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le 10 décembre 1999

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N° 2011

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ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

ONZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l'Assemblée nationale le 8 décembre 1999.

RAPPORT

FAIT

AU NOM DE LA COMMISSION DES LOIS CONSTITUTIONNELLES, DE LA LÉGISLATION ET DE L'ADMINISTRATION GÉNÉRALE DE LA RÉPUBLIQUE (1) SUR LA PROPOSITION DE RÉSOLUTION (n° 1841) DE MM. ANDRÉ THIEN AH KOON, DOMINIQUE BUSSEREAU et DIDIER QUENTIN, tendant à la création d'une commission d'enquête sur le fonctionnement du service public pénitentiaire dans le département de la Réunion,

PAR M. RAYMOND FORNI,

Député.

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(1) La composition de cette commission figure au verso de la présente page.

Outre-mer.

La commission des Lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la République est composée de : Mme Catherine Tasca, présidente ; MM. Pierre Albertini, Gérard Gouzes, Mme Christine Lazerges, vice-présidents ; MM. Richard Cazenave, André Gérin, Arnaud Montebourg, secrétaires ; MM. Léo Andy, Léon Bertrand, Emile Blessig, Jean-Louis Borloo, Patrick Braouezec, Mme Frédérique Bredin, MM. Jacques Brunhes, Michel Buillard, Dominique Bussereau, Christophe Caresche, Patrice Carvalho, Jean-Yves Caullet, Mme Nicole Catala, MM. Olivier de Chazeaux, Pascal Clément, Jean Codognès, François Colcombet, François Cuillandre, Henri Cuq, Jacky Darne, Camille Darsières, Jean-Claude Decagny, Bernard Derosier, Franck Dhersin, Marc Dolez, Renaud Donnedieu de Vabres, René Dosière, Renaud Dutreil, Jean Espilondo, Mme Nicole Feidt, MM. Jacques Floch, Raymond Forni, Roger Franzoni, Pierre Frogier, Claude Goasguen, Louis Guédon, Guy Hascoët, Philippe Houillon, Michel Hunault, Henry Jean-Baptiste, Jérôme Lambert, Mme Claudine Ledoux, MM. Jean-Antoine Léonetti, Bruno Le Roux, Mme Raymonde Le Texier, MM. Jacques Limouzy, Thierry Mariani, Louis Mermaz, Jean-Pierre Michel, Ernest Moutoussamy, Mme Véronique Neiertz, MM. Robert Pandraud, Christian Paul, Vincent Peillon, Dominique Perben, Henri Plagnol, Didier Quentin, Bernard Roman, José Rossi, Jean-Pierre Soisson, Frantz Taittinger, Jean Tiberi, Alain Tourret, André Vallini, Alain Vidalies, Jean-Luc Warsmann.

MESDAMES, MESSIEURS,

En septembre dernier une délégation de la commission des Lois visitait la maison d'arrêt de Saint-Denis de la Réunion : les conditions de détention lui sont apparues à cette occasion absolument inacceptables et indignes d'un Etat de droit.

Aussi, dans son avis budgétaire sur le projet de loi de finances pour 2000 relatif aux services pénitentiaires et à la protection pénitentiaire de la jeunesse, M. André Gerin a-t-il consacré un développement spécifique au « délabrement des établissements pénitentiaires de la Réunion » en indiquant que « les trois établissements pénitentiaires de l'île connaissent en effet une surpopulation bien supérieure aux taux observés en métropole. La population pénale y est en constante augmentation, puisqu'elle est passée de 1 030 détenus au 1er juillet 1998 à 1 128 détenus au 1er juillet 1999, soit une augmentation de 9,4 % en un an. Pendant la même période, la population pénale totale a augmenté de 0,8 %. »

« Le taux moyen d'occupation est de 189 %, réparti de la manière suivante : 161,8 % pour le centre pénitentiaire du Port, qui comprend un quartier maison d'arrêt, un quartier maison centrale et un centre de détention, 220 % pour la maison d'arrêt de Saint-Pierre et enfin 229 % pour la maison d'arrêt de Saint-Denis. Le taux moyen pour les maisons d'arrêt (métropole et outre-mer) est, lui, de 115 %. »

