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N° 1486

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ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

ONZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l'Assemblée nationale le 24 mars 1999.

RAPPORT

FAIT

AU NOM DE LA COMMISSION DES AFFAIRES CULTURELLES, FAMILIALES ET SOCIALES(1) SUR LA PROPOSITION DE RÉSOLUTION (n° 1372) de M. ANDRÉ THIEN AH KOON tendant à la création d'une commission d'enquête sur le fonctionnement du service hospitalier dans le département de La Réunion,

PAR

M. Alain Calmat,

Député.

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(1) La composition de cette commission figure au verso de la présente page.

Fonction publique hospitalière.

La commission des affaires culturelles, familiales et sociales est composée de : M. Jean Le Garrec, président ; MM. René Couanau, Jean-Michel Dubernard, Jean-Paul Durieux, Maxime Gremetz, vice-présidents ; Mme Odette Grzegrzulka, MM. Denis Jacquat, Noël Mamère, Patrice Martin-Lalande, secrétaires ; MM. Yvon Abiven, Bernard Accoyer, Mme Sylvie Andrieux, MM. André Aschieri, Gautier Audinot, Mme Roselyne Bachelot-Narquin, MM. Jean-Paul Bacquet, Jean-Pierre Baeumler, Pierre-Christophe Baguet, Jean Bardet, Jean-Claude Bateux, Jean-Claude Beauchaud, Mmes Huguette Bello, Yvette Benayoun-Nakache, MM. Patrick Bloche, Alain Bocquet, Mme Marie-Thérèse Boisseau, MM. Jean-Claude Boulard, Bruno Bourg-Broc, Mme Christine Boutin, MM. Jean-Paul Bret, Victor Brial, Yves Bur, Vincent Burroni, Alain Calmat, Pierre Carassus, Roland Carraz, Mmes Véronique Carrion-Bastok, Odette Casanova, MM. Jean-Charles Cavaillé, Bernard Charles, Jean-Marc Chavanne, Jean-François Chossy, Mme Marie-Françoise Clergeau, MM. Georges Colombier, François Cornut-Gentille, Mme Martine David, MM. Bernard Davoine, Lucien Degauchy, Marcel Dehoux, Jean Delobel, Jean-Jacques Denis, Dominique Dord, Mme Brigitte Douay, MM. Guy Drut, Nicolas Dupont-Aignan, Yves Durand, René Dutin, Christian Estrosi, Claude Evin, Jean Falala, Jean-Pierre Foucher, Jean-Louis Fousseret, Michel Françaix, Mme Jacqueline Fraysse, MM. Germain Gengenwin, Mmes Catherine Génisson, Dominique Gillot, MM. Jean-Pierre Giran, Michel Giraud, Gaëtan Gorce, François Goulard, Jean-Claude Guibal, Mme Paulette Guinchard-Kunstler, M.  Francis Hammel, Mme Cécile Helle, MM. Pierre Hellier, Michel Herbillon, Guy Hermier, Mmes Françoise Imbert, Muguette Jacquaint, MM. Maurice Janetti, Serge Janquin, Armand Jung, Bertrand Kern, Christian Kert, Jacques Kossowski, Mme Conchita Lacuey, MM. Jacques Lafleur, Robert Lamy, Edouard Landrain, Pierre Lasbordes, Mme Jacqueline Lazard, MM. Michel Lefait, Maurice Leroy, Patrick Leroy, Maurice Ligot, Gérard Lindeperg, Patrick Malavieille, Mmes Gilberte Marin-Moskovitz, Jacqueline Mathieu-Obadia, MM. Didier Mathus, Jean-François Mattei, Mme Hélène Mignon, MM. Jean-Claude Mignon, Pierre Morange, Hervé Morin, Renaud Muselier, Philippe Nauche, Henri Nayrou, Alain Néri, Yves Nicolin, Bernard Outin, Dominique Paillé, Michel Pajon, Mme Geneviève Perrin-Gaillard, MM. Bernard Perrut, Pierre Petit, Mme Catherine Picard, MM. Jean Pontier, Jean-Luc Préel, Alfred Recours, Gilles de Robien, Mme Chantal Robin-Rodrigo, MM. François Rochebloine, Marcel Rogemont, Yves Rome, José Rossi, Jean Rouger, Rudy Salles, André Schneider, Bernard Schreiner, Patrick Sève, Michel Tamaya, Pascal Terrasse, Gérard Terrier, Mmes Marisol Touraine, Odette Trupin, MM. Anicet Turinay, Jean Ueberschlag, Jean Valleix, Philippe Vuilque, Jean-Jacques Weber, Mme Marie-Jo Zimmermann.

