XVIe législature
Session ordinaire de 2022-2023

Première séance du lundi 03 octobre 2022

Sommaire détaillé
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Première séance du lundi 03 octobre 2022

Présidence de Mme Yaël Braun-Pivet

Mme la présidente

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    La séance est ouverte.

    (La séance est ouverte à seize heures.)

    1. Ouverture de la session ordinaire

    Mme la présidente

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    Conformément au premier alinéa de l’article 28 de la Constitution, j’ai pris acte de l’ouverture de la session ordinaire 2022-2023 au Journal officiel du dimanche 2 octobre 2022.

    2. Souhaits de bienvenue à de nouveaux députés

    Mme la présidente

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    En votre nom à tous, je souhaite la bienvenue à nos dix nouveaux collègues qui ont remplacé, à compter du 5 août 2022, des députés devenus membres du Gouvernement. (Applaudissements sur divers bancs.) Il s’agit de M. Christopher Weissberg, qui remplace M. Roland Lescure ; de Mme Charlotte Goetschy-Bolognese, qui remplace M. Olivier Becht ; de M. Philippe Guillemard, qui remplace Mme Carole Grandjean ; de Mme Agnès Carel, qui remplace Mme Agnès Firmin Le Bodo ; de M. Fabien Lainé, qui remplace Mme Geneviève Darrieussecq ; de Mme Chantal Bouloux, qui remplace M. Hervé Berville ; de M. Luc Geismar, qui remplace Mme Sarah El Haïry ; de M. Philippe Sorez, qui remplace Mme Patricia Mirallès ; de M. Frédéric Zgainski, qui remplace Mme Bérangère Couillard ; enfin, de M. Laurent Esquenet-Goxes, qui remplace Mme Dominique Faure.
    Par ailleurs, j’informe l’Assemblée nationale que Mme Anne Grignon, qui a remplacé le 5 août dernier M. Jean-Noël Barrot, nommé au Gouvernement, a démissionné à compter du 12 août de son mandat de députée.

    3. Déclaration du Gouvernement relative à la guerre en Ukraine et aux conséquences pour la France

    Mme la présidente

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    L’ordre du jour appelle la déclaration du Gouvernement relative à la guerre en Ukraine et aux conséquences pour la France, suivie d’un débat, en application de l’article 50-1 de la Constitution.
    La semaine dernière, j’ai conduit à Varsovie puis à Kiev une délégation transpartisane de notre assemblée. Avec Valérie Rabault, première vice-présidente, chargée des affaires internationales, que je salue, M. Jean-Louis Bourlanges, président de la commission des affaires étrangères, M. Thomas Gassilloud, président de la commission de la défense nationale et des forces armées, et M. Pieyre-Alexandre Anglade, président de la commission des affaires européennes, sans oublier Anne Genetet, députée des Français de l’étranger et, en particulier, des Français d’Ukraine, nous sommes allés dire l’appui indéfectible de l’Assemblée nationale française à l’Ukraine et à son peuple.
    Cet appui s’est manifesté depuis le premier jour. Certains ici ont encore en mémoire le visage du président Zelensky s’adressant au Parlement sur les écrans de cet hémicycle. Quelques semaines plus tôt, dès le 1er mars 2022, nous débattions déjà de la guerre en Ukraine. Elle n’a pas cessé depuis de nous préoccuper. Je tiens à saluer depuis ce perchoir mon homologue, Rouslan Stefantchouk, président de la Rada. (Applaudissements sur les bancs des groupes RE, LR, Dem, SOC et HOR, ainsi que sur plusieurs bancs du groupe RN.) Il nous a accueillis deux jours durant et accompagnés.
    À ses côtés, notre délégation s’est rendue sur le terrain, au contact des Ukrainiens. Représentants de nos nations respectives, notre place est auprès des gens car nous avons en commun, quels que soient nos pays et quels que soient les bancs sur lesquels nous siégeons, le fait de les aimer et le devoir de les servir. À Tchernihiv, nous avons vu les immeubles éventrés, les visages creusés, les vies brisées ; nous avons vu aussi la formidable résistance des Ukrainiens, leur détermination à se battre contre l’agresseur russe et, déjà, les premiers efforts de reconstruction, auxquels la France s’honore de participer. Nous avons promis d’en être les témoins et les messagers, comme nous avons promis au président Zelensky et au président Stefantchouk de mener avec eux la bataille de l’opinion publique en Europe.
    En tant que responsables politiques, nous avons le devoir de rappeler inlassablement à nos concitoyens que le combat que mènent les Ukrainiens est celui de nos valeurs, celles de la démocratie, de l’humanisme, de la liberté et de la civilisation européenne. Qu’il s’agisse de notre assemblée, de notre pays, de notre Europe, tous, nous avons le devoir de les soutenir et de condamner fermement cette intolérable agression militaire de la Russie, qui a fait bien trop de victimes et d’exilés. Tous, nous avons le devoir d’empêcher des récits autres que la vérité prospérer parmi nos concitoyens.
    Pour que le soutien de l’Assemblée nationale à l’Ukraine continue de s’inscrire dans la durée, nous avons souhaité que nos deux chambres signent un protocole d’accord pour développer des coopérations techniques et des échanges d’expériences, échanges qui seront également utiles dans le cadre du processus d’adhésion de l’Ukraine à l’Union européenne. J’invite solennellement chacun d’entre vous à se saisir de ce protocole et à faire vivre cette coopération renforcée avec nos amis de la Rada.
    Avant de laisser la parole à Mme la Première ministre, je voudrais saluer la présence parmi nous de l’ambassadeur d’Ukraine en France, M. Vadym Omelchenko. (Mmes et MM. les députés et Mmes et MM. les membres du Gouvernement se lèvent et applaudissent longuement.)
    Monsieur l’ambassadeur, ces applaudissements prolongés sont la marque de l’entière solidarité et de la pleine mobilisation de notre assemblée à vos côtés et aux côtés du peuple ukrainien que vous représentez.
    La parole est à Mme la première ministre.

    Mme Élisabeth Borne, Première ministre

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    Il y a un peu plus de sept mois, par une attaque illégale, brutale, meurtrière, la Russie a tenté d’envahir l’Ukraine. Beaucoup alors pensaient que le pays ne tiendrait pas et que la puissance russe l’emporterait rapidement. Sept mois plus tard, les combats durent toujours. L’Ukraine progresse et la Russie se retranche dans le cynisme, la menace et le chantage.
    Mesdames et messieurs les députés, cette guerre n’est pas seulement un conflit entre deux pays : c’est tout l’ordre mondial d’après-guerre qui est remis en cause. La Russie a menti à la face du monde, violé les lois internationales, et agite aujourd’hui la menace suprême. L’Europe n’est plus une terre de paix et les armes y font à nouveau des morts, des blessés, des déplacés. Certaines nations montrent qu’elles sont prêtes à tout dans leur quête de puissance et, si nous laissons faire, le nouvel ordre mondial qui s’ouvrira sera celui de la loi du plus fort.
    Cette guerre, c’est une lutte pour nos valeurs. Vendredi dernier, Vladimir Poutine l’a lui-même reconnu : c’est notre modèle démocratique qu’il attaque, ce sont les droits de l’homme qu’il remet en cause. Poutine n’accepte pas de voir la démocratie s’imposer peu à peu à ses frontières ; alors, il veut intimider et écraser ceux qui y aspirent. Le message du Kremlin est clair : gare à ceux qui voudraient s’émanciper de son joug, gare à tous ceux qui croient en autre chose que l’hégémonie russe.
    Alors quand la liberté et la démocratie sont sous les bombes, nous n’avons pas le droit de faiblir, pas le droit de louvoyer. La France et l’Europe doivent être au rendez-vous. Cette guerre, c’est une leçon de solidarité. L’agression violente et délibérée d’un État contre un autre, en violation de toutes les règles internationales et de ses responsabilités particulières de membre permanent du Conseil de sécurité des Nations unies, est seule responsable de cette guerre et de ses conséquences.
    Dans notre réponse face à la Russie, nous devons être solidaires : solidaires des Ukrainiens qui risquent leur vie pour leur liberté ; solidaires, car pour être forts et efficaces, nous devons avancer unis avec l’Europe, avec tous ceux qui partagent nos valeurs.
    Le Président de la République l’a dit, ce conflit engage notre responsabilité à tous. C’est un membre de la famille européenne qui est agressé, ce sont nos valeurs qui sont attaquées. C’est notre détermination face au nouvel impérialisme russe qui est éprouvée. Ce conflit dure et durera ; ses conséquences sont concrètes et perceptibles dans toute l’Europe et dans notre pays.
    Aussi, comme je m’y étais engagée, je reviens aujourd’hui devant vous, sept mois après le premier débat sur la guerre en Ukraine dans cet hémicycle, pour un débat sur le fondement de l’article 50-1 de notre Constitution.
    Avant toute chose, je voulais avoir un mot pour le peuple ukrainien. Les Ukrainiens répondent à l’assaut russe depuis sept mois. Ils subissent les tirs, les bombes, comptent des blessés, des morts et ont tout perdu pour certains, mais ils n’ont jamais renoncé, jamais baissé la tête. Leur courage est exemplaire. Leur résistance, leur héroïsme même, forcent le respect. (Applaudissements sur les bancs des groupes RE, LR, Dem, SOC et HOR, ainsi que sur plusieurs bancs du groupe RN et sur quelques bancs du groupe Écolo-NUPES. – M. Alexis Corbière applaudit aussi.)
    Avec le président Zelensky, avec le Premier ministre Denys Chmygal, avec les forces ukrainiennes, le peuple ukrainien combat pour sa liberté et je veux, avec vous, leur rendre hommage et devant vous, monsieur l’ambassadeur, leur dire notre indéfectible soutien. (Mêmes mouvements.)
    Mesdames et messieurs les députés, je commencerai en faisant un point sur la situation opérationnelle. L’agression russe était illégale sur le plan du droit international et les méthodes employées par la Russie sur le terrain le sont également.

    M. Jean-Paul Lecoq

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    Absolument !

    Mme Élisabeth Borne, Première ministre

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    Chaque jour, avec le plus grand cynisme, la Russie repousse les frontières de la barbarie, elle fait usage des armes sans discernement, en ciblant les civils, en visant des écoles, des hôpitaux, des centres commerciaux, des convois humanitaires. Dans les territoires occupés, on assiste à des transferts forcés de populations, enfants compris. Leur libération s’accompagne de la découverte de nouvelles atrocités, comme à Boutcha en avril ou à Izioum plus récemment. Ces images nous indignent, nous choquent, nous révoltent. Elles témoignent de la réalité des opérations russes et de ce que risque le peuple ukrainien. Ce sont autant de violations des lois de la guerre, autant d’actes qui justifient d’agir, autant de monstruosités dont la Russie devra répondre.
    On note par ailleurs sur le front la présence de Wagner, société de mercenaires qui prend ses ordres directement du Kremlin, société qui emploie aujourd’hui des criminels russes pour venir combattre sur le front, société dont les méthodes sont bien connues, comme en témoignent ses exactions documentées en République centrafricaine et au Mali.
    Enfin, les frappes sur la centrale nucléaire d’Ukraine du Sud et l’occupation militaire de la centrale de Zaporijjia par les Russes font courir des risques inconsidérés à l’Ukraine, à l’Europe et à la Russie elle-même.
    Nous sommes extrêmement préoccupés par la situation à Zaporijjia. L’arrivée sur place d’une mission de l’Agence internationale de l’énergie atomique (AIEA) est une première étape. Nous disposons désormais d’informations en temps réel sur la situation et le risque nucléaire. Cependant, l’information n’exclut pas le danger. C’est pourquoi nous soutenons la proposition du directeur général de l’AIEA d’arrêt des tirs et de retrait du matériel militaire de la zone : notre objectif, c’est la démilitarisation.
    Nous sommes déterminés à ce que les crimes commis par la Russie soient documentés, jugés et punis, condition essentielle pour le retour d’une paix durable. Nous voulons y prendre part : nous avons décidé d’une contribution exceptionnelle à la Cour pénale internationale et avons fait don d’un laboratoire ADN mobile à l’Ukraine. Des experts de la gendarmerie nationale ont également été dépêchés sur place pour collecter des preuves. L’ambassade de France, qui n’a jamais fermé depuis le 24 février, est pleinement mobilisée afin de faciliter ce travail essentiel.
    Au-delà des lignes de front, la Russie agit sur tous les champs : je pense aux cyberattaques ou encore à la multiplication des fausses informations. Au moment où nous parlons, la Russie brandit la menace d’utiliser toutes les armes à sa disposition. N’ayons aucun doute : elle est susceptible d’aller plus loin dans l’illégalité et l’escalade.
    Néanmoins, malgré les méthodes inacceptables de la Russie, l’Ukraine tient bon. Elle est parvenue à arrêter les forces russes dans les oblasts de Donetsk et de Louhansk et elle a entamé une contre-offensive qui obtient des résultats. Elle a effectué plusieurs percées dans les régions de Kharkiv et de Lyman et des avancées plus lentes, mais notables, au sud de la région de Kherson. Ces résultats militaires montrent que le courage des forces ukrainiennes et la livraison de matériels militaires occidentaux produisent leurs effets sur le terrain. En reprenant l’initiative sur le front, en bousculant les Russes et en provoquant leur repli, les soldats ukrainiens ont enregistré de véritables succès militaires, qui doivent désormais être consolidés.
    Il ne fait aucun doute que le dispositif russe est fragilisé. La mascarade des référendums truqués organisés dans certaines régions de l’Est de l’Ukraine prouve que la Russie se rend compte de sa propre fragilité et cherche à donner un vernis démocratique à son offensive. Le Président de la République l’a rappelé : nous ne reconnaîtrons évidemment pas les résultats de ces prétendus référendums, ni l’annexion illégale de Vladimir Poutine. Ce n’est rien d’autre qu’une nouvelle provocation.

    M. Olivier Faure

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    Très bien !

    Mme Élisabeth Borne, Première ministre

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    L’appel à la mobilisation partielle lancé par Vladimir Poutine est un double aveu de faiblesse : une faiblesse militaire inattendue, mais aussi une faiblesse interne, alors que la mobilisation entraîne des contestations et des départs massifs vers l’étranger.
    Mais ne nous méprenons pas : il est bien trop tôt pour espérer la fin des combats. La mobilisation russe permettra d’envoyer de nouveaux soldats sur le front. La Russie est déterminée et prête à tout : les combats dureront. Pourtant, l’issue du conflit ne doit pas être militaire, mais bien diplomatique.
    En attendant que soient réunies les conditions d’une sortie du conflit, notre devoir est d’aider l’Ukraine autant que possible, sans entrer en guerre avec la Russie. Dès le début du conflit, le Président de la République, s’adressant aux Français, avait prévenu : cette guerre aura des conséquences durables, dont nous n’avons pas fini de mesurer l’ampleur.
    Pourtant, avec nos voisins européens, avec les alliés, nous n’avons pas hésité. Laisser faire la Russie eût été accepter un ordre mondial brutalisé, dans lequel tous les moyens sont bons et toutes les exactions possibles. L’histoire nous a appris ce qu’il en coûtait de détourner le regard en croyant se protéger. (Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes RE, Dem et HOR.)
    Ne rien faire aurait montré à la Russie qu’elle pouvait aller plus loin encore et prolonger sa volonté d’impérialisme. Ne rien faire aurait été perçu comme un blanc-seing donné à toutes les nations qui veulent affirmer leur puissance et nous mettre devant le fait accompli. Ne rien faire aurait planté les germes de nouveaux conflits qui nous auraient menacés plus directement encore.
    Défendre nos valeurs, ce n’est pas un idéal romantique : c’est prouver que la démocratie n’est pas faible, c’est défendre un modèle qui nous protège, c’est affirmer que nous croyons en un monde de paix et de stabilité.
    C’est pourquoi, depuis le début du conflit, avec les alliés et les autres nations européennes, nous avons multiplié les livraisons de matériels militaires à l’Ukraine. Nous l’assumons, car nous devons lui donner les moyens de se défendre face à l’invasion. Dès la fin du mois de février, notre pays a fourni aux forces armées ukrainiennes des missiles antichars, des missiles antiaériens, des équipements de protection et de l’armement léger. Dans un second temps, nous avons livré des systèmes plus lourds et plus complexes : des véhicules légers, des blindés et surtout des systèmes d’artillerie Caesar avec leurs munitions. Nous poursuivons cet effort : nous avons formé les soldats ukrainiens et des cessions de carburants sont en cours.
    Nous continuons à agir en Européens. Nous soutenons le lancement d’une mission d’assistance militaire de l’Union européenne dont la création a été entérinée cet été, et nous y contribuerons dès qu’elle sera effective.
    Au-delà de l’Ukraine, nous agissons en allié fiable et crédible. Dès les premiers jours du conflit, à la demande du Président de la République, nous avons renforcé notre dispositif sur le flanc est de l’Otan, dans le cadre des missions de réassurance de l’Alliance. Régulièrement, nos avions de combat surveillent et protègent l’espace aérien de l’est de l’Europe. Nous avons pris la tête de la mission de l’Otan en Roumanie en tant que nation cadre. Et, de la Baltique à la mer Noire, nous sommes présents d’un bout à l’autre du flanc est.
    La Russie pensait trouver l’Otan faible et divisée, elle l’a ressoudée. Moscou sait désormais que les alliés sont unis, prêts, et ce qu’il lui en coûterait si elle prolongeait ses volontés guerrières.
    Notre soutien militaire n’est qu’un des aspects de notre action. Dès les premiers jours de la guerre, avec l’Union européenne, nous avons pris des sanctions fortes. Là encore, alors que Vladimir Poutine pensait diviser l’Europe, cette dernière a fait face et montré son unité et sa détermination face à la crise. Je dirais même plus : bien malgré lui, le président Poutine a renforcé l’Europe.
    Le premier paquet de sanctions a été adopté en moins de vingt-quatre heures. Sept paquets ont été votés jusqu’à présent et le huitième est en cours de négociation. Notre objectif est le même depuis le début : rendre le coût de la guerre insupportable pour la Russie et frapper durement son économie afin de l’empêcher de financer son offensive.
    Nous avons pris des sanctions massives et de tous ordres : financières, afin de limiter les capacités de financement de l’État russe et des entreprises ; bancaires, avec l’exclusion de nombreuses banques russes du système Swift ; commerciales, avec des restrictions à l’importation et à l’exportation ; des sanctions contre la désinformation russe, en empêchant la diffusion de la chaîne Russia Today et de l’agence Sputnik dans l’Union européenne ; des sanctions politiques, enfin, contre les dirigeants, les oligarques et les propagandistes. Avec le huitième paquet sur la table, près de 1 300 personnes seront directement concernées par des gels d’avoirs ou des interdictions de voyage en Europe.
    Les Russes misaient sur notre peur et notre division. L’Union européenne a montré qu’elle était forte et savait réagir. L’Europe n’a pas reculé devant les décisions courageuses, telles que l’embargo sur les importations de charbon, de pétrole brut et de produits raffinés russes.
    Ces sanctions, n’en déplaisent à ceux qui masquent leur fascination pour l’impérialisme russe par un prétendu patriotisme, fonctionnent ! (Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes RE, Dem et HOR.) L’économie russe s’est considérablement rétractée, avec une chute de 6 % de son PIB cette année. L’inflation russe a explosé. La Russie a perdu l’accès à des matériels de haute technologie nécessaires pour moderniser le pays et assurer sa croissance.
    Moscou tente pour l’instant de maintenir l’illusion grâce aux prix élevés de l’énergie. Mais les faits sont là. La propagande russe ne doit pas nous berner : l’économie russe est à l’asphyxie. Par son obstination, Vladimir Poutine hypothèque l’avenir de son pays. Il jette des millions de citoyens russes dans la pauvreté, car c’est bien son peuple qui, le premier, ressent l’effondrement de l’économie russe et pâtit de sa volonté guerrière.
    Les sanctions perdureront tant que Poutine s’évertuera dans la spirale du conflit et de la confrontation. Abandonner les sanctions, ce serait abandonner l’Ukraine, renoncer à nos valeurs et nous soumettre à la Russie. Mais la France, le patriotisme, ce n’est ni l’abandon, ni le renoncement, ni la soumission. (Mêmes mouvements.)
    Mesdames et messieurs les députés, la fourniture de matériels militaires et les sanctions sont les deux piliers de notre soutien à l’Ukraine dans sa riposte face à la Russie. Mais notre accompagnement ne s’arrête pas là. Nous apportons à l’Ukraine un soutien humanitaire : plus de 200 millions d’euros ont été mobilisés et 2 500 tonnes de matériels livrées. Ce soutien est à l’œuvre dans tous les domaines ; il se déploie sur place et dans les pays frontaliers ; il est coordonné avec nos partenaires, avec les ONG et les organisations internationales. Il se poursuit en ce moment même, puisqu’un quatrième convoi humanitaire a quitté Marseille par bateau la semaine dernière.
    Nous nous sommes également organisés pour accueillir les réfugiés. Plus de 100 000 Ukrainiens ont été accueillis et près de 19 000 enfants ont été scolarisés. Cela s’est fait rapidement, efficacement et dignement. Cela a été possible, une fois encore, grâce à la réaction exemplaire de l’Europe. Dès le 3 mars, l’Union s’est accordée pour que les réfugiés ukrainiens bénéficient de la protection temporaire, c’est-à-dire de l’accueil, de l’accès à l’éducation, à la santé, à l’emploi ou encore à l’hébergement. C’était une première. Il s’agit d’un acte décisif, dont bénéficient aujourd’hui en Europe plus de 4 millions d’Ukrainiens.
    Je veux saluer ici toutes celles et tous ceux qui participent à cet élan de solidarité remarquable envers l’Ukraine depuis sept mois. Je pense à nos ONG et à nos entreprises. Je veux également rendre hommage à toutes les collectivités qui se mobilisent, organisent la solidarité et permettent l’accueil et la scolarisation des réfugiés ukrainiens : je les en remercie. Leur engagement est précieux et déterminant. Je pense enfin à tous les Français qui se sont engagés et que nous devons soutenir. C’est pourquoi je vous confirme la mise en place, à partir de fin novembre, d’une aide à destination de nos compatriotes qui accueillent des déplacés ukrainiens chez eux.
    Notre soutien à l’Ukraine est également diplomatique. Elle fait pleinement partie de la famille européenne. Lors du Conseil européen de juin, le statut de pays candidat à l’adhésion lui a été accordé à l’unanimité. Il s’agit d’une décision historique, que nous avons jugée indispensable dans le contexte de profond changement géopolitique qui affecte notre continent. Le chemin de l’adhésion sera long et exigeant. Il n’y aura pas de procédure accélérée ou de critères au rabais : ce ne serait dans l’intérêt de personne, ni de l’Union européenne ni de l’Ukraine. Cette dernière le sait. Mais je veux saluer ici l’action des autorités ukrainiennes, qui ont entamé, malgré la période, la mise en œuvre des recommandations de la Commission.
    Sans préjudice de ce processus d’adhésion, la communauté politique européenne, proposée par le Président de la République, tiendra sa première réunion jeudi prochain à Prague. Elle permettra à ses membres, dont l’Ukraine, de renforcer leur ancrage européen et de bénéficier de coopérations concrètes dans les domaines des infrastructures, de la sécurité, de l’énergie ou bien encore en matière de mobilité.
    Soutenir l’Ukraine, c’est enfin penser sa reconstruction. On évalue les besoins du pays en la matière à près de 350 milliards d’euros. Il s’agit d’un défi colossal et collectif. La France y prendra sa part. À court terme, nous nous sommes engagés à concentrer nos efforts sur la reconstruction de la région de Tchernihiv, dans le nord du pays, suivant en cela le mécanisme de parrainage proposé par le président Zelensky. Les Européens sont engagés. Après la conférence de Lugano cet été, une conférence sur la reconstruction sera organisée le 25 octobre prochain en Allemagne. De son côté, la France organisera dans les prochains mois, à Paris, avec les autorités ukrainiennes, une conférence économique en vue de mobiliser les entreprises françaises.
    Nous soutenons enfin les initiatives de la Commission européenne pour accompagner et organiser le financement de la reconstruction de l’Ukraine.
    Nous le savons tous : les conséquences de cette guerre dépassent largement les frontières de l’Ukraine. Aussi, depuis février, le Gouvernement agit sans relâche pour limiter l’impact du conflit sur notre pays. Le premier enjeu est énergétique. Du fait de la reprise post-covid, et avant même le début de la guerre, les prix de l’énergie avaient considérablement augmenté. Le conflit et l’arrêt quasi total des livraisons de gaz russe vers l’Europe ont entraîné des tensions d’approvisionnement et une nouvelle hausse des prix.
    Je veux ici rappeler les choses fermement. N’inversons pas les rôles : c’est la Russie qui a lancé cette guerre. C’est elle qui nous pousse à agir. C’est elle, encore, qui choisit de faire du gaz un objet de chantage. Ces derniers jours, des explosions ont été constatées sur les gazoducs Nord Stream 1 et 2. Tout indique qu’un acte de sabotage grave et irresponsable a été commis. Je ne tirerai pas de conclusions ici : une enquête internationale indépendante doit être conduite. Avec l’Union européenne, nous répondrons de manière ferme et unie à cette attaque contre des infrastructures énergétiques européennes.
    Quoi qu’il en soit, nous sommes prêts à affronter l’hiver qui s’annonce. Nous avons anticipé la situation : ainsi, nous avons porté nos stocks de gaz au maximum, au niveau national comme au niveau européen ; nous avons augmenté les capacités d’importation de nos terminaux méthaniers, et nous avons diversifié notre approvisionnement. Cet été, le Président de la République a annoncé un plan de sobriété. Si chacun prend sa part, nous traverserons les mois à venir sans risque de coupure. Nous y parviendrons aussi grâce à la solidarité européenne : nous livrerons du gaz à nos partenaires, qui nous livreront de l’électricité en retour.

    Plusieurs députés du groupe RE

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    Très bien !

    Mme Élisabeth Borne, Première ministre

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    Arrêter la solidarité, ce serait prendre le risque de manquer d’électricité.

    Un député du groupe RN

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    Comme d’arrêter Fessenheim !

    M. Nicolas Dupont-Aignan

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    Vous avez fermé Fessenheim !

    Mme Élisabeth Borne, Première ministre

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    Une fois de plus, le simplisme et les propos d’estrade nous mènent dans l’impasse. (Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes RE, LR, Dem et HOR.)
    Protéger les Français, c’est aussi limiter l’impact de l’inflation sur leur pouvoir d’achat. Très tôt, nous avons pris des mesures extrêmement fortes, les plus protectrices d’Europe. Le bouclier tarifaire a bloqué les prix du gaz et limité la hausse des prix de l’électricité – sans cela, les prix auraient explosé, comme en Belgique, en Allemagne ou au Royaume-Uni. Il y a deux semaines, j’ai annoncé le maintien du bouclier tarifaire à compter de début 2023 : alors que les prix auraient dû plus que doubler, leur hausse sera limitée à 15 %. Cela représente une économie moyenne de 175 euros par mois pour les Français qui se chauffent au gaz, et de 160 euros par mois pour ceux qui utilisent l’électricité. Cette mesure est efficace. Elle s’accompagne d’un chèque énergie exceptionnel de 100 ou 200 euros pour les 12 millions de foyers les plus modestes, soit 40 % des foyers français.
    Nous devons aussi protéger toutes les entreprises et les collectivités face à la hausse des prix, notamment de l’électricité. Nous avançons au niveau européen pour traiter le problème à la racine. Lors du Conseil Énergie de vendredi dernier, nous avons progressé vers la mise en œuvre d’un plafond du prix du gaz et vers l’extension à toute l’Europe du mécanisme ibérique, qui a permis de ramener les prix de l’électricité à des niveaux deux à trois fois plus faibles que dans le reste de l’Europe. En parallèle, nous travaillons pour protéger les entreprises et les collectivités face à la flambée des prix de l’énergie. Le Gouvernement présentera prochainement des dispositions en ce sens.

    M. Matthias Tavel

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    Il était temps !

    Mme Élisabeth Borne, Première ministre

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    En complément, nous continuons à renforcer et à simplifier l’aide destinée aux entreprises les plus en difficulté. Notre objectif est de limiter au maximum les baisses d’activité, voire les fermetures d’usines.

    M. Jean-Philippe Tanguy

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    Elles ont déjà commencé !

