué que la Commission prônait une réduction de la limite poids du domaine réservé à 50 grammes dès 2003 et défendait une libéralisation totale du secteur postal en 2007, ce à quoi s'oppose formellement la France. La présidence belge propose un calendrier en trois étapes (2003 / 2006 / 2009), mais avec des seuils de poids et de tarifs de base qui ne nous satisfont pas. Il a alors rappelé la position des autorités françaises, qui défendent le calendrier suivant :

- 2003 : limite poids / prix de 150g / 4 fois le tarif de base ;

- 2006 : limite poids / prix de 100g / 3 fois le tarif de base ;

- 2009 : élaboration par la Commission d'une nouvelle proposition de directive soumise à codécision du Parlement européen et du Conseil, afin d'éviter une libéralisation totale du secteur.

Concernant les services spécifiques (qui correspondent notamment au courrier exprès, à la livraison sur rendez-vous et au suivi de l'acheminement du courrier), il a rappelé que ces services, à forte valeur ajoutée, sont distincts des prestations de service universel et sont ceux qui sont susceptibles d'être en priorité ouverts à la concurrence. Le rapporteur a précisé que la difficulté concernait la définition de ces services qui ne peut s'établir, pour la France, que sur la base d'une liste fermée de critères se référant à la notion de prix.

Evoquant le dossier du courrier transfrontalier sortant, il a indiqué que la Commission envisageait sa libéralisation totale. Or, certains pays tels que l'Irlande, la Grèce, l'Espagne, le Luxembourg et le Portugal exigent des dérogations au motif que ce type de courrier représente une part plus importante du chiffre d'affaires de l'opérateur national que dans les autres Etats membres. Le rapporteur a précisé l'accueil favorable que semble réserver la présidence belge à cette demande et indiqué que la France était disposée à se rallier à cette position.

Rappelant que la France, deuxième marché postal européen, était l'un des principaux pays concernés par l'ouverture à la concurrence du secteur postal, le rapporteur a plaidé pour la promotion d'un service universel de qualité, bénéficiant de garanties indispensables à son financement et à son fonctionnement. L'adoption d'une nouvelle proposition de résolution vise ainsi à soutenir la position française dans sa volonté de défense du service public.

    La Délégation a ensuite examiné la proposition de résolution présentée par le rapporteur.

Au point 13 du dispositif, M. Pierre Brana s'est étonné que soit mentionnée la référence à un seuil de poids et de prix de 100 g et 3 fois le tarif de base en 2006, plus contraignant que la proposition formulée par le Parlement européen. Evoquant alors sa crainte d'une diminution des seuils à chaque étape, il a souhaité ne retenir qu'une seule référence correspondant à la limite prix / poids de 150 g et 4 fois le tarif de base.

En réponse, le rapporteur s'est déclaré favorable à cette proposition.

M. Gérard Fuchs s'est félicité que la Délégation puisse revenir sur un texte après l'avoir pourtant déjà examiné une première fois. Il a estimé que cette possibilité devrait être utilisée plus souvent afin que la Délégation suive l'évolution des projets de directives. Il a souhaité à son tour que l'Assemblée nationale ne soit pas en retrait par rapport à la position du Parlement européen. Revenant sur le point 11 relatif à la référence faite à l'expérience suédoise de libéralisation du secteur postal, il a mentionné le cas contraire des Etats-Unis où il existe un monopole d'accès aux boîtes postales. M. Gérard Fuchs a ensuite proposé l'ajout d'un quatorzième point concernant la nécessité d'adopter une directive cadre sur les services d'intérêt général, afin d'éviter la multiplication des directives sectorielles.

Soutenant cette proposition, M. Jean-Marie Bockel a souligné qu'elle serait également très utile pour défendre la notion de régie, actuellement menacée par la Commission européenne.

M. Maurice Ligot a ensuite demandé des précisions sur la distinction opérée entre services réservés, service universel et services spécifiques. Pour davantage de clarté, il a proposé au point 5 de remplacer le terme de « services réservés » par celui de « service universel », ce qui a été accepté par la Délégation.

Au point 4, M. Maurice Ligot a souhaité qu'une nouvelle rédaction permette d'affirmer plus clairement la défense du principe de péréquation tarifaire et le rejet de la création d'un fonds de compensation.

