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le 20 avril 2001

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N° 2989

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ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

ONZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l'Assemblée nationale le 18 avril 2001

RAPPORT

FAIT

AU NOM DE LA COMMISSION DE LA PRODUCTION ET DES ÉCHANGES (1) SUR LA PROPOSITION DE RÉSOLUTION (n° 2927) DE M. YVES COCHET, visant à la création d'une commission d'enquête relative aux désordres causés par les travaux de percement de la ligne Eole sur les immeubles riverains du tracé ainsi que sur les mesures propres à parvenir à une indemnisation équitable des copropriétés au regard des travaux à effectuer.

PAR M. MAXIME BONO,

Député.

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(1) La composition de cette commission figure au verso de la présente page.

Voirie.

La Commission de la production et des échanges est composée de : M. André Lajoinie, président ; M. Jean-Paul Charié, M. Jean-Pierre Defontaine, M. Pierre Ducout, M. Jean Proriol, vice-présidents ; M. Christian Jacob, M. Pierre Micaux, M. Daniel Paul, M. Patrick Rimbert, secrétaires ; M. Jean-Pierre Abelin, M. Yvon Abiven, M. Jean-Claude Abrioux, M. Stéphane Alaize, M. Damien Alary, M. André Angot, M. François Asensi, M. Jean-Marie Aubron, M. Pierre Aubry, M. Jean Auclair, M. Jean-Pierre Balduyck, M. Jacques Bascou, Mme Sylvia Bassot, M. Christian Bataille, M. Léon Bertrand, M. Jean Besson, M. Gilbert Biessy, M. Claude Billard, M. Claude Birraux, M. Jean-Marie Bockel, M. Jean-Claude Bois, M. Daniel Boisserie, M. Maxime Bono, M. Franck Borotra, M. Christian Bourquin, M. Patrick Braouezec, M. François Brottes, M. Vincent Burroni, M. Alain Cacheux, M. Dominique Caillaud, M. Jean-Paul Chanteguet, M. Jean Charroppin, M. Philippe Chaulet, M. Jean-Claude Chazal, M. Daniel Chevallier, M. Yves Cochet, M. Gilles Cocquempot, M. Pierre Cohen, M. Alain Cousin, M. Yves Coussain, M. Jean-Michel Couve, M. Jean-Claude Daniel, M. Marc-Philippe Daubresse, M. Philippe Decaudin, Mme Monique Denise, M. Léonce Deprez, M. Jacques Desallangre, M. Éric Doligé, M. François Dosé, M. Marc Dumoulin, M. Dominique Dupilet, M. Philippe Duron, M. Jean-Claude Étienne, M. Alain Fabre-Pujol, M. Albert Facon, M. Alain Ferry, M. Jean-Jacques Filleul, M. Jacques Fleury, M. Nicolas Forissier, M. Jean-Louis Fousseret, M. Claude Gaillard, M. Robert Galley, M. Claude Gatignol, M. André Godin, M. Alain Gouriou, M. Hubert Grimault, M. Michel Grégoire, M. Lucien Guichon, M. Gérard Hamel, M. Patrick Herr, M. Francis Hillmeyer, M. Claude Hoarau, M. Robert Honde, M. Claude Jacquot, Mme Janine Jambu, M. Aimé Kergueris, M. Jean Launay, Mme Jacqueline Lazard, M. Thierry Lazaro, M. Jean-Yves Le Déaut, M. Jacques Le Nay, M. Patrick Lemasle, M. Jean-Claude Lemoine, M. Jean-Claude Lenoir, M. Arnaud Lepercq, M. René Leroux, M. Jean-Claude Leroy, M. Roger Lestas, M. Félix Leyzour, M. Guy Malandain, M. Daniel Marcovitch, M. Didier Marie, M. Alain Marleix, M. Daniel Marsin, M. Philippe Martin, M. Jacques Masdeu-Arus, M. Marius Masse, M. Roland Metzinger, M. Roger Meï, M. Yvon Montané, M. Gabriel Montcharmont, M. Jean-Marie Morisset, M. Bernard Nayral, M. Jean-Marc Nudant, M. Jean-Paul Nunzi, M. Patrick Ollier, M. Joseph Parrenin, M. Paul Patriarche, M. Germinal Peiro, Mme Geneviève Perrin-Gaillard, M. François Perrot, Mme Annette Peulvast-Bergeal, M. Serge Poignant, M. Bernard Pons, M. Jean Pontier, M. Jacques Pélissard, Mme Marie-Françoise Pérol-Dumont, M. Jean-Luc Reitzer, M. Gérard Revol, Mme Marie-Line Reynaud, M. Jean Rigaud, M. Jean Roatta, M. Jean-Claude Robert, M. Joël Sarlot, Mme Odile Saugues, M. François Sauvadet, M. Jean-Claude Thomas, M. Léon Vachet, M. Daniel Vachez, M. François Vannson, M. Michel Vergnier, M. Gérard Voisin, M. Roland Vuillaume.

