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le 7 février 2000

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N° 2128

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ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

ONZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l'Assemblée nationale le 2 février 2000.

RAPPORT

FAIT

AU NOM DE LA COMMISSION DES LOIS CONSTITUTIONNELLES, DE LA LÉGISLATION ET DE L'ADMINISTRATION GÉNÉRALE DE LA RÉPUBLIQUE (1) SUR LA PROPOSITION DE RÉSOLUTION (n° 2069) DE M. FRANÇOIS D'AUBERT, tendant à la création d'une commission d'enquête parlementaire sur la gestion des effectifs et les systèmes de rémunération dans la fonction publique,

PAR M. RAYMOND FORNI,

Député.

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(1) La composition de cette commission figure au verso de la présente page.

Fonctionnaires et agents publics.

La commission des Lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la République est composée de : Mme Catherine Tasca, présidente ; MM. Pierre Albertini, Gérard Gouzes, Mme Christine Lazerges, vice-présidents ; MM. Richard Cazenave, André Gerin, Arnaud Montebourg, secrétaires ; MM. Léo Andy, Léon Bertrand, Emile Blessig, Jean-Louis Borloo, Patrick Braouezec, Mme Frédérique Bredin, MM. Jacques Brunhes, Michel Buillard, Dominique Bussereau, Christophe Caresche, Patrice Carvalho, Jean-Yves Caullet, Mme Nicole Catala, MM. Olivier de Chazeaux, Pascal Clément, Jean Codognès, François Colcombet, François Cuillandre, Henri Cuq, Jacky Darne, Camille Darsières, Jean-Claude Decagny, Bernard Derosier, Franck Dhersin, Marc Dolez, Renaud Donnedieu de Vabres, René Dosière, Renaud Dutreil, Jean Espilondo, Mme Nicole Feidt, MM. Jacques Floch, Raymond Forni, Roger Franzoni, Pierre Frogier, Claude Goasguen, Louis Guédon, Guy Hascoët, Philippe Houillon, Michel Hunault, Henry Jean-Baptiste, Jérôme Lambert, Mme Claudine Ledoux, MM. Jean-Antoine Léonetti, Bruno Le Roux, Mme Raymonde Le Texier, MM. Jacques Limouzy, Thierry Mariani, Louis Mermaz, Jean-Pierre Michel, Ernest Moutoussamy, Mme Véronique Neiertz, MM. Robert Pandraud, Christian Paul, Vincent Peillon, Dominique Perben, Henri Plagnol, Didier Quentin, Bernard Roman, Jean-Pierre Soisson, Frantz Taittinger, Jean Tiberi, Alain Tourret, André Vallini, Alain Vidalies, Jean-Luc Warsmann.

MESDAMES, MESSIEURS,

La commission des Lois est saisie d'une proposition de résolution présentée par M. François d'Aubert, tendant à la création d'une commission d'enquête sur « la gestion des effectifs et les systèmes de rémunération dans la fonction publique ».

Il appartient d'abord à la Commission de se prononcer sur la recevabilité de cette demande. Aux termes de l'article 140 du Règlement, la proposition doit « déterminer avec précision, soit les faits qui donnent lieu à enquête, soit les services publics ou les entreprises nationales dont la Commission doit examiner la gestion ». A cet égard, la recevabilité de la proposition de résolution pourrait sembler discutable car aucun fait précis n'est visé, mais plutôt un ensemble de pratiques administratives dénoncées par l'auteur, qui fait référence au rapport public particulier sur la fonction publique d'Etat de la Cour des comptes publié en décembre 1999. Par ailleurs, ce n'est pas la gestion d'un service public qu'il est envisagé de contrôler mais plutôt celle de l'Etat dans son ensemble. Cependant, compte tenu de l'interprétation traditionnellement souple qui est faite de ce critère, il ne semble pas qu'il y ait lieu de s'opposer à la proposition de résolution sur le terrain de la recevabilité. En effet, la Garde des sceaux a, par ailleurs, informé le Président de l'Assemblée nationale, dans un courrier en date du 28 janvier dernier, de l'absence de procédure judiciaire en cours « sur les faits ayant motivé le dépôt de cette proposition ».