A l'issue de la discussion, la Délégation a adopté la proposition de résolution ainsi modifiée :

« L'Assemblée nationale,

- Vu l'article 88-4 de la Constitution,

- Vu la proposition de directive du Parlement européen et du Conseil modifiant la directive 97/67/CE en ce qui concerne la poursuite de l'ouverture à la concurrence des services postaux de la Communauté, du 30 mai 2000 (COM [2000] 319 final / E 1520),

- Vu la proposition modifiée de directive du Parlement européen et du Conseil modifiant la directive 97/67/CE en ce qui concerne la poursuite de l'ouverture à la concurrence des services postaux de la Communauté, du 21 mars 2001 (COM [2001] 109 final),

- Vu la résolution du Conseil du 7 février 1994 sur le développement des services postaux communautaires (JO C 48 du 16 février 1994),

- Vu la directive 97/67/CE du Parlement européen et du Conseil du 15 décembre 1997 concernant des règles communes pour le développement du marché intérieur des services postaux de la Communauté et l'amélioration de la qualité du service,

- Vu les résolutions du Parlement européen du 14 janvier 1999 et du 18 février 2000 sur les services postaux européens,

- Vu la résolution de l'Assemblée nationale adoptée le 10 décembre 2000 sur la poursuite de l'ouverture à la concurrence des services postaux de la Communauté (TA n° 588),

- Vu la résolution de l'Assemblée nationale adoptée le 20 décembre 2000 sur la communication de la Commission sur les services d'intérêt général en Europe (TA n° 599) (COM [2000] 580 final / E 1560),

- Vu la proposition de résolution de la Délégation de l'Assemblée nationale pour l'Union européenne n° 3142 du 14 juin 2001 sur les services d'intérêt général en Europe (COM [2000] 392 final / E 1551),

Considérant que la Commission propose, dans le document E 1520 (COM [2000] 319 final du 30 mai 2000), d'ouvrir le secteur postal européen à la concurrence ;

Considérant que le service universel est l'un des éléments de la cohésion économique, sociale et territoriale de l'Union européenne qui justifie une libéralisation graduelle et maîtrisée des services postaux de la Communauté ;

Considérant le développement de la jurisprudence relative aux services postaux, et notamment l'arrêt « Corbeau » de la Cour de justice des Communautés européennes en date du 19 mai 1993, qui rappelle l'importance de l'équilibre économique du service d'intérêt économique général assumé par le titulaire du droit exclusif ;

Considérant que le Conseil européen de Lisbonne des 23 et 24 mars 2000 a souhaité l'élaboration d'une stratégie pour l'élimination des entraves aux services, y compris les services postaux, et l'accélération de la libéralisation dans les secteurs tels que celui des services postaux, en vue d'y réaliser un marché intérieur opérationnel ;

Considérant les évolutions technologiques et économiques qui affectent les acteurs de ce secteur ;

Considérant qu'un accord entre les différents Etats membres est indispensable pour lever les incertitudes qui pèsent actuellement sur l'avenir du service postal universel ;

1. Rappelle que la libéralisation n'est pas un objectif en soi et que l'existence des services d'intérêt général constitue l'un des piliers du modèle social européen dans le cadre d'une économie concurrentielle ;

2. Estime que la proposition de la Commission bouleverse l'équilibre initial de la directive 97/67/CE et fragilise les garanties apportées au service universel ;

3. Affirme sa volonté de promouvoir un service postal universel doté des moyens d'assurer un service de qualité en matière de collecte, de tri et de distribution du courrier, en tout point du territoire et à un prix abordable ;

4. Réitère son attachement au principe de péréquation tarifaire et rejette la création d'un fonds de compensation ;

5. Considère que les progrès technologiques peuvent justifier une évolution du périmètre du service universel, dont le contenu devra être périodiquement révisé pour tenir compte du caractère évolutif de sa définition ;

6. Demande que la notion de services spécifiques fasse l'objet d'une définition précise fondée sur une liste fermée de critères incontestables qui se réfèrent notamment au prix des prestations. Cette liste de critères doit pouvoir faire l'objet d'une révision périodique ;

7. Souligne que la définition qui sera retenue des services spécifiques doit permettre de garantir la sécurité juridique des activités postales et notamment le respect du secteur réservé au prestataire du service universel. Cela justifie l'ajout d'une clause anti-contournement afin d'éviter une libéralisation insidieuse du secteur par l'introduction de services spécifiques permettant le contournement du secteur réservé ;

8. Considère que la libéralisation du secteur doit s'accompagner d'un renforcement de procédures de contrôle de la qualité des prestations, tant pour les services réservés que pour les services spécifiques ;

9. Considère que la libéralisation, dès 2003, du courrier transfrontalier sortant doit s'accompagner de dérogations possibles pour les Etats membres dont le chiffre d'affaires du courrier transfrontalier sortant représente plus de 20 pour cent du chiffre d'affaires généré par le service universel ;