PRÉSENTATION GÉNÉRALE 5

TRAVAUX DE LA COMMISSION 9

PRÉSENTATION GÉNÉRALE

Le 8 février 1999, M. André Thien Ah Koon a déposé sur le bureau de l'Assemblée nationale une proposition de résolution (n° 1372) visant à créer une commission d'enquête sur le fonctionnement du service public hospitalier dans le département de La Réunion.

Selon l'auteur de la proposition, la création d'une commission d'enquête est justifiée dans la mesure où les « principaux indicateurs de santé publique » à La Réunion sont inquiétants et attestent de « graves problèmes de fonctionnement » et des « insuffisances des politiques menées en matière de santé » (offre de soins, taux d'équipement...)

I. La recevabilité de cette proposition de résolution doit s'apprécier au regard des dispositions conjointes de l'article 6 de l'ordonnance n° 58-1100 du 17 novembre 1958 relative au fonctionnement des assemblées parlementaires et des articles 140 et 141 du Règlement de l'Assemblée nationale.

La première condition de recevabilité est relative à la définition précise, soit des faits qui donnent lieu à enquête, soit des services publics ou des entreprises nationales dont la commission doit examiner la gestion. La proposition de résolution vise à étudier la gestion du service public hospitalier c'est-à-dire les établissements publics, les établissements privés à but lucratif participant à l'exécution du service public hospitalier et les établissements privés concessionnaires du service public. La condition de définition est remplie.

La seconde condition, plus substantielle, concerne la mise en _uvre du principe de séparation des pouvoirs législatif et judiciaire et interdit à l'Assemblée nationale d'enquêter sur des faits ayant donné lieu à des poursuites judiciaires et aussi longtemps que ces poursuites sont en cours. A ce jour, aucune procédure judiciaire n'est en cours sur les faits ayant motivé le dépôt de la proposition de résolution, ces faits étant par ailleurs peu susceptibles de caractériser une infraction pénale.

Il est donc possible de considérer cette proposition de résolution comme parfaitement recevable.

II. L'opportunité de créer une commission d'enquête sur le service public hospitalier à La Réunion n'est, en revanche, pas avérée. L'analyse développée par la proposition de résolution qui dresse un tableau alarmant du service public hospitalier mérite d'être sérieusement nuancée.

Il convient d'abord de relativiser les écarts importants, soulignés par la proposition de résolution, entre La Réunion et la métropole en matière d'offre de soins et d'équipements. Les taux cités portent sur les capacités installées et non sur les capacités autorisées. En médecine, en chirurgie et en soins de suite et de réadaptation, respectivement 201,152 et 35 lits ne sont pas installés. La création de nouveaux lits dans ces disciplines serait donc paradoxale dans la mesure où tous les lits autorisés ne sont pas installés.

De la même façon, les taux d'occupation calculés sur les lits autorisés sont de 68,2 % en médecine et de 64,4 % en chirurgie. Ces taux sont inférieures au taux cible pour la médecine et la chirurgie qui est de 85 %. Le ratio effectif dans les disciplines médecine-chirurgie-obstétrique sur l'activité réalisée exprimée en points ISA (indices synthétiques d'activité) ne révèle pas un sous-effectif médical particulier à La Réunion. En tenant compte des surcoûts spécifiques à l'outre-mer, la valeur du point ISA est comparable à celle des régions les moins favorisées de la France métropolitaine.

La proposition de résolution dénonce également un déséquilibre entre les structures hospitalières du secteur nord et du secteur sud de La Réunion qui aurait été accentué par la fusion des hôpitaux du sud de l'île. En réalité d'après les informations communiquées par le ministère de la santé, cette fusion des établissements publics du secteur sanitaire sud n'a pas du tout entraîné, comme l'affirme l'auteur de la proposition de résolution, une déstructuration de l'offre de soins. Débutée en décembre 1995 et achevée le 1er janvier 1998, la fusion entre les hôpitaux de Saint-Pierre, Le Tampon, Saint-Louis, Saint-Joseph et Cilaos a permis de réunir en une seule entité juridique répartie sur cinq sites géographiques distincts des établissements de taille et de missions différentes. Ce centre hospitalier d'une capacité de 1 289 lits dont 792 lits en médecine-chirurgie-obstétrique, 204 lits en psychiatrie et 113 lits de soins de suite et de réadaptation est l'établissement le plus important de La Réunion.

