Accueil > Archives de la XIIe législature > Discours de M. Jean-Louis Debré, Président de l'Assemblée nationale

20/03/2003 - Intervention à l'occasion du Colloque MIRIAD 21

Monsieur le Président,
Mesdames et Messieurs les Maires,
Mesdames, Messieurs,

Permettez-moi tout d'abord de vous dire le plaisir que j'ai de vous accueillir à l'Assemblée nationale pour ces trois journées de travail consacrées aux perspectives de développement et aux inquiétudes très légitimes des communes exposées aux risques industriels majeurs.

A nos voisins et amis européens, je dis du fond du cœur "soyez les bienvenus en France". Votre présence et votre participation active à ce projet "MIRIAD 21" sont le signe tangible que la notion de développement durable progresse à l'échelle de l'Europe. Elle s'impose chaque jour davantage, non sans difficultés ou réticences, au cœur des politiques publiques de tous les grands Etats modernes qui souhaitent relever le défi d'un développement équilibré. Un développement qui réponde aux besoins du présent sans hypothéquer le futur. J'y vois un signe d'espoir et un encouragement pour nous tous à poursuivre nos efforts, à partager aussi davantage nos expériences et nos approches, surtout lorsqu'elles sont innovantes. C'est un pari gagnant pour aujourd'hui et pour demain.

Quant à vous, mes chers collègues Éco-Maires français, je souhaite vous rendre hommage et vous féliciter en m'adressant à votre Président, Monsieur Dominique JOURDAIN, que je remercie d'avoir pris l'initiative de ce colloque. Je suis particulièrement heureux de constater, une fois de plus, le caractère exemplaire du travail initié par l'association des Éco-Maires. Il s'agit d'un travail de fond et de longue haleine, comme le prouve ce colloque. Un travail qui porte déjà ses premiers fruits. La Commission européenne ne s'y est d'ailleurs pas trompée puisqu'elle a sélectionné ce projet "MIRIAD 21".

Bravo donc, mes chers collègues français, de porter désormais avec vos autres collègues européens ce projet pionnier. Nous défendons ensemble l'idée d'une responsabilité environnementale et sociale des entreprises. Et nous souhaitons que cette vision soit adoptée par le plus grand nombre. Cela est vrai à notre niveau, celui de la commune. Cela est vrai à fortiori et doublement au niveau des États et de l'Europe chargés d'élaborer les normes et le cadre réglementaire.

Une actualité tragique nous le rappelle hélas régulièrement : les communes soumises aux risques industriels majeurs, qu'elles soient espagnoles, italiennes, grecques, tchèques, néerlandaises, belges, croates ou françaises, toutes ces communes affrontent les problématiques les plus cruciales du développement durable. Elles le font avec parfois un sentiment de solitude et sans réelles marges de manœuvres.

Il s'agit du même environnement en grande difficulté potentielle. Il s'agit de la même urgence sociale avec des citoyens dont les attentes sont fortes et contradictoires, des citoyens dont il faut assurer à la fois la sécurité et la santé tout en songeant aux générations futures.

Certes les défis sont immenses. Dans chacun de nos pays respectifs, les obstacles tant techniques que politiques ne manquent pas. Et le maire, bien évidemment, ne possède pas à lui seul la solution à tous les problèmes. Mais il est à la croisée de toutes les urgences et de toutes les difficultés. A défaut d'être responsable, on le rend du moins comptable aussi bien de la détresse de certains riverains que des impératifs économiques qui répondent chaque jour un peu plus à des logiques mondiales.

Nous devons à mon avis poursuivre deux objectifs.

Premier objectif : CONFRONTER NOTRE SAVOIR-FAIRE.

Si les difficultés ignorent allègrement les frontières, à l'image des pollutions, il doit en être de même pour les remèdes!

MIRIAD 21 sera pour vous un formidable outil de recherche, de dialogue et d'échanges. Il vous aidera à mieux cerner les risques tout en définissant de nouvelles politiques soucieuses du développement durable et des Agendas 21 locaux.

Deuxième objectif : LA PRÉVENTION.

La tâche du maire ne saurait se réduire à la gestion des crises une fois la catastrophe survenue !! Non, le maire a pris pleinement conscience de l'importance de son rôle d'anticipation. Je m'érige contre cette idée encore trop largement répandue qui voudrait que les risques majeurs soient une fatalité dont on pourrait seulement être tenté de se protéger, mais dont la prévention ne serait pas envisageable.

La volonté constante de prévenir le risque à la source a été au cœur du débat parlementaire que nous venons d'avoir tout récemment, ici à l'Assemblée nationale il y a un peu plus d'une semaine en première lecture, sur le projet de loi relatif aux risques naturels et technologiques.

L'opportunité de ce colloque MIRIAD 21 ne s'en trouve que renforcée à la lumière de cette actualité législative française. Tirant les leçons de la catastrophe de l'usine AZF Grande-Paroisse de Toulouse le 21 septembre 2001, et des inondations qui frappent la France à répétition, le Gouvernement français a fait le choix d'une politique volontariste visant à résorber progressivement les zones exposées aux risques technologiques majeurs. Mon collègue ici présent, Monsieur Alain VENOT, député-maire de Chateaudun en Eure et Loir fut le rapporteur de ce projet de loi important. Je salue d'ailleurs son travail considérable et de très grande qualité.