10. S'oppose à une libéralisation totale et automatique du secteur postal, quelle que soit sa date, et exige qu'une nouvelle proposition soit établie par la Commission et soumise au Parlement européen et au Conseil, selon la procédure de codécision, avant le passage à l'étape décisive de 2009 ;

11. Conteste que l'expérience suédoise de libéralisation du secteur postal puisse servir de modèle à l'ouverture à la concurrence du secteur postal européen ;

12. Se déclare favorable à une évolution graduelle et maîtrisée du secteur postal, qui exige le respect d'un calendrier en trois étapes (2003 - 2006 - 2009) ;

13. Désapprouve les seuils de prix et de poids préconisés par la Commission et défend - en accord avec la position exprimée par le Parlement européen - l'adoption de seuils compatibles avec une ouverture progressive du marché postal à la concurrence, soit 150 g et 4 fois le tarif de base en 2003 ;

14. Réaffirme son souhait de voir la Communauté européenne se doter d'une directive cadre relative aux services d'intérêt général, affirmant l'existence d'objectifs et d'obligations qui doivent être respectés par la concurrence. »

II. Communication du Président Alain Barrau sur les mesures prises par l'Union européenne à la suite des attentats aux Etats-Unis

Le Président Alain Barrau a rappelé que, dès le lendemain des attentats, la réaction des autorités européennes avait été rapide, globale et unanime. Dans le domaine de la sécurité aérienne, le Conseil des ministres des transports a décidé, le 14 septembre, d'appliquer plus strictement les règles de sûreté définies par la Conférence européenne de l'aviation civile (CEAC), de renforcer les mesures de prévention au sein de l'OACI, et les règles de contrôle prévues par la Convention de Chicago, et de créer un groupe ad hoc, bien qu'il n'existe pas actuellement de législation communautaire dans ce domaine, pour accroître la cohérence de la réglementation communautaire. C'est ainsi que la Commission a présenté le 10 octobre une proposition de règlement visant à renforcer la sécurité dans les aéroports et dans les appareils.

Le Président Alain Barrau a ensuite évoqué les deux propositions de décisions-cadres présentées au Conseil JAI du 20 septembre. Le but de ces textes est de mettre en place une véritable coopération pénale européenne, basée sur la reconnaissance mutuelle automatique entre les autorités judiciaires des Etats membres. Ces textes étaient prêts depuis plusieurs mois et devaient être présentés en octobre. Les événements du 11 septembre en ont accéléré la discussion. La première proposition vise à une définition commune des actes terroristes et à la fixation de niveaux de sanctions harmonisés. La seconde proposition consiste à remplacer les lourdes procédures traditionnelles d'extradition, souvent mises à profit par les terroristes, par un système de remise entre autorités judiciaires, basé sur un mandat d'arrêt européen. Ces deux textes devraient être adoptés définitivement les 6 et 7 décembre, sous réserve qu'un certain nombre de difficultés juridiques soient réglées d'ici-là.

Abordant la réunion du Conseil européen extraordinaire du 21 septembre, le Président Alain Barrau a souligné qu'il avait permis de faire le point sur l'ensemble des moyens politiques, diplomatiques, économiques, juridiques et financiers dont l'Union dispose pour combattre le terrorisme et de fixer précisément le calendrier de travail des institutions européennes dans ce domaine pour les mois à venir.

Le Président Alain Barrau a également détaillé les conclusions du nouveau Conseil JAI des 27 et 28 septembre, qui a permis aux ministres de la justice et de l'intérieur des Quinze de se mettre d'accord sur les grandes lignes de la structure et les compétences d'Eurojust, le futur organe de coopération des magistrats européens que l'Union européenne veut voir fonctionner à partir du 1er janvier prochain, et sur l'élargissement du mandat d'Europol à la lutte contre toutes les formes graves de criminalité internationale et le blanchiment d'argent.

Il a évoqué par ailleurs l'intense activité diplomatique de la troïka européenne (Javier Solana, Louis Michel, Chris Patten) dans le monde arabe et musulman, le rapprochement entre l'Union européenne et la Russie, l'aide financière de l'Union européenne aux réfugiés afghans, et la décision prise par la Banque centrale européenne d'injecter massivement des capitaux sur les marchés, et de baisser ses taux d'intérêt d'un demi-point le 17 septembre, dans un geste concerté avec la réserve fédérale américaine.