    Mme Élisabeth Borne, Première ministre

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    Au-delà des réponses d’urgence, cette guerre nous montre la nécessité de conquérir rapidement notre souveraineté énergétique…

    M. Laurent Jacobelli

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    Vous l’avez détruite !

    Mme Élisabeth Borne, Première ministre

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    …et de sortir de notre dépendance aux énergies fossiles. Nous y parviendrons par une stratégie ambitieuse en matière de nucléaire et de renouvelable – nous aurons l’occasion d’en discuter plus longuement lors du débat sur la politique énergétique que j’ai proposé de tenir devant le Parlement.
    Protéger, c’est aussi agir pour les agriculteurs et l’alimentation. L’Ukraine et la Russie sont parmi les principaux producteurs de céréales et d’oléagineux. La guerre a eu pour effet de rompre certaines chaînes de production et d’augmenter les prix des céréales et des engrais. Dès le mois de mars, des mesures ont été prises, avec l’appui de l’Union européenne, pour protéger les agriculteurs et les consommateurs. Une enveloppe d’aides de près de 500 millions d’euros a été débloquée. Des mesures spécifiques ont également été prises, au niveau européen comme au niveau français, en faveur des secteurs les plus touchés, en particulier l’élevage. Par ailleurs, une plus grande part des aides directes de la politique agricole commune (PAC) seront versées en avance aux agriculteurs.
    Nous agissons également, en Français et en Européens, pour faciliter l’acheminement des exportations agricoles ukrainiennes. Avec l’aide de la Commission européenne, nous avons créé des corridors de solidarité, notamment via la Roumanie. Grâce à cette action, 14 millions de tonnes de céréales ukrainiennes ont pu sortir du pays – et, contrairement aux affirmations mensongères de Moscou, parmi les céréales exportées vers l’Europe, 70 % ont ensuite été envoyées vers l’Afrique ou l’Asie. Là encore, ce conflit nous montre l’importance de bâtir une souveraineté alimentaire française et européenne. Nous y œuvrerons notamment grâce aux investissements de France 2030 et à la future loi d’orientation et d’avenir pour l’agriculture. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe RE.)
    Cette guerre, enfin, fait planer une menace grave sur la sécurité alimentaire de nombreux pays en développement. Une crise alimentaire mondiale est possible. Aussi le Président de la République a-t-il été à l’origine de l’initiative internationale Farm – Food and Agricultural Resilience Mission –, qui organise la solidarité vis-à-vis des pays les plus menacés.
    Protéger les Français, c’est aussi tirer tous les enseignements stratégiques de la crise. Ce conflit montre une fois de plus l’importance du multilatéralisme : nous sommes forts quand nous avançons unis, entre Européens, entre alliés, entre nations qui aspirent à la paix et à la sécurité internationale. La guerre a prouvé la nécessité de la souveraineté et de l’autonomie stratégique européennes. L’Union européenne s’est construite autour de l’idée de paix et de la défense de valeurs : l’État de droit, le pluralisme, les droits de l’homme. C’est ce modèle qui est attaqué par Vladimir Poutine ; c’est ce modèle que nous devons défendre ensemble.
    Ces derniers mois, sous la présidence française du Conseil européen, ont été l’occasion d’avancées historiques. La facilité européenne pour la paix a été utilisée pour aider directement un pays attaqué à se défendre – c’est une véritable révolution copernicienne pour l’Europe. Nous avons acté notre volonté de muscler les investissements européens en matière de défense, en adoptant la Boussole stratégique en mars dernier. Toujours en mars, lors du sommet de Versailles, nous nous sommes engagés collectivement à lutter contre nos dépendances stratégiques, à commencer par celle qui concerne l’énergie. Désormais, nous ne sommes plus isolés quand nous parlons de souveraineté européenne : c’est une ambition largement partagée dans l’Union. Ce conflit a marqué le réveil géopolitique de l’Europe. Nous savons désormais qu’il nous faut peser pour faire valoir nos valeurs et notre modèle.
    Enfin, la guerre justifie les choix que nous avons réalisés lors de la précédente loi de programmation militaire. Nous devons maintenir des capacités opérationnelles fortes, afin d’être prêts à agir dans tous les milieux et à faire face au retour de la guerre de haute intensité. C’est l’objet de la revue nationale stratégique demandée par le Président de la République, et sur laquelle s’appuiera la prochaine loi de programmation militaire. Cette revue stratégique sera partagée avec vous mi-octobre, et je souhaite que le Parlement soit associé aux travaux d’élaboration de la loi de programmation militaire.
    Cette guerre dure, mais elle aura un lendemain – et dans ce monde, l’Ukraine sera debout et maîtresse de son territoire. La Russie aussi sera présente. Elle est et reste une puissance majeure. Elle sera toujours notre voisin demain : nous ne pouvons l’ignorer. L’avenir s’écrira autour d’une table de négociation, et non pas sur un champ de bataille.

    M. Stéphane Peu

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    Très bien !

    Mme Élisabeth Borne, Première ministre

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    C’est pourquoi le Président de la République a choisi de maintenir des échanges avec le président russe. Ces négociations devront se tenir, en permettant à l’Ukraine de faire pleinement entendre sa voix. Aussi l’heure est-elle au soutien de la contre-offensive de cette dernière. Nous appuierons l’Ukraine, jusqu’à ce que ses dirigeants estiment le moment des négociations venu.
    La nouvelle session parlementaire s’ouvre par ce débat : cela s’imposait. Avec la guerre en Ukraine, beaucoup de nos certitudes ont été ébranlées, beaucoup d’urgences se sont fait jour, et beaucoup de transitions doivent être accélérées. Cette guerre nous a rappelé que la démocratie était fragile, et qu’il ne fallait jamais cesser de la défendre. Elle nous a prouvé, une fois de plus, que l’unité et la solidarité européennes étaient des armes puissantes pour peser dans les équilibres internationaux et protéger nos concitoyens. (Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes RE, LR, Dem et HOR.) Elle a confirmé qu’il était urgent de reconquérir notre souveraineté énergétique, industrielle et alimentaire. Nous ne faiblirons pas, ni face à l’agresseur russe, ni pour protéger les Français, ni pour préparer l’avenir de notre pays. La guerre en Ukraine va durer, mais nous sommes prêts. La résistance du peuple ukrainien nous oblige ; nous serons au rendez-vous ; nous serons à la hauteur. (Mmes et MM. les députés des groupes RE, Dem et HOR se lèvent et applaudissent. – Plusieurs députés des groupes LR et SOC applaudissent également.)

    Mme la présidente

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    La parole est à M. Jean-Louis Thiériot.

    M. Jean-Louis Thiériot (LR)

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    Évoquer ici notre politique étrangère est toujours un exercice délicat : l’hémicycle est scruté par les chancelleries étrangères. Mais lorsque l’autocrate du Kremlin annexe les territoires d’un pays souverain après des parodies de référendum, et use de la menace nucléaire, comme il le fait depuis le 24 février, en invoquant le précédent d’Hiroshima, notre parole doit être toute de gravité.

    M. Philippe Gosselin

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    Évidemment !

    M. Jean-Louis Thiériot

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    Rappelons d’abord quelques vérités. Il y a un agresseur – la Russie – et un agressé – l’Ukraine. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe LR et sur quelques bancs du groupe RE.) Le narratif russe est une imposture. Le traité « quatre plus deux » ne comportait aucun engagement de ne pas étendre l’Otan – un engagement aussi important, s’il avait existé, aurait évidemment été couché sur le papier. La Russie bafoue les droits humains ; elle bafoue aussi sa signature : dans le mémorandum de Budapest de 1994, elle garantissait les frontières de l’Ukraine. C’est si vrai que même un pays comme la Turquie, qui s’efforçait de respecter un équilibre ambigu, a fermement rejeté les référendums d’annexion.
    Quant à l’adhésion à l’Otan des nations d’Europe centrale et orientale, elle est le choix de peuples libres, que rien ne justifie d’empêcher. L’Otan n’a jamais envahi personne, et les erreurs américaines – je pense à l’Irak – n’ont pas été commises sous la bannière de l’Alliance.

    M. Dino Cinieri

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    Absolument !

    M. Jean-Louis Thiériot

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    Quant aux États-Unis, si leur complexe militaro-industriel et leur industrie pétrolière profiteront évidemment du conflit, cette guerre est une mauvaise nouvelle pour leur grande stratégie de pivot vers l’Asie-Pacifique. Elle est une tragédie pour tous. L’Occident n’est sans doute pas sans défaut, mais il importe de discerner l’essentiel de l’accessoire.
    Rappelons aussi qu’il est, chez nous, une cinquième colonne : à l’extrême gauche, par atavisme stalinien, par antiaméricanisme primaire et par anticapitalisme furieux – alors que l’économie russe a le pire visage, celui du capitalisme de connivence et de prédation (Applaudissements sur quelques bancs du groupe LR. – Exclamations sur les bancs du groupe FI) –…

    M. Antoine Léaument

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    Poutine aussi est un capitaliste, enfin !

    M. Matthias Tavel

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    Avec qui M. Fillon a-t-il fait campagne ?

    M. Jean-Louis Thiériot

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    …et à l’ultradroite, par fascination et culte de l’homme fort, et par défense de prétendues valeurs.
    Le conservatisme a sa grandeur. Les mots de Benjamin Disraeli – « conserver ce qui vaut et réformer ce qu’il faut » – ne sont pas sans noblesse. Mais Vladimir Poutine, l’ami de Kadyrov, ne défend pas les racines chrétiennes et le message d’amour universel des Béatitudes. Tel le Grand Inquisiteur de Dostoïevski, il en est leur caricature grimaçante, qui ne sert qu’à couvrir le pas des bourreaux dans la nuit de Boutcha. (Applaudissements sur les bancs du groupe LR.)

    M. Dino Cinieri

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    Très bien !

    M. Jean-Louis Thiériot

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    Enfin, ne nous y trompons pas, la guerre déclarée à « l’Occident » comme un tout est une guerre contre l’homme occidental, l’homme du libre arbitre et de la délibération démocratique, qui refuse les assignations à résidence, même s’il n’oublie ni les limites de la condition humaine, ni son appartenance au tout organique qu’est la communauté nationale. (Mme Astrid Panosyan-Bouvet applaudit.) Cette guerre est aussi une guerre contre la France. Regardons ce qui se passe au Mali avec le groupe Wagner ou, semble-t-il, au Burkina Faso !
    Alors que faire ? Continuer avec sang-froid, ne pas céder au bluff, b.a.-ba de la grammaire stratégique de la dissuasion. Maintenir et renforcer les sanctions, a fortiori car les difficultés énergétiques qui s’annoncent sont au moins autant la conséquence de la crise en Ukraine que des erreurs de politique énergétique commises depuis 2012.

    M. Dino Cinieri

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    Très bien !

    M. Jean-Louis Thiériot

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    Refuser la facilité de l’égoïsme et du pacifisme bêlant. Avoir à l’esprit les mots de Churchill : « Vous aviez le choix entre la guerre et le déshonneur ; vous avez choisi le déshonneur et vous aurez la guerre ». Rappeler enfin, comme l’a fait Mme la Première ministre, que nous n’avons rien contre le peuple russe. Il a toujours balancé entre le courant occidentaliste et le courant slavophile. Nous sommes hélas dans un moment « Ivan le Terrible », pas dans un moment « Pierre le Grand » ; mais nous nous retrouverons un jour sur la Neva, j’en suis certain.
    Négocions si cela est possible, mais à la date et aux conditions fixées par l’Ukraine, car elle seule paie le prix du sang pour ramener à la raison un perturbateur de l’ordre international. Alors la France, puissance d’équilibre, pourra jouer pleinement son rôle stratégique.
    Concrètement, cela implique d’abord d’armer l’Ukraine, mais sans nous démunir, car nul ne sait de quoi demain sera fait. La décision rapportée par la presse de livrer des canons Caesar prévus pour l’exportation ou des véhicules Arquus est excellente. Qu’on ne vienne pas dire que c’est là prolonger la guerre : heureusement que le Royaume-Uni n’avait pas opposé un tel argument à la France libre ! Ayons à l’esprit les appels déchirants et désespérés des maquisards du Vercors qui demandaient en vain des livraisons d’armes ; ceux d’Izioum et de Lyman sont pour nous les frères de ceux du Vercors. (Applaudissements sur les bancs du groupe LR, ainsi que sur plusieurs bancs des groupes RE, Dem et HOR.)
    Cela implique ensuite de donner des signes de notre résolution. Notre prochaine loi de programmation militaire en sera un. Le groupe Les Républicains veillera – comme le sera, je le sais, M. le ministre des armées – à ce que nos armées soient dotées de tous les moyens nécessaires pour répondre aux tumultes du monde. La référence aux années 1930 est souvent une paresse de l’esprit, mais qui songe à la rhétorique russe du « diktat occidental », aux coups de bluff réussis de Géorgie ou de Crimée, à l’obsédante question des minorités et du redécoupage des frontières, ne saurait échapper aux parallèles vertigineux avec la remilitarisation de la Rhénanie, l’Anschluss et les accords de Munich. Il est peut-être plus tard que nous ne le pensons. Qu’il eût mieux valu se réarmer en 1936 plutôt que d’attendre 1938 ! Le temps du « quoi qu’il en coûte » est terminé en matière d’économie (Exclamations sur les bancs du groupe LFI-NUPES), mais il a hélas commencé en matière de sécurité.

    M. Dino Cinieri

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    C’est vrai !

    M. Jean-Louis Thiériot

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    Cela implique enfin de promouvoir l’unité du monde libre. Aujourd’hui, rien ne peut remplacer l’Otan. Sans l’aide américaine, qui représente 70 % de l’assistance militaire collective à l’Ukraine, les chars russes tremperaient probablement leurs chenilles dans le Boug, aux frontières de la Pologne. Notre présence au sein du commandement intégré de l’Otan est la meilleure assurance que nous puissions apporter à nos amis d’Europe centrale, qui savent, hélas, que sans les États-Unis, leur protection serait bien fragile. Qu’on se garde d’invoquer à tort les mânes du Général de Gaulle,…

    M. Matthias Tavel

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    Ah, tiens !

    M. Jean-Louis Thiériot

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    …car quand il a retiré la France du commandement intégré de l’Otan, il s’agissait de se repositionner dans le concert des nations face à des États-Unis englués dans le bourbier vietnamien. La France consacrait près de 4 % de son PIB à la défense, alors qu’elle n’y consacre aujourd’hui que 2 %. Alors, de grâce, pas d’anachronisme : ne faisons pas parler un mort.

    Un député du groupe LFI-NUPES

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    C’est pourtant ce que vous venez de faire !

    M. Jean-Louis Thiériot

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    Retenons plutôt de lui qu’il n’est aucune politique qui vaille en dehors des réalités, qu’elle est toujours contingente, mais qu’aux heures cruciales, il faut choisir son camp. Il le fit lorsque l’ambassadeur d’URSS le mettait en garde au moment de la crise des missiles de Cuba : « Eh bien, monsieur l’ambassadeur, lui répondit-il, nous allons mourir ensemble ». C’était la meilleure manière d’éviter la guerre, de préserver la paix.
    L’Europe a également un rôle important à jouer dans la sortie de crise. Il faut saluer l’idée d’une communauté politique européenne, dès lors qu’elle permet de rassembler utilement, sans provoquer d’adhésions prématurées, inopportunes et non souhaitées par les peuples de l’Union.

    M. Dino Cinieri

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    Très bien !

    M. Jean-Louis Thiériot

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    Quand les canons se seront tus, il sera temps de travailler à notre autonomie stratégique, car rien ne dit que le tropisme asiatique de notre allié d’outre-Atlantique ne nous laissera pas un jour fort démunis. En attendant, l’unité de l’Occident est notre meilleure garantie. Nous diviser au sujet de l’aide à l’Ukraine ou des sanctions contre la Russie serait fournir sa seule arme à Moscou. En ces heures décisives, notre groupe sera aux avant-postes de la défense de l’Occident, comme il l’a toujours été ; il sera à vos côtés, puisqu’il s’agit de l’intérêt national. (Vifs applaudissements sur les bancs du groupe LR. – Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes RE, Dem et HOR.)

    Mme la présidente

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    La parole est à M. Frédéric Petit.

    M. Frédéric Petit (Dem)

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    Le 24 février dernier, jour de l’invasion, j’avais ici même employé les termes de « guerre culturelle » et d’« anti-Europe ». Je voudrais y revenir pour commencer mon intervention. Je représente les Français d’Europe centrale, aux premières loges de ce conflit, mais je représente aussi le Franco-Allemand, le Franco-Allemand profond, ancien et en plein renouveau, le Franco-Allemand solide, le Franco-Allemand citoyen.
    Il y a bientôt quatre-vingts ans, les ruines étaient encore fumantes. Au sortir de l’horreur, des villes entières avaient encore faim et froid l’hiver. La région de la Sarre était encore française, et devait l’être douze ans de plus, en proie à des tensions communautaires parfois violentes. Le Bade-Wurtemberg n’était pas allemand, mais une zone d’occupation. C’est alors, dans ce contexte de tensions, que ces ennemis héréditaires qu’étaient la France et l’Allemagne, en un contre-pied génial au déterminisme et aux nationalismes étriqués, fondèrent la Communauté européenne du charbon et de l’acier, un modèle unique de réconciliation par le faire-ensemble, sur les terres belligènes de notre chère Europe. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe Dem.)
    Oui, nos territoires sont belligènes et le resteront. Comment en serait-il autrement ? Sur un isthme assez contraint, tant de nations, de peuples, de religions, de systèmes administratifs, de langues, d’alphabets même, tant de systèmes de valeurs, de nostalgies contradictoires, se sont entrecroisés et s’entrecroisent encore. Après tant de migrations, lentes ou rapides, récentes ou anciennes, spontanées ou contraintes, chacun est aussi légitime que son voisin, voire que son colocataire, si différent qu’il soit.
    Deux modèles tentent de répondre à cette question posée depuis des siècles à notre Europe : un modèle impérialiste, rétrograde, souvent violent, qui promeut la domination d’une nation sur les autres, et un modèle coopératif qui prône « l’unité dans la diversité », tourné vers des défis communs et supérieurs. Ce modèle s’appuie sur une gestion humaniste des conflits indispensables à la diversité européenne. Pour lui, l’histoire est un débat scientifique et un outil de rapprochement, l’avenir de la planète est un sujet commun et urgent.
    Les masques sont désormais tombés en ce qui concerne la Russie. L’histoire devient une arme au service de l’état-major de l’agresseur, les soldats ne sont plus des citoyens avertis, la langue devient un oukase. Tant que l’impérialisme moscovite se concentre sur sa propre survie, alimente sa nostalgie, comment pourra-t-il affronter les vrais défis du XXIe siècle – la défense de la planète, la lutte contre les inégalités ? Comment pourra-t-il participer, de près ou de loin, à un effort commun ?
    On nous accuse souvent d’utiliser de grands mots ; on prétend que le terme de « valeurs » ne pèse rien face à l’hiver qui arrive et aux intérêts réels de nos concitoyens. Pourtant, la guerre rend concrète, évidente, tangible, cette confrontation de modèles, cette confrontation de valeurs. Non, nos valeurs ne relèvent pas d’une novlangue destinée à cacher l’anti-France ou encore la guerre sociale.
    Le modèle désormais défendu sans masque par le régime de Moscou, c’est l’assignation à résidence permanente : assignation à résidence dans une langue, dans un récit historique. Les dernières parodies de référendum l’ont prouvé, ces assignés à résidence n’ont même plus besoin d’être chez eux pour que l’empereur leur impose son choix. Nous sommes revenus au temps de Gogol : ce ne sont plus les âmes mortes que l’on fait participer au scrutin, mais les âmes enfuies, les familles réfugiées et déplacées, dont on nous explique qu’elles ont voté.
    Fidèles à notre modèle, nous nous battons au contraire pour l’émancipation, contre l’assignation à résidence. L’Union européenne n’est pas l’arrangement tranquille des heures de paix, elle n’est pas une vieille idée avachie de fin de banquet électoral. Cette guerre nous le rappelle. L’Union européenne, c’est une méthode permanente de règlement humaniste des conflits inhérents, voire nécessaires, aux territoires européens. C’est une idée jeune, parfois incomprise. C’est une organisation qui se trompe et commet parfois des fautes, c’est vrai. Mais c’est une idée vitale, indispensable à la diversité européenne, et qui demande à présent de la vaillance de notre part, face aux agressions qu’elle subit, à l’escalade de la violence et au tourbillon de bas instincts qui la menacent.
    Défendre cette ligne, ce n’est pas être va-t-en-guerre. C’est être lucide sur ce qu’une paix durable exige de vaillance. Ce n’est pas être « va-t-en-guerre », mais être « bats-toi-pour-la-paix ». Quand bien même ce n’est pas notre guerre, c’est notre confrontation.
    Quelles conséquences pour nos concitoyens ? Pour notre rôle de parlementaires français ? Gardons-nous tout d’abord de l’arrogance. Nous avons besoin d’un langage de vérité, et non de certitudes ou de divisions. Ce n’est pas l’arrogance qui permettra la lente construction d’institutions démocratiques fiables, mais l’entraide, la franchise, et toujours le respect.
    Si Poutine est en difficulté sur le plan militaire, il est encore efficace sur le terrain politique. Il met à l’épreuve notre constance à défendre nos valeurs, notre modèle et notre avenir. Alors que l’hiver s’annonce difficile et que des partis politiques, par calcul électoral ou par soumission intellectuelle, voudraient mettre un terme aux sanctions et à l’aide à l’Ukraine, il nous faudra tenir notre cap et nos engagements. Il faut poser clairement la question au Rassemblement national : devons-nous abandonner les sanctions économiques contre un régime qui, par exemple, déporte des milliers d’enfants et de civils ukrainiens pour les russifier ? Cela ne serait conforme ni à nos valeurs, ni même à notre intérêt. (Applaudissements sur quelques bancs des groupes Dem, RE et HOR.)

    M. Sylvain Maillard

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    Eh oui !

    M. Frédéric Petit

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    Nous, députés du groupe Démocrate, avons annoncé très clairement notre position dès le premier jour et n’avons jamais tergiversé : nous sommes favorables au renforcement des sanctions à l’encontre du régime de Moscou. Nous devons, de plus, nous engager dans la reconstruction de l’Ukraine. Cette reconstruction concerne du dur, des bâtiments bombardés souvent sans raison tactique, des maisons, des hôpitaux, des écoles, des routes, des ponts, des infrastructures… Elle consiste aussi à remettre en place des administrations fragilisées depuis longtemps par l’ancienne bureaucratie ou encore la corruption, à recréer des circuits de finances publiques et collectives. Oui, nous devons commencer à reconstruire, participer de façon assumée à cette reconstruction !
    De fait, outre la fourniture de moyens militaires, les Ukrainiens nous demandent de participer à la reconstruction, et plus encore : lors de nombreuses visites et rencontres, mes interlocuteurs ukrainiens m’ont davantage parlé de modernisation que de simple reconstruction. Ils assument la fragilité de leur démocratie récente, les dysfonctionnements, leurs divisions ; ils ne souhaitent pas reconstruire à l’identique, dans un grand bricolage plus ou moins humanitaire, ni maintenir les mêmes processus. Ils veulent que nous les aidions à moderniser et à transformer, à rendre leurs pratiques publiques plus transparentes et plus efficaces. Cela, je l’ai entendu dire par des gouverneurs de région, des responsables d’association, des maires, des directeurs d’école ou d’hôpital.
    Or, nous avons, en France et dans l’Union européenne, des outils qui permettent de lutter contre la corruption et de promouvoir la libre et juste entreprise, de combattre l’endoctrinement des médias et de favoriser une citoyenneté éclairée, de lutter contre l’embrigadement et d’encourager l’émancipation dans les écoles.
    Nous n’allons pas aider des « gentils » contre des « méchants » ; nous allons, sur un territoire de conflits, anciens et récents, développer et construire avec vaillance le seul modèle qui garantira, si nous y parvenons, que la fin de la guerre d’aujourd’hui ne sera pas à l’origine de celles de demain.
    Il y a, au cœur de notre action, un enjeu critique, dramatique : les enfants d’Ukraine sont l’avenir de ce pays. Nous devons donc aider le système scolaire à rester en vie, maintenir le lien des enfants ukrainiens réfugiés avec leur pays, puis les y ramener dès que possible, contribuer à les éduquer et multiplier les échanges scolaires, comme nous l’avons fait entre Français et Allemands. Nous devrons par ailleurs faire notre possible pour que reviennent de captivité ceux que le régime russe a kidnappés et déportés – il n’y a pas d’autres mots.
    Il s’agit, non pas du geste d’un grand frère en faveur d’un petit frère, de nations dominantes en faveur de prétendus esclaves ou colonisés, mais de la lente construction d’une coopération dans laquelle l’Ukraine apportera à la communauté ses forces, celles que l’on connaît – son agriculture – mais aussi celles auxquelles on pense moins, comme la décarbonation de l’énergie ou la numérisation de l’état civil, qui est une réussite dans ce pays.
    C’est notre manière de faire, notre modèle de coopération, la boussole européenne dans le fracas du monde : planifier, structurer et faire ensemble dès aujourd’hui pour vivre, demain, une paix durable et souveraine.
    Les Ukrainiennes et les Ukrainiens se battent pour leur liberté, et pour la nôtre. Nous devons les soutenir ; nous devons, avec vaillance et courage, prendre la main sur la reconstruction, pour notre souveraineté et la leur. (Applaudissements sur les bancs des groupes Dem, RE et LIOT.)

    M. Dino Cinieri

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    Très bien !

    Mme la présidente

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    La parole est à M. Boris Vallaud.

    M. Boris Vallaud (SOC)

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    Les démocraties gagnent les guerres.
    Dans cet hémicycle, ont résonné, il y a plus d’un siècle, de nombreux débats ; les commissions de la Chambre questionnaient le Gouvernement – et parfois le rudoyaient –, y compris sur la conduite des opérations militaires. Il est toujours nécessaire de délibérer, particulièrement dans ces circonstances.
    C’est pourquoi nous remercions Mme la présidente d’avoir engagé une coopération entre notre assemblée et l’assemblée ukrainienne et Mme la Première ministre d’avoir répondu par ce débat à notre interpellation du 12 juillet dernier.
    La guerre qui gronde à l’est de l’Europe n’est pas un simple conflit territorial. Cette guerre est celle d’un régime politique autoritaire et brutal qui, depuis des années, asservit son peuple pour mieux organiser l’asservissement de ses voisins, proches et moins proches. Cette guerre est celle d’un autocrate, Vladimir Poutine.
    Rappelons-nous l’occupation de la Crimée, l’infiltration au Donbass ; près de 16 000 morts Ukrainiens, déjà.
    La guerre qui gronde à l’est est une guerre contre la liberté, contre le droit, contre la démocratie, contre l’universalisme de ses valeurs. (M. Arthur Delaporte et M. Guillaume Garot applaudissent.)

    Mme Valérie Rabault

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    Très juste !

    M. Boris Vallaud

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    Une guerre en Europe et contre l’Europe, laquelle est parfois capable, lorsqu’elle est unie, de montrer le meilleur d’elle-même. Cette guerre sourd depuis longtemps déjà, de cyberguerres en ingérences électorales, d’éliminations ciblées en guerre idéologique via des chaînes de désinformation. Il faut être avec les dictateurs sans naïveté et sans complaisance et les tenir pour ce qu’ils sont : des ennemis de la démocratie. (Applaudissements sur les bancs du groupe SOC.)
    Depuis le 24 février, l’Ukraine est en armes pour faire face, avec un courage qui force l’admiration,…

    Mme Valérie Rabault

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    Absolument !

