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le 9 octobre 2000

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N° 2598

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ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

ONZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l'Assemblée nationale le 2 octobre 2000.

RAPPORT

FAIT

AU NOM DE LA COMMISSION DE LA DÉFENSE NATIONALE ET DES FORCES ARMÉES (1) SUR LA PROPOSITION DE RÉSOLUTION (N° 2562) DE M. ANDRÉ ASCHIERI ET PLUSIEURS DE SES COLLÈGUES tendant à créer une commission d'enquête sur l'impact sanitaire réel chez les vétérans de la guerre du Golfe des armes utilisées durant l'opération Daguet et sur les responsabilités de l'Etat en la matière.

par M. Claude LANFRANCA,

Député.

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(1) La composition de cette commission figure au verso de la présente page.

Santé.

La commission de la défense nationale et des forces armées est composée de :

M. Paul Quilès, président ; MM. Didier Boulaud, Jean-Claude Sandrier, Michel Voisin, vice-présidents ; M. Robert Gaïa, Pierre Lellouche, Mme Martine Lignières-Cassou, secrétaires ; MM. Jean-Marc Ayrault, Jacques Baumel, Jean-Louis Bernard, André Berthol, Jean-Yves Besselat, Bernard Birsinger, Jacques Blanc, Loïc Bouvard, Jean-Pierre Braine, Philippe Briand, Jean Briane, Marcel Cabiddu, Antoine Carré, Bernard Cazeneuve, Guy-Michel Chauveau, Alain Clary, François Cornut-Gentille, Charles Cova, Michel Dasseux, Jean-Louis Debré, François Deluga, Claude Desbons, Philippe Douste-Blazy, Jean-Pierre Dupont, François Fillon, Christian Franqueville, Yves Fromion, Yann Galut, René Galy-Dejean, Roland Garrigues, Henri de Gastines, Bernard Grasset, François Hollande, Jean-Noël Kerdraon, François Lamy, Claude Lanfranca, André Lebrun, Jean-Yves Le Drian, Georges Lemoine, François Liberti, Jean-Pierre Marché, Franck Marlin, Jean Marsaudon, Christian Martin, Guy Menut, Gilbert Meyer, Michel Meylan, Jean Michel, Jean-Pierre Michel, Charles Miossec, Alain Moyne-Bressand, Arthur Paecht, Jean-Claude Perez, Robert Poujade, Mme Michèle Rivasi, MM. Michel Sainte-Marie, Bernard Seux, Guy Teissier, André Vauchez, Emile Vernaudon, Jean-Claude Viollet, Aloyse Warhouver, Pierre-André Wiltzer.

MESDAMES, MESSIEURS,

Le 2 août 1990, l'Irak envahit et occupe le Koweït. Le même jour, le Conseil de sécurité des Nations Unies ordonne, par la résolution n° 660, le retrait immédiat et inconditionnel des forces irakiennes de ce pays. Le 29 novembre, il se résout, par la résolution n° 678, à donner mandat à une coalition d'y procéder par la force si nécessaire.

C'est ainsi qu'eut lieu la « guerre du Golfe » du 16 janvier au 28 février 1991, qui vit une coalition composée de 34 pays, comportant notamment des forces américaines, britanniques, françaises et canadiennes, affronter les forces armées irakiennes et contraindre par une victoire militaire l'Irak à quitter le sol koweïtien.

Le nombre de militaires qui y participèrent, compte tenu des relèves effectuées pendant le conflit, est important : 697 000 Américains, 53 000 Britanniques, 26 000 Français, 4 500 Canadiens, pour ne parler que des principaux contingents des pays occidentaux.

La victoire avait été obtenue proprement et sans bavure, nous disait-on. Néanmoins, après les événements, un certain nombre d'anciens combattants se mirent à se plaindre de symptômes physiques divers, de gravité et de caractéristiques variables, mais toujours invalidants, et, comparant leur état avec celui d'avant leur participation à la guerre du Golfe, attribuèrent à celle-ci le développement de ces pathologies.