Le Président Alain Barrau a enfin souligné que la réaction de l'Union européenne devrait être complétée et approfondie sur les points suivants :

- le dialogue euro-méditerranéen doit être revivifié ;

- une Europe de la défense et une politique étrangère et de sécurité réellement commune doit être mise en place le plus rapidement possible, sans que l'ambition de la force de projection commune soit d'être utilisée sur des théâtres d'opération extra-européens ;

- les 13 pays candidats doivent être étroitement associés aux décisions du Conseil européen en matière de lutte contre le terrorisme ;

- les propositions de la Commission pour la création d'un ciel unique européen doivent être mises en _uvre, les contrôles étant plus efficaces dans un système intégré ;

- les moyens de la défense civile et de la défense du territoire doivent être harmonisés ;

- au-delà de la création attendue d'Eurojust, l'institution d'un véritable parquet européen apparaît indispensable ;

- l'idée d'une unification des douanes et des polices des frontières des Etats membres a été régulièrement évoquée à Bruxelles mais jamais appliquée ;

- la surveillance des circuits financiers devra être renforcée, avec la nécessaire ratification de la Convention adoptée par l'ONU sur la lutte contre le financement du terrorisme, l'élaboration souhaitable d'un compromis entre le Parlement européen et le Conseil sur l'application des mesures de lutte contre le blanchiment des capitaux, le renforcement de la proposition de directive sur les délits d'initié et les manipulations de marché, l'aboutissement de la proposition de règlement destinée à geler dans toute l'Union européenne les avoirs de 27 personnes et organisations, et l'extension au terrorisme du domaine de compétence du Groupe d'action financière international (GAFI) ;

- l'Union européenne doit soutenir activement la conjoncture et s'engager dans un plan de relance pour aider l'emploi et financer des grands travaux d'intérêt collectif ;

- une lettre rectificative au budget 2002 de l'Union européenne doit permettre sur le plan budgétaire, la mise en _uvre rapide du plan d'action défini par le Conseil européen.

En conclusion, le Président Alain Barrau a proposé que certains des membres de la Délégation puissent étudier, à l'occasion de rapports d'information particuliers, la mise en _uvre de certaines des mesures les plus significatives du dispositif arrêté par l'Union européenne.

M. Pierre Brana a approuvé les propositions du Président de la Délégation, et appelé l'attention sur la nécessité d'accélérer la réalisation d'Eurojust, souvent remise en cause dans un passé récent, et d'en évaluer toutes les conséquences. Tout en acceptant la création d'un mandat d'arrêt européen, il a évoqué la nécessité d'une harmonisation préalable du droit pénal des Etats membres. Il s'est prononcé en faveur d'un véritable parquet européen. Il a déclaré qu'Europol et Eurojust étaient indissociables.

M. Gérard Fuchs a estimé que la crise internationale constituait une occasion utile d'accélérer la construction d'une Europe de la justice et des affaires intérieures, en mettant l'accent sur la répression du terrorisme, de la fausse monnaie, du blanchiment de l'argent sale ou de la traite des êtres humains. Il a également souhaité un renforcement de la politique extérieure et de sécurité commune, notamment au Proche-Orient, une affectation des excédents du budget communautaire au soutien conjoncturel de la croissance économique, et une implication mieux définie de la B.C.E. dans la politique économique et sociale de l'Union.

M. Maurice Ligot a regretté que le retard de la mise en place d'une Europe de la défense permette à la Grande-Bretagne de participer à des opérations militaires sans concertation avec ses partenaires. Il a évoqué les défaillances du transport aérien militaire. Rappelant enfin que les Etats-Unis savaient utiliser l'Etat pour soutenir la croissance en cas de nécessité, il a déploré la faiblesse du budget européen, et suggéré la mise à l'étude d'un véritable impôt européen, à pression fiscale constante pour les contribuables.

Mme Béatrice Marre a souligné l'utilité de la communication du Président Alain Barrau. En matière de justice, elle a mis l'accent sur l'urgence d'une harmonisation des délits et des peines. Elle a constaté que la limite de 1,27 % du PIB ne permettrait pas d'accroître les transferts de compétences et d'approfondir la construction européenne. Elle s'est déclarée favorable à une association étroite des 13 pays candidats aux mesures mises en _uvre par l'Union pour combattre le terrorisme.