    M. Boris Vallaud

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    …aux forces militaires et paramilitaires russes, bras armé d’une idéologie qui nie son existence et d’un pouvoir qui ne connaît que la force et le cynisme. En défendant sa vie, le peuple ukrainien défend le droit. En l’aidant, nous donnons de la force au droit et nous nous défendons nous-mêmes, alors que pointe la stratégie de la « mer brûlée » après celle, bien connue, de la terre brûlée.
    Le droit exige le rapatriement des centaines de milliers d’Ukrainiens déportés en Russie, dont plusieurs milliers d’enfants exposés à des adoptions forcées.
    Le droit oblige à regarder en face les charniers, les salles de torture, les exécutions sommaires et les viols que subissent les populations des zones occupées et à mettre des mots sur ces faits en œuvrant à l’éprouvante documentation des crimes de guerre et des crimes contre l’humanité. Le droit commande que les bourreaux soient traduits devant les tribunaux.
    Le droit ne connaît, j’y insiste, que les frontières internationalement reconnues de l’Ukraine, celles de 1991, et en aucun cas celles qui résulteraient des « référendums Potemkine » qui viennent de se dérouler. La moindre ambiguïté sur ce point laisserait planer l’ombre de l’abandon de millions de personnes dans ces zones de non-droit aux mains de leurs bourreaux. Le Donbass, c’est l’Ukraine ! La Crimée, c’est l’Ukraine ! (Applaudissements sur les bancs du groupe SOC.)
    Le droit, c’est l’interdiction de collaborer de quelque manière que ce soit avec le régime criminel russe et de soutenir, même indirectement, son effort de guerre.
    C’est la raison pour laquelle les députés socialistes déposeront un amendement au projet de loi de finances (PLF) pour que soient saisis et versés à l’Ukraine les dividendes et autres gains que les entreprises auraient perçus en demeurant sur le sol russe.

    Mme Delphine Batho

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    Très bien !

    M. Boris Vallaud

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    C’est la raison pour laquelle Eutelsat doit cesser de diffuser les chaînes russes en dehors d’Europe.
    C’est la raison pour laquelle TotalEnergies, qui a continué d’exploiter des hydrocarbures au risque de fournir, même indirectement, des moyens à l’aviation russe qui bombarda Marioupol, doit quitter la Russie (Applaudissements sur les bancs des groupes SOC et Écolo-NUPES) et ne saurait recevoir sans états d’âme les quelque 440 millions d’euros de dividendes qui doivent lui être versés, pour le premier semestre 2022, au titre de sa participation dans Novatek. (« Très bien ! » sur plusieurs bancs du groupe SOC.)
    Le droit, c’est la légitime défense du peuple ukrainien. Les démocraties ont le devoir de s’engager à ses côtés en lui livrant des armes. La France l’a fait et doit continuer de le faire plus encore. Nous appelons tous les députés républicains à rester unis pour convaincre nos compatriotes de la nécessité des efforts déjà consentis et de ceux qui sont à venir.
    Le débat était nécessaire ; il convient de le prolonger et d’offrir à notre assemblée la possibilité de s’unir dans une résolution de soutien à l’Ukraine la plus nette et la plus large possible. Tel est l’objet de la proposition de résolution que les députés socialistes déposent aujourd’hui. À chaque fois qu’il s’agira de la liberté et du droit, le Gouvernement nous trouvera à ses côtés.
    Oui, les démocraties doivent gagner cette guerre par le rétablissement du droit et de la souveraineté ukrainienne. Ce n’est qu’à cette condition qu’il y aura un jour nouveau pour le peuple ukrainien, pour les peuples d’Europe et pour le peuple russe. (Applaudissements sur les bancs des groupes SOC et Écolo-NUPES et sur plusieurs bancs des groupes RE, LFI-NUPES, Dem, HOR et LIOT.)

    Mme la présidente

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    La parole est à M. Laurent Marcangeli.

    M. Laurent Marcangeli (HOR)

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    Avec la déclaration de guerre de la Fédération de Russie à l’Ukraine et la violation du territoire de celle-ci par l’armée russe le 24 février, l’impensable est revenu en Europe. Par cet acte, la Russie a enfreint toutes les règles du droit international et bafoué les valeurs de paix et de liberté sur lesquelles le continent européen a construit son équilibre depuis plusieurs décennies.
    Depuis ce 24 février, le peuple ukrainien se bat sans relâche pour préserver son indépendance et sa démocratie. Les forces ukrainiennes ont ardemment résisté, privant les autorités russes d’une victoire rapide. Le courage des Ukrainiens force le respect. L’objectif de la prise de Kiev a été abandonné et l’armée russe a été contrainte de se regrouper à l’est et au sud du pays. La récente contre-offensive ukrainienne dans les régions de Kharkiv et de Kherson a permis de reprendre une part importante du territoire.
    Mais si le peuple ukrainien peut espérer et entrevoir un avenir de paix préservant sa démocratie et son indépendance, c’est aussi grâce à l’action résolue du Président de la République, de la France et des Européens.
    Oui, dès le début du conflit, nous avons fait preuve de fermeté et réaffirmé nos valeurs.
    Agissant avec fermeté, nous avons montré, face aux mensonges du pouvoir russe et à ses menaces contre la sécurité internationale, que nos institutions sont fortes et peuvent réagir rapidement. Par une résolution de l’Assemblée générale des Nations unies, une large majorité des pays du monde a ainsi condamné l’invasion de l’Ukraine par la Russie. Dès le début du conflit, l’Ukraine a pu bénéficier d’une aide financière, militaire et humanitaire.
    Nous avons également réaffirmé nos valeurs, qui ont d’ailleurs été rappelées à la communauté internationale par le Président de la République lui-même lors de son allocution aux Nations unies le 20 septembre dernier. Un ordre international fondé sur la défense des droits humains, le respect de la souveraineté de chacun et une coopération renforcée : tels sont les principes fondateurs du système multilatéral, seul garant de la paix.
    Le Président de la République a également réaffirmé, lors de cette intervention, le choix diplomatique, partagé avec nos partenaires européens, de mettre fin à la guerre sans devenir belligérant.
    Il s’agit de mettre fin à la guerre, pour le peuple ukrainien.
    Nous devons en effet à celui-ci de mettre fin à la guerre et à une crise humanitaire aux conséquences dramatiques. De nombreuses infrastructures ont été touchées et les bombardements des zones de conflit font constamment de nouvelles victimes. Déjà plus de 5 000 civils, femmes, hommes et enfants, ont été tués, arrachés à leur famille et à leurs proches.
    Les exactions sont nombreuses. Les images du massacre de Boutcha, le bombardement d’une maternité à Marioupol et la découverte de fosses communes aux abords d’Izioum rappellent les heures les plus sombres de notre histoire. Toute la lumière devra être faite sur ces crimes, en particulier dans le cadre de l’enquête ouverte par la Cour pénale internationale.
    Mettre fin à la guerre, c’est aussi un gage de stabilité pour notre continent.
    À cet égard, le discours prononcé vendredi par Vladimir Poutine, son ton messianique et violemment antioccidental nous démontrent qu’il ne reculera, hélas, devant rien.
    Mais nous ne devons pas pour autant être des belligérants. Le peuple russe ne nous le pardonnerait pas. Nous ne pouvons entrer en guerre contre un peuple victime d’un régime autoritaire, qui l’isole du reste du monde et le mobilise de force dans un conflit d’un autre temps. Il est primordial de poursuivre le dialogue avec la Russie, comme tente de le faire la France. Il s’agit là d’une condition essentielle pour rétablir durablement la paix sur le continent européen.
    Ma conviction est que le refus de la belligérance ne nous condamne nullement à l’impuissance.
    Avec ses partenaires européens, la France a imposé à la Russie de multiples sanctions, qui sont efficaces. Elles ont en effet privé le régime de ressources majeures pour financer et approvisionner son effort de guerre. Les importations de la Russie ont chuté, des composantes essentielles de son industrie d’armement sont manquantes et son matériel militaire, devenu défectueux, est souvent à l’abandon au bord des routes, sur le front.
    J’entends dire, ici et là, que ces sanctions seraient plus dures à supporter pour les Français que pour les Russes. Il s’agit d’un mensonge malheureusement répandu au moyen de campagnes de désinformation successives. Non seulement ces sanctions fonctionnent à l’endroit du régime russe, mais leur effet sur l’économie française reste marginal. D’une part, parce que la crise alimentaire et économique que nous subissons n’est pas due au seul fait de la guerre en Ukraine et de ses conséquences, d’autre part, parce que les promesses du Président de la République pour protéger le pouvoir d’achat des Français ont été tenues.
    Au-delà de leurs mensonges, les autorités russes et leurs relais médiatiques entretiennent un climat de terreur par des chantages abjects portant sur notre souveraineté et notre sécurité collective.
    Chantage énergétique, d’abord, en jouant avec la dépendance des pays européens au gaz russe.
    Chantage alimentaire, ensuite : les blocus en mer Noire ont durablement affecté les marchés céréaliers mondiaux, aggravant la crise alimentaire en Afrique, où la France est directement engagée dans des opérations de stabilisation et de développement.
    Chantage nucléaire, enfin, d’un régime acculé qui n’a d’autre solution que de rappeler au monde sa capacité destructrice ultime.
    Nous aurons toujours à cœur d’écouter, de comprendre et de répondre aux préoccupations des Français. Mais, face au chantage des autorités russes, nous ne céderons pas. Ni au chantage énergétique ni au chantage alimentaire, et encore moins au chantage nucléaire.
    Pour autant, et je le répète, notre combat n’est pas et ne doit jamais être dirigé contre le peuple russe. (M. Vincent Thiébaut applaudit.)
    C’est avant tout un combat pour protéger les valeurs démocratiques jusqu’aux portes de l’Europe, pour garantir notre indépendance énergétique et alimentaire, pour défendre notre sécurité et pour construire notre autonomie stratégique.
    Trop souvent, nos valeurs démocratiques, notre attachement aux libertés publiques et aux droits de l’homme sont mis en danger par ceux qui veulent les faire passer pour des marques de faiblesse. À ceux-là, nous disons que les démocraties sont fortes et capables de surmonter les crises.
    Il nous faut donc encore faire preuve de fermeté. Rester ferme en affirmant nos valeurs, c’est savoir dire non aux alliances de circonstance avec les démagogues de tout bord. Au sein de l’Union européenne, où le populisme gagne chaque jour du terrain, restons inflexibles et déterminés. Alors que beaucoup pensent trouver leur salut en se tournant vers les extrêmes, souvenons-nous de la place que l’histoire accorde aux dirigeants qui oppriment leurs peuples.
    La fermeté doit s’accompagner de lucidité et s’exercer sans arrogance. La démocratie ne se décrète ni ne s’impose. Elle reste hélas un régime exceptionnel, comme en témoigne le refus de certains pays qui rassemblent la majorité de la population mondiale de condamner clairement l’agression de l’Ukraine.
    L’engagement sans faille des Ukrainiens pour leur démocratie est un espoir et une source d’inspiration pour tous les peuples ; mais la situation actuelle montre aussi que le monde plus ouvert et plus libre auquel nous croyons n’a rien d’évident.
    Madame la Première ministre, si nous sommes parfois saisis de vertige, la voie tracée par la France est la bonne et la seule voie possible. Vous pouvez compter sur le groupe Horizons et apparentés que j’ai l’honneur de présider, comme sur l’ensemble des députés et élus attachés à la démocratie et à la liberté, en particulier à celle de nos enfants. Nous savons désormais que la liberté n’est pas acquise, qu’elle est plus que jamais un combat de chaque instant. Ce qui se joue donc en Ukraine est essentiel. Nous ne voulons pas la guerre avec la Russie, mais nous ne pouvons pas la laisser gagner la guerre en Ukraine. L’Ukraine, c’est la France ; c’est la démocratie ; c’est la liberté. (Applaudissements sur les bancs des groupes HOR, RE, Dem et LIOT.)

    Mme la présidente

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    La parole est à M. Aurélien Taché.

    M. Aurélien Taché (Écolo-NUPES)

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    Je souhaite débuter mon intervention en rendant hommage au peuple ukrainien, qui fait preuve d’un courage sans faille face à l’invasion russe qui a débuté le 24 février dernier. Je salue la délégation présente dans cet hémicycle pour assister aux débats de notre assemblée.
    Le 21 septembre, le ministre russe de la défense a affirmé qu’il ne combattait « pas tant l’Ukraine que l’Occident ». Ce message très direct envoyé aux Occidentaux ainsi que la nouvelle loi sur la mobilisation partielle décidée par Vladimir Poutine doivent nous conduire à ne plus tergiverser au sujet de l’attitude à adopter à l’égard du régime russe et des sanctions que nous prenons contre lui. Elle doit aussi nous conduire à questionner profondément notre incapacité à trouver des alliés au Sud, laissant de ce fait la possibilité au maître du Kremlin de se présenter comme l’hypothétique chef d’un axe non aligné soudainement ressuscité, en s’appuyant notamment sur les échecs et les manquements de la France en Afrique.
    A-t-on déjà oublié que, depuis l’arrivée au pouvoir de Vladimir Poutine, la Russie n’a cessé de s’éloigner des idéaux démocratiques et de l’inaliénable droit des peuples à disposer d’eux-mêmes ? Peut-être y avons-nous une part de responsabilité. La Russie s’affirme désormais comme une autocratie impérialiste, fondant son pouvoir sur l’expansion militaire à l’extérieur et sur un nationalisme autoritaire écrasant les opposants et les minorités à l’intérieur. L’invasion de l’Ukraine en est le dernier et terrible avatar.
    Poutine réalise ainsi les rêves les plus fous de l’extrême droite russe, notamment ceux de l’idéologue Alexandre Douguine, partisan d’une Eurasie qui écraserait l’Orient comme l’Occident. Poutine ne s’arrêtera plus.
    Sans nul doute, l’appui militaire apporté aux forces ukrainiennes a fonctionné. Il convient donc de poursuivre et de renforcer cet effort : madame la Première ministre, monsieur le ministre des armées, les canons Caesar attendus par les Ukrainiens ainsi que de nouvelles défenses antiaériennes à même de protéger les populations civiles des bombardements doivent être livrés sans plus attendre.
    Nous devons également adopter une position beaucoup plus claire quant à la présence des entreprises françaises restant en Russie. Notre économie ne doit pas devenir une partie de l’arsenal du criminel de guerre Vladimir Poutine.
    Au début de ce conflit, la France était le deuxième investisseur étranger en Russie et les entreprises françaises présentes sur ces territoires se sont retrouvées confrontées à un dilemme : privilégier le business ou l’éthique ; les profits ou l’humanisme ; l’argent ou les principes.
    Dès le début du mois de mars, Emmanuel Macron a choisi de « laisser les entreprises décider pour elles-mêmes ». Une analyse récente de la Kyiv School of Economics révèle que les entreprises françaises emploient 123 642 personnes en Russie. Si le libre choix laissé aux entreprises par le Président de la République au début du conflit soulevait déjà des interrogations, cette position est désormais intenable. L’appel à la mobilisation partielle du 21 septembre nous oblige à ouvrir les yeux sur le rôle que pourraient désormais jouer ces salariés – plus de 123 000 – dans le conflit.
    En effet, la loi russe oblige toutes les organisations, y compris les entreprises internationales, à procéder à l’enregistrement militaire du personnel, si au moins un des employés est susceptible d’effectuer son service militaire. Elles doivent également aider à remettre les convocations de l’armée à leurs employés, assurer la livraison d’équipements aux points de rassemblement ou aux unités militaires, et fournir des moyens ainsi que des renseignements.
    Madame la Première ministre, cette nouvelle donne doit nous conduire à prendre une position claire sur ce sujet. La semaine dernière, le collectif StandWithUkraine a lancé une campagne accusant les sociétés étrangères en Russie de « participer à la mobilisation criminelle du Kremlin en aidant à la conscription de soldats et à l’équipement de l’armée » ; nous ne pouvons y rester insensibles. La France doit désormais être exemplaire dans ce domaine.
    Fin août, le président du Medef, Geoffroy Roux de Bézieux, prenait la défense des entreprises françaises qui ont choisi de maintenir des activités en Russie, affirmant que « ce ne sont pas les sanctions qui feront changer le régime ». Une étude de l’Université de Yale parue au début du mois d’août dément pourtant ces allégations, ainsi que celles de tous ceux – notamment à l’extrême droite de cet hémicycle – qui affirment que les sanctions économiques infligées à Vladimir Poutine auraient en fait contribué à la prospérité de l’économie russe. (M. Jean-Louis Bourlanges, président de la commission des affaires étrangères, applaudit.)
    Pour nos entreprises, la situation a donc radicalement changé : il est manifestement possible que certains de leurs salariés partent faire la guerre pour leur pays et que nous soyons mis dans une position où nous participerions à l’effort de guerre russe à travers la collaboration que la loi de mobilisation partielle impose à toutes les entreprises internationales.
    Le journal Le Monde a révélé le 30 septembre qu’« une enseigne française du sud de la Russie a […] récemment vu partir [au front] 150 de ses employés ». Si on en croit cet article, aucune entreprise hexagonale n’a en revanche été sommée de fournir matériel ou assistance à l’armée. Mais cette possibilité est bien prévue par la loi russe. Madame la Première ministre, qu’en sera-t-il demain ?
    Vous savez, de plus, qu’il est très difficile d’obtenir des informations en provenance de la Russie, tant ce régime impose une forme de terreur qui pourrait toucher nos entreprises présentes sur son sol – peut-être est-ce déjà le cas.
    Nos entreprises doivent également établir quelle attitude adopter envers leurs employés binationaux. Ils seraient 200 à être inscrits sur les listes consulaires. Si la loi interdit d’envoyer au service militaire des hommes naturalisés de plus de 27 ans, aucune restriction semblable n’existe quant à la mobilisation. Avons-nous envie de retrouver dans les rangs russes des soldats possédant la nationalité française ? Que se passerait-il si les Russes venaient à considérer que les binationaux travaillant dans des entreprises françaises sont avant tout de la chair à canon mobilisable pour leur entreprise de destruction ?
    Madame le Première ministre, cette nouvelle situation doit vous amener à réagir. Il faut d’urgence faire un état des lieux précis des entreprises exerçant toujours une activité sur le sol russe et connaître leur niveau de participation, volontaire ou non, à la mobilisation décrétée par Vladimir Poutine. (Applaudissements sur les bancs du groupe Écolo-NUPES.)

    Mme la présidente

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    La parole est à M. Jean-Paul Lecoq.

    M. Jean-Paul Lecoq (GDR-NUPES)

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    Quelle prise avons-nous actuellement sur le conflit en Ukraine si ce n’est au travers de notre responsabilité de membre permanent du Conseil de sécurité des Nations unies ? Cette responsabilité nous oblige, face à la résurgence de l’impérialisme russe et face à cette guerre de conquête, guerre réactionnaire par essence.
    Notre responsabilité collective nous oblige à lutter contre cette fuite en avant de Poutine. Ensemble, nous devons arrêter ce torrent de violations du droit international, de crimes de guerre, voire de crimes contre l’humanité. Référendums dans les régions occupées et annexion de quatre régions ukrainiennes, menace d’une nucléarisation de la guerre, mobilisation partielle : l’escalade se confirme jour après jour et elle s’accompagne du sentiment que la diplomatie internationale est impuissante. En effet, le désordre des relations internationales met en cause notre capacité d’action ainsi que la crédibilité des États dits occidentaux et des alliés de l’Otan – organisation sortie elle aussi d’un autre âge – au sein de la communauté internationale.
    Comment entraîner une vague de solidarité et de condamnations contre la Russie lorsque les États-Unis, la France et d’autres ont mis à feu et à sang le Moyen-Orient et l’Afrique pendant trente ans, en prenant tant de libertés avec le droit international ?
    La Libye, la Palestine, l’Afghanistan, l’Irak, le Sahel, mais aussi le Fonds monétaire international et la Banque mondiale : les peuples n’oublient pas les attaques, les reniements, et les trahisons.
    La géométrie variable des engagements des pays riches est le poison qui a détruit la confiance des peuples dans les Nations unies et dans le droit international. C’est la raison pour laquelle on ne peut s’étonner de la tiédeur du soutien international, notamment des pays les plus fragiles, aux résolutions proposées par les États-Unis et leurs alliés sur l’Ukraine.
    Les pays du Sud n’acceptent plus de s’aligner systématiquement sur ceux qui les observent du haut des remparts de la Bastille. Le président français ne semble pas l’avoir compris, lui qui a préféré accuser à la tribune des Nations unies, le 20 septembre, des partenaires indispensables à la recherche de la paix, en affirmant que « ceux qui se taisent aujourd’hui servent malgré eux ou secrètement avec une certaine complicité la cause d’un nouvel impérialisme, d’un cynisme contemporain qui désagrège notre ordre international sans lequel la paix n’est possible. »
    Ces discours accusateurs font que les mots ont perdu leur sens. Pour beaucoup, « démocratie », « aide humanitaire » ou « droits de l’homme » invoqués par le camp occidental ne veulent plus rien dire. Ces termes ont trop souvent été synonymes d’interventions militaires et financières.
    Mais ne nous y trompons pas. Vladimir Poutine a compris cette faiblesse et tente de créer un contrepoids en construisant une hégémonie qui repose sur un nationalisme exacerbé et sur la force brute. Son ordre mondial est fondé sur des valeurs de haine de la démocratie, de mépris des peuples et de violation des libertés élémentaires comme le droit du travail, la liberté d’expression, la liberté de manifestation et celle de la presse.
    Ces deux camps sont détestés par tous les États qui observent ce triste spectacle pendant que chez eux les famines se multiplient, la montée des eaux menace et les guerres nourries par l’appétit du capital font rage en silence. En effet, n’oublions pas les autres guerres actuelles, au Sahel, en Arménie, au Congo-Kinshasa, au Sahara occidental, en Éthiopie – et j’en passe ! Les autorités et les médias les ignorent, car elles ne perturbent pas la vie quotidienne des Européens, en particulier celle des Français. A-t-on déjà tenu d’autres débats dans cet hémicycle à propos de guerres sans que nous soyons directement belligérants – quoique ?
    Cette guerre nous conduit à interroger la mondialisation, la souveraineté de l’Europe et de la France à travers l’énergie, l’alimentation et l’industrie. Le choc qu’elle crée dans notre société est terrible. Il sera particulièrement violent pour les plus précaires si nous n’agissons pas, ce que nous pouvons faire grâce au levier des politiques publiques. Le groupe Gauche démocrate et républicaine-NUPES et la NUPES dans son ensemble proposeront des amendements visant à améliorer le projet de loi de finances en ce sens.
    Toutefois, si nous n’obtenons pas la paix en Ukraine, rien ne sera possible. Pour l’obtenir, que peut faire un pays membre permanent du Conseil de sécurité des Nations unies comme l’est la France ? Il faut prouver la volonté de notre État de soutenir le camp de la paix coûte que coûte. Voilà l’urgence.
    Pour cela, madame la Première ministre, changez radicalement de diplomatie. Les députés du groupe de la Gauche démocrate et républicaine ne cessent de le dire.
    Pour rallier les États membres des Nations unies contre la guerre en Russie, il faut retrouver l’humilité. Nous ne devons plus être ce pays qui vend des armes aux tortionnaires et aux belligérants pour des milliards d’euros par an ; ce pays, disposant de l’arme nucléaire, qui refuse, comme les autres, de la démanteler définitivement ; ce pays qui donne des leçons à tous alors qu’il n’est pas capable de respecter le droit international sur son sol. Pensons à l’île de Mayotte que la France a arrachée des Comores pour son propre intérêt en violation de la Charte des Nations unies.

    M. Sébastien Lecornu, ministre des armées

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    Il y a eu des référendums.

    M. Jean-Paul Lecoq

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    La France doit encore accomplir un très grand travail pour changer, pour abandonner la course aux intérêts économiques en prenant le chemin de l’universalité du droit, le seul chemin qui nous permette de retrouver une crédibilité et une légitimité au sein du Conseil de sécurité des Nations unies et de gagner la paix. Il nous faut devenir ce pays qui se tient aux côtés de tous les peuples qui souffrent et qui combattent pour l’application de leur droit légitime à leur souveraineté territoriale.
    Le peuple ukrainien lutte par les armes pour sa liberté et pour préserver la souveraineté. Cette lutte est autorisée par l’article 51 de la Charte des Nations unies qui affirme : « Aucune disposition de la présente Charte ne porte atteinte au droit naturel de légitime défense, individuelle ou collective, dans le cas où un membre des Nations unies est l’objet d’une agression armée, jusqu’à ce que le Conseil de sécurité ait pris les mesures nécessaires pour maintenir la paix et la sécurité internationales. »
    Pour trouver la paix, le courage n’est donc pas militaire : il doit être diplomatique. L’important est de poser les jalons d’un dialogue, comme pour l’initiative céréalière de la mer Noire. En effet, grâce aux Nations unies, depuis le 1er août, un couloir a été aménagé dans la mer Noire, après des négociations entre les belligérants. Plus d’une centaine de navires battant pavillon onusien, qui transportent des millions de tonnes de blé ukrainien, sont escortés par la marine russe pour être déchargés notamment en Afrique de l’Est, où la famine menace des dizaines de millions de personnes. Cet exemple d’optimisme réaliste a été cité lors du discours d’ouverture de l’Assemblée générale des Nations unies par son secrétaire général, qui voulait ainsi démontrer que, si les diplomaties discutent, des solutions existent, même contre vents et marées.
    Depuis 2014 et l’annexion de la Crimée ukrainienne par la Russie, le Parti communiste français appelle à une conférence européenne pour la paix et la sécurité, sous l’égide des Nations unies. Cette étape serait essentielle pour repenser et apaiser les relations internationales à l’est de l’Union européenne, et pour prendre en compte les aspirations des peuples, tant ukrainien que polonais, biélorusse ou russe.
    L’Ukraine devra retrouver son territoire souverain et inviolé, tandis que les responsables russes, au premier rang desquels Vladimir Poutine, devront payer pour leurs crimes. Aucun peuple ne devra payer l’addition de la victoire ou de la défaite : seuls les profits de guerre, où qu’ils soient, devront être réquisitionnés pour financer la reconstruction.
    Cette paix juste respectera la résistance héroïque du peuple ukrainien, qui meurt et souffre au quotidien. Cette paix respectera le peuple russe, lui permettant d’en finir avec la conscription et la terrible répression du Kremlin.
    Le groupe de la Gauche démocrate et républicaine exprime toute sa solidarité avec les femmes et les hommes qui, de part et d’autre de la frontière ukrainienne, luttent, au péril de leur vie, pour mettre fin à cette situation : par leur bravoure, ils tiennent tête au Kremlin. En Ukraine comme en Russie, de nombreux militants de la paix risquent leur vie pour témoigner de ce qu’ils vivent : ce sont eux qui permettront une réconciliation entre les peuples, anéantissant le risque d’un éternel recommencement – les Français et les Allemands peuvent en témoigner.
    Comme le dit le responsable du mouvement pacifiste ukrainien, que vous avez peut-être rencontré à l’occasion de vos voyages, madame la Première ministre : « Mettre fin à la guerre passe par la réconciliation, mettre en avant des valeurs de paix et de justice. Un mouvement mondial pour la paix pourrait changer cela en préconisant un cessez-le-feu, des pourparlers entre l’Est et l’Ouest, ainsi qu’entre la Russie et l’Ukraine. Le discours de paix est souillé aujourd’hui, les militants antiguerre et les objecteurs de conscience au service militaire sont persécutés, mais aucun appétit pour la gloire et les profits tirés de l’effusion de sang ne changera le fait que la paix, et non la guerre, est une norme de la vie humaine. » Il eut été bon de donner la parole aux pacifistes ukrainiens. (Applaudissements sur les bancs des groupes GDR-NUPES et LFI-NUPES ainsi que sur plusieurs bancs des groupes SOC et Écolo-NUPES. – Mme Stella Dupont applaudit également.)

    Mme la présidente

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    La parole est à M. Bertrand Pancher.

    M. Bertrand Pancher (LIOT)

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    Alors que nous débattons de la guerre en Ukraine, je voulais tout d’abord adresser au nom de mon groupe mais aussi, je le sais, plus largement, notre soutien aux femmes iraniennes et aux hommes engagés à leurs côtés pour lutter contre une effroyable dictature islamiste en Iran. (À la suite de Mme Delphine Batho, Mmes et MM. les députés se lèvent et applaudissent longuement.)
    La France ne pourra rester forte que si elle continue à incarner son humanisme et à défendre, partout dans le monde, les droits de l’homme…

    Mme Delphine Batho

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    Et les droits de la femme !