Cette fusion s'est accompagnée d'une rationalisation de l'offre de soins puisque a été mis en place un regroupement des activités de gynécologie et de chirurgie autour du centre hospitalier Sud-Réunion. Ainsi, ont été fermés les services d'obstétrique à Saint-Joseph et à Gilaos et ceux de chirurgie à Saint-Joseph.

Le centre hospitalier Sud-Réunion et la clinique privée du secteur sud répondent aux besoins d'une population d'environ 260 000 habitants, soit 38 % de la population de l'île. Le déséquilibre entre les deux parties de l'île n'est pas flagrant et n'a pas été amplifié par la fusion des hôpitaux évoquée précédemment. Plusieurs éléments permettent de l'établir.

Premièrement, la carte sanitaire de chirurgie du secteur sud semble déficitaire dans la mesure où le bilan laisse apparaître la possibilité de créer 33 lits. Or, les données relatives au taux d'occupation des unités de chirurgie des établissements de santé de ce secteur, nettement inférieur au taux cible, sont loin de démontrer une saturation des capacités autorisées dans cette discipline. Il apparaît donc que le déficit affiché par la carte est « artificiel » et qu'il serait opportun de revoir à la baisse l'indice de besoins actuellement arrêté.

Deuxièmement, cette concentration des moyens autour du centre hospitalier Sud-Réunion n'est en aucun cas une opération de restructuration malthusienne. En effet, l'agence régionale de l'hospitalisation n'a pas accompagné cette fusion d'une réduction de moyens d'hospitalisation telle que prévue à l'article L. 712-11 du code de la santé publique. Au contraire, des moyens supplémentaires importants ont été attribués en 1997 et 1998 au centre hospitalier. Enfin, en 1999, le rééquilibrage nord-sud a été pris en compte par l'ARH puisque le centre hospitalier Sud-Réunion a bénéficié d'une allocation en augmentation de 3,13 % contre seulement 2,76 % pour le centre hospitalier de Saint-Denis situé au nord de l'île. Cette allocation a permis de créer cinq postes médicaux et 16,75 postes non-médicaux.

Cependant, le rapporteur ne nie pas les spécificités sanitaires de l'île de La Réunion qui doivent être prises en compte par les pouvoirs publics. En effet, l'analyse des principaux indicateurs de santé atteste que La Réunion fait partie des régions françaises qui accusent un important retard en matière sanitaire.

Pour ce qui est de l'obstétrique, il existe un véritable problème d'inadaptation des indices nationaux au regard des besoins de la population réunionnaise. L'arrêté du 5 mai 1992 précise que l'indice de besoins en lits de gynécologie obstétrique à fixer pour chaque région doit se situer entre 0,2 à 0,5 (hors CHU pour 1 000 habitants). Actuellement, l'indice de besoins fixés à La Réunion est de 0,5 pour mille habitants, soit l'indice maximum. Cependant, en raison du taux de natalité élevé (19,4 contre 12,6 en métropole), le nombre de lits autorisés apparaît insuffisant pour répondre aux besoins. Il demeure cependant possible, à carte sanitaire inchangée en gynécologie obstétrique, de délivrer des autorisations dérogatoires à la carte sanitaire, dans les conditions prévues au 3° de l'article L. 712-9 du code de la santé publique, afin de prendre en considération la spécificité des besoins de l'île. Cet article permet que des autorisations dérogatoires puissent être accordées dans des circonstances exceptionnelles (CE 18 novembre 1988 SA clinique des Hauts de Seine). Cette notion de circonstances exceptionnelles a été précisée par la jurisprudence en ces termes, « pour permettre l'utilisation de techniques nouvelles ou de traitements de haute technicité » (CE 27 septembre 1985 clinique du Parc ; CE 4 novembre 1988 SACOP du Tertre Rouge), ou « pour répondre, à titre exceptionnel, à des situations d'urgente et impérieuse nécessité en matière de santé publique » (CE 16 décembre 1994, SA Polyclinique des Minguettes). A La Réunion, il serait aisé de démontrer qu'il y a bien une impérieuse nécessité en matière de santé publique à autoriser des lits de gynécologie obstétrique au-delà des limites fixées par la carte sanitaire.