C'est donc sur le terrain de l'opportunité qu'il appartient à la Commission de se prononcer. Sans doute la proposition de résolution concerne-t-elle des questions qui sont à l'évidence au c_ur de l'activité parlementaire, notamment des prérogatives budgétaires de l'Assemblée. Alors que les dépenses induites par la fonction publique ont représenté en 1998 près de 40 % du budget de l'Etat, on ne peut qu'être troublé de lire, dans le rapport précité de la Cour des comptes, que « la réalité des situations ne peut être appréhendée au moyen des documents budgétaires qui fournissent au Parlement des informations incomplètes ou inexactes » !

Une commission d'enquête sur la gestion des effectifs et les systèmes de rémunération de la fonction publique ne semble pas pour autant opportune, cette structure ne semblant pas en effet la plus adaptée à ce type d'investigation.

En effet, conformément au dernier alinéa du paragraphe I de l'article 6 de l'ordonnance du 17 novembre 1958 relative au fonctionnement des assemblées parlementaires, la mission des commissions d'enquête prend fin « par le dépôt de leur rapport et, au plus tard, à l'expiration d'un délai de six mois à compter de la date d'adoption de la résolution qui les a créées ». Or on peut légitimement s'interroger sur le point de savoir si l'Assemblée nationale pourra utilement poursuivre des travaux sur la gestion du personnel et les systèmes de rémunération de la fonction publique dans un délai aussi bref compte tenu de l'ampleur du sujet à aborder. L'organisation du travail de la Cour des comptes sur ce sujet est, à cet égard, éclairante : en effet, le rapport qui vient d'être rendu public ne présente, de l'aveu même de la Cour, que des résultats partiels concernant sept départements ministériels (économie et finances, éducation nationale, intérieur, justice, emploi et solidarité, équipement et agriculture). Résultat de deux années d'investigation, ce rapport s'inscrit dans un « cycle de contrôles qui doit s'étendre sur plusieurs années », pour reprendre les termes employés par la Cour des comptes : d'ici 2002, celle-ci envisage ainsi de clore certaines des enquêtes entamées sur les ministères faisant l'objet du rapport publié en décembre dernier, d'exploiter les premiers résultats d'enquêtes portant sur les personnels relevant du ministère de la défense, d'organiser plusieurs enquêtes « lourdes » sur la gestion des personnels relevant du ministère de l'éducation nationale, mais aussi d'étendre ses contrôles aux fonctions publiques hospitalière et territoriale. Parallèlement, la Cour des comptes a signalé son intention d'entreprendre des contrôles « sur les autres aspects des charges et des missions de l'Etat-employeur : pensions et charges sociales, action sociale en faveur des personnels, formation ».

Pour les mêmes raisons, le contrôle de la gestion des effectifs et des systèmes de rémunération des personnels de la fonction publique doit donc constituer un travail parlementaire de longue haleine. Il pourra sans aucun doute être mené par l'Assemblée au sein d'organes existants et notamment de ses commissions permanentes.

