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le 10 mars 1999

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N° 1401

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ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

ONZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l'Assemblée nationale le 17 février 1999.

RAPPORT

FAIT

AU NOM DE LA COMMISSION DES LOIS CONSTITUTIONNELLES, DE LA LÉGISLATION ET DE L'ADMINISTRATION GÉNÉRALE DE LA RÉPUBLIQUE (1) SUR LA PROPOSITION DE RÉSOLUTION (n° 1109) DE M. JACQUES MYARD, sur la proposition de directive du Parlement européen et du Conseil sur l'harmonisation de certains aspects du droit d'auteur et des droits voisins dans la société de l'information (COM [97] 628 final/E 1011),

PAR M. CHRISTIAN PAUL,

Député.

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(1) La composition de cette commission figure au verso de la présente page.

Voir le numéro : 1108.

Propriété intellectuelle.

La commission des Lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la République est composée de : Mme Catherine Tasca, présidente ; MM. Pierre Albertini, Gérard Gouzes, Mme Christine Lazerges, vice-présidents ; MM. Richard Cazenave, André Gerin, Arnaud Montebourg, secrétaires ; MM.  Léo Andy, Léon Bertrand, Emile Blessig, Jean-Louis Borloo, Patrick Braouezec, Mme Frédérique Bredin, MM. Jacques Brunhes, Michel Buillard, Dominique Bussereau, Christophe Caresche, Patrice Carvalho, Mme Nicole Catala, MM. Olivier de Chazeaux, Pascal Clément, Jean Codognès, François Colcombet, Michel Crépeau, François Cuillandre, Henri Cuq, Jacky Darne, Camille Darsières, Bernard Derosier, Franck Dhersin, Marc Dolez, Renaud Donnedieu de Vabres, René Dosière, Julien Dray, Renaud Dutreil, Jean Espilondo, Mme Nicole Feidt, MM. Jacques Floch, Raymond Forni, Pierre Frogier, Claude Goasguen, Louis Guédon, Guy Hascoët, Philippe Houillon, Michel Hunault, Henry Jean-Baptiste, Jérôme Lambert, Mme Claudine Ledoux, MM. Jean-Antoine Léonetti, Bruno Le Roux, Mme Raymonde Le Texier, MM. Jacques Limouzy, Thierry Mariani, Louis Mermaz, Jean-Pierre Michel, Ernest Moutoussamy, Henri Nallet, Robert Pandraud, Christian Paul, Vincent Peillon, Dominique Perben, Henri Plagnol, Didier Quentin, Bernard Roman, José Rossi, Frantz Taittinger, Mme Christiane Taubira-Delannon, MM. André Thien Ah Koon, Jean Tiberi, Alain Tourret, André Vallini, Alain Vidalies, Jean-Luc Warsmann.

INTRODUCTION 5

I. - UNE PROPOSITION DE DIRECTIVE AMPLEMENT JUSTIFIÉE 8

II. - UNE PROPOSITION DE DIRECTIVE SATISFAISANTE MAIS QUI MÉRITE D'ÊTRE PRÉCISÉE 13

A. LES ACTES D'EXPLOITATION COUVERTS PAR LES DROITS D'AUTEUR 14

B. LES EXCEPTIONS AUX DROITS D'AUTEUR 18

1. L'exception obligatoire au droit de reproduction 19

2. Les exceptions facultatives 21

C. LES GARANTIES JURIDIQUES EN FAVEUR DES MESURES DE PROTECTION TECHNIQUE 24

III. - LES QUESTIONS EN SUSPENS 27

IV. - UNE PROPOSITION DE RÉSOLUTION QUI DOIT ÊTRE CORRIGÉE 30

A. LES CONSIDÉRANTS DE LA PROPOSITION DE RÉSOLUTION 31

B. LE DISPOSITIF DE LA PROPOSITION DE RÉSOLUTION 32

PROPOSITION DE RÉSOLUTION ADOPTÉE PAR LA COMMISSION 35

LISTE DES PERSONNES ENTENDUES PAR LE RAPPORTEUR 39

MESDAMES, MESSIEURS,

Après le passage de la « galaxie Gutenberg » à la « galaxie Mac Luhan », le monde est en train de connaître un nouveau bouleversement dans la diffusion de l'information et de la culture, dont nous n'appréhendons sans doute encore que partiellement les implications. De fait, la convergence de l'informatique et des technologies de la communication qui trouve, pour le moment, son expression la plus achevée dans le réseau des réseaux numériques, c'est-à-dire Internet, favorise l'apparition de ce qu'il est convenu d'appeler la « société de l'information », caractérisée par la simultanéité, la fluidité, la décentralisation, l'interactivité et la globalisation.

C'est avec, il faut le reconnaître, un certain retard, que la France s'est progressivement insérée dans ce mouvement, la société civile ne se montrant guère plus téméraire que les pouvoirs publics. Cette frilosité peut surprendre de la part d'un pays à fort potentiel technologique, qui a su, en son temps, développer l'outil télématique avec un succès indéniable. En fait, chacun reconnaît aujourd'hui que cette expérience réussie est peut-être, paradoxalement, à l'origine d'une moindre perméabilité aux nouvelles technologies, même si des facteurs culturels, économiques ou institutionnels y ont également contribué.

En cette dernière année du siècle, le constat est toutefois plus encourageant : les Français rattrapent progressivement leur retard en équipement informatique et les raccordements à Internet sont en croissance rapide. En outre, le gouvernement de M. Lionel Jospin a pris la mesure de l'enjeu en engageant, depuis l'été 1997, plusieurs actions destinées à faire entrer notre pays de plain pied dans la société de l'information.

Un premier chantier est d'ordre juridique. En effet, certains estiment que le changement d'état que représente l'émergence de la société de l'information implique, du fait de ses caractéristiques intrinsèques, un réexamen des concepts fondamentaux qui fondent le droit de la communication, en particulier en ce qui concerne le régime de la propriété intellectuelle, les règles de responsabilité applicables aux différents opérateurs, les modalités de protection de la vie privée ou encore la détermination de la loi applicable ; d'autres, en revanche, soutiennent que le corpus juridique actuel peut parfaitement supporter la nouvelle donne technologique, moyennant un certain nombre d'aménagements. Pour démêler ce débat, le gouvernement a saisi, en septembre 1997, le Conseil d'Etat qui a rendu, en avril dernier, un rapport concernant Internet et les réseaux numériques (1). A l'instar de beaucoup d'autres observateurs, ce dernier conclut en faveur de la seconde hypothèse, tout en rappelant fort opportunément, mais avec insistance, que celle-ci devait nécessairement s'intégrer dans une approche communautaire et, au-delà, internationale.

Par ailleurs, le gouvernement a mis en place, au début de l'année dernière, un programme d'action, décliné en 218 mesures, pour un budget total de 5,7 milliards de francs. Ce programme se subdivise en sept rubriques : les nouvelles technologies de l'information dans l'enseignement ; la politique culturelle pour les nouveaux réseaux, les technologies de l'information au service de la modernisation des services publics, les technologies de l'information et les entreprises, l'innovation industrielle et technologique, l'émergence d'une régulation et d'un cadre protecteur pour les réseaux ; la méthode et la mise en _uvre. Comme le premier ministre l'a indiqué récemment, ce plan assurant la mobilisation des pouvoirs publics est désormais bien engagé (2).

Enfin, à l'issue du comité interministériel pour la société de l'information, le premier ministre a annoncé, le 19 janvier dernier, les orientations prioritaires pour la deuxième phase de la mise en _uvre de ce plan pour les deux années à venir. Le chef du gouvernement a ainsi évoqué la mise en place de « l'administration électronique » et l'accès de tous aux technologies et aux réseaux d'information. Il a aussi mis l'accent sur les adaptations juridiques nécessaires - à cette occasion ont été annoncées la libéralisation prochaine de la cryptologie et la réglementation de la force probante de la signature électronique, matière traitée dans la proposition de directive communautaire relative au commerce électronique - ainsi que sur la valorisation des contenus, notamment au regard des principes régissant les droits d'auteur.

De fait, les conditions d'application des règles de la propriété intellectuelle sont un enjeu essentiel pour le développement de la société de l'information, dans la mesure où celui-ci suppose à la fois une valorisation des contenus et un accès aussi fluide que possible à ces mêmes contenus. En d'autres termes, l'équilibre doit être trouvé entre, d'une part, les intérêts légitimes des utilisateurs et, d'autre part, la protection efficace des auteurs, exposés, on le comprend aisément, à des risques de contrefaçons et de piratage bien plus préjudiciables que dans un environnement analogique. A cet égard, il faut insister sur le fait que la reproduction des C.D.-ROM, facilitée par la mise sur le marché de graveurs de plus en plus performants et l'accès à des distributeurs de musique en ligne, modifieront à court terme l'économie de ce secteur. L'inquiétude des artistes et des professionnels est donc réellement fondée.

C'est dans cette logique que se sont très clairement inscrits le rapport du Conseil d'Etat précité ainsi que celui rédigé, à la demande du premier ministre, par notre collègue M. Patrick Bloche, ce dernier plaidant en faveur du nécessaire « apaisement » des débats autour de la propriété intellectuelle, trop souvent abordés de manière conflictuelle (3) et cantonnés à une opposition stérile entre les partisans du droit d'auteur et les tenants du copyright. En pratique, ces deux rapports concluent sans ambiguïté en faveur de la pertinence des principes français régissant les droits d'auteur, tout en reconnaissant que des d'adaptations sont nécessaires pour prendre en compte les contraintes spécifiques engendrées par le nouvel environnement numérique.

Au niveau international et communautaire, les réflexions et propositions convergent également.