Pour un taux métropolitain de 100, le taux de mortalité est de 142,9 pour les hommes et de 142,3 pour les femmes à La Réunion. Cette surmortalité existe cependant dans tous les départements d'outre-mer. Il faut noter que la mortalité a été divisée par trois et demi depuis les années 1950 à La Réunion, ce qui est bien supérieur à la moyenne nationale. Cette surmortalité s'explique en grande partie par une mortalité prématurée importante liée à l'alcoolisme et aux accidents. Cette spécificité réunionnaise est prise en compte par le Gouvernement dans le cadre d'une politique générale de rééquilibrage en faveur des régions et des établissements les moins bien dotés.

En effet, la dotation allouée à La Réunion en 1999 est en augmentation de 3,7 %. Il s'agit de la progression la plus importante parmi toutes les régions françaises. Les crédits pour les départements d'outre-mer ont augmenté en moyenne de 2,08 % et de 2,04 % pour la métropole. L'objectif est donc que La Réunion rattrape son retard sanitaire. Un tel rééquilibrage suppose un effort important des régions les mieux dotées, comme l'Ile-de-France, dont la dotation ne progressera en 1999 que de 1,1 %. La dotation régionalisée s'élève donc à 2 383 372 de francs auquel a été rajoutée exceptionnellement une délégation de crédits. Il est à noter que cet effort en faveur de La Réunion est constant depuis plusieurs exercices puisque la progression en 1998 a été de 2,6 % pour une moyenne sur la métropole de 1,4 %. L'arrêté du 11 février 1999 a fixé le budget primitif de l'ARH pour l'exercice 1999 à 3 576 292 francs.

Sur le fond, il faut donc admettre que les questions posées sont des questions sanitaires importantes tout en constatant que ce n'est pas une commission d'enquête qui pourra les résoudre. Il n'y a pas de déficit d'information en ce qui concerne la situation hospitalière de La Réunion : les données avancées par la proposition comme les correctifs apportés par le rapporteur le démontrent. Le problème est plutôt de veiller à une meilleure prise en compte des besoins spécifiques de la population réunionnaise.

A cet égard, la commission d'enquête n'est pas la procédure la plus adéquate et en tout cas, elle est inutilement lourde et complexe alors que l'article 2 de la loi de financement de la sécurité sociale pour 1997 a conféré aux rapporteurs de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales les pouvoirs de contrôle sur pièce et sur place de l'exécution des lois de financement dont résulte notamment la dotation hospitalière de chaque région. C'est donc dans ce cadre qu'il est le plus efficace pour le Parlement de suivre l'évolution du service public hospitalier de La Réunion.

Au bénéfice de l'ensemble de ces observations, le rapporteur conclut au rejet de la proposition de résolution n° 1372.

TRAVAUX DE LA COMMISSION

La commission a examiné la proposition de résolution au cours de sa séance du mercredi 24 mars 1999.

Après l'exposé du rapporteur, M. Jean-Paul Durieux a indiqué que le groupe socialiste était en accord avec les conclusions du rapporteur et a souhaité une amélioration de la connaissance de la situation sanitaire dans les DOM/TOM et les différences de situation pouvant exister avec la métropole dans ce domaine afin d'apporter des réponses aux réelles inquiétudes exprimées par l'auteur de la proposition de résolution.

Le président Jean Le Garrec a rappelé que le rapport extrêmement précis de M. Alain Calmat sur la proposition de résolution qui apporte certains éléments sur la situation sanitaire dans les DOM/TOM serait publié et a souhaité que les problèmes spécifiques des DOM/TOM en matière de santé publique fassent l'objet d'un examen plus approfondi lors de l'examen de la prochaine loi de financement de la sécurité sociale.

M. Bernard Accoyer a estimé que cette attente pouvait être satisfaite dans le cadre des conférences régionales de santé.

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Conformément aux conclusions du rapporteur, la commission a rejeté la proposition de résolution.

N°1486. - RAPPORT de M. Alain CALMAT (au nom de la commission des affaires culturelles) sur la proposition de résolution (n° 1372) de M. André Thien Ah Koon tendant à la création d'une commission d'enquête sur le fonctionnement du service hospitalier dans le département de la Réunion.