    M. Bertrand Pancher

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    …et les libertés lorsqu’ils sont menacés, comme en Ukraine, aux portes de l’Europe.
    Depuis 222 jours, le peuple ukrainien résiste héroïquement à l’agression inique de la Russie de Poutine. Beaucoup, nourris à plein par la propagande russe renvoyant une image de superpuissance de son armée et de ses dirigeants, estimaient pourtant que le pays tomberait en trois jours : il n’en a rien été.
    La résistance ukrainienne a évidemment un coût. Un coût humain, tout d’abord – et en Ukraine, où la Russie s’adonne tous les jours à des massacres de civils et des crimes, il est effroyable. Les dirigeants russes devront rendre des comptes. Un coût économique et social également : une bonne partie des infrastructures ukrainiennes ont été totalement détruites, entraînant une chute drastique des productions et des millions de réfugiés internes et externes.
    Pour faire face à cette crise, que nous demandent les Ukrainiens ? Outre des armes lourdes pour pouvoir se défendre, de l’aide humanitaire et de l’accueil des exilés sur notre sol dans les meilleures conditions possible, ils nous demandent, eu égard à leur sacrifice, des programmes d’aide à long terme pour la reconstruction, l’emploi, le logement, la santé. C’est bien la moindre des choses. Pour éviter de laisser une dette insurmontable à un pays victime d’une agression barbare, ils ont besoin de dons, plutôt que de prêts.
    L’armée russe est désormais sur le reculoir, enchaînant les défaites, et Poutine multiplie provocations et menaces. Si la guerre a des répercussions économiques jusqu’en France et dans le monde, cela ne doit pas nous détourner de nos engagements, encore moins maintenant. La propagande russe a voulu instiller le poison de la division, en France et en Europe, en inversant la responsabilité du déclenchement de la guerre et de ses conséquences, pour la faire porter à l’Otan et aux gouvernements européens.
    Aux Français qui se posent encore des questions – légitimes –, rappelons que le coupable du déclenchement de la guerre, et donc de ses répercussions, c’est la Russie de Poutine, et elle seule ! L’Ukraine ne défend pas seulement son territoire, mais aussi le modèle démocratique occidental que Poutine annonce désormais vouloir détruire : le combat des Ukrainiens, c’est aussi notre combat.
    Raison de plus pour faire notre autocritique sur un certain aveuglement qui a touché un large spectre de la classe politique française. Car oui, il y a bien eu l’aveuglement d’une certaine extrême gauche, qui, par un réflexe antiaméricain, n’a jamais voulu voir la menace que le dictateur russe au discours authentiquement fasciste faisait peser sur les fondamentaux démocratiques européens.

    M. Arnaud Le Gall

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    Ce n’est pas nous qui l’avons invité à Versailles !

    M. Bertrand Pancher

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    Car oui, les propos de l’extrême droite ont été troublants : on se demande toujours comment elle peut à ce point se lover dans les bras d’un dirigeant si prompt à vouloir détruire le monde occidental, si ce n’est par accointances idéologiques.

    M. Joël Giraud

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    Eh oui !

    M. Bertrand Pancher

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    J’espère que le soutien accordé à Poutine par une partie de notre classe politique est maintenant clairement derrière nous.

    M. Alexis Corbière

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    Qui l’a invité à Versailles ?

    M. Bertrand Pancher

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    Des patriotes ou pseudo-révolutionnaires qui se soumettent à une puissance étrangère, quelle farce ! Sans parler de tous ceux qui, pour quelques prébendes, allaient en pèlerinage à Moscou… Espérons que cela servira de leçon s’agissant de la Chine, de plus en plus agressive, en particulier face à Taïwan.
    Enfin, reconnaissons que les services de l’État et des responsables politiques de tous bords et au plus haut niveau ont aussi parfois fait preuve d’un aveuglement teinté de naïveté, n’ayant pas su, ou pas voulu voir le danger que représentaient la Russie de Poutine et l’imminence d’une invasion de l’Ukraine. Avec les précédents de la Géorgie en 2008, et de la Crimée en 2014, nous étions pourtant prévenus.
    Par pitié, n’appelons plus à « ne pas humilier la Russie », alors que d’effroyables massacres de civils ont lieu en Ukraine. Si le diagnostic de la nécessité d’une Europe de la défense est le bon, force est de constater que la volonté manque pour avancer plus vite. Il faut que l’Europe accélère, car une fois de plus, cette guerre démontre que nous ne pouvons nous passer de l’intervention des États-Unis.
    Vladimir Poutine est dans une offensive de propagande au long cours pour déstabiliser nos sociétés. En s’aidant de notre dépendance énergétique et de ses effets sur l’inflation, il joue sur la division des opinions publiques. Ne cédons pas à la pression russe et ses relais en France, continuons à livrer davantage d’équipements militaires à l’Ukraine, affirmons que le soutien à l’Ukraine et le soutien aux foyers et entreprises françaises sont compatibles et ne doivent pas être opposés ! Restons fermes sur nos fondements de solidarité et de liberté !
    Quelle leçon d’héroïsme et de bravoure nous donnent nos amis ukrainiens ! À leur place, qu’aurions-nous fait ? Vive l’Ukraine libre pour toujours, vive l’Europe de plus en plus forte, et vive la France ! (Applaudissements sur les bancs des groupes LIOT, RE et Dem.)

    M. Meyer Habib

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    Bravo !

    Mme la présidente

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    La parole est à Mme Aurore Bergé.

    Mme Aurore Bergé (RE)

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    Mon premier mot s’adresse aux Ukrainiennes et aux Ukrainiens attaqués, blessés, violés, tués. Le 24 février dernier, Vladimir Poutine et son gouvernement ont décidé, seuls, et délibérément, de violer la Charte des Nations unies et d’attaquer un pays libre et souverain. Désormais, ils prétendent annexer de force des pans entiers de l’Ukraine. Nous le disons clairement ici : jamais nous ne reconnaîtrons les résultats des référendums d’annexion de quatre régions ukrainiennes. (Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes RE.) C’est pour moi, purement et simplement, un « nationicide », la négation même de l’idée de nation.
    Depuis le début, le peuple ukrainien se bat courageusement pour son intégrité, sa liberté et son identité. Dans ce combat, ce n’est pas seulement leur terre qu’il défend, mais aussi nos valeurs et celles de l’Union européenne : la paix, la liberté et le droit des peuples à disposer d’eux-mêmes, autant de valeurs que le régime de Poutine veut réprimer.
    Mais, contrairement à 2014, lors de l’annexion de la Crimée, l’Union européenne a su répondre de façon forte et unanime face à l’agression préméditée de la Russie. Sous la présidence française de l’Union européenne, nous avons adopté un paquet de sanctions économiques, politiques et financières d’une ampleur inédite. Notre présidence a su défendre l’idée de l’autonomie stratégique européenne. Nous avons exprimé sans ambiguïté notre soutien à l’Ukraine et à son effort de guerre, notamment grâce à des mesures économiques et des livraisons militaires importantes. Comme vous l’avez souligné, madame la Première ministre, nous avons également accueilli les réfugiés de guerre ukrainiens, par solidarité, en cohérence avec nos valeurs et dans le respect de la Convention de Genève.
    Affirmons-le : la solidarité avec le peuple ukrainien, c’est l’honneur de la France. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe RE.)
    Nous refusons de croiser les bras devant l’impérialisme russe.
    Certains – et nous les entendons jusque dans l’hémicycle – appellent désormais à remettre en cause ces sanctions, affirmant qu’elles sont inutiles, et voudraient ainsi que l’invasion d’un État souverain et la mort de milliers de personnes restent sans conséquence.

    M. Sylvain Maillard

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    Eh oui !

    Mme Aurore Bergé

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    En sanctionnant la Russie, nous affaiblissons son économie, et donc son effort de guerre. Le PIB russe recule ainsi d’ores et déjà et le pays est en récession. La Russie ne peut plus importer de technologies pour ses industries ou emprunter sur les marchés. À ceux qui se font le relais de sa propagande, je pose donc la question : si les sanctions étaient si inefficaces, pourquoi Poutine chercherait-il désespérément à les faire lever ? (Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes RE et Dem.)

    Un député du groupe RN

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    N’importe quoi !

    Mme Aurore Bergé

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    Certains, ici, jouent avec les peurs de nos concitoyens. Ils trouvent des solutions toutes faites, considèrent que la France et l’Europe sont responsables de la crise que nous vivons parce qu’elles ont choisi de défendre la liberté du peuple ukrainien, et donc nos valeurs.
    La Russie nous combat sans pudeur, en déployant sa propagande dans les médias et sur les réseaux sociaux, en planifiant des cyberattaques sur nos installations, en s’attaquant à notre sécurité alimentaire, au prix de l’énergie, à la sécurité nucléaire, et c’est nous qui serions coupables ? À celles et ceux qui accablent sans cesse l’Union européenne, je dis : envoyez plutôt vos doléances au Kremlin ! Parlez directement à vos créanciers ! (Applaudissements sur les bancs du groupe RE et sur plusieurs bancs du groupe Dem.)

    M. Charles Sitzenstuhl

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    En plus, ils connaissent l’adresse !

    M. Thomas Ménagé

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    Pathétique.

    M. Jocelyn Dessigny

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    Minable.

    Mme Aurore Bergé

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    Les faits sont là, documentés, illustrés, précis, incontestables. C’est en Ukraine que les villes se font détruire à coups de mortier : Marioupol en est le triste symbole. C’est en Ukraine que déferlent des soldats russes : avez-vous vu des troupes ukrainiennes en Russie ? C’est en territoire ukrainien que sont dénoncées chaque jour des exactions de l’armée russe, allant de l’exécution sommaire au viol et à la torture. Et c’est en territoire ukrainien que l’on déterre, dans des charniers, des dizaines de corps humains.
    Remettre en cause l’existence de ces crimes, c’est du négationnisme. Tôt ou tard, les autorités russes auront à répondre de ces crimes de guerre. Il n’y a pas si longtemps encore, d’une extrême part à l’autre de l’hémicycle, on entendait vanter le modèle politique russe. Quel modèle ? Celui où la population est embrigadée de force dans une guerre à laquelle elle s’oppose ? Celui qui organise des référendums fantoches pour annexer des terres et des peuples contre leur gré ? Celui qui emprisonne, réprime, élimine toute forme de protestation ? Quelle parodie de démocratie ! C’est peut-être votre modèle, mais ce n’est certainement pas le nôtre. (Applaudissements sur les bancs des groupes RE et Dem.)

    M. Thomas Ménagé

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    Qui a accueilli Poutine à Brégançon ?

    Mme Aurore Bergé

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    Vous pouvez continuer à fermer les yeux, à vous boucher les oreilles : même si la France n’est pas en guerre, ce conflit nous touche dans notre économie et notre quotidien. À ceux qui, au sein de cet hémicycle, prétendent que nous ne protégeons pas les Français de ses effets économiques, je pose la question : qui prolonge la réglementation des tarifs de l’électricité ? Pas vous. Qui a versé un chèque énergie à des millions de ménages ? Qui a adopté la loi du 16 août 2022 pour la protection du pouvoir d’achat ? Pas vous ! (Exclamations sur les bancs du groupe RN. – Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe RE.) Oui, la guerre a des conséquences. Notre majorité et le Gouvernement se sont, dès le début, mobilisés pour y faire face ; ils continueront aussi longtemps que nécessaire. (Exclamations sur les bancs des groupes LFI-NUPES et GDR-NUPES.)

    M. Pierre Dharréville

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    C’est lamentable ! Une provocation inutile !

    M. Dominique Potier

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    Ce n’est pas au niveau !

    Mme Aurore Bergé

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    Nous le disons haut et fort : jamais nous ne céderons au chantage ni aux menaces de Poutine. Quant à ceux qui persistent à se gargariser de son régime, je les invite à se rappeler le premier mot de notre devise nationale. Mesdames et messieurs les députés, la liberté n’est pas un vain mot que l’on se contente d’invoquer lors des meetings, mais un principe à faire vivre, à défendre quand il est en péril !

    Mme Julie Lechanteux

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    Et le Qatar ?

    Mme Aurore Bergé

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    C’est là tout le sens du soutien que, depuis le premier jour de la guerre, la France apporte à l’Ukraine et à son peuple – un soutien au sujet duquel notre groupe n’a jamais connu ni ne connaîtra la moindre ambiguïté. (Applaudissements sur de nombreux bancs du groupe RE.)

    Mme la présidente

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    La parole est à M. Jérôme Buisson.

    M. Sylvain Maillard

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    Là, on est vraiment pressés d’écouter !

    M. Jérôme Buisson (RN)

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    Le 24 février, Vladimir Poutine engageait la Russie dans une guerre d’agression contre son voisin ukrainien.

    M. Sylvain Maillard

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    Ah !

    M. Jérôme Buisson

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    Une nouvelle phase de ce conflit a débuté le 30 septembre, date de l’annexion illégale des régions de Kherson, Zaporijjia, Donetsk et Louhansk – la plus vaste annexion en Europe depuis 1945. Le Rassemblement national condamne cette annexion fondée sur des scrutins organisés en zone de guerre et qui ne satisfont pas aux standards les plus élémentaires de la démocratie. Le droit des peuples à disposer d’eux-mêmes ne doit en aucun cas se transformer en arme politico-militaire. Toute notre solidarité va au peuple ukrainien.

    M. Benjamin Haddad

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    Votre solidarité et surtout rien de plus !

    M. Jérôme Buisson

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    Nous réaffirmons notre attachement au respect des règles qui doivent régir le concert des nations.
    Depuis la chute du mur de Berlin, d’aucuns pensaient l’histoire finie – ce n’était pas le cas du Rassemblement national, qui a toujours fait preuve de réalisme politique. (Sourires sur divers bancs.) Elle emporte désormais dans ses tumultes la naïveté des élites européennes, habituées à raisonner en termes d’accords de libre-échange, d’ouverture à la concurrence, et chérissant un multilatéralisme béat sous protection américaine. Le monde est régi par les rapports de force, non par les accords bruxellois.
    Nous avons eu tort d’oublier l’adage si vis pacem, para bellum : conséquence de notre impréparation, la guerre se trouve aujourd’hui à nos portes. Cette crise n’est pas conjoncturelle : elle est structurelle, résultat de trente ans d’incurie en matière de politiques de défense, diplomatique, énergétique, économique et budgétaire.
    Concernant nos politiques de défense, le Rassemblement national n’a de cesse, depuis des années, d’alerter les gouvernements successifs au sujet de la faiblesse des moyens. Marine Le Pen, dans son projet présidentiel, proposait de porter ce budget à 55 milliards d’euros en 2027, (Exclamations sur plusieurs bancs du groupe RE) ce qui permettrait à notre pays d’être prêt à soutenir un éventuel conflit de haute intensité et d’affirmer son statut de puissance mondiale. Le projet de loi de finances témoigne certes d’une prise de conscience tardive, mais l’accroissement prévu du budget des armées demeure insuffisant pour doter la France des moyens de sa défense.
    En matière diplomatique, Marine Le Pen a toujours soutenu les initiatives d’Emmanuel Macron, qui correspondaient à l’intérêt national.

    Un député du groupe RE

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    Elle a surtout soutenu Poutine !

    M. Jérôme Buisson

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    Reste qu’en dépit des appels incessants du Président de la République, la voix de la France ne porte plus. Notre position de puissance d’équilibre est sans cesse remise en cause : nos alliés polonais et baltes ne nous font plus confiance ;…

    Un député du groupe RE

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    C’est faux !

    M. Jérôme Buisson

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    …les Russes traitent directement du destin de l’Europe avec les Américains. Nous sommes marginalisés au sein de l’alliance occidentale et nos initiatives diplomatiques sont sous-traitées à la Turquie ou à la Chine. C’est pourquoi le Rassemblement national continue de revendiquer pour la France une place singulière dans le concert des nations – proche de ses alliés, mais non alignée, ce qui nous laisserait libre de faire entendre une autre voix pour la paix.

    Un député du groupe RN

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    Eh oui !

    M. Jérôme Buisson

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    S’agissant d’incurie énergétique, surtout, le Gouvernement, rattrapé par le réel, est contraint et forcé de retrouver la raison. Après avoir mené une politique antinucléaire, vous voilà obligés de reconnaître l’intérêt vital de la politique de développement du parc nucléaire défendue par Marine Le Pen.

    M. Pierre Cazeneuve

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    C’était bien avant !

    M. Jérôme Buisson

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    Emmanuel Macron, qui a mis à l’arrêt définitif la centrale de Fessenheim sous la pression de l’Allemagne, reste aujourd’hui muet face à la Belgique, laquelle continue de fermer des réacteurs : or une baisse massive de la production d’électricité belge mettra en péril le système électrique européen, déjà fragile. L’existence d’un réseau européen interconnecté implique une coordination ! Au lieu de s’inspirer du modèle français, l’Union européenne a délibérément travaillé à l’affaiblir. Si la France fait preuve de solidarité avec ses voisins, nous n’acceptons pas pour autant de nous tirer une balle dans le pied en vue de satisfaire les obsessions d’idéologues antinucléaires.
    Parlons à présent de l’incurie économique : une politique mondialiste nous a conduits, après trois décennies de désindustrialisation, à la perte de notre souveraineté. La France dépend de la Russie, premier producteur mondial de matières premières, et de la Chine, l’usine du monde. Or la réindustrialisation et la relocalisation des productions sont indispensables à toute politique de puissance. La guerre en Ukraine constitue un révélateur supplémentaire de la nécessité d’un patriotisme économique que les Français attendent et que le Rassemblement national promeut, car le localisme, protectionnisme naturel, permet de défendre notre tissu industriel et économique.
    Incurie budgétaire, enfin, car le Gouvernement présente un budget pour 2023 lourdement déficitaire, creusant la dette de notre pays, qui devrait atteindre les 3 000 milliards d’euros. Notre autonomie financière en sera durement affectée, puisque nous nous retrouverons à la merci d’une augmentation des taux d’intérêt de cette dette, phénomène que nous ne contrôlons pas. Face à la guerre et à la crise financière qui se dessine, les seules solutions que vous nous proposez consistent à baisser le chauffage et à mettre des cols roulés !

    M. Pierre Cazeneuve

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    Et vous, qu’est-ce que vous proposez ?

    M. Pieyre-Alexandre Anglade

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    On envoie des armes ou pas ? C’est ça la question !

    Un député du groupe RN

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    Il faut se calmer un peu !

    M. Jérôme Buisson

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    Sanctionner la Russie est légitime : il importe seulement d’agir avec efficacité et de manière responsable, jamais au détriment des Français. C’est pourquoi le Rassemblement national défend les mesures ciblant des oligarques ou portant sur l’exportation de biens utilisés par l’industrie de l’armement, par exemple les semi-conducteurs, afin d’entraver la production militaire russe. Ces sanctions fonctionnent. En revanche, je le répète, nous ne voulons pas de sanctions contre les Français. Nous avions émis des réserves concernant les sanctions énergétiques : encore une fois, nous avions raison ! Leur simple annonce a provoqué une hausse du cours des hydrocarbures, permettant à la Russie d’accroître ses bénéfices. Elles sont contre-productives (Protestations sur quelques bancs du groupe RE),…

    Mme Delphine Batho

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    N’importe quoi !

    M. Jérôme Buisson

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    …et vous voudriez continuer dans cette voie avec des sanctions sur le gaz ?
    N’oublions pas que ces matières premières sont indispensables à l’industrie et à l’économie européennes, que le travail, les transports, le chauffage des Français en dépendent. Nous voyons tous le coût de l’énergie augmenter dans des proportions déraisonnables. Les chèques énergie ne résoudront pas le problème ; tout au plus feront-ils gagner quelques semaines, et à quel coût ? Les entreprises, surtout, sont en danger, des pans entiers de notre économie menacés : sidérurgie, métallurgie, agriculture, industrie du verre, pour n’en citer que quelques-uns. Le prix du gaz ou de l’électricité devient si prohibitif que vos choix obligeront des usines à fermer temporairement cet hiver ; d’autres risqueront de voir leur électricité coupée afin de soulager un réseau en extrême tension. Pour la septième puissance économique mondiale, quelle réussite !
    Comme vous le savez, madame la Première ministre, cette question énergétique hypothèque toute velléité de ressusciter notre appareil industriel. Le marché européen de l’électricité est, encore une fois, un mécanisme qui pénalise la France et annule l’avantage comparatif que constitue notre parc nucléaire. Nous, députés du Rassemblement national, tout en soutenant le peuple ukrainien dans sa défense contre l’invasion russe, nous faisons l’écho de l’inquiétude grandissante des Français qui risquent demain de ne plus pouvoir se chauffer, de voir leur entreprise mettre la clé sous la porte, de perdre leur emploi.

    M. Roger Chudeau

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    Très bien !

    M. Jérôme Buisson

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    À cet égard, nous ne pouvons que regretter que la France et l’Union européenne se soient engagées dans une guerre gazière contre la Russie sans avoir au préalable sécurisé, notamment auprès des États-Unis, un approvisionnement en hydrocarbures à des prix convenables. En revanche, cela ne vous pose aucun problème d’acheter du gaz à l’Azerbaïdjan, l’un des pays les plus corrompus au monde, qui agresse l’Arménie dans l’indifférence générale ! (Vifs applaudissements sur les bancs du groupe RN.) Notre présidente, Marine Le Pen, avait pourtant proposé des dispositifs…

    M. Laurent Croizier

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    Lesquels ?

    M. Jérôme Buisson

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    …visant à maintenir les prix du gaz à un niveau peu élevé tout en sanctionnant réellement l’État russe et en venant ainsi en aide au peuple ukrainien. (Mêmes mouvements.)

    Mme la présidente

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    La parole est à Mme Mathilde Panot.

    Mme Mathilde Panot (LFI-NUPES)

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    Ce sont 222 jours de trop, au terme desquels nous mesurons, provisoirement, le désastre. Le jeudi 24 février 2022, à cinq heures trente du matin, sur ordre du gouvernement de Vladimir Poutine, la Russie envahissait l’Ukraine, faisant basculer l’histoire de notre vieux continent. Depuis ce jour, les horreurs de la guerre ne cessent de retentir jusqu’à nous – depuis Boutcha, théâtre d’un massacre, où il y a quelques mois encore des familles avec leurs enfants enjambaient les corps de civils gisant au sol, jusqu’au bombardement d’un hôpital et d’une maternité à Marioupol, en passant par Izioum, devenue un immense cimetière, où ont été découvertes les sépultures de centaines de civils, tandis que les rescapés survivent, à l’heure où nous parlons, sans eau, sans gaz, sans électricité. Depuis plus de six mois, les dépêches qui nous rendent compte des combats tracent en même temps une géographie funeste.
    Alors que l’humanité a donné à voir la plus cruelle version d’elle-même, nous formons ce vœu : que ces crimes de guerre soient jugés et punis. (Applaudissements sur les bancs du groupe LFI-NUPES et sur plusieurs bancs du groupe SOC.) La semaine dernière, Vladimir Poutine faisait le choix de l’escalade, nous rapprochant un peu plus du seuil d’une guerre totale.

    Un député du groupe LFI-NUPES

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    C’est vrai !

    Mme Mathilde Panot

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    Pour justifier l’annexion du Donbass, son gouvernement a organisé des référendums illégaux. Lui-même a décrété une mobilisation partielle de sa population et brandi la menace nucléaire afin de couvrir sa guerre d’agression. Nous le disons avec force : ces décisions constituent autant de provocations inacceptables.

    Mme Sophie Taillé-Polian

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    Très bien !

    Mme Mathilde Panot

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    La communauté internationale doit faire bloc face au chantage nucléaire et s’abstenir de faciliter l’engrenage. Lorsque l’on fait primer la force brute et la terreur nucléaire, ni la paix, ni la sécurité internationale ne sont garanties.

    M. Alexis Corbière

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    C’est vrai !

    Mme Mathilde Panot

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    Pour les puissances nucléaires, seule la négociation peut permettre de sortir de l’impasse conduisant à une guerre totale, et elle a davantage de chances d’aboutir si le peuple russe refuse son enrôlement. Le groupe parlementaire La France insoumise-Nouvelle Union populaire, écologique et sociale salue la résistance de ceux qui, courageusement, manifestent contre les décisions guerrières de leur pays. (Vifs applaudissements sur les bancs du groupe LFI-NUPES et sur plusieurs bancs des groupes SOC et Écolo-NUPES.) Les foyers de contestation qui se forment en Russie doivent nous rappeler qu’il ne faut pas confondre le peuple russe avec le gouvernement de Vladimir Poutine.
    Le rôle de la France dans cette crise est d’œuvrer aux côtés de l’Ukraine pour le respect vaille que vaille du droit international, la protection des civils et le retour de la paix : dans cette perspective, la poursuite du dialogue avec la Russie était nécessaire. La France se doit également d’alerter, afin qu’une tragédie ne s’ajoute pas à tant de souffrances : le 4 mars, des tirs russes frappaient la centrale de Zaporijjia. Depuis des mois, nous donnons l’alerte en signalant le risque que les centrales nucléaires ukrainiennes deviennent des cibles.
    En mars, déjà, Jean-Luc Mélenchon appelait à l’envoi de casques bleus pour les sécuriser.

    M. Ugo Bernalicis

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    Il a raison !

    M. Pieyre-Alexandre Anglade

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    Et l’envoi d’armes à la résistance ?

    Mme Mathilde Panot

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    La catastrophe dans la catastrophe, c’est que soit visée l’habitabilité même du territoire ukrainien. L’attaque de dépôts pétroliers, le désastre industriel – 4 tonnes d’acide nitrique pulvérisées – survenu en avril dans la région de Louhansk, la contamination de l’eau et des sols, mettent en péril la santé de plusieurs générations d’Ukrainiens. La guerre constitue aussi une aubaine pour les oligarques qui se positionnent sur de grands projets industriels : nous joignons notre voix à celle de la résistance ukrainienne pour refuser que ce conflit serve de prétexte à la prédation des ressources naturelles du pays.
    Pour finir, notre groupe encourage la mise en œuvre de tous les moyens de la diplomatie afin d’éviter l’escalade ; le seul chemin rationnel est celui de la paix. Madame la Première ministre, je le réaffirme ici au nom de mon groupe : la France s’honorerait d’organiser et d’accueillir une conférence pour la sécurité et la négociation d’un plan de paix et de garanties mutuelles. (Applaudissements sur les bancs du groupe LFI-NUPES.) Telles sont les pistes prioritaires que nous identifions.
    Mais puisque ce débat porte également sur les conséquences pour la France de la guerre en Ukraine, il nous faut redoubler de rigueur. Quiconque affirmerait que la guerre en Ukraine est l’unique responsable de la situation économique de notre pays s’exposerait à une accusation de mensonge. Au commencement, la pandémie de covid-19 disloquait les chaînes d’interdépendance et désorganisait les chaînes de production mondialisées ; la distorsion du marché entraînait une folie spéculative et l’explosion des prix. La guerre en Ukraine n’a fait qu’achever ce chaos. Je ne prendrai qu’un exemple, celui de la crise énergétique : celle-ci a d’abord pour origine un choc gazier européen, suivi d’un choc sur l’électricité lié à l’organisation de notre marché européen. Les sanctions contre la Russie ont même aggravé la hausse des prix des hydrocarbures et lui ont permis de voir ses bénéfices commerciaux exploser cette année. Dans ce contexte, comment ne pas s’interroger sur leur pertinence ?

    M. Sylvain Maillard

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    Comme le RN !

    Mme Mathilde Panot

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    Quelle est l’efficacité des sanctions quand elles échappent à leur cible et se retournent contre nous ? Notre cible est le régime de l’oligarchie russe. Cette certitude doit nous servir de principe d’action pour frapper le système en son cœur.

    M. Bastien Lachaud

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    Elle a raison !

    Mme Mathilde Panot

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    Madame la Première ministre, en toutes circonstances et ne vous en déplaise, la faillite du marché de l’énergie avait commencé avant la guerre en Ukraine. Ses conséquences sont vécues de plein fouet par les Français. En un an, les prix de gros de l’électricité sur le marché européen ont été multipliés par dix et ceux du gaz par vingt. Concrètement, les factures des Françaises et des Français augmenteront en moyenne de 200 à 300 euros par an. Alors, lorsque Emmanuel Macron évoque la fin de l’abondance au sujet des bouleversements énergétiques, comment ne pas voir l’impréparation flagrante dont votre Gouvernement s’est rendu coupable ? Cela fait plusieurs mois que Réseau de transport d’électricité (RTE) vous alerte, dans le vide, sur la sécurité de notre approvisionnement en énergie. Notre dépendance à un parc nucléaire vieillissant et à l’importation d’énergies fossiles ne date pas d’hier. L’exposition de ce parc à des problèmes de corrosion est connue depuis janvier 2022. Dès avril 2022, des pays européens ont pris des mesures : l’Italie limite la température dans les bâtiments publics, interdit les publicités lumineuses et réduit l’éclairage nocturne ; l’Allemagne conçoit un plan de sobriété et annonce la nationalisation de son premier producteur gazier – tandis qu’en France, c’est seulement en juillet que le mot « sobriété » affleure à la bouche du Président de la République.
    Madame la Première ministre, la situation internationale ne saurait dessiner elle-même un modèle d’action à suivre. Ce que vous faites à chaque étape de la période de chaos et de pénurie que nous connaissons, ce sont des choix politiques. La guerre en Ukraine ne peut servir d’argument commode pour dissimuler les dysfonctionnements du marché et votre allégeance à la logique néolibérale qui le guide. Baisser l’indemnisation des chômeurs, raboter les retraites, refuser d’augmenter les impôts sur les plus riches…

    M. Sylvain Maillard

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    On livre des armes ou pas ?

