établissements
Question de :
M. Alain Moyne-Bressand
Isère (6e circonscription) - Démocratie libérale et indépendants
Question posée en séance, et publiée le 27 janvier 2000
M. le président. La parole est à M. Alain Moyne-Bressand.
M. Alain Moyne-Bressand. Monsieur le ministre de l'éducation nationale, de la recherche et de la technologie, il y a deux ans, vous présentiez déjà un plan de lutte contre la violence dans les lycées. Ce plan se voulait différent des précédents. Vous ne pouvez aujourd'hui que constater son échec; le bilan est, hélas, sans appel. Tous les jours, des jeunes sont victimes dans les établissements scolaires d'actes barbares, marqués par une violence inouïe: tortures, brûlures, viols, et j'en passe. Ces faits ne sont ni isolés ni exceptionnels. La vérité, que vous ne voulez pas reconnaître, c'est que les jeunes, du fait de la carence des pouvoirs publics, doivent désormais s'habituer à travailler dans la violence.
C'est l'affaiblissement de l'autorité qui en est la cause. Et celle-ci, je l'indique au passage, ne sera certainement pas renforcée par les propos qu'aurait tenus récemment votre collègue ministre de l'environnement: «Ministre ou pas ministre, les militaires, il faut les fréquenter pour ne jamais oublier à quel point ils sont cons.» (Mouvements divers.)
Plusieurs députés du groupe Démocratie libérale et Indépendants. Inadmissible ! Scandaleux !
M. Alain Moyne-Bressand. Ce propos, relaté par un grand hebdomadaire, témoigne d'une inconséquence qui ne devrait pas être permise dans un gouvernement responsable.
Mais revenons à l'essentiel. Monsieur le ministre, comment le Gouvernement pourra-t-il pouvoir rendre confiance aux enseignants, aux jeunes et à leurs parents avec le nouveau plan que vous nous annoncez, alors que la délinquance des mineurs explose non seulement à l'intérieur des établissements, mais également dans l'ensemble de nos villes et banlieues ? Ce sont aujourd'hui des jeunes de moins de dix-huit ans qui commettent à eux seuls 20 % des crimes et délits. En 1998, 150 000 mineurs ont été interpellés. Tout cela ne se réglera pas, hélas ! en multipliant les emplois-jeunes ou en reprenant l'incantation des cours d'instruction civique. Le contraste devient singulier entre, d'un côté, cette violence généralisée et, de l'autre, la glorification et l'autosatisfaction permanentes du ministre de l'intérieur. En réalité, au-delà des discours, le Gouvernement et la majorité de gauche qui le soutient n'ont ni la volonté ni la capacité politique de faire de la lutte contre la violence une vraie priorité fondée sur une autorité retrouvée.
Monsieur le ministre, qu'allez-vous nous proposer maintenant ? Je vous le dis franchement: comme beaucoup de Français, je suis persuadé que le bric-à-brac de mesures que vous allez nous annoncer ne résoudra rien. Une fois de plus, vous aurez alimenté un nouvel espoir. La déception n'en sera que plus grande.
M. Alain Cacheux. La question !
M. Alain Moyne-Bressand. Il faudra attendre l'alternance et une nouvelle majorité pour avoir une vraie politique de sécurité. (Rires et exclamations sur les bancs du groupe socialiste. - Applaudissements sur les bancs du groupe Démocratie libérale et Indépendants, du groupe du Rassemblement pour la République et du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance.)
M. le président. La parole est à M. le ministre de l'éducation nationale, de la recherche et de la technologie.
M. Claude Allègre, ministre de l'éducation nationale, de la recherche et de la technologie. Monsieur le député, comme vous, comme tout un chacun, en tant que parent d'élève, enseignant ou simple citoyen, je suis choqué par les actes de violence qui se sont récemment produits dans les lycées et collèges. Comme vous, je les juge inadmissibles.
M. Aimé Kergueris et M. Roland Blum. Et par les propos de Mme Voynet ?
M. le ministre de l'éducation nationale, de la recherche et de la technologie. En tant que ministre, qui travaille sur ce sujet depuis deux ans et demi et qui dispose de données quantitatives, j'ai le devoir de préciser certains éléments à la représentation nationale.