MESDAMES, MESSIEURS,

Le 8 février 2001, a été déposée sur le bureau de l'Assemblée nationale une proposition de résolution (n° 2927), présentée par M. Yves Cochet, visant à la création d'une commission d'enquête relative aux désordres causés par les travaux de percement de la ligne Eole sur les immeubles riverains du tracé ainsi que sur les mesures propres à parvenir à une indemnisation équitable, au plan collectif et au plan individuel, des copropriétés au regard des travaux à effectuer.

Les travaux de creusement et de réalisation de la ligne Eole ont en effet occasionné des nuisances et des dommages supportés par les immeubles riverains, tels que des tassements, des affaissements ou des fissures. Des procédures de règlement à l'amiable ont été engagées entre la SNCF et les riverains afin de fixer des indemnisations appropriées ; dans certains cas, des litiges sont apparus et il a donc été fait appel au juge administratif. La proposition de création d'une commission d'enquête a pour objet de procéder à une « remise à plat » des dossiers litigieux.

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L'application conjointe de l'article 6 de l'ordonnance du 17 novembre 1958 relative au fonctionnement des assemblées parlementaires et des articles 140 et 141 du Règlement de l'Assemblée nationale conduit à examiner la recevabilité de la proposition de résolution avant de se prononcer sur son opportunité.

La recevabilité de la proposition de résolution peut être admise, Mme Marylise Lebranchu, Garde des Sceaux, ministre de la justice, ayant confirmé par une lettre en date du 7 mars 2001, qu'aucune poursuite judiciaire n'est en cours sur les faits ayant motivé le dépôt de cette proposition. En effet, les litiges apparus relèvent du juge administratif et non du juge judiciaire.

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Il est en revanche plus difficile d'admettre l'opportunité de créer une commission d'enquête.

Il ne s'agit bien évidemment pas de nier la réalité des dommages subis par les riverains des travaux de percement et de réalisation de la ligne Eole. L'exposé des motifs de la proposition en rend bien compte et si l'on en doutait, il suffirait de considérer les sommes consacrées par la SNCF à l'indemnisation de ces dommages (environ 2 % des sommes consacrées aux travaux de génie civil primaire réalisés pour Eole), pour s'en convaincre.

Toutefois, sans minimiser les préjudices subis, il convient de mettre ces derniers en regard avec l'ampleur de l'opération entreprise et sa complexité.

1. Eole, un chantier d'envergure et d'intérêt général

Eole constituera la cinquième ligne du réseau express régional (RER) d'Ile-de-France, et permettra de connecter des voies ferrées aboutissant aujourd'hui à la gare de l'Est et la gare Saint-Lazare. Cette infrastructure d'intérêt général devrait être, selon les prévisions de trafic, très fréquentée, puisqu'elle devrait accueillir 30 000 voyageurs chaque jour aux heures de pointe et 77 millions de voyageurs annuels.

Compte tenu de ces estimations et des contraintes pesant sur le projet, Eole peut être qualifié de grand chantier et a constitué un véritable défi technique. La partie urbaine du projet est en effet située dans une zone à forte densité de constructions qui comporte de vieux édifices aux fondations délicates. En raison de l'encombrement du sous-sol parisien et de ses caractéristiques géologiques, les infrastructures ont été réalisées à une grande profondeur (à trente mètres sous terre en moyenne). L'ampleur des travaux explique ainsi la longue durée du chantier, ainsi que le coût de l'opération, qui s'élève à 8 milliards de francs.