« La situation de la maison d'arrêt de Saint-Denis, de loin la plus surpeuplée, est aggravée par la vétusté des locaux : installée dans un ancien comptoir édifié au début du siècle dernier, elle a été mise en service en 1876. Composé d'un ensemble de bâtiments qui n'ont pas été conçus pour une prison, complètement enclavé dans un tissu urbain très dense, l'établissement ne dispose pas des structures nécessaires pour assurer la sécurité minimale (absence de double enceinte et de chemin de ronde). »

Il apparaît, par ailleurs, que la situation des établissements pénitentiaires de l'île suscite parmi leurs personnels une émotion forte. Ceux-ci se sont en effet plaints d'être exclus du plan « programme 4000 » récemment annoncé, qui vise à construire de nouveaux établissements pénitentiaires satisfaisant aux normes élémentaires de confort et de sécurité. Face à l'accroissement constant de la population carcérale réunionnaise et à l'absence de réponse des pouvoirs publics jusqu'à ce jour, les conditions de travail des personnels se sont dégradées de manière préoccupante. Force est de constater que le service public pénitentiaire ne peut plus être assuré de manière correcte dans le département de la Réunion.

En raison de l'acuité du problème, MM. André Thien Ah Koon, Dominique Bussereau et Didier Quentin ont choisi de déposer le 22 novembre dernier une proposition de résolution « tendant à la création d'une commission d'enquête sur le fonctionnement du service public pénitentiaire dans le département de la Réunion ».

En conséquence, avant de se prononcer sur son opportunité, notre Commission doit statuer sur la recevabilité de cette proposition en application de l'article 6 de l'ordonnance du 17 novembre 1958 relative au fonctionnement des assemblées parlementaires, et des articles 140 et 141 du règlement de l'Assemblée nationale.

La recevabilité de la proposition de résolution ne fait pas de doute.

En effet, pour être recevable, celle-ci doit « déterminer avec précision, soit les faits qui donnent lieu à enquête, soit les services publics ou les entreprises nationales dont la commission doit examiner la gestion ». L'intitulé de la proposition de résolution visant expressément le fonctionnement du service public pénitentiaire dans le département de la Réunion, le critère de la précision est pleinement satisfait.

Ensuite, comme l'a fait savoir Mme la Garde des Sceaux dans son courrier adressé au Président de l'Assemblée nationale en date du 22 novembre 1999, « aucune procédure n'est en cours sur les faits ayant motivé le dépôt de cette proposition ». La création de la commission d'enquête résultant de la proposition de résolution qui vous est soumise n'interfère donc avec aucune procédure judiciaire et est donc, à ce titre, recevable.

L'opportunité de la proposition de la résolution est, en revanche, nettement plus discutable.

Certes le constat des membres de la délégation de la commission des Lois, repris par les auteurs de la proposition de résolution, est sans appel. Une réponse rapide et forte du ministère de la Justice est indispensable. Mais cette question relève davantage du contrôle exercé par la commission permanente compétente, en l'occurrence votre commission des Lois, que d'une commission d'enquête qui, si elle était créée, aurait à conduire des investigations sur la situation des établissements pénitentiaires du seul département de la Réunion dans une durée limitée par les textes.

Sans doute, cette proposition de résolution a-t-elle avant tout une visée interpellatrice. Pour cette raison, il convient de rappeler qu'à la suite de la visite de la délégation de votre commission, Mme la Garde des Sceaux a d'ores et déjà apporté des éléments de réponse au problème spécifique de la situation des prisons dans l'île de la Réunion.