Aujourd'hui, la violence ne concerne que 5 à 10 % des établissements. (Exclamations sur les bancs du groupe Démocratie libérale et Indépendants.) On compte dans ce pays une soixantaine d'établissements dans lesquels des faits de violence graves se produisent, et trois cents environ dans lesquels on relève des actes de petite violence. S'y ajoutent un certain nombre d'autres établissements où des sentiments de violence peuvent exister. C'est trop.
Le plan antiviolence I a été fondé autour de cinq principes: la concentration des moyens autour de neuf zones, la coopération entre l'éducation nationale, la police et la justice,...
M. Lucien Degauchy. C'est du baratin !
M. le ministre de l'éducation nationale, de la recherche et de la technologie. ... la mise en place d'aides-éducateurs et de moyens renforcés d'encadrement,...
M. Lucien Degauchy. Du baratin !
M. le ministre de l'éducation nationale, de la recherche et de la technologie. ... l'élaboration d'une pédagogie fondée sur la notion d'équipe et, enfin, une évaluation indépendante.
Chaque fois que les quatre premiers de ces principes ont bien fonctionné, la violence a diminué. Vous n'entendez plus parler de ces zones de la banlieue lyonnaise dont la célébrité était due à des actes de violence scolaire ni de certaines autres de la banlieue marseillaise.
Ce plan a donc réussi pro parte. Pour la toute première fois, il aura donné lieu à une évaluation indépendante. Celle-ci sera rendue publique demain par l'équipe a qui elle a été confiée, qui n'a rien à voir avec le ministère de l'éducation nationale.
Cela étant, il reste encore bien du chemin à faire. (Exclamations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)
M. Lucien Degauchy. Ca oui !
M. le ministre de l'éducation nationale, de la recherche et de la technologie. En effet, si l'on constate une focalisation des actes de violence sur un certain nombre d'établissements, il est vrai que ceux-ci deviennent de plus en plus graves, comme si l'on assistait à une perte de repères. Par ailleurs, on relève de petits actes de violence également dans l'enseignement primaire.
Tout cela demande de prolonger l'action entreprise, mais également d'engager un effort supplémentaire qui exige la mobilisation de tous.
M. Renaud Muselier. Ca, on sait !
M. le ministre de l'éducation nationale, de la recherche et de la technologie. Sans vous en donner le détail, je peux vous indiquer tout d'abord que l'Etat fera son devoir en apportant des moyens à la hauteur des besoins exprimés ici ou là, non seulement en personnels enseignants, qui seront désormais formés à ce problème, mais également en personnels sociaux et en équipes pédagogiques.
M. Yves Nicolin. Ce ne sont pas les moyens qui manquent, c'est la volonté !
M. Lucien Degauchy. C'est de la langue de bois !
M. le ministre de l'éducation nationale, de la recherche et de la technologie. Ensuite, nous voulons faire naître l'école du respect, du respect mutuel de tous les acteurs de l'école. La violence est intolérable, elle ne sera pas tolérée. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe socialiste.) La détermination du Gouvernement sur ce point est sans faille. En particulier, nous ferons ce que la majorité précédente a refusé (Vives exclamations sur de nombreux bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants), en permettant à la police d'intervenir dans les établissements difficiles et en faisant en sorte que la violence soit réprimée dès le départ.
Mais le traitement de la violence passe pas seulement par la répression. Le problème fondamental, c'est d'abord d'élaborer une nouvelle pédagogie pour ces zones. Chaque fois que cela est fait, cela se traduit par des succès.
M. le président. Concluez, s'il vous plaît !
M. le ministre de l'éducation nationale, de la recherche et de la technologie. Nous devons également donner à tous les jeunes des quartiers défavorisés un espoir. Cet espoir s'appelle intégration. Sur ce sujet également, nous ferons des propositions. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe socialiste et sur divers bancs du groupe communiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert.)
Auteur : M. Alain Moyne-Bressand
Type de question : Question au Gouvernement
Rubrique : Enseignement
Ministère interrogé : éducation nationale, recherche et technologie
Ministère répondant : éducation nationale, recherche et technologie
Date de la séance : La question a été posée au Gouvernement en séance, parue dans le journal officiel le 27 janvier 2000