L'idée de « syndrome de la guerre du Golfe » était née.

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* *

Des souvenirs et réflexions échangés par les anciens du Golfe, de façon personnelle ou plus organisée, des informations qu'ils purent recueillir, auprès de leurs médecins notamment, des enquêtes officielles qui furent menées (ainsi le Sénat américain en lança-t-il une en 1993), il ressortit assez rapidement que la guerre propre et les frappes chirurgicales avaient laissé au second plan un certain nombre de risques réels auxquels les combattants du Golfe avaient pu être soumis.

· Il apparut que ceux-ci étaient au nombre de quatre. Le premier est le risque neurotoxique.

Ainsi, en octobre 1996, le Pentagone déclara que 24 000 militaires avaient été contaminés par des agents neurotoxiques, notamment lors des épisodes de destruction de l'arsenal chimique irakien ; 130 000 hommes étaient sur le front le jour où furent détruites 4,8 tonnes de gaz sarin.

· Ensuite, ont été mis en cause les vaccins administrés aux soldats.

Sur ce point, si le Service de Santé des armées fait observer que, outre les vaccinations traditionnelles (diphtérie, tétanos, poliomyélite, typhoïde), les soldats français ont été vaccinés seulement contre la fièvre jaune et l'hépatite A, vaccinations habituelles pour les séjours en pays chaud, les soldats américains l'ont été également contre le charbon et le botulisme.

· Le troisième facteur repéré concerne les antidotes contre les agressifs chimiques de combat, et notamment la pyridostigmine, qui est un antidote contre les gaz sarin et soman.

Il apparaît sur ce point que les Américains et les Britanniques ont fait prendre à leurs troupes de la pyridostigmine pendant toute la durée de leur séjour, ce qui correspond à des doses très importantes pour l'organisme humain.

· Enfin, a été mis en cause l'uranium appauvri. Certaines munitions sont fabriquées de ce métal, utilisé non pour ses propriétés radioactives (puisque l'uranium naturel y est appauvri) mais pour ses capacités dynamiques. La très grande densité de l'uranium rend en effet les obus qui en sont composés capables de percer les plus épais blindages. Les avions A 10 américains, dits « tueurs de chars » tirent habituellement des obus de 30 mm en uranium appauvri.

Il a été envisagé que des obus en uranium appauvri fabriqué à partir d'uranium enrichi (et non d'uranium naturel), aient pu conserver des propriétés radioactives. De plus, l'uranium appauvri possède la toxicité habituelle des métaux lourds : on sait comment le plomb peut causer le saturnisme.

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Les plaintes et l'état de santé de certains anciens combattants du Golfe, combinés à la mise en évidence de l'existence de réels risques, notamment chimiques, sur le terrain amenèrent certaines administrations à envisager qu'une pathologie spécifique ait pu être développée à l'occasion de ce conflit. Sous la pression des vétérans et de leurs associations, elles se résolurent à mettre en place des organismes officiels à leur intention et à lancer des études épidémiologiques sur les pathologies qu'ils manifestaient.

· C'est ainsi qu'aux Etats-Unis, en 1996, fut créé auprès du secrétaire à la Défense, le poste d'Assistant spécial pour les maladies de la guerre du Golfe (Special assistant for Gulf War illnesses). Il a pour tâches de coordonner l'information et l'assistance auprès des anciens combattants, de susciter des enquêtes médicales sur les maladies de la guerre du Golfe, et de formuler des propositions en matière de règles de déploiement des forces qui tiennent compte de l'expérience du Golfe.

Des enquêtes épidémiologiques ont effectivement été conduites, la dernière à avoir été publiée étant une étude de l'Institute of Medicine, organisme indépendant faisant partie des National Academies of Science, et intitulée : « Gulf War and health : volume 1, Depleted uranium, Sarin, Pyridostigmine bromide and Vaccines » (Guerre du Golfe et santé : volume 1, uranium appauvri, sarin, bromure de pyridostigmine et vaccins).