    Mme Mathilde Panot

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    …faire mine d’oublier la définition d’un superprofit, refuser de taxer les profiteurs de crise d’une part, lancer un concours Lépine de la tenue vestimentaire d’autre part, ce sont des choix politiques ; ce sont les vôtres. (M. Louis Boyard applaudit.) Ne nous faites pas croire qu’il n’était pas possible de faire autrement ! Faire payer aux précaires de ce pays votre désinvolture à l’égard des poches les plus remplies ne relève pas de la nécessité. Notre groupe parlementaire n’a cessé de plaider pour une taxe sur les profiteurs de crise. Cette proposition est désormais portée par un alliage étonnant de représentants, puisqu’après la Commission européenne, le rapporteur de l’ONU et le Fonds monétaire international, c’est désormais le chef économiste de la Banque centrale européenne qui joint sa voix à la nôtre.

    M. Laurent Croizier

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    Ils ont dû vous écouter ! (Sourires.)

    Mme Mathilde Panot

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    Mais vous la refusez. Vous lui préférez votre générateur de demande, M. Bruno Le Maire, qui enjoint poliment aux multinationales de contribuer à hauteur de leurs moyens. Vous applaudissez des deux mains les miettes distribuées par les uns et les autres, tandis que les PME – petites et moyennes entreprises – et les TPE – très petites entreprises – sont étranglées par la hausse des prix et contraintes de réduire leur production. Votre isolement sur ce sujet n’a d’égal qu’un attachement absurde aux mécanismes de spéculation du marché les plus insensés. Après avoir dégagé un bénéfice net record de 16 milliards de dollars l’année dernière, TotalEnergies s’apprête à distribuer à ses actionnaires un acompte sur dividende exceptionnel de 2,62 milliards d’euros. Son seul mérite, dans cette période, est de tirer injustement profit d’une rente de situation. Là encore, vous aviez la possibilité de tabler sur ce type de marge juteuse pour bloquer les prix à la baisse, mais vous ne l’avez pas fait. Les Français payent leur café 15 % plus cher, leurs pâtes 29 % plus cher, leur huile 137 % plus cher, mais vous vous retranchez derrière l’inflation pour refuser d’augmenter les salaires. Pourtant, vous savez que nous ne faisons pas face à une boucle salaires-prix, mais à une boucle pénurie-profits. Vous avez au moins le mérite de la clarté : ce sont les plus pauvres qui payeront l’inflation et c’est eux que vous exhortez, avec les 12 millions de personnes en situation de précarité énergétique, à faire des petits gestes.

    M. Sylvain Maillard

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    Et le bouclier tarifaire ?

    Mme Mathilde Panot

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    C’est pourquoi la Nouvelle Union populaire, écologique et sociale a proposé un référendum d’initiative partagée visant à taxer les superprofits. (Applaudissements sur les bancs du groupe LFI-NUPES et sur quelques bancs des groupes SOC et Écolo-NUPES.) À en croire votre entêtement irresponsable, seul le recours à la démocratie serait de nature à vous faire réviser vos priorités. C’est aussi la raison pour laquelle nous organisons, le 16 octobre prochain, une marche contre la vie chère, contre l’inaction climatique et contre la réforme des retraites – marche à laquelle nous invitons le plus grand nombre à se rendre. (Mêmes mouvements.)

    Mme Anne Genetet

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    Et l’Ukraine, dans tout ça ?

    Mme Astrid Panosyan-Bouvet

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    Et l’Ukraine, madame Panot ?

    Mme Mathilde Panot

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    J’achève sur ces mots : vous ne nous ferez jamais croire que vos choix politiques sont le produit d’une nécessité qui s’imposerait à vous. La guerre en Ukraine ne peut servir d’argument pour mener une guerre sociale aux Français. (Applaudissements sur les bancs du groupe LFI-NUPES.)

    M. Pieyre-Alexandre Anglade

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    La honte, la honte !

    Mme Mathilde Panot

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    Comptez sur nous pour montrer, à chaque étape, qu’une alternative est possible ! (Applaudissements et « Bravo ! » sur les bancs du groupe LFI-NUPES, dont plusieurs députés se lèvent. – Applaudissements sur quelques bancs des groupes SOC et Écolo-NUPES.)

    Mme la présidente

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    La parole est à M. Fabien Lainé.

    M. Fabien Lainé (Dem)

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    Depuis la fin de la seconde guerre mondiale, nous pensions la guerre de haute intensité inenvisageable sur le sol européen. Mais la guerre que mène aujourd’hui la Russie en Ukraine nous ramène inexorablement à la réalité : celle d’un monde que nous avons trop longtemps plus ou moins ignoré – un monde multipolaire, aux intérêts de plus en plus divergents et dans lequel se mêlent hostilités et affrontements entre États. Un nouvel ordre mondial se dessine sous nos yeux, parfois contre nos peuples et en totale opposition avec les valeurs humanistes et démocrates que nous, Français, défendons. Il nous oblige aujourd’hui plus que jamais à privilégier le multilatéralisme face à l’isolationnisme – une perspective des relations internationales que la France a toujours privilégiée, et que le groupe Démocrate considère plus que nécessaire pour la sécurité des nations.
    Chers collègues, le 24 février dernier, Vladimir Poutine a décidé de s’engager dans une guerre illégale. Emporté par sa volonté arbitraire de redessiner les frontières, il a outrepassé toutes les règles du droit international. De manière collective et immédiate, les pays membres de l’Otan et ceux de l’Union européenne ont apporté leur soutien militaire au peuple ukrainien. Dès lors, par l’intermédiaire de l’Alliance atlantique, la France a pris part à ce soutien et au renforcement défensif de pays comme la Pologne, la Roumanie et les pays baltes, qui redoutent les volontés expansionnistes de la Russie. La Suède et la Finlande, jusqu’à présent neutres en matière d’alliance militaire, ont rejoint l’Otan, afin notamment de bénéficier de l’obligation d’assistance des alliés au cas où l’une ou l’autre ferait l’objet d’une attaque armée. Ces deux nouvelles adhésions, à un moment critique pour la sécurité européenne, marquent un tournant géopolitique et un nouveau paradigme sécuritaire.
    Notre groupe salue les actions de l’Otan et de l’Union européenne, car elles confirment le rôle de ces dernières en tant que garants de la paix et de la sécurité. La légitimité de l’Otan, relativement décriée ces dernières années, est renforcée ; la défense commune européenne est relancée. La France doit faire entendre sa voix au sein de l’Otan et jouer un rôle actif dans la construction d’une véritable défense européenne. La présidence française de l’Union européenne a lancé une dynamique remarquée, permettant à l’Europe de poursuivre des avancées significatives vers une réelle autonomie stratégique européenne, en pleine complémentarité avec l’Otan.
    La guerre en Ukraine a mobilisé l’Union européenne en faveur d’un peuple illégalement agressé sur son territoire. Outre les volets diplomatique et humanitaire, l’Europe a répondu présent sur le plan militaire. Ainsi, 2 milliards d’euros ont été alloués pour aider les États membres de l’Union européenne à fournir des équipements militaires à l’Ukraine. La France a su faire valoir sa spécificité en matière de mesures d’assistance, tout d’abord en cédant gratuitement à l’Ukraine plus de 100 millions d’euros de matériels militaires défensifs. Elle a aussi contribué au travers de formations, en accompagnement de l’équipement et de l’armement fournis. La France a cédé à Kiev dix-huit canons Caesar et formé plus de 150 spécialistes militaires ukrainiens à l’utilisation de ces obusiers. Notre groupe tient d’ailleurs à saluer cette technologie française, issue de notre base industrielle et technologique de défense (BITD), dont nous constatons clairement l’influence opérative dans ce conflit. L’Union européenne prendra aussi toute sa part dans la formation à destination de l’armée ukrainienne, avec la mise en place d’une mission d’assistance et de formation européenne. Dans le cadre de ce projet, La France pourrait former des soldats ukrainiens sur le sol polonais.
    Chers collègues, Vladimir Poutine a choisi l’escalade militaire et l’annexion forcée d’une partie de l’Ukraine – l’annexion d’un territoire souverain. Notre groupe soutient l’engagement de la France aux côtés du peuple ukrainien et la ferme volonté du Gouvernement de rester inflexible face à Vladimir Poutine, l’autocrate du Kremlin, et à sa volonté arbitraire d’hégémonie dans la région. Il est resté mobilisé dans la poursuite de l’action engagée par le Président de la République en 2017 et visant à redonner de la crédibilité à la France en matière de défense. En effet, nous devons être prêts à relever les défis de l’histoire qui se dressent devant nous et, hélas, à répondre à des guerres de haute intensité au fonctionnement de plus en plus évolué et aux effets et répercussions de plus en plus globaux. En conséquence, il nous faut aujourd’hui renouer avec l’idée de puissance, afin de rendre plus efficace et plus dissuasif le multilatéralisme solidaire, indispensable au retour de la paix en Ukraine et à son maintien partout dans le monde. (Applaudissements sur les bancs du groupe Dem et sur plusieurs bancs du groupe RE.)

    Mme la présidente

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    La parole est à Mme Valérie Rabault.

    Mme Valérie Rabault (SOC)

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    Ce 3 octobre marque le 222e jour depuis l’agression russe en Ukraine. Depuis 222 jours, les Ukrainiens vivent dans un pays en guerre ; depuis 222 jours, ils vivent au gré des sirènes et des alertes ; depuis 222 jours, ils subissent bombardements et attaques ; depuis 222 jours, ils vivent des horreurs : des viols de femmes et d’enfants, des actes de torture, des morts et des blessés qui se comptent par milliers, l’enlèvement de plus de 6 000 enfants ukrainiens envoyés en Russie, des crimes de guerre et l’enfer de Boutcha, Marioupol ou Kharkiv. En même temps que nous découvrons ces horreurs, nous prenons conscience du courage incroyable du peuple ukrainien, qui s’est uni dans un esprit de résistance hors norme.
    Cette guerre, nous l’avons modestement approchée la semaine dernière en nous rendant à Kiev et à Tchernihiv – Tchernihiv, ville de 300 000 habitants, attaquée dès le 24 février, pilonnée et bombardée pendant tout le mois de mars mais qui s’est libérée le 4 avril dernier au prix de multiples souffrances. Aller dans un pays en guerre est une expérience qui marque, en raison des situations de détresse, des destructions que l’on voit, des regards qui disent parfois beaucoup plus que des paroles, des silences qui laissent entrevoir des horreurs dépassant l’entendement humain.
    Derrière l’Ukraine, ce sont les principes fondateurs de l’Europe, de l’Union européenne elle-même, qui sont attaqués. (Applaudissements sur les bancs du groupe SOC et sur quelques bancs du groupe RE.) Derrière l’Ukraine, avec le piétinement du mémorandum de Budapest de 1994, c’est l’ordre mondial qui est attaqué. Alors, mes chers collègues, comment ne pas voir que cette guerre est aussi la nôtre ? Il me semble que la seule question qui se pose pour nous aujourd’hui est celle-ci : la France en fait-elle assez pour soutenir l’Ukraine ? Oui, la France est un soutien reconnu de nos amis ukrainiens, que celui-ci passe par la livraison d’armes, notamment de canons Caesar, par l’accueil de réfugiés, par un soutien financier, par  notre influence décisive dans les sanctions décidées par l’Union européenne contre la Russie ou lors du vote du 1er juillet dernier, qui a permis d’accorder à l’Ukraine le statut de pays candidat à l’Union européenne, ou encore par les missions de la police scientifique visant à déterminer si des actes de torture ont été perpétrés.
    Mais depuis quelques jours, la situation évolue de manière décisive : d’un côté, nous observons le recul de la ligne de front, avec la reprise par les Ukrainiens de villes précédemment occupées par les Russes, comme Izioum ou Lyman ; de l’autre, nous voyons une escalade qui monte encore d’un cran avec la menace de l’utilisation d’armes nucléaires, l’enlèvement du directeur de la centrale nucléaire de Zaporijjia – qui, depuis, a été libéré – ou encore les conséquences des pseudo-référendums d’annexion des quatre régions ukrainiennes de Zaporijjia, Kherson, Louhansk et Donetsk.
    Face à ces menaces, madame la Première ministre, nous pensons que la France doit renforcer son soutien à l’Ukraine (Applaudissements sur les bancs du groupe SOC. – Mme Anne Genetet applaudit aussi), comme nous l’avons écrit dans la proposition de résolution que nous avons déposée aujourd’hui.
    Nous pensons que la France doit fortement augmenter sa fourniture d’armes, dont le montant actuel est d’environ 300 millions d’euros. Nous demandons qu’elle étende le champ des armes livrées aux missiles sol-air, que seuls cinq pays du monde sont capables de fournir à l’Ukraine. Ce sont les États-Unis qui assurent l’essentiel des livraisons d’armes ; l’Europe doit monter au créneau et prendre sa part. (M. Boris Vallaud et Mmes Anne Genetet et Astrid Panosyan-Bouvet applaudissent.) Sinon, elle ne sera jamais un acteur géopolitique crédible.
    La France doit augmenter son soutien financier. Le cumul de son aide directe et de ce qu’elle donne par l’intermédiaire de l’Union européenne représente 0,14 % du PIB, ce qui est inférieur à l’aide consentie par de nombreux autres pays de l’Union européenne.
    La France doit adopter une démarche résolument offensive et proactive au sein des Nations unies – comme elle a su le faire dans d’autres conflits – pour isoler plus encore la Russie. Elle doit être déterminée à appliquer des sanctions exemplaires à tous les acteurs, notamment aux entreprises qui permettraient à la Russie de contourner les sanctions. Elle doit par exemple, comme l’a dit Boris Vallaud, exiger d’Eutelsat l’arrêt de toute diffusion sur tout territoire des chaînes de télévision ayant fait l’objet d’une interdiction de diffusion par l’Union européenne. (M. Boris Vallaud applaudit.) Au sein même de l’Union européenne, elle doit être le pays qui prône des sanctions renforcées contre la Russie.
    J’ai bien conscience que renforcer notre soutien à l’Ukraine constitue un effort – un effort pour toute notre nation. En réalité, cet effort, nous le faisons pour nous-mêmes, pour ce que l’histoire dira de nous face à cette guerre. (Applaudissements sur les bancs du groupe SOC ainsi que sur de nombreux bancs des groupes RE, LFI-NUPES, Dem et Écolo-NUPES.)

    Mme la présidente

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    La parole est à M. Hubert Julien-Laferrière.

    M. Hubert Julien-Laferrière (Écolo-NUPES)

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    Voilà déjà plus de sept mois que l’horreur a resurgi à l’est de notre continent. Des dizaines de milliers de pertes civiles, des millions de personnes contraintes à l’exil, des centaines de milliards d’euros de dégâts matériels : le bilan de cette effroyable guerre décidée par un seul homme est à l’évidence une tragédie pour l’Europe et pour le monde. La mégalomanie du régime de Vladimir Poutine vient encore – on l’a rappelé – de monter d’un cran avec les référendums unilatéraux et illégaux organisés dans les quatre oblasts de l’Est ukrainien. Cette véritable mascarade ne servira qu’à justifier l’occupation et la violation de l’intégrité territoriale de l’Ukraine, que jamais nous ne reconnaîtrons.
    Je veux rendre hommage à tous les formidables mouvements de solidarité qui, depuis le début du conflit, se sont organisés aux quatre coins du monde pour aider la population ukrainienne. J’en ai moi-même été témoin en mars en me rendant à Lviv, en Ukraine, ainsi qu’à l’est de la Pologne, aux côtés d’ONG françaises et autres qui accomplissent sur place un remarquable travail de mobilisation humanitaire, médicale et sociale. Notre assemblée doit elle aussi être au rendez-vous et je salue à mon tour, madame la présidente, l’initiative de coopération que vous avez lancée conjointement avec le parlement ukrainien à l’occasion de votre déplacement en Ukraine avec plusieurs de nos collègues.
    La France est active dans le soutien militaire à l’Ukraine, mais nous devons déjà penser à préparer la paix et donc la reconstruction de ce pays meurtri, à laquelle notre pays, avec l’Union européenne, devra participer. Vous l’avez dit, madame la Première ministre : ce sujet n’est en rien prématuré. Le processus de reconstruction devra être inclusif et intégrer la société civile, les mouvements sociaux et les syndicats ukrainiens, avec lesquels j’échangeais il y a quelques jours par visioconférence. Ce processus devra naturellement tenir compte des dimensions sociale et écologique, au moment où la situation autour de la centrale de Zaporijjia fait courir le risque d’une nouvelle catastrophe nucléaire.
    Puisque nous sommes invités, à l’occasion de ce débat, à nous interroger sur les conséquences du conflit pour notre pays, est-il besoin d’en rappeler les répercussions sur notre sol et ce qu’il nous impose ? La crise énergétique que nous connaissons aura un fort impact sur nos concitoyennes et nos concitoyens cet hiver. Pourtant, organiser la sobriété énergétique, rénover les passoires énergétiques, investir massivement dans les énergies renouvelables, l’urgence climatique nous impose tout cela depuis bien avant ce conflit tragique et à notre sens, les gouvernements précédents n’ont hélas jamais su prendre la pleine mesure de la situation. Nous espérons que cette fois-ci, les actes seront au rendez-vous ; la représentation nationale aura très prochainement l’occasion d’y veiller.
    Nous interroger sur les conséquences du conflit, c’est également prendre la mesure d’un danger qui pose la question de la gestion diplomatique française et européenne de cette crise – question qu’a également évoquée Jean-Paul Lecoq. Nous n’en sommes pas encore au « choc des civilisations » de Huntington, mais lorsqu’en Afrique on s’en prend à la France et qu’on glorifie la Russie, et lorsqu’en Amérique latine on en vient, au nom de l’anti-impérialisme américain, à soutenir Poutine contre l’agresseur américain et l’Otan, j’y vois un motif d’inquiétude profonde, notamment pour celles et ceux qui ont forgé leur engagement politique autour des luttes anti-impérialistes en Amérique latine. Pour certains en Afrique, en Amérique latine et au Moyen-Orient, le dictateur impérialiste Poutine serait devenu le héros d’un nouveau mouvement des non-alignés. Comment n’avons-nous pas pu empêcher cela ?
    Ce risque nous incite aussi à nous interroger sur notre diplomatie. Il ne doit évidemment rien enlever – bien au contraire – à notre détermination à soutenir l’Ukraine, aujourd’hui comme demain, mais il nous impose de convaincre partout de qui est l’agresseur et de qui est l’agressé. Il faut donc pratiquer une diplomatie exemplaire – mais nous aurons d’autres occasions d’avoir ce débat, madame la ministre des affaires étrangères.
    S’il existe un impérialisme, c’est bien celui du régime russe. C’est bien la Russie impérialiste et dictatoriale qui s’en est prise à un pays démocratique, qui tente d’annexer l’Est de l’Ukraine comme la Crimée en 2014, et qui envoie sa milice Wagner, composée de repris de justice, en Ukraine comme en Afrique ou au Proche-Orient, pour soutenir des dictatures comme celle de Bachar al-Assad.
    À l’heure où Vladimir Poutine et son allié tchétchène Ramzan Kadyrov agitent la menace nucléaire, la priorité absolue réside dans la désescalade. Plus que jamais, les défenseurs de la démocratie doivent continuer d’afficher leur unité pour s’opposer à la spirale de la guerre et de l’impérialisme. (Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes Écolo-NUPES, RE, LFI-NUPES et SOC.)

    Mme la présidente

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    La parole est à M. Laurent Panifous.

    M. Laurent Panifous (LIOT)

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    C’est une lourde responsabilité que d’intervenir sur ce sujet majeur qui marque un tournant historique pour notre continent et qui s’impose comme un défi pour toute la communauté internationale. Depuis le début de la guerre, force est de constater que le président russe ne recule devant aucune provocation et entraîne l’Occident dans une escalade qui ne peut que nous inquiéter.
    Après sept mois de guerre, ni la mort de soldats russes par milliers et de civils ukrainiens, ni les sanctions qui pèsent lourdement sur l’économie russe ne semblent entamer la volonté de Poutine de gagner cette guerre à tout prix. Par l’organisation de référendums locaux et par la mobilisation partielle assortie de menaces nucléaires, Vladimir Poutine poursuit sa fuite en avant et fait entrer la guerre dans une nouvelle phase encore plus dangereuse, guidé par une haine viscérale du régime ukrainien et de l’Occident – nous devons nous y préparer. Ceux qui, hier encore, soutenaient presque aveuglément le président Poutine doivent désormais s’interroger.
    Comment comprendre et répondre ensemble à cette surenchère ? Nul doute qu’il s’agit pour Poutine d’accentuer la pression sur une communauté internationale stupéfaite, car il le sait : pour nous autres, pays européens, la ligne de crête est difficile depuis le début de ce conflit à nos portes. Dans les conditions d’escalade imposées par Poutine, cette équation sera de plus en plus ardue à tenir. Nous devons prendre conscience que le risque d’une potentielle confrontation directe entre la Russie et l’Otan n’a jamais été aussi élevé.
    Dès lors, quelle doit être l’attitude de la France face à ces risques immédiats dont nous pensions être protégés ? Il nous semble tout d’abord que face à cette fuite en avant, les alliés de l’Ukraine, au premier rang desquels se trouve la France, ne doivent pas relâcher un effort qui produit des résultats sur le terrain, du fait de la combativité exceptionnelle des troupes de Kiev. En effet, les gesticulations auxquelles nous avons assisté le 30 septembre, consacrant l’annexion unilatérale de territoires ukrainiens conquis par la force, cachent mal les revers importants que l’armée russe rencontre en Ukraine. C’est sous la pression des troupes ukrainiennes que Vladimir Poutine a été contraint de précipiter le calendrier de ces votes, qui n’en sont que plus grotesques. En outre, il a été acculé à une mobilisation partielle à laquelle les Russes en âge de combattre ont souvent répondu par l’esquive ou par la fuite à l’étranger.
    La France doit continuer de dialoguer avec l’ensemble des acteurs de ce conflit et d’agir de manière concertée dans le cadre de l’Union européenne, du G7 et des institutions financières internationales, afin que nous soyons tous à la hauteur des besoins de l’État ukrainien face à la catastrophe de cette guerre.
    Depuis l’agression russe contre l’Ukraine, nous ne pouvons que saluer la réponse que l’Union européenne a apportée au fil de la progression de ce conflit. La France n’a pas ménagé ses efforts pour répondre à une exigence sans précédent de fermeté face à la Russie et de solidarité avec l’Ukraine. La recherche permanente du dialogue associée à des sanctions économiques et financières d’une sévérité inédite ont permis d’isoler la Russie, d’affaiblir sa capacité à poursuivre cette guerre et de faire subir aux dirigeants russes le coût politique et économique de l’agression qu’ils ont décidée. L’Union européenne et ses États membres ont également joué un rôle moteur dans la mobilisation de la communauté internationale pour dénoncer les multiples violations du droit international par la Russie.
    Pourtant, les derniers développements de la situation montrent que nous devons aller plus loin. L’Ukraine a besoin d’un soutien massif et nous devons être à la hauteur de cette solidarité, qui passe d’abord par une hausse de l’aide financière de l’ensemble de la communauté internationale.
    La France, en tant que principale puissance militaire de l’Union européenne, a également un rôle particulier à jouer en matière de livraison d’armes. Là encore, il n’est pas possible de céder à la pression et aux intimidations de la Russie, qui reproche à notre État ses livraisons d’équipements militaires – essentielles à ce moment du conflit.
    L’heure est à la mobilisation, au soutien d’un peuple assiégé et privé de liberté – sans oublier le peuple russe, lui-même prisonnier de la brutalité de ses dirigeants. Nous devons faire front commun pour défendre la paix. Cette mobilisation et cette détermination, nous les devons au peuple ukrainien, mais aussi aux nouvelles générations, pour lesquelles nous avons le devoir de préparer l’avenir. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe LIOT.)

    Mme la présidente

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    La parole est à Mme Anne Genetet.

    Mme Anne Genetet (RE)

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    En mars, je me tenais à cette même tribune pour dénoncer la décision unilatérale de la Russie d’envahir l’Ukraine. Sept mois plus tard, revenant tout juste de Kiev, je veux vous dire ceci avec insistance et avec la plus grande émotion : ne nous habituons pas à cette guerre (Applaudissements sur de nombreux bancs des groupes RE et Dem), elle qui a déjà volé des milliers de vies, qui a brisé des familles ukrainiennes et russes et qui laissera derrière elle des millions de déplacés et de réfugiés, et un pays à reconstruire.
    Alors liberté, je veux dire ton nom, car au cœur de cette guerre inique se dresse un combat pour la liberté – liberté bafouée des citoyens ukrainiens ; liberté volée de leurs enfants ; liberté muselée des journalistes, des activistes et des manifestants en Russie, et liberté ignorée de leurs frères concernés par la mobilisation forcée ; enfin, liberté usurpée de populations et de territoires qui, dans un simulacre de démocratie, ont été récemment annexés.
    Égalité, je dis ton nom. En envahissant l’Ukraine le 24 février, la Russie a agressé nos valeurs les plus chères, consacrées notamment par la Charte des Nations unies. La première d’entre elles, puisqu’il faut encore le rappeler, est l’égalité souveraine de toutes les nations, grandes et petites. C’est aussi la défense de l’égalité du droit des peuples à disposer d’eux-mêmes qui doit unir la représentation nationale et tous ceux – en France et dans le monde – qui défendent l’idéal universel de la démocratie et de la paix.

    M. Jean-Paul Lecoq

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    Tout à fait !

    Mme Anne Genetet

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    Je pense ici aux communautés françaises d’Ukraine, mais aussi de Russie, qui vivent au plus près cette tragédie.
    Fraternité, je dis ton nom. Fraternité de la France, d’abord, lorsqu’elle décide de conduire l’une de ses plus larges opérations humanitaires en affrétant un bateau pour l’Ukraine transportant notamment des éléments d’un pont qui sera reconstruit par la France dans l’oblast de Tchernihiv.
    Fraternité de la France encore, lorsqu’elle envoie une nouvelle mission de gendarmes enquêteurs pour documenter les crimes commis à Izioum et à Kharkiv ; j’ai pu échanger avec eux et je salue leur très grande expertise. (Mme Stella Dupont applaudit.)
    Fraternité de notre parlement et de notre gouvernement, renouvelée lors des fréquentes visites effectuées en Ukraine et au gré des échanges entretenus avec nos amis ukrainiens.
    Fraternité de nos concitoyens, enfin, des Français établis en Ukraine, en Pologne, en Roumanie et jusqu’en Australie. Je les ai rencontrés : ils sont engagés corps et âme dans la solidarité avec les Ukrainiens. C’est de cela dont je peux témoigner.
    De mon récent déplacement en Ukraine avec la présidente de l’Assemblée, je choisis de retenir une image forte : celle de nos peuples unis, fraternels et solidaires, face à ce drame absolu.
    À nos élus et aux associations françaises présents sur le territoire de l’Ukraine, mais aussi de la Pologne et des autres pays limitrophes, contribuant à l’installation de dispositifs d’aide et d’hébergement, je dis merci !
    Au réseau culturel français et à nos alliances françaises – j’ai une pensée particulière pour celles de Kharkiv et de Zaporijjia, toutes deux ouvertes aujourd’hui : merci !
    À notre lycée Anne-de-Kiev, qui a rouvert ses portes en septembre, passant de 500 à 67 élèves seulement : merci !
    À notre lycée Alexandre-Dumas de Moscou : courage !
     
