XVIe législature
Session ordinaire de 2022-2023

Deuxième séance du jeudi 27 octobre 2022

Sommaire détaillé
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Deuxième séance du jeudi 27 octobre 2022

Présidence de Mme Caroline Fiat
vice-présidente

Mme la présidente

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    La séance est ouverte.

    (La séance est ouverte à quinze heures.)

    1. Projet de loi de finances pour 2023

    Seconde partie (suite)

    Mme la présidente

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    L’ordre du jour appelle la suite de la discussion de la seconde partie du projet de loi de finances pour 2023 (nos 273, 292).

    Justice (suite)

    Mme la présidente

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    Ce matin, l’Assemblée a commencé l’examen des crédits de la mission Justice (no 292, annexe 30 ; no 341, tomes III et IV), inscrits à l’état B, s’arrêtant à l’amendement no 1865.

    Mission Justice (état B) (suite)

    Mme la présidente

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    La parole est à M. Philippe Schreck, pour soutenir l’amendement no 1865.

    M. Philippe Schreck

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    La lutte contre les violences intrafamiliales et les violences faites aux femmes est un engagement qui nous tient naturellement tous à cœur – l’inverse est inimaginable. Déployé dans le cadre de cette lutte, le bracelet antirapprochement (BAR) est un dispositif intéressant qui, malgré les dysfonctionnements rencontrés au départ – ce qui est normal –, mérite d’être développé. Or, au 1er septembre 2022, seuls 835 bracelets étaient utilisés, alors qu’on nous promettait une montée en charge – tout à fait souhaitable – de ces dispositifs prévus dans le cadre des ordonnances de protection.
    L’amendement tend donc à augmenter de 2,5 millions d’euros le budget dédié aux BAR, afin qu’ils soient plus largement utilisés. (Applaudissements sur les bancs du groupe RN.)

    Mme la présidente

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    Sur l’amendement no 1865, je suis saisie par le groupe Rassemblement national d’une demande de scrutin public.
    Le scrutin est annoncé dans l’enceinte de l’Assemblée nationale.
    La parole est à M. Patrick Hetzel, rapporteur spécial de la commission des finances, de l’économie générale et du contrôle budgétaire, pour donner l’avis de la commission.

    M. Patrick Hetzel, rapporteur spécial de la commission des finances, de l’économie générale et du contrôle budgétaire

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    Cet amendement n’ayant pas été examiné par la commission, j’émettrai un avis personnel.
    Monsieur Schreck, vous soulevez une difficulté importante. Comme nous l’avons expliqué ce matin, à la suite des dysfonctionnements rencontrés avec les BAR, la Chancellerie a réagi et désigné un nouveau prestataire – heureusement, d’ailleurs, car il est essentiel que ces dispositifs fonctionnent.
    Vous proposez d’augmenter de 2,5 millions d’euros le budget dédié aux bracelets antirapprochement, mais un certain nombre de magistrats nous ont indiqué qu’en raison des dysfonctionnements constatés, ils n’avaient pas utilisé l’ensemble des bracelets à leur disposition. Il faut donc s’interroger sur le calibrage : peut-être M. le ministre pourra-t-il nous indiquer le niveau des besoins estimé par la Chancellerie. Sagesse.

    Mme la présidente

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    La parole est à M. le garde des sceaux, ministre de la justice, pour donner l’avis du Gouvernement.

    M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux, ministre de la justice

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    Vous avez rappelé, monsieur le député, que 835 BAR étaient actuellement utilisés. Ce chiffre ne signifie en rien – et j’insiste sur ce point – que les magistrats ont été limités dans l’utilisation du dispositif en raison d’une supposée pénurie, ou parce qu’ils ne disposaient pas de davantage de bracelets. Chaque fois qu’un bracelet antirapprochement est utilisé, il est immédiatement remplacé par la Chancellerie. Les magistrats décident donc en toute indépendance du placement sous bracelet antirapprochement – il est fondamental de le rappeler. Nous ne manquons pas de budget, ni de bracelets : ils sont à la disposition de toutes les juridictions qui en ont besoin, tout comme les téléphones grave danger.
    Par ailleurs, nous sommes naturellement exigeants s’agissant de la qualité technique de l’outil : il faut que celui-ci fonctionne. Or nous n’étions pas contents du prestataire : c’est pourquoi nous en avons récemment changé. Avec les services de la Chancellerie et la représentante d’une association de victimes, nous avons à cette occasion rappelé les enjeux et fixé des objectifs très précis. Lorsque les BAR sont livrés, ils sont évidemment immédiatement testés, pour s’assurer qu’ils fonctionnent correctement.
    Les BAR sont des dispositifs efficaces, qui ont permis d’éviter beaucoup de violences, parfois même des homicides, même si on n’en parle jamais – personne n’imagine ouvrir un journal et y lire que tel crime ou violence n’a pas été commis. Pourtant, je tiens à souligner qu’aucun porteur de bracelet antirapprochement n’a commis d’homicide : cet outil est donc réellement dissuasif.
    Nous augmentons déjà de 50 % le budget des bracelets antirapprochement pour mieux nous adapter aux besoins réels, et afin que chaque juridiction dispose d’un nombre suffisant de BAR – je répète que dès qu’un BAR est utilisé, il est immédiatement remplacé auprès de la juridiction concernée. Par conséquent, avis défavorable.

    Mme la présidente

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    Mes chers collègues, comme vous le savez, il doit s’écouler cinq minutes entre l’annonce d’un scrutin public et le vote. Nous en sommes à quatre minutes : m’autorisez-vous à lancer le vote ? (« Oui ! » sur divers bancs.)

    M. Sylvain Maillard

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    Non, madame la présidente !

    Mme la présidente

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    Très bien. Nous attendons donc une minute. (Exclamations sur les bancs du groupe RN.)

    M. Erwan Balanant

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    C’est le règlement !

    M. Sylvain Maillard

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    On m’a dit la semaine dernière que respecter ce délai était important !

    Mme la présidente

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    Cela fait désormais cinq minutes et cinq secondes, je mets donc aux voix l’amendement no 1865.

    (Il est procédé au scrutin.)

    Mme la présidente

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    Voici le résultat du scrutin :
            Nombre de votants                        67
            Nombre de suffrages exprimés                64
            Majorité absolue                        33
                    Pour l’adoption                31
                    Contre                33

    (L’amendement no 1865 n’est pas adopté.)

    Mme la présidente

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    La parole est à Mme Naïma Moutchou, pour soutenir l’amendement no 1906.

    Mme Naïma Moutchou

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    Présenté par le groupe Horizons et apparentés, cet amendement d’appel porte sur un autre dispositif de sécurité qui, avec le bracelet antirapprochement, permet de protéger des femmes et sauver des vies : le téléphone grave danger. Il s’agit d’un téléphone préprogrammé, allumé en permanence, et qui permet aux personnes qui en sont dotées de contacter une téléassistance, laquelle fait ensuite appel aux forces de l’ordre en cas de besoin. Début août 2022, pas moins de 4 318 téléphones grave danger avaient été déployés, en augmentation de 700 % – un investissement nécessaire compte tenu des besoins.
    Aujourd’hui, le Gouvernement a pour objectif de disposer de 5 000 téléphones. Si c’est tout à fait louable, l’amendement propose d’aller plus loin et de prévoir 1 000 téléphones grave danger supplémentaires, mesure qui coûterait 1,5 million d’euros. Cela permettrait de mieux répondre aux besoins de demain et de toujours mieux protéger les femmes – car, dans 99 % des cas, ce sont bien des femmes qui sont concernées.

    Mme la présidente

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    Quel est l’avis de la commission ?

    M. Patrick Hetzel, rapporteur spécial

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    La commission n’ayant pas examiné l’amendement, j’émettrai donc à nouveau un avis personnel.
    Bien entendu, je suis tout à fait d’accord avec vous, madame Moutchou : nous devons faire le maximum pour que ces outils de protection soient déployés à hauteur des besoins. La Chancellerie nous a confirmé que 4 312 téléphones grave danger étaient actuellement en service, le Gouvernement ambitionnant de porter ce nombre à 5 000 en 2023 : il semblerait que le calibrage retenu soit suffisant pour répondre aux besoins exprimés par les juridictions. Je laisse le garde des sceaux nous donner davantage de précisions.
    M. le ministre vient d’indiquer que les bracelets antirapprochement avaient permis d’éviter des homicides, et on ne peut que s’en réjouir. Mais une question mérite néanmoins d’être posée, qui nous a immédiatement inquiétés lorsque nous avons été alertés des dysfonctionnements rencontrés : ces dysfonctionnements ont-ils permis que des violences soient commises ? La Chancellerie dispose-t-elle de données sur ce sujet, monsieur le ministre ?
    Sur l’amendement, je m’en remets à la sagesse de l’Assemblée.

    Mme la présidente

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    Quel est l’avis du Gouvernement ?

    M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux

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    Je comprends tout à fait l’intention de cet amendement, préventif d’une certaine manière :…

    Mmes Naïma Moutchou et Anne Le Hénanff

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    Exactement.

    M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux

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    …il souligne qu’il n’est pas question que nous manquions de téléphones grave danger. Si mon premier élan me conduirait à souscrire à votre proposition, madame Moutchou – abondance de bien ne nuit pas –, il se trouve que nous avons expertisé les besoins à venir des juridictions, et que 5 000 téléphones permettront largement d’y répondre. Actuellement, vous l’avez rappelé, 4 312 téléphones sont déjà déployés. Je vous propose donc de retirer l’amendement.
    Bien entendu, nous serons très vigilants sur le sujet et, si cela était nécessaire, nous prendrions, le moment venu, les mesures qui s’imposent. N’ayez crainte : nous disposons de suffisamment de téléphones grave danger pour que la justice puisse en distribuer un sans difficulté chaque fois qu’elle le souhaite.

    Mme la présidente

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    La parole est à Mme Naïma Moutchou.

    Mme Naïma Moutchou

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    L’amendement tendait effectivement à prévoir un nombre de téléphones suffisant pour répondre aux besoins réels. Comme vous nous avez rassurés, monsieur le ministre, je le retire.

    M. Ugo Bernalicis

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    Il est repris !

    (L’amendement no 1906 n’est pas adopté.)

    Mme la présidente

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    Sur les amendements nos 1318 et 1319, je suis saisie par le groupe La France insoumise-Nouvelle Union populaire, écologique et sociale d’une demande de scrutin public.
    Le scrutin est annoncé dans l’enceinte de l’Assemblée nationale.
    La parole est à M. Ian Boucard, pour soutenir les amendements nos 1896 et 1894, qui peuvent faire l’objet d’une présentation groupée.

    M. Ian Boucard

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    Nous l’avons dit ce matin : le bracelet antirapprochement est un dispositif qui a été largement déployé en France suite à l’adoption de la loi visant à agir contre les violences au sein de la famille, adoptée à l’unanimité à l’Assemblée à l’initiative d’Aurélien Pradié. C’est à ce titre qu’il a déposé les deux amendements que j’ai l’honneur de défendre.

    M. Erwan Balanant

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    Il est où, M. Pradié ? En campagne avec M. Dumont ?

    M. Ian Boucard

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    Quelques chiffres : en mai 2021, 61 BAR étaient disponibles ; en novembre de la même année, 509 étaient activés. Si ce chiffre a légèrement diminué en janvier 2022, au 1er septembre 2022, 835 bracelets étaient déployés sur les 1 000 qui, selon nos informations, sont à disposition des magistrats.
    Mais nous avons un problème – peut-être pourrez-vous clarifier la situation, monsieur le garde des sceaux : vous annoncez un budget en augmentation de 185 %, puisqu’il atteindrait 11,5 millions d’euros, mais, dans le même temps, vous déclarez que 6,5 millions d’euros serviront à moderniser les outils informatiques dédiés au traitement du suivi des mesures et à pallier les difficultés rencontrées avec le précédent prestataire. Il ne reste donc plus que 5 millions d’euros de budget, soit un montant similaire à 2020 et 2021. Comment, avec un budget identique, allez-vous déployer plus de bracelets antirapprochement – comme c’est la volonté des députés sur tous les bancs ?
    Par conséquent, ces amendements visent à renforcer ce budget de 1 million d’euros – 500 000 euros pour le second, qui est un amendement de repli – afin que le manque de crédits ne vous empêche pas de concrétiser votre volonté, affirmée mardi en commission des lois et réitérée depuis ce matin, de déployer davantage de BAR.

    Mme la présidente

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    Quel est l’avis de la commission sur ces amendements en présentation groupée ?

    M. Patrick Hetzel, rapporteur

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    Pour être précis, je ne peux m’exprimer au nom de la commission, à laquelle ils n’ont pas été soumis. Il s’agit d’une question de volumétrie budgétaire, et ces amendements sont assez raisonnables : à titre personnel, donc, avis favorable.

    M. Pierre-Henri Dumont

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    Excellent rapporteur !

    Mme la présidente

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    Quel est l’avis du Gouvernement ?

    M. Patrick Hetzel, rapporteur

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    Défavorable ? (Sourires sur les bancs du groupe LR.)

    M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux

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    Je ne voudrais pas avoir l’air de persifler, mais j’ai l’impression, monsieur le député, que vous êtes quelque peu favorisé !

    M. Ian Boucard

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    Il fallait bien que cela m’arrive une fois en cinq ans !

    M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux

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    J’ai la faiblesse de le penser… Sérieusement, n’ayez aucune inquiétude. Les chiffres que vous demandez ne sont pas tenus secrets, bien au contraire : le 17 octobre 2022, on comptait 897 BAR actifs et 559 mesures arrivées à leur terme, le dispositif ayant été généralisé en décembre 2020. Les crédits inscrits au sein du projet de loi de finances (PLF) pour 2023 couvrent intégralement les besoins en matière de financement des BAR, soit 11,5 millions, contre 7,4 millions les années précédentes – 4 millions pour le matériel et les équipes de télésurveillance, 3,4 millions pour la plateforme technique. C’est donc un complément de 4,1 millions qui permettra de prendre en charge la hausse du nombre de mesures au-delà de 1 000 BAR ; en effet, fin juillet, 1 276 de ces mesures avaient été prononcées, soit une augmentation de 55 % en six mois. Nous sommes, les uns et les autres, très vigilants et tout acquis à cet outil efficace, devenu indispensable. Dans ces conditions, j’émets un avis défavorable.

    M. Pierre Cazeneuve et M. Sacha Houlié

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    Excellent !

    (Les amendements nos 1896 et 1894, successivement mis aux voix, ne sont pas adoptés.)

    Mme la présidente

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    La parole est à M. Jean-François Coulomme, pour soutenir l’amendement no 1318.

    M. Jean-François Coulomme

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    Cet amendement d’appel vise à réorienter vers la promotion des mesures en milieu ouvert une dépense liée à la protection judiciaire de la jeunesse (PJJ). Environ 200 jeunes sont actuellement détenus,…

    M. Jean Terlier

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    Placés !

    M. Jean-François Coulomme

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    …plus exactement placés – vous avez raison –, dans les centres éducatifs fermés (CEF) instaurés par la loi dite Perben 1 du 9 septembre 2002, laquelle est également à l’origine des établissements pénitentiaires pour mineurs. Elle a montré ses limites : professionnels et intervenants considèrent de façon assez unanime que les CEF ne remplissent pas leur fonction, c’est-à-dire qu’ils ne permettent pas à ces jeunes, coupables de délits, de s’amender et de réintégrer la société. La surenchère pénale de cette loi était déjà démagogique en 2002 et cela n’a pas changé. Nous proposons donc le transfert de ces jeunes détenus dans des centres éducatifs ouverts, comme celui dont parlait ce matin mon camarade Léaument, où leur réintégration réussit ; pour cela, nous souhaitons transférer à ces centres 11 millions supplémentaires. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe LFI-NUPES.)

    Mme la présidente

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    Quel est l’avis de la commission ?

    M. Patrick Hetzel, rapporteur

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    La commission a déjà débattu de cet amendement : la logique d’un accueil en milieu ouvert se conçoit, bien sûr, mais il ne faut pas chercher pour autant à opposer les dispositifs, car les CEF ont également un rôle à jouer. Vous me pardonnerez de recourir pour une fois à cette expression : nous devons être capables de penser « en même temps » ! (« Excellent ! » et applaudissements sur quelques bancs du groupe RE.)
    Le vrai problème consiste à s’assurer que la Chancellerie ouvre les places, y compris en CEF, appropriées au profil de ces jeunes ; sur ce point, les choses patinent parfois. Quoi qu’il en soit, la commission ayant repoussé l’amendement, avis défavorable.

    Mme la présidente

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    Quel est l’avis du Gouvernement ?

    M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux

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    Voilà, monsieur le rapporteur, que vous en venez au « en même temps ». (Exclamations sur quelques bancs du groupe RN. – M. Benjamin Lucas s’exclame également.)

    M. Mansour Kamardine

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    Au secours ! (Sourires.)

    M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux

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    Même si je n’ose encore vous souhaiter la bienvenue, ce qui serait légèrement prématuré, il ne vous reste plus beaucoup de chemin à faire ! Quant au reste, vous avez raison de remettre l’église au milieu du village : on ne peut opposer milieu fermé et milieu ouvert. Je n’hésiterai pas à affirmer que je suis un fan des CEF, créés par Mme Dati,…

    M. Ian Boucard

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    Très bien ! Nous sommes tous fans de Rachida Dati !

    M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux

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    …non par dogmatisme,…

    Mme Nathalie Oziol

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    C’est pourtant vous, les dogmatiques !

    M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux

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    …mais tout simplement parce que cela fonctionne ! Il convient d’aller chercher de bonnes idées chez les autres, de cultiver les nôtres lorsqu’elles ne sont pas mauvaises et d’avancer ainsi, avec beaucoup de pragmatisme. S’agissant de tels sujets, l’idéologie paralyse tout. Le CEF est, je le répète, une conception qui fonctionne : très bien !
    Par ailleurs, monsieur le député, je vais bien évidemment répondre à la question que vous avez posée. Les moyens alloués à la PJJ ont été considérablement accrus au cours du précédent quinquennat – 252 emplois créés, par exemple, entre 2018 et 2022. La réforme du code de la justice pénale des mineurs s’est accompagnée de la création de 119 emplois ; la justice de proximité a recruté 86 éducateurs supplémentaires. Au total, 338 postes ont été créés, et le PLF pour 2023 en prévoit 92 de plus. Je suis donc arithmétiquement défavorable à l’amendement.

    Mme la présidente

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    La parole est à M. Jean Terlier.

    M. Jean Terlier

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    Nous nous opposons fermement à l’adoption de cet amendement, dont l’exposé sommaire explicite l’objectif : la suppression des CEF. Le fait même de débattre d’une telle mesure constituerait une erreur, et nous avons du mal à comprendre les interrogations de La France insoumise. Il existe cinquante et un CEF, auxquels s’ajouteront les vingt autres dont Mme Belloubet a initié la construction, mais qu’est-ce qu’un CEF ? Ce sont vingt-six éducateurs pour douze enfants,…

    M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux

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    Eh oui ! Eh oui !

    M. Jean Terlier

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    …soit trois fois plus d’encadrement que dans un centre éducatif renforcé ; il s’agit par conséquent d’une offre de qualité pour permettre à nos jeunes de travailler à leur réinsertion. Encore une fois, je conçois mal comment vous pouvez en arriver à souhaiter sa disparition ! Le CEF a fait ses preuves : je vous invite à cet égard à participer aux auditions conduites par la mission d’évaluation du code de la justice pénale des mineurs. Vous constaterez que les magistrats, les éducateurs de la PJJ, sont très favorables à ces mesures de placement qui permettent, je le répète, un travail de qualité avec les jeunes délinquants. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe RE. – Exclamations sur plusieurs bancs du groupe LFI-NUPES.)

    M. Ugo Bernalicis

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    Balivernes !

    Mme la présidente

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    La parole est à M. Jean-François Coulomme.

    M. Jean-François Coulomme

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    À peu près 200 jeunes sont placés dans ces centres, pour un budget de l’ordre de 11 millions : cela représente plus de 50 000 euros par tête et par an. De surcroît, concentrer ainsi des jeunes en difficulté ou délinquants revient à les isoler, tels des autistes, et à les couper de l’extérieur, du monde que vous qualifiez de normal ; nous voulons au contraire les en rapprocher, afin de réunir toutes les conditions d’une réinsertion rapide. (Mme Nathalie Oziol applaudit.)

    Mme la présidente

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    Je mets aux voix l’amendement no 1318.

    (Il est procédé au scrutin.)

    Mme la présidente

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    Voici le résultat du scrutin :
            Nombre de votants                        127
            Nombre de suffrages exprimés                126
            Majorité absolue                        64
                    Pour l’adoption                23
                    Contre                103

    (L’amendement no 1318 n’est pas adopté.)

    Mme la présidente

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    La parole est à M. Mansour Kamardine, pour soutenir l’amendement no 1243.

    M. Mansour Kamardine

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    Au moment même où, de l’autre côté de l’hémicycle, on prône la suppression des CEF, la vie collective à Mayotte est rendue difficile par les agissements de centaines, voire de milliers de jeunes qui ne tombent pas sous le coup de l’ordonnance du 2 février 1945. Vous vous êtes rendu sur place, monsieur le garde des sceaux, pour y faire un certain nombre d’annonces qui vont dans la bonne direction ; reste que la justice mahoraise est le parent pauvre le plus oublié de la République. Cet amendement, que nous demandons instamment à la représentation nationale d’adopter, vise à lui donner les moyens de créer non pas un CEF, car il ne suffirait pas à répondre aux besoins de l’archipel, mais un centre éducatif spécifique à destination de ces jeunes qui, encore une fois, se trouvent hors du périmètre de l’ordonnance de 1945 et ne peuvent être ni incarcérés, faute de place dans les maisons de détention – ce n’est d’ailleurs pas l’objectif –, ni placés en CEF. Il s’agirait tout simplement de leur apprendre à se lever le matin, à dire bonjour, à se laver, à se brosser les dents, à savoir effectuer un calcul, bref le b.a.-ba de la vie, afin qu’ils puissent s’insérer dans la collectivité et devenir des citoyens comme vous et moi. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe LR.)

    Mme la présidente

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    Quel est l’avis de la commission ?

    M. Patrick Hetzel, rapporteur

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    Cet amendement n’a pas été étudié par la commission ; à titre personnel, je tiens à saluer sa défense par notre collègue, qui nous rappelle une nouvelle fois l’importance des territoires d’outre-mer et celle de Mayotte en particulier. Le sujet n’est pas négligeable ; suivant les données dont je dispose, la création d’un CEF public à Mayotte a été programmée. (M. Mansour Kamardine s’exclame.)

    M. Patrick Hetzel, rapporteur spécial

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    Votre amendement demande 5 millions d’euros, monsieur Kamardine. Pour Mayotte, ce sont aujourd’hui 650 000 euros qui sont budgétés pour l’année 2023. Selon la Chancellerie, cette somme couvrira les études et les premiers éléments d’acquisition foncière. M. le ministre doit nous indiquer – je n’ai quant à moi pas d’éléments de réponse à ce sujet – si ces crédits permettront de tenir le calendrier et s’ils seront suffisants pour que Mayotte puisse disposer, d’ici 2024, de son centre éducatif fermé. C’est la raison pour laquelle j’émets, à titre personnel, un avis de sagesse favorable à cet amendement. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe LR.)

    M. Pierre-Henri Dumont

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    Il est très bien, ce rapporteur !

    M. Ian Boucard

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    On veut le garder celui-là, on ne vous le donnera pas !

    Mme la présidente

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    Quel est l’avis du Gouvernement ?

    M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux

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    Je comprends, monsieur le député, que vous souhaitiez le garder ! Tout à l’heure je me posais des questions, maintenant j’ai la réponse ! (Sourires.)
    Comme vous le savez, monsieur le député Kamardine, je suis allé à Mayotte.

    M. Mansour Kamardine

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    Oui, je l’ai dit.

    M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux

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    Et je n’y suis pas allé distribuer du sable ! Nous sommes repartis de Mayotte après y avoir fait des promesses concrètes : création d’une cité judiciaire, d’un nouvel établissement pénitentiaire puis, plus tardivement, dans une autre temporalité, d’un centre éducatif fermé. Celui-ci n’a en aucune façon vocation à recueillir 2 000 jeunes : il en accueillera une dizaine, qui seront accompagnés de nombreux éducateurs. Ce modèle fonctionne bien. On le constate au vu du taux de récidive, mais aussi en observant ce que les éducateurs, qui travaillent intensément, réussissent à faire de ces jeunes délinquants – qui ne sont pas de petits délinquants : des jeunes gens capables de reprendre ensuite le chemin de l’honnêteté.
    Pour Mayotte et pour Cayenne, monsieur le député, nous avons en outre spécialement créé un dispositif de brigade de soutien d’urgence pour que des magistrats de métropole puissent passer six mois – et un jour, très précisément – à Mayotte et Cayenne, un dispositif auquel le Conseil supérieur de la magistrature a donné un avis favorable. L’une des principales difficultés de ces territoires est en effet liée à l’attractivité des postes. Pour Mayotte, nous avons donc prévu une augmentation de rémunération de 350 euros. Nous souhaitons que l’affectation d’un magistrat à Mayotte soit un tremplin et non un frein à sa carrière.
    Comme vous pouvez le constater, monsieur le député, Mayotte est un territoire que nous regardons avec toute l’attention qu’il mérite. Nous savons à quel point la situation y est difficile, de même qu’à Cayenne. C’est la raison pour laquelle nous avons mis en place ces brigades pour pallier ce qu’à juste titre vous dénoncez comme des difficultés structurelles.

    Mme la présidente

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    Merci, monsieur le garde des sceaux. Dois-je en conclure que l’avis du Gouvernement est défavorable ?

    M. Sylvain Maillard

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    Oui, très clairement !

    M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux

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    Oui, je ne l’ai pas précisé car c’était évident.

    Mme la présidente

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    La parole est à M. Daniel Labaronne.

    M. Daniel Labaronne

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    Je voudrais apporter un témoignage au sujet des centres éducatifs fermés. Lorsque j’étais maire de la commune rurale de Bléré, 5 000 habitants, la préfecture a proposé d’accueillir un CEF. Il se trouve que l’ensemble du conseil municipal – dont je suis toujours membre – a émis un avis favorable à cette proposition. Il a également émis le souhait que les jeunes du CEF puissent rejoindre les associations de la commune et les chantiers d’insertion, et que nous puissions quant à nous intervenir au sein du CEF afin que des relations s’y établissent avec les jeunes de la commune, dans les domaines sportif ou associatif. (« Hors sujet ! » sur un banc du groupe RN. – Exclamations sur plusieurs bancs du groupe LFI-NUPES.) Nous souhaitions en effet, par ce biais, favoriser un processus de réhabilitation et d’intégration. Je ne comprends donc pas, chers collègues, que vous parliez de concentration des jeunes dans ces établissements. À Bléré, ils seront douze et seront encadrés par une trentaine de formateurs et d’éducateurs. C’est une grande fierté, pour la commune dont j’ai été maire, de pouvoir accueillir ce centre éducatif fermé. (Applaudissements et « Très bien » sur plusieurs bancs du groupe RE.)

    Mme la présidente

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    La parole est à M. Mansour Kamardine.

    M. Mansour Kamardine

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    Je ne vois pas le rapport avec Mayotte, cher collègue, et je ne mets nullement en cause l’idée de construire un centre éducatif fermé. Là n’est pas le sujet ; sans doute mon accent a-t-il nui à la clarté de mon propos. (Exclamations et sourires sur divers bancs.) Silence de ce côté-là !

    M. Ugo Bernalicis

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    Silence pour la France !

    M. Mansour Kamardine

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    Ce que je souhaite souligner, monsieur le garde des sceaux, c’est que le CEF accueillera une douzaine de jeunes placés par la justice. Or à Mayotte, le problème se pose pour des enfants de 10 à 15 ans que la justice, quand elle est saisie, choisit souvent de remettre à leurs parents. Ces enfants sont dans des situations très difficiles et j’invite ceux d’entre vous qui ne connaissent pas Mayotte à venir le constater par eux-mêmes. Lorsque des gamins caillassent la police, les juges ou les bus de transport scolaire, il faut pouvoir les extraire du milieu dans lequel ils vivent pour leur apprendre à vivre en société. Le but de mon amendement est justement de renforcer les moyens du garde des sceaux et de l’État, au-delà de la création d’un établissement spécifique, afin de venir en aide à ces enfants qui sont abandonnés. Je vous invite tous à le voter, chers collègues, sur l’ensemble des bancs. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe LR.)

    (L’amendement no 1243 n’est pas adopté.)

    Mme la présidente

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    La parole est à Mme Nathalie Oziol, pour soutenir l’amendement no 1319.

    Mme Nathalie Oziol

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    Il fait suite à celui qu’a défendu mon collègue Coulomme il y a quelques instants. Puisque vous êtes sensibles, collègues, aux coupes budgétaires, nous essayons de revoir nos demandes à la baisse. Vous avez refusé le fléchage de 11 millions d’euros ; nous proposons donc maintenant de flécher 2,2 millions d’euros pour les allouer au recrutement d’éducateurs de la PJJ. Voilà pour l’argument économique. Il est cependant un autre argument bien plus intéressant à nos yeux, qui s’inscrit dans la suite de notre débat sur les centres éducatifs fermés : c’est celui de l’humanisme et de la philosophie des Lumières, qui s’oppose au tout sécuritaire dans lequel vous semblez rester vous-mêmes enfermés.

    M. Erwan Balanant

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    N’y a-t-il pas le mot « éducatif » ? En plus, la plupart du temps ces centres ne sont pas fermés !

    Mme Nathalie Oziol

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    Le sens de l’histoire, selon nous, invite à aller à contre-courant des dispositifs toujours plus répressifs, passant par toujours plus d’enfermement et ayant vocation à répondre d’abord à des préoccupations sécuritaires plutôt qu’aux besoins d’adolescents et de jeunes auteurs de délits. Pour privilégier les mesures en milieu ouvert, qui devraient être les seules possibles s’agissant de la justice des mineurs, il conviendrait selon nous de fermer progressivement les CEF – nous insistons sur ce point – jusqu’à abolir la peine d’enfermement pour les enfants. Tous les moyens devraient être redéployés, à terme, vers des mesures éducatives et non répressives, porteuses d’une autre vision de la société. Aussi, le budget annuel moyen de fonctionnement d’un CEF s’élevant à 2,2 millions d’euros, nous proposons de redéployer les crédits alloués au dernier CEF ouvert, celui de Bergerac, inauguré en 2022. Les crédits ainsi récupérés pourraient contribuer à l’effort de recrutement d’éducateurs de la PJJ. Nous estimons qu’en cinq ans, 6 000 agents devraient ainsi être recrutés, ainsi que 4 000 personnels administratifs de la PJJ – soit respectivement 1 200 et 800 au cours du présent exercice budgétaire. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe LFI-NUPES. – Mme Sandra Regol applaudit également.)

    Mme la présidente

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    Quel est l’avis de la commission ?

    M. Patrick Hetzel, rapporteur spécial

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    Cet amendement a bien été présenté et débattu en commission. Vous souhaitez, madame la députée, la fermeture des centres éducatifs fermés. Je voudrais rappeler, comme nous l’avons déjà évoqué en commission, que les CEF répondent à un besoin. Ils permettent, comme le disait notre collègue Kamardine, d’assurer un suivi renforcé visant à favoriser la réinsertion des jeunes et à leur réapprendre les actes de la vie quotidienne. Je vous invite, madame la députée, à vous rendre vous-même dans un CEF pour en observer le fonctionnement. J’ajoute qu’il existe un certain nombre de garanties : si un jeune se trouve en centre éducatif fermé, c’est qu’en amont, un magistrat a pris la décision de l’y placer. Les magistrats spécialisés disent très clairement qu’ils ont besoin de cette boîte à outils. C’est certainement la raison pour laquelle la commission a repoussé cet amendement.

    Mme la présidente

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    Quel est l’avis du Gouvernement ?

    M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux

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    Je ne parviendrai jamais à comprendre que l’on évoque ces sujets avec une forme de dogmatisme qui est à des années-lumière…

    Mme Nathalie Oziol

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    Toujours les mêmes réponses !

    M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux

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    Ce sont toujours les mêmes réponses parce que ce sont toujours les mêmes questions ! Pardonnez-moi ! (M. Ugo Bernalicis s’exclame.) Souffrez quand même que je réponde ! Les centres éducatifs fermés ont fait leurs preuves. Chaque année, ils accueillent 1 500 jeunes dont ils assurent la prise en charge sanitaire, médicale, psychologique, psychiatrique…

    M. Erwan Balanant

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    Scolaire.

    M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux

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    …scolaire et professionnelle. Et cela marche ! (Protestations sur plusieurs bancs du groupe LFI-NUPES.)

    Mme Nathalie Oziol

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    Non !

    Mme Estelle Folest

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    Si, ça marche très bien !

    M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux

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    Arrêtez d’opposer le milieu ouvert et le milieu fermé ! C’est formidable : vous me reprochez d’être dans le tout répressif, tandis qu’ailleurs on me reproche d’être un laxiste.

    Un député du groupe RN

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    Ce qui est vrai !

    M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux

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    Au fond, je me dis que je ne suis peut-être pas trop mal positionné entre les excès des uns et ceux des autres ! (Applaudissements sur les bancs des groupes RE et Dem.) Vous n’en voulez peut-être pas, madame la députée, mais le centre éducatif fermé a fait ses preuves et il faut que nous le maintenions, bien évidemment ! (Exclamations sur quelques bancs du groupe LFI-NUPES.)

    Mme la présidente

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    La parole est à M. Jean Terlier.

    M. Jean Terlier

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    Je voudrais compléter les propos de mes collègues en soulignant que les CEF constituent une offre qualitative (« Super ! » sur les bancs du groupe LFI-NUPES) pour les jeunes délinquants, dont ils favorisent la réinsertion. Les chiffres le montrent : 50 % des mineurs qui passent par les CEF ne récidivent pas, grâce au travail éducatif considérable qui y est mené. Des moyens importants sont déployés, avec parfois deux éducateurs pour un seul mineur. J’ajoute que nous avons besoin de disposer de ces offres de placement différentes pour les mineurs. Vous souhaitez, madame Oziol, ne conserver que des établissements ouverts. Mais les CEF sont aussi une alternative à la prison ! (Exclamations sur quelques bancs du groupe LFI-NUPES.)

    M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux

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    Eh oui !

    M. Jean Terlier

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    Si vous les supprimez, les mineurs délinquants iront demain soit dans des centres ouverts, soit en prison. Or ce n’est pas ce que vous voulez. Nous disposons aujourd’hui en France d’une solution alternative avec cinquante et un CEF et bientôt vingt de plus. Cette offre éducative étoffée de qualité vise justement à éviter que les mineurs délinquants ne se retrouvent en prison.

    Mme Estelle Folest

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    Très bien.