Sans trop m'étendre, car Monsieur VENOT le fera en détail et bien mieux que moi tout à l'heure, je souhaite cependant rappeler le triple objectif de ce projet de loi français :

1. Amélioration de l'information de nos citoyens, afin de développer une véritable "conscience du risque" au sein de la population.

2. Renforcement de la protection des personnes et des biens notamment en maîtrisant mieux l'urbanisation.

3. Indemnisation plus rapide des victimes des catastrophes technologiques.

Je fais volontairement l'impasse sur le volet "risques naturels", en dépit de son importance et du rôle là aussi primordial des maires. Mais ce n'est pas là notre sujet.

Nous venons de passer une première étape du débat parlementaire, avec une lecture dans chacune de nos Assemblées, au Sénat et ici à l'Assemblée nationale. Et ce débat a déjà considérablement enrichi le projet de loi initial.

Quelles sont les principales avancées ?

- Tout d'abord l'organisation obligatoire d'une réunion publique à l'occasion de chaque enquête publique portant sur une installation "Seveso seuil haut".

- Création d'un comité local d'information et de concertation (CLIC) sur les risques. Ce comité sera doté par l'Etat des moyens de remplir sa mission. Il pourra faire appel à des "tierces expertises" sur des sujets nécessitant le recoupement de plusieurs avis, il sera informé sur tout accident ou même incident touchant à la sécurité des installations. C'est un réel progrès vers la transparence !

Parmi les autres mesures phares du texte qui constituent à mes yeux des avancées significatives, citons encore :

- La création de Plans de Préventions des Risques Technologiques (P.P.R.T), visant à limiter les constructions dans le voisinage des 672 établissements à haut risque de France, dites (Seveso seuil haut). Ce PPRT a vocation à regrouper, en un document unique, toutes les mesures relatives à l'urbanisme en zone à risque, c'est à dire la limitation des constructions et les prescriptions de travaux de prévention. Afin de résorber les constructions dans les zones les plus dangereuses, le projet crée aussi un "droit de délaissement" qui permettra aux propriétaires désireux de quitter ces zones de mettre en demeure la collectivité, l'État et l'exploitant d'acheter leur bien.

Le débat nous a aussi donné l'occasion de faire adopter une série de mesures plus strictes et prévoyant des sanctions pénales.

En cas de faillite d'une entreprise, l'administrateur désigné devra dresser un bilan environnemental, en plus du bilan économique et social qu'il dressait déjà. L'objectif est de contraindre les administrateurs judiciaires à prendre en compte les travaux de prévention des risques et de réparation des dommages.

Je me félicite que les députés aient voté quasi unanimement l'obligation de constituer des garanties financières pour faire face à la dépollution des sols par les entreprises et à la remise en état en cas de fermeture.

Permettez-moi cependant de faire une simple observation pour conclure mon propos sur le projet de loi français. Il me semble qu'il nous faut toujours éviter les pièges qui se nichent inévitablement dans ce qui ne serait qu'une législation de circonstance, élaborée sous le coup de l'émotion ou de la colère. Cet écueil on ne l'évite qu'en optant pour une vision à long terme fondée sur des retours d'expériences formalisés et mûrement réfléchis. Une vision fondée aussi sur la transparence du débat et l'implication des citoyens les plus exposés. C'est là toute la philosophie de votre projet MIRIAD 21 dont je souligne l'ambition et les objectifs inscrits dans la durée, pour rendre la population active de sa propre prévention.

Mesdames, Messieurs,

Je souhaitais, par ma présence, en ouvrant vos travaux ce matin, appuyer l'ensemble de la démarche MIRIAD 21. Cette démarche est prometteuse, car elle doit nous permettre d'assurer la sécurité d'aujourd'hui, d'entamer la reconquête du passé et de protéger l'avenir. Cette démarche basée sur l'échange et la concertation à l'échelle des pays européens est sans doute aussi le meilleur moyen de nous garder de l'illusion du risque zéro.

Toutes les vérités ne sont pas toujours agréables ou bonnes à dire. C'est par exemple le cas de l'urbanisme que nous avons souvent collectivement mal maîtrisé. Mais ces vérités ont besoin d'être exprimées. En elles germeront certaines ébauches de solutions. Je souhaite que MIRIAD 21 devienne pour vous tous le forum où ces vérités, bonnes ou pas bonnes à dire, pourront librement s'exprimer et se comparer.

J'inscris enfin ce colloque, et ce sera ma conclusion, dans le prolongement logique des Trophées ECO-ACTIONS que nous avons remis au mois de novembre dernier à la Présidence de l'Assemblée nationale. Je souhaitais alors que l'Association des ECO-MAIRES soit davantage reconnue..

Mesdames, Messieurs,

Au-delà des considérations techniques ou financières, un texte législatif n'a d'intérêt que s'il donne des instruments à une volonté politique. Cette volonté politique de progresser et cette détermination à agir vous la possédez, Mesdames et Messieurs, je le sais. Votre projet, NOTRE projet MIRIAD 21 en est la preuve vivante !

Ce projet est porteur de fortes espérances. Il exige de la ténacité. Vous n'en manquez pas ! Aussi je souhaitais vous adresser mes vifs encouragements dans votre effort tout au long des six étapes qui jalonneront MIRIAD 21.

Bon travail, tout au long de ces trois journées de réflexion. Et surtout, je souhaite d'ores et déjà à MIRIAD 21 tout le rayonnement que nous en attendons.

Je vous remercie.