Tout d'abord, il convient de rappeler que, dans le cadre de l'Organisation mondiale du commerce (O.M.C.), l'accord sur les aspects des droits de la propriété intellectuelle touchant au commerce (A.D.P.I.C.), annexé à l'accord de Marrakech du 15 avril 1994, impose aux 132 signataires de respecter les dispositions de la Convention de Berne du 9 septembre 1886, modifiée par l'accord de Paris de 1971, laquelle définit les _uvres protégées et consacre sans ambiguïté le droit de reproduction. En outre, sous l'égide de l'Organisation mondiale de la propriété intellectuelle (O.M.P.I.), deux conventions essentielles ont été signées en décembre 1996, traitant respectivement des droits d'auteur et des interprétations et exécutions sur phonogramme. D'une manière générale, ces deux textes tendent à élargir la protection conférée par le droit de reproduction afin de tenir compte des nouveaux modes de transmissions ou supports d'informations numériques. Ils confirment, par ailleurs, l'existence d'un droit de communication au public qui prend également acte du nouvel environnement technologique. Notons, en revanche, l'absence de reconnaissance d'un droit moral, l'impasse faite sur les exceptions et limitations aux droits d'auteur, qui ne font l'objet d'aucun ajustement au contexte numérique, ainsi que le non-règlement de la question de la loi applicable.

A la suite de la consultation lancée après la publication du « livre vert » sur le droit d'auteur et les droits voisins dans la société de l'information en juillet 1995, la Commission européenne, de son côté, a rendu, le 20 novembre 1996, une communication sur le suivi de ce document. Celle-ci a servi de base pour la préparation d'une proposition de directive, formalisée le 10 décembre 1997 sous le nom de « directive sur l'harmonisation de certains aspects du droit d'auteur et des droits voisins dans la société de l'information ». Cette proposition a été examinée par le Parlement européen le 9 février dernier, le Conseil devant arrêter une position commune au début de l'été. En dépit des échéances électorales, une adoption définitive reste envisageable avant la fin de l'année civile.

En application des articles 88-4 de la Constitution et 151-1, alinéa 1, de notre Règlement, la Délégation pour l'Union européenne a déposé, le 8 octobre dernier, un rapport d'information (n° 1108), présenté par M. Jacques Myard, concluant au dépôt d'une proposition de résolution (n° 1109).

Votre commission des Lois a donc été chargée d'examiner ce texte, conformément aux dispositions du troisième alinéa 3 de l'article 151-1 précité. Sur de nombreux points, on constatera que ses positions s'éloignent de celles retenues par le rapporteur de la Délégation. A l'examen, la proposition de directive apparaît, en effet, particulièrement bienvenue, même si certaines de ses dispositions gagneraient à être mieux encadrées. Pour autant, la rédaction de la proposition de résolution présentée par le rapporteur de la Délégation ne semble pas adéquate.

I. - UNE PROPOSITION DE DIRECTIVE AMPLEMENT JUSTIFIÉE

Fruit d'une longue maturation, la proposition de directive élaborée par la Commission correspond à une réelle attente de la part des acteurs concernés, comme a pu le constater votre rapporteur au cours des auditions effectuées pour la préparation du présent rapport. Cette quasi-unanimité contraste avec les réserves exprimées par M. Jacques Myard qui, dans le rapport d'information précité, conteste l'immixtion de la Commission européenne dans le champ de la propriété intellectuelle.

En fait, cette intervention communautaire en matière de droits d'auteur ne fait que confirmer l'attention portée de longue date par la Commission et le Conseil au contexte juridique entourant la circulation des _uvres de l'esprit dans le marché unique, caractérisé par des législations nationales très diverses et des traités internationaux ne garantissant, le plus souvent, qu'une protection minimale.

Dans un premier temps, ne disposant pas expressément, aux termes des traités, de bases légales pour asseoir sa compétence, la Commission a mis en avant le souci de résorber les distorsions de concurrence pouvant résulter des différences de législation, distorsions susceptibles de freiner la libre circulation des biens et services et de compromettre le fonctionnement du marché intérieur. Cette approche « subsidiariste », qui a permis, à tout le moins, de rapprocher des Etats membres aux intérêts parfois divergeants, s'est appuyée, de surcroît, sur le constat d'une croissance rapide du marché des biens et des services protégés par les droits d'auteur et d'une intensification de la concurrence.

C'est sur le fondement de ce raisonnement économique - sommairement qualifié de « tarte à la crème » par le rapporteur de la Délégation - qu'ont été pourtant adoptés, jusqu'à présent, cinq textes de portée non négligeable :

-  la directive 91/250 du 14 mai 1991 concernant la protection juridique des programmes d'ordinateurs, qui organise la protection des logiciels par le droit d'auteur, transposée en droit interne par la loi n° 94-361 du 10 mai 1994 ;

-  la directive 92/100 du 19 novembre 1992 relative aux droits de location et de prêt et à certains droits voisins des droits d'auteur dans le domaine de la propriété intellectuelle, qui permet principalement d'intégrer en droit communautaire la notion de droits voisins, inconnue dans la législation de plusieurs Etats membres, et, d'une manière générale, dans les pays de culture anglo-saxonne (4). Notons que ce texte n'a pas nécessité de transposition en droit interne, la loi française étant compatible avec les principes posés au niveau communautaire ;

-  la directive 93/83 du 27 septembre 1993, relative à la coordination de certaines règles du droit d'auteur et des droits voisins applicables à la radiodiffusion par satellite et à la retransmission par câble, qui détermine les conditions d'application territoriale des droits de propriété intellectuelle. Elle a fait l'objet de la loi n° 97-283 du 4 avril 1997 ;

-  la directive 93/98 du 29 octobre 1993 relative à l'harmonisation de la durée de protection du droit d'auteur et de certains droits voisins, texte normatif qui, pour l'essentiel, fixe la durée de la protection à 70 ans ; elle a été transposée par la loi du 4 avril 1997 précitée ;

-  enfin, la directive 96/9 du 11 mars 1996 relative à la protection juridique des bases de données, qui confirme l'existence d'un droit d'auteur au profit du créateur de la base et institue, pour le producteur, un droit sui generis qui protège son investissement. Ce texte important permet de combler une lacune dommageable des traités O.M.P.I. ; il vient d'être récemment transposé par la loi n° 98-536 du premier juillet 1998.

A l'évidence, même si elles n'ont pas été élaborées spécifiquement dans la perspective de l'émergence de la société de l'information, ces directives, tout du moins celles relatives aux logiciels et aux bases de données, contribuent à en faciliter la mise en place. Cela étant, en raison de leur caractère sectoriel et de leur vocation essentiellement « utilitariste », elles ne représentent pas l'outil idoine pour assurer la définition d'un cadre réglementaire global, harmonisé et adapté au nouvel environnement technologique.

Avec le « livre vert » de 1995 et, surtout, la communication sur le suivi de ce document, la Commission a adopté une posture plus ambitieuse puisqu'elle reconnaît que la nouvelle donne technologique implique nécessairement une harmonisation plus poussée des législations nationales régissant la propriété intellectuelle. Cette inflexion résulte largement de la consultation menée à cette occasion et de la diversité des points de vue exprimés. Beaucoup de parties prenantes ont ainsi exprimé leurs craintes face aux nouvelles utilisations potentielles - licites ou illicites - des _uvres protégées, d'autres ont fait part de leur souhait de pouvoir disposer d'une plus grande lisibilité juridique. Dans le même temps, confrontés à des demandes pressantes de leurs ressortissants, certains Etats membres ont été tentés de recourir à des mesures purement nationales.

Dans ce contexte, tout en restant motivée par la réalisation harmonieuse du marché intérieur et soucieuse de prévenir les distorsions de concurrence, la Commission a affiné la justification de son intervention. La communication de novembre 1996 indique ainsi que « pour permettre le bon fonctionnement du marché intérieur et la création d'un environnement favorable qui protège et stimule à la fois la créativité l'innovation dans tous les Etats membres, le cadre juridique existant devra, le cas échéant, être adapté ». Plus loin, elle poursuit qu'il « conviendra... de veiller à maintenir, voire à développer davantage, le niveau élevé de protection par le droit d'auteur qui caractérise de longue date, le droit des pays européens ... » puis ajoute qu'« il y aura lieu également d'assurer un juste équilibre entre les droits et les intérêts des différentes catégories de titulaires de droits, ainsi qu'entre ceux des titulaires de droits, des exploitants de ces droits et des utilisateurs ».

Les motivations de la proposition de directive reflètent ces orientations.

En premier lieu, la Commission observe, notamment dans les considérants 4 et 5 de la proposition, que les nouvelles technologies vont accroître la circulation transfrontalière d'_uvres protégées, et que les différences de protections auront une grande incidence. Sans surprise, elle en déduit que des disparités risquent d'apparaître si les Etats s'adaptent unilatéralement à ces évolutions, attitudes susceptibles de fausser les échanges au profit des pays les moins protecteurs. Ce constat n'est guère original, puisqu'il se réfère aux arguments traditionnellement invoqués pour justifier l'intervention de la Commission européenne dans un domaine qui ne relève pas explicitement de ses compétences. On reconnaîtra cependant, en l'espèce, que la réalité du marché et la rapidité des évolutions que l'on y observe renforce quelque peu sa pertinence.

Ensuite, de manière plus novatrice, l'exposé des motifs souligne que cette même circulation transfrontalière accrue, conjuguée au recours aux technologies numériques en ligne, entraîne des « risques importants de piratage à grande échelle de la propriété intellectuelle » et constate, non sans raison, que cette dérive s'observe déjà, dans les activités « hors ligne » en matière de logiciels, d'enregistrements musicaux, de production audiovisuelle et de vidéos.

