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TEXTE ADOPTÉ no 273

« Petite loi »

ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

ONZIÈME LÉGISLATURE

SESSION ORDINAIRE DE 1998-1999

19 mars 1999

RÉSOLUTION

sur la proposition de directive du Parlement européen et du Conseil sur l'harmonisation de certains aspects du droit d'auteur et des droits voisins dans la société de l'information
(COM [97] 628 final/n° E 1011).

Est considérée comme définitive, en application de l'article 151-3 du Règlement, la résolution dont la teneur suit :

Voir les numéros : 1109 et 1401.

Propriété intellectuelle.

Article unique

L'Assemblée nationale,

Vu l'article 88-4 de la Constitution,

Vu la proposition de directive du Parlement européen et du Conseil sur l'harmonisation de certains aspects du droit d'auteur et des droits voisins dans la société de l'information (COM [97] 628 final/n° E 1011),

Considérant que les différences entre les législations actuelles des Etats membres en ce qui concerne le régime de la propriété intellectuelle sont de nature à freiner, sur le territoire de la Communauté, le développement de la société de l'information, dès lors que celle-ci est caractérisée par la fluidité, l'instantanéité et le caractère transfrontalier de la circulation des données numériques ;

Considérant que la technologie numérique démultiplie les modalités d'exploitation des _uvres protégées mais, aussi, facilite les utilisations illicites de ces dernières et que, en conséquence, la mise en place d'une véritable société de l'information suppose une valorisation des contenus assurée notamment par un niveau de protection des titulaires de droits d'auteur et de droits voisins qui soit élevé, adapté et harmonisé ;

Considérant que si le nouvel environnement technologique n'implique pas l'élaboration de nouveaux concepts juridiques, il rend toutefois nécessaires certaines adaptations afin, notamment, de garantir un équilibre entre les intérêts des titulaires de droits, des exploitants et des utilisateurs ;

Considérant que la Communauté européenne a déjà engagé un important travail d'harmonisation des règles régissant la propriété intellectuelle, en particulier en ce qui concerne les logiciels et les bases de données, mais que ces textes ponctuels ne permettent pas de régler l'ensemble des problèmes soulevés par l'émergence de la société de l'information ;

Considérant, d'une part, que les traités adoptés le 20 décembre 1996 dans le cadre de l'Organisation mondiale de la propriété intellectuelle doivent être appliqués de manière homogène sur le territoire de la Communauté, mais que, d'autre part, ces mêmes traités n'abordent pas certaines questions importantes telles que les exceptions aux droits d'auteur ;

Considérant que les potentialités inhérentes à l'environnement numérique conduisent à cantonner le champ des exceptions aux droits d'auteur et aux droits voisins et à les interpréter de manière restrictive ;

Considérant que l'exercice effectif des droits par leurs titulaires sera efficacement garanti par la mise en place de systèmes techniques normalisés d'identification et de protection des _uvres, dans des conditions qui ne portent pas atteinte au respect de la vie privée, et que ces systèmes doivent faire l'objet d'une protection juridique harmonisée et proportionnée ;

Considérant, enfin, que les effets de la présente proposition de directive doivent être appréciés en tenant compte des règles concernant la délimitation de la responsabilité des différents acteurs de la société de l'information et la détermination de la loi applicable, dont il est proposé l'harmonisation dans la proposition de directive du Parlement européen et du Conseil relative à certains aspects juridiques du commerce électronique dans le Marché intérieur ;

1. Soutient l'exercice d'harmonisation des droits d'auteur et des droits voisins dans la société de l'information dès lors que celui-ci propose un niveau de protection élevé de nature à valoriser les contenus ;

2. Souhaite l'harmonisation rapide des règles relatives à la détermination des responsabilités respectives des différents prestataires de services et de celles permettant de déterminer la loi applicable, exercice sans lequel la société de l'information ne peut se développer dans de bonnes conditions sur le territoire de la Communauté ;

3. Invite, en outre, le Gouvernement :

- à faire préciser les domaines respectifs de la communication au public et de la communication privée, afin de prévenir les détournements potentiels tout en préservant la circulation privative des _uvres à des fins strictement personnelles ;

- à faire confirmer que la diffusion musicale interactive en ligne donne lieu, au profit des producteurs de phonogrammes, soit à une rémunération équitable adaptée, soit à l'application du droit exclusif lorsque la nature du service l'assimile, en pratique, à un service à la demande, tout en restant réservé sur l'extension éventuelle de leur droit exclusif à l'égard des modes de radiodiffusion numériques qui n'entrent pas directement en concurrence avec la vente de supports sonores ;

- à faire préciser la portée de l'exception obligatoire instituée au profit des copies techniques transitoires liées au processus d'acheminement des _uvres, de sorte qu'elle ne puisse bénéficier qu'aux copies d'_uvres dont l'exploitation est autorisée et que le régime et la gestion de ces copies soient organisés par voie contractuelle entre le titulaire des droits et le fournisseur d'accès au moment de l'autorisation initiale d'exploitation ;

- à faire modifier la rédaction de l'exception facultative relative à la copie privée, afin qu'il soit clairement précisé, qu'en l'absence de dispositif technique de protection, la copie numérique donne lieu à une rémunération équitable calculée selon des modalités adaptées au nouvel environnement technologique ;

- à accepter le principe des autres exceptions facultatives limitativement énumérées par la proposition de directive à la condition, d'une part, que celles-ci soient plus strictement définies tant en ce qui concerne les personnes ou institutions bénéficiaires que les actes d'exploitation visés et, d'autre part, que, selon les cas, soit prévu un mécanisme de rémunération équitable ou, le cas échéant, une clause de sauvegarde en cas de préjudice économique injustifié causé aux titulaires de droits ;

- à insister sur le fait que, quelle que soit leur formulation, les exceptions doivent être systématiquement appréciées à la lumière du « test en trois étapes » rappelé par les traités OMPI et que le principe même de ces exceptions ne doit pas empêcher la mise en place, le cas échéant, d'une rémunération équitable, organisée par voie contractuelle entre les utilisateurs et les titulaires de droits ;

- à faire clarifier le régime de protection juridique de l'intégrité des systèmes techniques de protection des _uvres afin de mettre en _uvre un mécanisme praticable, reposant sur des critères plus objectifs, mais dont le champ d'application ne soit pas de nature à multiplier les situations d'instabilité juridique.

A Paris, le 19 mars 1999.

Le Président,

Signé : Laurent FABIUS.