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Communiqué du Président de la commission des Finances : Premières observations sur le rapport au Parlement relatif à la mise en oeuvre du dispositif d'exonération des heures supplémentaires.

Le rapport remis au Parlement sur la mise en oeuvre de l'article 1er de la loi TEPA du 21 août 2007 relatif aux heures supplémentaires vient en grande partie confirmer les observations que j'avais formulées à partir des chiffres disponibles en avril 2008.

Le nombre d'heures supplémentaires « supplémentaires » réalisées depuis le vote de la loi TEPA est sans commune mesure avec celui évoqué par le gouvernement lors du vote de la loi, et ne progresse que faiblement.

Le nombre d'heures supplémentaires qui seraient déclarées par l'ensemble des entreprises serait de l'ordre de 750 millions d'heures sur l'ensemble de l'année 2008 (dont 30 millions d'heures déclarées auprès de la Mutuelle Sociale Agricole).

Ce chiffre, qui reste provisoire, est en retrait de 17 % par rapport à l'estimation initiale du gouvernement fournie par la loi TEPA (900 millions). Le gouvernement s'était donc lourdement trompé à cette occasion.

Ce chiffre s'appuie de plus sur une hypothèse de maintien des heures supplémentaires au niveau atteint aux deuxièmes et troisièmes trimestres (184 millions d'heures) durant le 4ème trimestre 2008, alors que les derniers chiffres relatifs au mois de novembre 2008 pointent au contraire une baisse relative de l'usage par les entreprises du dispositif (44,2 millions d'heures contre 47 millions en octobre 2008).

Enfin, ce chiffre potentiel de 750 millions d'heures, doit être mis en regard du chiffre estimé par la DARES pour l'ensemble de l'année 2007 hors effets liés à la mise en oeuvre des mesures de la loi du 21 août 2007 qui était estimé à 730 millions d'heures (compte tenu de la suppression fin 2006 du régime d'équivalence dans les hôtels, cafés et restaurants (estimations rappelées dans le rapport page 11). Sur cette base, la progression ne serait que de 2,74%.

Le gain pour les salariés est beaucoup plus faible que celui avancé par le gouvernement

Le rapport vient également démentir de façon cruelle les chiffres de gains moyen pour les salariés mis en avant par la Ministre lors du vote de la loi TEPA – 2 500 euros au total sur l'année - comme par l'actuel Secrétaire d'Etat au logement Laurent Wauquiez, qui proposait lui un chiffre de 400 euros par foyer en août 2008. L'estimation aujourd'hui retenue serait d'un gain moyen par foyer de 150 euros par mois et 1800 euros sur l'année.

Surtout, le chiffre de 150 euros mensuels de gain moyen pour les salariés réalisant des heures supplémentaires, mis en avant par le gouvernement dans sa communication, est particulièrement trompeur. Il conduit en effet à ajouter aux effets que l'on peut éventuellement attribuer au dispositif TEPA ceux liés à la réalisation des heures supplémentaires qui lui préexistaient. Seule peut être attribué à la loi TEPA les gains supplémentaires liés :

- aux heures supplémentaires réalisées « en plus » de celles que réalisaient les salariés avant l'intervention de la loi (ainsi, si un salarié effectuait auparavant 3 heures supplémentaires par mois, et qu'il en réalise 4 après TEPA, seule la rémunération de cette 4ème heure devrait être prise en compte),

- à la mise en oeuvre des exonérations sociales et fiscales pour l'ensemble des heures supplémentaires réalisées,

- à l'éventuelle majoration de la rémunération des heures supplémentaires réalisées dans les plus petites entreprises.

Dans ce cadre, le gain réel moyen retiré par un salarié serait, dans le cas le plus favorable, de l'ordre de 65 euros par mois soit 780 euros sur l'année. C'est 6 fois moins que les 4800 euros évoqués encore récemment par le Secrétaire d'Etat à l'emploi !

Il faut de plus rappeler que cette estimation suppose que le salarié réalise un total de 11,5 heures supplémentaires par mois, dont 2 heures de plus depuis la loi TEPA.

Enfin, ce cas moyen ne saurait représenter la réalité des gains perçus par la très grande majorité des salariés. Comme vient le rappeler le rapport (page 14), « selon la DARES, seule un peu plus de la moitié des salariés qui effectuent des heures supplémentaires rémunérées au cours d'une année en effectuent tous les trimestres ».

En conclusion, pour pouvoir apprécier l'efficacité du dispositif au regard de son coût particulièrement important – estimé à 4,4 milliards d'euros –, ce rapport doit absolument être complété par des informations relatives notamment à :

- l’évolution du volume d’heures de travail intérimaire et du volume total d’heures de travail, pour pouvoir apprécier ses effets réels sur l'activité et l'emploi,

- la répartition des bénéficiaires de cette mesure en fonction de leurs taux marginaux d’imposition, afin de préciser la répartition du coût fiscal en fonction des bénéficiaires,

- l'utilisation du dispositif par des entreprises qui ont actuellement recours à des dispositifs de chômage partiel, afin d'évaluer les éventuelles dérives auxquelles il a pu donner lieu dans la gestion par certaines entreprises de leur masse salariale dans différentes phases du cycle économique.

Autant d'informations non publiées dans ce rapport, et dont j'ai demandé communication à la Ministre de l'économie le 19 janvier dernier.

En l'état, je maintiens mes interrogations quant à la pertinence de ce dispositif, et mes observations sur son coût démesuré au regard des résultats et des effets pervers sur l'emploi et l'activité. Le pouvoir d'achat est une préoccupation centrale : d'autres moyens, plus efficaces et plus justes permettent d'y répondre.

Didier Migaud