    Aux conseillers du commerce extérieur, à nos 160 entreprises encore présentes en Ukraine, dont beaucoup ont pu se mobiliser pour aider de multiples manières : merci !
    À nos journalistes, qui continuent d’effectuer un travail exceptionnel dans des conditions particulièrement difficiles, et à notre compatriote qui a payé de sa vie la nécessité d’informer de la réalité et de la vérité de cette guerre : merci !
    À nos diplomates qui agissent en première ligne, animés par l’indéfectible désir de rétablir la paix et de protéger nos concitoyens – et je veux ici saluer l’admirable Étienne de Poncins : merci !
    Oui, merci à eux tous de faire vivre notre devise ; merci à eux tous d’avoir fait de la sincérité de leur engagement le relais de nos valeurs.
    Au début du siècle dernier, le président Raymond Poincaré nous prévenait : « La paix est une création continue. » Alors permettez-moi, madame la présidente, de former le vœu que notre assemblée soit actrice de cette création, afin de soutenir, de reconstruire l’Ukraine et d’ouvrir la voie à la paix.
    Que vive l’Ukraine libre ! Vive la République, et vive la France. (Applaudissements sur les bancs des groupes RE et Dem. – M. Jean-Paul Lecoq applaudit également.)

    Mme la présidente

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    La parole est à M. Alexis Jolly.

    M. Alexis Jolly (RN)

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    La guerre frappe à la porte de l’Europe. L’accélération du conflit à l’Est et les derniers événements nous obligent à regarder la situation avec lucidité. Depuis la fin de la seconde guerre mondiale, l’Europe a déjà connu la guerre, lors du conflit en ex-Yougoslavie. Cet épisode tragique doit nous servir de piqûre de rappel.
    Alors, qu’est-ce que la guerre en Ukraine ? C’est d’abord et avant tout un conflit ayant trait au statut des populations russophones d’Ukraine. Par cette agression violente et sans précédent sur le territoire ukrainien, Moscou revendique la souveraineté sur ces populations, qui sont en rupture avec le gouvernement de Kiev, tandis que les puissances alliées soutiennent l’Ukraine, mais sans entrer dans une guerre ouverte qui risquerait de susciter une déflagration mondiale.
    À travers ce prisme, nous devons bien comprendre quels enjeux sont à l’œuvre. Les grandes tendances géopolitiques propres à chaque nation traversent les siècles et se prolongent dans ce conflit. En menant cette guerre et en annexant brutalement les régions de l’Est de l’Ukraine, la Russie cherche à rétablir par la force l’ancienne sphère d’influence de l’Union soviétique. C’est dans un tel contexte, si dangereux, que la France doit – aujourd’hui plus que jamais – défendre son rôle de médiatrice et de grande nation diplomatique.
    Chers collègues, la France est aujourd’hui affaiblie à l’échelle internationale parce qu’elle ne parle plus de sa propre voix et parce qu’elle a renoncé à ce qui faisait sa spécificité. Lorsqu’en 2003, le président Jacques Chirac avait refusé d’embarquer la France dans la guerre d’Irak, il avait fait le choix présidentiel le plus responsable et le plus juste de toute sa longue carrière politique.

    M. Charles Sitzenstuhl

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    Ça n’a rien à voir !

    M. Alexis Jolly

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    C’est ce choix de l’équilibre et de la troisième voie que doit faire la France pour retrouver sa place dans le concert des nations.
    La politique de sanctions sur les produits énergétiques n’a pas produit les fruits attendus. La Russie n’a pas renoncé et ses exportations de combustibles fossiles lui ont rapporté 158 milliards d’euros lors des premiers mois de la guerre. L’ensemble des puissances asiatiques, sud-américaines et africaines continuent de commercer de façon habituelle avec elle et, pire encore, nous sommes finalement les dindons de la farce dans ce jeu en triangle qui voit la Russie vendre ses hydrocarbures à d’autres pays, ceux-ci s’empressant ensuite de nous les revendre trois fois plus cher. (Applaudissements sur les bancs du groupe RN.)

    M. Benjamin Haddad

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    Mais non !

    Mme Catherine Colonna, ministre de l’Europe et des affaires étrangères

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    C’est faux !

    M. Alexis Jolly

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    De telles décisions affaiblissent les économies des pays d’Europe, et nous n’en sommes qu’au début ! Depuis des années, les Français subissent les conséquences de plus en plus dures de politiques incohérentes, inadaptées et contraires à leurs intérêts.
    Mesdames et messieurs les députés, vous ne voyez pas les souffrances effroyables qui sont infligées aux Français, ni celles – plus terribles encore – qui menacent de les toucher dans les prochaines semaines.

    M. Rémy Rebeyrotte

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    Honteux !

    Mme Caroline Abadie

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    Si Churchill avait dit ça !

    M. Alexis Jolly

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    Qu’allez-vous dire à nos concitoyens qui gèleront cet hiver ? Allez-vous leur expliquer qu’ils doivent mourir de froid uniquement pour le symbole ? (Protestations sur les bancs des groupes RE et Dem.)

    M. Rémy Rebeyrotte

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    Honteux, comme tout le reste !

    M. Alexis Jolly

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    Sur les bancs de la gauche, vous êtes également responsables de cette situation, parce que vous avez détruit notre autonomie énergétique en faisant disparaître le nucléaire.

    M. Rémy Rebeyrotte

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    Ah bon ?

    Mme Caroline Abadie

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    Les centrales marchent très bien !

    M. Alexis Jolly

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    Si nous nous retrouvons coincés aujourd’hui, c’est par votre faute, et si la France connaît demain un black-out et un effondrement industriel, vous en serez les premiers responsables. Croyez bien que nous, au Rassemblement national, nous saurons le dire aux Français ! (Applaudissements sur les bancs du groupe RN.)
    Quant à l’extrême centre, représenté ici par la non-majorité présidentielle, les Français se rappelleront que vous avez foncé tête baissée et appliqué une politique internationale de sanctions sur l’énergie aussi inutile que contraire à nos intérêts nationaux.

    Mme Caroline Abadie

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    Aux intérêts du Rassemblement national !

    M. Alexis Jolly

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    Sans obtenir aucun résultat sur le plan diplomatique, vous nous avez coupés de notre approvisionnement énergétique, après avoir organisé notre dépendance aux importations en soutenant, avec la gauche, le démantèlement de nos centrales nucléaires. (Applaudissements sur les bancs du groupe RN.)
    Je me suis rendu la semaine dernière sur le camp de Cincu, en Roumanie, qui sert de base avancée de l’Otan à l’Est. J’ai senti sur place les tensions et l’inquiétude, la crainte de voir la guerre s’étendre et dégénérer à court ou moyen terme. Je salue avec émotion nos soldats qui sont engagés sur ces théâtres d’opérations, pour contrer une menace susceptible de se transformer à tout moment en une catastrophe majeure pour l’Europe et pour le monde.
    Dans un contexte si tendu, nous ne devons avoir qu’un seul objectif : éviter l’extension d’un conflit dont les Français – à commencer par nos familles – ont tant à craindre. Il est temps de mettre un terme à l’escalade. L’heure est au dialogue réel et à l’apaisement, pour permettre à l’Ukraine et à la Russie d’en finir rapidement et de panser leurs blessures. (Applaudissements sur les bancs du groupe RN.)

    M. Jocelyn Dessigny

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    Bravo !

    Mme la présidente

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    La parole est à Mme Emmanuelle Ménard.

    Mme Emmanuelle Ménard (NI)

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    Nous sommes en guerre – par procuration, si j’ose dire, mais en guerre. Le peuple ukrainien se bat pour nous, meurt pour nous. Pour ces valeurs que nous mettons sans arrêt en avant, et qui prennent aujourd’hui le visage de ceux qui sont tués là-bas, à l’est de l’Ukraine.
    Tout, dans les mots et dans la rhétorique de Vladimir Poutine, nous renvoie aux années trente. Écoutez-le : il parle d’une Europe « dégénérée », fustige les homosexuels, nous accuse d’être « russophobes » et « colonialistes » ; il dénonce notre « satanisme » et flatte le pire des nationalismes. Son invasion de l’Ukraine nous rappelle l’annexion des Sudètes et de l’Autriche.

    M. Charles Sitzenstuhl

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    C’est vrai !

    Mme Emmanuelle Ménard

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    Il faut prendre le dictateur du Kremlin – utilisons les bons mots – au sérieux. Il dit ce qu’il va faire. Ce ne sont pas des rodomontades : il est capable d’utiliser l’arme nucléaire. « Les Américains ont créé un précédent », a-t-il averti. « Des armes nucléaires de faible puissance », précise Ramzan Kadyrov, le président tchétchène, l’allié le plus sanguinaire que l’on puisse trouver sur cette planète.

    M. Charles Sitzenstuhl

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    Un islamiste !

    Mme Emmanuelle Ménard

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    Et certains, ici, continuent à lui trouver des excuses, en renvoyant dos à dos la Russie et l’Occident ! Ils le font en votant contre ou en s’abstenant, à Bruxelles, quand il s’agit d’aider l’Ukraine, ou à Paris, quand la Finlande et la Suède frappent à la porte de l’Otan. Quelle indécence ! Les mêmes dénonçaient les va-t-en-guerre face à l’Allemagne nazie ! Décidément, ils n’apprendront rien. Par antiaméricanisme, ils sont prêts à tout : aux lâchetés, aux petitesses, aux abandons, au déshonneur.
    Soljénitsyne disait : « Dans la vie de chaque homme, il y a un événement qui le détermine tout entier, qui détermine aussi bien son destin que ses convictions et ses passions. » C’est la même chose pour les pays, pour les nations. Serons-nous à la hauteur de l’enjeu ? Sommes-nous capables des audaces, mais aussi des sacrifices que la situation exige ?
    Aujourd’hui, nous contribuons à aider militairement l’Ukraine, et nous avons raison. Le faisons-nous suffisamment ? Fournissons-nous tout le matériel nécessaire à l’heure où, sur le front, le rapport de forces semble s’inverser ? Je l’espère. N’oublions jamais les exactions et les horreurs que connaît la population ukrainienne, pas plus d’ailleurs que celles exercées par les mercenaires du groupe Wagner, contrôlé par Vladimir Poutine, ailleurs dans le monde. Elles ne pourront – elles ne devront – pas rester impunies.
    Le président Zelensky est le fer de lance d’une certaine idée de l’Europe, de la démocratie, de la liberté. Il est comme le Churchill de cette guerre, présent sur tous les fronts, incarnant la résistance, galvanisant ses hommes et son peuple. Il est la lance qui s’est dressée lorsque la Russie a envahi l’Ukraine, la lance qui a fait reculer l’armée russe, la lance qui donne toute sa fierté à ce peuple ukrainien dont Poutine allait jusqu’à nier l’existence.
    Faut-il durcir encore les sanctions ? Je réponds oui. Quant à ceux qui les jugent inefficaces et nous incitent à les suspendre, qu’ils aillent voir du côté de l’industrie automobile russe. Oui, il faut maintenir les sanctions et les accentuer, même si elles ont des conséquences négatives sur notre vie au jour le jour. Cela s’appelle l’effort de guerre ! (Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes RE et Dem.)
    Quant à ceux qui veulent nous faire croire que l’on peut aider l’Ukraine sans que cela ne coûte rien, ils nous mentent ! C’est le prix à payer pour la liberté, la liberté des peuples. Faisons seulement en sorte que ce prix soit le moins lourd possible pour les plus faibles, les plus démunis de nos concitoyens.
    Au fond, que découvrons-nous ? Que la guerre n’est pas l’apanage de quelques contrées éloignées. La guerre est là, à deux pas de chez nous, et oui, elle bouleverse nos habitudes, elle chamboule notre quotidien. Mais c’est si peu, à l’aune des malheurs qui frappent le peuple ukrainien ! Quelques degrés de moins à la maison ou au bureau ? Ce sera notre part du fardeau. (M. Max Mathiasin applaudit. – Exclamations sur les bancs du groupe RN.)

    M. Jimmy Pahun

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    Exactement !

    Mme Emmanuelle Ménard

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    Il y a des mots qui prennent tout leur sens aujourd’hui : ces mots que nous réservons habituellement aux discours prononcés au pied des monuments aux morts ; ces mots qui peuvent sembler quelque peu ronflants aux plus jeunes d’entre nous, qui n’ont jamais connu la guerre. Ce sont des mots de chair et de sang ; des mots qui vous font pleurer quand, sur la place de Tchortkiv, ville jumelle de Béziers, le maire appelle une à une ces femmes tout habillées de noir qui ont perdu un mari ou un fils. Pour elles, il nous faut soutenir de toutes nos forces les combattants ukrainiens. Les arguties de certains pour le refuser sont au mieux de la lâcheté, au pire de la trahison. (Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes RE, Dem et LIOT.)

    M. Jimmy Pahun

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    Bravo !

    Mme la présidente

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    La parole est à M. Hadrien Ghomi.

    M. Hadrien Ghomi (RE)

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    Pour commencer, permettez-moi de saluer le déplacement à Kiev de Mme la ministre de l’Europe et des affaires étrangères, Mme Colonna. Il symbolise encore une fois le fait que la France, comme elle le fait depuis le début de l’agression russe, se tient aux côtés de l’Ukraine. Comme vous l’avez indiqué, madame la ministre, « toutes les compétences de l’État français sont mobilisées » pour l’Ukraine, et ce « dans la durée, y compris dans la phase de reconstruction ».
    Sans m’appesantir sur la genèse du conflit ou sur ses derniers soubresauts, je tiens tout de même à marquer à nouveau notre opposition totale aux référendums fantoches organisés par Moscou et à l’annexion, contraire au droit international, des territoires ukrainiens occupés. (Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes RE et Dem.)
    C’est un fait, ce conflit bouleverse l’ordre géopolitique mondial. Avec inquiétude, nous voyons les régimes dictatoriaux se taire complaisamment devant les actions de la Russie, sans doute désireuse de substituer la loi du plus fort au respect du droit. Nous observons tous comment ce conflit alimente un choc énergétique et alimentaire d’une ampleur inédite et qui se répercute dans le quotidien de tous les Français.
    Pour paraphraser le Président de la République, je dirais que « les temps ont changé. Pour la première fois, l’énergie et la production agricole sont devenues des armes de guerre » dont sait parfaitement se servir la Russie.
    Dans le domaine de l’énergie, les prix de l’électricité ont connu une progression qui fait courir des risques à notre industrie et augmente la facture des foyers français. Cependant, disons-le clairement, la facture pour les ménages aurait été bien plus lourde sans les mesures prises pour protéger le pouvoir d’achat, et ce avant même le début du conflit, comme vous l’avez rappelé, madame la Première ministre.

    Mme Caroline Abadie

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    Eh oui !

    M. Hadrien Ghomi

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    Faut-il que certains – à l’intérieur et à l’extérieur de cet hémicycle – aient la mémoire courte pour ne pas se rappeler que nous avons institué le bouclier tarifaire dès la fin de l’année dernière ! Dès le mois de mars, voyant les effets de la guerre sur l’évolution du prix des matières premières, le Gouvernement a pris des mesures de soutien avec le plan de résilience économique et sociale. Cet été, nous avons voté ici des mesures d’urgence pour soutenir le pouvoir d’achat des Français.
    Nous avons aussi agi au niveau européen, notamment pour réduire la dépendance de l’Union européenne au gaz russe grâce au plan REPowerEU, sans sacrifier notre ambition d’atteindre la neutralité carbone en 2050.
    Le Président de la République et notre majorité manifestent leur ambition d’agir en faveur de la sécurisation de la production, notamment électrique, de la neutralité carbone et de la sobriété. Cette ambition s’incarne dans le projet de loi de finances pour 2023, qui contient des mesures pour aider les Français à rénover leur logement et à acheter des véhicules propres, et qui prévoit aussi l’accélération de la décarbonation de notre mix énergétique en soutenant les deux piliers que sont les énergies renouvelables et le nucléaire. Nous agissons pour protéger les Français et défendre notre souveraineté énergétique, mais aussi alimentaire.
    Si notre pays peut se targuer d’avoir de solides ressources alimentaires, qui le placent au septième rang des exportateurs mondiaux, d’autres se voient profondément déstabilisés par les conséquences du conflit ukrainien. Quarante-cinq pays, parmi les plus fragiles de la planète, importent au moins un tiers de leur blé d’Ukraine ou de Russie.
    Puissance à vocation internationale, la France ne peut rester sans agir et sans prêter main-forte à ses partenaires. Dès le mois de mars, le Président de la République a donc annoncé le lancement de l’initiative Farm, afin de lutter contre les pénuries. Cette initiative ambitieuse, organisée en concertation avec nos partenaires de l’Union européenne, du G7 et de l’Union africaine, permettra d’apaiser les tensions sur les marchés agricoles, d’assurer un accès à prix raisonnable aux denrées agricoles dans les pays les plus touchés et de renforcer durablement les capacités agricoles dans les pays les plus concernés. Sa dotation – près de 75 millions d’euros dans le projet de loi de finances pour 2023 – représente un signe concret de l’engagement de la France pour la sécurité alimentaire mondiale.
    Saluons également le lancement par le ministre de l’agriculture du processus d’élaboration du plan de souveraineté pour la filière fruits et légumes. Sécuriser notre production, c’est aussi prévenir les conflits géopolitiques qui pourraient notamment survenir lors de la répartition de nos surplus agricoles entre nos pays amis du pourtour méditerranéen.
    Tel est le grand défi des années à venir : garantir la souveraineté énergétique et alimentaire de la France et de l’Europe tout en assurant la transition écologique et la décarbonation de nos entreprises.
    Pour conclure, je dirais que, contrairement à ce que certains affirment ici, ce n’est qu’en Européens que nous pourrons reprendre en main notre destin productif et industriel. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe RE.)

    Mme la présidente

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    La parole est à M. Benjamin Haddad.

    M. Benjamin Haddad (RE)

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    Nous sommes réunis aujourd’hui pour débattre du soutien à l’Ukraine. Mais à travers l’Ukraine, c’est de la France que nous parlons : de son rôle dans le monde, de sa mission et de son intérêt national.
    Nous soutenons l’Ukraine, parce que la France est toujours grande quand elle est avec les nations qui luttent pour leur liberté. Le jeune capitaine de Gaulle le savait quand il combattait en 1920 aux côtés des troupes de Pilsudski pour l’indépendance de la Pologne face à l’URSS ; le général de Gaulle aussi qui, comme François Mitterrand, était avec nos alliés dans les grandes crises de Cuba ou des euromissiles.
    « L’Ukraine a toujours aspiré à être libre », disait Voltaire dans son Histoire de Charles XII – cette Ukraine qui a connu le génocide de l’Holodomor, les famines organisées par Staline sur son sol, cette Ukraine qui vota à 90 % pour son indépendance en 1991 et dont les jeunes sont morts pour le drapeau européen à Maïdan. Ces Ukrainiens se battent aujourd’hui pour leur liberté face à l’impérialisme.
    Nous soutenons l’Ukraine, parce que nous défendons notre sécurité et nos intérêts. Nous n’avons pas choisi cette guerre. Nous avons tenté de l’empêcher par la diplomatie. Le Président de la République n’a cessé de dialoguer avec les présidents Zelensky et Poutine : il a fait entendre la voix de la France quand tant d’autres avaient abandonné. C’est le président russe qui a tourné le dos à la diplomatie, choisi la guerre, puis l’escalade en mobilisant son peuple et en violant le droit, une fois de plus, avec l’annexion illégale de territoires.
    La seule façon d’arrêter cette guerre est d’aider l’Ukraine à se défendre, d’acculer la Russie pour mettre fin à l’agression, d’imposer un rapport de forces. Soyons clairs : si nous n’avions pas soutenu l’Ukraine, cette guerre aurait été plus meurtrière, plus longue et plus étendue sur l’ensemble du territoire ukrainien.
    Si nous cédions aux intimidations de Poutine, au chantage nucléaire, si nous imposions un arrêt des combats au moment où les Ukrainiens contre-attaquent, la paix et la stabilité arriveraient-elles comme par magie ? Ne soyons pas naïfs : la faiblesse invite à l’agression. Imaginez un cessez-le-feu avec reconnaissance des annexions : le régime de Poutine prendrait le temps de réarmer, profiterait de la levée des sanctions pour se refaire et lancer une nouvelle attaque contre Kiev.
    Poutine ne conteste pas l’élargissement de l’Otan ou le statut du Donbass, mais l’existence même de l’Ukraine. Pour s’en convaincre, il suffit de le lire et de l’écouter. L’histoire nous apprend d’ailleurs que la paix ne vient jamais avec la soumission à l’agression.
    Pourtant, les voix de la défaite s’élèvent. Ce sont toujours les mêmes : une colonne de capitulards prêts à se coucher devant la force. Ce qui les dérange, c’est que les démocraties libérales résistent, tiennent. Pendant des années, ils ont répété avec Poutine et Orban qu’elles étaient faibles, exsangues et décadentes. Ils espéraient que l’Ukraine s’effondrerait et que les Européens se diviseraient. Ils sont fidèles à ceux qui les ont précédés. « Pourquoi se battre pour un petit pays si lointain dont nous savons si peu ? » se demandent-ils comme Neville Chamberlain à Munich. « Mourir pour Dantzig, non ! » s’exclament-ils comme Marcel Déat en 1938.
    Si nous les avions écoutés, nous serions actuellement les alliés de la Russie. Si nous les avions écoutés, nous serions sortis du commandement militaire intégré de l’Otan et nos alliés prendraient sans nous des décisions majeures concernant cette guerre. Est-ce cela, être souverain ? Si nous les avions écoutés, nous n’aurions pas élargi l’Otan, laissant plus de nations – comme les pays baltes – en proie à l’agression.
    Si nous les avions écoutés, nous n’aurions pas livré d’armes, puisque la défaite de l’Ukraine était inéluctable et que nous ne devions pas devenir cobelligérants, comme ils aimaient à le répéter. Sept mois plus tard, nous ne sommes pas cobelligérants : pas un soldat français ne combat la Russie, et l’Ukraine se défend, contre-attaque et reprend du terrain. C’est l’honneur de la France d’aider les Ukrainiens à se défendre en livrant des armes, notamment des canons Caesar, et en formant les soldats ukrainiens. C’est l’honneur de la France de prendre ses responsabilités de nation-cadre en déployant des soldats en Roumanie aux côtés de nos alliés.

    Mme Anne Genetet

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    Absolument !

    M. Benjamin Haddad

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    Ils se sont toujours trompés, à tous les tournants. Si nous les avions écoutés, notre continent serait plus dangereux, notre pays serait isolé et les Ukrainiens seraient abandonnés et assassinés.
    Alors, il faut tenir. La guerre n’est pas finie. L’hiver sera dur, a prévenu le Président de la République. Notre stratégie fonctionne, mais quand l’histoire est tragique, les dénouements faciles et rapides n’existent pas. Restons calmes. Gardons notre sang-froid. En difficulté sur le terrain, la Russie voudra nous diviser, nous voir céder au chantage, elle redoublera de manipulations et aura chez nous ses relais qui instrumentaliseront les peurs des Français.
    La France doit continuer d’incarner sa voix pour la sécurité du continent. Les prochains mois vont être décisifs. Face au retour de la guerre, montrons aux Ukrainiens, aux Européens et au monde que la France tient son rang et assume sa puissance, qu’elle guide l’Europe dans ce moment de crise.
    Livrons plus d’armes à l’Ukraine pour qu’elle se défende, reprenne son territoire et gagne la guerre. Livrons-lui plus d’armes pour dire à la Russie et au monde que l’agression ne paie jamais. Livrons-lui plus d’armes pour que nos frères européens, polonais, lituaniens, estoniens ou roumains sachent que la France est toujours avec eux, que l’Europe se protège et les protège face aux menaces à nos frontières.
    Chaque jour, les Ukrainiens meurent pour la liberté de l’Europe. Nous serons à la hauteur de leur sacrifice : nous ne faillirons pas, nous tiendrons. (Applaudissements sur les bancs des groupes RE et HOR.)

    Mme la présidente

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    La parole est à Mme Constance Le Grip.

    Mme Constance Le Grip (RE)

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    Notre assemblée commence cette session automnale par un acte politique fort : un débat sur l’Ukraine, voulu par les députés de la majorité présidentielle. Nous avons voulu ainsi réaffirmer haut et fort notre soutien et notre solidarité totale à ce pays agressé, notre engagement sans faille à ses côtés. L’Ukraine est un pays libre, indépendant, au destin européen, dont la souveraineté et l’intégrité territoriale ont été violées par l’armée russe au service du régime de Vladimir Poutine.
    Notre débat se déroule quelques jours après l’annexion illégale de quatre oblasts ukrainiens – Donetsk, Louhansk, Zaporijjia et Kherson – et un discours du président russe que je décrirais comme à charge, violemment belliqueux, anti-Occident, aux relents souvent nauséabonds.

    Mme Stella Dupont

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    Tout à fait !

    Mme Constance Le Grip

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    Au même moment, les forces armées russes connaissent des déconvenues sévères sur le terrain. Elles reculent et battent en retraite, notamment depuis la reprise de la ville stratégique de Lyman par les valeureuses troupes ukrainiennes. D’aucuns commencent même à envisager un début de débâcle. Nous sommes donc à un moment important de cette guerre cruelle menée en Ukraine par l’armée russe, et les semaines à venir seront décisives.
    Dès le 24 février, l’Union européenne s’est montrée unie pour condamner sévèrement cette agression brutale et déterminée à prendre de lourdes mesures de rétorsion à l’encontre de la Russie. Pas moins de sept trains de sanctions ont été pris, la plupart sous la présidence française du Conseil de l’Union européenne.
    Citons l’embargo sur l’essentiel du pétrole et du charbon russes, l’exclusion de nombreuses banques russes du système Swift, le gel des avoirs de la banque centrale russe en dehors de la Russie, le gel des avoirs de très nombreux oligarques et de Vladimir Poutine, la fermeture de l’espace aérien européen, de nos ports et de nos routes, l’interdiction des ventes d’avions et d’équipements, l’accès très strictement limité à certaines technologies industrielles sensibles, l’interdiction de diffusion dans l’Union européenne des « médias » Russia Today et Sputnik, considérés comme des organes de propagande du Kremlin.
    Un huitième train de sanctions est en cours de discussion, en réponse aux référendums fictifs, fantoches, et à la menace des dirigeants russes d’utiliser certaines armes nucléaires.
    Ces sanctions ont un coût, un prix pour nos concitoyens, pour les Européens, pour les habitants d’un très grand nombre de pays. Dans le monde, mais aussi chez nous, les conséquences de cette guerre se font sentir durement – et même parfois dramatiquement – sur les plans énergétique, économique et alimentaire.
    Cependant, ne nous y trompons pas : les sanctions produisent leurs effets en Russie. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe RE.) On constate des pénuries généralisées d’approvisionnement et l’effondrement de nombreuses productions industrielles. Le départ des entreprises internationales a entraîné des faillites en cascade parmi les entreprises russes. Le PIB russe a reculé de 6 %. Le mythe d’une économie russe résiliente s’est évanoui. (M. Charles Sitzenstuhl applaudit.)
    Ensuite, nous ne devons pas confondre les causes et les conséquences. Qui peut encore défendre l’idée que l’invasion de l’Ukraine par la Russie ne justifie aucune sanction, aussi éprouvantes que puissent être les sanctions pour nos populations ?
    En envahissant l’Ukraine, en y poursuivant sa guerre cruelle, la Russie, membre permanent du Conseil de sécurité des Nations unies, met en cause les principes les plus fondamentaux de l’ordre international, viole la Charte des Nations unies et, de ce fait, méconnaît totalement sa responsabilité historique.
    Elle nourrit la logique de conflictualité et de confrontation, accentue la fragmentation du monde et aggrave partout la menace contre la paix.
    Il n’y a pas de paix sans justice. Le chef de l’État français l’a rappelé à la tribune de l’Assemblée générale des Nations unies. Je conclurai donc en rappelant l’engagement sans faille de la France – et plus particulièrement, je le sais, de Mme Catherine Colonna, notre ministre de l’Europe et des affaires étrangères – dans la lutte contre l’impunité. Notre pays apporte un appui constant aux enquêtes menées en Ukraine, y dépêche du personnel, y consacre des moyens, mobilise des enquêteurs parfaitement spécialisés. C’est là une notion très importante, et même essentielle : pas de paix sans justice. Nous le devons à l’Ukraine – une Ukraine libre, indépendante et européenne – et à la paix dans le monde. (Applaudissements sur les bancs du groupe RE. – M. Vincent Bru applaudit également.)