    Mme la présidente

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    La parole est à M. Ugo Bernalicis.

    M. Ugo Bernalicis

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    Il y a quelque chose que je ne comprends pas dans le dogmatisme sécuritaire de la majorité. (Exclamations sur les bancs du groupe RE.)

    Un député du groupe RE

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    Dans quel monde vivez-vous ?

    M. Ugo Bernalicis

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    C’est étrange, en effet : mis à part le Royaume-Uni, je vous le concède, aucun de nos voisins européens n’a recours à l’enfermement des enfants, et tous font différemment. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe LFI-NUPES.)

    M. Erwan Balanant

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    Mais ce n’est pas un enfermement ! Quand avez-vous visité un CEF ?

    M. Ugo Bernalicis

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    Pourquoi ? Ces pays n’auraient-ils aucune délinquance, pas d’infractions ? Bien sûr que si ! Mais ils gèrent la situation différemment, avec humanité, parce qu’il s’agit de mineurs. C’est une honte pour la France d’être championne de l’enfermement des enfants qui sont en conflit avec la loi !

    M. Jean Terlier

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    Ce serait pire sans les CEF ! C’est intenable !

    M. Ugo Bernalicis

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    C’est parce que vous avez échoué intellectuellement et philosophiquement à mettre les moyens nécessaires pour l’éducatif que vous en arrivez à dire que vous avez besoin, dans votre boîte à outils, de pouvoir enfermer les enfants ! Du point de vue des principes, nous sommes contre l’enfermement des enfants quoi qu’il en soit ! (Applaudissements sur les bancs des groupes LFI-NUPES et Écolo-NUPES.) Est-ce plus clair, dit comme ça ? (Exclamations sur plusieurs bancs du groupe RN.)

    M. Erwan Balanant

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    Les CEF ne sont pas fermés !

    M. Ugo Bernalicis

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    Le milieu ouvert coûte moins cher et réussit mieux à prévenir la récidive. Mais il a des difficultés parce qu’il manque de moyens, car ils sont accaparés par les centres éducatifs fermés ! Voilà la vérité ! Vous prenez au milieu ouvert pour renforcer le milieu fermé ! Ce sera sans nous ! (Applaudissements sur les bancs des groupes LFI-NUPES et Écolo-NUPES – Exclamations sur plusieurs bancs du groupe RN.)

    Un député du groupe RN

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    C’est une honte !

    Mme la présidente

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    La parole est à Mme Naïma Moutchou.

    Mme Naïma Moutchou

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    Monsieur Bernalicis, vous ne rendez pas service aux enfants quand, au prétexte de protéger ces derniers, vous souhaitez la suppression des centres éducatifs fermés. D’abord, et ce constat vient du terrain, les CEF ne sont pas des bagnes.

    M. Ugo Bernalicis

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    Ça dépend où !

    Mme Naïma Moutchou

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    Comme l’a dit M. Terlier, il s’agit d’une solution alternative à l’emprisonnement, consistant à placer huit à douze jeunes dans un lieu de résidence pour une durée de six mois éventuellement renouvelable une fois.

    M. Erwan Balanant

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    Voilà ! Ils ne sont pas enfermés !

    Mme Naïma Moutchou

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    Dans le cadre d’un projet éducatif construit avec chacun de ces jeunes, on leur apprend le sens de l’effort, ils font un apprentissage, on leur montre la voie du travail, de l’école, de la vie en société, toutes choses qu’ils n’ont pas apprises à l’extérieur. Ce ne sont pas n’importe quels enfants, mais des enfants délinquants, présentant des niveaux de délinquance élevés, il ne faut pas l’oublier.
    Les centres éducatifs fermés constituent l’une des options composant la palette dont dispose la justice, une option située un cran en deçà de l’incarcération à laquelle vous dites être opposé. C’est ça, la réalité de terrain, et c’est l’intérêt même des jeunes concernés qui nous conduit aujourd’hui à considérer que nous avons besoin de ces centres éducatifs fermés.

    M. Ugo Bernalicis

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    Mettez-y vos enfants si c’est aussi génial ! (Protestations sur les bancs du groupe RE.)

    Mme la présidente

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    La parole est à M. le garde des sceaux.

    M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux

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    Je veux remercier les députés Jean Terlier et Naïma Moutchou d’avoir apporté un peu de nuance, car c’est une denrée qui se fait rare et qui nous manque beaucoup par les temps qui courent.

    M. Benjamin Lucas

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    On l’a vu avec l’interview du Président de la République hier soir !

    Mme Nathalie Oziol

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    Vous ne supportez pas la contradiction !

    M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux

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    Je veux dire avec le plus grand calme, monsieur Bernalicis, qu’à l’évidence, vos propos peuvent être considérés comme injurieux à l’encontre du personnel qui travaille dans les CEF. (Applaudissements sur les bancs du groupe RE. – Exclamations sur les bancs du groupe RE.)

    M. Ugo Bernalicis

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    Ben voyons… On a déjà entendu de meilleurs arguments ! Où est-il, le grand avocat ?

    M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux

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    Si vous saviez à quel point il est difficile de remettre dans le droit chemin des gamins qui sont déjà ancrés dans la délinquance, de quelle patience, de quelle bienveillance et de quelle autorité il faut faire preuve… Tous les gamins que j’ai rencontrés en CEF – du moins ceux qui peuvent s’exprimer, car certains sont tellement prostrés qu’ils sont incapables d’émettre une parole – disent à quel point l’autorité qui veille sur eux est bienveillante. Pour moi, les personnes qui travaillent dans les CEF sont des saints civils. (Applaudissements sur les bancs des groupes RE et Dem.)
    Dans ces conditions, nous parler d’enfermement, nous parler des personnels des CEF et de leur travail comme vous le faites, c’est franchement honteux et indigne, monsieur Bernalicis. (Protestations sur les bancs du groupe LFI-NUPES. – Applaudissements sur les bancs du groupe RE.)

    Mme Estelle Folest

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    Oui, c’est honteux !

    Mme Danielle Simonnet

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    Ce qui est honteux, c’est votre façon de manipuler ses propos !

    Mme la présidente

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    Je mets aux voix l’amendement no 1319.

    (Il est procédé au scrutin.)

    Mme la présidente

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    Voici le résultat du scrutin :
            Nombre de votants                        152
            Nombre de suffrages exprimés                152
            Majorité absolue                        77
                    Pour l’adoption                32
                    Contre                120

    (L’amendement no 1319 n’est pas adopté.)

    Mme la présidente

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    Sur les amendements nos 1839, 1883, 1414, 1882, 1892, 1918, 1891 et 1863, je suis saisie par le groupe Rassemblement national d’une demande de scrutin public.
    Les scrutins sont annoncés dans l’enceinte de l’Assemblée nationale.

    M. Pierre Cazeneuve

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    Ce sont les amendements « humanistes » du Rassemblement national !

    Mme la présidente

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    La parole est à Mme Emmanuelle Ménard, pour soutenir l’amendement no 1807.

    Mme Emmanuelle Ménard

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    En 2005, un rapport de l’Inspection générale des affaires sociales (Igas) estimait qu’il y avait en France 2 500 mineurs non accompagnés (MNA). Le 31 décembre 2019, leur nombre était estimé entre 17 000 et 31 000. Au-delà d’un phénomène de fraude massif – les « faux mineurs » dont nous avons parlé à de nombreuses reprises dans cet hémicycle –, il est observé une montée de la violence chez les mineurs non accompagnés. La mission MNA de la direction de la protection judiciaire de la jeunesse (DPJJ) estimait qu’il y avait en septembre 2020 entre 2 000 et 3 000 MNA délinquants – ou « en conflit avec la loi », pour reprendre l’expression utilisée par La France insoumise. L’intensité des violences commises est elle aussi remarquable. Rien qu’à Paris, entre 2016 et 2019, le nombre de MNA a augmenté de 63 %. Toujours dans la capitale, en 2020, plus de 40 % des vols à la tire, 30 % des vols avec violence et 30 % des cambriolages étaient le fait de MNA. Ces chiffres ont véritablement explosé ces dernières années, le volume des jeunes en errance pour des faits violents ayant augmenté de 407 % entre 2016 et 2020. Ils représentaient près de 75 % du total des mineurs déférés devant le parquet à Paris.
    L’ex-préfet de police Didier Lallement a estimé qu’il y avait entre 300 et 400 MNA à Paris. Il décrit ainsi la situation : « Les familles les ont abandonnés, leurs pays d’origine ne veulent pas les rapatrier, ils ont été pris en main par des passeurs qui savent que les mineurs sont dans un système d’immunité pénale. Ils sont shootés aux médicaments bas de gamme. Ils apparaissent, disparaissent, changent de quartier. Ils sont à l’origine de nombreux vols, en particulier auprès des touristes. On les met très peu en prison. Ils savent que quand ils sont interpellés, ils sont libérés quatre ou cinq heures après. »
    En 2021, un rapport de notre ex-collègue Antoine Savignat avait recommandé une prise en charge éducative dès la première infraction ou la désignation systématique d’un représentant légal pour suivre chaque mineur faisant l’objet de poursuites pénales et pour accompagner les mineurs délinquants incarcérés. Cet amendement vise à augmenter les moyens de la justice judiciaire pour améliorer la prise en charge des MNA délinquants et empêcher leur récidive.

    Mme la présidente

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    Quel est l’avis de la commission ?

    M. Patrick Hetzel, rapporteur spécial

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    Cette question concerne en effet l’ensemble du territoire national. En 2021, pas moins de 198 mineurs non accompagnés ont été confiés à mon département, celui du Bas-Rhin. La crise sanitaire a d’ailleurs mis sous tension l’ensemble des acteurs de la protection de l’enfance, même si le nombre d’arrivées semble diminuer depuis quelques mois.
    L’amendement n’a pas été examiné par la commission, mais vous avez vous-même indiqué, madame la députée, qu’il s’agissait d’un amendement d’appel. Je vous invite donc à le retirer après avoir entendu l’avis du ministre ; à défaut, j’émettrai un avis de sagesse.

    Mme la présidente

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    Quel est l’avis du Gouvernement ?

    M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux

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    Je veux d’abord rappeler qu’il convient de distinguer les MNA délinquants de ceux qui ne le sont pas. Vous n’avez pas confondu les deux, madame la députée, et je vous en remercie. En effet, la très grande majorité des MNA, qui ne sont pas délinquants, sont pris en charge par des structures civiles de la protection judiciaire de la jeunesse et nous faisons tout pour que ceux-là puissent apprendre un métier et s’intégrer – c’est souvent le cas.
    Bien sûr, il y a aussi les mineurs non accompagnés délinquants. Je ne suis pas un dogmatique et je pense l’avoir démontré avec la loi de 2021 relative à la responsabilité pénale et à la sécurité intérieure, dans le cadre de laquelle j’ai permis qu’on prenne les empreintes digitales des MNA. L’objectif poursuivi n’était évidemment pas de leur faire du mal en leur tordant le poignet, mais de mieux suivre ces enfants qui, de prénom en prénom, de patronyme en patronyme, de nationalité en nationalité et de ville en ville, se rendaient insaisissables. Il est impératif que nous puissions les suivre, pour deux raisons : d’abord pour assurer notre sécurité et puis pour tenter, dans la mesure du possible, de les faire sortir de la délinquance.
    Les chiffres que vous avez cités sont exacts : on assiste effectivement à une augmentation importante des faits délictueux commis par les mineurs non accompagnés dans les grandes agglomérations – à Paris, mais aussi à Bordeaux, Marseille, Montpellier, Lyon, Nantes ou Rennes. Toutefois, il faut aller au bout du raisonnement et dire également que, depuis l’adoption par votre assemblée du code de la justice pénale des mineurs, les chiffres sont en baisse. Ainsi, les MNA, qui représentaient 22 % des mineurs incarcérés, ne sont désormais plus que 14 %, ce qui montre bien que ce texte a été utile. J’en profite pour remercier les députés qui se sont impliqués dans son élaboration – notamment Jean Terlier et Cécile Untermaier – ou qui l’ont adopté. Je comprends que l’on dénonce les choses qui ne marchent pas, mais il faut aussi savoir se féliciter quand elles marchent : c’est le cas en matière de délinquance des MNA, où l’on assiste à une amélioration des chiffres naguère désastreux. Cela ne s’est pas fait d’un claquement de doigts ni d’un coup de baguette magique – encore moins d’un coup de matraque magique –, mais petit à petit, pas à pas.
    Voilà où nous en sommes, madame la députée, j’entends le sens de votre amendement d’appel mais, compte tenu de ce que je viens de vous dire, je ne peux que vous suggérer un retrait ; à défaut, l’avis du Gouvernement sera défavorable.

    Mme la présidente

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    Votre amendement est-il maintenu, madame Ménard ?

    Mme Emmanuelle Ménard

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    Oui, madame la présidente.

    (L’amendement no 1807 n’est pas adopté.)

    Mme la présidente

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    La parole est à M. Mansour Kamardine, pour soutenir l’amendement no 1240.

    M. Mansour Kamardine

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    Monsieur le ministre, vous avez tout à l’heure évoqué des dispositifs particuliers visant à répondre à la situation de la justice à Mayotte, confirmant ainsi qu’il s’agit à la fois du parent pauvre et du maillon faible des dispositifs républicains sur le territoire français. Je salue votre décision de faire en sorte d’offrir de meilleures perspectives de carrière aux magistrats en poste à Mayotte et de compenser les manques d’effectifs par des affectations de courte durée, de l’ordre de six mois. Tout cela est très bien, mais vous comprendrez que nous soyons en droit d’attendre autre chose de l’État, du Gouvernement et de la justice, une justice qui est l’un des piliers de la démocratie, pour ne pas dire sa colonne vertébrale. À Mayotte, la justice et les moyens qui lui sont alloués sont bien en deçà de ce qu’ils sont sur le reste du territoire, et j’aurais aimé vous entendre rappeler quels sont les effectifs à Mayotte par rapport à la moyenne nationale : en réalité, nous sommes très loin des standards, avec des effectifs qui ne sont sans doute pas à la moitié, ni même au tiers, mais à moins du quart de ce qu’ils sont ailleurs en France – et ce n’est pas la peine de faire des signes de désapprobation, monsieur le ministre, car je ne dis que la vérité.

    M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux

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    Je n’ai rien dit !

    M. Mansour Kamardine

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    Pour ce qui est de l’organisation de la justice à Mayotte, il a été créé une chambre d’appel pour remédier au fait que la cour d’appel est à La Réunion. Cependant, en matière pénale, les justiciables souhaitant faire appel des décisions de la cour d’assises ou du juge d’instruction sont toujours obligés de se payer un billet d’avion pour se rendre à La Réunion : est-ce là une bonne justice, monsieur le ministre ? Est-ce une bonne justice que celle consistant à doter Mayotte d’un dispositif dérogeant à celui du territoire national, en dépit de la censure du Conseil constitutionnel ? Alors que les Français de Mayotte n’ont pas moins de mérite que les autres et ont le droit d’être jugés par les mêmes magistrats et selon les mêmes dispositions pénales, vous nous maintenez dans une situation bien éloignée des standards – encore une fois, monsieur le garde des sceaux, il est vain de secouer la tête en signe de désapprobation, car c’est la vérité !

    M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux

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    J’ai quand même le droit de bouger la tête ! Au demeurant, quand je me suis rendu à Mayotte je ne vous y ai pas rencontré…

    Mme la présidente

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    Quel est l’avis de la commission ?

    M. Patrick Hetzel, rapporteur spécial

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    Monsieur le député, vous soulevez un problème important, celui des moyens alloués à la justice à Mayotte, et proposez par votre amendement d’affecter 10 millions d’euros à la justice pénale à Mayotte. Il faut reconnaître que nous disposons de peu de données sur les moyens alloués à Mayotte en général et à sa justice pénale en particulier. En examinant les documents budgétaires, j’ai constaté que cela tenait à une raison simple, à savoir que s’il existe un budget opérationnel de programmes – le fameux BOP – pour Saint-Denis de la Réunion, on ne dispose pas de données spécifiques pour Mayotte. Peut-être M. le garde des sceaux sera-t-il en mesure de nous donner des informations sur ce qui est susceptible d’être fait spécifiquement pour cette collectivité. Quoi qu’il en soit, nous n’avons pas débattu de cet amendement en commission ; c’est pourquoi j’émets, à titre personnel, un avis de sagesse.

    Mme la présidente

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    Quel est l’avis du Gouvernement ?

    M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux

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    Monsieur le député Kamardine, lorsque je me suis rendu à Mayotte, nous ne nous sommes pas rencontrés, ce que je regrette, même si je sais que vous aviez des obligations – pour tout vous dire, M. Ciotti, qui préparait alors l’élection présidentielle, a pris le même avion que moi.

    M. Mansour Kamardine

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    Je le sais, il me l’a dit !

    M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux

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    Je m’attendais à ce que nous échangions sur la question que vous avez évoquée, et je peux vous dire que le ministère de la justice est l’un de ceux qui investissent le plus à Mayotte. Cela montre bien que nous avons pleinement conscience du fait que la justice est l’un des plus forts symboles du pacte social, comme vous l’avez dit.
    Je vous communiquerai d’ici la fin de nos débats des chiffres précis – que vous connaissez déjà, me semble-t-il –, mais je veux insister sur un point, car je souhaite qu’il puisse résonner dans les esprits des uns et des autres. Beaucoup a déjà été fait pour améliorer la justice à Mayott. Je citerai notamment l’annonce de la construction d’une cité judiciaire – croyez-moi, il n’a pas été simple de trouver un terrain, mais j’ai réussi –,…

    M. Mansour Kamardine

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    C’est le conseil général qui vous l’a donné !

    M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux

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    …mais aussi d’un nouvel établissement pénitentiaire et d’un centre éducatif fermé ; la prime particulière pour les greffiers et les magistrats ; le tremplin de carrière envisagé pour les magistrats ; la constitution d’une brigade pour pallier l’urgence, puisque celle-ci est avérée.
    À l’évidence, il reste à faire, je vous le concède bien volontiers. Pour autant, il ne faut pas jeter le bébé avec l’eau du bain : beaucoup a déjà été fait. Nous travaillons pour aller plus loin. Mayotte et Cayenne, pour des raisons un peu différentes – même s’il existe des similitudes – sont des territoires que nous regardons de près. Nous savons à quelles difficultés ils sont confrontés, notamment sur le plan de l’attractivité.
    M. Ciotti, que je vois lever la main pour demander la parole, confirmera que nous étions ensemble dans l’avion et peut-être aussi que je n’ai pas rencontré M. Kamardine. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe RE.)

    Mme la présidente

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    La parole est à M. Éric Ciotti.

    M. Éric Ciotti

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    Monsieur le garde des sceaux, je confirme bien volontiers que nous étions dans le même avion : nous allions tous les deux à Mayotte. (« Ah » sur les bancs du groupe RN.) Lors de ce vol, nous avions évoqué la situation préoccupante de nos outre-mer, en proie à une explosion de violences.
    Mon collègue Mansour Kamardine, dont je soutiens l’amendement, a raison de dénoncer toutes ces failles et toutes ces lacunes. Les projets que vous avez cités, monsieur le ministre, en sont au stade de l’annonce et non de la réalisation.

    M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux

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    Ce n’est pas vrai !

    M. Éric Ciotti

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    J’espère qu’ils se concrétiseront, je prends acte de vos engagements. Toutefois, j’estime que ces mesures ne sont nullement à la hauteur. Les lois de la République ont du mal à s’appliquer dans nos outre-mer, confrontés à une explosion de la violence. La situation s’est indéniablement dégradée. Je vous entends, monsieur le ministre, susurrer une question : « qu’avez-vous fait ? ». N’êtes-vous pas au pouvoir depuis près de onze ans ? (M. Ian Boucard applaudit.) Rappelons que M. Macron a été ministre sous le quinquennat de M. Hollande après avoir été secrétaire général adjoint de l’Élysée, même s’il veut effacer cette période de sa biographie.

    Mme Danielle Brulebois

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    Il n’était pas président de la République !

    M. Éric Ciotti

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    Oui, depuis onze ans que vous êtes au pouvoir, la violence a explosé dans ces territoires. Nous ne pouvons pas les abandonner : une réaction unanime de la collectivité nationale s’impose. J’étais à Mayotte et j’ai vu les barrages routiers, j’ai vu les violences, j’ai senti l’inquiétude de nos concitoyens mahorais. Il faut leur apporter une réponse. Pour cela, commencez, monsieur le ministre, par donner un avis favorable à l’amendement de Mansour Kamardine. (Applaudissements sur les bancs du groupe LR.)

    Mme la présidente

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    La parole est à M. le garde des sceaux.

    M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux

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    Si j’ai bien compris, monsieur Ciotti, le malheur a commencé après la défaite du président Sarkozy.

    M. Éric Ciotti

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    Cela se peut ! (Rires sur les bancs des groupes RE et Dem.)

    M. Patrick Hetzel, rapporteur spécial

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    Ce n’est peut-être pas faux !

    M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux

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    Je ne vais pas reprendre tout ce que j’ai dit ce matin,…

    M. Éric Ciotti

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    Je crois que le président Macron partage mes analyses sur ce point !

    M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux

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    Vous n’étiez pas présent, monsieur Ciotti, souffrez d’entendre quelques instants le son de ma voix. Il ne faut pas croire que plus est égal à moins. Quand vous étiez au pouvoir, les magistrats partis à la retraite n’étaient pas remplacés, nous, nous en avons embauché 720 ainsi que 150 greffiers et 2 000 agents contractuels ont été pérennisés au terme de leur contrat. (Applaudissements sur les bancs du groupe RE.)

    M. Sylvain Maillard

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    Eh oui !

    M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux

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    Je veux bien recevoir des leçons car c’est toujours utile – celui n’en reçoit plus est, à mon avis, bien malheureux –, mais pas entendre n’importe quoi.

    M. Éric Ciotti

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    Les chiffres sont là !

    M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux

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    Vous arrivez maintenant pour participer au débat, ce dont je me félicite …

    M. Éric Ciotti

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    J’étais là dès ce matin !

    M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux

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    …car il sera enrichi par votre présence, mais, de grâce, faites preuve d’un peu de modestie ! Quand vous étiez au pouvoir, la justice était le parent pauvre de votre politique. Il n’est qu’à se souvenir du nombre de vos embauches ! Depuis qu’Emmanuel Macron est président, le budget de la justice a augmenté de plus de 40 %. (Applaudissements sur les bancs des groupes RE et Dem.)

    M. Éric Ciotti

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    Pourquoi les chiffres sont-ils si mauvais, alors ?

    M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux

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    Reconnaissez-le, ne serait-ce que du bout des lèvres ! Je sais combien cela vous est difficile mais dites au moins : « C’est bien, ça » ! Ce n’est pas compliqué, vous allez voir, vous n’avez pas besoin d’aller chez l’orthophoniste pour ça. Allez, faites-moi plaisir ! (Applaudissements sur les bancs des groupes RE et Dem.) Non ? Vraiment ?

    M. Patrick Hetzel, rapporteur spécial

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    On n’est pas là pour vous faire plaisir, monsieur le garde des sceaux !

    Mme la présidente

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    Je rappelle que le règlement prévoit que pour chaque amendement, s’expriment un orateur pour et un orateur contre, voire plus si c’est nécessaire, mais que le débat ne peut être poursuivi après que le ministre leur a répondu.

    (L’amendement no 1240 n’est pas adopté.)

    Mme la présidente

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    La parole est à M. Julien Rancoule, pour soutenir l’amendement no 1867.

    M. Julien Rancoule

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    Il vise à renforcer les fonds dédiés au soutien et à la formation de l’administration pénitentiaire. Il apparaît absolument nécessaire de donner plus de moyens aux services pénitentiaires, à l’École nationale d’administration pénitentiaire (Enap) ou encore au service national du renseignement pénitentiaire, qui subissent de plein fouet l’inflation alors qu’ils ont des besoins de financement croissants. La formation du personnel est souvent, en effet, la première variable d’ajustement budgétaire au sein des administrations. On sait pourtant combien les personnels pénitentiaires ont besoin d’être formés, eux qui sont confrontés au surpeuplement des prisons et à des épisodes de violence de plus en plus fréquents. C’est notre devoir de parlementaires de consacrer plus d’argent à la formation de ces hommes et de ces femmes qui, tous les jours, servent la France en supportant des conditions de travail très difficiles. (Applaudissements sur les bancs du groupe RN.)

    M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux

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    On est bien d’accord !

    Mme la présidente

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    Quel est l’avis de la commission ?

    M. Patrick Hetzel, rapporteur spécial

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    Cet amendement n’a pas été examiné par la commission. À titre personnel, je considère que la formation des personnels de l’administration pénitentiaire constitue bel et bien un enjeu. Toutefois, votre amendement, si on le regarde de près, propose de prélever 10 millions d’euros sur les crédits de la justice judiciaire – il est vrai que les députés, pour participer aux débats budgétaires, n’ont pas d’autre choix que de proposer des transferts de crédits entre différents programmes. Quoi qu’il en soit, je préférerais que M. le garde des sceaux nous donne des précisions sur les avancées envisagées pour ces personnels. Nous savons que l’un des problèmes principaux tient à l’attractivité de ces professions.

    M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux

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    Bien sûr !

    M. Patrick Hetzel, rapporteur spécial

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    Beaucoup d’agents de l’administration pénitentiaire ont exprimé leur volonté de rejoindre d’autres secteurs de la fonction publique. Il faut lutter contre ce phénomène de départs et le chantier est de taille. À titre personnel, j’émets un avis de sagesse, mais il serait bon que M. le garde des sceaux nous dise comment il compte faire pour que l’administration pénitentiaire ne soit pas la grande oubliée de ce budget.

    Mme la présidente

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    Quel est l’avis du Gouvernement ?

    M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux

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    Monsieur Rancoule, je veux m’associer à l’hommage que vous venez de rendre aux agents pénitentiaires qui constituent la troisième force de sécurité de notre pays. Cet hommage, ils le méritent pleinement : ils font un travail difficile dans des conditions difficiles, parfois en étant exposés à des situations de violence extrême.
    Je n’ai toutefois pas attendu votre amendement pour faire en sorte qu’ils soient mieux considérés, que ce soit en matière de salaires, de revalorisation, de fusion des grades ou de statuts grâce à la réforme historique qui a permis aux surveillants de passer d’un rôle de « porte-clefs », si je puis dire, à celui de surveillant acteur. Les agents pénitentiaires le savent bien, ils se sont même exprimés sur tout cela, notamment à travers leurs syndicats.
    J’entends vos préoccupations mais je tiens à rappeler que les crédits hors titre 2 du programme Administration pénitentiaire s’élèveront à 1,86 milliard d’euros, soit une hausse de 100 millions d’euros par rapport à la loi de finances initiale pour 2022, ce qui correspond à une progression de 5,7 %. Si je vous dis : « Qui dit mieux ? », c’est n’est pas par provocation. Votre groupe n’a pas voté le budget que j’ai présenté l’année dernière.

    M. Laurent Jacobelli

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    Nous n’avions pas de groupe !

    M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux

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    Pourtant, nous avions indiqué très clairement en le présentant qu’il comportait une hausse sans précédent des moyens de la justice. Vous n’étiez pas au rendez-vous ! Dans ces conditions, je dois dire qu’il est assez curieux de vous entendre maintenant pérorer en demandant plus, plus et encore plus dans une forme de surenchère. (Exclamations sur plusieurs bancs du groupe RN.)
    S’agissant des crédits consacrés à l’Enap, ils progressent pour 2023 de plus de 7 %, monsieur le député, ce qui n’est pas rien. Cette progression permettra notamment de compenser les effets de l’inflation sur lesquels vous avez insisté.
    Dans ces conditions, vous comprendrez bien sûr que je sois défavorable à votre amendement. Nous ne vous avons pas attendus pour penser à l’administration pénitentiaire.

    Mme la présidente

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    La parole est à M. Julien Rancoule.

    M. Julien Rancoule

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    J’écoute attentivement les débats depuis ce matin et je constate qu’il manque des moyens partout, qu’il s’agisse des prisons, des tribunaux, des magistrats, de la formation. C’est d’ailleurs bien pour cette raison que les élus du Rassemblement national, qui ne formaient pas un groupe sous la précédente législature, ont refusé de voter le budget de la justice l’année dernière. Vous nous reprochez de détricoter votre budget par nos amendements.

    M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux

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    Non !

    M. Julien Rancoule

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    Nous n’avons pas le choix. Si Marine Le Pen était présidente, le budget alloué à la justice aurait été bien plus élevé…

    M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux

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    Bien sûr !

    M. Julien Rancoule

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    …et aurait permis de stabiliser certains crédits et d’en augmenter d’autres. Vous avez beau dire que votre budget est historique, monsieur le ministre, il est clairement insuffisant. Les fonctionnaires de la justice s’en rendent compte tous les jours.
    Je tiens aussi à préciser que les crédits dont nous parlons financent aussi le renseignement pénitentiaire, qui vise à détecter les phénomènes de radicalisation dans nos prisons et à vous informer des courses de karting qui y sont organisées. (Applaudissements sur les bancs du groupe RN.)

    M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux

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    Ah, on voit bien que vous êtes content de vous, là !

    Mme la présidente

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    La parole est à Mme Danielle Brulebois.

    Mme Danielle Brulebois

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    On ne peut pas laisser dire n’importe quoi ! C’est bien la première fois que le budget de la justice fait un tel bond. Depuis que M. Dupond-Moretti est garde des sceaux, les crédits ont augmenté de 30 % …

    M. Julien Rancoule

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    Pour quels résultats ?

    Mme Danielle Brulebois

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    …et leur hausse totale est de 40 % depuis qu’Emmanuel Macron est président de la République. (Applaudissements sur les bancs du groupe RE.)

    M. Patrick Hetzel, rapporteur spécial

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    Alléluia !

    Mme Danielle Brulebois

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    Les projets que vous avec cités pour Mayotte, monsieur le ministre, montrent bien qu’il y avait auparavant un sous-investissement chronique en moyens tant humains que matériels.
    Soyons donc fiers de ce budget et de ce que nous faisons pour la France. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe RE.)

    Mme la présidente

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    La parole est à M. le garde des sceaux.

    M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux

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    Ah, si Marine Le Pen était présidente… (Applaudissements sur les bancs du groupe RN.) Le problème, c’est qu’elle a perdu l’élection présidentielle. Il faudra bien que vous vous fassiez à cette réalité !

    M. Sylvain Maillard

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    D’autant que ce n’était pas la première fois !

    M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux

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    En effet, cela fait même trois fois qu’elle est battue ! (Vives exclamations sur les bancs du groupe RN.)

    M. Laurent Jacobelli

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    Et vous, vous avez été rejeté !

    Mme la présidente

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    Seul le garde des sceaux a la parole !

    M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux

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    Je n’ai pas entendu vos invectives, monsieur le député : pouvez-vous les formuler plus haut ?

    M. Laurent Jacobelli

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    Vous avez été rejeté à chaque fois !

    Mme la présidente

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    Pas de mises en cause personnelles au sein de l’hémicycle, chers collègues. On sait bien que trente minutes plus tard, cela se termine mal. (Rires sur divers bancs.)

    M. Patrick Hetzel, rapporteur spécial

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    Vous avez raison, madame la présidente !

    Mme la présidente

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    Je vous laisse poursuivre, monsieur le garde des sceaux.

    M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux

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    Vous savez, je pense que certains de nos compatriotes suivent nos débats. Si pour vous, une augmentation du budget de 40 %, ce n’est rien, c’est votre liberté démocratique non seulement de le penser mais aussi de le dire.

    M. Laurent Jacobelli

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    Oh merci, vous êtes trop bon !

    M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux

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    Si la hausse du budget de 26 % enregistrée depuis que je suis garde des sceaux, ce n’est rien pour vous, c’est aussi votre droit de le penser et de le dire.
    Monsieur Rancoule, juste avant de terminer la défense de votre amendement, vous avez donné très courageusement un petit coup de pied de l’âne en évoquant Fresnes. Je me suis déjà expliqué. Vous savez que je n’ai pas approuvé ces images et je vais vous dire pourquoi. (Exclamations sur les bancs du groupe RN.)

    M. Laurent Jacobelli

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    Mais quel aveu de faiblesse !

    M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux

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    Premièrement, parce que je pense que les jeunes, en regardant ces images, se forment une idée totalement fausse de ce qu’est la prison alors que la prison devrait faire peur, en particulier aux plus jeunes.
    Deuxièmement, parce que j’estime que les activités proposées, et que je n’ai pas validées – vous n’êtes pas tenus de me croire, mais peu importe – ne vont dans le sens ni de la répression, ni de la réinsertion – or je suis très attaché aux deux.
    Troisièmement, il faudrait sortir de certaines postures dont vous avez fait, comment dirais-je,…

    M. Sylvain Maillard

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    Un commerce !

    M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux

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    …c’est cela : un commerce. Si nous pouvions, lors de nos échanges futurs, éviter par exemple les effets de manche…

    Un député du groupe RN

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    Cela n’a rien à voir !

    M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux

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    Écoutez-moi ! Je vous fais une suggestion, mais l’impératif m’est interdit lorsque je m’adresse à vous. Si nous pouvions arrêter les formules du genre « ministre des détenus »…

    M. Julien Rancoule

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    Et ministre des victimes !

    M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux

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    …parce que je suis non seulement le ministre des détenus, c’est vrai, mais aussi celui de l’administration pénitentiaire, des avocats, des huissiers, des magistrats ou encore des greffiers. (Applaudissements sur quelques bancs des groupes RE, Dem et HOR.)
    Je vais vous raconter une petite anecdote, messieurs les membres du Rassemblement national.

    M. Patrick Hetzel

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    N’oubliez pas les dames !

    Mme Laure Lavalette

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    Pourquoi « messieurs » ?

    M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux

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    Je n’ai été interpellé sur cette question que par des hommes, madame. Pardonnez-moi si je ne vous ai pas entendue : ce n’est pas du sexisme de ma part. Un jour, donc, je me rends dans un centre éducatif fermé, où se trouve un gamin totalement prostré. J’ai pensé à la formule de Cioran selon laquelle chaque homme s’accroche désespérément à sa mauvaise étoile. Je ne veux pas faire pleurer Margot, mais cet enfant est orphelin, il a connu des situations très complexes qui l’ont conduit là où il est. J’essaie de lui parler mais il reste prostré dans un coin et ne répond pas. J’essaie de m’intéresser à lui car je suis aussi le ministre des mineurs placés en centre éducatif fermé.

    M. Julien Rancoule

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    Occupez-vous des victimes !

    M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux

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    Laissez-moi terminer ! Il y a là un baby-foot et je lui propose de venir à mes côtés. (« Ah ! » sur quelques bancs du groupe RN.) Vous sortez les photos ! Avec une forme de vulgarité qui caractérise parfois les uns et les autres, vous déclarez : « Voilà comment le garde des sceaux s’occupe de la délinquance des mineurs ! » Vous voyez, j’avais envie de vider mon sac, parce qu’il y a tellement longtemps que je le porte !