M. Jean-Claude Lefort a critiqué le plan de la France pour l'Afghanistan, présenté par le ministère des affaires étrangères, notamment en ce qui concerne le rôle de l'ancien souverain. Il a souhaité un renforcement du dialogue euro-méditerranéen, estimant que l'autorité palestinienne constituait un interlocuteur indispensable pour rétablir la paix au Proche-Orient. Il a regretté l'attitude de la Grande-Bretagne et rappelé le rôle de l'ONU pour résoudre la crise. Evoquant une récente mission en Slovénie, il a considéré que l'association étroite des pays candidats au plan de l'Union européenne pour lutter contre le terrorisme était indispensable en raison de la présence de réseaux terroristes dans les Etats frontaliers. Il a proposé que l'Union européenne soutienne financièrement les compagnies aériennes des Etats membres, comme l'ont fait les Etats-Unis pour leurs propres compagnies, afin d'éviter de fausser les règles de la concurrence.

En réponse aux différents intervenants le Président Alain Barrau s'est tout d'abord déclaré en accord avec MM. Pierre Brana et Gérard Fuchs et Mme Béatrice Marre quant à la nécessité de profiter des circonstances internationales actuelles pour faire fortement progresser l'action commune des Etats membres dans le domaine Justice-affaires intérieures (JAI). Il a par ailleurs rejoint l'opinion exprimée par MM. Gérard Fuchs et Jean-Claude Lefort à propos d'une action diplomatique renforcée de l'Union dans le cadre du conflit israélo-palestinien.

S'agissant de la politique de sécurité et de défense, il a estimé que la coopération très étroite de la Grande-Bretagne avec les Etats-Unis dans le cadre de la lutte actuelle contre le terrorisme international devait être distinguée du renforcement de la politique européenne en matière de sécurité et de défense en ce qui concerne le territoire même de l'Union ; il a considéré que le renforcement de cette politique n'était pas remis en cause par des actions individuelles d'Etats membres en dehors du territoire européen et qu'il ne fallait pas vouloir traiter tout en même temps. M. Jean-Bernard Raimond a estimé à ce propos qu'il s'agissait d'un problème de communication avec l'opinion publique qui ne prend pas en compte la spécificité du champ européen.

Le Président Alain Barrau a ensuite rejoint l'opinion exprimée par M. Maurice Ligot à propos de la nécessité d'une action dans le domaine économique, en précisant qu'il convenait d'agir sans tarder pour soutenir les compagnies aériennes européennes, qui sont en situation très difficile, comme l'on fait massivement pour leur part les Etats-Unis au profit de leurs propres compagnies. Il a par ailleurs rejoint l'opinion exprimée par Mme Béatrice Marre à propos du renforcement des moyens d'action de l'Union, et a estimé que la discussion sur le seuil budgétaire des 1,27 % pouvait, au vu de cet objectif, être reconsidérée.

III. Examen des textes soumis à l'Assemblée nationale en application de l'article 88-4 de la Constitution

Sur le rapport du Président Alain Barrau, la Délégation a examiné des textes soumis à l'Assemblée nationale en application de l'article 88-4 de la Constitution.

¬ Justice et affaires intérieures

A propos du document E 1719 (Initiatives du Royaume de Suède en vue de la modification des procédures et des compétences d'Europol dans la lutte contre les formes graves de criminalité internationale), après avoir rappelé qu'il avait levé la réserve d'examen parlementaire selon la procédure d'urgence sur ce texte dans la perspective de la tenue du Conseil « Justice et affaires intérieures » des 27 et 28 septembre 2001, le Président Alain Barrau a fait état des décisions prises par ce Conseil pour préparer le développement de réflexions ultérieures, notamment pour la clarification des relations entre Europol et Eurojust et la mise au point de contrôles parlementaires, judiciaires et administratifs sur l'activité d'Europol.

Après intervention de Mme Béatrice Marre, qui a demandé des précisions sur le contenu de l'extension de compétences envisagée au profit d'Europol, la Délégation a pris acte de la communication de son Président.

Elle a également pris acte de la levée de la réserve d'examen parlementaire selon la procédure d'urgence sur les projets d'accords de coopération entre la Pologne, la Hongrie, l'Estonie et la Slovénie d'une part, Europol d'autre part (documents E 1807, E 1808, E 1809 et E 1810).

¬ Commerce extérieur

Le Président Alain Barrau a indiqué aux membres de la Délégation que la proposition de règlement modifiant le règlement (CE) n° 3072/95 portant organisation commune du marché du riz (document E 1760) a fait l'objet d'une demande d'examen en urgence par lettre du ministre délégué en charge des affaires européennes en date du 3 octobre 2001, à la quelle il a répondu le même jour en levant la réserve d'examen parlementaire. Ce texte procède à une simple modification technique des dates de paiement des aides compensatoires pour le riz.