· Au Royaume-Uni, une politique spécifique à l'attention des anciens combattants de la guerre du Golfe a été également mise en place, depuis 1997.

Elle comporte deux volets :

- une liaison spécifique avec les anciens combattants, incluant un site Internet afin que ceux d'entre eux qui présentent des maladies puissent se faire connaître et faire l'objet d'un suivi médical spécifique ;

- la conduite d'études épidémiologiques ; la dernière en date, menée au sein du King's College à Londres, et comportant l'examen à la fois d'anciens combattants du Golfe et de membres de deux groupes témoins composés de militaires ou anciens militaires ayant participé à d'autres opérations que la guerre du Golfe (opérations en Bosnie-Herzégovine par exemple) a été publiée en janvier 1999.

Il faut noter que ces deux processus se recoupent. Ainsi, le programme médical spécifique aux anciens combattants du Golfe ou MAP (Medical Assessment Programme) a, depuis 1994, examiné près de 3 000 patients, aux fins de soins, et publié en 1999 une étude portant sur les 1 000 premiers d'entre eux.

· Au Canada, à partir de 1995, le Service de santé des forces canadiennes a lancé une action spécifique auprès des anciens combattants de la guerre du Golfe. Deux cent vingt anciens combattants ont été inscrits comme souffrant de maladies.

Deux études épidémiologiques ont successivement été lancées, en 1995 et en 1997. La seconde, qui portait sur 3 000 anciens combattants du Golfe et un groupe témoin de militaires n'ayant pas participé à ce conflit, a été publiée en 1998.

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L'ensemble de ces études a abouti au même type de conclusions. Chaque fois elles font ressortir une plus forte incidence des problèmes de santé au sein des anciens combattants de la guerre du Golfe qu'au sein du groupe témoin.

Les pathologies sont assez diverses. Les Américains les ont regroupées en trois groupes : syndrome cognitif (troubles de la mémoire, dépression, insomnie, fatigue psychique), troubles de la pensée et du raisonnement (lecture, écriture), douleurs musculaires et articulaires.

En revanche, les symptômes présentés par les anciens combattants du Golfe paraissent correspondre tous à des maladies connues.

Enfin, les rapports d'experts concluent tous que la corrélation entre les symptômes n'est pas encore suffisante pour justifier l'utilisation du terme de syndrome. Le rapport publié au Etats-Unis par l'Institute of Medicine expose même que : « Nous ne disposons pas d'assez d'éléments pour lier ces problèmes de santé à long terme à l'exposition à certains médicaments, agents chimiques et vaccins présents durant la guerre du Golfe ».

Au bout du compte, à ce stade, les conclusions sont celles d'une plus forte morbidité apparente des anciens combattants de la guerre du Golfe par rapport aux autres populations comparables, dans le cadre de pathologies connues et sans que les symptômes observés puissent être corrélés de façon suffisante pour justifier médicalement l'expression de « syndrome de la guerre du Golfe », qui n'est donc employée que par défaut.

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Comparées à celles de nos alliés, les autorités françaises sont restées discrètes vis-à-vis des anciens combattants du Golfe. Pourtant, certains d'entre eux se sont plaints. Il a été adressé 300 demandes de pension au titre du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de la guerre ; 120 ont été concédées, pour blessures pour les neuf dixièmes d'entre elles. Pour ce qui est des pathologies évoquées ci-dessus, le Service de Santé des armées s'en est tenu strictement au fait que, s'il y avait là des affections qui devaient donner lieu à soins et pouvaient donner lieu à pension, il n'y avait pas de pathologie spécifique justifiant de déroger au régime traditionnel d'imputabilité au service.

Cependant, à l'évidence, et quelles qu'aient été les règles de prudence opérationnelle, notamment sur le plan médical, les forces françaises ont vécu dans le même environnement que les autres forces alliées. Il paraît difficile qu'elles aient pu échapper à l'ensemble des quatre risques décrits ci-dessus.

De fait, une association, Avigolfe, s'est créée, tendant à regrouper l'ensemble des anciens combattants de la guerre du Golfe malades qui attribuent leurs pathologies à leur participation à cette guerre.