    Un député du groupe RN

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    Il était rempli !

    M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux

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    Fallait-il que je frappe ce gosse, monsieur le député ? Que je lui donne des coups de pied dans les côtes ? (« Oh ! » sur plusieurs bancs du groupe RN.) C’est bien ça que vous vouliez ? (Protestations sur plusieurs bancs du groupe RN.) Ça, c’est la signature de votre humanisme à vous ! (Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes RE, Dem et HOR. – Protestations sur plusieurs bancs du groupe RN.)

    (L’amendement no 1867 n’est pas adopté.)

    Mme la présidente

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    La parole est à M. Christophe Bentz, pour soutenir l’amendement no 1839.

    M. Christophe Bentz

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    Dans le même esprit que celui de mon collègue Julien Rancoule, cet amendement vise à transférer 5 millions d’euros vers l’administration pénitentiaire. La volonté n’est pas de restreindre les moyens alloués à l’évaluation des politiques judiciaires et à la recherche en matière de droit, mais bien de renforcer à court terme les financements des personnels de surveillance des établissements pénitentiaires, faute de pouvoir, dans les mêmes délais, élargir les capacités d’accueil de ces établissements.
    Ainsi, à l’issue de l’année 2021, pour assurer la prise en charge de plus de 235 000 personnes placées sous main de justice, l’administration pénitentiaire comptait plus de 41 000 agents, dont 30 000 surveillants pénitentiaires, c’est-à-dire un surveillant pour huit détenus, ce qui est très insuffisant compte tenu des nombreuses tâches qui leur incombent. C’est pourquoi il convient d’apporter un concours important à ce poste budgétaire. (Applaudissements sur les bancs du groupe RN.)

    Mme la présidente

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    Quel est l’avis de la commission ?

    M. Patrick Hetzel, rapporteur spécial

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    Dans la mesure où cet amendement n’a pas été examiné par la commission, je donnerai un avis à titre personnel. Je partage le constat concernant la nécessité de recruter des personnels de surveillance. Néanmoins, la question centrale qui se pose à l’administration pénitentiaire est celle de l’attractivité de ces métiers. Vous proposez d’allouer à ce poste des crédits supplémentaires à hauteur de 5 millions. Malgré tout, en matière d’épure budgétaire, vous voyez bien que nous sommes dans l’épaisseur du trait. Je laisse donc M. le garde des sceaux répondre et, à titre personnel, j’émets un avis de sagesse.

    Mme la présidente

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    Quel est l’avis du Gouvernement ?

    M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux

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    Avis défavorable.

    Mme la présidente

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    Je mets aux voix l’amendement no 1839.

    (Il est procédé au scrutin.)

    Mme la présidente

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    Voici le résultat du scrutin :
            Nombre de votants                        139
            Nombre de suffrages exprimés                138
            Majorité absolue                        70
                    Pour l’adoption                47
                    Contre                91

    (L’amendement no 1839 n’est pas adopté.)

    Mme la présidente

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    La parole est à M. Philippe Schreck, pour soutenir l’amendement no 1883.

    M. Philippe Schreck

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    Il concerne le plan de construction de 15 000 places nettes de prison supplémentaires d’ici à 2027. Pour en assurer le succès, il faut y adosser, monsieur le garde des sceaux, non pas des « porte-clefs » mais des femmes et des hommes valorisés et formés. Ne faisons pas comme pour les maisons médicales, que l’on construit sans y installer de médecins.
    Pour l’année 2023, 489 recrutements sont prévus et fléchés vers les 1 900 places qui devraient être créées : cela correspond à un équivalent temps plein (ETP) pour quatre détenus. Compte tenu des impératifs de service tels que les permanences à assurer ou de l’absentéisme, des tensions sont à prévoir dès l’ouverture desdites places. C’est pourquoi il importe, si nous voulons garantir l’efficacité de ce plan, d’y consacrer les moyens humains. (Applaudissements sur les bancs du groupe RN.)

    Mme la présidente

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    Quel est l’avis de la commission ?

    M. Patrick Hetzel, rapporteur spécial

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    Vous posez une question importante qui concerne le nombre de places en prison. La promesse avait été faite par le candidat Macron en 2017 de créer 15 000 places supplémentaires en 2022. Nous y sommes, mais seulement 2 000 places ont été créées : il y a effectivement un petit décalage.

    Mme Laure Lavalette

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    Un grand décalage !

    M. Patrick Hetzel, rapporteur spécial

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    Lors de la campagne présidentielle de 2022, on nous a annoncé la création des 15 000 places d’ici cinq ans. Les promesses, vous le savez, n’engagent que ceux qui y croient. Nous ne sommes pas, pour l’instant, au rendez-vous de ce qui avait été envisagé.
    Pour en revenir à votre amendement, il n’a pas été débattu en commission. Je laisse donc le garde des sceaux s’exprimer à ce sujet et j’émets, pour ma part, un avis de sagesse.

    Mme la présidente

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    Quel est l’avis du Gouvernement ?

    M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux

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    Le Président de la République a annoncé 15 000 places nettes de prison, qui seront construites d’ici à la fin du quinquennat. Il y a eu du retard, en raison notamment de l’épidémie de covid-19. Je me suis rendu récemment à Toulon-La Farlède, où vous étiez d’ailleurs présente, madame Lavalette : vous avez constaté que l’établissement était sorti de terre et il sera prochainement inauguré – comme c’est le cas de plusieurs autres établissements. Voilà ce que je peux dire à ce sujet. Je tiens à la disposition des députés qui le souhaitent le descriptif des travaux en cours. Sachez que je veille personnellement – je l’ai fait en particulier cet été – à ce que nous soyons au rendez-vous des engagements présidentiels.
    Monsieur Schreck, le nombre d’emplois nécessaires à l’armement des nouvelles structures sera actualisé chaque année, en fonction de l’avancée des opérations immobilières et fera l’objet, lors des prochaines annuités, des ouvertures de postes nécessaires. Enfin, je ferai une petite remarque, puisque vous vous préoccupez de l’administration pénitentiaire : le nombre d’emplois de surveillants vacants n’est pas, comme vous l’écrivez, de 2 500 en octobre 2022 – vous êtes mal renseigné – mais de 1 484, soit un taux de couverture de plus de 94 %. Tant qu’à parler d’un sujet, autant le faire en toute connaissance de cause. Avis défavorable.

    Mme la présidente

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    La parole est à Mme Élodie Jacquier-Laforge.

    Mme Élodie Jacquier-Laforge

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    M. le garde des sceaux vient de le rappeler : 15 000 places de prison supplémentaires seront créées d’ici à 2027 et, dès 2023, dix nouveaux établissements seront livrés. Ces mesures s’accompagnent de la création de près de 809 emplois et, toujours en 2023, près de 2 000 places seront créées afin de désengorger les établissements existants. De même, un programme de rénovation et de modernisation sera engagé, avec une dotation de 130 millions d’euros pour le parc pénitentiaire existant. Cet investissement est essentiel.
    Je voudrais également vous alerter, monsieur le garde des sceaux, sur la situation de la maison d’arrêt de Varces. Pourriez-vous détailler les crédits qui, dans ce PLF, y seront consacrés ?

    Mme la présidente

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    La parole est à M. Jean Terlier.

    M. Jean Terlier

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    Je souhaite appeler l’attention sur l’effet boomerang de cet amendement qui conduirait, s’il était adopté, à prélever 5 millions d’euros de crédits sur le programme Protection judiciaire de la jeunesse.

    M. Laurent Jacobelli

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    Il s’agit d’un gage !

    M. Jean Terlier

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    Je pense que ce n’est pas l’effet que vous recherchez, à l’heure où il faut accompagner la réforme de la justice pénale des mineurs et lutter contre la délinquance juvénile. J’y suis donc tout à fait défavorable.

    Mme la présidente

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    La parole est à M. le garde des sceaux.

    M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux

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    Je vais répondre à votre question, madame Jacquier-Laforge, puisque vous êtes préoccupée, si j’ose dire, par la situation de la maison d’arrêt de Grenoble-Varces.

    M. Laurent Jacobelli

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    Ce n’est pas du tout préparé !

    M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux

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    Cet établissement pénitentiaire connaît une surpopulation importante : la priorité est donnée à des orientations vers des quartiers centres de détention.

    Un député du groupe RN

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    Allez. On vote sur l’amendement !

    M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux

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    Non, on m’a posé une question ; par courtoisie républicaine, j’y réponds !
    Néanmoins, de nombreuses affectations de désencombrement, organisées par la direction interrégionale des services pénitentiaires (Disp) de Lyon, n’ont pas permis, à ce stade, de diminuer significativement le taux d’occupation. Cet établissement connaît depuis plusieurs années des travaux d’envergure : la programmation budgétaire de la direction interrégionale prévoit une opération importante de refonte de la porte d’entrée principale et du dispositif de vidéoprotection à compter de 2023 – 5 millions d’euros sont budgétés à cet effet. Les perspectives d’autorisations d’engagement pour lancer une opération pluriannuelle de rénovation dans le cadre du quinquennat seront évoquées prochainement, avec la Disp de Lyon, dont dépend cet établissement.

    Mme la présidente

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    Je mets aux voix l’amendement no 1883.

    (Il est procédé au scrutin.)

    Mme la présidente

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    Voici le résultat du scrutin :
            Nombre de votants                        154
            Nombre de suffrages exprimés                153
            Majorité absolue                        77
                    Pour l’adoption                49
                    Contre                104

    (L’amendement no 1883 n’est pas adopté.)

    Mme la présidente

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    La parole est à M. Mansour Kamardine, pour soutenir l’amendement no 1242.

    M. Mansour Kamardine

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    Il vise également à renforcer les moyens de l’administration pénitentiaire, notamment à Mayotte où la maison d’arrêt craque de toutes parts. Vous y avez annoncé la construction d’un second centre de détention, ce qui va dans le bon sens. Il manque toutefois également de personnels. Si ce n’est qu’une question de moyens, je souligne qu’il y a en métropole plus d’un millier de jeunes Mahorais exerçant au sein de l’administration pénitentiaire, qui seraient prêts à revenir à Mayotte si vous leur en donniez la possibilité. Cela permettrait de fluidifier le fonctionnement du centre existant, en attendant la construction du nouvel établissement qui pourrait n’intervenir que d’ici plusieurs années, sauf si vous êtes en mesure de nous communiquer un calendrier précis sur ce chantier, sachant qu’il n’y a pas, à Mayotte, de problème foncier puisque le conseil départemental a décidé d’être aux côtés de l’État pour favoriser l’implantation de ce second établissement.

    Mme la présidente

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    Quel est l’avis de la commission ?

    M. Patrick Hetzel, rapporteur spécial

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    Contrairement à ce qui concerne les juridictions judiciaires, nous disposons dans le bleu budgétaire d’informations s’agissant des moyens alloués à l’administration pénitentiaire de Mayotte : 16,4 millions d’euros y sont ainsi consacrés en 2022. Le garde des sceaux y a effectué une visite en mars dernier et a annoncé la création d’un second centre pénitentiaire, compte tenu du fait que la maison d’arrêt de Majicavo est surchargée : selon les données disponibles, le taux d’occupation y était de 158 % pour 428 détenus. Cependant, il semblerait que le terrain assigné à la construction du nouvel établissement ne soit pas encore identifié. Au-delà d’une question de moyens, c’est un sujet qui relève de la rapidité d’exécution de l’administration pénitentiaire. Depuis votre visite à Mayotte, pouvez-vous nous indiquer, monsieur le garde des sceaux, où en sont vos services quant à l’exécution annoncée ?
    En ce qui concerne le présent amendement, il n’a pas été débattu en commission : je ne peux donc émettre qu’un avis à titre personnel, qui sera un avis de sagesse.

    Mme la présidente

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    Quel est l’avis du Gouvernement ?

    M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux

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    Défavorable. Pour répondre à la question que vous m’avez posée tout à l’heure, monsieur Kamardine, le nombre de magistrats rapporté à celui des habitants est équivalent à Mayotte et en métropole. Je vous communiquerai les chiffres précis.
    Par ailleurs, nous avons beau y consacrer toute notre bonne volonté et mobiliser tous les crédits nécessaires, nous n’avons pas de terrain sur place. Pourriez-vous nous aider à en trouver un, monsieur le député ? Trouvez-moi le terrain, nous y construirons une prison !

    M. Laurent Jacobelli

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    C’est complètement lunaire !

    Mme la présidente

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    La parole est à M. Ian Boucard.

    M. Ian Boucard

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    Chers collègues, si Mansour Kamardine réclame depuis tout à l’heure – ou plutôt, depuis qu’il est député – des mesures exceptionnelles pour Mayotte, c’est parce que la situation y est exceptionnelle. Après tout, l’un d’entre vous vient aussi d’évoquer son cas personnel en parlant du CEF de sa circonscription.
    En matière de sécurité, la situation est bien plus problématique à Mayotte que dans le reste du pays.

    M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux

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    Je l’entends.

    M. Ian Boucard

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    Cela tient à l’histoire de ce beau département d’outre-mer, qui a fait le choix de rejoindre récemment la République française ; cela tient aussi à sa proximité avec les Comores – personne ne peut en douter. Je veux rendre hommage à notre collègue Mansour Kamardine, qui aime autant son territoire qu’il en décrit la réalité avec sincérité et précision.

    M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux

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    Bien sûr !

    M. Ian Boucard

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    S’il demande avec passion des mesures exceptionnelles, c’est parce que son département et les Mahorais en ont besoin. Mayotte est à des kilomètres de Paris, mais ne sous-estimez pas la gravité de sa situation sécuritaire. Les Mahorais, eux, savent qu’elle est dramatique. (Applaudissements sur quelques bancs des groupes LR et RN.)

    Mme la présidente

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    La parole est à M. le garde des sceaux.

    M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux

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    Je ne sais pas à qui s’adressent ces propos.

    M. Ian Boucard

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    C’est un propos général !

    M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux

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    Je le répète, et j’espère que les Mahorais m’entendront : nous faisons tout notre possible pour améliorer la situation. J’ai déjà mentionné les actions que nous avons menées ; j’ai par ailleurs pris des engagements, et des réalisations sont en cours. Nous avons pleinement conscience que, du fait de certaines spécificités, Mayotte se trouve dans une situation de précarité particulière. Le ministère de la justice est probablement celui qui investit le plus à Mayotte – car comme vous l’avez souligné, monsieur Kamardine, nous avons parfaitement conscience que la justice scelle notre pacte social, à Mayotte comme partout ailleurs. (Mme Danielle Brulebois applaudit.)

    (L’amendement no 1242 n’est pas adopté.)

    Mme la présidente

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    La parole est à M. Philippe Schreck, pour soutenir l’amendement no 1414.

    M. Philippe Schreck

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    Nous avons déjà évoqué les plans de recrutement dans l’administration pénitentiaire ; mais quelle que soit leur ampleur, ils se heurteront à une difficulté : la faible valorisation des métiers de l’administration pénitentiaire, notamment celui de surveillant. Ce secteur connaît une crise des vocations, pour une diversité de raisons. L’une d’entre elles – il suffit de rencontrer les syndicats pour s’en convaincre – est que les agents sont embauchés en catégorie C et qu’ils y restent longtemps au cours de leur carrière. Seules 280 promotions de la catégorie C vers la catégorie B sont envisagées en 2023. C’est un mauvais signal envoyé aux membres de l’administration pénitentiaire, notamment aux surveillants. Aussi mon amendement vise-t-il à abonder de 1 million d’euros les crédits qui financent les promotions de la catégorie C vers la catégorie B. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe RN.)

    Mme la présidente

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    Quel est l’avis de la commission ?

    M. Patrick Hetzel, rapporteur spécial

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    Cet amendement n’ayant pas été débattu en commission, celle-ci n’émettra pas d’avis. Pour autant, je ne mésestime pas l’importance du sujet soulevé par M. Schreck ; je considère donc son amendement comme un amendement d’appel. À titre personnel, je m’en remets à la sagesse de l’Assemblée.

    Mme la présidente

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    Quel est l’avis du Gouvernement ?

    M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux

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    Plutôt que de nous focaliser sur un point particulier, considérons le continuum d’actions déployées dans ce domaine. De nombreuses mesures catégorielles et salariales ont déjà été prises, et je me suis engagé à ce que ce mouvement se poursuive en 2023, en plein accord avec les organisations syndicales pénitentiaires, que je reçois régulièrement.
    Sur quatre ans, le plan de requalification de la filière surveillants a permis de promouvoir 1 400 agents de la catégorie C vers la catégorie B, 450 agents de la catégorie B vers la catégorie A, ainsi que 470 surveillants brigadiers vers le grade de premier surveillant. Les grades de surveillant et de brigadier ont en outre été fusionnés en 2022. Ces mesures, qui ont coûté 30 millions d’euros, ont permis d’offrir aux agents un déroulement de carrière plus linéaire et une revalorisation indiciaire importante.
    Outre les mesures catégorielles qui s’appliqueront en 2023, des discussions s’ouvriront en vue d’engager une réforme statutaire de grande envergure du corps d’encadrement et d’application, propre à améliorer l’attractivité du métier de surveillant. Mon avis est donc défavorable, mais je me fais un plaisir de répondre à vos préoccupations.

    Mme la présidente

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    La parole est à M. Ugo Bernalicis.

    M. Ugo Bernalicis

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    Nous nous opposons à cet amendement, dont la logique n’est pas la bonne. C’est une véritable fuite en avant : comme on construit de plus en plus de places de prison, il faut de plus en plus de surveillants. Nous savons pourtant combien ce métier est difficile – un grand nombre d’élèves abandonnent d’ailleurs leur formation en cours de scolarité pour se diriger vers d’autres cursus. Ce ne peut pas être une logique sans fin – à moins de vouloir mettre toute la France en prison, mais je ne pense pas que ce soit l’objectif politique. (Murmures sur divers bancs.) Si nous arrêtions de construire des places de prison et si nous assumions ces recrutements, nous atteindrions l’effectif cible – nous aurions même un peu plus de surveillants que de besoins. Pour cela, il faut concentrer tous les efforts sur les mesures alternatives à l’incarcération et sur les mesures en milieu ouvert.

    M. Laurent Jacobelli

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    Vous ne pensez jamais aux victimes !

    M. Ugo Bernalicis

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    Je pense par exemple au placement à l’extérieur, même si M. le garde des sceaux estime qu’il y en a déjà suffisamment. Le placement à l’extérieur concerne à peine plus de 900 personnes chaque année, sur les 84 000 qui sont sous écrou. Nous pouvons faire mieux, et incarcérer moins.

    M. Laurent Jacobelli

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    Le chaos !

    M. Ugo Bernalicis

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    Nous atteindrions alors un meilleur taux d’encadrement dans les établissements pénitentiaires. Pour cela, il faut amorcer une déflation carcérale par une déflation pénale. Encore faut-il assumer de le dire. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe LFI-NUPES.)

    Mme la présidente

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    Je mets aux voix l’amendement no 1414.

    (Il est procédé au scrutin.)

    Mme la présidente

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    Voici le résultat du scrutin :
            Nombre de votants                        148
            Nombre de suffrages exprimés                147
            Majorité absolue                        74
                    Pour l’adoption                48
                    Contre                99

    (L’amendement no 1414 n’est pas adopté.)

    Suspension et reprise de la séance

    Mme la présidente

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    La séance est suspendue.

    (La séance, suspendue à seize heures quarante, est reprise à seize heures cinquante.)

    Mme la présidente

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    La séance est reprise.
    La parole est à M. Julien Rancoule, pour soutenir l’amendement no 305.

    M. Julien Rancoule

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    Il s’agit d’un amendement de repli par rapport à l’amendement no 1867. Il vise à abonder de 400 000 euros les fonds dédiés au soutien et à la formation de l’administration pénitentiaire. Les agents pénitentiaires méritent ce geste symbolique de reconnaissance. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe RN.) 

    Mme la présidente

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    Quel est l’avis de la commission ?

    M. Patrick Hetzel, rapporteur spécial

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    Étant donné que nous n’avons pas débattu de cet amendement en commission, celle-ci n’a pas émis d’avis. À titre personnel, je m’en remets à la sagesse de l’Assemblée.

    (L’amendement no 305, repoussé par le Gouvernement, n’est pas adopté.)

    Mme la présidente

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    La parole est à M. Philippe Schreck, pour soutenir l’amendement no 1882.

    M. Philippe Schreck

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    Nous avons eu l’occasion d’évoquer les situations de la Guyane et de Mayotte. Le Gouvernement a prévu le versement d’une prime aux agents affectés dans ces territoires, pour un montant total de 120 000 euros. Il s’agit là d’une mesure positive, qui tient compte d’une situation réellement difficile.

    M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux

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    Ah, voilà !

    M. Philippe Schreck

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    Ce modeste amendement vise à augmenter de 100 000 euros les crédits affectés à cette mesure, afin qu’elle soit davantage qu’un symbole. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe RN.)

    Mme la présidente

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    Quel est l’avis de la commission ?

    M. Patrick Hetzel, rapporteur spécial

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    Cet amendement va dans le même sens que celui qu’a défendu M. Kamardine : il cherche à répondre au manque d’attractivité des postes d’agent pénitentiaire. Il s’agit d’un réel problème, tant en Guyane qu’à Mayotte. N’en ayant pas débattu, la commission n’a pu émettre d’avis sur cet amendement ; à titre personnel, je rends un avis de sagesse et j’écouterai M. le garde des sceaux expliquer les évolutions possibles dans ces deux territoires.

    Mme la présidente

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    Quel est l’avis du Gouvernement ?

    M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux

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    Je comprends parfaitement le sens de cet amendement, qu’il est très tentant d’approuver. Toutefois, je ne souhaite pas déshabiller Jacques pour habiller Paul, et je suis tenu de maintenir différents équilibres. Vous n’avez pas à vous soucier de cette contingence, pourtant essentielle dès lors qu’il s’agit du budget : il vous suffit de vous lever et de déclarer que 100 000 euros sont insuffisants, qu’il faudrait en dépenser 150 000. Mon rôle consiste à vous répondre que pour dégager 50 000 euros supplémentaires, il faudrait réduire d’autant une autre dépense.
    Compte tenu des équilibres existants et de la nécessité d’agir en faveur de l’ensemble des personnels de justice, toutes professions confondues, je ne puis qu’être défavorable à votre amendement.

    Mme la présidente

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    Je mets aux voix l’amendement no 1882.

    (Il est procédé au scrutin.)

    Mme la présidente

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    Voici le résultat du scrutin :
            Nombre de votants                        90
            Nombre de suffrages exprimés                89
            Majorité absolue                        45
                    Pour l’adoption                36
                    Contre                53

    (L’amendement no 1882 n’est pas adopté.)

    Mme la présidente

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    La parole est à Mme Emmanuelle Ménard, pour soutenir l’amendement no 1797.

    Mme Emmanuelle Ménard

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    Les amendements nos 1797, 1794 et 1801 sont des amendements d’appel concernant le personnel pénitentiaire. Je les défendrai toutefois séparément, car chacun porte sur un objet différent.
    L’amendement no 1797 concerne le personnel pénitentiaire quotidiennement confronté à la violence des détenus.
    Le 21 mars 2019, au centre pénitentiaire du Gasquinoy à Béziers, un drame a été évité de justesse grâce au professionnalisme des surveillants. Grâce à un renseignement interne établissant qu’un détenu radicalisé avait l’intention d’agresser un surveillant avec un couteau en céramique, une procédure de fouille des cellules a été ordonnée par la direction. Un autre détenu, qui semblait être complice du potentiel agresseur, a alors menacé de « cramer » les gardiens. Le drame a été évité de justesse après que les surveillants se sont rendu compte que cet individu avait fait bouillir de l’huile dans sa cellule à l’aide d’une plaque chauffante. Le 20 novembre 2018, un détenu avait déjà jeté de l’eau bouillante au visage d’un surveillant à la maison centrale d’Arles. Le 23 février 2019, les mêmes faits s’étaient produits à la prison de Saint-Maur. Plusieurs organisations syndicales ont déjà alerté sur le danger de ces plaques de cuisson dans les cellules qui, d’abord tolérées en raison de pathologies médicales, sont devenues la règle.
    Cette violence croissante dans les prisons s’exerce notamment à l’encontre du personnel pénitentiaire, mais également à l’encontre des détenus, ainsi que l’a démontré la mort d’Yvan Colonna. Le problème est toujours d’actualité. Dès lors, il convient de faire un nouvel effort financier pour que les agents pénitentiaires puissent faire face aux risques de leur métier, et de prendre des mesures simples, comme l’interdiction des plaques de cuisson dans les cellules.

    Mme la présidente

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    Quel est l’avis de la commission ?

    M. Patrick Hetzel, rapporteur spécial

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    Étant donné que nous n’avons pas débattu en commission des trois amendements déposés par Mme Ménard, la commission n’a pu émettre d’avis. À titre personnel, je m’en remets à la sagesse de l’Assemblée.

    Mme la présidente

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    Quel est l’avis du Gouvernement ?

    M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux

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    Je suis défavorable aux trois amendements, pour la simple raison que le budget que je présente contient déjà des mesures concernant la sécurité des agents pénitentiaires. Il apporte de nombreuses améliorations en la matière. D’autres seront encore apportées, afin de tenir compte d’une situation en constante évolution : ainsi, confrontés au risque que représentent les drones volant au-dessus des établissements pénitentiaires, nous avons immédiatement réagi et trouvé une solution.
    Bien sûr, ce travail est infini ; nous ne pourrons jamais nous contenter des mesures actées sans envisager celles qui restent à prendre. Néanmoins, toutes les préoccupations légitimes évoquées dans vos amendements trouvent d’ores et déjà une réponse dans ce budget. Tous ces éléments essentiels, fondamentaux – car la sécurité des agents pénitentiaires est cruciale – ont leur place dans le budget que je défends. J’ai d’ailleurs beaucoup insisté sur ce point auprès des syndicats pénitentiaires lorsque je leur ai présenté ces mesures de transformation, pour lesquelles je vous redemande de voter. (Sourires.)

    Mme Emmanuelle Ménard

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    Si vous nous en donnez l’occasion !

    M. Erwan Balanant

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    Il est taquin, ce garde des sceaux !

    Mme la présidente

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    La parole est à M. Antoine Léaument.

    M. Antoine Léaument

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    Je m’exprimerai brièvement au sujet des conditions de travail du personnel pénitentiaire. Nouvellement élu à l’Assemblée nationale, j’ai choisi de rejoindre la commission des lois, compétente, entre autres, lorsqu’il s’agit des prisons. En tant que député, j’ai visité la maison d’arrêt de Fleury-Mérogis, située dans ma circonscription. À cette occasion, j’ai échangé avec le personnel pénitentiaire au sujet de ses conditions de travail et des violences auxquelles il est en effet confronté. Lorsque j’ai interrogé les agents sur la meilleure manière de les aider, ils m’ont unanimement répondu qu’il fallait améliorer les conditions de détention des détenus. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe LFI-NUPES.) C’était leur seule et unique réponse.

    M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux

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    Oui, et c’est ce que nous faisons !

    Mme Blandine Brocard

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    Nous sommes d’accord là-dessus !

    M. Antoine Léaument

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    La question la plus récurrente concernait la possibilité de douches individuelles ; je sais qu’un travail est en cours à ce sujet. L’encellulement individuel est également un enjeu important.
    Nos collègues du Rassemblement national présentent souvent la prison comme un lieu de villégiature, comme un lieu agréable, où on s’amuse et où on fait du kart. (Exclamations sur les bancs du groupe RN.) Ils sont allés jusqu’à affirmer que la prison, c’était l’hôtel 4 étoiles. Je vous conseille d’ouvrir un hôtel 4 étoiles où les conditions de logement seraient celles d’une prison : je vous assure que vous ne ferez pas fortune !

    Mme Marine Hamelet

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    Ce sont les mêmes que dans les Ehpad !

    M. Antoine Léaument

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    En somme, la première chose à faire pour améliorer les conditions de travail des personnels pénitentiaires est d’améliorer les conditions de détention des détenus. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe LFI-NUPES.)

    M. Laurent Jacobelli

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    Tout pour les détenus !

    (L’amendement no 1797 n’est pas adopté.)

    Mme la présidente

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    La parole est à Mme Emmanuelle Ménard, pour soutenir l’amendement no 1794.

    Mme Emmanuelle Ménard

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    Il concerne les détenus qui souffrent de maladies psychiatriques. En mars 2019, Adeline Hazan, alors contrôleure générale des lieux de privation de liberté, rapportait que jusqu’à 25 % des 70 000 détenus des prisons françaises présentaient une maladie psychiatrique lourde. Plus précisément, selon elle, 70 % des détenus souffraient de troubles psychiatriques, dont des troubles anxio-dépressifs ; parmi eux, entre 20 et 25 % présentaient des pathologies lourdes dont la psychose, la schizophrénie, « des pathologies qui ne peuvent que s’aggraver en détention ». Le personnel médical n’est pas en nombre suffisant et le personnel pénitentiaire n’est pas formé pour assurer le suivi de ces détenus et adopter un comportement adapté.
    Le 7 avril 2021, le docteur Cyrille Canetti, ancien chef du service médicopsychologique de la prison de la Santé, expliquait : « Aujourd’hui, on a des gens en cellule qu’on n’imaginerait pas ailleurs qu’à l’hôpital psychiatrique. […] Si on décide que la prison est le lieu où on met les gens dont on ne sait plus quoi faire, il faut le dire ! »
    Il me semble donc urgentissime de procéder à un véritable état des lieux des prisons, afin que des infirmiers et des médecins puissent soigner convenablement les détenus, et ainsi permettre au personnel pénitentiaire de se focaliser sur sa mission première : garder les détenus, non les soigner. En attendant, il convient de former ce personnel pour faire face à ces détenus malades, qui peuvent représenter un danger pour les agents pénitentiaires comme pour leurs codétenus.

    Mme la présidente

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    Quel est l’avis de la commission ?

    M. Patrick Hetzel, rapporteur spécial

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    Puisqu’il s’agit d’un amendement d’appel, il appartient à M. le ministre de répondre.
    Sagesse, à titre personnel, car l’amendement n’a pas été examiné par la commission.

    Mme la présidente

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    Monsieur le garde des sceaux, maintenez-vous votre avis défavorable ?

    M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux

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    Je me suis exprimé : j’ai donné l’avis du Gouvernement sur les trois amendements de Mme Ménard.

    (L’amendement no 1794 n’est pas adopté.)

    Mme la présidente

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    La parole est à Mme Emmanuelle Ménard, pour soutenir l’amendement no 1801.

    Mme Emmanuelle Ménard

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    J’espère que j’aurai plus de chance avec celui-ci, qui a trait aux détenus radicalisés, même s’il s’agit, là encore, d’un amendement d’appel.
    Dans une interview donnée au journal Le Parisien le 4 octobre 2019, une directrice de prison témoignait en ces termes de sa grande difficulté à faire face aux nombreux problèmes rencontrés dans les établissements pénitentiaires, notamment avec les détenus radicalisés : « C’est un public très difficile, très éprouvant pour le personnel. Un public auquel nous n’étions pas préparés. Une réflexion globale a été engagée au niveau de l’administration. Mais comment former plus de 30 000 personnes à l’accueil d’une population comme celle-là ? C’est énorme. »
    Cette question se pose avec d’autant plus d’acuité que quinze femmes et quarante enfants, jusque-là détenus dans les camps de prisonniers djihadistes dans le Nord-Est de la Syrie, ont été récemment rapatriés – les enfants, je le précise, ne sont évidemment pas incarcérés, mais certaines de ces femmes le sont.

    M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux

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    Elles le sont toutes !

    Mme Emmanuelle Ménard

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    Depuis 2019, la situation a évolué, et c’est tant mieux. Ainsi, le 25 février 2022, Laurent Ridel, directeur de l’administration pénitentiaire, a présenté un vaste plan de sécurisation des établissements pénitentiaires qui a été déployé dans une quarantaine d’entre eux. En 2022, le budget du ministère de la justice consacrera 135,6 millions d’euros à la protection des domaines pénitentiaires et des personnels contre les intrusions et les dégradations. Tant mieux : à Béziers, le centre pénitentiaire a cruellement besoin d’un filet antiprojections, que les personnels réclament en vain depuis des années.
    En revanche, s’agissant de la radicalisation, nous restons démunis. Il faut donc augmenter les moyens consacrés à l’incarcération des détenus radicalisés car, si des programmes de déradicalisation existent, aucun n’est réellement efficace.

    Mme la présidente

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    Quel est l’avis de la commission ?

    M. Patrick Hetzel, rapporteur spécial

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    Sagesse. L’amendement n’a pas été discuté en commission.

    (L’amendement no 1801, repoussé par le Gouvernement, n’est pas adopté.)

    Mme la présidente

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    La parole est à M. Kévin Mauvieux, pour soutenir l’amendement no 1892.

    M. Kévin Mauvieux

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    Je défendrai également l’amendement no 1891, madame la présidente, car il a le même objet.
    Les moyens manquent à l’administration pénitentiaire pour faire face aux nombreuses tentatives d’introduire des objets extérieurs dans les prisons. Certes, celles-ci ne sont pas des hôtels 4 étoiles, mais ces objets permettent tout de même d’y avoir de sacrés loisirs !

    M. Ugo Bernalicis

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    Allez-y donc !

    M. Kévin Mauvieux

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    Cependant, cette pratique a surtout pour conséquence le développement des trafics de stupéfiants au sein des établissements. Il est donc très important de mettre un frein à ce phénomène en allouant davantage de moyens à l’administration pénitentiaire : les détenus sont censés être en prison pour payer leur dette à la société et pour se sevrer, non pour s’enfoncer eux-mêmes et enfoncer la France. (Applaudissements sur les bancs du groupe RN.)

    Mme la présidente

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    Quel est l’avis de la commission ?

    M. Patrick Hetzel, rapporteur spécial

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    Cet amendement n’a pas non plus été examiné en commission. Sagesse, à titre personnel.

    Mme la présidente

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    Quel est l’avis du Gouvernement ?

    M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux

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    Un plan de sécurisation de 30 millions d’euros : voilà la réponse aux questions légitimes que vous posez. Défavorable.

    Mme la présidente

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    La parole est à Mme Laure Lavalette.

    Mme Laure Lavalette

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    Monsieur le garde des sceaux, puisque vous m’avez interpellée tout à l’heure à propos de la prison de La Farlède, vous devez savoir que les filets de protection manquent cruellement. Je sais, pour avoir moi-même visité ce centre pénitentiaire, que beaucoup de stupéfiants y sont introduits et que s’y développent des trafics qui n’ont pas lieu d’être. De fait, il ne s’agit pas d’une prison 4 étoiles.

    M. Ugo Bernalicis

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    Ah !

    M. Rodrigo Arenas

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    On a réussi à vous convaincre !

