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L'abbé Pierre


© Assemblée nationale

Éléments biographiques

Henri, Marie, Antoine Grouès, dit L'Abbé Pierre

(5 août 1912 - 22 janvier 2007)

Membre de la première et de la seconde Assemblées nationales constituantes (Meurthe-et-Moselle)

Député de la Meurthe-et-Moselle de 1946 à 1951.

Henri Grouès naît à Lyon, cinquième de huit enfants, dans une riche famille de soyeux, catholique et très unie. Après ses études secondaires au collège des Jésuites et une année à la Faculté des Lettres, sa vocation le fait entrer dans l'ordre contemplatif des Capucins. Il accomplit ses années de noviciat à Saint-Etienne et à Crest, dans la Drôme, où il étudie la philosophie et la théologie. Mais des raisons de santé l'obligent à quitter la vie monastique. Il est ordonné prêtre le 24 août 1938. Sous-officier pendant la campagne de France, il est nommé vicaire à la cathédrale de Grenoble et aumônier de divers groupements. Son activité pastorale se double rapidement d'une activité clandestine au service d'israélites, de résistants ou de réfractaires qu'il cache où qu'il aide à passer en Suisse. Ainsi en est-il de Jacques de Gaulle, frère cadet du Général de Gaulle, malade et menacé d'arrestation. Il participe également à la création d'un maquis dans le Vercors où il devient l'abbé Pierre. Traqué, il doit passer en Espagne fin mai 1944 et parvient à gagner Alger le 16 juin 1944. Aumônier des troupes de marine de la France libre, il sert d'abord au Maroc, sur le Jean-Bart, puis à Paris quand s'achève la guerre.

En vue de l'élection de l'Assemblée constituante, il est sollicité par Pierre-Henri Teitgen, figure importante du jeune Mouvement républicain populaire, ainsi que par certains membres de l'entourage du général de Gaulle. Non sans hésitation, il accepte de se présenter et opte pour la Meurthe-et-Moselle, département où Pierre-Henri Teitgen avait des attaches. Il se présente comme candidat indépendant, à la tête d'une liste essentiellement composée de militants du MRP. Au terme d'une campagne active, déployée surtout en milieu ouvrier, il est l'unique élu de sa liste qui obtient 41 817 voix sur 231 983 suffrages exprimés. Membre de la commission de la défense nationale, l'abbé Pierre s'inscrit au groupe MRP auquel il a fini par adhérer, tout en soulignant que la vraie carte pour lui n'est pas celle de son parti, mais celle de sa conscience. Il dépose deux propositions de loi en faveur des combattants de la Résistance et des réfractaires au STO. Il intervient à de rares reprises, la plus notable étant une demande d'invalidation des porteurs de la Francisque. Comme l'ensemble de son groupe il rejette le projet constitutionnel le 19 avril 1946.

Aux élections du 2 juin, la poussée des voix du MRP (65 008 sur 244 662 suffrages exprimés) permet à sa liste de conquérir un deuxième siège. L'abbé Pierre retrouve la commission de la défense nationale mais sa participation est plus modique encore qu'à la première Constituante. De toute évidence le milieu et les rites parlementaires lui déplaisent même si, de son propre aveu, il ne cache pas son admiration pour Pierre Mendès France ou Robert Schuman, et si une vive amitié le lie désormais à Robert Buron. A l'inverse, ses relations avec Georges Bidault, principale figure du MRP et alors chef du gouvernement provisoire, manquent d'aménité.