Puis la Délégation a levé la réserve d'examen parlementaire sur :

· la proposition de règlement modifiant le règlement (CE) n° 1493/1999 portant organisation commune du marché vitivinicole (document E 1764). Ce texte met en _uvre un accord politique intervenu en faveur de la France au sein du Conseil, aux termes duquel les droits de plantation nouvelle octroyés aux jeunes agriculteurs sont rendus temporairement éligibles au régime de soutien à la restructuration institué par le règlement n°1493/1999 ;

· la proposition de règlement relatif aux modalités d'application de l'article 12, paragraphe 2, de l'accord sous forme d'échanges de lettres entre la Communauté économique européenne et la principauté d'Andorre (document E 1768). Ce texte a pour objet de rendre opérationnel l'article 12 de l'accord aux termes duquel les tabacs manufacturés dans la Communauté bénéficient d'une préférence tarifaire lors de leur importation en Andorre.

Le Président Alain Barrau a indiqué aux membres de la Délégation que la proposition de décision relative à la signature et à la conclusion au nom de la Communauté européenne de l'accord international sur le café de 2001 (document E 1794) a fait l'objet d'une demande d'examen en urgence par lettre du ministre délégué en charge des affaires européennes en date du18 septembre 2001, à la quelle il a répondu le 19 septembre en levant la réserve d'examen parlementaire.

La Délégation a ensuite examiné les textes suivants :

· la proposition de décision relative à la conclusion d'un protocole additionnel d'adaptation des aspects commerciaux de l'accord européen établissant une association entre les Communautés européennes et leurs Etats membres, agissant dans le cadre de l'Union européenne, d'une part, et la République de Slovénie, d'autre part, pour tenir compte des résultats des négociations entre les parties concernant l'établissement de concessions préférentielles réciproques pour certains vins et spiritueux, la reconnaissance, la protection et le contrôle réciproques des dénominations de vins, ainsi que la reconnaissance, la protection et le contrôle réciproques des appellations de spiritueux et de boissons aromatisées (document E 1801) ;

· la proposition de décision relative à la conclusion d'un protocole additionnel à l'accord de stabilisation et d'association entre les Communautés européennes et leurs Etats membres, d'une part, et la République de Croatie, d'autre part, pour tenir compte des résultats des négociations entre les parties concernant l'établissement de concessions préférentielles réciproques pour certains vins et spiritueux, la reconnaissance, la protection et le contrôle réciproques des dénominations de vins, ainsi que la reconnaissance, la protection et le contrôle réciproques des appellations de spiritueux et de boissons aromatisées (document E 1802) ;

· la proposition de décision relative à la conclusion d'un protocole additionnel à l'accord intérimaire entre les Communautés européennes et leurs Etats membres, d'une part, et la République de Croatie, d'autre part, pour tenir compte des résultats des négociations entre les parties concernant l'établissement de concessions préférentielles réciproques pour certains vins et spiritueux, la reconnaissance, la protection et le contrôle réciproques des dénominations de vins, ainsi que la reconnaissance, la protection et le contrôle réciproques des appellations de spiritueux et de boissons aromatisées (document E 1804) ;

· la proposition de décision relative à la conclusion d'un protocole additionnel à l'accord de stabilisation et d'association entre les Communautés européennes et leurs Etats membres, d'une part, et l'ancienne République yougoslave de Macédoine, d'autre part, pour tenir compte des résultats des négociations entre les parties concernant l'établissement de concessions préférentielles réciproques pour certains vins et spiritueux, la reconnaissance, la protection et le contrôle réciproques des dénominations de vins, ainsi que la reconnaissance, la protection et le contrôle réciproques des appellations de spiritueux et de boissons aromatisées (document E 1805) ;

· la proposition de décision relative à la conclusion d'un protocole additionnel à l'accord intérimaire entre les Communautés européennes et leurs Etats membres, d'une part, et l'ancienne République yougoslave de Macédoine, d'autre part, pour tenir compte des résultats des négociations entre les parties concernant l'établissement de concessions préférentielles réciproques pour certains vins et spiritueux, (document E 1806) ;

