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Commission des Lois : adoption du rapport de M. Sébastien HUYGHE sur les défaillances de la régulation bancaire et financière – 22 décembre 2009

La Commission des Lois, présidée par M. Jean-Luc WARSMANN (UMP, Ardennes), a adopté, le 22 décembre 2009, le rapport sur les défaillances de la régulation bancaire et financière (« Pour une finance au service de l’économie ») présenté par M. Sébastien HUYGHE (UMP, Nord) au nom de la mission d’information sur les nouvelles régulations de l’économie.

À l’aune des conséquences désastreuses de la crise (montée du chômage, chute du PIB et de l’investissement, dégradation des comptes publics…), le rapport de Sébastien HUYGHE considère que le maintien du statu quo en matière de régulation bancaire et financière est aujourd’hui impossible. En effet, par son ampleur inédite, la crise a ravivé les discussions sur les fondements et l’architecture de la supervision bancaire et financière. Sous l’impulsion du Président de la République, les Européens plaident pour la fondation d’un nouveau « Bretton Woods », c’est-à-dire d’un nouvel ordre financier international que le G20, regroupant les grands pays industrialisés et les grands pays émergents, a repris à son compte lors des sommets de Londres et de Pittsburgh.

Le rapport de Sébastien HUYGHE estime donc plus que jamais nécessaire de repenser les fondements de la réglementation financière tant la crainte est aujourd’hui grande que, si la reprise se confirme, nous n’assistions à un retour de la spéculation sur les marchés, alors même que nous ne disposons pas encore de tous les outils de régulation nécessaires. Une meilleure régulation apparaît dès lors indispensable dans plusieurs domaines, qui vont des normes prudentielles et comptables à la gestion des risques et aux agences de notation, en passant par l’organisation des marchés ou encore par la question des rémunérations des traders.

C’est pourquoi le rapport de Sébastien HUYGHE formule une série de préconisations tendant à conforter les engagements pris par les banques en contrepartie du plan de soutien bancaire, réguler le contournement des règles prudentielles et la transmission des risques, atténuer la procyclicité des normes et mieux prévenir le risque systémique, rééquilibrer les incitations individuelles au profit de long terme et responsabiliser les opérateurs de marché, améliorer et renforcer la transparence des marchés et de l’information financière et, enfin, redéfinir l’organisation de la régulation financière tant en France qu’en Europe. Il propose notamment que le renforcement des exigences de fonds propres tienne compte des spécificités des banques coopératives et que l’AMF soit consacrée comme pôle déontologique chargé de contrôler les pratiques commerciales et de marché de l’ensemble du secteur financier.

Contact presse (rapport intégral disponible sur demande: 01 40 63 55 19 – Christophe Gilder : cgilder@assemblee-nationale.fr

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SYNTHESE DES PROPOSITIONS

Conforter les engagements pris par les banques en contrepartie du plan de soutien bancaire :

Proposition n° 1 :

Exiger des banques ayant bénéficié des concours publics de l’État, dans le cadre du plan de financement de l’économie, de se justifier avant la fin de l’année 2009, sur le non-respect de l’engagement d’une croissance de 3 à 4 % des encours de crédit à l’économie.

Proposition n° 2 :

Maintenir, au-delà de l’arrivée à échéance du plan de financement de l’économie, l’engagement des banques d’assurer une croissance de leurs encours de crédit de 3 à 4 % en rythme annuel jusqu’à ce que la France soit définitivement sortie de la crise et ait durablement retrouvé le chemin de la croissance.

Proposition n° 3 :

Compléter l’indicateur de croissance du crédit à l’économie par de nouveaux indicateurs, comme les taux d’intérêts pratiqués, moins agrégés et déclinés par type de crédit ou par secteur d’activité, afin d’offrir une vision plus complète de l’offre de crédit en France.

– Réguler le contournement des règles prudentielles et la transmission des risques :

Proposition n° 4 :

Au niveau européen, exiger des banques qu’elles conservent dans leurs bilans, non plus seulement 5 %, mais 10 % des crédits qu’elles titrisent.

– Atténuer la procyclicité des normes et mieux prévenir le risque systémique :

Proposition n° 5 :

Inviter l’ensemble des États européens, de concert avec la Commission européenne, à maintenir une pression politique forte sur l’IASB, afin de parvenir d’ici 2010 à une réforme pragmatique de la juste valeur, reposant sur une valorisation des instruments financiers plus réaliste et fonction de l’horizon de détention et du niveau de liquidité.

Proposition n° 6 :

Maintenir une pression politique forte de la France sur la Commission européenne et l’IASB afin de parvenir, d’ici juin 2011, à une convergence des normes comptables internationales.

Proposition n° 7 :

Améliorer la gouvernance de l’IASB, afin que son cadre institutionnel assure le prise en compte et le reflet de l’ensemble des parties prenantes (responsables politiques, régulateurs bancaires...).

Proposition n° 8 :

Systématiser et harmoniser au niveau de l’Union européenne la démarche de provisionnement dynamique, consistant pour les banques à mettre de côté en haut de cycle le capital qui leur sera nécessaire en bas de cycle pour respecter les ratios.

Proposition n° 9 :

Dans le cadre des travaux du Comité de Bâle et du Comité européen des superviseurs bancaires, prévoir que toutes les mesures envisagées afin de renforcer les exigences de fonds propres des banques fassent l’objet, d’une part, d’une étude d’impact exhaustive et, d’autre part, d’une application progressive et étalée dans le temps, afin de ne pas menacer durablement, en cette période de reprise, le financement de l’économie et de la croissance, sous l’effet d’un « choc réglementaire ».