Et cinq de nos collègues, membres du groupe RCV, MM. André Aschieri, Noël Mamère, Mme Marie-Hélène Aubert, MM. Yves Cochet et Jean-Michel Marchand, ont déposé une proposition de résolution « tendant à créer une commission d'enquête sur l'impact sanitaire réel chez les anciens combattants de la guerre du Golfe des armes utilisées durant l'opération Daguet et sur les responsabilités de l'Etat en la matière ».

C'est cette proposition que, conformément à l'article 140 du Règlement de notre Assemblée, il convient d'examiner maintenant.

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Selon les dispositions de l'article 6 de l'ordonnance n° 58-1100 du 17 novembre 1958 relative au fonctionnement des assemblées parlementaires « les commissions d'enquête sont formées pour recueillir des éléments d'information soit sur des faits déterminés, soit sur la gestion des services publics ou des entreprises nationales, en vue de soumettre leurs conclusions à l'assemblée qui les a créées » ; de plus « il ne peut être créé de commission d'enquête sur des faits ayant donné lieu à des poursuites judiciaires et aussi longtemps que ces poursuites sont en cours ». L'article 140 du Règlement de notre Assemblée ajoute que la proposition « doit déterminer avec précision soit les faits qui donnent lieu à enquête, soit les services publics ou les entreprises nationales dont la commission doit examiner la gestion ».

L'objet de la proposition de résolution de nos collègues est bien de recueillir des éléments d'information sur des faits déterminés, puisqu'il s'agit d'établir l'impact des armes utilisées pendant l'opération Daguet, opération extérieure ouverte et close à des dates précises, sur la santé des personnels qui ont participé à cette opération, et en conséquence d'évaluer la responsabilité de l'Etat dans les pathologies constatées chez ces combattants. L'exposé des motifs précise qu'il s'agit, au cas où l'impact serait avéré, de permettre aux soldats touchés de bénéficier des traitements adéquats et des dispositions du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de la guerre.

Par ailleurs, par lettre en date du 8 septembre 2000, le Président de l'Assemblée nationale a interrogé la Garde des Sceaux, Mme Elisabeth Guigou, conformément aux dispositions de l'article 141 de notre Règlement. Il semble qu'aucune procédure pénale ne soit en cours à ce jour sur les faits ayant motivé la proposition de résolution.

La proposition de résolution apparaît ainsi comme répondant aux conditions juridiques de la recevabilité.

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En ce qui concerne son opportunité, en revanche, plusieurs objections sérieuses peuvent être soulevées.

La première tient sans doute à une conception étroite des causes possibles du syndrome. En fixant pour objet à la commission d'enquête « l'impact sanitaire réel » des « armes » utilisées pendant l'opération Daguet, les auteurs de la proposition visent en fait les munitions à uranium appauvri.

L'exposé des motifs l'indique très clairement : « aux Etats-Unis des programmes d'enquête (...) montrent que certaines pathologies peuvent avoir trouvé leurs causes et origines à l'occasion de ces opérations militaires, notamment lors de l'utilisation par les forces alliées de projectiles contenant de l'uranium appauvri.

« Le professeur Asaf Durakovic (...) a souligné, lors d'un congrès européen de médecine nucléaire à Paris, la présence dans l'organisme des anciens combattants de la guerre du Golfe de traces d'un isotope d'uranium qui n'existe pas dans la nature.

« De plus, le Service de Santé des armées déclarait en 1991 que les militaires français n'avaient reçu aucun antidote contre les gaz toxiques ».

Or, les études épidémiologiques américaines, britanniques et canadiennes ne mettent pas du tout l'uranium appauvri au premier rang des causes des pathologies de la guerre du Golfe.