    Mme la présidente

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    La parole est à M. Nicolas Metzdorf.

    M. Nicolas Metzdorf (RE)

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    « Et maintenant, messieurs, pourquoi avons-nous réussi à arrêter la guerre, au moment même où elle semblait prête à se déchaîner ? […] Parce que nous avons négocié comme des hommes pour lesquels la négociation n’était pas seulement une phase inévitable de ce grand drame international, mais le véritable chemin de la paix ». Il y a quatre-vingt-quatre ans, en 1938, à cette place, dans cette assemblée, Édouard Daladier prononçait ces mots qui résonnent tragiquement dans l’histoire. Il rentrait de Munich où, en guise de négociation, il avait avalisé le découpage de la Tchécoslovaquie. Il pensait avoir sauvé la paix et l’honneur, mais bientôt l’Europe allait de nouveau s’effondrer.
    Ce rappel des heures les plus sombres de notre histoire et cette comparaison avec la situation que nous vivons actuellement ne sont pas fortuits. Nous devons en tirer les leçons, à savoir qu’il n’y a de paix possible que lorsque l’agresseur n’a plus d’autre choix que de se soumettre.
    Depuis le 24 février, la France apporte son soutien indéfectible à l’Ukraine et aux Ukrainiens. Ce soutien qui nous honore tous est plus que jamais nécessaire, maintenant que, sans vergogne et au mépris de toutes les conventions internationales et des valeurs humaines, Poutine pense pouvoir annexer les territoires d’une nation souveraine. Le soutien de la France permet à l’Ukraine de tenir et de résister à l’agression, engrangeant des succès qui montrent le courage et la détermination de tout un peuple.
    Mais surtout, il s’est aussi levé en France une armée de l’ombre – une force silencieuse que l’on n’entend ni ne voit. Cette force citoyenne s’est mobilisée pour aider, pour accueillir et pour soutenir celles et ceux qui ont fui la guerre et leur pays. (M. Rémy Rebeyrotte et M. Charles Sitzenstuhl applaudissent.) Jamais l’hébergement citoyen ne s’était autant manifesté en France que ces derniers mois. Dans cette crise sans précédent, une telle réaction fait aussi notre honneur et mérite d’être soulignée. Cette mobilisation a permis d’accueillir avec humanité plus de 100 000 Ukrainiens sur notre sol – et le chiffre croît chaque jour.
    N’oublions pas la mobilisation des services de l’État, qui a permis de scolariser plus de 18 000 enfants dans l’école de la République. Quatre-vingts pour cent des réfugiés sont des femmes ayant fui avec leurs enfants. Que nous disent-elles, ces mères qui ont tout quitté ? En réalité, peu de choses. Mais la plupart, avec une tragique pudeur qui masque leur tristesse, confient que leur mari est mort, que leur frère a disparu ou que leur fils se bat encore.
    Depuis la fin de l’hiver dernier, les élus, les fonctionnaires, les associations et surtout les citoyens se sont levés pour subvenir aux besoins de ce peuple en souffrance qui trouve sur notre sol une part de réconfort et d’espoir. Ces Français, j’ai pu les rencontrer au cours de ces derniers mois en tant que rapporteur pour avis sur la mission Immigration, asile et intégration du projet de loi de finances pour 2023. Je les salue. Surtout, je les remercie pour leur engagement et pour le courage dont ils font preuve au quotidien.
    « La France n’a jamais été plus grande que lorsqu’elle combattait pour les autres », disait Malraux.

    M. Jean-Paul Lecoq

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    Pour tous !

    M. Nicolas Metzdorf

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    Elle est grande aujourd’hui. Résister à Poutine, ce n’est pas seulement repousser l’armée russe, c’est aussi protéger l’Europe. C’est permettre aux Ukrainiens réfugiés sur les sols européens – sur le nôtre en particulier – de garder leur dignité et l’espoir de retrouver un jour leur foyer. Il nous appartient donc désormais à nous, membres de la représentation nationale, d’être à la hauteur du peuple français.
    Personne ici ne se fait d’illusion sur les desseins de Vladimir Poutine, sur ses ambitions folles de construire une Grande Russie ni sur sa volonté de détruire l’Occident, ce que nous incarnons et les valeurs humanistes des Lumières que nous défendons. Face à ce péril, il n’y a qu’une seule chose à faire : faire bloc – pour l’Ukraine, pour la France, pour l’Europe et pour le monde. Je sais pouvoir compter sur vous, car sur ces bancs, c’est aussi la France de Malraux qui siège. (Applaudissements sur les bancs des groupes RE et Dem.)

    Mme Stella Dupont

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    Bravo !

    Mme la présidente

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    La parole est à M. Charles Sitzenstuhl.

    M. Charles Sitzenstuhl (RE)

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    Ce débat relatif aux conséquences pour la France de la guerre en Ukraine est l’occasion de nous interroger sur notre débat démocratique. Comme nombre de Français, je m’interroge depuis longtemps sur ces femmes et ces hommes politiques, dont certains siègent parmi nous, qui se disent patriotes et défenseurs de l’indépendance nationale alors qu’ils prêchent depuis des années un catéchisme étranger conçu au Kremlin et déclarent sans aucune retenue leur admiration pour un chef d’État étranger, Vladimir Poutine, dirigeant d’un régime autoritaire, belliciste et antieuropéen, dirigeant qui souhaite affaiblir nos démocraties par la force et la subversion.

    M. Thomas Ménagé

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    Vous tournez en rond !

    M. Frédéric Cabrolier

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    Et la commission d’enquête que nous avons demandée, vous l’acceptez ?

    M. Charles Sitzenstuhl

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    C’est bien, ils se reconnaissent d’eux-mêmes : nul besoin de les nommer ! (Applaudissements sur quelques bancs du groupe RE.)
    Cette si longue complicité idéologique de l’extrême droite avec le pouvoir russe interpelle. Pourquoi tant d’éblouissement pour le régime poutinien ? Pourquoi tant de haine contre notre modèle démocratique européen ?

    M. Thomas Ménagé

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    Simple diffamation !

    M. Charles Sitzenstuhl

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    Pourquoi passer son temps à vomir sur la diplomatie française et sur la politique étrangère française,…

    M. Kévin Mauvieux

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    Je ne sais pas, expliquez-nous !

    M. Charles Sitzenstuhl

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    …à remettre en cause les positions du chef de l’État français et à critiquer les décisions du Conseil européen tout en se montrant toujours si clément, si compréhensif, si bienveillant avec Moscou ?
    Même si nous le savons tous, il faut le redire : un parti politique – le Front national, devenu Rassemblement national – et ses deux présidents successifs, Jean-Marie Le Pen et Marine Le Pen, ont été pendant des années les promoteurs du régime russe en France. Qui se pavanait à Moscou dans les années 1990 et 2000 avec des leaders nationalistes russes proches du Kremlin ? M. Le Pen. (Murmures sur quelques bancs du groupe RN.) Qui déclarait en 2011 dans la presse russe : « […] j’admire Vladimir Poutine. […] Je ne peux qu’être inquiète quand je vois que notre président – il s’agissait à l’époque de Nicolas Sarkozy – tourne le dos à la Russie » ? Mme Le Pen.

    M. Kévin Mauvieux

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    Qui s’est baladé à Brégançon en maillot de bain ?

    M. Charles Sitzenstuhl

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    Qui a écrit dans son livre en 2012 : « […] notre intérêt national est de renouer l’alliance traditionnelle avec la Russie pour contrebalancer l’impérialisme exacerbé d’une Amérique […] cherchant à obtenir l’endiguement de cette puissance renaissante » que serait la Russie ? Mme Le Pen. Et puisque Mme Ménard a fait référence tout à l’heure aux années 1930, je me demande d’ailleurs, quant à moi, de quelle « alliance traditionnelle avec la Russie » il est question. Où était cette alliance traditionnelle lorsque les Russes s’entendirent avec l’Allemagne nazie pour la laisser envahir notre pays en 1940 ? De quelle alliance traditionnelle avec la Russie s’agissait-il quand l’URSS, que Vladimir Poutine regrette tant, a bâti le pacte de Varsovie pour faire face à notre alliance, l’Otan, dont nous sommes un pays fondateur ?
    Qui a reconnu l’annexion illégale de la Crimée par la Russie en 2014 ? M. et Mme Le Pen. Qui a dit en 2015 après l’assassinat de Boris Nemtsov : « J’ai confiance en la justice russe […] » ? Mme Le Pen. Qui a déclaré en février 2017 : « Mais il n’y a pas eu d’invasion de la Crimée » ? Mme Le Pen.

    M. Thomas Ménagé

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    Qui a accueilli Vladimir Poutine en grande pompe à Versailles ? Emmanuel Macron !

    M. Charles Sitzenstuhl

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    Qui a été reçu par Vladimir Poutine, au Kremlin, en tête-à-tête, en mars 2017, en pleine élection présidentielle, et y a présenté son « point de vue sur l’Ukraine qui coïncide avec celui de la Russie » ? Mme Le Pen. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe RE.) Quel génie, enfin, a affirmé en février 2022 : « Je ne crois pas à une invasion russe en Ukraine » ? Mme Le Pen.
    Je pourrais continuer ainsi, pendant des heures, à passer en revue toutes les références du catéchisme russo-lepéniste – il y en a tellement ! Le RN pourra nier, éluder, se contorsionner, enfumer les débats par des prises de position hypocrites, faire semblant de pleurer sur le sort de l’Ukraine comme ses représentants l’ont fait aujourd’hui,…

    M. Thomas Ménagé

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    C’est vous qui faites cela !

    M. Charles Sitzenstuhl

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    …il pourra essayer de faire oublier ses turpitudes, mais nous serons toujours là pour rappeler sa si longue et aveugle soumission à la Russie poutinienne. Nous ne laisserons pas le président intérimaire du Rassemblement national proférer des menaces publiques contre les personnes qui oseraient rappeler ses années de collaboration idéologique avec la Russie, si largement documentées par la presse et les journalistes français. Ce qui se joue en Ukraine est bien trop grave pour l’avenir du continent européen pour que nous nous taisions.

    M. Kévin Mauvieux

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    Ouvrez une commission d’enquête, si vous êtes si sûr de vous !

    M. Charles Sitzenstuhl

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    Le président russe a envahi l’Ukraine, mais chacun sait que c’est bien sur tout l’Occident démocratique qu’il a placé une cible. Nous continuerons à démasquer les faux patriotes et les hypocrites.

    M. Kévin Mauvieux

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    Avec une commission d’enquête !

    M. Charles Sitzenstuhl

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    Nous serons aux côtés des Ukrainiens, aux côtés des alliés et des amis véritables de l’Ukraine, et aussi aux côtés des Russes qui réprouvent l’entreprise guerrière menée par le régime de Moscou.
    Chers collègues, soyons fiers de notre modèle démocratique européen. C’est ce modèle qui inspire les soldats ukrainiens qui se battent pour leur patrie et pour notre liberté collective. (Applaudissements sur les bancs des groupes RE, Dem et HOR, ainsi que sur quelques bancs du groupe SOC.)

    Mme la présidente

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    La parole est à M. le président de la commission des affaires étrangères.

    M. Jean-Louis Bourlanges, président de la commission des affaires étrangères

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    « Le premier qui se réveille réveille les autres », disent les enfants. Les premiers à être réveillés ont été les Ukrainiens. Ils savaient depuis longtemps – en tout cas depuis 2014 – ce que nous voulions ignorer depuis plus longtemps encore, à savoir que les puissances occidentales n’avaient pas vraiment gagné la guerre froide, même si l’Union soviétique l’avait clairement perdue. Nos amis, nos frères d’Ukraine ont éprouvé dans leur cœur et dans leur chair ce que nous avons longtemps, obstinément, inconsidérément refusé de voir : nos triomphes apparents des années 1990 n’avaient assuré durablement et universellement ni la souveraineté des peuples, ni la démocratisation des États, ni la liberté des consciences, des opinions et des mouvements. L’invasion arbitraire, injustifiée et terriblement meurtrière de la libre Ukraine par une puissance impérialiste et cleptocratique l’a tragiquement montré.
    Les souffrances et les victoires de l’Ukraine nous confirment désormais dans une conviction que les Français ont été trop longtemps les seuls à professer dans l’Union européenne. Cette conviction, c’est celle qui veut que l’Europe, ses valeurs, ses intérêts, sa culture et ses lois ne pourront survivre dans le monde qui nous attend si les Européens continuent de faire de leur Union une entité simultanément marchande et éthérée – « naïve », a dit le Président de la République –, étrangère en tout état de cause à toute logique de puissance. Nous autres Français avons de longue date pensé que l’universalisme de nos valeurs ne pouvait nous dispenser de l’obligation d’inscrire notre projet dans un territoire particulier, fragile et menacé, ce « petit cap du continent asiatique » décrit par Paul Valéry, que personne ne défendra durablement s’il ne se défend pas lui-même.

    M. Jean-Louis Bourlanges

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    Nous avons passionnément voulu donner une dimension géopolitique au projet européen, ajouter la force au droit, la réciprocité à l’exemplarité, les intérêts aux valeurs, l’ambition à l’apostolat, la défense et la diffusion d’une culture à la promotion de l’humanisme.
    Les Ukrainiens nous ont réveillés. Ils nous disent, par l’invasion qu’ils ont subie, par la résistance qu’ils lui ont opposée, par les souffrances assumées, par les deuils accumulés, où est notre devoir, ce qu’est notre mission, quelles sont nos responsabilités. En défendant sa souveraineté, ses libertés et sa démocratie, l’Ukraine défend notre souveraineté, nos libertés et nos démocraties. En aidant l’Ukraine à se défendre, les Ukrainiens défendent l’Europe.
    Nous avons pu mesurer, aux côtés de la présidente de notre Assemblée, la détermination du président Zelensky et, derrière lui, celle de tout un peuple, inventif, mobilisé, actif et entreprenant, impavide devant les provocations, les référendums bidon, les mascarades cérémonielles qui visent au sublime et ne rencontrent que le grotesque.
    Nous devons être à la hauteur des responsabilités que nous impose la situation. Nous sommes à la veille de grandes épreuves. Si les Ukrainiens se voient imposer des sacrifices, les Russes n’ont pas besoin de recourir à l’arme nucléaire pour nous atteindre, nous aussi, dans notre confort et dans notre relative quiétude. On ne sort pas vainqueur d’une telle épreuve sans force d’âme, sans énergie, sans rejet des divisions.
    Bien sûr, nous avons aussi un devoir de sagesse, le souci d’éviter la généralisation de la guerre et le dérapage vers l’usage des armes de destruction massive, la volonté de préserver les chances de la paix. Le monde peut compter sur nous pour travailler, dès que ce sera possible – et avec qui ce sera possible – au rétablissement de la paix mais l’issue du conflit passera par le respect scrupuleux de la souveraineté de l’Ukraine, l’établissement de garanties de sécurité sérieuses et crédibles et la reconstruction d’un pays martyr. (M. Jimmy Pahun applaudit.)
    Aujourd’hui, l’heure est à la solidarité inconditionnelle avec le peuple ukrainien. Mais que serait notre solidarité, sinon une abjecte hypocrisie, si nous n’apportions pas aux Ukrainiens les moyens de se défendre et de vivre ? Il n’y a pas d’amour sans preuve d’amour. Il n’y a pas de solidarité sans preuve de solidarité. L’Europe est, pour la première fois depuis la fin de la seconde guerre mondiale, confrontée à une responsabilité historique majeure. Ensemble, relevons ce grand défi. Il y va de notre avenir à tous. Que vive l’Ukraine, que vive la France, que vive l’Europe. (Vifs applaudissements sur les bancs des groupes Dem, RE, HOR, Écolo-NUPES et LIOT.)

    Mme la présidente

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    La parole est à M. le président de la commission de la défense nationale et des forces armées.

    M. Thomas Gassilloud, président de la commission de la défense nationale et des forces armées

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    Je voudrais tout d’abord saluer la plupart des orateurs qui se sont exprimés avant moi, avec beaucoup de compétence et de profondeur, notamment le président Bourlanges, dans le cadre de ce débat relatif à la guerre en Ukraine et à ses conséquences pour la France.
    Ensuite, je tiens à remercier la présidente de l’Assemblée nationale qui, la semaine dernière, a mené une délégation, composée de six parlementaires, dont trois présidents de commission – M. Bourlanges, M. Anglade et moi-même –, en Pologne et en Ukraine. Ce déplacement s’est révélé très utile en vue de l’organisation d’un débat de qualité.
    Voici à présent un aperçu de la situation opérationnelle sur place. Après l’échec de l’attaque russe en février, la guerre s’installe dans la durée. À l’Ukraine fragilisée que nous avons connue se substitue progressivement une Ukraine fortifiée par le soutien occidental mais aussi et surtout par son propre peuple qui se montre admirable de courage, de ténacité et de résilience.
    Cependant, soyons prudents, Tout reste encore possible, et il y a en particulier des risques d’escalade. Au-delà de l’Ukraine, nous devons tous être conscients que cette guerre représente un risque pour le monde. Nous observons les prémices d’une guerre hybride généralisée dans tous les champs possibles de conflictualité : espace, information, alimentation, énergie, cyberespace. Résister à la loi du plus fort, ce n’est pas être un va-t-en-guerre mais comprendre que pour sauver la paix il faut parfois assumer le coût de la guerre.
    C’est pourquoi, nous pouvons nous honorer que, depuis le déclenchement du conflit, la France ait été au rendez-vous de ses responsabilités. Présidente du Conseil de l’Union européenne durant le premier semestre 2022, la France a contribué puissamment à la mobilisation européenne, qui s’est traduite par l’utilisation massive de la facilité européenne pour la paix et par des sanctions historiques contre la Russie. La France a démontré sa solidarité stratégique à travers une aide militaire directe apportée à l’Ukraine, en lui cédant d’importants équipements, mais aussi indirectement, en déployant des forces sur le flanc oriental de l’Union européenne dans le cadre de l’Otan. La commission de la défense nationale et des forces armées s’est d’ailleurs rendue sur le terrain dès le mois de juillet, aussi bien en Roumanie qu’en Estonie, pour le constater.
    Mais nous devons également être conscients du fait que le soutien à l’Ukraine dévoile certaines de nos fragilités. En livrant par exemple dix-huit canons Caesar – ce qui reste modeste à l’échelle du conflit –, nous avons cédé près du quart de notre artillerie. Même si l’armée française est probablement la meilleure d’Europe, nos démocraties européennes sont de moins en moins capables de soutenir une guerre de haute intensité. Le conflit ukrainien démontre cruellement que, comme nous l’avions anticipé en 2017, nous avons changé d’époque et qu’il faut continuer à nous adapter, plus rapidement.
    Pour assumer sa part de responsabilité, la commission de la défense nationale et des forces armées s’est fixé trois grands objectifs.
    Premièrement, il faut contribuer activement à ce que notre pays fasse les meilleurs choix pour son outil de défense. Les choix opérés lors du dernier quinquennat, marqué par une loi de programmation historique et respectée à l’euro près, ont permis d’engager une phase de réparation de nos armées. Alors que le projet de loi de finances pour 2023 prévoit une hausse de 3 milliards d’euros, la future loi de programmation militaire 2024-2030 sera déterminante pour renforcer nos capacités militaires.
    Je signale qu’une audition du ministre des armées, accompagné exceptionnellement de l’ensemble de ses chefs d’état-major, se tiendra ce mercredi à seize heures en salle Lamartine où vous êtes tous les bienvenus si vous souhaitez mieux appréhender ces questions.
    Deuxièmement, au-delà des choix capacitaires opérés dans le cadre des lois de programmation militaire, nous souhaitons, au sein de la commission, faire en sorte que la défense redevienne pleinement l’affaire de tous, car il n’existe aucune défense militaire efficace sans une mobilisation de l’ensemble des forces vives de la nation. L’Ukraine en est un puissant exemple. La société française doit réapprendre la défense globale, concept défini dans les années 1950, qui repose sur le travail interministériel, l’engagement des citoyens et la résilience nationale. À cet égard, le service national universel constitue un projet majeur pour notre pays.
    Enfin, la commission s’engage à mettre la diplomatie parlementaire au service des intérêts de notre défense. Nous chercherons la convergence des cultures stratégiques afin de permettre l’émergence d’une Europe puissance, pleinement articulée avec l’Otan, sans oublier nos partenaires en Afrique ni ceux de la zone indo-pacifique.
    Au-delà de l’enjeu Ukrainien, la dangerosité du monde nous impose de construire le modèle de défense français et européen de demain. Ensemble, nous serons au rendez-vous de l’histoire. (Applaudissements sur les bancs des groupes RE, Dem et sur plusieurs bancs du groupe HOR.)

    Mme la présidente

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    La parole est à M. le président de la commission des affaires européennes.

    M. Pieyre-Alexandre Anglade, président de la commission des affaires européennes

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    Comme certains collègues qui se sont exprimés avant moi, je reviens d’Ukraine. Comme eux, j’ai vu de mes yeux l’horreur de cette guerre. Comme eux, j’ai admiré le courage et la force d’âme du peuple ukrainien et de ses plus hauts responsables politiques.
    Nous avons rencontré ensemble le cœur battant de la résistance ukrainienne, le président Zelensky et ceux qui l’entourent, des femmes et des hommes qui, dès les premières heures de la guerre, étaient les cibles principales de Vladimir Poutine et qui auraient pu fuir mille fois mais qui ont fait le choix de rester aux côtés de leur peuple et de résister.
    Lors de notre entretien avec le président Zelensky, il nous a remerciés pour le soutien actif qu’apporte d’ores et déjà la France à l’Ukraine mais il a aussi formulé plusieurs requêtes. Il nous a en particulier demandé de dire la vérité sur ce que nous avons vu et entendu. Voici donc la ou plutôt les vérités dont je souhaite témoigner aujourd’hui.
    En Ukraine, la Russie de Vladimir Poutine ne se comporte plus comme une nation civilisée mais comme un État voyou menant une guerre d’une violence inouïe, niant tous les principes humanitaires. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe RE.) Partout où l’armée russe passe, elle sème la désolation, la souffrance et la mort, frappant en priorité les infrastructures civiles : les écoles, les hôpitaux et les habitations sont visés. Les soudards, les hommes de main – parce que l’on ne peut plus les appeler, à proprement parler, des soldats – qui la composent pillent, pratiquent la torture, violent femmes et enfants, assassinent sans raison, organisent les enlèvements d’enfants.
    La vérité c’est qu’Izioum, Marioupol et Boutcha ne sont malheureusement que des théâtres d’atrocités parmi bien d’autres et que, dans chacun des villages libérés, on trouve des salles de torture. La question ne se pose même plus de savoir s’il y a eu ou non des crimes de guerre. Il y a pléthore de ces crimes. Mais les mots décrivant l’horreur ne peuvent suffire. Je veux vous dire à quel point il est important que nous restions mobilisés, que la France et l’Europe restent mobilisées dans leur soutien à l’Ukraine.
    Ce soutien est d’autant plus nécessaire que la volonté de puissance du président russe ne semble plus connaître de limite. Car qui peut croire, après son dernier discours transpirant la haine à l’égard de l’Occident, qu’il limitera ses velléités impérialistes à l’Ukraine ? En organisant des simulacres de référendums, en laissant planer la menace nucléaire, la Russie a franchi une étape supérieure dans sa volonté de semer la terreur et de s’emparer, par la force, de territoires qui ne lui appartiennent pas.
    Mais ne nous y trompons pas. Cette annexion en grande pompe et ces menaces ne font que révéler l’échec du projet de Vladimir Poutine sur le terrain et sur le théâtre du monde (Applaudissements sur quelques bancs du groupe RE) car la Russie est de plus en plus affaiblie et isolée. Preuve, s’il en fallait, que les livraisons d’armes permettent aux Ukrainiens, non seulement de résister mais de contre-attaquer et de gagner des batailles. (M. Benjamin Haddad applaudit.) Preuve que les sanctions européennes affaiblissent considérablement l’effort de guerre russe.
    Quelle sera l’issue de cette guerre odieuse ? Nul ne le sait encore mais je reviens de notre déplacement avec une conviction forte : l’Ukraine peut gagner cette guerre, elle en a la détermination absolue et le courage. C’est la raison pour laquelle il est nécessaire qu’avec nos partenaires européens, nous poursuivions les livraisons d’armes et les sanctions. En outre, chez nous, il faut opposer un front uni en faveur de l’Ukraine, sans rien céder aux valets de Poutine qui, jusqu’au sein de cet hémicycle, se font les relais honteux de sa propagande ou qui le soutiennent sans le dire, ce qui est pire encore.
    La France, avec ses partenaires européens, a eu raison d’opter pour le soutien à l’Ukraine. Si nous avions écouté Marine Le Pen et Jean-Luc Mélenchon qui, en février dernier, main dans la main, refusaient ce soutien, les Russes seraient à Kiev depuis longtemps.

    Mme Élisa Martin

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    Oh là là !

    M. Pieyre-Alexandre Anglade, président de la commission des affaires européennes

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    Lorsque nous entendons, cet après-midi encore, les représentants du Rassemblement national et de La France insoumise réécrire l’histoire de cette guerre, inverser les responsabilités pour dédouaner Vladimir Poutine, on ne peut qu’éprouver un sentiment de honte et se réjouir qu’ils ne soient pas aux responsabilités. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe RE.)

    Mme Élisa Martin

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    Il faut apprendre à écouter !

    M. Pieyre-Alexandre Anglade, président de la commission des affaires européennes

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    S’opposer aux livraisons d’armes, lever les sanctions comme ils le demandent, ce n’est pas favoriser la paix.

    Mme Mathilde Panot

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    C’est insupportable !

    Mme Élisa Martin

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    Vous n’avez vraiment pas écouté !

    M. Pieyre-Alexandre Anglade, président de la commission des affaires européennes

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    Ce n’est rien d’autre qu’abandonner l’Ukraine aux mains de la Russie et mettre en péril toute la sécurité de l’Europe. N’en déplaise au président du Rassemblement national, non seulement son parti entretient des liens avec la Russie mais, pire encore, il en est le soutien.

    M. Thomas Ménagé

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    C’est facile de dire ça et de refuser une commission d’enquête !

    M. Pieyre-Alexandre Anglade, président de la commission des affaires européennes

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    Oui, la défense de nos valeurs démocratiques a un prix. Il est déjà élevé. Les Ukrainiens le paient en destructions et en morts. Nous aurons à le payer économiquement. Cependant, si nous ne sommes pas prêts à payer ce prix maintenant pour l’Ukraine, au nom des valeurs des nations civilisées qui fondent notre pays et l’idéal européen, alors les générations futures devront payer un prix infiniment plus élevé.
    Le président Zelensky a demandé que nous n’abandonnions pas l’Ukraine. Je souhaite qu’il sache, s’il nous écoute, que nous sommes à ses côtés et aux côtés de son peuple. Qu’il sache aussi que son pays est déjà membre de cœur de notre Union en raison du combat acharné qu’il mène pour la liberté et la démocratie. C’est pourquoi je suis convaincu que l’avenir de l’Ukraine et celui de la France et de l’Europe s’écriront en commun. (Applaudissements sur les bancs des groupes RE et Dem.)

    Mme la présidente

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    La parole est à Mme la ministre de l’Europe et des affaires étrangères.

    Mme Catherine Colonna, ministre de l’Europe et des affaires étrangères

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    Vendredi dernier – la Première ministre l’a rappelé –, après sept mois d’une guerre d’agression aussi brutale qu’injustifiée, Moscou franchissait un nouveau seuil. En s’autorisant des simulacres de scrutins organisés à la hâte en zones occupées, le Kremlin annexait en toute illégalité les territoires occupés dans les régions de Louhansk, Donestk, Zaporijjia et Kherson.
    Je le dis sans ambiguïté : le fait accompli ne fera jamais le droit, n’en déplaise aux propagandistes du Kremlin. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe RE.)

    M. Jean-Paul Lecoq

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    Vous avez raison et ça se passe partout dans le monde !