Sans nul doute, c'est ici que réside le c_ur du problème. Il n'est nul besoin d'être un spécialiste pour mesurer les conséquences pratiques du progrès technologique : contrairement à l'enregistrement d'un phonogramme sur une cassette analogique, l'utilisation d'un graveur, acquis à un prix abordable, permet de « cloner » un original ; de la même manière, la simultanéité liée à la transmission d'_uvres en ligne conduit à atténuer singulièrement la summa divisio entre la communication privée et la communication publique. Ces deux exemples montrent qu'à défaut d'ajustement, le droit d'auteur est, d'emblée, fragilisé dans deux de ses composantes essentielles, à savoir le droit de reproduction et celui de communication au public.

Par ailleurs, la directive insiste sur la nécessité de maintenir un niveau élevé de protection garanti par le droit d'auteur. Jusqu'à présent, cet objectif était invoqué de manière quelque peu incantatoire, mais les considérants de la présente proposition sont beaucoup plus explicites. Ainsi, après avoir souligné que « les différents aspects sociaux et culturels de la société de l'information obligent à prendre en considération la spécificité du contenu des produits et services », les rédacteurs de la proposition de directive, dans ce qui peut apparaître comme un considérant de principe (considérant 8), soulignent que l'harmonisation doit se réaliser à un niveau élevé car ces droits sont « essentiels à la création intellectuelle » et que « leur protection contribue au maintien et au développement de la créativité dans l'intérêt des auteurs, des artistes interprètes ou exécutant, des producteurs, des consommateurs, de la culture, des entreprises et du public en général ». Notons avec satisfaction que le Parlement européen a également mis en exergue la finalité culturelle de l'exercice d'harmonisation.

Enfin, la Commission insiste sur la nécessité de mettre en _uvre les obligations internationales, en particulier celles découlant des traités O.M.P.I. signés en 1996, sachant que la Communauté est habilitée à y adhérer en son nom propre. On ne peut que la suivre sur ce terrain dans la mesure où les solutions retenues au niveau communautaires permettront d'éviter les divergences d'interprétation qui ne sauraient manquer d'apparaître lors de la transposition des conventions internationales dans les droits internes ou à l'occasion de leur application par les juridictions des Etats membres.

Selon votre rapporteur, l'ensemble de ces considérations légitime puissamment la logique d'harmonisation impulsée par la Commission. Comme celle-ci le souligne, en l'absence d'un cadre adéquat et efficace de protection du droit d'auteur, les actes de piraterie « auraient un effet dissuasif ou délétère sur la création d'_uvres destinées au nouvel environnement multimédia », ce qui seraient dommageables aux « utilisateurs d'objets protégés tels que les prestataires de service en ligne et hors ligne, et, surtout, sur les consommateurs qui, en fin de compte, se verraient proposer un éventail plus restreint de contenus ou des contenus de qualité inférieure ». On ne saurait mieux dire...

En face, les arguments invoqués par le rapporteur de la Délégation n'emportent pas la conviction.

Certes, ni les articles 57, 66 ou même 100 A du traité de Rome visés par la proposition de la directive, ni aucune autre disposition ne confèrent explicitement compétence à la Commission pour prendre l'initiative de mesures législatives intéressants les droits d'auteur, mais il semble difficile de soutenir que le défaut d'harmonisation dans un secteur aux implications sociales, économiques et culturelles aussi tangibles ne risquerait pas de perturber le fonctionnement du marché intérieur. D'ailleurs, M. Jacques Myard ne réfute pas l'utilité d'une harmonisation, mais il estime préférable de recourir à un traité, solution dont les effets pratiques dans l'ordre communautaire semblent moins efficaces que l'adoption d'une directive. Sans nul doute, ses réserves sur l'intervention de la Commission participent davantage d'une position de principe que d'une approche pragmatique.

L'éventualité de redondances avec les traités internationaux en vigueur n'est pas non plus un motif valable pour nier l'opportunité de cette proposition de directive. Comme on l'a écrit précédemment, la Communauté européenne est habilitée à devenir partie aux conventions, aussi est-il préférable qu'elle puisse exciper d'une position commune. Par ailleurs, comme l'ont souligné plusieurs des personnes interrogées par votre rapporteur, il est essentiel de prévenir, au niveau communautaire, les risques d'interprétations divergentes des clauses conventionnelles.

II. - UNE PROPOSITION DE DIRECTIVE SATISFAISANTE MAIS QUI MÉRITE D'ÊTRE PRÉCISÉE

La proposition de directive a pour objet d'organiser l'harmonisation de la protection juridique de la propriété intellectuelle dans le cadre du marché intérieur, aussi bien en ce qui concerne l'environnement analogique que numérique, ainsi que d'adapter les droits d'auteur et droits voisins à l'environnement numérique et international de la société de l'information. Pour ce faire :

-  elle précise le champ des deux composantes essentielles du droit d'auteur, c'est-à-dire droit de reproduction et droit de communication au public (art. 2 et 3) ;

-  elle harmonise la portée du droit de distribution (art. 4) ;

-  elle tend à restreindre, en apparence, le champ des exceptions aux droits de reproduction et de communication au public (art. 5) ;

-  elle renforce la protection juridique des systèmes de lutte contre la copie (art. 6) et précise l'information sur la gestion des droits (art. 7).

Consacrant un certain nombre de solutions retenues au niveau conventionnel, notamment par les traités O.M.P.I., ces orientations sont globalement satisfaisantes. Toutefois, un certain nombre de points importants, en particulier en ce qui concerne le régime des exceptions et limitations aux droits, constituent des innovations qui méritent d'être examinées de près. En outre, il convient de préciser, à ce stade, que la directive laisse de côté un certain nombre de questions essentielles, dont le règlement est soit reporté à d'autres textes, soit purement et simplement laissé en suspens.

A. LES ACTES D'EXPLOITATION COUVERTS PAR LES DROITS D'AUTEUR

D'une manière générale, et c'est indubitablement un aspect positif, la proposition de directive retient une définition extensive des actes d'exploitation couverts par les droits d'auteur, qu'il s'agisse du droit de reproduction (considérant 14), du droit de communication au public (considérant 16) ou du droit de distribution au public (considérant 19).

En présentant les principales dispositions de la directive, on évoquera certains des amendements adoptés par le Parlement européen, le plus souvent à l'initiative de sa commission juridique, lors de sa séance du 9 février dernier et qui, dans certains cas, corrigent les dispositions de la proposition de la Commission.

· Le droit de reproduction

Aux termes de l'article 2, il s'entend du droit exclusif d'autoriser ou d'interdire la reproduction directe ou indirecte, provisoire ou permanente, par quelque moyen et sous quelque forme que ce soit. Cet instrument essentiel de la protection du droit d'auteur bénéficie aux auteurs, aux artistes interprètes ou exécutants, aux producteurs de phonogramme ou de films et aux organismes de radiodiffusion.

Mise à part cette assimilation peu convaincante et contraire à la tradition juridique française entre titulaires de droits d'auteurs et de droits voisins, cette rédaction n'apporte pas d'innovation fondamentale par rapport aux conventions internationales, mais elle est plus précise. Ainsi, la reproduction indirecte permet d'appréhender tout acte de reproduction quelle que soit la distance entre la source et le lieu de la reproduction et quelles que soient les étapes intermédiaires. La mention expresse de la reproduction provisoire permet de soumettre à autorisation une copie figurant dans la mémoire d'un serveur, étant entendu que la proposition retient cependant une exception pour certaines de ces copies techniques (cf. infra).

· Le droit de communication au public

L'article 3 de la proposition, précise que le droit de communication au public est le droit exclusif d'autoriser ou d'interdire la diffusion de l'original ou de la copie d'une _uvre, que cette communication se fasse avec ou sans fil. Cependant, comme les traités O.M.P.I., l'article 3 établit une distinction entre les titulaires de droits : en ce qui concerne les producteurs de phonogramme et les artistes-interprètes, ce droit exclusif est limité au seul cas des services interactifs à la demande.

La notion de communication au public retenue correspond donc à toute communication faite par un autre moyen que la mise à disposition d'un exemplaire physique. S'agissant de la notion de public, laissée à la libre appréciation de chaque État membre, précisons cependant que des personnes accédant séparément à une _uvre, même sans être connectées entre elles, constituent un public, ce qui est le cas le plus fréquent en matière de service en ligne. Par ailleurs, le seul fait d'inclure une _uvre dans un service consultable constitue un acte de communication au public. Enfin, la communication au public n'est pas soumise au principe de l'épuisement des droits (cf. infra), lequel s'applique à la seule distribution des exemplaires physiques.

En l'état, ces dispositions appellent un certain nombre d'observations.

Tout d'abord, si l'on procède à la lecture croisée du présent article et du considérant 16, lequel précise que le droit de communication au public ne couvre pas les communications privées, on peut mettre en exergue une ambiguïté réelle sur la portée de la notion de « public ». Doit-on en effet considérer que la transmission, dans un réseau, d'une _uvre protégée entre deux ou plusieurs personnes privées échappe au champ d'application de l'article 3 ? Une réponse affirmative induit des risques évidents de détournement : il suffit à l'acquéreur d'une _uvre de la transmettre par Internet à un tiers, qui lui même la retransmet à une autre personne et ainsi de suite, pour contourner les protections légales. En sens inverse, une réponse négative risque de vider de toute portée la notion de communication privée.

Dans ces conditions, il est indispensable de préciser l'articulation de ces deux notions, quitte à envisager que, dans l'environnement numérique, une transmission entre deux personnes privées ne constitue pas nécessairement une communication privée. Le Parlement européen a été sensible à cette difficulté puisqu'il a introduit un considérant additionnel retenant une telle interprétation, tout en préservant le concept de l'usage strictement personnel de l'oeuvre reçue en réseau.

Ensuite, il convient d'évoquer les inquiétudes exprimées par les producteurs de phonogrammes qui ont vivement critiqué l'applicabilité de leur droit exclusif aux seuls services numériques à la demande et qui demandent l'extension de ce droit à d'autres services numériques de diffusion musicale en continu et plus ou moins interactifs.