Par ailleurs, entendu par la Commission de la Défense nationale et des Forces armées le mercredi 13 septembre 2000, le Ministre de la Défense, M. Alain Richard, a tenu les propos suivants : « il fallait prévoir une protection des militaires français contre les effets d'une éventuelle offensive chimique qui faisait partie des éventualités dans une confrontation avec l'Irak, pays qui a accumulé des armes chimiques en masse et qui les a utilisées en opérations. A cette fin, un certain nombre de produits ont été remis individuellement aux militaires français en complément des mesures générales de protection classique. Il s'agissait de seringues auto-injectables contenant de l'atropine, un anticonvulsivant (Valium), un antidote (Contrathion) et des comprimés de pyridostigmine. Ce dernier produit n'a été pris qu'à l'occasion d'alertes clairement identifiées, ou, pour certaines unités, sur une très courte durée, au moment de l'offensive terrestre. Son efficacité dans la protection contre les agressifs chimiques de combat justifiait largement son utilisation. »

Il a ensuite précisé que : « il n'y a pas eu de prescription systématique de pyridostigmine au cours du conflit du Golfe. La pyridostigmine ne devait être prise qu'en cas d'alerte, sur ordre du commandement de la force française. Cet ordre n'a pas été donné. En revanche, des commandants d'unité ont, dans des conditions de stress créées par des alertes, autorisé leurs subordonnés à prendre ce produit. Sa consommation n'a cependant jamais excédé dix jours. »

Autrement dit, certains soldats français ont bien pris, même si c'est pendant des durées limitées, des comprimés de pyridostigmine, et la prise de pyridostigmine ne peut être écartée des causes possibles de certains états pathologiques.

C'est pourquoi, en tout état de cause, le champ des faits donnant lieu à enquête mériterait une définition plus large.

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Par ailleurs, selon les auteurs de la proposition de résolution, la commission d'enquête devrait avoir pour objectif, au cas où « une contamination serait avérée » d'établir « les responsabilités de l'Etat » et en conséquence de proposer des dispositifs de soin et d'indemnisation, notamment en matière de pensions d'invalidité. De plus, l'exposé des motifs indique que même si la contamination n'était pas avérée, « au regard des risques » que pourrait mettre en lumière la commission d'enquête, « une enquête épidémiologique pourrait être diligentée ».

Or, lors de son audition par la Commission de la Défense nationale le 13 septembre 2000, le Ministre de la Défense a exposé qu'en « accord avec le ministère de la Santé, il avait proposé qu'un groupe d'experts, placé sous l'autorité d'une personnalité indépendante, se constitue afin d'analyser les données sanitaires relatives aux anciens combattants de la guerre du Golfe ». Il a précisé que « ce groupe devrait examiner également l'ensemble des nouveaux dossiers déposés par des personnes estimant être atteintes d'une affection consécutive à leur passage dans le Golfe ».

En réponse à une remarque de notre collègue Michèle Rivasi, qui estimait que les militaires victimes d'affections difficiles à caractériser, telle que l'asthénie, hésitaient à se présenter devant la commission des pensions, il a indiqué que pour cette raison, il était désormais « proposé que les personnels qui le souhaiteront puissent présenter leur dossier directement au groupe d'experts » et que le ministère souhaitait « vivement » que « les associations leur conseillent cette démarche ».

Enfin, en réponse à une observation de notre collègue Alain Calmat, il a indiqué que « le groupe d'experts devra mener des investigations sur la population générale, de façon à développer des termes de comparaison ; il devra comprendre des représentants de l'Institut de veille sanitaire ».

Il est clair qu'il s'agit là de l'institution d'un nouveau mode d'examen des dossiers individuels et de l'ouverture de l'étude épidémiologique demandée. Sur ces points les objectifs de la proposition de résolution sont d'ores et déjà satisfaits.

