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le 19 mai 1999

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N° 1605

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ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

ONZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l'Assemblée nationale le 19 mai 1999.

RAPPORT

FAIT

AU NOM DE LA COMMISSION DES LOIS CONSTITUTIONNELLES, DE LA LÉGISLATION ET DE L'ADMINISTRATION GÉNÉRALE DE LA RÉPUBLIQUE (1) SUR LA PROPOSITION DE RÉSOLUTION (n° 1581) DE M. FRANÇOIS D'AUBERT ET LES MEMBRES DU GROUPE DÉMOCRATIE LIBÉRALE ET INDÉPENDANTS ET APPARENTÉ, visant à créer une commission d'enquête sur les dysfonctionnements des services du Premier ministre en ce qui concerne le traitement du dossier corse,

PAR M. RAYMOND FORNI,

Député.

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(1) La composition de cette commission figure au verso de la présente page.

Ministères et secrétariats d'Etat.

La commission des Lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la République est composée de : Mme Catherine Tasca, présidente ; MM. Pierre Albertini, Gérard Gouzes, Mme Christine Lazerges, vice-présidents ; MM. Richard Cazenave, André Gerin, Arnaud Montebourg, secrétaires ; MM. Léo Andy, Léon Bertrand, Emile Blessig, Jean-Louis Borloo, Patrick Braouezec, Mme Frédérique Bredin, MM. Jacques Brunhes, Michel Buillard, Dominique Bussereau, Christophe Caresche, Patrice Carvalho, Jean-Yves Caullet, Mme Nicole Catala, MM. Olivier de Chazeaux, Pascal Clément, Jean Codognès, François Colcombet, François Cuillandre, Henri Cuq, Jacky Darne, Camille Darsières, Bernard Derosier, Franck Dhersin, Marc Dolez, Renaud Donnedieu de Vabres, René Dosière, Julien Dray, Renaud Dutreil, Jean Espilondo, Mme Nicole Feidt, MM. Jacques Floch, Raymond Forni, Pierre Frogier, Claude Goasguen, Louis Guédon, Guy Hascoët, Philippe Houillon, Michel Hunault, Henry Jean-Baptiste, Jérôme Lambert, Mme Claudine Ledoux, MM. Jean-Antoine Léonetti, Bruno Le Roux, Mme Raymonde Le Texier, MM. Jacques Limouzy, Thierry Mariani, Louis Mermaz, Jean-Pierre Michel, Ernest Moutoussamy, Mme Véronique Neiertz, MM. Robert Pandraud, Christian Paul, Vincent Peillon, Dominique Perben, Henri Plagnol, Didier Quentin, Bernard Roman, José Rossi, Frantz Taittinger, André Thien Ah Koon, Jean Tiberi, Alain Tourret, André Vallini, Alain Vidalies, Jean-Luc Warsmann.

MESDAMES, MESSIEURS,

Outre la proposition présentée par les trois présidents des groupes de l'opposition, MM. Jean-Louis Debré, Philippe Douste-Blazy et José Rossi tendant à « la création d'une commission d'enquête sur le GPS », nous sommes saisis, à la suite des incidents survenus dans la nuit du 19 au 20 avril dernier, d'une autre demande, soutenue par M. François d'Aubert et les membres du groupe Démocratie libérale et indépendants et apparenté, proposant d'enquêter « sur les dysfonctionnements des services du Premier ministre en ce qui concerne le traitement du dossier corse ».

Dans le cadre du présent rapport, votre rapporteur ne reviendra pas sur le contexte général dans lequel s'inscrit cette proposition de résolution, déjà largement évoqué à l'occasion de l'examen de celle de MM. Jean-Louis Debré, Philippe Douste-Blazy et José Rossi précitée. Pour autant, mêmes si ces deux initiatives sont parentes, les investigations envisagées par M. François d'Aubert et ses collègues ont une portée totalement différente, ce qui justifie amplement un examen spécifique.

Selon une procédure désormais usuelle, il nous appartient donc de nous prononcer sur la recevabilité de la proposition de résolution puis de juger de son opportunité.

En vertu de l'article 140 de notre règlement, pour être recevable, la proposition doit déterminer avec précision les faits donnant lieu à enquête. En l'occurrence, ses rédacteurs évoquent « les dysfonctionnements des services du premier ministre ». On peut sans doute s'interroger sur le point de savoir si cette mention satisfait les prescriptions réglementaires, alors qu'elles témoignent manifestement d'un jugement a priori pour le moins sujet à caution. Il reste que les auteurs de la proposition peuvent solliciter l'interprétation traditionnellement bienveillante retenue par la commission des Lois en la matière pour soutenir leur demande. En outre, en dépit d'une rédaction ambiguë, ils peuvent également invoquer les dispositions de l'article 140 qui, depuis la réforme de 1994, autorisent également la constitution d'une commission d'enquête pour vérifier la gestion d'un service public, qualité que l'on peut reconnaître aux services du Premier ministre.