2. Le respect des procédures et des expertises par la SNCF

Il ne semble pas que la SNCF ait fait preuve de légèreté dans la conduite du projet. Une enquête d'utilité publique a été menée dans les cinq arrondissements parisiens concernés (8ème, 9ème, 10ème, 17ème et 18ème) durant un mois et demi et s'est achevée le 29 mars 1991. Deux enquêtes parcellaires, en vue des acquisitions foncières nécessaires, ont été réalisées quelques mois plus tard et se sont achevées le 10 novembre de la même année. Une fois la déclaration d'utilité publique signée par le Premier ministre le 15 novembre 1991, il a été procédé aux expropriations nécessaires, en trois ans. Notons que le coût de ces acquisitions représente, à lui seul, 600 millions de francs.

S'agissant des tréfonds, le montant des indemnisations, fixé par les services fonciers de l'État selon le « barème Lassalle », mis au point il y a une vingtaine d'années lors de la réalisation de la ligne A du RER et dépourvu de caractère légal bien que publié dans le code de l'expropriation, a été assez rapidement contesté par les propriétaires des tréfonds. Il a donc fallu mettre au point un nouveau barème, appliqué à partir de 1996.

S'agissant des acquisitions en surface, plus complexes, elles ont concerné cent logements, deux magasins de chaussures, trois hôtels, une pharmacie, cinq magasins de vêtements, un magasin d'optique, une compagnie d'assurances, une fabrique de cravates, un salon de coiffure et une pizzeria. Une assistance a été fournie à la centaine de familles locataires concernées, un réseau d'informateurs immobiliers a été mis en place et la SNCF a procédé à l'acquisition, hors déclaration d'utilité publique, de trois immeubles entiers vides, qui ont permis de régler la majeure partie des problèmes de relogement.

Les risques d'affaissements liés aux travaux ont également été pris en compte par la SNCF : des sondages ont été réalisés, auxquels ont été associés des essais en laboratoire sur des échantillons ainsi que des essais in situ. En outre, afin de prévenir, autant que possible, les risques éventuels d'effondrements liés à une dissolution des gypses présentes dans le nord-est parisien, ont été menées des campagnes de géophysique, ainsi que des opérations plus ciblées, comme le creusement de trois puits et galeries d'essais destinés à observer les caractéristiques des terrains.

Malgré ces précautions, des dommages matériels sont survenus.

Il convient de souligner que des désordres au bâti avaient également été observés lors de la construction de la ligne D du RER, mise en service en septembre 1995, ainsi que lors des travaux de réalisation de la ligne Météor, mise en service à l'été 1998. Une cinquantaine d'immeubles avait été endommagés par le chantier initié par la Régie autonome des transports parisiens (RATP) ; aujourd'hui, seule une dizaine de dossiers n'a pas été réglée définitivement, en raison notamment des difficultés rencontrées par la RATP pour obtenir un accord amiable sur la base des évaluations des experts.

S'agissant des désordres liés à la réalisation d'Eole, ils ont donné lieu, de manière similaire, à des offres transactionnelles de la part de la SNCF qui s'est systématiquement fondée sur les conclusions des expertises réalisées, l'objectif étant de parvenir, le plus rapidement possible, à un accord amiable avec les riverains. Il semble, dans ce cadre, exagéré d'affirmer que ces règlements à l'amiable ne seraient pas « équitables », puisque les offres d'indemnisation faites par la SNCF aux copropriétés ont toujours été égales ou supérieures aux montants préconisés par les rapports d'experts.

En outre, si à l'heure actuelle, certains dossiers n'ont pas été réglés définitivement, cette situation est notamment liée aux expertises complémentaires réalisées en cas d'aggravation des désordres par évolution des tassements.