    Mme Laure Lavalette

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    En tout état de cause, il serait souhaitable qu’on l’équipe de filets très hauts, car même une hauteur de dix ou quinze mètres n’est pas suffisante. Nous attendons des crédits pour financer cet équipement. (Applaudissements sur les bancs du groupe RN.)

    Mme la présidente

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    Je mets aux voix l’amendement no 1892.

    (Il est procédé au scrutin.)

    Mme la présidente

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    Voici le résultat du scrutin :
            Nombre de votants                        121
            Nombre de suffrages exprimés                118
            Majorité absolue                        60
                    Pour l’adoption                43
                    Contre                75

    (L’amendement no 1892 n’est pas adopté.)

    Mme la présidente

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    La parole est à M. Kévin Mauvieux, pour soutenir l’amendement no 1918.

    M. Kévin Mauvieux

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    Faute de pouvoir étendre rapidement les capacités d’accueil des établissements pénitentiaires, nous vous proposons de renforcer à court terme les moyens financiers alloués à leur entretien et à leur modernisation, puisque 109 de nos 187 établissements ont été construits avant 1920.
    Contrairement à ce que dit la NUPES, qui caricature nos propos, nous ne considérons pas que ce sont des hôtels 4 étoiles.

    M. Benjamin Lucas

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    C’est vous qui l’avez dit !

    M. Ugo Bernalicis

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    On progresse, on progresse…

    M. Kévin Mauvieux

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    Nous avons bien conscience qu’il s’agit de bâtiments vétustes et anciens. C’est pourquoi nous proposons qu’ils fassent l’objet d’une réhabilitation afin que soit respectée la dignité humaine, sans oublier pour autant le caractère punitif de la prison. (Applaudissements sur les bancs du groupe RN.)

    Mme la présidente

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    Quel est l’avis de la commission ?

    M. Patrick Hetzel, rapporteur spécial

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    Cet amendement n’a pas été examiné en commission. Sagesse, à titre personnel.
    Il s’agit d’une véritable question, mais la rédaction de l’amendement est problématique : prélever 10 millions sur les crédits de la protection judiciaire de la jeunesse soulève un autre problème.

    Plusieurs députés du groupe RN

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    C’est un gage !

    M. Erwan Balanant

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    Non !

    M. Patrick Hetzel, rapporteur spécial

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    Non, permettez-moi de rappeler cet aspect de la technique budgétaire : le Gouvernement ne peut pas lever de gage dans un texte budgétaire ; il ne peut que déposer un amendement spécifique visant à allouer les crédits budgétaires correspondants au programme visé.

    M. Erwan Balanant

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    Merci pour ce cours de finances publiques, monsieur le rapporteur spécial !

    Mme la présidente

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    Quel est l’avis du Gouvernement ?

    M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux

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    Mon avis, je l’ai exprimé tout à l’heure. Vous voulez valoriser l’administration pénitentiaire, et je le comprends. Nous l’avons fait, et il existe une traduction budgétaire de notre action en la matière.
    L’an dernier, on m’a reproché, au fond, de valoriser l’administration pénitentiaire au détriment des services judiciaires. Il est vrai que vous n’étiez pas parlementaire à l’époque, mais il y a fort à parier que, si vous l’aviez été, vous n’auriez pas voté pour le projet de loi pour la confiance dans l’institution judiciaire, à l’instar de vos camarades – je tenais à le rappeler.
    Par ailleurs, je prends acte d’une évolution sémantique majeure puisque vous avez indiqué, madame Lavalette, que l’établissement pénitentiaire de La Farlède n’était pas un hôtel 4 étoiles. Je ne vais pas creuser le sujet, mais d’autres établissements sont-ils, à vos yeux, des hôtels 4 étoiles ?
    Tout à l’heure, un député de la NUPES a dit une chose parfaitement vraie : il est très important pour les personnels de l’administration pénitentiaire que les conditions de détention soient dignes. Je souscris à ces propos, car c’est une réalité. De fait, les détenus ne sont pas les seuls à réclamer des conditions pénitentiaires dignes. Je ne vais pas rappeler que notre pays a été condamné pour ce motif, que le Conseil constitutionnel a rendu une décision à ce sujet et que, dans le cadre de la coconstruction législative, nous avons élaboré avec le président de la commission des lois du Sénat un texte qui a fait l’objet d’un très large consensus.
    J’ajoute que les agents pénitentiaires eux-mêmes estiment que lorsque les conditions de détention sont meilleures, ils peuvent mieux faire cette partie de leur travail que l’on oublie trop souvent et qui consiste à réinsérer. Je vais citer un exemple pour vous montrer qu’il ne s’agit pas de faveurs. Il n’y a pas d’endroit plus dangereux pour le personnel pénitentiaire que les douches collectives. Les agents sont donc favorables à ce que l’on construise, autant que faire se peut, des douches individuelles. Et, naturellement, chacun comprend que l’hygiène est au cœur de la dignité que l’on doit à des hommes.
    Je me félicite que vous fassiez marche arrière sur le terrain sémantique en déclarant – c’est un scoop ! – que la prison n’est pas un hôtel 4 étoiles.
    Et lorsque vous évoquez, monsieur Mauvieux – je ne peux pas résister au plaisir de vous le dire –, le punitif et l’humain, au fond, vous êtes converti au dupond-morettisme que vous entendez combattre avec férocité. (Sourires et applaudissements sur les bancs des groupes RE et Dem.)

    M. Emeric Salmon

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    On n’y est pas encore !

    M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux

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    Défavorable.

    Mme la présidente

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    La parole est à M. Stéphane Mazars.

    M. Stéphane Mazars

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    S’agissant des conditions de travail des personnels pénitentiaires, je souscris au propos de notre collègue de la NUPES, repris par le garde des sceaux : si les conditions de détention s’améliorent pour les détenus, la tâche des surveillants sera forcément plus simple et leurs conditions de travail meilleures.
    Or la loi de 2021 pour la confiance dans l’institution judiciaire a précisément permis de faciliter les conditions de détention des personnes condamnées à plusieurs années de prison, en leur permettant d’accéder à un travail et aux droits afférents. Par ailleurs, nous avons adopté une mesure, décriée à l’époque mais que nous assumons, qui consistait à fondre les deux régimes de remise de peine en un seul, lequel a pour seul critère le mérite. Je puis vous assurer que cette mesure est utile et efficace…

    M. Ugo Bernalicis

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    On n’en sait rien, ce n’est pas encore appliqué !

    M. Stéphane Mazars

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    …et qu’elle contribue à améliorer les conditions de travail des agents pénitentiaires, car le détenu s’approprie les actions positives qu’il doit mettre en œuvre pour bénéficier de remises de peine. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe RE.)

    Mme la présidente

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    La parole est à M. Kévin Mauvieux.

    M. Kévin Mauvieux

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    Monsieur le garde des sceaux, puisque vous partez du principe que nous avons rejoint le dupond-morettisme,…

    M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux

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    Non, je pose la question !

    M. Kévin Mauvieux

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    …je me demande pourquoi vous-même, vous vous en écartez en vous abstenant de déposer un amendement qui nous éviterait de ponctionner les crédits de la PJJ.
    Par ailleurs, permettez-moi de vous rappeler la nuance qui existe entre le Rassemblement national et le dupond-morettisme.

    M. Sylvain Maillard

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    Il n’y en a pas besoin !

    M. Kévin Mauvieux

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    Si nous nous rejoignons sur le fait qu’il est préférable, tant pour les détenus que pour les personnels pénitentiaires, que les conditions de détention soient dignes, nous ne souhaitons pas, quant à nous, que les détenus sortent de prison à la moindre bonne action. Nous partons du principe qu’une politique pénale ferme aura davantage d’effets qu’une politique pénale laxiste qui prévoit des remises de peine parfois automatiques, lesquelles donnent un sentiment d’impunité. Si le sentiment d’insécurité n’existe pas, le sentiment d’impunité, lui, est bien réel. (Applaudissements sur les bancs du groupe RN.)

    Mme la présidente

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    La parole est à M. Antoine Léaument, qui a promis d’être très concis.

    M. Antoine Léaument

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    Je ne peux pas résister à l’envie de participer à ce débat sur la prison qui, pour une fois, est loin des caricatures que l’on a pu entendre sur CNews lors de la polémique sur la course de karts à la prison de Fresnes. Nous parlons là de ce qu’est, au fond, la prison.
    Lorsqu’on est condamné à une peine de prison, on est condamné à être privé de liberté et non à être privé de dignité, à vivre au milieu des rats et des cafards. (Applaudissements sur les bancs du groupe LFI-NUPES. – M. Benjamin Lucas et M. Erwan Balanant applaudissent également.)
    Pour qu’il n’y ait pas de récidive et que le sentiment d’insécurité diminue, il est plus efficace, toutes les enquêtes le montrent, d’assurer de bonnes conditions de détention et de prévoir des aménagements de peine, tels que les placements à l’extérieur.
    Je me réjouis que, pour une fois, nous ayons un débat apaisé sur la prison. Mais allons jusqu’au bout : améliorons les conditions de détention et – c’est ce qui nous différencie du Rassemblement national – progressons sur les peines alternatives, notamment les placements à l’extérieur. (Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes LFI-NUPES et Écolo-NUPES.)

    Mme la présidente

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    Merci d’avoir tenu parole, monsieur Léaument.
    Je mets aux voix l’amendement no 1918.

    (Il est procédé au scrutin.)

    Mme la présidente

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    Voici le résultat du scrutin :
            Nombre de votants                        138
            Nombre de suffrages exprimés                137
            Majorité absolue                        69
                    Pour l’adoption                50
                    Contre                87

    (L’amendement no 1918 n’est pas adopté.)

    Mme la présidente

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    L’amendement no 1891 a déjà été défendu.
    Quel est l’avis de la commission ?

    M. Patrick Hetzel, rapporteur spécial

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    À titre personnel, je m’en remets à la sagesse de l’Assemblée.

    Mme la présidente

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    Quel est l’avis du Gouvernement ?

    M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux

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    Défavorable.

    Mme la présidente

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    Je mets aux voix l’amendement no 1891.

    (Il est procédé au scrutin.)

    Mme la présidente

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    Voici le résultat du scrutin :
            Nombre de votants                        136
            Nombre de suffrages exprimés                135
            Majorité absolue                        68
                    Pour l’adoption                49
                    Contre                86

    (L’amendement no 1891 n’est pas adopté.)

    Mme la présidente

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    La parole est à M. Pierrick Berteloot, pour soutenir les amendements nos 1863, 1859, 1860 et 1862, qui peuvent faire l’objet d’une présentation groupée.

    M. Pierrick Berteloot

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    Le milieu carcéral est devenu depuis longtemps le lieu de trafic de stupéfiants et d’autres produits, trafics qui engendrent naturellement des violences entre les détenus et envers le personnel.
    Les dotations pour assurer la sécurisation active et passive des sites sont très insuffisantes. Les orientations et les prévisions budgétaires démontrent la faible ambition du Gouvernement pour lutter contre les zones de non-droit que sont devenus les centres de détention et montrent avec certitude que la politique de réinsertion est un échec.
    Il est donc urgent de lutter contre les intrusions d’objets prohibés à l’aide de drones ou de tout autre dispositif permettant de projeter des colis vers l’intérieur des établissements, les pratiques de yo-yo et autres moyens d’échange qui permettent de faire circuler les marchandises prohibées à l’intérieur des centres de détention, les communications avec l’extérieur avec des téléphones mobiles entrés illégalement dans les établissements.
    En conséquence, il y a lieu d’augmenter le budget de brouillage des communications téléphoniques.
    Le présent amendement prévoit d’abonder les crédits, en autorisations d’engagement et en crédits de paiement, d’un montant de 3 millions d’euros pour l’action 01, Garde et contrôle des personnes placées sous main de justice, du programme 107, Administration pénitentiaire, et, pour les besoins de la recevabilité financière, de minorer du même montant les crédits, en autorisations d’engagement et en crédits de paiement, pour l’action 04, Formation, du programme 182, Protection judiciaire de la jeunesse. En cas d’adoption de l’amendement, il est demandé au Gouvernement de lever cette dernière compensation. (Applaudissements sur les bancs du groupe RN.)

    Mme la présidente

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    Quel est l’avis de la commission sur ces quatre amendements ?

    M. Patrick Hetzel, rapporteur spécial

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    Ils n’ont pas été examinés en commission. Comme il s’agit d’amendements d’appel, je laisserai M. le garde des sceaux répondre. À titre personnel, je m’en remets à la sagesse de l’Assemblée.

    Mme la présidente

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    Quel est l’avis du Gouvernement ?

    M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux

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    Sagement défavorable. (Sourires.)

    Mme la présidente

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    Je mets aux voix l’amendement no 1863.

    (Il est procédé au scrutin.)

    Mme la présidente

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    Voici le résultat du scrutin :
            Nombre de votants                        141
            Nombre de suffrages exprimés                140
            Majorité absolue                        71
                    Pour l’adoption                51
                    Contre                89

    (L’amendement no 1863 n’est pas adopté.)

    (Les amendements nos 1859, 1860, 1862, successivement mis aux voix, ne sont pas adoptés.)

    Mme la présidente

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    Sur l’amendement no 1775, je suis saisie par le groupe Rassemblement national d’une demande de scrutin public.
    Le scrutin est annoncé dans l’enceinte de l’Assemblée nationale.
    Sur l’amendement no 1315, je suis saisie par le groupe La France insoumise-Nouvelle Union populaire, écologique et sociale d’une demande de scrutin public.
    Le scrutin est annoncé dans l’enceinte de l’Assemblée nationale.
    Sur les amendements nos 1913 et 1907, je suis saisie par le groupe Rassemblement national de demandes de scrutin public.
    Les scrutins sont annoncés dans l’enceinte de l’Assemblée nationale.
    La parole est à Mme Emmanuelle Ménard, pour soutenir l’amendement no 1805.

    Mme Emmanuelle Ménard

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    Il s’agit encore une fois d’un amendement d’appel, afin de revenir sur une question que nous avons abordée à plusieurs reprises au cours de l’examen de cette mission, à savoir le nombre de places en prison. Vous nous avez dit qu’un peu plus de 2 000 places avaient été construites sous le quinquennat précédent, au lieu des 15 000 qui avaient été promises par le chef de l’État. Monsieur le garde des sceaux, vous nous avez donné des raisons qui expliquent au moins partiellement ce retard, comme la crise du covid et les difficultés à trouver les terrains adaptés.
    D’après les dernières statistiques du ministère de la justice, les établissements pénitentiaires sont occupés à 118 %, soit 5 % de plus en un an. La densité grimpe même à plus de 150 % dans 48 des 188 prisons françaises.
    Face à cette surpopulation carcérale et à la montée de la violence dans notre société, je voudrais savoir si vous estimez que les 15 000 places promises seront suffisantes pour permettre à la justice de voir exécutées les peines qu’elle prononce.

    Mme la présidente

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    Quel est l’avis de la commission ?

    M. Patrick Hetzel, rapporteur spécial

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    Cet amendement n’a pas été débattu en commission. À titre personnel, je m’en remets à la sagesse de l’Assemblée. Comme cette question mérite effectivement des précisions de la part du garde des sceaux, je le laisserai répondre.

    Mme la présidente

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    Quel est l’avis du Gouvernement ?

    M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux

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    Défavorable.

    Mme Emmanuelle Ménard

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    Cela ne m’étonne pas !

    M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux

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    Pas de surprise, alors !

    Mme Emmanuelle Ménard

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    Donnez-nous au moins une explication !

    M. Ian Boucard

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    Vous ne répondez pas sur le fond !

    (L’amendement no 1805 n’est pas adopté.)

    Mme la présidente

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    La parole est à M. Pierrick Berteloot, pour soutenir l’amendement no 1775.

    M. Pierrick Berteloot

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    L’amendement vise à transférer 7 millions d’euros de crédits à l’action 03, Aide aux victimes, du programme 101, Accès au droit et à la justice, car il s’agit d’un maillon essentiel du fonctionnement de la justice. Il est normal que nous investissions massivement pour aider les Français victimes de l’ensauvagement de notre société. (Exclamations sur les bancs du groupe LFI-NUPES.)
    Eh oui ! Ce ne sont pas des incivilités, ni l’expression d’un sentiment. Ces violences sont bien réelles pour les nombreux Français qui en sont victimes et qui peuvent, heureusement, bénéficier de l’aide de la justice pour être indemnisées. Augmenter cette aide nous apparaît essentiel alors qu’on constate que les coups et blessures volontaires ont augmenté de 12 % en 2021, selon le bilan statistique annuel publié le 27 janvier 2022 par le ministère de l’intérieur. Une augmentation des crédits nous semble nécessaire afin d’accompagner au mieux les victimes.
    Étant donné que la plupart du temps, les peines prononcées sont beaucoup trop laxistes, il est souhaitable de prélever ces 7 millions d’euros sur les crédits de l’action 01, Mise en œuvre des décisions judiciaires, du programme 182, Protection judiciaire de la jeunesse. Compte tenu de l’augmentation que vous proposez pour les crédits de cette action, je pense que ce prélèvement ne la remettra pas en cause.
    Les victimes doivent être une priorité de la justice. (Applaudissements sur les bancs du groupe RN.)

    Mme la présidente

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    Quel est l’avis de la commission ?

    M. Patrick Hetzel, rapporteur spécial

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    Là encore, cet amendement n’a pas été débattu en commission.
    Vous souhaitez augmenter de 7 millions l’aide aux victimes. Or le projet de loi de finances pour 2023 prévoit déjà une augmentation substantielle de 2,7 millions d’euros qui porte à 43 millions d’euros le budget global. Le travail de ces associations est effectivement important et il faudra continuer à augmenter ces moyens.
    Toutefois, une augmentation de 7 millions d’euros dès l’an prochain serait sans doute difficile à envisager. C’est pourquoi j’émets, à titre personnel, un avis défavorable à l’amendement no 1775.

    M. Bruno Millienne

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    Très bien, monsieur le rapporteur spécial !

    Mme la présidente

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    Quel est l’avis du Gouvernement ?

    M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux

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    Je ne dirai que quelques mots, même si ce sujet mériterait de longs développements. À l’évidence, le mot « laxisme » n’est pas un compliment dans votre bouche. C’est un théorème, un axiome, que vous reprenez sans cesse, dans toutes les matinales, sur tous les plateaux de télé. Vous faites campagne là-dessus, vous n’arrêtez jamais. Vous ne retenez pas les vrais chiffres, qui démontrent qu’en réalité, la justice est plus sévère depuis vingt ans. (Protestations sur les bancs du groupe RN.)

    M. Pierrick Berteloot

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    C’est faux !

    M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux

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    En matière correctionnelle, on est passé de peines moyennes de six mois d’emprisonnement à neuf. En matière criminelle, on est passé de quatorze ans à seize – je vous indique, si vous ne le savez pas, que ce sont nos compatriotes qui rendent la justice lors des procès criminels, dans le cadre des jurys populaires. Le mot « laxisme » ne correspond donc pas à la réalité, mais vous en avez besoin.

    M. Pierrick Berteloot

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    Le laxisme, c’est un fait !

    M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux

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    Ça finit par être injurieux.
    Nous débattons actuellement du budget de la justice. J’en ai marre – je le dis pour les magistrats que je suis censé défendre – qu’en permanence, vous leur adressiez ces mots qui ne sont pas des compliments. Il y en a ras-le-bol ! (Applaudissements sur les bancs des groupes RE et Dem. – Protestations sur les bancs du groupe RN.) Les juges font ce qu’ils peuvent, en se fondant sur des règles élaborées il y a des millénaires. Parmi ces règles, il y a la personnalisation de la peine.
    Enfin, vous oubliez que la justice de ce pays est totalement indépendante. Vous prétendez défendre la justice, et en fait vous lui crachez dessus ! (Exclamations sur les bancs du groupe RN.) C’est insupportable ! Les chiffres démontrent que les juges ne sont pas laxistes. Respectez un peu nos magistrats ! (Applaudissements sur les bancs du groupe RE et sur plusieurs bancs du groupe Dem. – Protestations sur les bancs du groupe RN.)

    Mme la présidente

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    Je mets aux voix l’amendement no 1775.

    (Il est procédé au scrutin.)

    Mme la présidente

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    Voici le résultat du scrutin :
            Nombre de votants                        134
            Nombre de suffrages exprimés                134
            Majorité absolue                        68
                    Pour l’adoption                46
                    Contre                88

    (L’amendement no 1775 n’est pas adopté.)

    Mme la présidente

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    La parole est à M. Mansour Kamardine, pour soutenir l’amendement no 1241.

    M. Mansour Kamardine

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    Monsieur le garde des sceaux, écoutez-moi, ce sera intéressant, car je veux vous proposer que nous allions visiter la justice civile à Mayotte. Nous parlions d’insécurité et de sentiment d’insécurité. Nous sommes en situation d’insécurité civile à Mayotte, car, comme vous le savez, plus de 5 000 requêtes pour porter des corrections à l’état civil sont en attente de traitement. Ce sont donc 5 000 Mahorais, 5 000 Français, qui sont sans papiers, parfois depuis 2016, parce que les moyens de la justice sont insuffisants, et notamment parce que nous manquons de magistrats et de greffiers d’exécution.
    L’amendement vise donc à donner des moyens supplémentaires à la justice, en espérant qu’ils seront affectés en priorité aux juridictions de Mayotte pour que ces personnes puissent enfin obtenir des titres d’état civil conformes à notre règle de droit. Elles pourront ainsi se faire délivrer des titres d’identité et jouir de la liberté de circulation comme n’importe quel citoyen français. Je suis persuadé que vous êtes attaché à la liberté de nos concitoyens et que vous donnerez un avis favorable ; les députés de la majorité pourront dès lors voter cet amendement avec nous. (Applaudissements sur les bancs du groupe LR.)

    Mme la présidente

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    Quel est l’avis de la commission ?

    M. Patrick Hetzel, rapporteur spécial

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    Cet amendement n’a pas été débattu en commission. À titre personnel, je m’en remets à la sagesse de l’Assemblée. Nous avons déjà abordé la question des moyens pour Mayotte. Comme je l’ai dit alors, il est impossible d’isoler un budget spécifique pour Mayotte car, en matière judiciaire, Mayotte relève du budget opérationnel de programme de Saint-Denis de La Réunion. Je laisse M. le garde des sceaux répondre.

    M. Mansour Kamardine

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    Nous avons vraiment besoin d’une cour d’appel à Mayotte ! Il nous faut un véritable plan de développement de la justice !

    M. Patrick Hetzel, rapporteur spécial

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    Il précisera quels moyens la Chancellerie peut affecter à Mayotte.

    Mme la présidente

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    Quel est l’avis du Gouvernement ?

    M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux

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    Je crois pouvoir vous dire – mais on peut poursuivre la réflexion à ce sujet – que les magistrats qui sont en poste à Mayotte ne veulent pas qu’y soit créée une cour d’appel. La cour d’appel est à La Réunion, vous le savez mieux que moi. Vous avez évoqué ces problèmes à l’occasion de diverses questions. Nous faisons tout pour améliorer la situation : nous avons un plan de ressources humaines, nous travaillons à renforcer l’attractivité de ces emplois, pour ne pas que les jeunes magistrats ou les jeunes greffiers qui se trouvent à Mayotte aient, en quelque sorte, un sentiment d’abandon. Nous les payons donc mieux.
    Dès qu’ils arrivent à Mayotte, ils savent où ils seront affectés à leur départ, ce qui est exceptionnel. Nous allons mettre en place les brigades d’urgence, au terme d’un processus assez long puisque, comme je vous l’ai déjà indiqué, il faut consulter le Conseil supérieur de la magistrature. Quitte à me répéter, je vous redis aussi, monsieur Kamardine, que Mayotte ne sera pas oubliée quand nous aurons à affecter les 10 000 personnes que nous allons embaucher durant ce quinquennat. Avis défavorable.

    Mme la présidente

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    Je mets aux voix l’amendement no 1241.

    (Le vote à main levée n’ayant pas été concluant, il est procédé à un scrutin public.)

    Mme la présidente

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    Voici le résultat du scrutin :
            Nombre de votants                        136
            Nombre de suffrages exprimés                134
            Majorité absolue                        68
                    Pour l’adoption                76
                    Contre                58

    (L’amendement no 1241 est adopté.)
    (Applaudissements sur les bancs des groupes LR et RN, ainsi que sur quelques bancs du groupe LFI-NUPES.)

    M. Mansour Kamardine

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    Un grand merci à l’Assemblée nationale ! (Applaudissements sur les bancs des groupes LR, RN et LFI-NUPES, ainsi que sur quelques bancs du groupe Écolo-NUPES.)

    Mme la présidente

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    La parole est à M. Ugo Bernalicis, pour soutenir l’amendement no 1315.

    M. Ugo Bernalicis

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    Nous proposons de rattacher budgétairement la police judiciaire à l’autorité judiciaire. Nous marquons ainsi notre opposition à l’actuel projet de réforme de la police judiciaire, qui suscite actuellement des débats. Du fait de la départementalisation annoncée de la police nationale, la police judiciaire pourrait être placée sous l’autorité directe d’un directeur départemental de la police nationale (DDPN), lui-même étant sous l’autorité directe du préfet.
    Sur l’antenne d’une radio et à une heure de grande écoute, François Molins, procureur général près la Cour de cassation, a lui-même expliqué que cette réforme posait un grave problème de porosité potentielle entre l’exécutif et le judiciaire, notamment dans les enquêtes et les affaires jugées sensibles.
    Rappelons que la police judiciaire ne travaille que pour les magistrats, sous le contrôle et la direction de l’autorité judiciaire. Nous proposons donc d’aller au bout de la logique, en faisant en sorte que ces policiers soient dans une position de détachement, afin de consacrer l’indépendance de la justice et éviter la porosité dans les enquêtes et les remontées abusives d’informations. Nous proposons donc le transfert des crédits de titre 2 du programme 176.
    Ce rattachement pourrait d’ailleurs être dans l’intérêt du garde des sceaux, qui déplore régulièrement que son collègue de l’intérieur soit informé avant lui de certains éléments d’enquêtes en cours.

    M. Bruno Millienne

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    Quelle mauvaise foi !

    M. Ugo Bernalicis

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    Il serait de salubrité publique de faire en sorte que la séparation des pouvoirs – l’un des marqueurs de l’État de droit en démocratie et en République, auquel nous sommes tous attachés – soit consacrée par ce rattachement de la police judiciaire à l’autorité judiciaire. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe LFI-NUPES. – Mme Sandra Regol applaudit également.)

    Mme la présidente

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    Quel est l’avis de la commission ?

    M. Patrick Hetzel, rapporteur spécial

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    La commission a émis un avis défavorable concernant cet amendement, mais je tiens à souligner que M. Bernalicis pose une vraie question : comment la Chancellerie pourrait-elle défendre la police judiciaire ? La réforme envisagée suscite une profonde inquiétude chez ces professionnels, d’ailleurs relayée par les magistrats, qui souhaiteraient eux aussi obtenir certaines garanties.
    Il serait donc assez légitime que nous puissions vous entendre vous exprimer sur le sujet, monsieur le garde des sceaux, car il y va de l’indépendance de la justice : la police judiciaire doit pouvoir effectuer son travail de manière satisfaisante. (M. Ugo Bernalicis et M. Rodrigo Arenas applaudissent.)

    Mme la présidente

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    Quel est l’avis du Gouvernement ?

    M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux

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    Même s’il s’agit d’un vrai sujet, il est totalement anachronique d’en débattre dans le cadre du budget.

    M. Patrick Hetzel, rapporteur spécial

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    Non !

    M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux

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    Une expérimentation est en cours dans huit départements, monsieur le rapporteur spécial. Au terme de cette expérimentation, selon le sens que le Conseil d’État donne à ce mot, une évaluation sera faite par l’inspection générale de l’administration (IGA), l’inspection générale de la police (IGP) et l’inspection générale de la justice (IGJ). N’allez pas trop vite, attendez !
    En ce qui me concerne, j’ai toujours dit qu’il y avait des lignes rouges à ne pas franchir – d’ailleurs, je pense que personne ne veut le faire. Les magistrats auront toujours la possibilité de choisir leurs enquêteurs et le service d’enquête qu’ils estiment les plus à même de répondre à leurs besoins, ce qui est bien normal. Ce n’est pas la peine de crier « aïe ! » avant d’avoir reçu un coup que personne ne veut porter à cette indépendance. Laissez faire l’expérimentation, laissez faire les inspections qui donnent toutes les garanties pour que les choses soient dites. Ensuite, les mesures seront prises.
    Pour revenir sur vos propos, monsieur Bernalicis, il est vrai que vous représentez à la fois la Place Beauvau et la Place Vendôme. (M. Erwan Balanant et M. Antoine Léaument applaudissent.)

    M. Ugo Bernalicis

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    Tout à fait !

    M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux

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    Vous devriez savoir que je ne m’étonne en rien que le ministre de l’intérieur ait certaines informations avant moi. Cela me semble même normal.

    M. Ugo Bernalicis

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    Non, ce n’est pas très normal !

    M. Bruno Millienne

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    Mais si, c’est normal !

    M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux

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    Lorsque survient un fait divers, la police est toujours informée avant la justice. Non seulement la chronologie est ainsi faite mais, de surcroît, je ne m’en offusque pas. C’est une question de temporalité. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe RE.) Avis défavorable.

    Mme la présidente

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    La parole est à M. Erwan Balanant.

    M. Erwan Balanant

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    Fidèle à son habitude, Ugo Bernalicis se montre un peu taquin, mais le garde des sceaux a déjà fait quelques rappels. Pour l’instant, le projet de loi d’orientation et de programmation du ministère de l’intérieur (Lopmi) ne prévoit pas du tout ce que vous êtes en train d’imaginer, monsieur Bernalicis.

    M. Ugo Bernalicis

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    Eh bien si !

    M. Erwan Balanant

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    Le rapport annexé donne simplement des indications pour que l’on poursuive le travail. Ensuite, il me semble que la réforme prévue par le ministre de l’intérieur n’est que d’ordre réglementaire, ce qui veut dire que l’on ne touchera pas au code de procédure pénale. Ce seul constat devrait vous rassurer, vous qui connaissez bien tous ces sujets, nous l’admettons volontiers.
    Enfin, votre amendement n’est pas cohérent car il ne va pas au bout de la démarche. Si vous voulez placer les policiers de la police judiciaire sous l’égide du garde des sceaux, il ne faut pas oublier les gendarmes enquêteurs.

    M. Ugo Bernalicis

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    C’est vrai !

    M. Bruno Millienne et Mme Maud Petit

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    Eh oui !

    M. Erwan Balanant

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    Les gendarmes enquêteurs sont sous l’autorité des juges d’instruction et des procureurs lors des enquêtes, mais ils sont fonctionnellement rattachés au commandement de gendarmerie du département. Et ça fonctionne très bien, et même très, très bien ! N’ayons pas ces craintes ou alors, monsieur Bernalicis, allez jusqu’au bout de votre raisonnement et demandez aussi le rattachement des gendarmes enquêteurs au garde des sceaux.

    M. Christophe Blanchet et M. Bruno Millienne

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    Très bien !

    Mme la présidente

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    La parole est à M. Ugo Bernalicis.

    M. Ugo Bernalicis

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    Pour répondre au collègue Balanant, j’indique que je souhaite aussi le rattachement des gendarmes enquêteurs au ministère de la justice, mais leur statut militaire implique d’autres modifications que le seul transfert des crédits de titre 2 du programme 176. Cela pose des problèmes de rédaction compliqués.

    M. Erwan Balanant

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    Eh bien alors !

    M. Ugo Bernalicis

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    Proposez un sous-amendement, je suis preneur ! Je voulais poser ici le principe du rattachement, mais vous avez raison sur le fond.
    J’en profite pour faire quelques observations. Dans le cadre de la mission d’information sur la réforme de la police judiciaire, que je conduis avec Marie Guévenoux, nous avons fait un déplacement à Beauvais et à Creil pas plus tard qu’hier. Nous avons rencontré le DDPN expérimentateur, la procureure de la République, des représentants des services de la police judiciaire et de la préfecture.
    Ce ne sont que des expérimentations, nous prenons notre temps et il y aura des inspections, dites-vous, monsieur le garde des sceaux. Certes, mais pourquoi ? En raison de la mobilisation des acteurs de la police judiciaire. En fait, le calendrier initial prévoyait d’imposer des organigrammes au mois de juillet pour une application au 1er janvier 2023. Si nous en sommes là aujourd’hui, c’est parce que les fonctionnaires de la police judiciaire ont estimé que la réforme n’était pas acceptable, que vous n’attendiez même pas la fin et les retours de l’expérimentation avant de la généraliser. Sans leur mobilisation, que je salue, les enquêteurs de la police judiciaire se seraient fait avoir et nous serions maintenant en grande difficulté. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe LFI-NUPES. – Mme Sandra Regol applaudit aussi.)
    J’en viens au choix du service d’enquête par les magistrats. Le code de procédure pénale n’est certes pas modifié, mais la situation actuelle n’en est pas moins insatisfaisante. Les procureurs de la République et les juges d’instruction le disent avec leurs mots, avec une certaine rondeur, dirons-nous. Pourtant, dans bien des cas, ils se plaignent de n’avoir pas eu les enquêteurs demandés, de voir des enquêtes traîner sur des bureaux depuis trois, quatre ou cinq ans, sans avoir d’enquêteurs à leur disposition pour les faire avancer.
    C’était le cas à Beauvais, où 17 000 enquêtes étaient en cours. Comment est-on passé de 17 000 à 10 000 dossiers ? En faisant une revue de dossiers qui s’est soldée par des classements sans suite pour vaines recherches. Est-ce satisfaisant ? Est-ce là l’idée que l’on se fait de la justice, de la résolution des enquêtes ?

    Mme Raquel Garrido

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    Non !

    M. Ugo Bernalicis

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    Non, je ne le crois pas. Il y aura davantage de difficultés à l’avenir, ce qui est déjà le cas dans des départements qui participent à l’expérimentation. C’est pour ça qu’il y a de la grogne et qu’il faut aller à l’exact opposé de la direction prise, en rattachant la police judiciaire à l’autorité judiciaire. (Applaudissements sur les bancs du groupe LFI-NUPES et sur quelques bancs du groupe Écolo-NUPES.)

    Mme la présidente

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    Je mets aux voix l’amendement no 1315.

    (Il est procédé au scrutin.)

    Mme la présidente

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    Voici le résultat du scrutin :
            Nombre de votants                        143
            Nombre de suffrages exprimés                140
            Majorité absolue                        71
                    Pour l’adoption                27
                    Contre                113

    (L’amendement no 1315 n’est pas adopté.)

    Mme la présidente

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    La parole est à M. Pierrick Berteloot, pour soutenir l’amendement no 1800.