Cette revendication n'est pas illégitime dès lors que certains des services incriminés sont d'une nature assez différente de la radio traditionnelle et qu'ils peuvent apparaître, dans certains cas, comme assurant une distribution musicale concurrente de la vente de disques. Elle est, en outre, liée au règlement des incertitudes pesant sur le régime de la copie privée dans l'environnement numérique (cf. infra).

En fait, il faut distinguer deux types de services musicaux numériques.

Les premiers constituent de la radio numérique stricto sensu et donnent lieu, actuellement, à un simple droit à rémunération, sur le mode de la licence légale applicable à la radiodiffusion « classique ». L'extension du droit exclusif à leur égard semble prématurée car elle conduirait à un bouleversement des relations entre les radiodiffuseurs et les producteurs de phonogrammes, sachant qu'une telle solution a été, par ailleurs, explicitement exclue par les traités O.M.P.I. à la suite, il est vrai, de longs débats. En outre, si ces nouveaux services ont une incidence quantitative réelle sur la distribution musicale - ce qui pourrait justifier une revalorisation du droit à rémunération - ils n'apparaissent pas, à ce jour, directement concurrents de la vente de disques.

Les seconds sont des services en ligne proposant une gamme de prestations allant de la diffusion musicale en continu à l'interactivité complète. En l'état actuel, le régime juridique de ces services est incertain, l'assujettissement au régime de la licence légale n'ayant pas été explicitement confirmé. S'inspirant d'une loi américaine du 17 octobre 1995, les producteurs de phonogramme souhaitent soumettre l'ensemble de ces services au droit exclusif. Compte tenu des incertitudes techniques, votre rapporteur estime, ici encore, que cette solution radicale est prématurée. En revanche, de son point de vue, si la sophistication technique d'un service faisait naître, en pratique, une situation de concurrence effective avec le disque, il serait logique de l'assimiler à un service à la demande, soumis au droit exclusif en application de la proposition de directive. Dans le cas contraire, il semble, pour le moment, suffisant de confirmer le droit à une rémunération équitable adaptée. Cela étant, une réflexion doit être engagée afin de déterminer si, à l'expérience, une option comparable à celle retenue aux Etats-Unis devrait être, à terme, envisagée.

Enfin, on notera que le Parlement européen a adopté un amendement prévoyant que la fourniture d'équipements destinés à rendre possible ou à effectuer une communication ne constitue pas un acte de communication. En fait, cette adjonction reprend les termes du considérant 17, qui lui même décalque l'article 8 des déclarations communes sur le traité O.M.P.I. concernant les droits d'auteur. Il peut sembler quelque peu tautologique, mais il constitue un « garde-fou » auquel tiennent particulièrement les opérateurs de télécommunication, soucieux de limiter leur responsabilité en matière de droit d'auteur.

· Le droit de distribution

Prévu à l'article 4, le droit de distribution est un droit exclusif qui permet à l'auteur de contrôler toute forme de distribution au public de ses _uvres originales ou des copies de celle-ci. Par ailleurs, il est précisé que ce droit est épuisé dans la Communauté après la première vente autorisée réalisée sur son territoire.

Le droit de distribution a déjà été partiellement harmonisé au niveau communautaire en ce qui concerne les programmes d'ordinateurs et les bases de données pour les auteurs et pour certains objets protégés par les droits voisins. En revanche, de grandes disparités subsistent entre Etats membres pour les autres _uvres protégées. Ces divergences portent aussi bien sur l'étendue de la protection que sur la portée de « l'épuisement » de ce droit ; certains Etats membres ne reconnaissant pas ce principe, d'autres admettant l'épuisement communautaire, consacré par la jurisprudence de la C.J.C.E., d'autres, enfin, acceptant l'épuisement même lorsque le premier transfert de propriété a eu lieu dans un Etat tiers.

Au plan international, les traités O.M.P.I. reconnaissent le principe du droit de distribution sans en fixer précisément les contours et, par ailleurs, laissent les Etats parties libres d'appliquer ou non l'épuisement du droit.

Dans ces conditions, une harmonisation est souhaitable. Celle proposée est satisfaisante dans la mesure où elle encadre le droit de distribution et met fin à une différence de traitement entre catégories d'_uvres. En outre, elle se borne à retenir « l'épuisement communautaire » du droit, ce qui permet de protéger les auteurs face aux importations de reproductions de leurs _uvres sur le territoire de la Communauté.

B. LES EXCEPTIONS AUX DROITS D'AUTEUR

L'article 5 de la proposition de directive est sans aucun doute le plus délicat.

En principe, sensibilisée aux conséquences des nouvelles technologies, la Commission partait sur des bases saines : constatant le relatif mutisme des traités O.M.P.I. sur ce point particulier, elle soulignait que le manque d'harmonisation des exceptions ou limitations aux droits d'auteur, laissées à la libre appréciation des Etats membres, risquait de conduire, de facto, à une application hétérogène de ces mêmes droits. Partant, elle estimait que ces exceptions devaient être harmonisées, fixées de manière exhaustive et interprétées restrictivement.

Or, force est de constater que si cette approche prudente est encore rappelée dans l'exposé des motifs, elle est, par contre, énoncée avec moins de conviction dans les considérants ; quant au dispositif de la directive, il semble encore plus incertain. De son côté, le Parlement européen n'a pas été plus prolixe, un de ses amendements apparaissant même, sur ce point, en retrait par rapport au texte initial de la proposition.

Avant d'examiner les mesures proposées, rappelons, à titre liminaire, que, d'une manière générale, les exceptions doivent être interprétées à l'aune du « test en trois étapes », comme le rappelle l'article 5 de la proposition. Ces principes, qui remontent à la convention de Berne, ont été rappelés dans les traités O.M.P.I. : les exceptions ne peuvent s'appliquer que dans des cas spéciaux, il n'est pas porté atteinte à l'exploitation normale de l'_uvre et il n'y a pas de préjudice injustifié aux intérêts légitimes du titulaire de droits. Le rappel de cette « clause de sauvegarde » est le bienvenu, mais, comme le souligne justement le rapporteur de la Délégation, celle-ci n'a jamais empêché les divergences que l'on observe entre les législations. La référence à ce principe général ne dispense donc pas d'être aussi précis que possible lors de tout exercice d'harmonisation dans cette matière.

L'article 5 prévoit deux catégories d'exceptions : certaines sont obligatoires et ne concernent que le droit de reproduction ; d'autres sont facultatives et portent indifféremment sur le droit de reproduction ou sur celui de communication au public, ou sur l'un des deux seulement.

1. L'exception obligatoire au droit de reproduction

L'article 5-1 est probablement la disposition la plus controversée de la proposition de directive. Il indique que les reproductions provisoires qui font partie intégrante d'un procédé technique et qui n'ont pas de signification économique ne sont pas soumises au droit d'auteur. Indiquons d'emblée, que le principe d'une exception obligatoire de ce type avait été expressément rejeté par les rédacteurs des traités O.M.P.I., après, il est vrai, de longues discussions.

Initialement, la Commission avait dressé un constat de bon sens : dans l'environnement numérique, dès lors qu'il a été autorisé par l'auteur, le bon acheminement des _uvres à leur destinataire nécessite parfois, pour des raisons techniques, des reproductions intercalaires qui n'ont aucune signification en elle même et qui n'ont pour finalité que de rendre réalisable le transport des données. Dans ces conditions, tout en préservant l'équilibre entre les intérêts des différentes parties prenantes, il est concevable de ne pas inclure ces reproductions spécifiques dans le champ du droit exclusif.

Curieusement, sans doute à la suite des observations des opérateurs de télécommunications souhaitant limiter autant que faire se peut leur responsabilité sur les actes de reproduction qu'ils sont conduits à exécuter, la rédaction finale de la proposition de directive retient une formulation dont la portée apparaît ambiguë puisqu'elle ne mentionne plus la condition relative à l'autorisation préalable de la diffusion de l'_uvre.

Dans ces conditions, l'objectif de l'exception devient sujet à caution. En particulier, la reproduction provisoire qui ne cause aucun préjudice économique apparent - préjudice dont la charge de la preuve appartient à l'auteur - peut donner lieu à des actes d'exploitations multiples, d'autant que la notion de reproduction « provisoire » est juridiquement floue. Ajoutons, de surcroît, que l'imprécision du champ d'application de l'exception est accrue par le fait que celle-ci, en théorie, est également applicable à l'environnement analogique.

Cette nouvelle rédaction a évidemment attiré les foudres des ayants droits, qui la trouvent trop extensive, mais aussi des prestataires de services et opérateurs de télécommunication qui, en sens inverse, l'estiment encore trop restrictive.

En fait, une bonne partie des difficultés provient des incertitudes techniques. Sans entrer dans le détail, il faut, en effet, distinguer, en ce qui concerne la diffusion en ligne, trois types de copies « techniques » :

-  les copies éphémères ou « volatiles », liées au besoin du transport de l'information numérique et qui n'ont pas d'existence indépendante de ce même transport. Au vu des interventions des uns et des autres et des auditions effectuées par votre rapporteur, chacun semble admettre la pertinence d'une exception au profit de ce type de reproductions.

-  les copies « caches », c'est-à-dire les copies temporaires, réalisées par les fournisseurs d'accès sur leurs serveurs, des pages les plus consultées afin d'accélérer l'accès à ces informations en évitant les connexions systématiques aux sites « mères ». Ces types de reproduction suscitent la méfiance des ayants droits au motif que le recours aux « caches » rend malaisé le décompte précis des consultations de l'_uvre ; en outre, ils redoutent que ces copies soient détournées de leur finalité originelle et donnent lieu à des formes d'exploitations non autorisées.

-  enfin, les copies de sites dites « miroir », destinées notamment à faciliter la transmission intercontinentale de l'ensemble d'un site. Ces dernières ayant un impact direct sur la diffusion d'une _uvre protégée, il n'y a pas de doute sur l'opportunité de les soumettre au droit exclusif.