    Mme Catherine Colonna, ministre

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    La France et ses partenaires ne reconnaîtront jamais ces pseudo-référendums. Ils ne reflètent en rien la volonté de la population ukrainienne – sa résistance héroïque en témoigne.
    Ils traduisent tout au plus le cynisme de l’agresseur russe, qui ne recule devant aucune mascarade pour tenter de maquiller ce qui est, en réalité, un projet impérialiste et expansionniste, un projet de conquête qui, vous le savez, mesdames et messieurs les députés, porte profondément atteinte à toutes les règles régissant les relations internationales, la vie entre les nations. Car la Russie, membre permanent du Conseil de sécurité qui plus est, a bafoué en agressant l’Ukraine les principes fondateurs de la Charte des Nations unies que sont la non-agression, le règlement pacifique des différends, la souveraineté des États et le respect de leur intégrité territoriale. La France a en conséquence fait le choix du droit et de ses valeurs, comme l’a souligné Mme la Première ministre. La Russie, elle, a choisi la guerre, une guerre d’agression, une guerre brutale avec son cortège de meurtres et d’exactions. Elle a choisi des élections illégales, méthode de sinistre mémoire. Nous l’appelons à revenir à un comportement responsable
    Dès lors, en ce moment de bascule, nous faisons depuis sept mois le seul choix qui vaille, le seul choix responsable, celui du soutien à l’Ukraine et à nos valeurs, comme vous l’avez rappelé si justement ce matin encore, madame la présidente de l’Assemblée nationale. Nous faisons choix de défendre l’ordre international fondé sur la règle de droit, cet ordre que la Russie voudrait détruire. Quel pays pourra s’estimer à l’abri dans ses frontières si la souveraineté et l’intégrité territoriale d’un État peuvent être violées de manière aussi décomplexée ?

    M. Jean-Paul Lecoq

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    Vous avez raison ! Où en serait-on si tout était permis ?

    Mme Catherine Colonna, ministre

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    Si tout est permis en Ukraine, tout le sera davantage ailleurs. C’est bien pourquoi cette guerre n’est pas une guerre régionale : elle est l’affaire de tous. Nous n’avons pas ménagé nos efforts pour le faire valoir auprès de l’ensemble de la communauté internationale, et ces efforts commencent à porter leurs fruits comme nous l’avons constaté lors de l’Assemblée générale des Nations unies, où de nombreux pays tiers, ne faisant pourtant pas partie des traditionnels soutiens de l’Ukraine, ont pris leurs distances vis-à-vis de la Russie en appelant au plein respect des principes fondamentaux de la Charte et en rappelant que l’heure n’était pas à la guerre – je pense, par exemple, à la Chine et à l’Inde. Nous sommes déterminés à poursuivre dans cette voie.
    Mesdames et messieurs les députés, vous avez été nombreux à évoquer la lutte contre l’impunité. Nous faisons le choix de la justice en refusant l’impunité des criminels. Je l’ai dit clairement au Conseil de sécurité, dont j’ai présidé, le 22 septembre, la première réunion de niveau ministériel sur la situation en Ukraine depuis le déclenchement de l’invasion : il n’y aura pas de paix sans justice. Les exactions et les crimes de guerre devront faire l’objet de poursuites ; nous y contribuons au sein des organisations internationales comme dans un cadre bilatéral. À ce titre, notre pays a envoyé depuis le mois d’avril, certains d’entre vous l’ont rappelé, trois équipes spécialisées de l’Institut de recherche criminelle de la gendarmerie nationale, la dernière d’entre elles étant arrivée mardi dernier. Celle-ci aidera la justice ukrainienne à faire toute la lumière sur les atrocités découvertes à Izioum, comme l’ont déjà fait les autres équipes à Boutcha. La justice doit passer.
    La question des sanctions et de leur impact a aussi été évoquée. Nous faisons, comme l’a souligné Mme la Première ministre, le choix de la fermeté face à un agresseur qui menace la stabilité de notre continent et la sécurité de l’ensemble de la communauté internationale. C’est ainsi qu’avec une célérité inédite, nous avons mis en œuvre, avec nos partenaires européens et internationaux, une politique de sanctions d’une rigueur sans précédent. Ces sanctions ont un but clair : asphyxier l’effort de guerre russe et appliquer une pression maximale sur les fauteurs de guerre.
    D’ores et déjà, l 200 individus et plus de 100 entités russes y sont soumis. Ces sanctions sont réfléchies et appropriées. Elles sont efficaces et auront un impact massif et durable sur la machine de guerre russe, comme l’a rappelé Mme la Première ministre : le PIB de la Russie va reculer de six points en 2022 et retomber, d’ici à deux ans, à son niveau du début des années 2000… vingt ans en arrière. Nous asséchons aussi ses revenus tirés des hydrocarbures. Et l’accès aux technologies dont elle a besoin est déjà mis en cause dans des secteurs aussi stratégiques que sont l’aéronautique, l’automobile et l’armement. Nous ne faiblirons pas. La France souhaite, vous le savez, l’adoption rapide d’un nouveau paquet de sanctions européennes, lequel devrait être finalisé dans les tout prochains jours.
    Qu’il s’agisse des sanctions, du soutien à l’Ukraine – y compris par l’envoi d’équipements militaires –, de l’aide humanitaire massive, de l’accueil des réfugiés, de l’isolement de la Russie ou des exportations de céréales de l’Ukraine, toutes mesures que vous avez citées, l’Union européenne a agi vite, clairement et de façon unie. Oui, nous sommes au rendez-vous de nos valeurs humanistes lorsque nous accueillons au sein de l’Union plusieurs millions de réfugiés ukrainiens. Oui, nous sommes au rendez-vous de l’Histoire lorsque nous octroyons à l’Ukraine le statut de candidat à l’Union européenne à l’unanimité, lui offrant ainsi un avenir européen. Cette unité fait notre force collective face à une Russie dont l’isolement est chaque jour plus manifeste. Nous sommes unis et nous le resterons.
    Vous avez été nombreux à vous exprimer sur le soutien à l’Ukraine, sur ses différentes composantes et sur ses conséquences. Je tiens à le redire : nous avons fait le choix d’apporter à ce pays un soutien déterminé et constant. Et je veux être très claire : ni la France, ni aucun pays européen, ni aucun État membre du G7 n’est en guerre avec la Russie. Nous aidons un pays agressé, l’Ukraine, à exercer son droit à la légitime défense, conformément au droit international, en particulier à la Charte des Nations unies.
    Nous avons réaffirmé ce soutien il y a quelques jours à l’Assemblée générale des Nations unies, par la voix du Président de la République, et au Conseil de sécurité : il est à la fois politique, diplomatique, humanitaire, économique et financier. Il représente un effort national de 2 milliards d’euros auquel s’ajoutent, d’une part, notre aide militaire, dont le ministre des armées va vous exposer l’ampleur, sachant qu’une partie sera prise en charge par la facilité européenne pour la paix, et, d’autre part, l’aide européenne, à laquelle notre pays contribue.
    J’ai à nouveau témoigné de notre soutien au Président Zelensky et à mon homologue Dmytro Kuleba à Kiev, la semaine dernière, à l’occasion de mon troisième déplacement en Ukraine. À Kiev, à Hostomel, à Boutcha comme à Irpin, j’ai vu l’ampleur des destructions causées par les bombardements russes et pu mesurer la bravoure, la détermination et l’esprit de résistance intacts du peuple ukrainien. Je sais que plusieurs d’entre vous ont accompagné en Ukraine Mme la présidente de l’Assemblée nationale. Je me félicite que la représentation nationale et l’exécutif, unis, aient ainsi témoigné sur place de la solidarité de la France.
    Nous sommes solidaires de la cause que défend le peuple ukrainien, solidaires du combat qu’il mène pour les valeurs démocratiques qui sont aussi les nôtres, ce combat pour la paix et pour la liberté, solidaires de ses souffrances. Et nous l’aidons, comme nous l’avons encore montré le 28 septembre en envoyant, depuis Marseille, plus de 1 000 tonnes de fret humanitaire, rassemblées grâce aux contributions de l’ensemble des forces de notre société : l’État et ses opérateurs, les collectivités locales, les acteurs privés et les ONG. La France est aux côtés de l’Ukraine depuis le début de l’agression, et elle le restera non seulement jusqu’à ce que ce pays retrouve sa pleine souveraineté et son intégrité territoriale, mais aussi après la guerre – car il y aura un après.
    Sur le terrain, l’armée russe a subi ces dernières semaines son troisième échec tactique. En février, elle prenait l’Ukraine en tenaille sur trois axes, au nord, à l’est et au sud, cherchant clairement à prendre Kiev pour y renverser le président légitimement élu par le peuple ukrainien, mais en avril, incapable de prendre cette ville, elle s’est retirée du nord du pays. Incapable également de s’emparer rapidement de l’ensemble du Donbass malgré le concours de ses supplétifs séparatistes, elle a dû reculer dans la région de Kharkiv. À la mi-septembre, une contre-offensive l’a prise de court, les Ukrainiens regagnant 9 000 kilomètres carrés de territoire.
    Hier, l’Ukraine résistait ; aujourd’hui, elle reprend l’initiative, grâce à la détermination de ses soldats, à la qualité de son commandement et à l’élan de tout un peuple qui se bat pour son pays, grâce aussi aux équipements que nous lui avons livrés avec nos partenaires et qui prouvent leur efficacité.
    Le constat est clair : la Russie s’est enfoncée dans une triple impasse, à commencer par une impasse sur le terrain comme le montrent ses récents reculs. C’est aussi une impasse vis-à-vis de la communauté internationale au sein de laquelle la Russie est de plus en plus seule, et enfin dans une impasse vis-à-vis de sa population depuis la décision de mobilisation partielle, une décision lourde de conséquences qui a été prise contre l’opinion d’une population qui comprend de moins en moins pourquoi elle doit subir les conséquences d’une guerre inutile, illégale et injuste, une guerre qu’elle n’a pas choisie.
    La fuite en avant de la Russie a été soulignée au cours de ce débat. Mais il va falloir tenir dans la durée, ne nous y trompons pas, Mme la Première Ministre l’a dit cet après-midi à plusieurs reprises. En effet, Moscou a choisi la fuite en avant politique – les déclarations du président russe vendredi dernier n’en sont que le dernier exemple. Elle a pris la responsabilité d’un chantage à la sécurité alimentaire, auquel nous avons réagi en permettant à l’Ukraine d’exporter à nouveau ses céréales. Dans l’esprit de l’initiative Farm que le Président a lancée depuis le printemps, notre pays vient aussi de participer, avec l’Allemagne, au cofinancement du transport et de la distribution par le Programme alimentaire mondial (PAM) de 50 000 tonnes de céréales données par l’Ukraine pour l’Éthiopie et pour la Somalie car la corne de l’Afrique est particulièrement touchée par la crise alimentaire.
    Il y a aussi un chantage à la sécurité énergétique par la coupure des vannes du gaz alors que nous sommes témoins de mystérieuses explosions en mer Baltique. Quant au chantage à la sécurité du site de la centrale nucléaire de Zaporijjia, il nous a conduits à soutenir fortement les efforts du directeur général de l’Agence internationale de l’énergie atomique (AIEA) pour réduire les tensions et le risque d’un accident nucléaire, efforts qui se poursuivent en ce moment même.
    La Russie a aussi choisi la fuite en avant militaire en annonçant une mobilisation partielle de sa population. Par la décision de mobiliser, pour la première fois depuis 1941, la Russie prend un grand risque. Nous y voyons avant tout un aveu de faiblesse, une reconnaissance de l’incapacité de ses forces armées à remplir les objectifs fixés par le Kremlin. L’impact de cette mobilisation sur le terrain est de surcroît très incertain, l’armée russe ayant fait preuve de graves lacunes logistiques depuis le début du conflit, lacunes qui ne disparaîtront pas en envoyant de force au front une population dont tout montre qu’elle ne souhaite pas cette guerre – en atteste le départ du pays de plusieurs centaines de milliers de personnes ces derniers jours, ou encore les scènes de protestations dont nous avons été témoins dans plusieurs régions russes. Quoiqu’en dise la propagande, il n’y a aucun élan patriotique, mais une mobilisation subie.
    Enfin, la fuite en avant est également rhétorique : les menaces irresponsables proférées dans le but de nous intimider en sont le signe. Nous ne céderons pas, mais nous ne tomberons pas non plus dans le piège : nous continuerons, pour notre part, à faire preuve de la responsabilité qui doit incomber à une puissance dotée de l’arme nucléaire.
    Enfin, s’agissant de la reconstruction, le premier orateur, comme d’autres par la suite, en a évoqué la nécessité. Je souligne que ce n’est pas à nous de déterminer quand cette guerre prendra fin et qu’il appartiendra alors à l’Ukraine seule de décider à quel moment, dans quelles conditions et dans quels termes elle pourra envisager un dialogue visant à l’ouverture de négociations. Mais il y aura bel et bien un après, j’en suis convaincue. Et c’est à nous et à nos partenaires qu’il appartiendra alors de fournir à l’Ukraine les moyens de se reconstruire. Nous nous y sommes engagés et commençons déjà à le faire en vue de l’arrivée de l’hiver puisque, parmi les biens envoyés dans notre cargaison humanitaire le 28 septembre figurait notamment du matériel de réhabilitation d’urgence, à savoir plus de six ponts de 20 à 60 mètres de long qui participeront à la reconstruction de la région de Tchernihiv, région où vous vous êtes rendus, madame la présidente, messieurs les présidents de commission.
    Mesdames et messieurs les députés, je conclurai en rappelant qu’en aidant l’Ukraine, nous faisons notre devoir de solidarité, notre devoir d’humanité, et nous continuerons à le faire aussi longtemps que nécessaire. (Applaudissements sur les bancs des groupes RE, Dem, HOR et sur plusieurs bancs du groupe Écolo-NUPES.)

    Mme la présidente

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    La parole est à M. le ministre des armées.

    M. Sébastien Lecornu, ministre des armées

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    Sous l’autorité de Mme la Première ministre, qu’il me soit permis de compléter quelques points dans le cadre de ce débat. La ministre de l’Europe et des affaires étrangères a tracé les grandes lignes de notre action. Je reviendrai, conformément au contrôle que le Parlement se doit d’effectuer sur le Gouvernement et au titre du ministère dont j’ai la charge, sur l’aide militaire que la république française apporte évidemment depuis le début du conflit à l’Ukraine.
    Les trois éléments qui guident la doctrine de notre soutien militaire à l’Ukraine sont assez simples. Premièrement, nous nous efforçons de coller à la demande des Ukrainiens. Nous avons cherché à ne pas être trop diffus dans la manière d’apporter notre aide, par la nature même des équipements. Un dialogue opérationnel et de confiance s’est noué au fil du temps avec le ministère de la défense ukrainien. Les besoins exprimés sont mesurés et clairs ; nous tentons d’y répondre.
    Deuxièmement, notre aide s’entoure d’une certaine discrétion – ce sont les Ukrainiens eux-mêmes qui nous en font la demande. C’est de cette façon que nous avons pu constater l’efficacité du système d’artillerie Caesar : l’effet de surprise relatif que nous avons créé est la clé de la réussite sur le champ de bataille.
    Troisièmement, ce que nous promettons, nous le donnons vraiment. Beaucoup d’annonces sont faites par certains pays, mais elles ne sont pas toujours suivies d’effets. La France, elle, s’honore de tenir scrupuleusement sa parole.
    Je veux aussi rappeler à la représentation nationale les trois grands chapitres d’aide militaire que nous avons apportée à l’Ukraine depuis le début de la guerre.
    Le premier chapitre a impliqué la fourniture d’équipements de protection et d’armement individuels, de systèmes de missiles antichars et antiaériens. Il correspondait, entre février et avril, à une réaction d’urgence.
    Le deuxième chapitre a été plus lourd : nous avons délivré à l’Ukraine non seulement des pièces d’artilleries – notamment dix-huit canons Caesar assortis de leurs munitions –, mais aussi de nombreux véhicules sous blindage destinés au transport de troupes, tels que les véhicules de l’avant blindés (VAB).
    Le troisième chapitre, qui a débuté en septembre, consiste à répondre à des demandes précises formulées par les Ukrainiens, notamment en matière de carburants. L’accès aux carburants est absolument décisif, y compris pour faire rouler les canons Caesar. Nous avons fixé un calendrier de maintenance et d’approvisionnement en pièces détachées – c’est sans doute moins spectaculaire que de fournir des pièces d’artillerie entières, mais les pièces détachées des canons Caesar ou d’autres matériels nécessitent un entretien et nous répondons présent. En outre, la demande en munitions est importante, d’autant que le phénomène d’attrition qui les concerne est particulièrement fort. Autre demande spécifique : la formation. Malheureusement, l’attrition des artilleurs est elle aussi significative : lorsqu’un artilleur tombe, il faut bien qu’un autre prenne sa place, ce qui suppose de le former.
    Sous l’autorité du Président de la République, un nouvel agenda d’accompagnement militaire à l’Ukraine a été établi ; il sera déployé dans les semaines à venir. Le président a déjà passé un certain nombre de commandes. Par ailleurs, une mobilisation forte de la BITD sera nécessaire, car notre industrie de défense doit être en capacité de régénérer des stocks – j’en reparlerai demain devant la commission de la défense et des forces armées.
    Je veux dire quelques mots des classements, sur lesquels ont insisté Mme Valérie Rabault et M. Boris Vallaud. Il faut savoir que ces classements tiennent uniquement compte des éléments en source ouverte : ils écartent une partie de l’aide octroyée par la France à l’Ukraine qui, pour faire simple, n’est pas visible sur la place publique. En outre, les classements agrègent des critères parfois très différents. Certains pays ont par exemple valorisé le coût de la formation ou celui du transport des munitions. La France a choisi de ne pas le faire, c’est un élément que je livre à la représentation nationale.
    En outre, en général, les classements ne tiennent compte que de ce qui est promis et non effectivement livré. Je n’en dis pas plus pour ne pas créer d’incidents avec nos amis et alliés, mais, dans les faits, ce qu’a promis la France a été, à l’unité près, donné aux Ukrainiens.
    Enfin, Mme Catherine Colonna l’a rappelé, ces classements ne prennent jamais en considération la facilité européenne pour la paix, laquelle représente pourtant 450 millions d’euros pour la part française, soit 20 % du fonds européen. La France n’est pas forcément meilleure ou moins bonne que d’autres pays ; je me contente par ces propos de vous éclairer sur ces classements qui circulent sur internet et dans la presse, classements au sujet desquels il y aurait beaucoup à dire. Si nous devions les mettre à jour, je pense que la France progresserait de manière assez significative par rapport à ses partenaires européens. Du reste, nul ne conteste que nos amis et alliés américains sont les premiers contributeurs.
    Je conclus en évoquant le rôle de la France, en tant que nation cadre de l’Otan, dans les missions de réassurance sur le flanc oriental de l’Europe. Quelque 900 hommes sont mobilisés, la défense du ciel est assurée grâce à des missions d’ampleur et un groupe de l’armée de terre est positionné. Nous avons la capacité, si c’était malheureusement nécessaire, d’atteindre le niveau de la brigade. L’investissement de la France comme nation cadre en Roumanie aura coûté aux contribuables français 700 000 millions d’euros pour la seule année 2022. Ces crédits n’étaient certes pas prévus, mais ils témoignent de l’engagement de la France et de son armée.
    Le président Gassilloud a dépeint ce qui nous attend à l’avenir. Oui, ce qui se passe en Ukraine nécessitera un retour d’expérience (Retex) profond, notamment en ce qui concerne l’hybridité, la dissuasion nucléaire et les stocks de munitions. Nous aurons l’occasion d’en discuter lors de l’examen du PLF pour 2023 et, dans l’esprit de coconstruction avec le Parlement et les diverses formations politiques qu’a rappelé la Première ministre, lors de l’élaboration de la prochaine loi de programmation militaire. (Applaudissements sur les bancs des groupes RE, Dem et HOR.)

    Mme la présidente

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    La parole est à M. le ministre délégué auprès du ministre de l’économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique, chargé de l’industrie.

    M. Roland Lescure, ministre délégué auprès du ministre de l’économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique, chargé de l’industrie

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    Peu de questions ont été posées sur les sujets économiques. C’est une bonne nouvelle, car cela prouve sinon l’unanimité des positions, du moins une relative conformité. Globalement, la représentation nationale reconnaît que le Gouvernement accomplit les efforts nécessaires pour appuyer l’effort de guerre de l’Ukraine face à son envahisseur.
    M. Buisson a critiqué la supposée inefficacité des sanctions prises à l’encontre de la Russie. Il y a quelques mois, les sanctions tout court étaient mises en doute ; aujourd’hui, ce sont les sanctions sur le gaz que l’on discute. Or comme il n’existe pas de sanctions sur le gaz, c’est au tour des sanctions sur l’énergie d’être contestées. Parmi les sanctions qui ont été prises depuis le 31 mai dernier, l’embargo sur le pétrole russe a eu un impact significatif sur l’économie russe, sans véritablement affecter l’économie française. Le prix du pétrole a ainsi diminué de 20 à 30 dollars, baisse qui a été accompagnée d’efforts importants, matérialisés par le rabais à la pompe.
    Il est clair que l’économie russe subit une forte récession. La Première ministre et la ministre des affaires étrangères l’ont rappelé, le PIB de la Russie s’est réduit de 6 % en 2022. C’est considérable. Le gouvernement russe lui-même admet que l’économie du pays aura reculé au moins de 3 % cette année – on s’attend à 4 % de récession supplémentaire en 2023 ! L’inflation en Russie s’établit aujourd’hui à 15 %. Ajoutons que des chiffres ont été calculés avant la mobilisation générale qu’a déclarée Vladimir Poutine, laquelle n’aura sans doute pas d’impact positif sur l’économie russe. On voit l’effet qu’elle a déjà eu en constatant le nombre de sorties du territoire, et je ne parle même pas du « moral des troupes ». Il faut le dire et le répéter : les sanctions ont bien un impact. On nous dit trop souvent que l’économie russe n’est pas affectée par les sanctions alors qu’elle l’est fortement !
    Notre engagement aux côtés du peuple ukrainien dans ce conflit ne se fait pas sans peine pour notre économie. Les industries dont j’ai la charge sont considérablement touchées par la hausse du prix des énergies.
    Sous l’autorité de la Première ministre, le ministre de l’économie et moi-même travaillons à résoudre ce problème. Bruno Le Maire sera d’ailleurs ce soir et demain au Luxembourg pour négocier avec nos partenaires européens des mesures d’atténuation de la hausse du prix des énergies sur les industries européenne et française. Agnès Pannier-Runacher, ministre de la transition énergétique, se trouve à Bruxelles depuis vendredi et y restera encore quelques jours pour s’assurer que le marché de l’énergie fonctionne davantage et que les prix de l’énergie baissent de manière durable. Reconnaissons que les efforts ont été accomplis, la plupart d’entre vous les ont même votés.
    Madame Panot, vous avez mentionné l’augmentation des tarifs de l’électricité et d’autres énergies qui pèsera sur les Français l’année prochaine.

    M. Jean-Paul Lecoq

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    On ne comprend pas pourquoi ça augmente ! C’est de la spéculation !

    M. Roland Lescure, ministre délégué

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    Mais vous omettez d’indiquer que, en moyenne, la hausse des tarifs sera cinq fois inférieure à celle enregistrée à peu près partout en Europe. Vous ne dites pas davantage – mais peut-être voterez-vous en faveur de ces mesures – que nous avons prévu d’accompagner les ménages les plus modestes pour les aider à absorber cette hausse.
    La France soutient son économie ; cela a été voté ici, soyons-en fiers ! Nous devrons faire davantage d’efforts, mais la situation actuelle est aussi le coût à payer pour aider les Ukrainiens et préserver la paix. (Applaudissements sur les bancs des groupes RE, Dem et HOR.)
    Un certain nombre de remarques et de questions ont porté sur les entreprises françaises qui ont choisi de rester en Russie. Sur ce point, je serai extrêmement prudent et éviterai de donner des leçons. Chacun peut avoir ses idées ; certaines seraient sans doute anticonstitutionnelles, parce que confiscatoires, d’autres ne pourraient clairement s’envisager que dans un cadre européen.

    M. Jean-Paul Lecoq

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    Et les entreprises citoyennes ?

    M. Roland Lescure, ministre délégué

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    Les entreprises citoyennes doivent le rester. Mais attention aux idées qui pourraient, j’insiste, être anticonstitutionnelles et affaiblir nos entreprises par rapport à d’autres acteurs européens ou affaiblir des entreprises déjà affectées.
    Concernant les entreprises françaises qui sont en Russie, notre credo est très clair : les sanctions prononcées par la communauté internationale, notamment par l’Union européenne, doivent être respectées – toutes les sanctions, rien que les sanctions ! On ne peut pas imaginer que des entreprises qui se trouvent aujourd’hui en Russie ne respectent pas la loi. Au-delà, veillons à ne pas montrer du doigt les entreprises fragilisées et celles qui sont peut-être déjà en train d’organiser leur sortie du territoire russe. Une chose est claire : celles qui ont déjà quitté la Russie n’ont pas fait d’argent au passage et ont sans doute subi quelques pertes – c’est le modèle de l’entreprise citoyenne que vous mentionnez, monsieur Lecoq.
    Certaines entreprises organisent encore leur départ. En septembre, Capgemini et Air Liquide ont annoncé l’abandon de leurs activités en Russie, décision qui concerne des centaines d’employés. Capgemini a même proposé à ses employés un accord afin qu’ils puissent travailler à Lisbonne, ce que certains employés russes ont accepté. Bref, ne montrons pas du doigt les entreprises présentes en Russie qui affrontent déjà une situation extrêmement difficile. La décision de rester sur place relève de leur seule responsabilité, qu’elles engagent face à leurs actionnaires, avec un enjeu relatif à leur réputation et à leur implication, et tous les risques que cela comporte.
    Mesdames et messieurs les députés, soyons fiers de ce que la France et son économie ont fait pour soutenir l’Ukraine. Merci à tous et à toutes d’avoir participé à ce débat ! (Applaudissements sur les bancs des groupes RE, Dem et HOR.)

    Mme la présidente

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    La parole est à Mme la Première ministre.

    Mme Élisabeth Borne, Première ministre

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    Alors que ce débat touche à sa fin, je veux dire quelques mots. Je tiens tout d’abord à remercier les orateurs qui sont intervenus cet après-midi. La guerre en Ukraine a bousculé le monde. Elle nous pousse à accélérer des transitions majeures et elle a des conséquences dont nous n’avons pas fini de mesurer les effets.
    Des divergences subsistent entre nous ; c’est le principe même de la démocratie. C’est pourquoi ce débat, à l’ouverture de la session ordinaire, était important. Je veux saluer l’esprit de responsabilité qui s’est manifesté sur la majorité des bancs de cette assemblée. Je reconnais votre volonté de faire valoir des idées plutôt que d’agiter des polémiques. La situation en Ukraine est grave : nous devions être à la hauteur.
    Je souhaite également saluer le large consensus qui se dégage de nos débats. Nous condamnons tous l’agression russe ; elle est illégale, brutale, violente ; elle enfreint toutes les règles internationales. La Russie est prête à toutes les méthodes, tous les chantages. Elle est seule responsable de cette situation. Nous ne pouvons pas l’accepter. Nous soutenons collectivement l’Ukraine dans sa résistance, nous partageons un immense respect pour les autorités, les forces et le peuple ukrainiens. Nous débattons des meilleures manières d’accompagner l’Ukraine, mais nous nous accordons sur la nécessité de l’aider.
    Bien sûr, je regrette que certains n’expriment qu’un soutien rhétorique qui n’aboutirait à exercer aucune pression sur la Russie. Ce discours semble même renvoyer dos à dos l’Ukraine et la Russie.

    M. Frédéric Cabrolier

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    On n’a jamais dit ça !

    Mme Élisabeth Borne, Première ministre

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    Je m’étonne également que d’autres parlent de guerre sociale alors que la France est le pays qui a le mieux protégé sa population des effets de la guerre, comme elle l’a fait face au covid. (Applaudissements sur les bancs des groupes RE, Dem et HOR.)
    Mesdames et messieurs les députés, au-delà de ces regrets, je me réjouis que ce débat ait été dense et riche. Il y a des combats, des causes et des valeurs qui rassemblent tous les républicains, ne l’oublions jamais. (Mêmes mouvements.)

    Mme la présidente

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    Le débat est clos.

    4. Ordre du jour de la prochaine séance

    Mme la présidente

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    Prochaine séance, ce soir, à vingt et une heures trente :
    Discussion du projet de loi portant mesures d’urgence relatives au fonctionnement du marché du travail en vue du plein emploi.
    La séance est levée.

    (La séance est levée à vingt heures.)

    Le directeur des comptes rendus
    Serge Ezdra