    M. Pierrick Berteloot

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    Nous proposons d’augmenter de 3 millions d’euros les crédits de l’action 09, Action informatique ministérielle, du programme 310, Conduite et pilotage de la politique de la justice. Il est urgent que l’institution judiciaire soit équipée de logiciels informatiques performants : il y va de l’efficacité de la justice, qui fait face à un contentieux toujours plus important.
    La lenteur et la complexité des procédures judiciaires sont dues en partie à des logiciels obsolètes et peu ergonomiques, tels que Cassiopée, et cela malgré les mises à jour de ce dernier, qui ressemblent plus à du rafistolage qu’à une véritable refonte du logiciel. Le témoignage négatif des agents, forcés de travailler sur des logiciels archaïques tels que WordPerfect Office 12, un logiciel gratuit édité en 2004, nous incite à agir urgemment. Ils n’ont d’ailleurs pas le choix, puisque Cassiopée ne fonctionne qu’avec WordPerfect Office 12 pour la constitution des trames.
    Les réformes judiciaires entraînant une inflation législative, force est de reconnaître que les logiciels métiers des agents sont dépassés. Notre justice est l’une des plus pauvres d’Europe, elle est le parent pauvre des gouvernements successifs.
    L’état de l’informatique de l’institution judiciaire prouve, s’il y avait encore un doute, que les investissements dans la justice sont mal fléchés. Il nous semble donc urgent de corriger cela, l’important n’étant pas les moyens, mais la manière dont ils sont utilisés.
    Puisque nous sommes obligés de prélever la somme sur un autre programme, nous pensons qu’il est préférable de la prendre sur l’action 04, Formation, du programme 182, Protection judiciaire de la jeunesse, quitte à réduire l’augmentation de cette dernière. L’évolution numérique de la justice est une urgence qui nécessite des investissements. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe RN.)

    Mme la présidente

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    Quel est l’avis de la commission ?

    M. Patrick Hetzel, rapporteur spécial

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    Cet amendement n’a pas été examiné en commission. Sans vouloir être taquin, je dirais que vous voulez aider le garde des sceaux à faire ce qu’il a annoncé, c’est-à-dire mettre le paquet sur le numérique. Il existe de réels soucis de pilotage du numérique Place Vendôme, mais on ne peut pas les imputer au garde des sceaux actuel, car ils sont un peu antérieurs à son arrivée.

    M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux

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    Un petit peu !

    M. Patrick Hetzel, rapporteur spécial

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    Mais cela fait plusieurs années que je tire la sonnette d’alarme, avec l’impression que rien ne se passe et qu’il y a un tonneau des Danaïdes en matière numérique.
    À titre personnel, je suis défavorable à cet amendement, estimant que le ministère de la justice dépense beaucoup trop et beaucoup trop mal dans ce domaine. D’ailleurs, regardez ce qui s’est passé pour Portalis : 65 millions d’euros ont déjà été dépensés, et il va falloir rajouter 15 millions pour une plateforme qui ne fonctionne toujours pas. J’espère, monsieur le garde des sceaux, que vous améliorerez le pilotage de l’informatique au ministère, car les soucis sont réels.

    Mme la présidente

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    Quel est l’avis du Gouvernement ?

    M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux

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    Le budget consacré au numérique est déjà particulièrement important, mais deux précisions méritent d’être apportées. Premièrement, le problème ne remonte pas à quelques petites années.

    M. Patrick Hetzel, rapporteur spécial

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    Je n’ai pas dit le contraire !

    M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux

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    Je me trompe peut-être, monsieur le rapporteur spécial, mais j’ai l’impression que vous souhaitez que nos malheurs n’aient commencé qu’après votre départ du pouvoir. Or ces difficultés avec le numérique sont très anciennes.
    Nous entendons les prendre à bras-le-corps. Plusieurs décisions ont été prises en ce sens. La dernière, notamment, a consisté à créer un poste de secrétariat général adjoint dédié exclusivement au numérique.
    Je tiens également à souligner qu’outre le fait que le projet de budget traite cette question de façon très généreuse, j’ai demandé l’année dernière que soit établi un ordre de priorité entre les différents programmes numériques, qui étaient beaucoup trop nombreux. J’ai souhaité que les efforts soient concentrés sur certains programmes, plus restreints, pour que nous nous améliorions.
    Bien sûr, nous ne sommes pas parfaits. Il faut avoir l’honnêteté et la lucidité de l’admettre. Néanmoins, la Cour des comptes, qui n’a pas toujours été tendre avec le ministère de la justice – y compris d’ailleurs concernant des actions antérieures à l’élection d’Emmanuel Macron à la présidence de la République –, souligne que les choses se sont améliorées. Il faut aussi le prendre en considération.
    Je suis, comme vous, attaché au numérique et à son évolution. Certains programmes fonctionnent bien. D’autres subissent des ralentissements et doivent faire l’objet d’efforts. J’ai souhaité, pour aider les magistrats au quotidien, qu’un informaticien soit dépêché dans chaque juridiction. D’après les remontées de terrain dont me font part les magistrats lorsque je les rencontre dans leurs juridictions respectives, en effet, lorsqu’une panne survient, par exemple un vendredi soir, ils sont bloqués et ne sont pas capables de la résoudre – ce qui est bien normal, puisque ce n’est pas leur métier. Le projet de budget prévoit donc qu’un technicien soit présent sur place pour dépanner – c’est le verbe juste – les magistrats lorsqu’ils sont confrontés à une difficulté.
    Nous voulons en outre assurer une plus grande fluidité entre les directions pour progresser sur cette question essentielle du numérique. Nous souhaitons notamment que la DSJ – direction des services judiciaires – et le secrétariat général fonctionnent moins en silos, pour tendre vers ce que nous appelons tous de nos vœux, à savoir un ministère doté d’un outil numérique véritablement performant.
    Avis défavorable.

    Mme la présidente

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    La parole est à M. Erwan Balanant.

    M. Erwan Balanant

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    Les amendements déposés par M. Berteloot me surprennent, car en commission des lois, les députés du RN ont déposé toute une série d’amendements visant à transférer des crédits alloués à l’informatique vers le programme dédié à l’administration pénitentiaire, au motif que celle-ci ne disposait pas de moyens suffisants.

    M. Victor Catteau

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    À cause du gage !

    M. Erwan Balanant

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    Je songe par exemple à l’amendement no 130, déposé par Mme Diaz,…

    Un député du groupe RN

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    Mais arrêtez !

    M. Erwan Balanant

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    …dont l’exposé sommaire était rédigé ainsi : « L’administration pénitentiaire ne bénéficie pas des moyens nécessaires pour un accomplissement suffisamment efficace de son rôle d’intérêt public. […] Il est donc nécessaire de procéder à des réductions de dépenses dans d’autres secteurs, comme le secteur informatique ». (M. Charles Sitzenstuhl applaudit.) Un peu de cohérence ne ferait pas de mal.

    Plusieurs députés du groupe RN

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    C’est le gage ! Apprenez votre métier !

    M. Erwan Balanant

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    Nous vous avons déjà expliqué qu’il n’était pas question de gages pendant l’examen de la deuxième partie du projet de loi de finances.

    Mme la présidente

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    La parole est à M. Ian Boucard.

    M. Ian Boucard

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    Je ne vais pas répéter à mes collègues du RN ce qu’a excellemment expliqué le rapporteur spécial : un transfert de crédits n’est pas un gage, même si cela y ressemble. Je ne veux surtout pas venir à la rescousse de nos collègues, d’autant que j’ai utilisé la même technique que M. Balanant tout à l’heure à l’encontre de La France insoumise.
    Convenez toutefois du fait que si le Parlement n’avait pas recours à ces amendements de transfert de crédits, nous n’aurions tout simplement pas débattu aujourd’hui, car les députés ne peuvent rien faire d’autre dans le cadre qui s’applique à eux. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe LFI-NUPES.) Soyons raisonnables ! Nous aurions prononcé quelques interventions liminaires pour exprimer notre opinion sur le projet du ministre, puis nous serions tous sagement rentrés chez nous vers dix heures quinze.

    Mme Raquel Garrido

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    Il y aura le 49.3 après !

    M. Ian Boucard

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    Puisque vous êtes au pouvoir, faites évoluer le règlement de l’Assemblée nationale pour nous permettre de peser davantage dans la discussion budgétaire, sans avoir recours à ce type d’amendements, que nous déposons tous parce que nous n’avons pas le choix. (M. le président de la commission des finances applaudit.)
    Pour en revenir à la question du numérique, si je ne nie pas les efforts consentis dans ce projet de budget, reconnaissez tout de même la difficulté de la situation. Puisque chacun relate les visites qu’il effectue sur le terrain, je précise que j’ai eu l’occasion, dans le cadre du Beauvau de la sécurité, de visiter plusieurs brigades de gendarmerie et commissariats de police. J’ai pu constater que les enquêteurs perdent un temps infini à numériser des dossiers ou à les photocopier en trois exemplaires pour respecter la procédure pénale, à tel point que des gendarmes consacrent parfois toute leur journée à faire des photocopies. Il y a donc un réel problème de numérisation des procédures et d’efficacité des logiciels au sein des ministères de la justice et de l’intérieur. Nous le traiterons en partie dans le projet de loi d’orientation et de programmation du ministère de l’intérieur qui sera examiné dans les semaines à venir.
    Les plus anciens d’entre nous, dont je ne fais pas partie, se souviennent que le ministère des armées s’est heurté, il y a quelques années, à de grandes difficultés lors du déploiement du fameux logiciel Louvois – logiciel unique à vocation interarmées de la solde –, dont les dysfonctionnements avaient empêché les militaires d’être rémunérés et de toucher leurs soldes. Puisque le Gouvernement compte maintenant un ministre de la transformation et de la fonction publiques, ainsi qu’un ministre délégué chargé de la transition numérique, peut-être pourrions-nous envisager de monter une filière d’informaticiens d’État qui centraliserait les actions. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe LFI-NUPES.)

    M. Ugo Bernalicis

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    Vous souhaitez donc créer des postes de fonctionnaires !

    M. Ian Boucard

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    Cela nous éviterait de dépenser à tort et à travers, en ordre dispersé, pour acquérir des logiciels qui ne fonctionnent jamais, que ce soit à la justice, à l’intérieur, au ministère des armées…

    M. Sylvain Maillard

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    Ce ne sont pas les mêmes compétences !

    M. Ian Boucard

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    Pardonnez-moi, monsieur Maillard, mais l’État a actuellement recours à des sociétés privées, qu’il paye très cher, pour des outils qui ne marchent pas ! Peut-être pourrait-il s’en charger lui-même ! (Applaudissements sur les bancs du groupe LFI-NUPES.)

    Mme la présidente

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    Évitez de vous interpeller, je vous prie, chers collègues !

    M. Ian Boucard

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    Vous êtes toutefois plus malin que moi, j’en conviens bien volontiers.
    En tout cas, force est de constater que quand les juges et les policiers nous expliquent que leurs logiciels ne fonctionnent pas, nous devrions les écouter. (Applaudissements sur les bancs du groupe LFI-NUPES.)

    M. Antoine Léaument

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    Bien parlé, camarade !

    (L’amendement no 1800 n’est pas adopté.)

    Mme la présidente

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    La parole est à M. Pierrick Berteloot, pour soutenir l’amendement no 1913.

    M. Pierrick Berteloot

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    Il vise à transférer 3 millions d’euros supplémentaires aux bureaux d’aide juridictionnelle (BAJ). Dans un contexte de judiciarisation accrue de la vie civile, l’accès au droit est très important : chacun doit avoir la garantie d’accéder à un juge. La lenteur et le coût des procédures constituent un frein à l’accès aux tribunaux. Les BAJ garantissent cet accès. C’est pourquoi nous devons réaliser des investissements considérables dans ce dispositif, d’autant qu’avec l’inflation et la paupérisation de la population, il est de plus en plus difficile pour les Français de recourir aux institutions judiciaires.
    Nous devons garantir l’accès au droit pour les justiciables. À cet égard, investir dans les BAJ nous semble pertinent. Nous devons en outre hiérarchiser les investissements. Or l’accès des citoyens au droit nous apparaît comme une priorité absolue. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe RN.)

    Mme la présidente

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    Quel est l’avis de la commission ?

    M. Patrick Hetzel, rapporteur spécial

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    J’émets un avis de sagesse à titre personnel.

    Mme la présidente

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    Quel est l’avis du Gouvernement ?

    M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux

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    J’ai déjà répondu à cette question en exposant longuement notre action en matière d’aide juridictionnelle. Je ne me répéterai pas. Avis défavorable.

    Mme la présidente

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    Je mets aux voix l’amendement no 1913.

    (Il est procédé au scrutin.)

    Mme la présidente

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    Voici le résultat du scrutin :
            Nombre de votants                        113
            Nombre de suffrages exprimés                108
            Majorité absolue                        55
                    Pour l’adoption                44
                    Contre                64

    (L’amendement no 1913 n’est pas adopté.)

    Mme la présidente

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    La parole est à M. Pierrick Berteloot, pour soutenir l’amendement no 1907.

    M. Pierrick Berteloot

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    Il vise à transférer 2 millions d’euros aux maisons de la justice et du droit (MJD). En effet, la fusion des tribunaux de grande instance (TGI) et des tribunaux d’instance (TI) pour créer les tribunaux judiciaires (TJ) a contribué à éloigner les citoyens de la justice. Ce qui était initialement présenté comme une simplification administrative visant à rationaliser la justice et à mutualiser les coûts s’est transformé en une désertification judiciaire : la fusion des TI et des TGI a mis en péril l’avenir de la justice de proximité, puisque certains tribunaux, vidés de leur substance, ont dû fermer. À l’image des déserts médicaux, il existe désormais des déserts judiciaires. Certaines régions de France sont plus concernées que d’autres.
    Mme Belloubet, alors garde des sceaux, assurait que la réduction du nombre de tribunaux permettrait une plus grande proximité. En réalité, chacun comprend que l’objectif était de faire des économies sur les biens immobiliers du ministère de la justice, au détriment des justiciables. (Murmures continus sur les bancs du groupe LFI-NUPES.)

    Mme la présidente

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    S’il vous plaît, chers collègues…

    M. Pierrick Berteloot

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    C’est incroyable, on ne peut pas parler sans qu’ils discutent en permanence !

    M. Benjamin Lucas

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    Oh, ça va !

    Mme la présidente

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    Je viens précisément de les rappeler à l’ordre, monsieur le député.

    M. Pierrick Berteloot

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    Merci, madame la présidente.

    M. Erwan Balanant

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    Restez concentré, camarade !

    M. Pierrick Berteloot

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    Nous devons maintenant pallier ce manque de proximité avec les maisons de la justice et du droit, devenues essentielles dans la vie du justiciable. Il faut donc investir dans ces structures et accroître notre effort.
    Puisque les règles en vigueur imposent de prélever les crédits correspondants sur un autre programme, il nous paraît judicieux de les prélever sur l’action 03, Évaluation, contrôle, études et recherche. Nous devons définir des priorités en matière d’investissements. La proximité entre le justiciable et la justice en est une. (Applaudissements sur les bancs du groupe RN.)

    Mme la présidente

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    Quel est l’avis de la commission ?

    M. Patrick Hetzel, rapporteur spécial

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    Avis de sagesse à titre personnel.

    Mme la présidente

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    Quel est l’avis du Gouvernement ?

    M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux

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    Vous n’êtes pas du tout au fait de l’action que nous avons menée ces dernières années – c’est vraiment dommage.
    D’abord, nous avons développé les points-justice, qui sont au nombre de 2 080 en France. Il s’agit de lieux confidentiels, où nos compatriotes les plus démunis et les plus défavorisés reçoivent de premiers conseils, qui sont naturellement gratuits. C’est à mettre à notre crédit – vous pourriez le reconnaître.
    Ensuite, j’ai rouvert des juridictions, par exemple à Cholet, à Bernay, ou à Villeneuve-sur-Lot – des lieux où il était compliqué pour nos compatriotes d’accéder à la justice, notamment dans des territoires dépourvus de transports publics. Nous avons remédié à certaines de ces difficultés. Vous devriez le savoir, puisque c’est la volonté de mieux servir nos compatriotes les plus démunis qui vous inspire.
    Au vu de l’action que nous avons menée et du budget que nous prévoyons de consacrer à la justice de proximité, vous comprendrez aisément, je l’espère, que j’émette un avis défavorable à votre amendement.

    Mme la présidente

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    Je mets aux voix l’amendement no 1907.

    (Il est procédé au scrutin.)

    Mme la présidente

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    Voici le résultat du scrutin :
            Nombre de votants                        115
            Nombre de suffrages exprimés                112
            Majorité absolue                        57
                    Pour l’adoption                43
                    Contre                69

    (L’amendement no 1907 n’est pas adopté.)

    Mme la présidente

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    La parole est à M. Thomas Portes, pour soutenir l’amendement no 1848.

    M. Thomas Portes

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    Monsieur le ministre, vous avez salué l’excellente intervention de mon camarade Antoine Léaument…

    M. Benjamin Lucas

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    Excellent camarade !

    M. Thomas Portes

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    …sur la corrélation entre les conditions de détention et les conditions de travail des gardiens. Par cet amendement, nous proposons de permettre aux détenus d’accéder à internet. Actuellement, toute la société ou presque est connectée. Aucune loi n’interdit d’ailleurs de permettre l’accès à internet en prison. Pourtant, 70 000 détenus en sont privés et subissent cette fracture numérique. Nous partageons l’objectif que vous affichez de favoriser la réinsertion et le retour à la société en permettant aux détenus de se construire un avenir. Mais comment pourraient-ils, sans internet, postuler à des offres d’emploi, effectuer des recherches, ou même rester en lien avec leur famille ?
    Il y a quelques semaines, plusieurs associations – notamment la Cimade et la Ligue des droits de l’homme, pour n’en citer que quelques-unes – ont publié une tribune dans laquelle elles rappellent qu’il y a urgence à donner accès à internet en prison.
    Pour reprendre votre expression, cet amendement me paraît compatible avec le dupond-morettisme : donner accès à internet en prison permettrait d’améliorer à la fois les conditions de détention et les conditions de travail des surveillants pénitentiaires. (Applaudissements sur les bancs du groupe LFI-NUPES. – M. Benjamin Lucas applaudit également.)

    Mme la présidente

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    Quel est l’avis de la commission ?

    M. Patrick Hetzel, rapporteur spécial

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    Cet amendement n’a pas été examiné par la commission des finances. Le montant que vous proposez de transférer – 1 million d’euros – étant insuffisant pour traiter cette question, j’imagine qu’il s’agit d’un amendement d’appel, auquel je laisserai le ministre répondre.
    Je rappelle tout de même que, comme vous le savez, si cette question pose problème, c’est que le milieu carcéral est le théâtre de communications illicites.

    M. Laurent Jacobelli

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    Oui !

    M. Patrick Hetzel, rapporteur spécial

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    Vous ne pouvez pas le nier.

    M. Laurent Jacobelli

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    Non !

    M. Patrick Hetzel, rapporteur spécial

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    C’est d’ailleurs la raison pour laquelle des dispositifs de brouillage ont dû être installés. Cette question mérite qu’on y regarde de plus près. À titre personnel, j’émets un avis défavorable.

    Mme la présidente

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    Quel est l’avis du Gouvernement ?

    M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux

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    Je ne suis pas insensible à vos propos. De nombreuses précautions doivent évidemment être prises, vous le comprendrez, mais des expérimentations sont en cours. On peut bien sûr envisager un accès à internet, à condition qu’il soit encadré.

    Mme Raquel Garrido

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    Bien sûr.

    M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux

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    Des discussions sont en cours. La DAP – direction de l’administration pénitentiaire – développe divers projets. À titre personnel, j’y suis favorable – à condition, encore une fois, de définir un encadrement qui donne toutes les garanties en matière de sécurité.

    Mme Raquel Garrido

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    Nous sommes d’accord.

    M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux

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    Pour le reste, on ne saurait se dispenser de cet outil.
    Cette question m’a d’ailleurs été posée par des chefs d’entreprise qui souhaitent, dans le cadre du nouveau contrat d’emploi pénitentiaire que nous avons mis en place, faire venir le travail en détention. Or certains de ces employeurs ont bien sûr besoin d’internet.
    Cela fait l’objet d’une réflexion. Voilà pourquoi je ne formule pas un non clair, net et précis. Je vous suggère un retrait, parce que nous travaillons sur cette question. Si vous souhaitez être associés à cette réflexion – de façon constructive –, vous êtes les bienvenus.

    Mme Raquel Garrido

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    Bienvenue à vous, monsieur le ministre !

    Mme la présidente

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    La parole est à M. Sylvain Maillard.

    M. Sylvain Maillard

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    Je vous remercie, monsieur le ministre, pour les propos que vous avez tenus. L’accès à internet en prison est un véritable enjeu, entre autres en matière de formation. Plusieurs d’entre nous ont mis en avant ce sujet lors de la précédente législature, estimant qu’il était incroyable que nos prisonniers n’aient pas accès à internet dans le cadre de la formation.

    M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux

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    À un accès limité !

    M. Sylvain Maillard

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    Je me souviens par exemple de détenus de Poissy qui se formaient et travaillaient mais qui, étant incarcérés depuis l’an 2000, n’avaient jamais connu internet et, par conséquent, n’auraient même pas la possibilité, au moment de leur sortie, de refaire leurs papiers.
    Je vous remercie d’avoir expliqué que vous avanciez sur ce dossier car votre administration, du temps de vos prédécesseurs, était très opposée à une telle mesure.

    M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux

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    J’y suis très favorable !

    M. Sylvain Maillard

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    Nombre de députés de la majorité sont à l’écoute sur cette question. Nous suivrons avec attention les expérimentations mises en place et sommes prêts à travailler sur le sujet. Il serait souhaitable que nous avancions au cours de la législature. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe RE.)

    Mme la présidente

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    La parole est à M. Antoine Léaument.

    M. Antoine Léaument

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    Décidément, lorsqu’il est question des conditions de détention, je constate que nous arrivons à coconstruire. J’espère que cela va se confirmer et que vous voterez cet amendement. J’ai compris, monsieur le ministre, que vous y étiez globalement assez favorable même si vous nous demandez de le retirer. Nous allons néanmoins le maintenir pour permettre à l’Assemblée de s’exprimer sur le sujet.
    Je rappelle simplement que les procédures administratives sont de plus en plus dématérialisées. Comment peut-on demander aux personnes emprisonnées de s’intégrer alors qu’elles n’ont pas eu accès à un site internet depuis cinq, dix ou quinze ans ? Elles seront incapables d’accomplir des démarches toutes simples.

    M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux

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    Je suis d’accord !

    M. Antoine Léaument

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    Nous devrions pouvoir nous réunir de façon assez large autour de cet amendement, qui va dans le bon sens si l’on souhaite, comme nous l’avons dit tout à l’heure, éviter la récidive. Il est par exemple indispensable d’utiliser internet – de façon encadrée – pour les démarches liées à Pôle emploi.
    Chers collègues, je ne sais pas si votre groupe vous donnera une consigne de vote, mais je vous demande de voter en votre âme et conscience, selon vos convictions personnelles. (Applaudissements sur les bancs du groupe LFI-NUPES.)

    (L’amendement no 1848 n’est pas adopté.)

    Mme la présidente

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    La parole est à Mme Stella Dupont, pour soutenir l’amendement no 1798.

    Mme Stella Dupont

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    Il vise à revaloriser le tarif des enquêtes sociales. Celui-ci est aujourd’hui fixé à 600 euros pour une personne physique. Il date de 2011 et n’a jamais été revalorisé depuis.
    Je vous avais posé la même question il y a deux ans, monsieur le garde des sceaux. Vous m’aviez alors indiqué que vous étudiiez le sujet. Je crois savoir que votre ministère a rencontré, en janvier 2021, l’Association nationale des enquêteurs sociaux.
    Comme il y a deux ans, il me semble urgent d’avancer sur cette question. Cette revalorisation est attendue. Une enquête représente tout de même quarante heures de travail, ce qui n’est pas rien. En outre, ce métier est essentiel au fonctionnement de notre justice. Il est nécessaire de le revaloriser et d’assurer un renouvellement des générations parmi les enquêteurs sociaux. L’annonce – ou plutôt la confirmation – d’une revalorisation est un signal fort qu’il faut donner. (M. Bruno Studer applaudit.)

    Mme la présidente

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    Quel est l’avis de la commission ?

    M. Patrick Hetzel, rapporteur spécial

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    Nous avons abordé cette question en commission. Nous avions alors suggéré à Mme Dupont de retirer son amendement pour le déposer en séance et permettre ainsi un échange avec le garde des sceaux. Puisqu’il s’agit d’un amendement d’appel, la commission ne s’est pas prononcée de façon formelle. Je laisse M. le garde des sceaux répondre de façon précise. À titre personnel, je demande le retrait.

    Mme la présidente

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    La parole est à M. le garde des sceaux.

    M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux

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    Il en est qui développent des marottes, d’autres des combats. Votre cause est particulièrement légitime, madame la députée. Vous avez rappelé, non sans raison, que je m’étais engagé à faire évoluer les choses. Je serai au rendez-vous de mes promesses. Ce ne sont pas des promesses de nuit qui ne verront jamais le jour.
    D’ailleurs, nous avons beaucoup avancé. Je vous demande simplement de patienter encore un peu. Les services du ministère mènent ce travail de concertation, encouragé bien sûr par le rapport Sauvé, issu des états généraux de la justice, qui recommande de dynamiser l’enquête sociale – nous savons à quel point celle-ci est importante, notamment, soit dit en passant, pour individualiser les peines – pour en faire un outil d’investigation à la disposition des juges, notamment les juges aux affaires familiales.
    Des échanges avec les acteurs concernés sont prévus dans quelques jours afin de mieux définir le quantum de la revalorisation. Car si le principe en est acquis, il faut savoir quel sera son montant. Le plan d’action vous sera présenté dans les prochains jours. Je vous prie d’accepter cette ultime attente et vous suggère, très aimablement, de retirer votre amendement.

    Mme la présidente

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    La parole est à Mme Stella Dupont.

    Mme Stella Dupont

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    J’accepte de patienter une ultime fois et retire mon amendement.

    M. Ugo Bernalicis

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    Nous le reprenons ! Puis-je prendre la parole, madame la présidente ?

    Mme la présidente

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    Ce n’est pas possible, cher collègue. Lorsqu’un amendement est repris, il est directement mis aux voix.

    (L’amendement no 1798 n’est pas adopté.)

    Mme la présidente

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    La parole est à Mme Emmanuelle Ménard, pour soutenir l’amendement no 1799.

    Mme Emmanuelle Ménard

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    En juin 2020, Mme Nicole Belloubet, ministre de la justice, rappelait ici même que « 262 personnes sont actuellement détenues en France après avoir été condamnées des chefs d’infraction terroriste », avec des peines très lourdes ou des peines correctionnelles de plusieurs années. Elle ajoutait : « Outre ces détenus condamnés, 182 personnes sont en détention provisoire après une mise en examen pour des faits terroristes. Elles seront jugées dans les mois ou années qui viennent […] Parmi les condamnés, 31 seront libérés en 2020, 62 en 2021 et 50 en 2022, après avoir exécuté leur peine. »
    Un plan national de prévention de la radicalisation a été présenté le 23 février 2018 ; un bilan en a été tiré un an plus tard. L’étude portait sur 1 000 détenus de droit commun suivis au titre de la radicalisation et 517 pour faits de terrorisme. En avril 2019, le Cosprad, le Conseil scientifique sur les processus de radicalisation, a été installé. Pouvez-vous nous dire quelles mesures ont été mises en œuvre, à la suite de sa création, pour prévenir la récidive terroriste ? Au vu du nombre de personnes concernées et du danger potentiel qu’elles représentent, qu’en est-il de l’évaluation de l’efficacité des dispositifs mis en place ?

    Mme la présidente

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    Sur l’amendement no 1795, je suis saisie par le groupe La France insoumise-Nouvelle Union populaire, écologique et sociale d’une demande de scrutin public.
    Sur les crédits de la mission Justice, je suis saisie par le groupe Renaissance d’une demande de scrutin public.
    Les scrutins sont annoncés dans l’enceinte de l’Assemblée nationale.
    Quel est l’avis de la commission sur l’amendement no 1799  ?

    M. Patrick Hetzel, rapporteur spécial

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    Cet amendement n’a pas été examiné par la commission. Mme Ménard pose une question très importante, celle de la prévention de la récidive pour des personnes condamnées pour faits de terrorisme. C’est un enjeu majeur. À titre personnel, je suggère un retrait, mais je laisse le ministre vous répondre pour vous expliquer précisément quelle est sa politique en la matière.

    Mme la présidente

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    Quel est l’avis du Gouvernement ?

    M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux

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    En 2023, 2,6 millions seront consacrés à la lutte contre la radicalisation – un sujet essentiel, nous en convenons tous. Par ailleurs, l’évaluation des différents dispositifs a été lancée en septembre dernier. Il est évidemment trop tôt pour connaître les conclusions de ces travaux. Dès que les résultats seront communiqués, je me ferai fort de vous transmettre les éléments fournis par cette commission de travail, qui nous inspireront pour lutter plus efficacement encore contre la radicalisation.
    Je ne dresserai pas ici la liste des dispositifs que nous avons mis en place, des QER, les quartiers d’évaluation de la radicalisation, aux QPR, les quartiers de prise en charge de la radicalisation. Ils sont nombreux. En la matière, nous devons toujours faire preuve d’une très grande vigilance – c’est une évidence absolue.

    Mme la présidente

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    Demandez-vous le retrait de l’amendement, monsieur le garde des sceaux ?

    M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux

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    Oui, et je demande surtout à Mme la députée d’être patiente.

    Mme la présidente

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    Madame Ménard, ferez-vous preuve de patience ?

    Mme Emmanuelle Ménard

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    Oui, et je retire mon amendement. J’aimerais simplement savoir si c’est le Cosprad qui mène l’évaluation des différents dispositifs dont vous avez parlé et qui a commencé en septembre, ou si ce travail est conduit par un autre organisme. Je vous avoue que je suis un peu perdue.

    Mme la présidente

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    La parole est à M. le garde des sceaux.

    M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux

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    Ce travail est mené sous l’autorité de la direction de l’administration pénitentiaire. Dès que nous disposerons des rapports, je vous les communiquerai sans aucune difficulté.

    (L’amendement no 1799 est retiré.)

    Mme la présidente

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    La parole est à M. Ugo Bernalicis, pour soutenir l’amendement no 1795.

    M. Ugo Bernalicis

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    Il vise à doubler les moyens alloués aux cours d’assises afin qu’elles puissent se réunir plus souvent qu’aujourd’hui, ce qui permettra de réduire les délais.
    Par ailleurs, il vise à maintenir le plus grand nombre possible de cours d’assises avec des jurés populaires. Nous sommes opposés à la généralisation des cours criminelles départementales, prévue à partir du 1er janvier prochain. Certes, cette réforme apporte des satisfactions à nombre de professionnels parce qu’elle permet de gagner en « efficacité » – je mets ce terme entre guillemets, chacun l’entendra comme il le voudra.
    Toutefois elle provoque aussi une réelle insatisfaction, puisqu’elle empêche le peuple de participer à l’œuvre de justice. Or on sait très bien qu’aucun rapport n’a jamais quantifié la participation du peuple. On ne sait pas comment l’évaluer. On peut simplement dire que les personnes qui sont tirées au sort et vivent cette expérience en sortent transformées, différentes et ont une meilleure appréhension de la justice et des enjeux pénaux. Le recours aux jurés populaires est donc positif du point de vue de l’intérêt général. C’est une forme d’éducation populaire, d’éducation à la justice.
    Voilà pourquoi nous sommes opposés à la généralisation des cours criminelles départementales, qui marquent un recul. Nous proposons donc de doubler les moyens alloués aux cours d’assises.

    Mme la présidente

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    Quel est l’avis de la commission ?

    M. Patrick Hetzel, rapporteur spécial

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    Cet amendement fait écho au débat que nous avons eu lors de la discussion du projet de loi pour la confiance dans l’institution judiciaire.
    Je rappellerai quelques constats faits par notre ancien collègue Antoine Savignat, qui n’était d’ailleurs pas le plus fervent défenseur de la réforme lors de son lancement. Il expliquait que ces cours permettaient de limiter la correctionnalisation et de réduire les délais de jugement – un point important.

    M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux

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    Bien sûr !

    M. Patrick Hetzel, rapporteur spécial

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    Vous connaissez mon attachement à la célérité de la justice. Or le temps d’attente avant le jugement d’un crime continue de s’allonger, atteignant plus de quarante-neuf mois en 2021.
    Je vous propose d’attendre les résultats produits par la généralisation des cours criminelles. Ensuite seulement, nous pourrons débattre, car nous devons avoir un peu de recul. Je demande donc le retrait de cet amendement, et émettrai à défaut un avis défavorable à titre personnel.

    Mme la présidente

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    Quel est l’avis du Gouvernement ?

    M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux

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    Défavorable.

    Mme la présidente

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    La parole est à M. Benoit Mournet.

    M. Benoit Mournet

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    J’ai eu l’honneur d’être juré d’assises et je suis tout à fait d’accord avec vous, monsieur Bernalicis : on en sort différent et définitivement convaincu de l’intérêt du jury populaire. Cependant, comme vous, je suis aussi attaché à la bonne qualification pénale et, à cet égard, la pratique de la correctionnalisation ne me paraît bonne ni pour les accusés, ni pour les victimes. Or les nouvelles cours criminelles y apportent une réponse assez pragmatique. Leur expérimentation a donné des premiers résultats positifs et je suis favorable à leur généralisation en janvier prochain. Dernier point : vous gagez les crédits demandés sur ceux de l’administration pénitentiaire alors qu’on a montré durant tout ce début d’après-midi combien il est important d’accélérer aussi sur ce programme. Je voterai contre cet amendement. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe RE.)

    Mme la présidente

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    La parole est à M. Ugo Bernalicis.