Les auteurs et autres titulaires de droit, soutenus par le rapporteur de la Délégation, estiment que seules les copies « volatiles » devraient être exclues du droit exclusif. De son côté, le Conseil d'Etat, dans son rapport précité, suggère que les copies « caches » bénéficient, elles aussi, d'une exception, moyennant la contrepartie d'une rémunération forfaitaire, acquittée par les fournisseurs d'accès.

En réalité, ce différend peut être réglé par renvoi à la pratique contractuelle. A l'examen, il apparaît en effet que les fournisseurs de contenu ont techniquement la possibilité de faire configurer leurs fichiers de telle sorte que le processus de cache fonctionne ou non. Dans ces conditions, le pragmatisme commande d'inciter les ayants droits et les fournisseurs d'accès à définir le régime des copies « caches » au moment où sont négociées les conditions d'exploitation de l'_uvre elle-même, en déterminant les copies transitoires qui ont ou qui n'ont pas d'impact économique pour en tirer ensuite les conséquences financières.

En dépit d'une rédaction perfectible, c'est dans cette voie que s'est a priori engagée le Parlement européen, lequel propose une nouvelle rédaction de l'exception, explicitée par un considérant reformulé, liant explicitement l'exonération des copies techniques à l'autorisation préalable d'exploitation de l'_uvre et reconnaissant que l'exception peut couvrir, dans ces conditions, les copies « caches ». Votre rapporteur approuve cette orientation, étant entendu que celle-ci mériterait d'être formalisée de manière plus précise.

2. Les exceptions facultatives

Bien qu'il s'agisse d'exceptions facultatives, la liste établie aux paragraphes 2 et 3 est critiquée par la plupart des ayants droits. D'une manière générale, ceux-ci considèrent que ces limitations à leurs droits sont rédigées en termes trop larges ; ils redoutent, en outre, que la fixation par la directive d'une liste exhaustive n'incite les Etats membres, sous la pression des utilisateurs, à ériger les exceptions facultatives en exceptions obligatoires.

Malgré ces critiques, il ne semble pas réaliste de militer en faveur de la suppression des exceptions facultatives, ne serait-ce qu'en raison du fait que plusieurs d'entre elles appartiennent à la tradition juridique de certains Etats-membres. En contrepartie, il faut que leur champ d'application soit aussi encadré que possible, afin de prévenir tout risque de détournement, aggravé dans l'environnement numérique.

· Les exceptions au droit de reproduction (art. 5-2)

La proposition de directive en retient trois, dont celle au bénéfice de la copie privée.

La première concerne les reproductions par photo-impression. On peut s'interroger sur le bien fondé de cette exception facultative, tant le « photocopillage » est une source bien connue de contournement des droits d'auteur. A tout le moins, il faudrait que la rédaction mentionne expressément la possibilité d'assortir cette faculté d'un droit à rémunération. On notera avec satisfaction qu'un amendement du Parlement européen va dans ce sens. Rappelons cependant qu'en France, la reprographie est soumise à un régime hybride de droit exclusif avec gestion collective obligatoire des droits.

Une autre exception porte sur les actes de reproduction effectués par des établissements « accessibles au public » et qui ne visent aucun avantage économique ou commercial, direct ou indirect. Ici encore, la portée de cette exception, censée concerner au premier chef les bibliothèques ou les musées, est très imprécise aussi bien en ce qui concerne les établissements bénéficiaires que la nature des actes exonérés. Le Parlement européen a partagé ce point de vue et a adopté un amendement répondant en partie à ces objections ; en particulier, ne seraient concernées que les reproductions aux fins de conservation ou d'archivage.

Notons, par ailleurs, que celui-ci a, en revanche, adopté un amendement qui complète la liste des exceptions facultatives au profit des « reproductions spécifiques dont le seul but est de permettre un acte de radiodiffusion légitime ». On ne peut qu'émettre de vives réserves devant cette proposition qui conduirait, en l'état, à remettre en cause les accords entre ayants droits - notamment producteurs de phonogrammes - et radiodiffuseurs.

Enfin, et surtout, la directive prévoit la possibilité d'établir une exception au profit de la copie privée (art. 5-2.b).

Cette question soulève d'amples interrogations. Actuellement, l'exception pour copie privée est reconnue par la plupart des Etats membres, dont la France, sauf pour les logiciels (excepté la copie de sauvegarde) et les bases de données. Chemin faisant, les législateurs nationaux ont été conscients que, dans des cas de plus en plus fréquents du fait de l'amélioration des performances des équipements, cette exception pouvait représenter un manque à gagner important pour les titulaires de droits. Sans remettre en cause le principe de l'exception, ils ont donc souvent mis en place des mécanismes compensatoires de rémunération pour copie privée.

Beaucoup d'observateurs soutiennent que ce régime n'est plus adapté à l'environnement numérique et regrettent que la proposition de directive, mises à part les dispositions elliptiques du considérant 26, ne règle pas cette question. Leurs arguments, il est vrai, ne manquent pas de force.

Tout d'abord, il est clair que, dans un environnement en réseau, l'absence de support physique accroît considérablement les risques de contrefaçons. Par ailleurs, force est d'admettre que le mécanisme de la licence légale assortie d'un droit à rémunération, parfois présenté comme une panacée, est souvent mal adapté à l'exploitation immatérielle des _uvres.

Ensuite, en ce qui concerne les copies effectuées sur des supports physiques, les technologies numériques permettent une reproduction parfaitement substituable à l'original, lequel fait ainsi l'objet d'un véritable « clonage », ce qui n'était pas le cas des copies analogiques. De fait, il suffit de constater les résultats des enregistrements sur D.V.D. ou C.D.-ROM pour constater que la copie domestique a changé de nature. Si l'on conjugue cette évolution à la baisse tendancielle du coût des équipements (le prix d'un graveur de C.D.-ROM ne dépasse guère un millier de francs), on peut raisonnablement être préoccupé devant les détournements potentiels de flux.

Telle sont les raisons pour lesquelles la plupart des ayants droits réclament purement et simplement la disparition de l'exception pour copie privée dans l'environnement numérique, position également préconisée par M. Jacques Myard. Cette solution radicale, quoique non dénuée de cohérence, pose cependant au moins deux difficultés. Tout d'abord, elle remet en cause un attribut de la liberté individuelle, qui est également un facteur d'égalité, c'est-à-dire pouvoir réaliser des copies pour son usage personnel. Elle pose ensuite le problème de son applicabilité, dans la mesure où l'exercice effectif des droits ainsi garantis suppose des moyens techniques de protection appropriés (identification numérique, cryptage, ...) qui ne sont pas encore parfaitement opérationnels, en particulier sur les réseaux, même si les progrès sont, dans ce domaine, quotidiens (5).

Compte tenu de ces observations, la France défend traditionnellement une position conservatoire : l'objectif est d'arriver à un droit exclusif protégé par des instruments techniques ; en attendant, tant que ceux-ci ne sont pas parfaitement fiables, il convient de limiter le préjudice en instituant une licence légale assortie d'un droit à rémunération.

Une solution comparable est également retenue par le Parlement européen qui, à l'initiative de sa commission juridique, suggère de distinguer l'environnement analogique, pour lequel est prévu un droit à rémunération, de celui numérique où l'exception serait subordonnée à l'absence de protection technique fiable et donnerait lieu, le cas échéant, à une rémunération. Notons cependant que cette option peut être difficile à mettre en _uvre, dès lors qu'elle suppose une appréciation subjective de l'efficacité des dispositifs techniques. De surcroît, les députés européens ont adopté un nouveau considérant en faveur de l'harmonisation des modalités de prélèvement sur la copie privée, souhait qui ne contribue pas à la mise en place rapide de solutions adéquates.

En tout état de cause, compte tenu des contraintes particulières de l'environnement économique, c'est une solution mixte qu'il conviendra sans doute de promouvoir à terme, alliant protection technique et principe de rémunération équitable, dont les modalités devront évidemment être adaptées à l'exploitation en réseau.

· Les exceptions communes au droit de reproduction et au droit de communication (art. 5-3)

Elles sont au nombre de cinq :

-  les utilisations aux seules fins d'illustration de l'enseignement ou de la recherche. Cette exception, reconnue par plusieurs Etats membres, pose une difficulté dans la mesure où elle est contraire à une tradition française régulièrement confirmée. Le Parlement européen a opportunément assorti cette limitation d'un droit à rémunération ;

-  les utilisations non commerciales effectuées par des personnes malentendantes ou malvoyantes, liées à leur handicap ;

-  les utilisations d'extraits à des fins d'information ;

-  les citations ; cette exception est prévue par la loi française, mais selon une formulation nettement plus stricte ; ici encore, la rédaction adoptée par le Parlement européen permet d'en préciser opportunément le champ, notamment en rétablissant le critère de bon sens de l'incorporation dans une _uvre ;

-  les utilisations à des fins de sécurité publique ou de bon déroulement d'une procédure judiciaire ou administrative ; une exception de même nature, a priori inutile, a été inscrite dans la législation française par la loi transposant la directive « bases de données ».

Sous réserve de ces remarques ponctuelles, cette liste n'appelle pas d'autres commentaires. Votre rapporteur souhaite cependant que leur application soit effectivement validée par le test « en trois étapes » déjà évoqué, à la condition que celui-ci ne se limite pas à une simple clause de style ; en outre, on doit souhaiter que les titulaires de droits n'hésitent pas à faire valoir, le cas échéant, le principe du « fair use », évoqué à plusieurs reprises par les rédacteurs de la proposition.