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Par ailleurs, en ouvrant cette réunion du 13 septembre 2000, le Président Paul Quilès « a estimé nécessaire, étant donné la complexité de la question, que la Commission envisage de s'en saisir, pour examiner ses aspects plus spécifiquement militaires, parallèlement aux études strictement médicales qui devront être menées par ailleurs, de manière à progresser dans la recherche de la vérité en évitant les conclusions hâtives. Il a alors proposé que la Commission crée en son sein une mission d'information sur les conditions d'engagement des militaires français qui auraient pu les exposer au cours de la guerre du Golfe à des risques sanitaires spécifiques. Il a souhaité que, pour que le travail de cette mission se déroule dans les meilleures conditions, le Ministre de la Défense lui accorde les moyens de mener ses investigations de la manière la plus complète possible. »

A la fin de la même réunion, le Président Paul Quilès a aussi pu constater un « accord » des participants à la réunion en faveur de la création d'une « mission d'information destinée à vérifier si des militaires ont pu être placés au cours de la guerre du Golfe dans des situations comportant des risques sanitaires spécifiques » et a estimé que la mission d'information pourrait, sans s'éloigner de son objet qui concerne spécifiquement le conflit du Golfe, « comporter des conclusions et préconisations intéressant d'autres conflits récents ou à venir ».

Il est clair que, si la vérification était positive, il y aurait là une raison pour réviser, le cas échéant, le statut de ces pathologies présentées par les anciens combattants du Golfe et rendre possible leur reconnaissance comme pathologies de guerre.

Dès lors, sur cette question de la responsabilité, la mission d'information qu'envisage de créer la Commission de la Défense nationale et des Forces armées et la commission d'enquête auraient le même objet.

Dans ces conditions, quel dispositif privilégier ?

On considère traditionnellement qu'une commission d'enquête a plus de pouvoir, plus d'autorité dans ses travaux qu'une mission d'information d'une commission permanente. L'article 6-II de l'ordonnance n° 58-1100 du 17 novembre 1958 relative au fonctionnement des assemblées parlementaires indique en effet que : « toute personne dont une commission d'enquête a jugé l'audition utile est tenue de déférer à la convocation qui lui est délivrée, si besoin est, par un huissier ou un agent de la force publique, à la requête du président de la commission. A l'exception des mineurs de seize ans, elle est entendue sous serment. Elle est, en outre, tenue de déposer, sous réserve des dispositions des articles 226-13 et 226-14 du code pénal ». Il ajoute que : « les rapporteurs des commissions d'enquête exercent leur mission sur pièces et sur place. Tous les renseignements de nature à faciliter cette mission doivent leur être fournis. Ils sont habilités à se faire communiquer tous documents de service (...) ».

Une mission d'information, émanation d'une ou plusieurs commissions permanentes, peut néanmoins s'appuyer sur les dispositions de l'article 5 bis de la même ordonnance, qui prévoient qu'une commission permanente « peut convoquer toute personne dont elle estime l'audition nécessaire, réserve faite, d'une part, des sujets de caractère secret et concernant la défense nationale, les affaires étrangères, la sécurité intérieure ou extérieure de l'Etat, d'autre part, du respect du principe de la séparation de l'autorité judiciaire et des autres pouvoirs ». Le refus de répondre à la convocation est puni de 50 000 francs d'amende.

En tout état de cause, les pouvoirs spécifiques des commissions d'enquête ne valent pas non plus dans tous les domaines. L'article 6-II précise en effet que si les rapporteurs des commissions d'enquête sont bien « habilités à se faire communiquer tous documents de service », c'est là aussi « à l'exception de ceux revêtant un caractère secret et concernant la défense nationale, les affaires étrangères, la sécurité intérieure ou extérieure de l'Etat ».

S'agissant d'une enquête sur l'armée française en campagne, et qui devra s'intéresser à son organisation, à ses matériels et armements, ainsi qu'à ses procédures et règles d'engagement opérationnel, on peut penser que nombre des documents intéressant la commission d'enquête auront un caractère secret et qu'il sera difficile à ses membres d'accéder aux informations les plus pertinentes.

Il faut du reste souligner le caractère justifié du secret dans ces domaines. En matière de règles de procédure, d'engagement ou de comportement, le maintien du secret est un élément essentiel de l'efficacité opérationnelle des forces et une garantie pour la sécurité des personnels. Les armées apparaissent donc fondées à s'opposer au dévoilement de ces informations sur la place publique.