    M. Ugo Bernalicis

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    Je veux dire au rapporteur spécial que je ne méconnais pas le rapport commis par M. Savignat quand il était député, et je sais bien que le traitement des affaires va plus vite dans le cadre des cours criminelles départementales – c’était le but – puisqu’il n’y a pas de convocation d’un jury, que la décision est le fait de magistrats professionnels et que l’oralité des débats n’est pas exactement la même que dans les cours d’assises. C’est indéniable, mais il faut mettre ce changement en regard avec l’absence de participation du peuple aux jugements. Cette participation, nul ne peut la quantifier car sa plus-value pour la société n’entre pas dans un tableau Excel ; pourtant, quand on mène des entretiens individuels avec d’anciens jurés, on sait tous qu’elle est positive et bénéfique.
    Je tiens à battre en brèche les arguments en faveur de la correctionnalisation : si les victimes l’acceptent, c’est parce qu’on leur laisse le choix entre un jugement aux assises dans quatre ans et un jugement au tribunal correctionnel dans un an à un an et demi. Faute de mieux, par dépit, les gens finissent par se résoudre à la correctionnalisation parce qu’ils n’ont pas envie d’attendre des années avant de devoir revivre leur trauma en reparlant aux assises de tout ce qui y sera déballé. Je peux le comprendre, mais c’est bien l’insuffisance des moyens qui conditionne ce choix. Je ne veux donc pas entrer dans cette logique qui conduit à la généralisation des cours criminelles départementales pour limiter la correctionnalisation en raison du manque de moyens, comme s’il était inévitable. Je suis ici pour défendre les principes de la justice et je pense que notre assemblée peut prévoir les moyens suffisants à cet effet.
    Par ailleurs, j’appelle votre attention sur le fait que les cours criminelles départementales ne sont certes qu’en phase d’expérimentation mais qu’elles consomment davantage de temps de magistrat, puisqu’elles en ont cinq et non trois. Vu la pénurie de magistrats et sachant que les recrutements ne sont pas pour tout de suite et n’iront pas aussi vite qu’on le voudrait, il y a un risque d’aggraver encore le problème en accaparant des magistrats déjà occupés à d’autres tâches – encore une fois par manque de moyens.
    En somme, si nous voulons honorer les grands principes, il faut consacrer les moyens nécessaires pour répondre aux besoins.

    M. Alexis Corbière

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    Excellent !

    Mme la présidente

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    Je mets aux voix l’amendement no 1795.

    (Il est procédé au scrutin.)

    Mme la présidente

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    Voici le résultat du scrutin :
            Nombre de votants                        122
            Nombre de suffrages exprimés                122
            Majorité absolue                        62
                    Pour l’adoption                57
                    Contre                65

    (L’amendement no 1795 n’est pas adopté.)

    Mme la présidente

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    La parole est à Mme Emmanuelle Ménard, pour soutenir l’amendement no 1802.

    Mme Emmanuelle Ménard

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    Cet amendement d’appel prolonge une discussion précédente où vous avez mis en cause, monsieur le ministre, des députés qui parlaient d’une justice laxiste. Comme j’ai eu l’occasion de le dire ce matin, je ne reprendrai pas ce terme à mon compte car je suis élue dans une circonscription où les magistrats, du parquet comme du siège, sont tout sauf laxistes. Néanmoins, je tenais à vous alerter sur le sentiment de laxisme de la justice, très présent chez nos concitoyens. En septembre 2021, un sondage de l’institut CSA indiquait que 68 % des Français estiment que la justice est trop laxiste et davantage encore qu’elle est trop lente et opaque. On ne peut certes pas généraliser – j’en veux pour preuve le cas de ma circonscription, encore une fois – mais ce sentiment des Français pose question. Peut-être pourrait-on le corriger en allouant plus encore de crédits à la justice – même si vous me répondrez sans doute que son budget est déjà en hausse.

    Mme la présidente

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    Quel est l’avis de la commission ?

    M. Patrick Hetzel, rapporteur spécial

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    Je ne sais pas si la justice est trop laxiste mais, en tout cas, elle est trop lente pour juger dans des délais raisonnables et pour faire exécuter les peines. C’est probablement le principal facteur qui alimente la défiance à l’égard du système judiciaire. Il est donc essentiel que la Chancellerie puisse allouer des ressources aux juridictions les plus en difficulté. En attendant, il faut bien dire que les outils d’évaluation de la charge de travail des magistrats ne sont pas totalement opérationnels. Je vais laisser M. le garde des sceaux répondre sur ce point.
    L’amendement n’a pas été examiné en commission mais, à titre personnel, je vous propose de le retirer. À défaut, l’avis serait défavorable.

    Mme la présidente

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    Quel est l’avis du Gouvernement ?

    M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux

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    Je ne reviens pas sur les chiffres mais ils soulignent à quel point des efforts doivent à nouveau être déployés pour soulager la justice, et j’en ai pleinement conscience. « Laxiste », « lente », « opaque », dites-vous, madame Ménard.
    Que la justice soit lente, oui, c’est une certitude. Lors des états généraux de la justice, où nos compatriotes se sont exprimés par un million de contributions, c’est d’ailleurs l’un des items qui est revenu le plus souvent. On y répond notamment en recrutant des contractuels : ils ont permis un déstockage des dossiers en cours, non seulement à Béziers mais partout en France, rappelons-le. Une baisse de 30 % de stock, c’est du temps judiciaire en plus pour traiter les affaires et permettre à nos compatriotes d’avoir des procès moins longs. Mais nous avons encore un effort à faire. Les états généraux ont abouti à des propositions de solutions totalement innovantes dont je puis vous dire, parce que j’en ai parlé avec tout le monde judiciaire, que la très grande majorité d’entre elles font consensus et permettront d’aller plus vite.
    Que la justice soit opaque, c’est plus discutable. Je dirais plutôt qu’elle est mal connue. Or il y a plusieurs façons de mieux faire connaître la justice et la première, c’est de l’enseigner. Le ministre de l’éducation nationale, Pap Ndiaye, et moi-même mettons en place le passeport « Éducdroit » pour que, dans le cadre des cours d’instruction civique, les jeunes, ces futurs citoyens, soient mieux éclairés sur le sujet.
    C’est d’ailleurs pour la même raison que j’ai souhaité mettre en place la justice filmée. J’ai bien dit qu’il ne s’agissait pas de faire du trash – si vous avez vu la première émission, vous avez pu constater qu’il n’y avait rien de tel –, mais au contraire de la pédagogie. On peut ainsi comprendre, par exemple, la difficulté éventuelle à déterminer une peine, que certains vont forcément qualifier de laxiste et que d’autres vont qualifier de sévère. Le député Mournet, qui a rappelé son expérience de juré populaire, pourrait témoigner – sans violer le secret du délibéré, naturellement – qu’il n’y a rien de plus difficile que de déterminer une peine, parce que c’est absolument subjectif : les uns vont dire qu’une peine de vingt ans de réclusion n’est pas assez sévère alors que les autres diront qu’elle l’est trop. Je me méfie des théorèmes ou des axiomes à partir desquels on pourrait déterminer ce qui est laxiste et ce qui ne l’est pas. (MM. Benoit Mournet et Mathieu Lefèvre applaudissent.) Je trouve même cela injurieux à l’égard des magistrats.
    Comment en est-on arrivé à avoir de tels sondages ? Je peux vous le dire et ce n’est pas très compliqué. La première raison, c’est qu’une grande force politique de notre pays affirme de façon péremptoire depuis des années que la justice est laxiste, et cela finit par imprimer.
    La seconde raison – soyons objectifs – tient au fait que des centaines de milliers de décisions sont rendues et n’appellent aucun commentaire ; en revanche, quelques autres peuvent nous choquer. Je suis garde des sceaux mais aussi citoyen, et je vois parfois passer des décisions qui m’étonnent. Mais la justice est indépendante, et le corollaire de cette indépendance, c’est la possibilité que certaines décisions nous interpellent ; or on ne parle que de celles-ci. Jamais personne n’ira s’exprimer sur une grande chaîne d’information continue pour dire que la justice a été bien rendue hier dans tel ou tel tribunal, à Béziers par exemple. Non, c’est toujours le truc qui nous choque, qui nous chagrine voire qui nous taraude dont on parle, et qu’accompagne parfois un commentaire syndical – qui me déplaît, au reste, car je l’ai dit aux syndicats de policiers : le problème de la police, ce n’est pas la justice, ce sont les délinquants.
    Quoi qu’il en soit, ce mélange des genres finit par imprimer dans les esprits. J’accepte le débat car je suis un homme de débats,…

    M. Ugo Bernalicis

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    Cessez de dire du mal de Gérald Darmanin !

    M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux

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    …et j’accepte de donner les vrais chiffres pour démontrer que depuis une vingtaine d’années, la justice correctionnelle – donc professionnelle – et la justice criminelle – donc le jury populaire – ont rendu des verdicts de plus en plus sévères. C’est une réalité ! Dès lors, que, pour faire de la poloche, on refuse de regarder ces chiffres, je l’accepte et j’y suis habitué mais cela me met hors de moi ; c’est ainsi.
    Vous me demandez pourquoi beaucoup de nos compatriotes pensent ceci ou cela. Quant à moi, je pense qu’on doit expliquer la justice, la montrer telle qu’elle est, avec lucidité et sans complaisance. Elle a certains défauts, je l’ai reconnu dès le premier jour de mon arrivée place Vendôme, mais on ne peut pas lui mettre sur le dos tous les malheurs du monde.
    Encore un mot, madame Ménard, parce que j’ai la prétention de connaître la justice, ayant mis les pieds dans les tribunaux contrairement à certains, et que je veux la défendre : quand la justice est saisie, souvent il est trop tard et c’est l’échec de toute une société. Quand un crime est commis, je ne peux que m’incliner avec compassion, mais je n’en suis pas responsable. On ne reproche jamais au médecin la maladie alors qu’on reproche la délinquance au garde des sceaux ! (Applaudissements sur les bancs des groupes RE et Dem.)

    Mme la présidente

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    La parole est à M. le président de la commission des finances, de l’économie générale et du contrôle budgétaire.

    M. Éric Coquerel, président de la commission des finances, de l’économie générale et du contrôle budgétaire

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    Juste une petite alerte : après l’examen de la mission Justice, je rappelle que nous aurons une centaine d’amendements à examiner sur les deux missions suivantes. J’apprécie toutes les interventions, je les trouve sinon pertinentes au moins toujours intéressantes, mais si chacun ne fait pas des efforts, ministre compris, nous devrons siéger très tard ce soir. Il faudrait donc, autant que possible, raccourcir les interventions sur les amendements qui restent. (Mouvements divers.)

    M. Erwan Balanant

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    Ah, non ! Il ne reste au groupe Dem que trois amendements à défendre !

    M. Éric Coquerel, président de la commission des finances

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    Je m’adresse à tous et si certains ne pensent pas que mon avis est largement partagé, c’est qu’on n’assiste pas à la même réunion. Je vois d’ailleurs aussi des acquiescements du côté de la majorité.

    Mme la présidente

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    La parole est à Mme Emmanuelle Ménard.

    Mme Emmanuelle Ménard

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    Mon intervention sera très brève pour satisfaire à la demande du président Coquerel. Tout d’abord, ce ne sont pas les groupes politiques qui commandent les sondages que j’ai évoqués ; c’est donc un peu facile de leur en reprocher les résultats. Deuxièmement, je ne suis pas tout à fait d’accord avec vous, monsieur le ministre : si les décisions de justice sont bien rendues dans la plupart des cas, sachant que, comme vous l’avez dit, c’est un exercice parfois difficile, il y a encore du progrès à faire dans l’exécution des peines. Les Français ne comprennent pas qu’une personne condamnée à une peine d’emprisonnement n’en effectue le plus souvent que la moitié avant d’être libérée.

    M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux

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    C’est caricatural.

    Mme Emmanuelle Ménard

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    Vous me direz que c’est en raison du système actuel, mais c’est une des choses qui scandalise le plus les Français.

    (L’amendement no 1802 est retiré.)

    Mme la présidente

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    Sur l’amendement no 1900, je suis saisi par le groupe La France insoumise-Nouvelle Union populaire, écologique et sociale d’une demande de scrutin public.
    Le scrutin est annoncé dans l’enceinte de l’Assemblée nationale.
    La parole est à Mme Emmanuelle Ménard, pour soutenir l’amendement no 1803.

    Mme Emmanuelle Ménard

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    Je vais tâcher de faire vite mais j’ai encore deux amendements à présenter sur des questions importantes. Ces derniers jours, l’actualité a été marquée par une série de viols commis par des ressortissants algériens en situation irrégulière…

    M. Ugo Bernalicis

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    Ah !

    Mme Emmanuelle Ménard

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    …et frappés d’une OQTF – obligation de quitter le territoire français – non exécutée. Ces crimes ont choqué la France entière. Les raisons de la non-exécution des OQTF sont nombreuses et l’absence de volonté de la part des États d’origine de délivrer des laissez-passer consulaires en fait évidemment partie.
    Sont également en cause les trop nombreuses voies de recours qui permettent aux étrangers en situation irrégulière de se maintenir sur le territoire – principalement le droit de recours suspensif devant le tribunal administratif. L’exécution de l’OQTF est donc suspendue jusqu’à ce qu’un tribunal ait rendu son jugement, soit, en théorie, un délai maximal de trois mois, mais, en pratique, une durée beaucoup plus longue, parce que les tribunaux administratifs doivent traiter un nombre de plus en plus grand de recours sans que le nombre de magistrats qui leur sont affectés progresse dans des proportions équivalentes.
    Monsieur le garde des sceaux, que pouvez-vous faire pour résoudre ce problème ?

    Mme la présidente

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    Quel est l’avis de la commission ?

    M. Patrick Hetzel, rapporteur spécial

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    Cet amendement d’appel ne concerne pas la matière budgétaire mais le problème de la compatibilité de la procédure pénale française avec le droit de l’Union européenne. Sur le fond, la question est importante et je laisse le ministre vous répondre mais sur la forme, je considère que le PLF n’est pas le texte adéquat pour la traiter. À titre personnel, à défaut d’un retrait, mon avis sera défavorable.

    Mme la présidente

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    Quel est l’avis du Gouvernement ?

    M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux

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    M. le rapporteur spécial a tout dit et l’a bien dit ; même avis.

    (L’amendement no 1803 n’est pas adopté.)

    Mme la présidente

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    La parole est à Mme Emmanuelle Ménard, pour soutenir l’amendement no 1804.

    Mme Emmanuelle Ménard

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    Je me demande si l’avis exprimé par le rapporteur spécial à l’instant ne visait pas cet amendement plutôt que le précédent.
    Le 12 juillet 2022, la Cour de cassation a rendu quatre arrêts tirant les conséquences des décisions rendues par la Cour de justice de l’Union européenne, relatives à la conservation des données et à l’accès à celles-ci dans le cadre de procédures pénales. Dans plusieurs affaires de meurtre ou de trafic de stupéfiants, des personnes mises en examen ont demandé l’annulation des réquisitions portant sur leurs données de trafic et de localisation délivrées par des enquêteurs agissant en enquête de flagrance sous le contrôle du procureur de la République ou sur commission rogatoire du juge d’instruction, ainsi que des actes d’exploitation de ces données. La Cour de cassation a confirmé que le procureur de la République, parce qu’il est une autorité de poursuite, ne peut pas être compétent pour ordonner de telles mesures qui sont alors jugées attentatoires à la vie privée.
    Les réquisitions visant les données issues de la téléphonie sont donc contraires au droit de l’Union européenne parce que la loi ne prévoit pas un contrôle préalable par une juridiction ou une entité administrative indépendante et neutre.
    Quand on sait que la téléphonie est l’un des facteurs centraux dans la résolution des affaires, autant à charge qu’à décharge, et qu’elle est utilisée chaque jour par les parquets et les services enquêteurs, on ne comprend pas et on a le sentiment d’une insécurité qui n’est, hélas, pas seulement juridique.
    Les quatre arrêts de la Cour de cassation constituent des obstacles à l’identification des délinquants et des criminels. Ils feront peser sur les juges d’instruction une charge de travail à laquelle ils ne pourront sans doute pas répondre.
    Comment la Chancellerie réagit-elle face à ce gros problème que rencontrent notamment les parquets ?

    Mme la présidente

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    Quel est l’avis de la commission ?

    M. Patrick Hetzel, rapporteur spécial

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    Mme Ménard a raison : mon argumentaire précédent visait en réalité l’amendement no 1804. La question posée n’est en effet pas de nature budgétaire, même si elle est importante : lorsque nous discutons avec les parquetiers de nos circonscriptions, nous constatons que le problème est bien réel. Je laisse le soin à M. le garde des sceaux de s’en emparer. (M. Ian Boucard applaudit.)

    Mme la présidente

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    Quel est l’avis du Gouvernement ?

    M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux

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    Ma réponse est simple : on ne va pas laisser des enquêtes être annulées sans réagir. D’abord, elles ne l’ont pas encore été à ce jour. Ensuite, je pense que les données de connexion doivent représenter de 60 à 70 % des enquêtes, donc nous trouverons évidemment une solution pérenne. Nous avons quelques pistes très solides que nous aurons sans aucun doute l’honneur de soumettre à la représentation nationale, mais il y a aucun risque. Ne crions pas au feu, madame Ménard. Avis défavorable.

    (L’amendement no 1804 n’est pas adopté.)

    Mme la présidente

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    La parole est à M. Erwan Balanant, pour soutenir l’amendement no 1900.

    M. Erwan Balanant

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    Il concerne la question majeure des infanticides, qui constitue souvent un angle mort de nos politiques.
    En 2020, quatre-vingt-neuf mineurs ont été victimes d’infanticides enregistrés par les forces de sécurité. Parmi ces victimes, quarante-neuf enfants sont décédés dans le cadre familial, contre cinquante-trois en 2019. Les trois quarts de ces enfants étaient âgés de moins de 5 ans au moment du décès. Ce chiffre alarmant rend d’autant plus intolérable toute forme de violences subies par les enfants dans le cadre intrafamilial. Notre société a le devoir d’être protectrice, notamment et surtout à l’égard des plus fragiles. Si on parle beaucoup des féminicides, j’aimerais que l’on parle aussi des infanticides : il s’agit de deux drames qui, au reste, sont parfois concomitants.
    Notre amendement vise à systématiser le retour d’expérience de la part de l’ensemble des professionnels concernés suite au décès d’un enfant dans le cadre familial. Pour ce faire, un rapport devra être remis aux autorités compétentes pour comprendre les dysfonctionnements des dispositifs relatifs à la protection de l’enfance dans le cadre intrafamilial. Il est nécessaire de mieux évaluer les situations à risques et de développer les analyses rétrospectives suite à ces cas.
    Les retours d’expérience sont une source d’information essentielle pour comprendre le contexte de ces actes, les actions qui ont suivi et les décisions prises. Pour cela, l’État a besoin du concours de différents services qui doivent travailler de concert afin que les alertes remontent et que les dispositifs existants soient actionnés. Aujourd’hui, les alertes sont tardives, les démarches à suivre en cas de suspicion sont méconnues, le personnel médical est débordé et les services concernés peinent à se coordonner.
    Il paraît donc essentiel de systématiser les retours d’expérience à l’échelle départementale et de les organiser de manière transversale entre la police, la justice et l’éducation nationale. (M. Antoine Léaument applaudit.)

    Mme la présidente

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    Quel est l’avis de la commission ?

    M. Patrick Hetzel, rapporteur spécial

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    Cet amendement n’a pas été examiné par la commission des finances. Le décès d’un enfant est toujours un drame inacceptable. Vous proposez un dispositif qui, s’il n’est pas déjà appliqué dans certains services de la PJJ, mérite effectivement d’être expérimenté et dont le coût est modéré. Je m’en remets à la sagesse de l’Assemblée et je souhaite que le garde des sceaux nous donne son avis sur la question.

    Mme la présidente

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    Quel est l’avis du Gouvernement ?

    M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux

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    Mon sentiment est proche de celui que vient d’exprimer le rapporteur spécial. Nous parlons de la mort d’enfants ; un tel sujet fait nécessairement consensus.
    Tout d’abord, une circulaire interministérielle est en cours de préparation – vous avez raison, monsieur le député, d’évoquer la nécessité d’un travail à cet échelon. Ensuite, nous allons être bien secondés par Alexandra Louis, la nouvelle déléguée interministérielle à l’aide aux victimes, qui prendra ses fonctions à la fin du mois. De plus, les services ont déjà identifié les drames que vous évoquez et des financements importants sont prévus. Enfin, je vous invite à venir travailler avec la Chancellerie parce que nous devons aller plus loin que ce qui est déjà fait sur ces sujets majeurs.
    Tout en vous suggérant de retirer l’amendement, je prends l’engagement que vous serez associé, ainsi que tous les parlementaires qui le souhaitent, aux réflexions que nous allons entamer.

    Mme la présidente

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    Monsieur Balanant, retirez-vous l’amendement ?

    M. Erwan Balanant

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    Nos échanges permettent de braquer les projecteurs sur ce sujet. Vos propos vous engagent, monsieur le garde des sceaux, comme les nôtres engagent la représentation nationale.
    Je vais retirer l’amendement qui ne posait pas vraiment un problème budgétaire mais visait à introduire le sujet et à vous amener à faire le choix d’une politique.

    M. Ian Boucard

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    Nous reprenons l’amendement, madame la présidente.

    M. Erwan Balanant

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    Je note bien que nous pourrons travailler ensemble. Je félicite Alexandra Louis pour sa nomination ; elle connaît bien ces sujets. Avec elle, avec la nouvelle délégation aux droits des enfants de notre assemblée, connaissant la volonté de votre collègue ministre de l’éducation nationale et de la jeunesse de faire connaître leurs droits aux enfants, je suis sûr que nous allons avancer. Il s’agit en tout cas d’un sujet sur lequel il ne faudra rien lâcher.

    M. Antoine Léaument

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    Nous souhaitons reprendre l’amendement !

    M. Ian Boucard

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    Trop tard, nous l’avons déjà fait !

    Mme la présidente

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    L’amendement no 1900 ayant été repris par M. Boucard du groupe Les Républicains, je le mets aux voix.

    (Il est procédé au scrutin.)

    Mme la présidente

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    Voici le résultat du scrutin :
            Nombre de votants                        142
            Nombre de suffrages exprimés                138
            Majorité absolue                        70
                    Pour l’adoption                81
                    Contre                57

    (L’amendement no 1900 est adopté.)
    (Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes RN, LFI-NUPES, LR et SOC.)

    M. Ian Boucard

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    J’ai fait adopter un amendement de M. Balanant ! (Sourires.)

    Mme la présidente

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    Je mets aux voix les crédits de la mission Justice.

    (Il est procédé au scrutin.)

    Mme la présidente

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    Voici le résultat du scrutin :
            Nombre de votants                        149
            Nombre de suffrages exprimés                100
            Majorité absolue                        51
                    Pour l’adoption                76
                    Contre                24

    (Les crédits de la mission Justice, modifiés, sont adoptés.)

    Mme la présidente

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    Je vous informe que, sur les amendements nos 1851 et 1855, je suis saisie par le groupe Rassemblement national de demandes de scrutin public.
    Les scrutins sont annoncés dans l’enceinte de l’Assemblée nationale.

    Mission Justice (état G)

    Mme la présidente

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    Nous en venons aux amendements à l’état G relatifs aux objectifs et indicateurs de la mission Justice.
    La parole est à M. Ugo Bernalicis, pour soutenir l’amendement no 1324.

    M. Ugo Bernalicis

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    Il vise à remplacer l’indicateur « Taux d’occupation des établissements pénitentiaires » par un indicateur « Taux de surpopulation carcérale », car c’est bien cette donnée qu’il faut suivre si l’on veut éliminer la surpopulation carcérale. Elle empêche de mener un travail correct et sérieux en détention qui permettrait la réinsertion, mission pourtant confiée à la prison et à l’administration pénitentiaire.
    Nous proposons également d’introduire un nouvel indicateur intitulé « Seuil d’occupation des établissements pénitentiaires sous l’effet du mécanisme de régulation carcérale ». Afin d’éviter de repousser ad vitam aeternam le moratoire sur l’encellulement individuel, comme le Gouvernement nous proposera de le faire dans quelques instants par des méthodes un peu douteuses, nous proposons que les personnes les plus proches de la sortie d’un établissement pénitentiaire libèrent leur place pour la laisser aux entrants, en particulier aux personnes sous mandat de dépôt.
    J’ai entendu le garde des sceaux nous expliquer que l’on pousserait en quelque sorte du pied ceux qui seront les plus proches de la sortie. C’est ce qu’il a prévu dans l’un de ses derniers textes puisqu’il veut automatiser la libération sous contrainte à trois mois de la fin de la peine. C’est une sorte de coup de pied à trois mois de la sortie : on vous met dehors à la va-comme-je-te-pousse. Moi, je préfère que l’on fixe un cadre plus respectueux des condamnations prononcées par les magistrats et que les propositions de sortie des personnes les plus proches de la fin de leur peine soient fondées sur le constat d’une surpopulation carcérale. C’est d’ailleurs un peu ce qui s’est produit pendant la crise du covid.
    Je vous signale au passage qu’à la suite de cette période et de ces libérations, on n’a pas enregistré d’explosion de la récidive. Il n’y en a eu ni plus ni moins qu’auparavant. Cela montre que la prison n’est peut-être finalement pas la bonne solution.

    Mme la présidente

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    Quel est l’avis de la commission ?

    M. Patrick Hetzel, rapporteur spécial

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    La commission n’a pas examiné cet amendement. Selon son exposé sommaire, vous souhaitez créer un « taux de décroissance carcérale » – même si le dispositif proposé ne correspond pas à cette ambition. Sur le fond, vous le savez, nous sommes en désaccord. Je pense que la prison est un instrument nécessaire, à côté des peines alternatives à l’incarcération. J’estime surtout indispensable de construire de nouvelles places. Cela pose un problème de ne pas réussir à le faire dans les délais fixés. Le retard du plan « prison » a des conséquences directes sur le taux d’occupation des établissements pénitentiaires. Le taux de 138 % pour les maisons d’arrêt est vertigineux. Heureusement qu’il nous est communiqué : cela nous permet de prendre conscience du problème. À mon sens, il s’agit donc d’un indicateur essentiel que nous devons conserver. À titre personnel, je suis en conséquence défavorable à l’amendement.

    Mme la présidente

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    Quel est l’avis du Gouvernement ?

    M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux

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    Défavorable.

    Mme la présidente

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    La parole est à M. Antoine Léaument.

    M. Antoine Léaument

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    On arrive au cœur de plusieurs questions qui animent nos débats aujourd’hui. Monsieur le ministre, vous dites vouloir créer des places de prison car votre objectif final, c’est l’encellulement individuel et un taux maximum d’occupation des prisons de 100 %. Actuellement, ce taux est de 129 %. Ce qui est embêtant, c’est que vous prévoyez de le porter à 131 % en 2023 et à 134,6 % en 2025. On a du mal à comprendre ! Alors que vous souhaitez construire des places de prison en vue d’assurer l’encellulement individuel, les taux d’occupation carcérale que vous envisagez n’ont rien de normal et compromettront votre objectif.
    Avec l’amendement no 1854, le Gouvernement entend reporter la date jusqu’à laquelle il peut être dérogé au principe du placement en cellule individuelle, initialement fixée au 31 décembre 2022. Il s’agit là d’un cavalier législatif qui n’a rien à faire dans le projet de loi de finances. Nous nous battrons pied à pied pour vous convaincre de ne surtout pas faire cela. En l’occurrence, l’indicateur que mon collègue Bernalicis vous propose de créer permettra d’améliorer les conditions de détention dans les prisons en réduisant la surpopulation carcérale.

    (L’amendement no 1324 n’est pas adopté.)

    Mme la présidente

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    La parole est à M. Philippe Schreck, pour soutenir l’amendement no 1851.

    M. Philippe Schreck

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    Le présent amendement vise à créer un indicateur de performance pour connaître l’état et l’évolution de la radicalisation en milieu carcéral. Nous avons évoqué à plusieurs reprises les programmes de prévention de la radicalisation violente (PPRV). Ils sont intéressants mais – et c’est bien logique –, ils ne concernent que les personnes volontaires. L’indicateur que nous proposons permettra d’adapter, de dimensionner et de mieux piloter ces programmes. (Applaudissements sur les bancs du groupe RN.)

    Mme la présidente

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    Quel est l’avis de la commission ?

    M. Patrick Hetzel, rapporteur spécial

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    Cette idée est intéressante. La radicalisation, de toute évidence, est un mal qui ronge nos prisons et sur lequel la représentation nationale devrait avoir une information plus précise. Le bleu budgétaire comprend déjà un indicateur portant sur le taux des détenus radicalisés ayant suivi un PPRV. Ce taux est adéquat et permet au ministère de la justice d’effectuer un pilotage. La commission, après plusieurs débats sur la question, auxquels vous avez participé, a émis un avis défavorable.

    Mme la présidente

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    Quel est l’avis du Gouvernement ?

    M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux

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    Avis défavorable, pour les mêmes raisons.

    Mme la présidente

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    Je mets aux voix l’amendement no 1851.

    (Il est procédé au scrutin.)

    Mme la présidente

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    Voici le résultat du scrutin :
            Nombre de votants                        128
            Nombre de suffrages exprimés                127
            Majorité absolue                        64
                    Pour l’adoption                39
                    Contre                88

    (L’amendement no 1851 n’est pas adopté.)

    Mme la présidente

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    La parole est à M. Philippe Schreck, pour soutenir l’amendement no 1855.

    M. Philippe Schreck

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    Nous évoquons régulièrement le problème de la récidive, quoique nous en tirions parfois les uns et les autres des conséquences opposées. Il n’existe pas à proprement parler d’indicateur pour la récidive. Les derniers chiffres publiés en 2018 concernent l’année 2016. Nous proposons donc de créer un indicateur portant sur le taux de récidive annuel jusqu’à cinq ans pour chacun des régimes de peine. (Applaudissements sur les bancs du groupe RN.)

    Mme la présidente

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    Quel est l’avis de la commission ?

    M. Patrick Hetzel, rapporteur spécial

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    Cet amendement a lui aussi été rejeté par la commission. L’absence d’un indicateur sur le taux de récidive est liée non seulement à des difficultés d’ordre méthodologique mais aussi à l’absence de données pour le construire. Nous sommes d’accord, cela n’est pas satisfaisant et le ministère de la justice peut mieux faire en matière de pilotage.

    Mme la présidente

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    Quel est l’avis du Gouvernement ?

    M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux

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    Évidemment, on a besoin de savoir où l’on va. Une mission d’évaluation des politiques pénitentiaires débutera dans quatre jours au sein de la direction de l’administration pénitentiaire. Elle permettra d’approfondir utilement le sujet. Vous avez raison, il faut que l’on puisse procéder à des évaluations : sur le plan de la politique pénale, comme dans d’autres matières, il est très utile de savoir si l’on est efficace ou non. Ces outils d’évaluation, nous ne les avions pas ; nous souhaitons les développer. Je suis très attaché à ce que, désormais, nous ayons la culture de ces indicateurs, qui n’était pas acquise au sein du ministère de la justice. Je souhaite que l’on évolue sur ces questions et je rejoins ce que vous dites, monsieur le député. Toutefois, la mission d’évaluation que j’évoquais vous donnera les mêmes informations que l’indicateur que vous souhaitez mettre en place. Je demande donc le retrait de cet amendement ; à défaut, l’avis sera défavorable.

    Mme la présidente

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    Je mets aux voix l’amendement no 1855.

    (Il est procédé au scrutin.)

    Mme la présidente

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    Voici le résultat du scrutin :
            Nombre de votants                        105
            Nombre de suffrages exprimés                101
            Majorité absolue                        51
                    Pour l’adoption                37
                    Contre                64

    (L’amendement no 1855 n’est pas adopté.)

    Article 44

    Mme la présidente

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    J’appelle maintenant l’article 44, rattaché à la mission Justice.
    La parole est à M. le rapporteur spécial, pour soutenir l’amendement no 1071.

    M. Patrick Hetzel, rapporteur spécial

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    Il s’agit d’un amendement de coordination qui vise à remplacer dans la loi de modernisation de la justice du XXIe siècle la mention de « tribunaux d’instance » par celle de « tribunaux judiciaires ». Cet amendement de nature rédactionnelle n’a pas été discuté en commission.

    Mme la présidente

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    Quel est l’avis du Gouvernement ?

    M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux

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    Favorable, évidemment.

    (L’amendement no 1071 est adopté.)

    (L’article 44, amendé, est adopté.)

    Après l’article 44

    Mme la présidente

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    Sur l’amendement no 1854, je suis saisie par le groupe La France insoumise-Nouvelle Union populaire, écologique et sociale d’une demande de scrutin public.
    Le scrutin est annoncé dans l’enceinte de l’Assemblée nationale.
    La parole est à M. le garde des sceaux, pour soutenir l’amendement no 1858.

    M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux

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    Il vise à compléter la réforme votée dans le cadre de la loi de finances pour 2021 et créant une garantie de rétribution pour les avocats au titre de l’aide juridictionnelle dans plusieurs procédures. Saluée par les professionnels sur le terrain, cette réforme assure la défense par un avocat des bénéficiaires de l’aide juridictionnelle sans qu’ils aient besoin de solliciter cette aide. Il s’agit d’une réforme de justice et de simplification, qui doit être complétée par un volet recouvrement : l’État doit pouvoir recouvrer a posteriori les sommes qu’il a engagées au titre de l’aide juridictionnelle au bénéfice de justiciables non éligibles.
    Afin de mettre en œuvre cette réforme, le présent amendement vise à conférer au bureau d’aide juridictionnelle la compétence de constater cette inéligibilité afin que l’État puisse procéder au recouvrement des montants correspondants et que la réforme soit achevée. Nous souhaitons ne pas faire peser sur l’ensemble des contribuables la défense des justiciables qui n’ont pas droit à l’aide juridictionnelle, car cela contreviendrait au principe de justice sociale.

    Mme la présidente

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    Quel est l’avis de la commission ?

    M. Patrick Hetzel, rapporteur spécial

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    Cet amendement n’a pas été examiné par la commission. J’ai bien entendu les éléments du ministre mais je souhaiterais m’arrêter un moment sur une question de méthode. La réforme que vise à compléter cet amendement a été lancée il y a plus d’un an. Une proposition identique à celle que vous venez d’exposer avait été défendue lors de l’examen du PLF pour 2022 par l’amendement d’une députée, mais celui-ci avait été déclaré irrecevable. En réalité, le Gouvernement, cette année, ne fait que réitérer par voie d’amendement une proposition rédigée il y a plus d’un, sans même avoir eu l’idée de l’inclure dans le projet de budget initial au stade de son dépôt. Pire, il a déposé cet amendement hier midi,…

    M. Ugo Bernalicis

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    Quel mépris du Parlement ! Le ministre n’aime pas les députés !

    M. Patrick Hetzel, rapporteur

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    …soit quelques heures avant l’examen de la mission Justice.

    M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux

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    Et alors ?

    M. Patrick Hetzel, rapporteur spécial

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    Bien entendu, vous avez le droit de procéder ainsi, mais votre méthode pose question. Vous êtes en train de nous priver d’une évaluation préalable qui, eu égard à l’importance d’une telle réforme, serait pourtant nécessaire. Sincèrement, vous pourriez faire mieux, monsieur le ministre, vous qui appelez à la coconstruction ! (Applaudissements sur quelques bancs du groupe LFI-NUPES.) Pourquoi avez-vous choisi d’introduire cette disposition par voie d’amendement en dernière minute, sans étude d’impact et sans nous permettre de l’examiner au préalable ? Il n’en demeure pas moins que, sur le fond, et à titre personnel, j’y suis favorable. Mais tout de même, monsieur le ministre, quel mépris pour le Parlement !

    M. Ugo Bernalicis

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    Eh oui, encore une fois !