En réponse à une question posée par Mme Huguette Bello lors de la séance du 5 octobre 1999, Mme Elisabeth Guigou a tout d'abord déclaré : « depuis 1997, nous avons consacré 13 millions de francs à la rénovation du centre de détention du Port pour désengorger la maison d'arrêt de Saint-Denis où nous avons réalisé des travaux de sécurité et construit un nouveau quartier des mineurs. »

Au cours de la séance du 10 novembre dernier, en réponse à une question de M. Michel Tamaya, la Garde des Sceaux a par ailleurs indiqué qu'à la suite de la visite de la délégation de la commission des Lois, elle avait dépêché dans l'île une mission technique chargée de trouver un site d'accueil pour la construction d'un nouvel établissement pénitentiaire dans l'île de la Réunion. Elle a également annoncé que les crédits nécessaires à sa construction seront inscrits pour un montant de 200 millions dans le projet de loi de finances rectificatives dont l'examen débute à l'Assemblée le 8 décembre 1999.

Mme Elisabeth Guigou a en outre précisé que « ces crédits permettront dès l'an prochain non seulement l'acquisition du terrain mais également le lancement des études pour la construction. Le coût total du projet avoisinera les 450 millions de francs pour un établissement de 600 places. »

La création d'une commission d'enquête sur ce sujet n'apparaît donc pas comme la procédure la plus appropriée. En effet, les éléments de réponse récemment fournis par la Garde des Sceaux constituent des éléments nouveaux de nature à répondre aux préoccupations exprimées par les auteurs de la proposition de résolution et les membres de la commission des Lois qui ont pu constater la vétusté et la capacité insuffisante des établissements pénitentiaires de la Réunion.

Pour cette raison, tout en insistant sur la nécessité pour votre Commission de s'assurer de l'amélioration de la situation dans les prisons réunionnaises et de suivre le bon déroulement des projets de construction et de rénovation en cours, votre rapporteur vous invite à rejeter la proposition de résolution qui vous est soumise.

Plusieurs commissaires sont intervenus dans la discussion générale.

Mme Christine Lazerges a estimé que la création d'une commission d'enquête sur la seule question du service public pénitentiaire dans l'Ile de la Réunion conduirait à éluder la question du fonctionnement de cette administration sur le reste du territoire national. Déclarant qu'elle avait pu constater, au cours de la mission sur la délinquance des mineurs qui lui avait été confiée par le Premier ministre, le caractère déplorable des conditions de détention offertes aux mineurs par des établissements pénitentiaires tels que Fleury-Mérogis, elle a estimé qu'il serait dommageable de créer une commission d'enquête limitée au seul département de La Réunion.

M. Jérôme Lambert a relevé que la garde des sceaux avait d'ores et déjà apporté des réponses précises aux demandes des parlementaires sur la situation des prisons dans l'Ile de la Réunion au cours des séances de questions au Gouvernement. Pour cette raison, il a considéré qu'il n'était pas nécessaire d'adopter la proposition de résolution.

M. Jean-Yves Caullet a pour sa part jugé qu'il n'était pas pertinent de créer une commission d'enquête sur la situation des prisons dans un seul département.

M. Jacques Floch a fait état de l'émotion ressentie par la délégation de la commission des Lois au cours de sa visite de l'établissement pénitentiaire de Saint-Denis-de-la-Réunion. Relevant que le dépôt de cette proposition de résolution avait été effectué par des membres de la Commission au retour de leur mission, il a souligné que des solutions avaient été trouvées depuis cette date à la suite des recommandations de la commission des Lois. Il a, en outre, indiqué que l'annonce par le Gouvernement du financement de la construction d'un établissement pénitentiaire nouveau dans l'île avait d'ores et déjà reçu un accueil favorable des personnes concernées.

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Conformément aux conclusions du rapporteur, la Commission a rejeté la proposition de résolution.

N°2011. - RAPPORT de M. Raymond FORNI (commission des lois) sur la proposition de résolution de MM. A. THIEN AH KOON, D. BUSSEREAU et D. QUENTIN, sur la création d'une commission d'enquête sur le fonctionnement du service public pénitentiaire à la Réunion