Le Président Alain Barrau a indiqué que la Slovénie, les autres anciennes républiques de Yougoslavie et l'Albanie bénéficient pour certains vins d'un accès en franchise de droits au marché de la Communauté sous la forme d'un contingent global de 545 000 hectolitres. Les protocoles d'accords soumis à l'examen de la Délégation ont pour objet de répartir ce contingent entre la Slovénie, la Croatie et la Macédoine. D'autre part, chaque protocole d'accord comporte une annexe sous forme d'accord relatif à la reconnaissance, à la protection et au contrôle réciproques des appellations. Le Président Alain Barrau a noté que le dispositif de protection des dénominations de chaque accord est dépourvu d'une annexe établissant la liste des appellations à protéger. La Commission a en effet indiqué que cette liste serait arrêtée ultérieurement, par les comités de gestion au sein desquels les Etats membres sont représentés. Néanmoins, l'entrée en vigueur, au 1er janvier 2002, d'accords dépourvus de listes d'appellations avec la Croatie et la Macédoine suscite les réserves des autorités françaises. Le Président Alain Barrau a estimé que le cas de la Slovénie devait être mis à part, car la reprise de l'acquis communautaire par ce pays, engagé dans une démarche d'adhésion à l'Union, constitue une garantie de protection des appellations communautaires et notamment françaises. Tel n'est pas le cas de la Macédoine et de la Croatie. Pour ces pays, la France a proposé que les accords entrent en vigueur, à la condition que la liste des Vins de qualité produits dans une région déterminée (VQPRD) leur soit annexée. M. Pierre Brana a estimé que la demande française, en ce qui concerne la Croatie et la Macédoine, était parfaitement justifiée. Il convient, en effet, d'éviter les importations dans la Communauté de vins de mauvaise qualité. M. François Loncle a considéré que l'exigence posée par la France était également justifiée, eu égard aux efforts considérables fournis par les viticulteurs français pour améliorer la qualité de leurs produits. Mme Béatrice Marre a rappelé que la protection des indications géographiques et des appellations était l'un des enjeux majeurs du prochain cycle de négociations commerciales multilatérales.

A l'issue de ce débat, la Délégation, sur la proposition du Président Alain Barrau a levé la réserve d'examen parlementaire sur l'accord relatif au commerce du vin avec la Slovénie (document E 1801). En revanche, s'agissant des accords avec la Croatie et la Macédoine (documents E 1802, E 1804, E 1805 et E 1806), la Délégation a décidé de lever la réserve d'examen parlementaire à la condition expresse que ces accords soient conclus en faisant explicitement référence à une liste effectivement établie des VQPRD.

La Délégation a ensuite levé la réserve d'examen parlementaire sur la proposition de règlement portant ouverture et mode de gestion d'un contingent tarifaire pour les importations de café soluble. Le contingent est ouvert annuellement et pour un durée initiale de trois ans, avec un volume de 10 000 tonnes pour la première année, de 12 000 tonnes pour la deuxième année et de 14 000 tonnes pour la troisième année (document E 1803).

¬ PESC et relations extérieures

La Délégation a levé la réserve d'examen parlementaire sur les documents E 1779 et E 1819 concernant la signature et la conclusion de l'accord de stabilisation et d'association et de l'accord intérimaire avec la Croatie. Ce deuxième accord de stabilisation et d'association négocié par l'Union européenne avec l'un des cinq Etats de la région des Balkans occidentaux fait suite à celui déjà signé avec l'ancienne République yougoslave de Macédoine (ARYM).

¬ Pêche

La Délégation a examiné le document E 1748 modifiant le régime de contrôle applicable à la politique commune de la pêche, afin d'obliger les Etats membres à interdire la détention à bord et l'utilisation par leurs navires des engins de pêche pouvant entraîner des captures même accessoires de cabillaud et de merlu en mer du Nord, lorsque les quotas nationaux pour ces espèces faisant l'objet d'un plan de récupération sont épuisés. Cette proposition vise donc à garantir le respect des quotas et la reconstitution des stocks et s'insère dans un dispositif d'ensemble pour la protection du cabillaud et du merlu, qui prévoit également des mesures visant à accroître la sélectivité des engins de pêche pour protéger les juvéniles, et un plan pluriannuel pour la reconstitution des stocks de cabillaud et de merlu en mer du Nord.

Après que le Président Alain Barrau eut rappelé que la France, ainsi que la plupart des Etats membres, s'opposent à ce texte qui reviendrait pratiquement à interdire toute activité de pêche une fois consommés les quotas des stocks sujets à un plan de rétablissement, la Délégation a décidé de soutenir la position prise par le Gouvernement de s'opposer à ce texte.

La Délégation a ensuite examiné le document E 1789, comportant deux propositions de décisions du Conseil relatives, l'une aux objectifs et modalités visant à restructurer le secteur de la pêche communautaire en vue d'atteindre un équilibre durable entre les ressources et leur exploitation, l'autre aux conditions des actions structurelles de la Communauté dans le secteur de la pêche.