    M. Patrick Hetzel, rapporteur spécial

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    Ce n’est pas sérieux de travailler comme cela ! (Applaudissements sur les bancs des groupes LFI-NUPES et RN, ainsi que sur quelques bancs du groupe LR.)

    M. Ugo Bernalicis

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    Juste avant un 49.3, en plus !

    Mme la présidente

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    La parole est à M. le garde des sceaux.

    M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux

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    Monsieur le rapporteur spécial, nous n’allons pas nous fâcher maintenant, cela n’a aucun sens.

    M. Patrick Hetzel, rapporteur spécial

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    Mais si, au contraire !

    M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux

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    Cette proposition, vous la connaissez depuis un an. Certes, nous aurions pu faire les choses différemment, je le reconnais très volontiers. Mais de là à toujours utiliser les grands mots…

    M. Benjamin Lucas

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    C’est vrai que ce n’est pas votre genre !

    M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux

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    …et à parler de mépris ! Pour ma part, je ne méprise pas le Parlement – je pense l’avoir démontré surabondamment, monsieur le rapporteur spécial, admettez-le ! Ce que vous faites, c’est de la poloche – je sais que Mme Garrido aime bien ce mot-là.

    M. Laurent Jacobelli

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    La poloche, c’est vous qui la faites, et en permanence !

    M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux

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    Tout cela n’est pas utile.

    (L’amendement no 1858 est adopté.)

    Mme la présidente

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    La parole est à M. le garde des sceaux, pour soutenir l’amendement no 1854.

    M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux

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    Le principe de l’encellulement individuel a été introduit dans notre droit par une loi…

    Mme Raquel Garrido

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    De 1875 !

    M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux

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    …Exactement, par une loi de 1875,…

    M. Sylvain Maillard

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    M. de Courson n’était pas là ! (Sourires.)

    M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux

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    …mais en réalité, il n’a jamais été appliqué.

    Mme Raquel Garrido

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    Il est temps !

    M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux

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    Il a toutefois été réaffirmé par la loi pénitentiaire du 24 novembre 2009.

    M. Ugo Bernalicis

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    Ça, c’était Rachida !

    M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux

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    Il peut y être dérogé dans les maisons d’arrêt, sous certaines conditions, notamment lorsque « le nombre de personnes détenues présentes ne permet pas son application ». Cela paraît tautologique, mais c’est ainsi. Il convient par ailleurs de préciser que le droit à l’encellulement individuel est assorti d’exceptions, notamment lorsque les détenus en font la demande ou que leur personnalité le justifie – il permet dans ce cas de prévenir les risques suicidaires –, ou lorsqu’ils sont autorisés à travailler ou à suivre une formation.
    Alors que la population pénale avait diminué pendant la crise sanitaire avec 13 000 détenus en moins, leur nombre a massivement augmenté depuis. Nous comptabilisons plus de 71 300 détenus pour 60 700 places opérationnelles, soit un déficit de 10 000 places de prison. Cela porte la densité carcérale à 120 % pour l’ensemble des établissements et à 139,7 % pour les maisons d’arrêt dans la dernière mesure mensuelle.

    M. Ugo Bernalicis

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    C’est pas joli-joli !

    M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux

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    Le transfert volontariste par l’administration pénitentiaire de détenus condamnés, y compris à de très courts reliquats de peine, afin d’occuper les places disponibles en établissement pour peine ne suffit pas à endiguer ce fléau. Sur le plan juridique, outre le contentieux portant sur le droit à des conditions de détention conformes à la dignité, le surencombrement en maison d’arrêt est également de nature à placer le ministère de la justice en situation d’illégalité au regard du droit à l’encellulement individuel. Face à l’impossibilité matérielle – on peut toujours dire que ce n’est pas joli-joli, mais enfin, c’est une impossibilité matérielle –…

    M. Ugo Bernalicis

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    C’est une faillite politique ! Ça n’a rien à voir !

    M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux

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    …de procéder à l’affectation des personnes détenues en cellule individuelle, un moratoire a été introduit et reconduit à plusieurs reprises. La loi pénitentiaire de novembre 2009 l’a prorogé jusqu’au 25 novembre 2014 afin de permettre l’achèvement du programme de construction de 13 200 places de prison lancé par la loi d’orientation et de programmation pour la justice du 9 septembre 2002.

    M. Ugo Bernalicis

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    Comme quoi !

    M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux

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    Compte tenu de la croissance continue de la population détenue, il est apparu indispensable de prolonger de nouveau le moratoire jusqu’au 31 décembre 2019 au moyen d’un article de la loi de finances rectificative de 2014. Le Conseil constitutionnel a explicitement admis qu’un tel amendement trouve sa place dans la loi de finances.

    M. Ugo Bernalicis

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    Eh non !

    M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux

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    La loi de programmation et de réforme de la justice du 23 mars 2019 a ensuite porté l’échéance du moratoire au 31 décembre 2022, dans l’attente des effets des dispositions relatives au bloc peine et du programme de construction des nouveaux établissements. Toutefois, au vu du taux de surpopulation carcérale actuel dans les prisons françaises, il apparaît indispensable que ce moratoire soit reconduit au-delà du 31 décembre 2022. Une disposition législative modifiant l’article 8 de l’ordonnance du 30 mars 2022 est nécessaire ; à défaut, l’administration sera exposée à de très nombreux recours contentieux devant le juge administratif.

    M. Ugo Bernalicis

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    Ah oui !

    M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux

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    Il est donc absolument nécessaire de fixer l’échéance du moratoire au 31 décembre 2027,…

    Mme Raquel Garrido

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    Pourquoi ?

    M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux

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    …date de livraison du programme immobilier pénitentiaire lancée par le Président de la République.

    M. Ugo Bernalicis et Mme Raquel Garrido

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    C’était déjà la promesse de 2002 ! À d’autres ! Quel charlatanisme !

    M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux

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    Ce plan très ambitieux et résolument engagé…

    Mme Raquel Garrido

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    C’est l’Arlésienne !

    M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux

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    …constitue un levier de réduction pérenne de la surpopulation carcérale dans les maisons d’arrêt, améliorant la prise en charge des détenus et les conditions de travail du personnel.

    M. Ugo Bernalicis

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    C’est ça, on y croit !

    M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux

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    Cette prorogation du moratoire est accompagnée par l’introduction d’une obligation légale pour le Gouvernement de présenter au Parlement un rapport sur l’encellulement individuel que j’ai adressé à l’Assemblée nationale et au Sénat. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe RE.)

    M. Ugo Bernalicis

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    Ridicule !

    Mme la présidente

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    Quel est l’avis de la commission ?

    M. Patrick Hetzel, rapporteur spécial

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    L’amendement du Gouvernement mérite quelques éclaircissements. Sur le plan strictement juridique, nous sommes un certain nombre à nous poser des questions : s’agit-il d’un cavalier budgétaire ou pas ? Il est important que la représentation nationale sache que le président de la commission des finances avait rejeté cet amendement gouvernemental, considérant qu’il posait un problème, avant que la présidente de l’Assemblée nationale ne rende un arbitrage dans l’autre sens. Autrement dit, différentes analyses sont possibles et la question fait débat.
    Venons-en au fond de l’amendement. Comme l’a rappelé le garde des sceaux, le moratoire permet de déroger au principe d’encellulement individuel qui figure dans notre loi depuis 1875 ; c’est dire que son application pose problème. Ce moratoire a déjà été prorogé en 2003, puis en 2009, en 2014 et, enfin, en 2019, avec une dérogation qui devait prendre fin en 2022. La question du taux d’encellulement individuel revient donc régulièrement dans les débats parlementaires. Ce taux s’élevait à près de 43 % en 2021, bien loin de l’objectif de 80 % visé au lancement du plan prison, dont l’échéance était fixée à 2022. Or nous constatons que le travail n’a pas été effectué dans les temps et que le délai doit être repoussé. Dans la mesure où la grande majorité des places ne sortiront pas de terre avant quelques années, je ne crois pas un seul instant que le programme sera achevé en 2027 et je voulais sous-amender l’amendement gouvernemental…

    M. Ugo Bernalicis

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    Nous aussi !

    M. Patrick Hetzel, rapporteur spécial

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    …en proposant une échéance en 2032.

    M. Antoine Léaument

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    Nous voulions sous-amender dans l’autre sens !

    M. Patrick Hetzel, rapporteur spécial

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    J’ajoute que l’article 8 de l’ordonnance du 30 mars 2022 prévoit qu’un rapport doit être remis au Parlement au troisième trimestre de l’année 2022, c’est-à-dire avant le 30 septembre.

    Mme Raquel Garrido

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    Où est ce rapport ?

    M. Patrick Hetzel, rapporteur spécial

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    Nous sommes au mois d’octobre et, en tant que rapporteur spécial, je n’ai pas été destinataire de ce rapport. Question simple et factuelle, monsieur le garde des sceaux : quand l’aurons-nous ? Il devait être dans les mains du Parlement au 30 septembre.

    M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux

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    Il est dans les mains du Parlement.

    M. Patrick Hetzel, rapporteur spécial

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    Puisque je souhaitais sous-amender l’amendement gouvernemental pour passer à 2032, j’émets à titre personnel un avis favorable. Toutefois, il me semble que certaines questions, sur lesquelles M. le président de la commission des finances reviendra dans quelques instants, méritent une réponse.

    Mme la présidente

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    La parole est à M. le président de la commission des finances.

    M. Éric Coquerel, président de la commission des finances

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    M. le garde des sceaux a rappelé quels événements ont eu lieu autour de cet amendement. Je voudrais expliquer pourquoi je l’ai déclaré irrecevable et pourquoi, à mon avis, il l’est toujours ; je ne me prononcerai pas sur le fond de la question, mais uniquement sur la forme. J’ai évoqué un cavalier législatif au sens de l’article 45 de la Constitution car le dispositif décrit ne présentait aucun lien avec le projet de loi de finances. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe LFI-NUPES.) Non, n’applaudissez pas.

    M. Sylvain Maillard

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    Je vous demande de vous arrêter ! (Sourires sur quelques bancs des groupes RE.)

    M. Éric Coquerel, président de la commission des finances

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    J’explique seulement le raisonnement qui m’a conduit à prendre cette décision.

    M. Alexis Corbière

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    Nous aimons le président Coquerel !

    M. Éric Coquerel, président de la commission des finances

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    Les services de la Chancellerie ont effectivement invoqué, lors de nos échanges, un lien avec des dispositions que le Conseil constitutionnel n’a pas censurées dans sa décision no 2014-708 DC du 29 décembre 2014, laquelle concevait la recevabilité d’un tel amendement à condition qu’il y soit adjoint un rapport comprenant une information financière et budgétaire. Au lieu de faire imposer l’amendement par la présidente de l’Assemblée nationale ce matin à 10 heures 51 – heure avant laquelle il était toujours irrecevable –, vous auriez pu le modifier avant de le déposer en séance, mais il n’y a pas eu de modification. Par conséquent, du point de vue formel, l’amendement n’est pas recevable à mes yeux et il est évident que je ferai un recours devant le Conseil constitutionnel.
    Le fait que la présidente de l’Assemblée nationale ait jugé bon de prendre une telle décision est un autre débat. Je vous propose de retirer l’amendement, quitte à le reproposer ensuite, par exemple en deuxième lecture, avec les modifications que j’ai préconisées et qui l’auraient rendu recevable.

    Mme la présidente

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    La parole est à M. Jean-René Cazeneuve, rapporteur général de la commission des finances, de l’économie générale et du contrôle budgétaire.

    M. Jean-René Cazeneuve, rapporteur général de la commission des finances, de l’économie générale et du contrôle budgétaire

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    Nous partageons tous l’objectif d’augmenter le nombre de cellules individuelles et nous regrettons d’être obligés de faire moratoire sur moratoire,…

    M. Ugo Bernalicis

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    Chat échaudé craint l’eau froide…

    M. Jean-René Cazeneuve, rapporteur général

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    …mais M. le garde des sceaux a pris des engagements fermes et nous pouvons le croire. Comme il l’a rappelé, le moratoire a été prorogé en 2014, puis en 2019. En 2014, un recours a été déposé devant le Conseil constitutionnel au motif que le moratoire n’avait pas sa place dans une loi de finances. Sa réponse est extrêmement claire : « Considérant qu’eu égard aux dépenses pour le budget de l’État qu’entraînerait l’application des dispositions de la loi du 24 novembre 2009 relatives à l’encellulement individuel […], ce 1o de l’article 106 trouve sa place dans la loi de finances rectificative ». Le Conseil constitutionnel s’est donc clairement exprimé ; vous pourrez l’interroger, et c’est bien évidemment votre droit, mais je pense que la même question recevra la même réponse.
    Deuxièmement, le président de la commission a déclaré que l’amendement n’était pas recevable au titre de l’article 40 de la Constitution.

    M. Éric Coquerel, président de la commission des finances

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    En l’occurrence, au titre de l’article 45.

    M. Jean-René Cazeneuve, rapporteur général

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    La direction de la séance, sous l’autorité de la présidente de l’Assemblée nationale, a décidé qu’il l’était. C’est la règle : la présidence de l’Assemblée nationale déclare la recevabilité des amendements pour la séance en s’appuyant sur les recommandations qui lui sont faites par le président de la commission des finances et par son équipe chargée de l’application de l’article 40 ; cela a été fait, et il y a eu un désaccord.

    M. Ugo Bernalicis

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    Ce n’est pas ce que prévoit le règlement !

    M. Jean-René Cazeneuve, rapporteur général

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    En cas de désaccord, des allers-retours ont lieu entre l’équipe de la séance et celle de la commission des finances, et c’est la présidence de l’Assemblée nationale qui a le dernier mot. Il est donc tout à fait normal, sur le fond comme sur la forme, que l’amendement soit examiné.

    Rappels au règlement

    Mme la présidente

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    La parole est à M. Ugo Bernalicis, pour un rappel au règlement.

    M. Ugo Bernalicis

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    Il se fonde sur l’article 93 concernant la recevabilité des amendements – et pas seulement leur recevabilité financière, laquelle fait l’objet d’un autre article.
    Commençons par la recevabilité financière des amendements : normalement, la présidente de l’Assemblée nationale délègue son avis au président de la commission des finances quand elle n’émet pas elle-même le sien. Les choses se déroulent ainsi : si la présidence de l’Assemblée nationale n’a pas d’avis, elle transmet par subsidiarité la question à la présidence de la commission des finances. Nulle part dans le règlement n’est prévue la possibilité de faire des allers-retours. Cette interprétation avait déjà été contestée la fois dernière, mais puisqu’il n’y a pas de voie de recours au sein de l’Assemblée nationale, c’est l’autoritarisme qui finit par primer – convenez que c’est problématique.
    Deuxième problème, toujours au titre de l’article 93 du règlement : la recevabilité des amendements ne dépend pas seulement de l’article 40 de la Constitution, mais plus largement de l’application de la loi organique relative aux lois de finances (Lolf), laquelle donne un cadre aux amendements qu’il est possible de déposer. Une nouvelle interprétation de la Lolf permet d’ailleurs à l’Assemblée nationale d’amender les indicateurs de performance, ce qui n’était pas le cas précédemment, comme quoi les interprétations divergent. Ce qui est sûr, c’est qu’en 2014, l’amendement présentait un lien, même étrange et un peu bizarre – voire franchement cavalier – avec le budget et que le Conseil constitutionnel a été fort sympathique. Or cet amendement-ci ne fait même pas semblant d’avoir un lien avec le budget, et vous pouvez être certains que notre groupe, qui compte plus de soixante députés, saisira le Conseil constitutionnel.

    M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux et M. Sylvain Maillard

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    Très bien ! C’est votre droit.

    M. Ugo Bernalicis

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    Quant au fait que la présidente de l’Assemblée nationale ait décidé de rendre l’amendement recevable alors qu’elle-même s’est engagée avec ardeur – comme chacun sait – sur la question pénitentiaire, chacun le jugera à l’aune de ses considérations politiques et des engagements qui ont été pris au banc devant la représentation nationale. (Applaudissements sur les bancs des groupes LFI-NUPES et Écolo-NUPES.)

    Mme la présidente

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    J’ai bien pris note de votre rappel au règlement. La décision de déclarer recevable l’amendement no 1854 du Gouvernement a été prise par la présidente de l’Assemblée nationale. Je lui ferai part de vos observations.
    La parole est à M. le garde des sceaux.

    M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux

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    Vous entendez faire le procès de la présidente de l’Assemblée nationale, alors qu’elle n’a fait qu’appliquer une décision rendue par le Conseil constitutionnel ; c’est sidérant !

    M. Ugo Bernalicis

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    Non, c’est son interprétation de la décision !

    M. Bruno Millienne

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    Et pourquoi la vôtre serait-elle meilleure ?

    Mme Raquel Garrido

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    Ce n’est pas un procès, c’est un débat !

    M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux

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    Vous saisirez le Conseil constitutionnel si vous le souhaitez et sans doute vous redira-t-il ce qu’il a déjà jugé en 2014.

    M. Ugo Bernalicis

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    J’espère pour vous, monsieur le ministre !

    M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux

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    Je vais relire lentement…

    M. Ugo Bernalicis

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    Ne nous prenez pas pour des idiots !

    M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux

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    …le considérant no 34 de la décision en question : « Considérant qu’eu égard aux dépenses pour le budget de l’État qu’entraînerait l’application des dispositions de la loi du 24 novembre 2009 relatives à l’encellulement individuel dont le 1° de l’article 106 prévoit le report, ce 1° de l’article 106 trouve sa place dans la loi de finances rectificative. » On ne peut pas être plus clair,…

    Mme Raquel Garrido

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    Sauf que c’est faux ! C’est une conséquence éventuelle, mais pas nécessaire !

    M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux

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    …et c’est ce que rappelle la présidente de l’Assemblée nationale, que je tiens à remercier publiquement.

    Mme la présidente

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    La parole est à M. le président de la commission des finances.

    M. Éric Coquerel, président de la commission des finances

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    Vous le remarquerez : je n’ai pas remis en question le fait que la présidente de l’Assemblée peut prendre ses propres décisions, même si je regrette celle-ci – mais, encore une fois, ce n’est pas ici qu’il convient de traiter ce point.
    Monsieur le garde des sceaux, il faut lire tout le texte que vous citez. Au considérant n° 32, on apprend « que le 2° de l’article 106 prévoit que des rapports sur l’encellulement individuel devront être remis au Parlement… »

    M. Erwan Balanant

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    On a des amendements à examiner ! Il faut accélérer !

    M. Éric Coquerel, président de la commission des finances

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    C’est bon, collègue !

    M. Erwan Balanant

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    C’est vous-même qui nous demandiez tout à l’heure d’aller plus vite !

    M. Éric Coquerel, président de la commission des finances

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    Je reprends : « …et devront comprendre en particulier une information financière et budgétaire relative à l’exécution des programmes immobiliers pénitentiaires. » Je vous avais signalé ce point pour l’inclure dans votre amendement, ce qui n’a pas été fait. On verra bien ce que dit le Conseil constitutionnel.

    Mme la présidente

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    La parole est à M. Sylvain Maillard, pour un rappel au règlement.

    M. Sacha Houlié, président de la commission des lois

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    Je voulais en faire un !

    Mme la présidente

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    Ne vous battez pas ! (« Si, si, battez-vous ! » sur les bancs du groupe LFI-NUPES.)

    M. Sylvain Maillard

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    Il se fonde sur l’article 100, concernant la bonne tenue des débats. Tout à l’heure, le président Coquerel nous expliquait qu’il fallait avancer et nous étions d’accord. La majorité a fait ce qu’on lui demandait en prenant très peu la parole.

    M. Thomas Portes

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    Vous attendez le 49.3 !

    M. Sylvain Maillard

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    Voici que nous abordons un sujet qui semble intéresser davantage le président de la commission des finances que les précédents…

    M. Bruno Millienne

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    Assumez, président !

    M. Patrick Hetzel, rapporteur spécial

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    Non, ce n’est pas sérieux de parler comme ça !

    M. Ugo Bernalicis

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    Il ne fait que jouer son rôle de président de la commission !

    M. Sylvain Maillard

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    …et nous nous engluons dans des débats constitutionnels. Puisque certains ont déjà décidé qu’il y aura un recours, pourquoi passer un quart d’heure sur cette question ?

    M. Erwan Balanant

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    Mais oui, ils vont faire un recours !

    M. Sylvain Maillard

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    Poursuivons plutôt nos discussions politiques qui sont très intéressantes !

    M. Éric Coquerel, président de la commission des finances

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    Cela vous étonne vraiment que je m’intéresse à ce sujet ?

    Mme la présidente

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    Merci, monsieur Maillard. Nous avons bien compris l’objet de votre rappel au règlement, mais pour la bonne information de tous, permettez-moi d’indiquer que l’article 100 – invoqué depuis plusieurs jours – concerne la distribution et la prise de parole sur les amendements.

    Après l’article 44 (suite)

    Mme la présidente

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    La parole est à M. le président de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale de la République.

    M. Sacha Houlié, président de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale de la République

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    Mon intervention aurait pu être un rappel au règlement fondé sur les articles 121 et 89, alinéa 3 car, monsieur le président Coquerel, vous êtes un multirécidiviste de la violation des règles de recevabilité de nos amendements.

    M. Ugo Bernalicis

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    Attaque personnelle ! Article 70, alinéa 3, du règlement !

    M. Sacha Houlié, président de la commission des lois

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    Il y avait déjà eu un précédent lors de l’examen de la loi mettant fin aux régimes d’exception créés pour lutter contre l’épidémie liée à la covid-19. Il y a aussi eu un cas à la commission des lois dont je n’avais pas parlé : vous avez déclaré recevables des amendements de votre groupe rectifiés après la forclusion du délai de dépôt des amendements.

    M. Éric Coquerel, président de la commission des finances

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    Mais oui, mais oui, c’est ça…

    M. Sacha Houlié, président de la commission des lois

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    Franchement, à votre place, je ne m’en vanterais pas. Deuxième point : concernant l’amendement qui nous occupe, nous venons d’expliquer que sa recevabilité a déjà été admise par le Conseil constitutionnel dans le cadre d’une loi de finances rectificative. À chaque fois, il faut défaire des décisions parce que vous ne respectez pas les règles de recevabilité ; c’est assez fort !
    Quant au rapport sur l’encellulement individuel que vous demandiez, monsieur le rapporteur spécial, je l’ai diffusé mardi soir, lorsque le garde des sceaux nous l’a transmis. Tous les membres de la commission en ont donc pris connaissance.
    Enfin, sur le fond, concernant l’encellulement individuel, il vous a été dit très clairement que malgré tous les efforts consentis pour créer de nouvelles places de prison non vétustes,…

    M. Ugo Bernalicis

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    Ce n’est pas un rappel au règlement !

    M. Sacha Houlié, président de la commission des lois

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    Non, ce n’en est pas un, j’ai simplement demandé la parole. Malgré les investissements massifs et le plan visant à créer 15 000 places de prison – qui, au passage, serait mis en œuvre plus vite si les élus locaux ne bloquaient pas la création de places de prison (Applaudissements sur les bancs des groupes RE et Dem), et je me réjouis d’ailleurs d’avoir entendu certains parlementaires des Républicains inviter à nouveau les maires à déclencher la création de places de prison –, on libérerait 12 000 prisonniers au 1er janvier 2023 sans aucune expertise, sans aucune analyse, sans aucun recours possible.

    M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux

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    Mais oui !

    M. Ugo Bernalicis

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    On a déjà l’expérience du covid : 12 000 détenus libérés !

    M. Sacha Houlié, président de la commission des lois

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    Soyons sérieux,…

    M. Éric Coquerel, président de la commission des finances

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    Il fait ce qu’il veut ? C’est un rappel au règlement ou non ?

    M. Sacha Houlié, président de la commission des lois

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    …votons cet amendement et que ceux qui le souhaitent fassent des recours, nous en connaissons de toute façon le sort. (Applaudissements sur les bancs des groupes RE et Dem.)

    Mme la présidente

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    La parole est à M. Antoine Léaument.

    M. Antoine Léaument

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    C’est dommage, nous avions des débats apaisés sur l’encellulement individuel et sur les conditions de détention. L’amendement du Gouvernement pose deux problèmes. D’une part, il est déposé de manière très cavalière dans le cadre du projet de loi de finances. D’autre part, la date proposée est fixée à 2027 ; autrement dit, notre assemblée ne pourra donc plus se prononcer dessus avant la fin du mandat ; c’est regrettable.
    Le rapporteur spécial a indiqué tout à l’heure qu’il aurait voulu sous-amender pour repousser le moratoire à 2032 ; nous aurions plutôt souhaité sous-amender dans l’autre sens, pour que l’Assemblée nationale puisse se prononcer à nouveau avant la fin de la législature. Cette histoire ne date pas d’hier : accrochez-vous bien, cela remonte à 1875 ! Depuis 1875, on renouvelle le moratoire sur l’encellulement individuel au motif qu’on n’y arrive pas et qu’il faut construire des nouvelles places de prison. Cela fait un siècle et demi que vous nous faites le même coup ! (Applaudissements sur les bancs du groupe LFI-NUPES. – « Nous ? Et vous alors ? » sur les bancs des groupes RE et Dem.)
    Des générations de responsables de cette faillite politique nous ont fait le même coup, et M. Houlié lui aussi ! Vous affirmez qu’on construit des places de prison et qu’il ne faut pas s’inquiéter, le problème va se régler. Non, ce n’est pas le cas ! Si l’Assemblée nationale n’impose pas de règles pour contrôler l’action du Gouvernement, ce dernier nous dit coucou, on recommence, et c’est reparti !

    M. Bruno Millienne

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    C’est n’importe quoi !

    M. Antoine Léaument

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    Puisque vous êtes si sûrs que le Conseil constitutionnel ne va pas considérer qu’il s’agit d’un cavalier législatif, faites au moins en sorte que l’Assemblée nationale puisse se prononcer une nouvelle fois avant la fin de la législature. Il me semble qu’une date intermédiaire, au milieu de notre mandat, aurait été plus juste pour débattre plus longuement de ce sujet, plutôt qu’au détour d’un projet de loi de finances qui, à la fin, sera de toute façon balayé par un 49.3. (Applaudissements sur les bancs du groupe LFI-NUPES.)

    M. Benjamin Lucas

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    Évidemment !

    Mme la présidente

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    J’ai plusieurs demandes de parole, auxquelles je vais faire droit. Je vous rappelle simplement que nous étions nombreux à vouloir accélérer pour passer à l’examen de la mission suivante.
    La parole est à Mme Emmanuelle Ménard.

    Mme Emmanuelle Ménard

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    Je serai rapide. J’ai entendu le rapporteur spécial proposer un sous-amendement pour proroger le moratoire jusqu’en 2032. En fait, je me pose tout simplement la question inverse, celle du nombre de places, que j’évoquais tout à l’heure.

    M. Erwan Balanant

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    On ne va pas refaire le débat ! C’est une session sans fin ?

    Mme Emmanuelle Ménard

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    Initialement, l’objectif de création de 15 000 places devait être atteint en 2022 et vous proposez de le reporter à 2027. Au vu de l’augmentation de la délinquance en France et de la surpopulation carcérale, qui continue de grimper après l’accalmie de la crise sanitaire et les libérations ordonnées alors, ne faut-il pas revoir le nombre de places et le porter à 20 000, voire davantage ?

    Mme la présidente

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    La parole est à M. Bruno Millienne.

    M. Bruno Millienne

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    Je suis désolé de vous le dire, mais je trouve ce débat ubuesque, surtout pour ceux qui sont sur le terrain…

    M. Benjamin Lucas

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    On est tous sur le terrain ! C’est un argument d’autorité !

    M. Bruno Millienne

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    …et qui sont confrontés à la création de places de prison. Je veux bien qu’on entende ce type de discours dans l’Assemblée, mais combien de députés aident-ils la place Vendôme sur le terrain pour construire des places de prison ?

    M. Ugo Bernalicis

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    Pas nous ! On est contre !

    M. Bruno Millienne

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    Ils ne le font pas. Pourquoi ? S’agissant de La France insoumise, je sais pourquoi vous ne le faites pas…

    M. Antoine Léaument

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    Dois-je vous rappeler que Fleury se trouve dans ma circonscription ?

    M. Bruno Millienne

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    …et, à mon sens, c’est pour de mauvaises raisons. Quoique !

    M. Ugo Bernalicis

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    Quoique quoi ?

    M. Bruno Millienne

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    Monsieur Bernalicis, figurez-vous que dans ma circonscription – je ne citerai pas le nom de la ville en question – un élu appartenant à la NUPES a demandé notre aide (M. le garde des sceaux acquiesce), mon aide – il ne vous aura pas échappé que je ne suis pas du même bord politique – pour l’implantation d’une maison d’arrêt. Nous étions prêts à l’aider de toutes nos forces mais, trois jours plus tard, il a fait volte-face en disant qu’il n’était au courant de rien, alors que cela faisait deux ans qu’il travaillait avec la place Vendôme sur ce projet ! (Exclamations sur les bancs du groupe LFI-NUPES.) Que chacun balaie devant sa porte avant de dire qu’on ne crée pas de places de prison ! (Applaudissements sur les bancs des groupes Dem et RE.)

    M. Alexis Corbière

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    On n’y comprend rien !

    Mme la présidente

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    La parole est à M. Jean-Louis Thiériot.

    M. Jean-Louis Thiériot

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    Je partage totalement les propos de mon collègue Millienne sur la dimension ubuesque de ce débat. Le rôle d’un gouvernement, c’est de gouverner.

    Mme Raquel Garrido

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    Et le rôle d’un parlement ?

    M. Ugo Bernalicis

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    C’est de parler !

    M. Jean-Louis Thiériot

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    Le rôle d’une juridiction comme le Conseil constitutionnel, c’est de rendre des arrêts.

    M. Ugo Bernalicis

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    Non, le Conseil ne rend pas d’arrêts mais des décisions.

    M. Jean-Louis Thiériot

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    On ne va pas passer la soirée à débattre de ce sujet. Votons l’amendement, attendons la décision du Conseil constitutionnel et la justice sera bien rendue ! (Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes LR, RE et RN.)

    Mme la présidente

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    La parole est à Mme Naïma Moutchou.

    Mme Naïma Moutchou

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    On sait très bien que la question de l’encellulement individuel est quasiment aussi ancienne que la création de la prison. On a toutes les difficultés du monde à avancer, mais on fait tout de même des propositions. Vous savez qu’on a travaillé sur le sens de la peine et sur les solutions alternatives à la peine, mais la prison est nécessaire dans certains cas et nous proposons un plan « prison ». Rappelons que la crise du covid a retardé un certain nombre de projets d’établissements pénitentiaires.

    M. Ugo Bernalicis

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    Mais il y a eu 12 000 détenus en moins ! On sait faire !

    Mme Naïma Moutchou

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    Il n’y a pas que cela, monsieur Bernalicis. Rappelons aussi que des requêtes administratives sont parfois lancées et qu’elles retardent les démarches. Surtout, il faut le redire : il y a des élus locaux et des parlementaires qui réclament qu’on aille plus vite, qui demandent ce que fait la justice, qui l’accusent de laxisme, qui déplorent le manque de places en prison mais, quand on leur propose des projets de construction sur leurs territoires, qui sont les premiers à nous dire « pas chez nous ».

    M. Bruno Millienne

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    Exactement !

    M. Ugo Bernalicis

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    Ce n’est pas le sujet !

    M. Bruno Millienne

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    Si, c’est à cause de ça qu’on ne crée pas assez de nouvelles places !

    Mme Naïma Moutchou

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    C’est une responsabilité politique plus collective qu’on ne le croit. En attendant, nous faisons des propositions,…

    Mme Raquel Garrido

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    Ce problème ne se règle pas par un cavalier budgétaire !

    Mme Naïma Moutchou

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    …et l’amendement présenté par le garde des sceaux ne fait que tirer les conséquences d’une situation dans laquelle les plans « prison » sont parfois bloqués par des élus. (Applaudissements sur les bancs des groupes RE et Dem.)

    M. Ugo Bernalicis

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    Forfaiture !

    Mme la présidente

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    Je mets aux voix l’amendement no 1854.

    (Il est procédé au scrutin.)

    Mme la présidente

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    Voici le résultat du scrutin :
            Nombre de votants                        138
            Nombre de suffrages exprimés                105
            Majorité absolue                        53
                    Pour l’adoption                73
                    Contre                32

    (L’amendement no 1854 est adopté.)
    (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe RE.)

    Mme la présidente

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    L’amendement no 1914 de M. Thierry Frappé est défendu.

    (L’amendement no 1914, repoussé par la commission et le Gouvernement, n’est pas adopté.)

    Mme la présidente

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    L’amendement no 1841 de Mme Emeline K/Bidi est défendu.

    (L’amendement no 1841, faisant l’objet d’un avis de sagesse du rapporteur spécial et repoussé par le Gouvernement, n’est pas adopté.)

    Rappel au règlement

    Mme la présidente

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    La parole est à Mme Raquel Garrido, pour un rappel au règlement.

    Mme Raquel Garrido

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    Il se fonde sur l’article 100 concernant la bonne tenue des débats et l’examen successif des amendements. Nous en arrivons à l’examen des trois derniers amendements portant sur la mission Justice.

    M. Erwan Balanant

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    Il y en a encore deux qui sont très bons !

    Mme Raquel Garrido

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    Comme vous avez pu le remarquer, hormis sur un amendement rédactionnel, le Gouvernement a systématiquement donné des avis défavorables à tout ce qui a été proposé sur les différents bancs de l’hémicycle.

    M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux

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    C’est aussi mon devoir.

    Mme Raquel Garrido

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    Nous avons malgré tout réussi à adopter deux amendements : l’un accordant 5 millions d’euros de budget supplémentaire pour la justice civile à Mayotte et…

    Mme la présidente

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    Ce n’est pas un rappel au règlement ; venez-en au fond, s’il vous plaît. (Exclamations sur les bancs du groupe RE.)

    Mme Raquel Garrido

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    Soit, j’accélère. Alors que nous achevons l’examen de la mission Justice et que nous savons tous que le 49.3 nous pend au nez, ma question est la suivante : les amendements que nous avons adoptés seront-ils intégrés dans la mouture retenue par le Gouvernement, conformément à un principe… (Applaudissements sur les bancs du groupe LFI-NUPES. – Protestations sur les bancs des groupes RE et Dem.)

    M. Bruno Millienne

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    Ça suffit ! Vous êtes si prévisible !

    Mme la présidente

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    Merci, madame la députée. Nous avons pris note de votre rappel au règlement ; la question sera posée à qui de droit.

    M. Alexis Corbière

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    La réponse sera rapide…

    Après l’article 44 (suite)

    Mme la présidente

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    La parole est à Mme Emeline K/Bidi, pour soutenir l’amendement no 1842.