C. LES GARANTIES JURIDIQUES EN FAVEUR DES MESURES DE PROTECTION TECHNIQUE

Si elle constitue un facteur de risques non négligeable pour les titulaires de droits, la numérisation donne également la capacité de suivre plus facilement les conditions d'exploitation des _uvres De ce point de vue, il convient de distinguer les mécanismes de protection des _uvres stricto sensu, qui permettent d'en contrôler l'accès et l'utilisation, des dispositifs d'identification qui ont pour objet d'encoder l'_uvre pour en permettre la localisation tout au long de son exploitation - par exemple pour assurer la comptabilisation des utilisations individuelles -, les deux techniques étant, bien sûr, complémentaires.

Sans préjudice des réflexions qui doivent être menées quant à l'impact éventuel de ces procédés sur le respect de la vie privée, la plupart des professionnels considèrent, à juste titre, que ce volet technologique est une donnée essentielle pour une mise en place harmonieuse de la société de l'information puisqu'elle conditionne l'exercice effectif des droits que leur confère la législation.

Telle est la raison pour laquelle la plupart des organismes qui fédèrent les titulaires de droit se sont fortement mobilisés dans cette démarche. Au niveau français, une action menée en collaboration entre le ministère de la culture, l'A.F.N.O.R. et les ayants droits a conduit à la mise à jour des normes I.S.O. Ajoutons, à cet égard, que la prochaine libéralisation du cryptage, annoncée par le Premier ministre le 19 janvier dernier, devrait donner une nouvelle impulsion à cette action. Cela étant, celle-ci ne peut être véritablement efficace que si elle s'intègre dans une approche internationale. Cet objectif est notamment poursuivi par la Conférence internationale des sociétés d'auteur et de compositeurs (C.I.S.A.C.), qui travaille à la mise en place d'identifiants normalisés et universels et à la création de bases de données accessibles sur l'ensemble du réseau.

Outre ces exercices d'harmonisation technique, la crédibilité des outils de protection n'est assurée que s'ils bénéficient eux-mêmes d'une protection juridique adéquate.

Cet enjeu, qui avait été clairement exprimé dans la communication de la Commission, a trouvé un premier écho dans les traités O.M.P.I. qui invitent les parties contractantes à organiser une protection juridique contre la neutralisation des mesures techniques visant à la protection des droits d'auteur. Cette action peut prendre la forme de garanties juridiques mais aussi de sanctions.

La proposition de directive préconise, dans son article 6, d'harmoniser la protection juridique de l'intégrité des systèmes techniques d'identification et de protection. Si elle reprend à son compte les dispositions de traités de l'O.M.P.I. concernant la neutralisation des systèmes techniques, elle va plus loin que ces derniers en incriminant également les activités préparatoires qui facilitent cette neutralisation, telles que la production, la promotion, la distribution ou la location, de dispositifs permettant de contourner les protections techniques. La proposition ne définit qu'un champ d'application, les mesures à prendre - civiles ou pénales - étant laissées à la libre appréciation des Etats membres.

Comme le prévoient les traités O.M.P.I, la garantie est subordonnée à la condition que la protection soit efficace, démonstration à la charge du titulaire de droit, sauf lorsque l'_uvre est cryptée ou protégée par un code. On s'interrogera sur le caractère opérationnel de cette présomption dans un contexte où les outils techniques deviennent de plus en plus rapidement obsolètes.

Aux termes de la proposition de directive, la protection ne s'applique qu'à l'égard des biens, activités ou services qui n'ont pour finalité que la neutralisation. Cette disposition a l'intérêt de circonscrire le champ de la protection et de limiter la responsabilité des industriels, mais elle permet de contourner aisément la protection par le biais de produits à usage mixte.

Par ailleurs, elle est liée à un élément intentionnel, puisque la personne concernée doit savoir ou avoir des « raisons valables de penser » que le produit ou service permet ou facilite la neutralisation. Si l'on comprend bien les motivations des rédacteurs, force est de constater que la formulation retenue est, ici encore, source de difficulté et de contentieux multiples.

Partageant sur ce point précis l'opinion de M. Jacques Myard, votre rapporteur estime que les objectifs louables poursuivis par la Commission sont fragilisés par une formulation ambiguë susceptible de priver la protection de toute portée effective. Il reconnaît toutefois que l'exercice est complexe, dès lors que l'intérêt légitime des auteurs ne doit pas conduire à freiner l'innovation technologique ou à créer une instabilité juridique préjudiciable aux utilisateurs, alors que, dans le même temps, les prestataires de service en ligne bénéficieraient, de leur côté, d'une quasi-impunité en matière de contrefaçon. La nouvelle rédaction adoptée par le Parlement européen constitue un progrès sur le plan de la rigueur juridique, mais il convient toutefois de veiller à ce que le recours à des critères plus objectifs ne conduise pas à une extension disproportionnée du champ d'application de la protection.

Au total, on ne pourra qu'inciter le législateur national à utiliser aussi largement que possible la marge de man_uvre que lui confère la directive pour la mise en _uvre de ces dispositions.

Enfin, d'une manière générale, votre rapporteur tient à souligner que les systèmes d'identification et de protection, pour nécessaires qu'ils soient en matière de droit d'auteur, emportent aussi des risques en termes d'atteintes à la vie privé et personnelle, préoccupation qui doit être prise en compte dans les actions de normalisation mais aussi dans celles tendant à renforcer la protection de l'intégrité de ces mêmes systèmes.

III. - LES QUESTIONS EN SUSPENS

Il en est tout d'abord ainsi du problème du droit moral, qui complète les droits patrimoniaux, puisqu'il confère à l'auteur le droit inaliénable, imprescriptible et perpétuel de revendiquer la paternité de l'_uvre et de s'opposer à toute modification qui porte une atteinte à sa réputation ou à son honneur. Au niveau international, ce droit est reconnu, sous une forme atténuée, aux titulaires de droits d'auteur (convention de Berne et traité O.M.P.I. et aux artistes-interprètes et producteurs de phonogrammes (deuxième traité O.M.P.I.). La législation communautaire est, en revanche, jusqu'à présent muette sur cette question.

Dans sa communication, la Commission avait admis que le droit moral pouvait être affecté par l'environnement numérique qui facilite les atteintes à l'intégrité des _uvres et que les différences de législation pouvaient altérer le fonctionnement du marché intérieur. Néanmoins, elle avait estimé prématuré un exercice d'harmonisation dans ce domaine, jugeant qu'elle ne disposait pas encore d'éléments précis pour définir une solution viable. Cet argument ne semble pas très convaincant, la Commission ayant davantage reculé devant les divergences de points de vue (le droit moral est inconnu dans les pays de copyright) et les disparités des législations nationales qui sont considérables. Il reste que l'on doit militer en faveur de l'engagement d'une réflexion, notamment au profit de certains titulaires de droit voisins qui ne bénéficient même pas de la protection minimale issue des conventions internationales.

Le règlement des problèmes de responsabilité des différentes parties concernées (fournisseurs d'accès, prestataires de services, « transporteurs »), pourtant essentiel pour le bon fonctionnement de la société de l'information, n'est pas abordé par la directive, pas plus qu'il ne l'avait été par la conférence diplomatique ayant préludé à l'adoption des traités O.M.P.I. En réalité, comme en atteste la lecture du considérant n° 12, la commission est consciente des enjeux mais préfère renvoyer le traitement du dossier à un autre texte. De son côté, le Parlement européen a partagé ce point de vue, tout en insistant sur la connexité des problèmes. Il a souhaité, en outre, que les deux textes entrent en vigueur dans des délais comparables, position compréhensible mais qui pourrait avoir pour conséquence de retarder l'adoption définitive de la présente directive.

De fait, les arguments de la Commission sont recevables : il ne s'agit pas seulement d'aborder les problèmes sous le seul angle des droits d'auteur car il s'agit d'une problématique horizontale, qui concerne aussi la vie privée, les pratiques commerciales, le droit pénal et l'ordre public. Observons, de surcroît, qu'aucune des directives actuellement adoptées n'aborde ce sujet, les régimes nationaux en vigueur ayant été jugés aptes à proposer des solutions idoines. Il reste que cette question prend une importance singulière avec la société de l'information ; aussi, sans préjuger du fond, ne peut-on que se féliciter que la Commission ait décidé d'inclure le traitement des problèmes de responsabilité des prestataires de services en ligne dans la proposition de directive relative au commerce électronique, divulguée le 18 novembre dernier.

En l'état, cette proposition, dont le champ d'application est, au demeurant, extrêmement vaste, préconise des solutions assez nettement « libérales », inspirées du « digital millenium copyright act » américain, puisqu'elles conduisent à une large irresponsabilité des opérateurs de transports, des fournisseurs d'accès, des opérateurs de « caching » et des « hébergeurs », assez éloignée de notre tradition juridique. En outre, contrairement à ce que prévoient certaines législations, ces intermédiaires ne seraient soumis, ni à une quelconque obligation en matière de surveillance, ni au respect d'obligations de diligences.

Ici encore, c'est une solution d'équilibre qui doit prévaloir car, de toute évidence, les prestataires de services concourant à la société de l'information ne sont pas tous dans une situation comparable : si l'irresponsabilité des opérateurs de télécommunication peut être étudiée, celle des fournisseurs d'accès ou des « hébergeurs », dont le rôle est plus ambivalent, mérite d'être mûrement appréciée.

Un débat approfondi sur le fond sera donc indispensable, tout en souhaitant que celui-ci ne contribue pas à retarder excessivement l'adoption d'un texte primordial pour le fonctionnement harmonieux de la société de l'information.

Cette même proposition d'acte communautaire devrait aussi envisager la question de la détermination de la loi applicable, également considérée par la Commission comme une question horizontale. Ici encore, en dépit des efforts d'harmonisation, les caractéristiques de la société de l'information rendent plus importantes les questions de conflits de loi dans un environnement juridique encore hétérogène. En matière de droit d'auteur, certains considèrent que les règles traditionnelles du droit international privé fournissent, la plupart du temps, des solutions satisfaisantes, d'autant qu'aucune des options « unificatrices » - pays d'origine ou pays de réception - n'est véritablement convaincante dès lors que chacune emporte des risques de délocalisations d'activités.