A l'élection de l'Assemblée nationale le 10 novembre 1946, la liste qu'il conduit à nouveau accuse une nette régression (49 270 voix sur 233 709 suffrages exprimés) qui profite surtout au Parti républicain de la liberté qui emporte un troisième siège alors que le MRP perd son second élu. Désigné à la même commission que précédemment, et plus tard à la commission des pensions (1948) et à celle de l'intérieur (1951), l'abbé Pierre est également juré à la Haute Cour de justice. Tout au long de cette première législature, son activité parlementaire est plus soutenue que précédemment. A travers diverses propositions de loi, sa sollicitude va aux résistants et aux familles nombreuses. Ses interventions en séance ne manquent pas d'intérêt et d'originalité. Ainsi introduit-il un amendement tendant à prévoir une contribution de d'un millième des dépenses militaires au profit des organisations fédérales mondiales (13 juin 1949), proposition qu'il faut relier à son appartenance au Mouvement fédéraliste universel; ou une demande d'interpellation sur le scandale de l'incarcération des objecteurs de conscience (13 octobre 1949). Ses votes sont globalement conformes à la discipline du groupe MRP dont il se sépare toutefois sur l'Indochine. Ayant dénoncé le 20 novembre 1950 l'absence d'initiative diplomatique française en vue de mettre fin aux combats, il vote contre la politique indochinoise du gouvernement Pleven à laquelle le MRP est étroitement associé. De même votera-t-il contre la loi sur les apparentements, qu'il juge immorale, le 7 mai 1951. L'année précédente, il a du reste quitté le MRP pour fonder avec quelques autres dissidents - Paul Boudet, député de l'Hérault, et Charles d'Aragon, député des Hautes-Pyrénées - le groupe de la Gauche indépendante.

C'est sans illusion que l'abbé Pierre se présente aux élections législatives du 17 juin 1951, à la tête d'une liste de Défense des intérêts démocratiques et populaires composée de gens très humbles dépourvus de toute notoriété. Privé du soutien du MRP et de celui de la hiérarchie catholique, il n'obtient que 7,7 % des suffrages exprimés et perd son siège.

Cette expérience politique et parlementaire n'aura été qu'une parenthèse fermée sans regrets. A partir de 1949, l'abbé Pierre anime une communauté caritative sise à Neuilly-Plaisance prenant le nom, l'année suivante, des Compagnons d'Emmaüs. Son action, tournée vers les plus démunis et les sans-logis, prend véritablement son essor durant l'hiver 1953-54 qui soulève un grand élan de générosité et qui popularise définitivement le nom de son fondateur.

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L'abbé Pierre poursuit son combat contre les injustices, comme pèlerin de l’aide aux femmes et aux hommes en détresse (droit au logement, sans papiers). En 1984, il fait un retour sur la scène médiatique. Il tente d’aider les plus pauvres et les Restaurants du cœur naissent aussi de l’inspiration et de l’action de l’abbé Pierre. Grâce à l’action médiatique, qui l’exaspère tout en l’aidant, puis avec la création de la Fondation Abbé-Pierre pour le logement des défavorisés, il devient une « conscience de la société française », devenant une des personnalités les plus populaires de France. En vingt ans (1983-2003), il est élu, à dix-sept reprises, « personnalité préférée des Français ». En 2007, la loi sur le droit opposable au logement porte son nom.

Médaillé de la Résistance, commandeur de la Légion d'honneur (1981), Médaille d'or Albert-Schweitzer, Grand prix de l'Académie des sciences morales et politiques, l'abbé Pierre a retracé son action dans L'Abbé Pierre, Emmaüs ou venger l'homme, livre-interview avec Bernard Chevallier, Éditions du Centurion, 1979.

L'abbé Pierre s’éteint à Paris le 22 janvier 2007.

Bibliographie :

- Emmaüs ou venger l'homme..., entretiens de l'abbé Pierre avec Bernard Chevallier, (Éditions du Centurion, 1979).

- Dieu, merci (Bayard - Centurion, 1995).

- Le bal des exclus (Fayard, 1996).

- Mémoire d'un croyant (Fayard, 1997).

- Paroles (Actes Sud, 1999).

- Fraternité (Fayard, 1999).

- C'est quoi la mort ? (Albin Michel, 1999)

- En route vers l'absolu, Théodore Monod et l'abbé Pierre, entretiens avec Michel Bony (Flammarion, 2000).

- Je voulais être marin, missionnaire ou brigand. Carnets intimes inédits (Le Cherche Midi, 2002).

- Confessions (Albin Michel, 2002).

- Mon Dieu... pourquoi ? (Plon, 2005).

- Testament (Bayard, 2005).

- Éclats de voix, l'aventure d'Emmaüs (Le Rocher, 2006).

- Les Images de ma vie (Hoebeke, 2006).