    Mme Emeline K/Bidi

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    Il s’agit d’une demande de rapport concernant les experts en langue créole nécessaires dans les territoires ultramarins eu égard à la difficulté que certains justiciables ont à se faire comprendre et à comprendre le personnel de justice auquel ils sont confrontés.
    En commission, on m’avait opposé que le code de procédure pénale offre la possibilité aux magistrats de désigner au pied levé une personne pouvant, pour les besoins de l’audience, assurer la traduction. Le problème, c’est que c’est impossible en garde à vue, puisqu’il n’y a pas de magistrat. À La Réunion, puisque j’ai l’exemple en tête, 120 000 personnes souffrent d’illettrisme ; on ne peut pas se contenter de leur demander de faire l’effort de bien parler le français.

    M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux

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    Bien sûr !

    Mme Emeline K/Bidi

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    Les ressortissants étrangers non francophones ont systématiquement droit à un expert traducteur ; ce n’est pas le cas de certains citoyens français qui, ne pouvant recourir aux services d’un expert en langue créole, ne bénéficient pas d’un égal accès à un procès équitable et à la justice.
    Tout comme nous avons adopté un peu plus tôt un amendement en faveur de Mayotte, je demande à l’Assemblée d’adopter l’amendement no 1842 en faveur des territoires d’outre-mer. Il ne propose pas un transfert consistant à déshabiller un budget pour en habiller un autre mais simplement la rédaction d’un rapport permettant de déterminer le budget nécessaire pour le recrutement d’experts en langue créole en outre-mer. J’espère qu’il fera l’objet d’un large consensus au sein de notre assemblée.

    Mme la présidente

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    Quel est l’avis de la commission ?

    M. Patrick Hetzel, rapporteur spécial

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    L’amendement n’a pas été examiné par la commission. Avis de sagesse à titre personnel.

    Mme la présidente

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    Quel est l’avis du Gouvernement ?

    M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux

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    Avis défavorable. (« Oh ! » sur les bancs du groupe LFI-NUPES.)

    Mme Raquel Garrido

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    Même ça !

    M. Ugo Bernalicis

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    C’est sans doute inconstitutionnel de demander un rapport ! (Sourires sur les bancs du groupe LFI-NUPES.)

    Mme la présidente

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    La parole est à M. Jean-Philippe Nilor.

    M. Jean-Philippe Nilor

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    J’appuie avec force cet excellent amendement de notre excellente collègue Emeline K/Bidi. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe LFI-NUPES.) Alors que beaucoup appellent au pragmatisme, c’est le refus d’un tel amendement qui est ubuesque.

    Mme Raquel Garrido

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    Bien sûr !

    M. Jean-Philippe Nilor

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    Dans nos territoires, les personnes qui ne maîtrisent pas toutes les subtilités du français ou qui ne le comprennent pas avouent parfois, devant le juge, des actes répréhensibles qu’ils n’ont pas commis !

    Mme Raquel Garrido

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    Personne ne peut accepter cela.

    M. Jean-Philippe Nilor

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    Ce sont des simulacres de procès, mais le Gouvernement décide de laisser faire ! De quelle justice parle-t-on ? J’appelle tous nos collègues conscients des difficultés de nos territoires à soutenir cet amendement, malgré l’opposition injustifiée de M. le garde des sceaux. (Applaudissements sur les bancs des groupes LFI-NUPES et Écolo-NUPES.)

    (L’amendement no 1842 n’est pas adopté.)

    Mme la présidente

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    L’amendement no 1843 de Mme Emeline K/Bidi est défendu.
    Quel est l’avis de la commission ?

    M. Patrick Hetzel, rapporteur spécial

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    Avis de sagesse.

    (L’amendement no 1843, repoussé par le Gouvernement, n’est pas adopté.)

    Mme la présidente

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    La parole est à M. Erwan Balanant, pour soutenir l’amendement no 1902.

    M. Erwan Balanant

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    La loi du 2 mars 2022 visant à combattre le harcèlement scolaire…

    M. Bruno Millienne

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    Excellente loi !

    M. Erwan Balanant

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    …a étendu le droit à une scolarité sans violence et reconnu le harcèlement scolaire comme un délit pénal. Ce texte s’appuie sur trois piliers – la prévention, l’accompagnement et la protection – et prévoit notamment de renforcer la formation des forces de l’ordre et des magistrats sur les violences scolaires et les infractions concurrentes afin de minimiser les risques de requalification des faits. Afin de garantir la pleine efficacité de la loi, il faut éviter que les faits les plus graves soient requalifiés en actes de harcèlement et que les faits de harcèlement soient requalifiés en infractions moins graves, délictuelles ou contraventionnelles.
    L’amendement demande au Gouvernement de remettre au Parlement un rapport présentant un état des lieux des formations dispensées aux forces de l’ordre et aux magistrats dans le cadre de la lutte contre le harcèlement scolaire. Lorsque la justice est saisie d’un fait de harcèlement scolaire, c’est que la société a échoué en matière de prévention. Reste que les forces de l’ordre et les magistrats doivent être mieux formés à la prise en charge du harcèlement scolaire.

    M. Richard Ramos

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    Très bien !

    Mme Raquel Garrido

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    Oui, ne retirez pas votre amendement !

    Mme la présidente

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    Quel est l’avis de la commission ?

    M. Patrick Hetzel, rapporteur spécial

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    Cet amendement n’a pas été examiné par la commission. Avis de sagesse à titre personnel.

    Mme la présidente

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    Quel est l’avis du Gouvernement ?

    Mme Raquel Garrido

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    Favorable !

    M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux

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    Presque, mais je vous invite tout de même à retirer cet amendement, monsieur Balanant. (« Oh ! » sur les bancs du groupe LFI-NUPES.) Comme le suivant, dont vous êtes également l’auteur, il porte sur un sujet majeur et concerne une thématique qui vous est chère, nous le savons, et pour laquelle votre engagement mérite d’être salué. Je propose que nous y travaillions ensemble, comme je l’ai proposé tout à l’heure sur un sujet différent, mais en même temps très proche. La porte de la Chancellerie est ouverte. Sur certains sujets, on ne peut jamais considérer que tout a été fait – ce serait hérétique. Ils sont trop graves pour juger que le travail est terminé. Venez à la Chancellerie – et, bien que l’impératif me soit interdit lorsque je m’adresse à vous, réfléchissez à ma demande de retrait.

    Mme la présidente

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    La parole est à M. Erwan Balanant.

    M. Erwan Balanant

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    Je vous remercie, monsieur le garde des sceaux, mais je préfère maintenir l’amendement. Il risquerait autrement d’être repris puis adopté… (Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes LFI-NUPES et Écolo-NUPES.)

    M. Benjamin Lucas

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    Bon courage !

    M. Erwan Balanant

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    Je vous sais engagé sur cette question et je ne doute pas que nous allons travailler ensemble. C’est d’ailleurs en partie grâce à vous et à la Chancellerie qu’un délit pénal de harcèlement scolaire a été créé ; c’est une véritable avancée. Vis-à-vis des victimes et des personnes engagées dans la lutte contre le harcèlement scolaire, je me dois cependant d’assurer un droit de suite sur la loi visant à combattre le harcèlement scolaire, que j’ai défendue lors de la législature précédente. Nous avons besoin d’un rapport pour avancer sur le sujet, comme nous aurons besoin d’un rapport sur le sujet du prochain amendement, que je vais présenter dans quelques instants. Je maintiens donc l’amendement, monsieur le ministre, en toute sympathie.

    M. Richard Ramos

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    Très bien !

    Mme la présidente

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    La parole est à Mme Raquel Garrido.

    Mme Raquel Garrido

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    Je remercie notre collègue Erwan Balanant d’avoir maintenu l’amendement no 1902, tout comme je le remercie d’avoir déposé l’amendement no 1900 sur les infanticides, qui a été adopté par l’Assemblée après avoir été repris. Les députés du groupe La France insoumise soutiendront également l’amendement no 1904, que nous examinerons ensuite.
    Sur des sujets aussi graves, qui nous concernent tous, je ne comprends pas pourquoi vous demandez le retrait des amendements, monsieur le garde des sceaux ! Au cours des dix heures de débat qui viennent de s’écouler, vous n’avez pas émis un seul avis favorable sur une quelconque proposition d’un député, quel que soit son groupe !

    M. Benjamin Lucas

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    Aucune coconstruction !

    Mme Raquel Garrido

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    Notre groupe a proposé un amendement de repli sur la création d’une liste complémentaire de 146 postes pour les auditeurs de justice ; notre collègue socialiste a proposé un amendement visant la création de 50 postes de greffiers : vous avez tout refusé, même les amendements de repli et d’archi-repli !

    M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux

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    Quatre mille magistrats en un an !

    M. Bruno Millienne

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    Le Gouvernement a le droit de donner son avis !

    Mme Raquel Garrido

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    Alors que nous arrivons au terme de cette journée, ayez un sursaut de coconstruction et agissons ensemble ! Comme les infanticides, le harcèlement scolaire est un sujet qui nous concerne tous. Affirmons-le haut et fort ! Il n’est plus temps de retirer des amendements en échange de je ne sais quelles promesses de la Chancellerie ! (Applaudissements sur les bancs des groupes LFI-NUPES et Écolo-NUPES.)

    M. Benjamin Lucas

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    Bravo !

    M. Antoine Léaument

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    Bien parlé !

    M. Bruno Millienne

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    Révolution !

    (L’amendement no 1902 n’est pas adopté.)

    Mme la présidente

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    La parole est à M. Erwan Balanant, pour soutenir l’amendement no 1904.

    M. Erwan Balanant

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    Vous ne pouvez pas imaginer la satisfaction que j’ai ressentie en écoutant les propos de Mme Garrido ! Je serai ce soir le plus heureux des hommes ! (Exclamations et rires sur divers bancs.)

    M. Bruno Studer

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    Attention, monsieur Corbière !

    M. Erwan Balanant

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    Pendant la précédente législature, votre groupe a été le seul à ne pas soutenir le projet de loi visant à combattre le harcèlement scolaire, chère collègue ! (Applaudissements sur les bancs des groupes Dem et RE.) Je suis heureux, ce soir, de voir que nous avons avancé sur le sujet !
    Quant à l’amendement no 1904, il formule également une demande de rapport pour améliorer la situation de nos enfants. Il est défendu.

    Mme la présidente

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    Quel est l’avis de la commission ?

    M. Patrick Hetzel, rapporteur spécial

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    Avis de sagesse.

    Mme la présidente

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    Quel est l’avis du Gouvernement ?

    M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux

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    Le précédent amendement n’a pas été adopté, mais mon invitation reste valable, monsieur le député. Elle ne dépendait naturellement pas du vote de l’Assemblée nationale.

    M. Erwan Balanant

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    Bien sûr !

    M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux

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    Quant à votre remarque sur la coconstruction, madame Garrido, elle a même fait sourire Mme la présidente !

    M. Benjamin Lucas

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    Ne prenez pas la présidence à partie !

    M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux

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    Vous parlez de coconstruction, mais que m’avez-vous proposé aujourd’hui ? D’embaucher immédiatement 4 000 magistrats ?

    Mme Raquel Garrido

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    Non, 146 auditeurs !

    M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux

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    Vous ne pouvez pas vous attendre à ce que je sois favorable à un tel projet ! Vous avez aussi proposé que les candidats admissibles deviennent magistrats sans passer l’oral ! (« Non, c’est faux ! » sur les bancs du groupe LFI-NUPES.)

    Mme Raquel Garrido

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    En les inscrivant sur liste complémentaire, comme à l’éducation nationale !

    M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux

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    Je vous ai répondu que ce serait faire comme à « L’École des fans » : tout le monde aurait la même note !

    M. Alexis Corbière

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    On le fait chez les enseignants !

    M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux

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    Voilà le type de mesures que vous m’avez proposées. Ne vous étonnez donc pas de ne pas être suivis et surtout, ne venez pas pleurer sur la coconstruction. Vous voulez coconstruire sur du sable ; quant à nous, nous voulons construire sur du solide. (Applaudissements sur les bancs du groupe RE.)

    M. Ugo Bernalicis

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    C’est quand même mieux à Beauvau : là-bas, au moins, ils ont 4 milliards !

    Mme la présidente

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    Monsieur le garde des sceaux, je tiens à préciser, pour votre bonne information, que l’une de mes nombreuses qualités, aux yeux de mes collègues, est d’être toujours souriante au perchoir ! (MM. Antoine Léaument et Benjamin Lucas applaudissent.)
    Je mets aux voix l’amendement no 1904.

    (Le vote à main levée n’ayant pas été concluant, il est procédé à un scrutin public.)

    Mme la présidente

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    Voici le résultat du scrutin :
            Nombre de votants                        118
            Nombre de suffrages exprimés                93
            Majorité absolue                        47
                    Pour l’adoption                40
                    Contre                53

    (L’amendement no 1904 n’est pas adopté.)

    Mme la présidente

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    Nous en avons terminé avec l’examen des crédits de la mission Justice.

    Défense ; Anciens combattants, mémoire et liens avec la nation

    Mme la présidente

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    Nous abordons l’examen des crédits relatifs à la défense (no 292, annexes 13 et 14 ; no 337, tome IV ; no 369, tomes II, III, IV, V, VI et VII) et aux anciens combattants, à la mémoire et aux liens avec la nation (no 292, annexe 6 ; no 369, tome I).
    La parole est à M. Christophe Plassard, rapporteur spécial de la commission des finances, de l’économie générale et du contrôle budgétaire.

    M. Christophe Plassard, rapporteur spécial de la commission des finances, de l’économie générale et du contrôle budgétaire

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    Le budget de la défense pour 2023 est un budget de transition entre la fin de la loi de programmation militaire (LPM) 2019-2025, écourtée, et une prochaine LPM, en cours de préparation, les deux exercices ne devant pas être confondus. La mission Défense est dotée de 62 milliards d’euros en autorisations d’engagement et de 53 milliards en crédits de paiement, mais c’est le chiffre de 44 milliards d’euros, hors contribution au compte d’affectation spéciale qui mérite plutôt d’être retenu.
    Sur cette base, le budget augmente de 3 milliards par rapport à 2022. Pour la cinquième année consécutive, il est conforme à la LPM 2019-2025. Il ne faut pas sous-estimer l’effort réalisé. La LPM était ambitieuse et nous pouvions douter que la marche de 3 milliards serait atteinte en 2023. Or toutes les annuités de la LPM ont été respectées. Entre 2018 et 2023, le budget de la défense aura augmenté de 36 % pour atteindre 2 % du PIB. L’impact de l’inflation – 1 milliard environ – est maîtrisé et compensé par un relâchement du report de charges et par la structure des relations contractuelles dans le secteur de la défense, caractérisées par des contrats de long terme et donc par des possibilités d’ajustement plus importantes que pour des achats de court terme.
    Le programme 144, Environnement et prospective de la politique de défense, qui comprend notamment les crédits relatifs au renseignement, à la prospective, aux études en amont et à l’innovation, est doté de 1,9 milliard, soit 7 % d’augmentation par rapport à 2022. Il faut souligner la montée en puissance des moyens humains et matériels des services de renseignement, qui bénéficient d’une hausse de crédits de 16 %, et l’accroissement de l’effort budgétaire en faveur de la prospective et de l’innovation de défense. Par ailleurs, 1 milliard est prévu pour les études en amont.
    Le programme 146, Équipement des forces, qui correspond aux moyens de dissuasion, de commandement, d’information, de protection et de logistique, aux capacités d’engagement et de combat des armées et aux moyens de protection, et qui finance les commandes passées à la base industrielle et technologique de défense (BITD), est doté de 15,4 milliards, soit une augmentation de 900 millions par rapport à 2022, dont 8,5 milliards pour les grands programmes d’armement, 4,65 milliards pour la dissuasion et 14 milliards pour de nouvelles commandes.
    D’importantes livraisons seront effectuées en 2023 : dix-huit chars Leclerc rénovés, 264 véhicules blindés multirôles Griffon, Serval et Jaguar, treize avions de chasse Rafale, deux avions de transport A400M, trois avions multirôles de transport et de ravitaillement (MRTT), ainsi que le deuxième sous-marin nucléaire d’attaque du programme Barracuda et un patrouilleur outre-mer (POM). On voit ici les effets du cycle long de l’industrie de la défense et l’inertie qui caractérise les LPM, au vu des effets de celle qui a débuté avec clairvoyance en 2019 ; ils témoignent du fait qu’une LPM produit des résultats sur le long terme.
    S’agissant du renouvellement des stocks de munitions, 2 milliards d’euros sont prévus en autorisations d’engagement et 1,1 milliard en crédits de paiement. Ils serviront notamment à l’achat de missiles antichars et antiaériens de moyenne portée, de missiles d’interception de combat et d’autodéfense et d’obus de 155 millimètres pour les canons Caesar – camion équipé d’un système d’artillerie.
    L’année 2023 sera, je l’ai dit, une année charnière entre la LPM 2019-2025 et celle des années 2024-2030, annoncée par le Président de la République. Dans un contexte géopolitique instable marqué par une recrudescence des menaces et le retour de la guerre sur le sol européen, nous devons préserver un modèle d’armée cohérent, crédible et équilibré. Nous devons aussi garder notre autonomie stratégique, préparer nos forces à la haute intensité, renforcer les entraînements et retrouver de la masse tout en conservant notre avance technologique dans plusieurs domaines.
    Il faudra aussi nous préparer à l’économie de guerre, c’est-à-dire reconstituer des stocks de matériel et de munitions et nous mettre en capacité d’augmenter rapidement et massivement la production industrielle d’armement, comme nous avons su ou dû le faire pendant la crise du covid s’agissant des masques.
    Il est tout aussi important de renforcer le lien entre l’armée et la nation : l’engagement de la population ukrainienne dans la défense de son territoire montre qu’un tel lien est essentiel pour la performance des forces armées. Cela suppose notamment de renforcer la réserve opérationnelle, et c’est aussi nécessaire pour rendre l’effort financier acceptable et compréhensible pour les Français.
    Enfin, il faut accélérer la transition écologique du ministère des armées et réduire l’empreinte environnementale des infrastructures militaires. Sur ses bases en France comme en opérations extérieures (Opex), l’armée peut être un lieu d’expérimentation en matière de politique environnementale et énergétique, sachant que l’autonomie énergétique d’une base est aussi un atout, tant la logistique en Opex peut être un facteur de fragilité aussi bien qu’une ressource.
    Dans ce contexte, je vous invite évidemment à adopter les crédits de la mission Défense. Notre armée a fait preuve d’habileté malgré des creux capacitaires et des stocks contraints ; nous devons lui permettre d’accéder à l’agilité. (Applaudissements sur les bancs des groupes RE, Dem et HOR.)

    Mme la présidente

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    La parole est à M. Emeric Salmon, rapporteur spécial de la commission des finances, de l’économie générale et du contrôle budgétaire.

    M. Emeric Salmon, rapporteur spécial de la commission des finances, de l’économie générale et du contrôle budgétaire

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    Le budget opérationnel de la défense se compose de deux programmes de la mission Défense : le programme 178, qui regroupe les crédits de préparation, de maintien en condition opérationnelle (MCO) et d’emploi des forces, et le programme 212, qui rassemble les fonctions transverses de direction et de soutien mutualisé du ministère des armées, et qui comprend en particulier les crédits relatifs au personnel et à la condition militaire.
    Pour la cinquième année consécutive, les crédits de la mission Défense sont conformes à la trajectoire de remontée en puissance définie par la loi de programmation militaire pour les années 2019 à 2025. Notons que cette dernière ne fait que suivre une trajectoire légitime de rattrapage mettant fin à une politique d’austérité pour nos armées, qui ont subi une terrible baisse de leurs moyens financiers due en partie à la révision générale des politiques publiques (RGPP). Le budget 2023 est ambitieux en matière de politique de défense, mais insuffisant au vu de la gravité des menaces qui pèsent sur notre nation, et je vous invite d’ores et déjà à vous abstenir sur les crédits des programmes 178 et 212.
    L’année 2023 enregistrera la première augmentation de 3 milliards d’euros prévue par la LPM, portant le budget de la défense à 43,8 milliards d’euros. Ce budget pour 2023 témoigne ainsi de l’effort de la nation au profit de son armée, dans un contexte sécuritaire instable. S’il faut saluer un tel effort, il conviendra que nous restions vigilants quant à la poursuite et à l’accélération de cette trajectoire, dans le cadre de l’élaboration de la nouvelle loi de programmation militaire 2024-2030. À ce titre, nous souhaitons une nette augmentation des moyens de nos armées, afin de porter leur budget annuel à 55 milliards d’euros d’ici à 2027.
    Dans le périmètre de mon rapport spécial, les autorisations d’engagement sont en retrait de 9,7 % par rapport à la loi de finances initiale (LFI) pour 2022. Cette réduction est en cohérence avec le positionnement de l’année 2023 au sein de la programmation. À l’inverse, les crédits de paiement croissent de 7,6 % en 2023, ce qui traduit notamment la poursuite de l’effort en matière de MCO.
    S’agissant du programme 178, je souhaite rappeler qu’il est désormais impératif de disposer d’armées préparées et d’équipements opérationnels. La menace de la haute intensité est réelle et nous ne devons pas faiblir dans la préparation de nos armées. Au cours des auditions que j’ai menées, j’ai fait preuve d’une vigilance particulière à l’égard de la disponibilité des matériels et des troupes dont dispose chaque armée. J’appelle particulièrement votre attention sur les problèmes de disponibilité des munitions de petit calibre.
    Les crédits alloués au programme 178 sont en augmentation de 1,2 milliard d’euros en 2023. Cette évolution est en rupture avec les budgets précédents, qui prévoyaient que l’augmentation des crédits soit principalement destinée à l’acquisition et à la modernisation des équipements. L’effort budgétaire consenti au titre de ce programme devrait également permettre d’augmenter le temps consacré à l’entraînement sur les matériels majeurs, ce qui me paraît être un point essentiel dans l’hypothèse d’un engagement militaire de grande ampleur. J’ai d’ailleurs eu l’honneur d’assister à l’exercice d’entraînement de l’armée de l’air et de l’espace Volfa – Vol forces aériennes – 2022. C’est en intensifiant la fréquence d’entraînements de ce type, ou de plus importants comme l’exercice Orion – qui se déroulera en 2023 –, que nous pourrons évaluer la capacité de nos armées à résister à un conflit de haute intensité.
    La disponibilité des équipements et l’entraînement des troupes, qui sont nettement insuffisants, constituent donc des paramètres essentiels de la remontée en puissance de nos armées. Les hommes et les femmes qui s’engagent sont la ressource la plus précieuse dont nous disposons pour renforcer la résilience de notre nation. Le programme 212 est de ce point de vue un programme essentiel, puisqu’il contient les crédits relatifs au personnel et ceux permettant d’améliorer les conditions de vie et de travail des militaires.
    Le PLF pour 2023 s’inscrit dans la trajectoire de remontée des effectifs du ministère, puisqu’il crée 1 502 ETP – équivalents temps plein. Cette hausse des effectifs permettra notamment de renforcer les capacités des armées dans des domaines stratégiques comme le renseignement ou la cyberdéfense. Cependant, cette remontée des effectifs ne doit pas occulter certaines difficultés en matière de fidélisation et de recrutement. Pour continuer de se conformer aux ambitions de la LPM quant au recrutement et à l’acquisition de compétences, il convient de renforcer plusieurs volets de la politique de ressources humaines du ministère.
    En premier lieu, le budget 2023 prévoit 101 millions d’euros supplémentaires pour mettre en œuvre la dernière étape de la nouvelle politique de rémunération des militaires. Cette année, quatre nouvelles primes seront créées afin de renforcer l’attractivité des carrières et la fidélisation du personnel. En deuxième lieu, le contrat de concession Ambition logement, conclu en février 2022, permettra la création de 3 000 logements. En dernier lieu, le plan Hébergement, qui vise à améliorer le quotidien des soldats et des cadres, bénéficiera d’un abondement qui permettra de commander 4 318 places supplémentaires.
    Vous l’aurez compris, mes chers collègues, je veillerai à l’accélération de la remontée en puissance de nos armées, dont les moyens demeurent, dans le cadre du budget 2023, insuffisants ; c’est pourquoi je vous invite à vous abstenir. (Applaudissements sur les bancs du groupe RN.)

    Mme la présidente

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    La parole est à M. Bryan Masson, rapporteur spécial de la commission des finances, de l’économie générale et du contrôle budgétaire.

    M. Bryan Masson, rapporteur spécial de la commission des finances, de l’économie générale et du contrôle budgétaire

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    En préambule de mon intervention et, je crois, au nom de la représentation nationale, je voudrais avoir, à l’occasion de son centième anniversaire, une pensée pour Léon Gautier, dernier survivant français du débarquement et dernier membre encore en vie des commandos Kieffer. (Applaudissements sur les bancs des groupes RN et LFI-NUPES.)
    La mission Anciens combattants, mémoire et liens avec la nation se caractérise par une diminution tendancielle des crédits programmés et consommés, principalement en raison de la diminution naturelle du nombre d’ayants droit, elle-même due au vieillissement des populations concernées. Le projet de loi de finances pour 2023 n’échappe pas à cette trajectoire et prévoit une baisse des autorisations d’engagement de 7,7 % et des crédits de paiement de 7,4 %. Cette décroissance est essentiellement causée par celles des deux dispositifs d’intervention emblématiques de la mission, d’une part les pensions militaires d’invalidité et des victimes de guerre, dont les montants diminuent de 6,6 %, et d’autre part la retraite du combattant, qui connaît une baisse de 15,7 %. La diminution est toutefois atténuée, dans le PLF pour 2023, par des moyens supplémentaires fléchés vers différents dispositifs et politiques de la mission.
    Ainsi, à titre d’exemple, l’article 41 du PLF, rattaché à la présente mission, constitue une bonne chose pour les victimes d’actes de terrorisme ; je suis favorable à son adoption, car il corrigera une injustice. Par ailleurs, la dotation prévue pour le dispositif de réparation à destination des harkis et de leurs familles, créé par la loi du 23 février 2022, passe de 45,9 millions d’euros à 60 millions d’euros. C’est également une bonne chose, au même titre que le dispositif expérimental de soutien aux blessés psychologiques des armées, Athos, qui sera pérennisé.
    Si certaines avancées doivent être saluées, j’estime que le Gouvernement n’est, une fois de plus, pas au rendez-vous sur un point important, et non des moindres, à savoir la lutte contre l’érosion du pouvoir d’achat des anciens combattants face à l’inflation galopante. La revalorisation, par décret, de 3,5 % de l’indice des traitements bruts de la fonction publique d’État va certes se transmettre au point PMI, le point d’indice de la pension militaire d’invalidité. Toutefois, elle n’atteindra pas le niveau de l’inflation ; elle sera, je le crains, insuffisante. Une telle mesure aurait pu faire l’objet d’un article intégré au PLF et lié à la mission, afin d’être débattu par les parlementaires. Je déplore la méthode employée.
    La présentation de mon rapport est aussi l’occasion pour moi de réaffirmer quelques valeurs cardinales et républicaines, et de le rappeler à ceux qui l’auraient oublié : la France n’est pas un terrain vague. Jacques Bainville disait : « L’honneur de la nation française, à travers ses distractions et ses faiblesses, est d’avoir toujours gardé irréductibles l’idée de son indépendance et le sentiment de ses devoirs. » Seule la nation, source vivifiante, solidaire et maternelle, peut fédérer. C’est cela, le patriotisme.

    M. Aurélien Saintoul

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    La prochaine fois, vous citerez Brasillach !

    M. Bryan Masson, rapporteur spécial

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    Le patriotisme, c’est aussi ce devoir de mémoire et de reconnaissance collective qu’il est indispensable de préserver, d’inculquer et de renforcer, afin qu’aucun des soldats qui ont combattu ou péri pour la France ne soit oublié. (Applaudissements sur les bancs du groupe RN.)

    M. Thibaut François

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    Bravo !

    M. Bryan Masson, rapporteur spécial

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    Notre combat à tous, c’est de ne pas oublier les innombrables braves et vaillants Français qui ont sacrifié leurs foyers, leurs familles ou encore leurs vies pour que nous puissions vivre libres. Le monde combattant, ce sont les anciens combattants des grandes guerres, mais ce sont aussi celles et ceux qui s’engagent aujourd’hui sur les théâtres d’opérations extérieures, au Sahel, en Irak ou encore au Liban, mais aussi en Afghanistan, au Kosovo, en Libye, en République centrafricaine et sur de nombreux autres théâtres d’opérations. Nos soldats, nos marins, nos aviateurs mais aussi nos gendarmes sont chaque jour confrontés au risque pour nous protéger. La nation tout entière est reconnaissante. C’est leur souvenir qui nous invite à l’hommage ; c’est leur courage et leur combativité que l’histoire nous exhorte à suivre.
    Il est de notre devoir de nous tenir devant les monuments aux morts de toutes nos villes et de tous nos villages, autour des drapeaux de nos anciens combattants, à l’occasion des nombreuses dates qui ont marqué l’histoire comme les cicatrices de la guerre ont marqué les corps et les esprits. Comme le disait le philosophe allemand Arthur Schopenhauer, « L’histoire est au peuple ce que la conscience est pour un homme. Un peuple qui oublie son histoire est un homme qui perd sa conscience. » Réveillons dès lors l’ange gardien qu’est la nation, et ressuscitons la fierté d’être Français, héritiers d’un legs et d’un flambeau dont nous n’avons pas à rougir.
    Chers collègues, je vous invite, malgré mes réserves nombreuses, à voter en faveur de l’adoption des crédits de la mission Anciens combattants, mémoire et liens avec la nation, dans une démarche de responsabilité et de devoir à l’égard de celles et ceux qui ont défendu la France, et pour conserver vivace notre mémoire et le lien primordial entre la nation et ses armées. (Applaudissements sur les bancs du groupe RN.)

    Mme la présidente

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    La parole est à M. Alexis Jolly, rapporteur pour avis de la commission des affaires étrangères.

    M. Alexis Jolly, rapporteur pour avis de la commission des affaires étrangères

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    Depuis le début de la guerre en Ukraine, nous assistons au retour des conflits de haute intensité en Europe. Dans un contexte si tendu, seule une stratégie de remontée en puissance forte et durable permettra à nos armées de se préparer aux futurs conflits.
    Pour appuyer l’armée ukrainienne, notre pays a fourni du matériel, du carburant et des formations aux soldats ukrainiens. Nous participons par ailleurs très activement à l’effort de guerre de l’Otan en Europe centrale et orientale, en projetant à l’Est des capacités militaires toujours plus nombreuses. Un tel appui engendre évidemment des surcoûts importants, du fait des cessions de matériel militaire français – qui devra être remplacé – à l’armée ukrainienne et du renforcement des effectifs sur le flanc est. À cela s’ajoutent les surcoûts des opérations extérieures et des missions intérieures, la réorganisation du dispositif Barkhane hors du territoire malien, la stabilité du dispositif Chammal et, bien entendu, des surcoûts considérables liés à l’augmentation du prix des énergies.
    Les deux premières décennies du XXIe siècle ont été marquées par une forte diminution des moyens des armées françaises, alors que le niveau de menace a augmenté sur la même période. Le ministère des armées a perdu 63 250 emplois entre 2008 et 2019, soit 20 % de ses effectifs. Entre 2003 et 2020, le nombre de chars Leclerc est passé de 406 à 222, celui des avions de combat de 393 à 261 et celui des frégates de premier rang de 17 à 15 – en comptant les frégates de type La Fayette, dont les capacités sont pourtant limitées.
    Cet affaiblissement des ressources matérielles s’est aussi traduit par une diminution des ambitions : la loi relative à la programmation militaire pour les années 2003 à 2008 envisageait que, dans le cadre d’une opération classique majeure en coopération avec nos alliés, l’intervention de la France se traduirait par l’envoi de 50 000 soldats et d’une centaine d’avions de combat. Dix ans plus tard, la LPM 2014-2019 a réduit la participation à une telle opération à seulement 15 000 soldats et 45 avions de combat. Ainsi, après des années d’une détérioration des capacités de notre armée – injustifiée au vu du contexte international –, la hausse des moyens prévue par la LPM pour les années 2019 à 2025 était tout simplement inévitable et même vitale pour la préservation des intérêts français.
    Elle n’en reste pas moins insuffisante. En effet, la dernière LPM ne prévoit la création que de 6 000 emplois supplémentaires, un nombre très modeste qui ne compense que 10 % des effectifs supprimés depuis vingt ans. Nos armées manquent de cadres, d’unités élémentaires de combat et, parfois, de spécialistes : le niveau de recrutement actuel étant trop modeste pour permettre l’engagement sur plusieurs théâtres d’opérations, un effort soutenu de recrutement doit donc être engagé dans la durée.
    Parlons clairement : notre armée est à l’os, et l’ensemble des cadres comme des soldats peuvent en attester. La valeur et la qualité de nos troupes font honneur à la France, et je profite de l’occasion qui m’est donnée pour rendre ici un hommage appuyé à nos hommes, qui exercent leur mission de soldat avec courage, dans un contexte financier et matériel beaucoup trop restreint. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe RN.)
    Même en Europe, nous sommes en retard pour ce qui est de l’affectation de crédits au budget de la défense, par rapport au Royaume-Uni par exemple ; et nous le serons bientôt par rapport à l’Allemagne, qui a décidé d’investir 100 milliards pour développer son armée. Si la trajectoire actuelle se poursuit au cours des prochaines années, nous ne disposerons plus de la meilleure armée européenne.
    Dans un contexte aussi tendu, la priorité est claire : augmenter davantage les moyens affectés à la défense. Pendant la campagne présidentielle, Marine Le Pen insistait sur la nécessité de porter à 55 milliards d’euros annuels le budget de la défense.

    M. Laurent Jacobelli

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    Elle a raison !

    M. Alexis Jolly, rapporteur pour avis de la commission des affaires étrangères

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    Dans un contexte d’incertitude grandissante, c’est désormais un impératif, car nous pouvons douter de la capacité de la France à défendre ses intérêts nationaux et la sécurité du peuple français en cas de conflit. Pour attirer et fidéliser les talents, il faut investir dans les carrières militaires et qu’elles regagnent en attractivité.
    Au vu de la situation internationale, les efforts prévus dans le PLF pour 2023 ne sont clairement pas au rendez-vous des enjeux. Par conséquent, notre groupe s’abstiendra sur le vote des crédits de la mission Défense. Pour sa part, la commission des affaires étrangères a émis un avis favorable à leur adoption. (Applaudissements sur les bancs du groupe RN.)

    Mme la présidente

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    La suite de la discussion budgétaire est renvoyée à la prochaine séance.

    2. Ordre du jour de la prochaine séance

    Mme la présidente

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    Prochaine séance, ce soir, à vingt et une heures trente :
    Suite de la discussion de la seconde partie du projet de loi de finances pour 2023 : suite de l’examen des crédits des missions Défense et Anciens combattants, mémoire et lien avec la Nation.
    La séance est levée.

    (La séance est levée à vingt heures.)

    Le directeur des comptes rendus
    Serge Ezdra