L'article 141 du règlement prévoit, par ailleurs, que la recevabilité de la demande est subordonnée à l'absence de poursuite judiciaire en cours. Ce point peut être tranché facilement puisque la Garde des sceaux a informé le président de l'Assemblée nationale qu'« aucune poursuite judiciaire concernant les services du Premier ministre n'est actuellement en cours ».

Au total, on admettra la recevabilité de cette nouvelle proposition de résolution.

En revanche, celle-ci ne peut pas, à l'évidence, être considérée comme opportune.

Il n'est pas besoin d'être grand clerc pour comprendre qu'au-delà de ses services, autrement dit de ses plus proches collaborateurs, c'est en réalité le Premier ministre lui-même qui est visé, les auteurs de la proposition de résolution cherchant d'emblée à mettre en cause sa responsabilité politique.

A l'évidence, le recours à la procédure de la commission d'enquête à de telles fins s'apparente à un détournement de procédure que l'on ne peut en aucune manière admettre. Il faut rappeler, en effet, que l'Assemblée nationale discutera, la semaine prochaine, sur une motion de censure déposée par les groupes de l'opposition, seule procédure qui permette à la représentation nationale de mettre en cause la responsabilité du Gouvernement. La démarche des auteurs de la proposition de résolution est d'autant moins acceptable que le Premier ministre a clairement assumé sa responsabilité lors de l'entretien donné sur TF1 le mardi 4 mai dernier.

D'ailleurs, conscients des limites de cet exercice, certains responsables de l'opposition cherchent désormais davantage à mettre en cause les compétences du Premier ministre et les méthodes de travail du Gouvernement. Sur ce point, faut-il rappeler que le bilan de l'équipe dirigée par M. Lionel Jospin est, à ce stade, particulièrement exemplaire ? Sans insister sur le fait que la justice travaille sur ce dossier sensible dans la plus parfaite indépendance - ce qui constitue à tout le moins une petite révolution s'agissant d'une affaire mettant en cause de hauts responsables de la gendarmerie et un préfet de région - on mentionnera le déclenchement quasi immédiat de deux enquêtes administratives, la publication de leurs conclusions dont certaines étaient originellement classées « confidentiel défense », la dissolution rapide du GPS et la décision de mettre fin, dès le 3 mai, aux fonctions du préfet de région.

Dans ce contexte, il serait particulièrement malsain de s'engager, à des fins strictement politiciennes, dans la recherche perverse d'une sorte de « cascade » de responsabilités, étant entendu, comme l'a justement rappelé le Premier ministre, que la responsabilité est, en tout état de cause, « partagée par ceux qui prennent les décisions ».

Manifestement inopportune, cette proposition de résolution l'est également dès lors que la commission des Lois accepte la création d'une commission d'enquête sur la base de l'initiative conjointe des trois présidents de groupe de l'opposition, selon une formulation qui va bien au-delà de ce que mentionnait la rédaction initiale, limitée aux agissements du seul GPS. On rappellera que, à l'initiative de votre rapporteur, la commission des Lois a ainsi souhaité étendre le champ d'investigations de cette commission d'enquête, qui serait ainsi chargée de « faire le point, depuis le début de la 10ème législature, sur l'organisation des forces de sécurité dépendant de l'Etat opérant en Corse, sur leurs conditions de fonctionnement et sur les modalités de coordination des interventions des différents services compétents ».

Comme on le constate, cette proposition atteste de la volonté de la majorité de faire toute la lumière sur les défaillances passées et présentes observées dans la mise en _uvre concrète de la politique de sécurité en Corse. Seule une démarche de ce type, loyale et constructive, permettra de dégager des enseignements permettant de garantir, de manière durable, la crédibilité de l'action de l'Etat pour assurer le respect de l'Etat de droit et d'exprimer l'attachement sincère de la République à la Corse.

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Conformément aux conclusions du rapporteur, la Commission a rejeté la proposition de résolution.

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N° 1605.- Rapport de M. Raymond Forni (au nom de la commission des lois) sur la proposition de résolution (n° 1581) de M. François d'Aubert et les membres du groupe Démocratie libérale et indépendants et apparenté, visant à créer une commission d'enquête sur les dysfonctionnements des services du Premier ministre en ce qui concerne le traitement du dossier corse.