Le premier texte propose tout d'abord de proroger jusqu'à la fin 2002 le programme d'orientation pluriannuel de 4ème génération visant à réaménager la taille de la flottille de pêche des Etats membres, afin de mettre en cohérence le calendrier du POP IV avec celui de la réforme de la politique commune de la pêche. Il propose aussi de poursuivre et d'accentuer en 2002 la réduction de l'effort de pêche.

Le second texte renforce les contraintes en vigueur pesant sur les conditions d'intervention de l'instrument financier d'orientation de la pêche (IFOP) : l'octroi de l'aide aux constructions et à la modernisation serait subordonné au respect des objectifs du POP dans tous les segments, et pas seulement dans le segment concerné ; l'octroi de l'aide aux constructions et à la modernisation serait interdit dans tout segment où les réductions d'activité sont mises en _uvre afin de réaliser les objectifs du POP ; serait également interdit l'octroi de l'aide publique au transfert de navires vers les pays tiers qui ont été identifiés comme autorisant la pêche « d'une façon qui compromet l'efficacité des mesures internationales de conservation », pour viser la pêche sous pavillon de complaisance.

Le Président Alain Barrau a souligné les fortes réserves de la France : d'une part, elle souhaite que la prorogation du POP soit effectuée à objectifs constants pour ne pas anticiper sur la réflexion de fond qu'exige la refonte du dispositif et regrette que la prorogation soit le prétexte d'un renforcement des objectifs du POP ; d'autre part, elle regrette la volonté de la Commission de durcir un dispositif déjà terriblement contraignant qui hypothèque la sécurité des équipages, la rentabilité des navires et la compétitivité du secteur.

La Délégation a décidé de demander au Gouvernement de s'opposer à ces deux propositions de décision.

La Délégation a ensuite levé la réserve d'examen parlementaire sur :

· les documents E 1781, E 1782, E 1783, E 1784, E 1785, E 1791 et E 1792 relatifs à la conclusion d'un accord concernant les produits de la pêche sous la forme d'un protocole additionnel à l'accord européen d'association entre les Communautés européennes et, respectivement, la Slovaquie, la Hongrie, la Pologne, la Slovénie, l'Estonie, la Lituanie et la Lettonie. Ces accords prévoient une libéralisation complète des échanges de produits de la pêche sur une période de deux ans pour la Slovaquie et de trois ans pour les autres pays candidats, dans la perspective de leur adhésion à l'Union européenne ;

· les documents E 1786 et E 1787 relatifs à l'application provisoire et à la conclusion du protocole fixant les possibilités de pêche et la contrepartie financière prévues dans l'accord de pêche entre la Communauté européenne et Madagascar ;

· les documents E 1796 et E 1997 relatifs à la prorogation jusqu'au 31 décembre 2001 du protocole fixant les possibilités de pêche et la contrepartie financière prévues dans l'accord conclu entre la Communauté européenne et le Sénégal.

IV. Informations relatives à la Délégation

Le Président Alain Barrau a présenté les principaux éléments du programme de travail de la Délégation pour le trimestre à venir :

- les « Mardis de l'Europe » organisés chaque mardi à 17h30 Salle Lamartine, à l'initiative de la Délégation, ont repris avec l'audition de M. Hubert Védrine, ministre des affaires étrangères, et se poursuivront jusqu'à la mi-décembre. L'audition de M. Kavan, ministre tchèque des affaires étrangères, prévue le 16 octobre, débutera à 17h45 ;

- les réunions communes avec les membres de la commission des affaires étrangères et ceux de la défense, qui constituent un élément d'information régulière et très utile du Parlement sur la situation internationale, seront poursuivies ;

- la Délégation auditionnera M. Huwart, secrétaire d'état au commerce extérieur, le 17 octobre à 16h15, avec les membres de la commission des affaires étrangères, pour débattre de la préparation de la conférence qui doit se tenir à Doha sur les négociations commerciales internationales ;

- un débat sur l'Europe et la mondialisation devrait être organisé par la Délégation le mercredi 31 octobre (matin) ;

- les Assises sur l'avenir de l'Europe réunissant les différents délégués qui ont participé aux assises régionales de l'Europe auront lieu les 7 et 8 novembre 2001. Une séance solennelle est prévue dans l'hémicycle dans la matinée du 8 novembre ;

- la Délégation souhaite organiser, le 20 décembre prochain, une réunion commune avec les commissions spécialisées dans les affaires européennes des parlements des pays candidats.