Il n'en reste pas moins que les moyens de transmission numériques et la vocation transfrontalière des services en ligne s'accommodent mal d'une approche exclusivement territoriale des droits et de l'incertitude juridique qu'entraîne la localisation des droits par voie uniquement contractuelle. En outre, le maniement souvent délicat du droit international privé risque de conduire, en pratique, à la superposition des législations applicables à un même acte d'exploitation, en particulier tant que les règles de responsabilité des différents acteurs ne sont pas précisées. Dans ces conditions, on ne peut donc qu'engager à la définition d'une solution permettant à chacun d'acquérir clairement des droits et de les exercer effectivement. A cet égard, votre rapporteur, une fois n'est pas coutume, rejoint la position du rapporteur de la Délégation qui plaide en faveur d'un traité O.M.P.I. sur cette question particulière.

La titularité des droits, et notamment le problème de la création salariée, n'est pas non plus abordée par la directive, sachant qu'il s'agit d'une question qui prend une acuité particulière dans l'environnement du multimédia, comme l'a justement rappelé le Conseil d'Etat dans son rapport précité. Pour s'en convaincre, rappelons les débats qui ont eu lieu au Parlement lors de la transposition de la directive « bases de donnée », les investisseurs militant, sans succès, pour l'organisation d'un mécanisme de présomption de cession des droits, à l'instar de celui en vigueur pour les logiciels. On mentionnera également les difficultés juridiques posées lors de la mise en ligne d'articles de presse.

De fait, alors que les producteurs de bases de données ou éditeurs multimédia font état de l'intensification des investissements à mettre en place, les auteurs prétendent, non sans raison, que les conditions d'exploitation de leurs _uvres sont radicalement transformées. Les premiers demandent donc un régime de création salariée inspirée du régime américain, les seconds le renforcement de leurs prérogatives d'auteurs.

Bien qu'il n'entre pas dans l'objet du présent rapport de régler cette question délicate, on ne peut que souhaiter la mise en place d'une solution qui préserve la juste rémunération des créateurs salariés tout en conférant plus de stabilité juridique à l'investisseur-employeur, à l'instar du régime en vigueur pour les brevets.

Enfin, la directive reste muette en ce qui concerne la gestion des droits. Dans la communication de novembre 1996, la Commission reconnaît que ce dossier est important, notamment parce que l'environnement numérique peut rendre plus hasardeux l'exercice individuel des droits en raison de la diversification des utilisations et des exploitations des _uvres protégées, même si elle admet que l'évolution technologique pourrait, au contraire, grâce à l'identification numérique, conduire à un mouvement contraire.

Dans ce domaine, la Communauté européenne a déjà eu l'occasion de prendre position pour un mode de gestion plutôt qu'un autre, notamment pour des raisons pratiques. Ainsi, la directive « satellite-câble » prévoit explicitement que les droits correspondants doivent être gérés par une société de gestion collective. Moins normative, la directive « location » a néanmoins autorisé les Etats à prévoir que certains droits sont obligatoirement gérés collectivement. Pour autant, en matière de société de l'information, la Commission a préféré temporiser, la consultation ne faisant pas ressortir d'opinion dominante. On notera toutefois que certains observateurs ont, à cette occasion, réclamé une clarification des règles communautaires de concurrence applicables aux sociétés de gestion collective, comme en atteste un considérant additionnel adopté par le Parlement européen.

Votre rapporteur considère que l'attentisme de la Commission est, pour le moment, sage. La diversité des situations et des pratiques est telle qu'elle rend toute perspective d'harmonisation potentiellement conflictuelle, alors que, dans le même temps, les distorsions induites par cette hétérogénéité ne sont pas manifestes.

IV. - UNE PROPOSITION DE RÉSOLUTION QUI DOIT ÊTRE CORRIGÉE

La proposition de résolution approuvée par la Délégation et soumise à votre commission des Lois reflète très largement, on s'en doutera, les orientations figurant dans le rapport d'information présenté par M. Jacques Myard. Compte tenu des observations formulées dans le présent rapport, on ne sera pas non plus surpris que votre rapporteur suggère d'en corriger les termes, ainsi que de la compléter sur certains aspects qui lui semblent importants.

A. LES CONSIDÉRANTS DE LA PROPOSITION DE RÉSOLUTION

D'une manière générale, les cinq brefs considérants posent quelques principes simples, tels que la nécessité d'un niveau de protection élevé des droits d'auteur, la nécessaire adaptation des règles applicables sans remise en cause des concepts juridiques, tout en exprimant clairement des doutes sur l'opportunité et la qualité de l'exercice d'harmonisation menée par la Commission. Notons que ces réserves apparaissent quelque peu contradictoires avec le point 2 de la proposition de résolution qui approuve la perspective d'une harmonisation communautaire.

Le premier considérant lie l'émergence de la société de l'information en Europe à un niveau de protection élevé des droits d'auteur et de ceux des artistes interprètes. Plus qu'une corrélation, il s'agit en fait d'un objectif louable mais qui n'a de portée effective que dans la mesure où la protection est élevée sur l'ensemble du territoire communautaire. Dans ces conditions, votre rapporteur estime préférable de formuler les premiers considérants de sorte qu'une corrélation soit clairement établie entre les caractéristiques de la société de l'information, les distorsions que les disparités de législations sont susceptibles d'entraîner, la nécessaire valorisation des contenus et l'exercice d'harmonisation proposé par la Commission, lequel s'inscrit, au demeurant, dans une démarche déjà ancienne.

Le deuxième considérant, qui pose la pertinence des concepts juridiques actuels moyennant quelques adaptations et précisions, ne soulève pas de difficulté de principe. Notons toutefois que la remise en cause de la copie privée préconisée plus loin par l'auteur de la proposition de résolution va nettement au-delà de la simple précision ou adaptation.

Le rappel des traités O.M.P.I. auquel procède le troisième considérant est peu contestable, mais il doit se lire à la lumière des deux suivants qui conduisent à nier l'intérêt de la proposition de directive au motif que l'harmonisation est déjà largement assurée par ces mêmes traités. On a déjà eu l'occasion de démontrer que cet argument n'est pas déterminant dès lors qu'il faut prévenir les différences d'interprétation qui pourraient survenir lors de la transposition de leurs dispositions dans l'ordre interne de chacun des signataires communautaires. En outre, ces traités comportent de nombreuses lacunes ou insuffisances, qu'il s'agisse du régime des exceptions au droit d'auteur ou de la protection de l'intégrité des systèmes de protection.

En ce qui le concerne, votre rapporteur croit utile d'aborder l'harmonisation proposée par la commission de manière plus volontariste, tout en restant évidemment vigilant sur les mesures proposées. Les considérants mériteraient, en outre, d'être complétés par des références plus explicites à l'objectif d'équilibre, aux risques de piratage, ainsi qu'aux liens indissociables entre les questions de droit d'auteur, de responsabilité des prestataires de service et de loi applicable.

B. LE DISPOSITIF DE LA PROPOSITION DE RÉSOLUTION

Le point 1 de la proposition de M. Jacques Myard n'appelle pas, sur le fond, de commentaire dans la mesure où il exprime une approbation d'ensemble sur la démarche d'harmonisation, pour peu que celle-ci vise un niveau de protection élevé. Votre rapporteur vous propose néanmoins une rédaction légèrement différente faisant référence à l'objectif de valorisation des contenus.

En outre, il semble opportun de compléter la proposition de résolution d'un alinéa incitant à l'harmonisation rapide des règles de responsabilité des différents acteurs de la société de l'information et de celles permettant de déterminer la loi applicable.

Le point 2 de la proposition regroupe les traditionnelles invites au gouvernement, qui reflètent les fortes réserves de son auteur à l'égard de bon nombre de dispositions de la directive :

-  la première pose un principe général d'interdiction de toute exception aux droits d'auteur et aux droits voisins, principe en fait décliné dans les alinéas suivant ; à l'évidence, cette position apparaît excessive et irréaliste et il semble préférable d'en faire l'économie ;

-  la deuxième demande que l'ensemble des copies techniques et transitoires fassent l'objet d'une autorisation des titulaires des droits ; on a vu que cette option radicale était inadaptée à la réalité de la circulation des données sur le réseau et qu'il est possible de dégager une solution techniquement gérable qui protège effectivement les auteurs ;

-  la troisième envisage la disparition définitive de la copie privée dans l'environnement numérique, solution que votre rapporteur estime prématurée en l'état des réflexions et de la technique ;

-  la quatrième invite suggère la disparition de l'exception au profit des établissements accessibles au public ; en examinant cette disposition, votre rapporteur a reconnu sa perfectibilité mais a estimé que cette exception facultative pouvait être maintenue moyennant une reformulation et la reconnaissance d'un droit à rémunération, inspirée de la rédaction adoptée par le Parlement européen ;

-  la cinquième englobe la fourniture des moyens techniques nécessaires à la transmission d'une _uvre dans l'acte de communication au public ; cette suggestion est directement contraire à la position retenue par la Commission et par le Parlement européen et anticipe sur les réflexions en cours concernant la mise en jeu de la responsabilité des opérateurs ;

-  les trois derniers alinéas de la proposition de résolution n'appellent pas de commentaires : il s'agit de l'affirmation d'un principe général, d'une demande de clarification et de la référence à un traité O.M.P.I. pour l'harmonisation des règles de responsabilité et de loi applicable.