A l'heure actuelle, sur environ cent soixante dossiers relatifs à des indemnisations, cinquante posent problème, les experts n'ayant remis leurs conclusions qu'à la fin de l'année 2000 ou au début de l'année 2001. Selon la SNCF, sur ces cinquante dossiers, un tiers devrait être traité avant l'été 2001, et un deuxième tiers avant la fin de l'année. Resteront environ quinze dossiers à régler au début de l'année 2002. On constate donc une réelle dynamique de traitement des litiges et ce serait faire un bien mauvais procès à la SNCF que de l'accuser de « traîner des pieds ».

3. Une jurisprudence favorable aux victimes de dommages permanents liés à des travaux publics

Enfin, il convient de souligner que l'indemnisation des dommages occasionnés par les travaux de réalisation d'Eole relève du régime de la responsabilité pour dommages de travaux publics. Le contentieux relève donc du juge administratif qui a élaboré, en la matière, une jurisprudence particulièrement favorable aux victimes.

Le principe est en effet le suivant : lorsque la personne publique maître de l'ouvrage a eu recours à un entrepreneur pour l'exécution des travaux dommageables, la victime est en droit de réclamer la réparation de ces dommages, soit à l'entrepreneur, soit à la collectivité maître de l'ouvrage, soit à l'un et à l'autre solidairement. En outre, les recours en matière de travaux publics ne sont soumis à aucune condition de délai. Surtout, la responsabilité du maître de l'ouvrage, de l'entrepreneur ou du concessionnaire de travaux publics est engagée de plein droit, même en l'absence de faute. Cette responsabilité pour dommages permanents liés à des travaux publics ouvre droit à réparation aux victimes, quelle que soit leur qualité, dès lors que ces dommages sont spéciaux et anormaux, comme le confirme un arrêt du Conseil d'état du 14 mars 1986 (Société Hôtel Paris-Liège) concernant des préjudices causés par des travaux de prolongement du RER.

Ainsi, en cas de refus par les riverains des offres transactionnelles faites par la SNCF, reste la possibilité d'un recours auprès du juge administratif, qui applique alors une jurisprudence particulièrement protectrice des droits des riverains subissant les dommages.

Compte tenu de ces éléments, il ne semble pas opportun de créer une commission d'enquête. L'un des motifs invoqués en faveur d'une telle création serait d'assurer « l'impartialité de la démarche » d'indemnisation. En l'espèce, le recours à la juridiction administrative par les intéressés devrait offrir toutes les garanties exigées. A moins de douter de l'impartialité des magistrats en la matière, on ne voit pas pourquoi le Parlement serait davantage compétent pour se pencher sur « les mesures propres à parvenir à une indemnisation équitable au plan collectif et au plan individuel ». Selon votre rapporteur, cette tâche relève clairement du juge administratif.

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La commission a examiné la proposition de résolution lors de sa réunion du 18 avril 2001. Après l'intervention du rapporteur, M. Yves Cochet a indiqué qu'il ne faisait pas la même analyse que ce dernier : le niveau d'information, la concertation, les mesures de prévention des risques, le dialogue avec les sinistrés par la SNCF sont très insuffisants selon les témoignages recueillis. En outre, les indemnisations proposées posent véritablement problème en raison de leur écart avec les évaluations présentées par les riverains.

Il a estimé que si le tribunal administratif avait à statuer sur les litiges apparus, le problème pouvait néanmoins être examiné par les députés, d'autant plus que la construction de la ligne Eole pose un problème de coût. Il a conclu en faisant observer qu'il n'était pas hostile à la SNCF et qu'il était un défenseur du service public du transport ferroviaire.

M. Léonce Deprez a jugé que la création d'une commission d'enquête devait être réservée aux problèmes d'intérêt national et non pour examiner des difficultés locales. En la matière, les élus régionaux pourraient servir d'intermédiaires entre les riverains et la SNCF.

M. André Lajoinie, président, a approuvé la remarque de M. Léonce Deprez et conclu qu'il n'était pas possible de créer des commissions d'enquête sur tous les sujets.

Puis, conformément aux conclusions du rapporteur, la commission a rejeté la proposition de résolution.

2989 - Rapport de M. Maxime Bono : commission d'enquête relative aux désordres causés par les travaux de percement de la ligne Eole sur les immeubles riverains du tracé (commission de la production)