Proposition n° 10 :

Maintenir une pression politique forte sur le Comité de Bâle afin que :

—  d’une part, la nouvelle définition des fonds propres durs (« Core Tier One ») des banques continue de prendre en compte les spécificités des banques coopératives et mutualistes et incorporent, à ce titre, les parts sociales émises par ces établissements, sans que le règlement de cette question soit laissé à la discrétion des régulateurs nationaux ;

—  d’autre part, la spécificité des participations croisées entre les entités d’un même groupe bancaire coopératif et mutualiste soit pleinement reconnue, en les autorisant notamment à ne pas déduire ces participations de leurs fonds durs (« Core Tier One »).

Proposition n° 11 :

Afin de mieux anticiper les crises financières et d’améliorer la surveillance du risque systémique, mettre en place dans les établissements bancaires et financiers d’importance systémique des « testaments » permettant de traiter a priori les crises et faillites susceptibles de les affecter.

Proposition n° 12 :

Afin d’améliorer le traitement du risque systémique, soumettre les établissements bancaires et financiers d’importance systémique qui, en cas de faillite, bénéficient de la garantie implicite de l’Etat, au paiement d’une prime d’assurance systémique, qui viendrait abonder un fonds de garantie des faillites bancaires aux niveaux national et européen.

Proposition n° 13 :

Afin d’améliorer la surveillance du risque systémique, soumettre les établissements bancaires et financiers à des exigences plus strictes de fonds propres et de liquidité à mesure que leur impact systémique s’accroît.

– Rééquilibrer les incitations individuelles au profit de long terme et responsabiliser les opérateurs de marché :

Proposition n° 14 :

Conformément à l’accord conclu avec le gouvernement britannique, taxer à 50 % et à partir de 27 500 euros les bonus versés en France par les banques en 2010 au titre de l’année 2009.

Proposition n° 15 :

Afin de garantir l’égalité des conditions de concurrence entre places financières, tout en incitant à une réduction collective des prises de risque, convaincre dès aujourd’hui l’ensemble des partenaires européens, et notamment l’Allemagne, d’adopter la mesure franco-britannique consistant à taxer fortement les bonus versés en 2010 au titre de l’année 2009.

– Améliorer et renforcer la transparence des marchés et de l’information financière :

Proposition n° 16 :

Afin d’améliorer la transparence de l’information financière, obliger les agences de notation, d’une part, à utiliser une échelle de notation différente selon qu’il s’agit de produits structurés complexes ou de produits simples et classiques et, d’autre part, à affiner leurs notations en intégrant dans leurs évaluations le risque de liquidité et les risques opérationnels, à côté des risques de crédit.

Proposition n° 17 :

Afin de mieux prévenir et gérer les conflits d’intérêts, ne plus lier les recettes des agences de notation au montant des émissions notées grâce à la mise en place d’un paiement au forfait des agences de notation : les émetteurs paieraient ainsi un forfait annuel indépendamment des volumes qu’ils émettent et sur lesquels ils sollicitent une notation. Au-delà de ce forfait annuel correspondant à une large palette de prestations, pourraient s’ajouter des frais supplémentaires qui pourraient dépendre davantage de la nature des opérations concernées que de leur montant.

Proposition n° 18 :

Créer les conditions d’une véritable concurrence entre agences de notation et favoriser l’émergence de nouveaux acteurs européens, davantage spécialisés sur certains secteurs d’activité que ne le sont les grandes agences généralistes :

—  d’une part, en affirmant que les obligations requises par les autorités publiques, en matière de réglementation bancaire ou de l’épargne notamment, peuvent être satisfaites par d’autres agences que les trois agences historiques ;

—  d’autre part, en encourageant les investisseurs à diversifier leurs sources d’information.

Proposition n° 19 :

Préciser le rôle de la future Autorité européenne des marchés financiers et son articulation avec les autorités nationales, afin qu’elle dispose, à terme, d’un réel pouvoir décisionnel concernant l’accréditation, le retrait d’agrément, le contrôle et la sanction des agences de notation à l’échelle européenne.

Proposition n° 20 :

Afin d’accroître la protection et l’information des épargnants, exiger des banques européennes, par voie de directive communautaire, qu’elles présentent à leurs clients un document normé de quelques pages seulement, récapitulant les principales caractéristiques et informations des produits financiers qu’elles offrent.

Proposition n° 21 :

Afin que l’Europe ne perde pas son leadership dans la structuration économique et la réglementation des produits dérivés, mettre en place à brève échéance une chambre de compensation pour les dérivés de crédit en zone euro.

Proposition n° 22 :

Afin que l’Europe parvienne à contrebalancer le monopole américain qui est en train de se constituer sur tous les maillons de la chaîne de traitement des produits dérivés, mettre en place à brève échéance une base de données centralisée pour les dérivés de crédit en zone euro.

Proposition n° 23 :

Dans le cadre de la réforme des autorités de supervision au niveau national, profiter de cette fenêtre d’opportunité pour consacrer l’AMF comme pôle déontologique chargé de contrôler les pratiques commerciales et de marché de l’ensemble du secteur financier.

– Redéfinir l’organisation de la régulation financière tant en France qu’en Europe :

Proposition n° 24 :

Dans le cadre de la mise en place du Comité européen du risque systémique, prévoir une adoption à la majorité simple – et non pas qualifiée – de la publication des alertes et recommandations non individuelles émises par le conseil général afin d’améliorer et de renforcer l’effectivité de la prévention des risques à l’échelle européenne.

Proposition n° 25 :

Dans le cadre de la mise en place des trois autorités européennes de surveillance, prévoir que ces dernières puissent s’autosaisir pour prendre des mesures d’urgence, afin de ne pas laisser à la Commission européenne le monopole de l’appréciation de l’urgence et permettre in fine une meilleure prévention des risques bancaires et financiers à l’échelle de l’Union européenne.