En revanche, au fur et à mesure que des relations de confiance se sont instaurées entre la Commission de la Défense nationale et le Gouvernement, une méthode a été mise au point pour traiter des documents ou informations classifiés. Dans ce cas, les documents classifiés sont déclassifiés à l'attention des seuls présidents et rapporteurs des missions d'information de la Commission, pour qu'ils disposent de tous les éléments d'un bon établissement des faits, sans faire état publiquement de ceux qui sont classifiés. Cette méthode, inaugurée en 1998 avec le rapport de la mission d'information sur les opérations menées au Rwanda de 1990 à 1994, a récemment profité aux missions d'information de la Commission sur le conflit du Kosovo et sur le contrôle des exportations d'armement, dont le sérieux des investigations a été également reconnu.

C'est pourquoi on peut penser qu'une mission d'information de la Commission de la Défense nationale serait un instrument adéquat pour une telle enquête.

Le Ministre de la Défense, lors de son audition, le 13 septembre 2000, par la Commission de la Défense nationale s'est d'ores et déjà « engagé à faire en sorte que l'ensemble des documents opérationnels à cette mission soit placé à sa disposition ». Il a aussi exposé que « la mission d'information parlementaire, si elle est créée, sera tenue informée des travaux du groupe d'experts commun au ministère chargé de la Santé publique et à celui de la Défense. Il sera demandé à ce groupe de faire parvenir le résultat de ses travaux à la mission d'information, y compris sous forme de rapport d'étape, de façon à aider celle-ci dans l'analyse et l'évaluation des conséquences sanitaires des opérations militaires ».

Sur ce dernier point, il faut aussi souligner l'avantage que la souplesse dans la durée peut conférer à une mission d'information. En effet, une commission d'enquête est constituée pour six mois, pas un jour de plus, et il ne peut en être constitué d'autre sur le même objet avant un an. On voit bien quelle utilité peut présenter le fait de pouvoir échapper, même de façon marginale ou limitée, à cette très stricte règle, notamment pour la coordination avec le groupe d'experts. Dès lors, là aussi, c'est le principe de la mission d'information qui paraît le mieux adapté.

Pour l'ensemble de ces motifs, votre rapporteur considère que la création d'une commission d'enquête n'est pas appropriée à la question soulevée tandis qu'une mission d'information de la commission de la Défense pourrait être une bonne réponse.

Il vous demande donc de rejeter la proposition de résolution n° 2562.

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* *

La commission de la Défense a examiné la proposition de résolution n° 2562 lors de sa réunion du 2 octobre 2000.

Dans la discussion générale qui a suivi l'exposé du rapporteur, plusieurs commissaires sont intervenus.

S'exprimant au nom des membres du groupe RPR, M. René Galy-Dejean a confirmé sa position favorable à la création d'une mission d'information de la Commission sur les éventuels risques sanitaires spécifiques liés aux opérations du Golfe. Se déclarant convaincu par la démonstration du rapporteur, il a marqué son opposition à la création d'une commission d'enquête dont le caractère accusatoire a priori lui est apparu inapproprié. Il a considéré qu'une telle démarche, dirigée contre les armées, susciterait l'incompréhension du public, étant donné l'appréciation élogieuse que le Parlement avait largement portée sur l'engagement des troupes françaises dans le cadre de l'opération Daguet, il y a près de 10 ans.

Après avoir souligné la qualité des analyses du rapporteur, M. Guy-Michel Chauveau a exprimé au nom du groupe socialiste son complet accord avec sa proposition.

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Conformément aux conclusions du rapporteur, la Commission de la Défense nationale et des Forces armées a rejeté, à l'unanimité, la proposition de résolution n° 2562 de M. André Aschieri et plusieurs de ses collègues tendant à la création d'une commission d'enquête sur l'impact sanitaire réel chez les vétérans de la guerre du Golfe des armes utilisées durant l'opération Daguet et sur les responsabilités de l'Etat en la matière.