Compte tenu de ces observations, votre rapporteur suggère l'adoption d'une rédaction alternative proposant les orientations suivantes :

-  éviter que le droit de reproduction soit altéré par des présomptions de cession de droits qui correspondraient, de facto, à de nouvelles exceptions implicites ;

-  préciser les notions de communication au public et de communication privée dans le but de prévenir les fraudes, sans que cette clarification vide de toute portée la communication entre personnes privées à des fins strictement personnelles ;

-  protéger les producteurs de phonogramme contre toute extension implicite du champ de la licence légale qui organise leurs rapports avec les radiodiffuseurs ; pour autant, il ne semble pas opportun, à ce stade, de leur accorder un droit exclusif à l'égard des services de radiodiffusion numériques qui n'entrent pas directement en concurrence avec la distribution traditionnelle de disque ;

-  inciter au règlement contractuel de la question des copies techniques, étant entendu que l'exception obligatoire proposée par la proposition de directive ne peut porter que sur des reproductions d'_uvres dont l'exploitation a été autorisée ;

-  maintenir, pour le moment, l'exception pour copie privée, mais promouvoir, à titre conservatoire, tant que les outils de protection technique ne permettent pas de garantir efficacement l'exercice des droits, un mécanisme de rémunération équitable adapté à l'environnement numérique ;

-  admettre le principe des exceptions facultatives tout en encadrant plus précisément leur formulation ; le cas échéant, il convient pour certaines d'entre-elles de prévoir une rémunération ou, le cas échéant, une clause destinée à prévenir le préjudice économique injustifié ;

-  conforter la protection juridique des systèmes de protection des _uvres en recourant à des critères moins subjectifs ; il convient toutefois de veiller à ce que le champ d'application ainsi défini ne soit pas trop extensif au risque de fragiliser la stabilité juridique d'un trop grand nombre d'acteurs.

La Commission a adopté la proposition de résolution dans la rédaction présentée par le rapporteur dont le texte suit.

*

* *

PROPOSITION DE RÉSOLUTION
ADOPTÉE PAR LA COMMISSION

sur la proposition de directive du Parlement européen et
du Conseil sur l'harmonisation de certains aspects
du droit d'auteur et des droits voisins
dans la société de l'information

L'Assemblée nationale,

-  Vu l'article 88-4 de la Constitution,

-  Vu la proposition de directive du Parlement européen et du Conseil sur l'harmonisation de certains aspects du droit d'auteur et des droits voisins dans la société de l'information (E 1011),

Considérant que les différences entre les législations actuelles des Etats membres en ce qui concerne le régime de la propriété intellectuelle sont de nature à freiner, sur le territoire de la Communauté, le développement de la société de l'information, dès lors que celle-ci est caractérisée par la fluidité, l'instantanéité et le caractère transfrontalier de la circulation des données numériques ;

Considérant que la technologie numérique démultiplie les modalités d'exploitation des _uvres protégées mais, aussi, facilite les utilisations illicites de ces dernières et que, en conséquence, la mise en place d'une véritable société de l'information suppose une valorisation des contenus assurée notamment par un niveau de protection des titulaires de droits d'auteur et de droits voisins qui soit élevé, adapté et harmonisé ;

Considérant que si le nouvel environnement technologique n'implique pas l'élaboration de nouveaux concepts juridiques, il rend toutefois nécessaire certaines adaptations afin, notamment, de garantir un équilibre entre les intérêts des titulaires de droits, des exploitants et des utilisateurs ;

Considérant que la Communauté européenne a déjà engagé un important travail d'harmonisation des règles régissant la propriété intellectuelle, en particulier en ce qui concerne les logiciels et les bases de données, mais que ces textes ponctuels ne permettent pas de régler l'ensemble des problèmes soulevés par l'émergence de la société de l'information ;

Considérant, d'une part, que les traités adoptés le 20 décembre 1996 dans le cadre de l'Organisation mondiale de la propriété intellectuelle doivent être appliqués de manière homogène sur le territoire de la Communauté, mais que, d'autre part, ces mêmes traités n'abordent pas certaines questions importantes telles que les exceptions aux droits d'auteur ;

Considérant que les potentialités inhérentes à l'environnement numérique conduisent à cantonner le champ des exceptions aux droits d'auteur et aux droits voisins et à les interpréter de manière restrictive ;

Considérant que l'exercice effectif des droits par leurs titulaires sera efficacement garanti par la mise en place de systèmes techniques normalisés d'identification et de protection des _uvres, dans des conditions qui ne portent pas atteinte au respect de la vie privée, et que ces systèmes doivent faire l'objet d'une protection juridique harmonisée et proportionnée ;

Considérant, enfin, que les effets de la présente proposition de directive doivent être appréciés en tenant compte des règles concernant la délimitation de la responsabilité des différents acteurs de la société de l'information et la détermination de la loi applicable, dont il est proposé l'harmonisation dans la proposition de directive du Parlement européen et du Conseil relative à certains aspects juridiques du commerce électronique dans le Marché intérieur.

1.  Soutient l'exercice d'harmonisation des droits d'auteur et des droits voisins dans la société de l'information dès lors que celui-ci propose un niveau de protection élevé de nature à valoriser les contenus ;

2.  Souhaite l'harmonisation rapide des règles relatives à la détermination des responsabilités respectives des différents prestataires de services et de celles permettant de déterminer la loi applicable, exercice sans lequel la société de l'information ne peut se développer dans de bonnes conditions sur le territoire de la Communauté ;

3.  Invite, en outre, le Gouvernement :

-  à faire préciser les domaines respectifs de la communication au public et de la communication privée, afin de prévenir les détournements potentiels tout en préservant la circulation privative des _uvres à des fins strictement personnelles ;

-  à faire confirmer que la diffusion musicale interactive en ligne donne lieu, au profit des producteurs de phonogrammes, soit à une rémunération équitable adaptée, soit à l'application du droit exclusif lorsque la nature du service l'assimile, en pratique, à un service à la demande, tout en restant réservé sur l'extension éventuelle de leur droit exclusif à l'égard des modes de radiodiffusion numériques qui n'entrent pas directement en concurrence avec la vente de supports sonores ;

-  à faire préciser la portée de l'exception obligatoire instituée au profit des copies techniques transitoires liées au processus d'acheminement des _uvres, de sorte qu'elle ne puisse bénéficier qu'aux copies d'_uvres dont l'exploitation est autorisée et que le régime et la gestion de ces copies soient organisés par voie contractuelle entre le titulaire des droits et le fournisseur d'accès au moment de l'autorisation initiale d'exploitation ;

-  à faire modifier la rédaction de l'exception facultative relative à la copie privée, afin qu'il soit clairement précisé qu'en l'absence de dispositif technique de protection, la copie numérique donne lieu à une rémunération équitable calculée selon des modalités adaptées au nouvel environnement technologique ;

-  à accepter le principe des autres exceptions facultatives limitativement énumérées par la proposition de directive à la condition, d'une part, que celles-ci soient plus strictement définies tant en ce qui concerne les personnes ou institutions bénéficiaires que les actes d'exploitation visés et, d'autres part, que, selon les cas, soit prévu un mécanisme de rémunération équitable ou, le cas échéant, une clause de sauvegarde en cas de préjudice économique injustifié causé aux titulaires de droits ;

-  à insister sur le fait que, quelle que soit leur formulation, les exceptions doivent être systématiquement appréciées à la lumière du « test en trois étapes » rappelé par les traités O.M.P.I. et que le principe même de ces exceptions ne doit pas empêcher la mise en place, le cas échéant, d'une rémunération équitable, organisée par voie contractuelle entre les utilisateurs et les titulaires de droits ;

-  à faire clarifier le régime de protection juridique de l'intégrité des systèmes techniques de protection des _uvres afin de mettre en oeuvre un mécanisme praticable, reposant sur des critères plus objectifs, mais dont le champ d'application ne soit pas de nature à multiplier les situations d'instabilité juridique.

LISTE DES PERSONNES ENTENDUES

PAR LE RAPPORTEUR

graphique

Association des fournisseurs d'accès

- M. Jean-Christophe LE TOQUIN, délégué permanent

France Télécom

- M. Gérard MOINE, directeur des relations extérieures

- Mme Marie-Christine PELTIER-CHARRIER, responsable des relations institutionnelles

Groupement européen des sociétés d'auteurs et compositeurs

- Mme Véronique DESBROSSES, secrétaire générale

Ministère de la Culture et de la Communication

- M. Alain GIFFARD, conseiller technique au cabinet de la ministre

- M. François BRAIZE, sous-directeur, et Mme Hélène de MONTLUC, chef de bureau, sous-direction des affaires juridiques

Syndicat national de l'édition phonographique

- M. Frédéric GOLDSMITH, directeur juridique

________

N° 1401.- Rapport de M. Christian Paul (au nom de la commission des lois) sur la proposition de résolution (n° 1109) de M. Jacques Myard, sur la proposition de directive du Parlement européen et du Conseil sur l'harmonisation de certains aspects du droit d'auteur et des droits voisins dans la société de l'information (COM [97] 628 final/E 1011).

1 () Internet et les réseaux numériques, Conseil d'Etat, Section du rapport et des études, adopté par l'Assemblée générale du Conseil d'Etat le 2 juillet 1998.

2 () Le détail de ces mesures et l'état d'avancement du plan sont décrits sur le site Internet du premier ministre (www.premier-ministre.gouv.fr).

3 () « Le désir de France », la présence internationale de la France et la francophonie dans la société de l'information, Rapport au premier ministre, décembre 1996.

4 () Introduits dans la législation française par la loi du 3 juillet 1985, ces droits s'analysent en des droits exclusifs « atténués » ; en application du livre deuxième de la première partie du code de la propriété intellectuelle, il s'agit des droits des artistes-interprètes, des producteurs de phonogrammes, droits des producteurs de vidéogrammes et droits des entreprises de communication audiovisuelle.

5 () On se reportera, par exemple, à un article récent publié dans « Le Monde » du 9 février 1999 (page 32) intitulé « I.B.M. et cinq majors du disque verrouillent le téléchargement de musique par Internet ».