-  Les rapporteurs spéciaux désignés par la commission des Finances sur le projet de loi de finances, ainsi que les rapporteurs des autres commissions permanentes chargées de se prononcer pour avis sur les budgets relevant de leurs compétences, sont les premiers promoteurs de ce contrôle. Parmi eux, le rapporteur spécial de la commission des Finances et le rapporteur pour avis de la commission des Lois en charge du budget du ministère de la fonction publique jouent un rôle particulier puisqu'à travers le prisme du budget de ce ministère, ils examinent les différents aspects de la politique de la fonction publique. Des prérogatives importantes sont d'ailleurs reconnues au rapporteur spécial de la commission des Finances : le dernier alinéa de l'article 164 de l'ordonnance n° 58-1374 du 30 décembre 1958 portant loi de finances pour 1959 précise ainsi que « les membres du Parlement qui ont la charge de présenter, au nom de la commission compétente, le rapport sur le budget d'un département ministériel, suivent et contrôlent de façon permanente, sur pièces et sur place, l'emploi des crédits inscrits au budget de ce département. Tous les renseignements d'ordre financier et administratif de nature à faciliter leur mission doivent leur être fournis. Réserve faite, d'une part, des sujets de caractère secret concernant la défense nationale, les affaires étrangères, la sécurité intérieure ou extérieure de l'Etat, d'autre part, du principe de la séparation du pouvoir judiciaire et des autres pouvoirs, ils sont habilités à se faire communiquer tous documents de service de quelque nature que ce soit ».

-  En outre, la mission d'évaluation et de contrôle (MEC) constituée en février 1999 au sein de la commission des Finances est également un lieu privilégié pour développer un contrôle parlementaire approfondi de la gestion des effectifs et des systèmes de rémunération dans la fonction publique. Organe temporaire dont la reconstitution est prévue au premier semestre de chaque année et fonctionnant en coopération étroite avec la Cour des comptes, la MEC a cette année choisi, parmi les sujets retenus par consensus au sein du bureau de la commission des Finances, de développer la question du recouvrement de l'impôt, l'un des volets de son étude devant porter sur le coût de ce recouvrement, ce qui permettra notamment d'aborder la question des rémunérations des agents qui en ont la charge.

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Après l'exposé du rapporteur, plusieurs commissaires sont intervenus dans la discussion générale.

M. Robert Pandraud a considéré que le rapport récemment publié par la Cour des comptes démontrait précisément l'insuffisance des procédures parlementaires de contrôle sur ce sujet et estimé, en conséquence, que seule une commission d'enquête permettrait, grâce à la spécificité de ses prérogatives et de ses moyens, de faire la lumière sur certaines pratiques administratives.

Le rapporteur a observé que l'Assemblée nationale aurait une vue précise de la gestion des effectifs et des systèmes de rémunérations dans la fonction publique si elle pouvait compléter l'information que lui fournit le rapport de la Cour des comptes par celles contenues dans le rapport établi en 1984 par M. Alain Blanchard. Jugeant qu'il serait certainement éclairant, même si certaines pratiques avaient évolué depuis sa rédaction, il a rappelé qu'il n'avait pu en obtenir la transmission alors qu'il était président de la commission des Lois.

M. Claude Goasguen a exprimé la crainte que les dysfonctionnements dénoncés dans le rapport de la Cour des comptes ne soient pas sanctionnés, soulignant qu'une telle situation aurait un effet désastreux dans l'opinion publique et risquerait d'affaiblir l'autorité de l'Etat. Considérant que la proposition de résolution aurait dû insister davantage sur les sanctions susceptibles d'être prises en conséquence de la publication du rapport de la Cour des comptes qui, malgré la gravité des faits évoqués, pourrait rester sans suite compte tenu des modalités de fonctionnement de la cour de discipline budgétaire, il a exprimé la crainte que le rejet de cette proposition de résolution ne semble cautionner l'opacité de la gestion de l'Etat.

M. Dominique Bussereau a rappelé que, lorsqu'il était rapporteur pour la commission des Lois des crédits de la fonction publique, le ministre en charge de ce secteur avait admis qu'il ne connaissait pas précisément les effectifs de la fonction publique.

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Suivant les propositions de son rapporteur, la Commission a rejeté cette proposition de résolution.

2128. - Rapport de M. Raymond Forni sur la proposition de résolution tendant à la création d'une commission d'enquête sur la gestion des effectifs et les systèmes de rémunération dans la fonction publique (lois)